• « Tout a brûlé, que vais-je manger demain ? » La #Bolivie dévastée par les #incendies

    En #Amazonie bolivienne, les incendies sévissent depuis des mois. Trop longtemps laissés seuls face au drame, les locaux se sont organisés avec les moyens du bord, dérisoires.

    « L’État a mis beaucoup trop de temps à réagir et maintenant, il se félicite de prendre les mesures adéquates. Sauf que c’est trop tard, les dégâts sont irréversibles », affirme Valéria Kiesekamp, habitante de Rurrenabaque, la plus grosse ville de la zone touchée par les feux. Après plus de quatre mois d’incendies dans le département du Béni et de La Paz, en Amazonie, le gouvernement bolivien a enfin pris la décision de demander l’aide internationale, lundi 20 novembre.

    L’incendie serait parti d’un chaqueo. Une pratique ancestrale de la culture indigène qui consiste à brûler intentionnellement une terre pour la rendre à nouveau fertile. Cependant, avec la sécheresse et l’absence de pluie, le feu n’a pas pu être éteint et à la mi-novembre, les flammes se sont intensifiées dans la zone autour de la rivière Béni, qui couvre le parc national Madidi et la réserve du Pilon Lajas. Ces deux parcs naturels abritent l’une des biodiversités les plus riches du monde. Il aura fallu attendre que des maisons soient détruites pour que le gouvernement réponde aux demandes des locaux.

    Depuis le samedi 11 novembre, six habitations de la communauté de Buena Vista ont brûlé dans la municipalité de San Buenaventura, qui se trouve un peu plus au nord du pays, enfoncée dans la jungle. « Ici, il y avait ma maison », montre Albertina Gomez. Au sol, un tapis de cendres. Difficile même d’imaginer qu’il y avait une habitation. « Il n’y a plus rien », dit-elle avant de repartir en larmes. Il aura suffi d’une seule braise emportée par le vent pour que la propriété de cette Bolivienne âgée de soixante ans s’embrase. Plus loin, des débris de verre jonchent le sol. Un ventilateur n’a pas fini de fondre. Les maisons de ce bourg sont presque toutes désertes depuis bientôt deux semaines. Les habitants ont été évacués dans les communautés voisines. La fumée âcre, elle, persiste.
    3,3 millions d’hectares partis en fumée

    La communauté a aussi perdu ses plantations. Des champs de cacao, de bananes, il ne reste rien. C’est Dario Mamio qui constate les pertes au lendemain du premier sinistre : « Qu’allons-nous manger demain ? Ce que je devais bientôt récolter a disparu. Il n’y a plus rien, tout a brûlé, que vais-je manger demain ? » Il s’essuie les yeux d’un revers du bras. La nuit a été longue. Il a lutté contre les feux jusqu’à l’aube. Sur son visage, des traces de cendres noires commencent à s’effacer avec la sueur. Une semaine plus tard, le village reste très menacé par les flammes, il s’agit même d’une des zones les plus critiques du département. C’est d’ailleurs là-bas que doit se concentrer l’aide internationale coordonnée notamment avec le Venezuela ou encore la France.

    Depuis le début de l’année, la Bolivie a perdu plus de 3,3 millions d’hectares à cause des incendies. L’État a longtemps minimisé la situation de catastrophe dans laquelle se trouve la région et a même accusé les indigènes de répandre des fausses informations. L’aide qui avait été envoyée jusque-là par le gouvernement, c’est-à-dire quelques pompiers en renfort et trois hélicoptères, était loin d’être suffisante. Alors les communautés locales ont été contraintes de se mobiliser, entre elles, jour et nuit pour tenter de contrôler les incendies.

    « Si je ne le fais pas, qui va défendre nos terres ? Sûrement pas l’État ! »

    Rapidement, les habitants ont organisé un système de rondes. « Toutes les activités ont été suspendues. Tous ceux capables de marcher plusieurs heures et de résister à la chaleur sont actuellement occupés par les feux. On ne peut pas se permettre de continuer la vie normalement », nous raconte Teresa, l’une des bénévoles qui ont lutté contre le feu autour de Rurrenabaque. À ses côtés, Nils Rodriguez, étudiant de vingt ans a passé plusieurs nuits à défendre le centre animalier de la Cruz Verde. « Si je ne le fais pas, qui va défendre nos terres ? Sûrement pas l’État ! » s’indigne-t-il, le regard fatigué.

    Non loin du centre de la Cruz Verde, Miguel de la Torre arrosait sa maison comme tous les matins depuis le début de l’incendie avant d’aller prêter main forte. « Voir qu’une infrastructure en ciment a pu brûler, ça fait très peur, imaginez avec nos cabanes traditionnelles. En deux minutes, il n’y aura plus rien. » Perché sur son toit, il explique qu’autour du Béni, les habitations sont construites à partir de matériaux naturels issus de la jungle, bambou, feuilles de palmiers séchées, bois, et donc facilement inflammables.
    « Je ne peux pas aller au front, alors j’aide en seconde ligne »

    Malgré l’aide internationale, qui a commencé à soulager les locaux, la tension n’est pas redescendue. « Tant qu’il y aura du feu, on continuera de lutter », dit Luz de Sure. Sur les rives de la rivière, les citadins de Rurrenabaque se sont aussi organisés. Luz et Valeria achetaient des vivres avec des dons et naviguaient quotidiennement sur le Béni pour semer à plusieurs entrées de la forêt, des bouteilles d’eau et de quoi grignoter pour aider les volontaires à tenir. « C’est une zone de guerre, nous a déclaré Luz. Je ne peux pas aller au front, alors j’aide en seconde ligne. »

    Sur place, les militants environnementaux s’accordent à dire que la région va connaître une crise alimentaire importante à la suite de ces feux. Les locaux s’inquiètent aussi pour la faune et la flore. De nombreux animaux ont été retrouvés calcinés. Et, avec la saison des pluies qui arrive, tout ce qui a brûlé va tomber dans la rivière et intoxiquer ces eaux vitales pour les indigènes.

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