Un effet secondaire assez réjouissant des énormes manifestations transconfessionnelles libanaises, c’est de désavouer par les faits deux des principales sources d’analyse et d’information que l’on nous impose usuellement pour évoquer le Liban.
De manière spectaculaire, l’ensemble des grands médias français qui, depuis des années, focalisent toutes leurs présentations du pays sur son confessionnalisme (et même, généralement, le choix des films libanais qui « réussissent » en France). Genre les « reportages » d’Arte tous les six mois…
L’autre source désavouée, ce sont les expatriés confessionnalistes omniprésents en France et aux États-Unis, avec une prépondérance de propagandistes de l’extrême-droite chrétienne (réhabillés en « experts du terrorisme islamique »), que l’on croise absolument partout, tout le temps, et qui assuraient que les Libanais étaient indécrottablement confessionnalistes, et que les revendications pour mettre fin au système libanais relevaient de petits groupes gauchistes qui ne représentent personne.
Et du coup, j’en arrive à un autre effet secondaires des manifestations monstrueuses : depuis le temps que je fréquente des libanais, en dehors des propagandistes de droite, je fais presque toujours le même constat : je rencontre une énorme majorité de ressortissants libanais qui dénoncent le confessionnalisme, qui voudraient que le système politique devienne une république pour ses citoyens (et non un système de répartition confessionnelle des prébendes), et qui dans le même temps sont persuadés d’être ultra-minoritaires et donc impuissants.
L’effet des énormes manifestations transconfessionnelles risque d’être durable : quoi qu’il arrive, cette immense majorité de libanais qui se croyaient minoritaires découvrent qu’ils font masse. Je pense que c’est fondamental. Le système parviendra peut-être à réimposer, un temps, son système de paranoïa confessionnelle en organisant des violences miliciennes, l’effondrement du système économique pourra peut-être condamner à nouveau les gens à dépendre de l’économie communautariste : mais on ne pourra plus faire croire à cette génération que c’est le choix politique de la majorité.