En clair : toujours moins de satire, toujours moins dâĂ©missions sur le terrain, qui montrent la rĂ©alitĂ© sociale du pays, toujours moins de paroles indĂ©pendantes et de culture, et toujours plus dâexperts et dâĂ©ditorialistes qui « commentent » lâactualitĂ© avec un point de vue macroniste. Comme sur BFM. Une reporter explique Ă Mediapart : « Tout ce qui porte la marque du reportage est menacĂ©. Le reportage a le dĂ©faut de coller Ă la rĂ©alitĂ© et nâest pas dogmatique. Il donne Ă voir un pays fracturĂ©, qui va mal et sâappauvrit ».
En revanche, on ne sâinquiĂšte pas pour les Ă©missions de LĂ©a SalamĂ©, compagne de Glucksmann, qui accueille les grands patrons avec de grands sourires et aboie sur le moindre invitĂ© de gauche, ni pour les nouvelles Ă©missions nulles sur la « sexologie », qui elles, devraient rester⊠La direction est en train de suicider la radio.
La situation pourrait mĂȘme sâaggraver, puisque la rĂ©forme de lâaudiovisuel public, qui prĂ©voit de rapprocher Radio France et France TĂ©lĂ©visions, sera discutĂ©e au mois de mai. Sachant que la Macroniste hardcore Aurore BergĂ© est dans le conseil dâadministration de France tĂ©lĂ©vision.
Cette purge avait commencĂ© en 2014, quand lâĂ©mission de Daniel Mermet, « LĂ bas si jây suis », avait Ă©tĂ© dĂ©programmĂ©e. Cette Ă©mission quotidienne donnait depuis 1989 la parole Ă des auditeurs et auditrices et couvrait les luttes sociales, allait sur le terrain, diffusait des propos contre le capitalisme et le colonialisme, nâhĂ©sitant pas Ă dĂ©noncer le gouvernement. Lâun de ses reporters Ă©tait⊠François Ruffin. Une autre Ă©poque oĂč il nâĂ©tait pas interdit dâĂȘtre de gauche. Impensable aujourdâhui, alors que lâextrĂȘme droite a imposĂ© son hĂ©gĂ©monie partout. La chute en quelques annĂ©es de la pluralitĂ© mĂ©diatique est vertigineuse.
Ces derniers jours, la nouvelle direction a montrĂ© lâampleur de sa lĂąchetĂ© et de sa connivence avec lâextrĂȘme droite. Alors quâune ancienne journaliste de la radio, Nassira El Moaddem, subissait une campagne diffamatoire raciste lancĂ©e par Cnews, France Inter sâest dĂ©solidarisĂ©e dans un communiquĂ©, disant « nous avons bien reçu vos messages [rĂ©clamant le licenciement de la journaliste] et nous les comprenons » et prĂ©cisant quâelle « nâest pas, Ă ce jour, salariĂ©e de lâantenne ou de Radio France ».
Le message envoyĂ© est gravissime. Au lieu de dĂ©fendre une journaliste face Ă lâextrĂȘme droite au nom de la libertĂ© de la presse, Radio France la lĂąchait aux chiens. Maintenant, les fascistes savent quâils peuvent lancer des campagnes pour briser qui bon leur semble. France Inter a discrĂštement modifiĂ© son communiquĂ© depuis, mais le mal est fait.
Qui est derriĂšre cette purge violente et ce recadrage politique ? Dâabord Sibyle Veil, une Ă©narque et copine de promotion de Macron, qui a Ă©tĂ© nommĂ©e Ă la tĂȘte de Radio France. Ensuite, la nouvelle cheffe de France Inter se nomme AdĂšle Van Reeth, en couple avec RaphaĂ«l Enthoven, faux philosophe et vrai propagandiste macroniste, dĂ©vorĂ© par la haine de la gauche et violemment pro-israĂ©lien, qui avait dit en 2022 quâil prĂ©fĂ©rerait voter Le Pen que MĂ©lenchon. Depuis lâarrivĂ©e de Van Reeth Ă France Inter, le nombre dâinvitĂ©s dâextrĂȘme droite a explosĂ© et des Ă©missions trop critiques Ă lâĂ©gard du pouvoir ont Ă©tĂ© Ă©vincĂ©es. Bref, la direction de la radio publique est dĂ©sormais 100% macroniste, frĂ©quente le mĂȘme monde, vient du mĂȘme milieu que les millionnaires au pouvoir.
Ce qui se joue Ă France Inter est un symptĂŽme. Plus aucune parole dissidente nâest tolĂ©rĂ©e : les manifestations sont rĂ©primĂ©es dans le sang, le plus grand mouvement de gauche, pourtant sobrement social-dĂ©mocrate, la France Insoumise, est traitĂ© dâantisĂ©mite et inquiĂ©tĂ© pour « apologie du terrorisme », les mĂ©dias indĂ©pendants sont menacĂ©s. Peu Ă peu, la dictature sâinstalle tranquillement, Ă pas feutrĂ©s. Et lâextrĂȘme droite bĂ©nĂ©ficie, elle, de plusieurs radios et tĂ©lĂ©visions nationales. Le spectre mĂ©diatique autorisĂ© nâira bientĂŽt plus que de Macron Ă Zemmour.
Six syndicats de Radio France ont dĂ©posĂ© ce soir un prĂ©avis de grĂšve pour le 12 mai afin de « dĂ©fendre la libertĂ© dâexpression ». On leur souhaite de faire trembler la nouvelle direction et de parvenir Ă stopper la purge en cours.