sait qu’en tant qu’alcoolique repentie (pas une seule goutte depuis maintenant plus de vingt-six ans, félicitez-la) elle est demeurée assez fan de cette fameuse saillie de W.C. Fields où le ceusse arguait que « s’il buvait c’était pour rendre les autres intéressants » — parce que c’est exactement ça, en fait : au début on essaie tout, on se défonce avec à peu près n’importe quel produit tout simplement parce que la came ça nivelle, ça met tout le monde sur un pied d’égalité et c’est la seule façon qu’on a pour pouvoir aborder les gens, puis on s’aperçoit que quand on est défoncée on ne rencontre en réalité que d’autres défoncé(e)s, puis on se rend compte que ça ne fonctionne pas parce que les défoncé(e)s sont encore plus stupides et insupportables que celleux qui ne se défoncent pas alors on les laisse tomber elleux aussi — et là on se rabat sur l’alcool parce que c’est la seule drogue qui ne nécessite rigoureusement aucun lien social pour pouvoir s’en procurer.
Après on se fait soigner, on rechute, on se refait soigner, on rerechute, on se rerefait soigner, on ne rererechute pas, mais comme on a quand même fini par comprendre qu’on n’était pas faite pour la vie on abandonne complètement l’idée d’avoir des relations sociales — or heureusement entre-temps Facebook est inventé, les gens n’y sont pas plus intéressants que dans la « vraie » existence (1) mais là au moins il suffit d’un coup de souris pour clore une pseudo-discussion, c’est moins nocif que le douze degrés.
Franchement, elle se dit parfois que si Internet avait existé à « son » époque ça lui aurait grandement suffi, elle n’aurait jamais cherché à fréquenter personne et n’aurait subséquemment bu que de l’eau du robinet durant toute sa vie.
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(1) À l’exception du Lectorat du présent flux, évidemment, puisque ici la sélection est terrible : il n’y a que la crème de la crème.