Je suis cette vieille Célimène,
Très laide, mais non pas vilaine.
Je suis une pauvre créole,
Qui n’a pu aller à l’école,
Légère en conversation,
Mais pas du tout en action ;
J’ai la tête remplie de vers,
Que je fais a tort et à travers.
Trop froissée, je satirise
L’impoli qui me ridiculise.
Et jamais je [ne] me déguise.
Je fais connaître le ridicule,
Aux bigots je fais sauter la bascule,
Il faut que celui qui avance recule,
Reste honteux, gobe la pilule.
Je respecte les vrais dévots,
Mais je crains beaucoup les bigots.
Avec les fous je fais la folle,
Avec les sots, je fais la sotte ;
Et jamais ne perds la boussole ;
Pour éviter les avari[e]s,
Les grandes, les gros et les petits,
Blancs, noirs ou gris sont mes amis.
J’admire l’aristocratie,
J’aime et plains la démocratie,
Car j’appartiens à la dernière,
Mais je respecte la première,
Car ma vie n’a pas été que fleurs ;
Dans mes plus grands fonds de douleurs,
Les mains de toutes les couleurs
Sont venu[e]s essuyer mes pleurs.