Nidal

“You know what I did? I left troops to take the oil. I took the oil. The only troops I have are taking the oil, they’re protecting the oil. I took over the oil.”

  • Je ne suis pas journaliste, alors je n’ai qu’une idée assez éloignée de ces questions. Des avis éclairés m’intéresseraient…

    Le Monde a publié un dossier accusant l’armée syrienne d’utiliser des armes chimiques. Rien à redire.

    En revanche, aujourd’hui, l’information principale est le fait que les journalistes auteurs de ce reportage auraient ramené des échantillons, les ont confié à « la France » qui va les analyser : Armes chimiques en Syrie : des analyses à venir en France
    http://www.liberation.fr/monde/2013/05/28/armes-chimiques-en-syrie-des-analyses-a-venir-en-france_906200

    La France va analyser les échantillons de potentielles armes chimiques rapportés de Syrie par des journalistes du quotidien le Monde, a annoncé mardi un haut responsable français sous couvert de l’anonymat. « Des échantillons nous ont été remis (par les journalistes du Monde). Nous sommes d’accord pour procéder à des analyses », a déclaré ce haut responsable.

    J’ai donc deux questions d’ordre déontologique :

    1. Est-il « normal » que des journalistes, ou d’ailleurs n’importe quels citoyens, ramènent des échantillons de présumées « armes chimiques » dans ses valises ? Je veux dire, ça prend quelle forme ? Ça passe en soute ou en bagage à main ? Autrement dit : c’est normal qu’un journaliste ramène à Paris des produits qu’il suspecte être mortels « pour analyse » ?

    2. Les pays occidentaux ont déjà annoncé plusieurs fois qu’ils pourraient engager une action militaire s’ils détenaient la preuve de l’usage d’armes chimiques en Syrie, et on sait que la France fait partie des pays les plus pressés d’en découdre. Ainsi, autant il est normal qu’un journaliste témoigne de ce qu’il a vu, autant le coup de l’échantillon gentiment livré aux services français avec couverture médiatique qui va bien, j’ai un doute sur l’aspect déontologique. On sait (ou pas) que l’ONU a une enquête en cours, que les Russes (et le gouvernement syrien) réclament une commission d’enquête internationale « équilibrée » dans son composition (c’est à dire pas seulement des Occidentaux), pour éviter qu’un Fabius (ou autre) ne se pointe au Conseil de sécurité en agitant une petit fiole de pseudo-anthrax et des photos truquées. (Parce que ce genre de chose s’est déjà vu.)

    Je vois deux difficultés ici :

    (a) le fait qu’un journaliste devienne acteur dans le possible déclenchement d’une intervention militaire ; le témoignage direct est une chose, la petite fiole d’échantillon en est une autre ; mais PPDA n’avait-il pas « sauvé » un petit irakien ?

    (b) le fait que, par sa médiatisation et son transfert à « la France », l’échantillon change de nature. En admettant qu’on puisse ramener une arme chimique à Paris pour les besoins d’un témoignage journalistique, cela n’est jamais qu’un élément de soutien à un témoignage journalistique : une seule personne (un témoin, si l’on veut) fait vérifier ce qu’il a constaté par une analyse (pas besoin de passer par « la France »). Mais ici, on change de dimension : « la France » va analyser. Mais il s’agit d’un échantillon, recueilli par un non-spécialiste, dans des conditions mal connues, une seule personne possiblement partisane, alors qu’à l’ONU on négocie actuellement avec les Russes et les Syriens pour constituer (ou non) une commission d’enquête constituées de spécialistes pas seulement occidentaux, pour que cette commission soit inattaquable quant à son impartialité – l’idée étant tout de même que la guerre via l’ONU serait plus ou moins une affaire de droit (la preuve est une notion juridique forte), pas de conviction de l’opinion publique. N’y a-t-il pas ici une confusion dans le rôle d’un journaliste, son relevé d’éléments de preuve, et l’utilisation de ces éléments de preuve par un État déjà largement engagé dans le conflit ?

    • De ce que je lis chez PhG, les US ont compris que les Russes ne reculeraient pas. Les Français ne l’ont pas encore compris. Ils vont le comprendre, tôt ou tard, forcément. J’ignore comment les Russes décideront de le signifier, mais cela devrait se voir. La médiocrité actuelle des politiques français rappelle à certains égards celle de la 4ème République (1956, Suez...)

      http://seenthis.net/messages/142515

    • Grizzly, je comprends ce que tu dis, mais je ne me place volontairement pas sur ce terrain de l’accusation de manipulation. Je pose exclusivement la question de la déontologie : est-ce le rôle d’un journaliste ?

    • voilà ce qu’écris le Monde pour justifier son choix

      Le seul centre scientifique certifié en France pour procéder à de telles analyses relevant du ministère de la défense, ces échantillons ont été remis aux autorités françaises, qui se sont engagées à remettre au Monde l’intégralité des résultats de cette étude.

      http://abonnes.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/05/28/syrie-le-monde-fait-expertiser-des-echantillons_3419368_3218.html
      Il serait intéressant de savoir si la rédaction a débattu sur les enjeux que tu soulèves à juste titre.

    • Ils ne sont journalistes que parce qu’ils ont une carte de presse. Ce sont de vulgaires propagandistes qui considèrent qu’ils n’ont même plus besoin de le cacher. En effet, leurs journaux ne sont pas lus et/ou pas crus par l’opinion. Ils fonctionnent par contre à l’intérieur d’une bulle politico-médiatique ou le journaliste se fait l’écho de ce que veut le politique qui en tire argument pour invoquer un supposé appui de l’opinion à ses thèses et à ses actions. C’est à peu près ce que Raymond Barre appelait le microcosme.

    • sous l’article du Monde il y a un commentaire

      Samosate 28/05/2013 - 09h18
      Est-ce bien le rôle d’un journal de fournir des éléments à un Etat pour provoquer une entrée en guerre de son pays ? J’ouvre le débat.

      assez mal perçu par les autres va-t-en guerre de lecteurs !

    • De notre côté, on se pose la question du « comment légalement ils ont pu ramener des cannettes de produits toxiques en avion ». Parce que derrière on sait que si c’est bien reconnu comme toxique, les occidentaux se sentiront le droit d’intervenir en nombre pour enfin dézinguer le pouvoir Syrien, qu’ils tentent de dézinguer depuis... 10 ans ? 20 ans ? On ne sait plus.
      On se pose la question « comment légalement » ? Mais toute idée d’intervention est illégale. Fondamentalement. Si on se réfère à ce qui a été plus ou moins reconnu par le passé comme le droit international. Donc, pourquoi ne pas, plutôt, se poser la question de la légalité des prétentions occidentales ? Cela fait longtemps que plus personne ne se risque sur ce terrain ennuyeux. Pourtant, il serait autrement plus prolifique. Et c’est d’ailleurs sur ce seul terrain que les russes font porter la discussion, quoique nos super-médias-déontologiques-et-avec-de-supers-journalistes-qui-prennent-des-risques (risques si ça se trouve tout à fait véridiques, oui, ils se sont peut-être bien pris des gaz lacrimos améliorés dans les narines (je n’ose dire « à la façon NDDL »)). Les russes ne soutiennent pas Assad. Ils soutiennent le principe de la souveraineté de ce pays... Et ils soutiennent que ce qui s’est passé en Lybie (agression pure et simple) ne se reproduira pas, afin que les précédents irakiens, yougoslaves et afghans ne se reproduisent, avec les désastreux effets de long terme que l’on connaît.
      Bref. Que le Monde soit parti d’un complot ou pas n’a que peu d’importance. N’empêche que si c’est le cas, c’est une énième confirmation de la duplicité de ces gens, à un niveau qu’en effet, on avait sans doute du mal à admettre.