Nous tirons l’alarme et transmettons ce que nous savons pour l’heure à propos de cette situation inacceptable dans laquelle les autorités fédérales mettent en danger l’intégrité d’une vingtaine de personnes kurdes détenues à l’aéroport de Zurich et ceci, en toute impunité, en s’appuyant sur des éléments qui ne respectent pas les droits des personnes et qui détournent la loi. A partir de ces premières informations, nous vous invitons à mettre la lumière rapidement sur cette scandaleuse action des autorités :
20 personnes kurdes sont détenues actuellement à l’aéroport de Zürich en toute illégalité, en vue d’une expulsion vers l’Afrique du Sud, décision prise en toute impunité par le Secrétariat d’Etat Aux migrations à l’appui d’arguments totalement abusifs justifiant de ne pas examiner les demandes d’asile de ces personnes ! Parmi elles, 4 familles, 8 enfants et notamment, un politicien kurde, Osman Erdal, et le journaliste, Mustafa Mamay, pour lequel la « European Federation of journalists » et Reporters sans frontières se sont mobilisés (voir joint).
Les personnes concernées :
Ces personnes sont kurdes, d’origine turques et syriennes pour les adultes. Les enfants, pour la plupart, sont apatrides, et nés en Irak.
Ils vivaient en Irak, en Syrie, en Turquie et sont tous exilés en liens avec leur origines kurdes ou activités politiques et journalistiques.
Tous ont transité par l’Afrique du Sud et se sont rendus en Suisse afin de pouvoir trouver une protection aux persécutions subies.
Ils ont tous demandés l’asile. La plupart ont déjà reçu une décision de renvoi, certains attendent une décision suite à leur recours et certains ont déjà reçu une décision négative du tribunal administratif fédéral.
Pour tous, les autorités ont refusé d’examiner les motifs d’asile sur le fond, comme s’il s’agissait des cas pouvant être traités dans le cadre du Règlement Dublin III appliqué par les pays européens … sauf que là, il s’agit d’un transit en Afrique du Sud !
En plus des démarches sur le plan juridique une manifestation de soutien a eu lieu vendredi le 19 octobre à Zurich.
Conditions de détention illégales :
Les enfants ont 3, 5, 6, 8, 13 ans et la plus jeune est âgée de 2 ans !
Ces familles avec enfants, comme tous les autres, sont isolées dans des conditions de détention administrative dans la zone de transit de l’aéroport de Zurich depuis des semaines et depuis plus de 40 jours pour certaines (familles Korkmaz et Kiyat). Ceci, en tout impunité et illégalité, comme l’a rappelée récemment le conseil Fédéral lui-même (Lors de sa séance du 28 septembre 2018, le Conseil fédéral a pris position de la manière suivante : « Le Conseil fédéral précise que l’application de mesures de contrainte aux familles et aux mineurs relève de l’exception. (…) La détention administrative relevant du droit des étrangers est exclue pour les mineurs de moins de 15 ans »)...
Les conditions de détention sont insupportables surtout pour les enfants. Tout lien avec l’extérieur est coupé et plusieurs personnes sont entassées dans un endroit fermé. Les enfants n’arrivent pas à manger les repas proposés et il n’y pas d’espace qui leur est dédié.
Décision scandaleuse
Références légales floues et argumentation malhonnête
Nous avons eu accès à une des décisions du SEM, qui semble confirmer que les autorités naviguent dans des zones grises et d’illégalité pour décréter que ces personnes doivent être refoulées, si besoin de force, en Afrique du Sud. Il s’agit de celle qui concerne le journaliste Mustafa Mamay, qui a donc bien demandé l’asile à la Suisse.
Tout d’abord, le SEM se réfère au fait que l’intéressé peut retourner en Afrique du Sud du moment que c’est un État tiers sûr et qu’il y a « séjourné » (art. 31 al.b point c Lasi), tout en admettant dans les faits qu’il n’y a passé que 3-4 jours !
Par ailleurs, sans base légale, le SEM prétend que les personnes peuvent revenir au pays de départ de leur voyage si l’entrée dans le pays leur est refusée, et cela « indépendamment des papiers avec lesquels ils voyagent ». (Il faut savoir que M. Marmay, pour pouvoir permettre son exil, a voyagé au moyen d’un faux passeport qui a été saisi par les autorités suisses.)
Risque de déportation en cascade et non-respect du principe de non-refoulement
En plus de renvoyer la responsabilité de l’examen de la demande d’asile l’Afrique du Sud sur des bases complètement arbitraires, le SEM nie tout risque de refoulement et de non-respect des droits des personnes. Ce faisant, il prétend que le fait que l’Afrique du Sud est signataire des conventions internationales en matière de réfugié et que le système juridique est opérationnel est suffisant pour refouler les personnes concernées dans ce pays.
Par ailleurs, le SEM admet que les personnes qui ne peuvent montrer leur identité ou dont la nationalité ne peut être déterminée sont placées en détention en Afrique du Sud mais conclut que, de toute manière, il y a dans ce pays des organisations et qu’un accès à une défense juridique est garanti et que ces détentions ne sont que temporaires… !
Pourtant, les juristes des familles viennent d’obtenir des documents d’organisation de défense des droits humains en Afrique du Sud allant clairement à l’encontre des vagues recherches du SEM visant à montrer qu’il n’y a pas de risques de refoulement pour les personnes concernées. En effet, selon "Lawyers fo Human Rights", une association d’avocats active en Afrique du Sud, la situation des requérant-e-s d’asile dans ce pays est catastrophique et 96% des demandes d’asile sont rejetées sans raisons valables. De plus l’avocate précise que les personnes concernées risquent un refoulement vers la Turquie encore accentué par le fait que ces dernières ne possèdent pas de passeport (2 En effet, le Department of Home Affairs’ officials at the Desmond Tutu Refugee Reception Office (correspond au département des affaires intérieures, secteur asile) a introduit en 2017 l’exigence que les requérant-e-s d’asile en Afrique du Sud soient en possession d’un passeport valide ou d’un visa de transit "issued at South Africa port of entry" pour pouvoir déposer une demande d’asile dans le pays...).
On sait par ailleurs qu’en Afrique du Sud, environs un million de demande d’asile n’ont pas encore été traitées et des dizaines de réfugiés ont perdus la vie à la suite de plusieurs agressions commises contre les demandeurs d’asile ou réfugiés.
En plus des refoulements réguliers décrits par les avocats, la Turquie et l’Afrique du Sud ont signé un Accord en 2003, notamment concernant les infractions terroristes et la coopération policière qui met clairement en danger les opposants identifiés. Le procès de M. Mamay, journaliste dans plusieurs médias kurdes et d’opposition, constitue aux yeux du gouvernement justement un délit terroriste et c’est une raison de plus pour affirmer que le risque de refoulement et d’emprisonnement est objectif.
Urgence :
Certaines personnes et familles peuvent être déportées sous peu. L’ensemble des décisions à leur encontre et des conditions dans lesquelles elles se trouvent sont totalement inacceptables. Ces décisions et les conditions de détentions qu’elles subissent doivent être connues d’un maximum de personnes et d’organisations et nécessitent d’être rapidement dénoncées !
Nous appelons les personnes solidaires et les organisations à se mobiliser !
Nous appelons les médias à ne pas maintenir dans l’ombre ces pratiques totalement immondes dont nous avons eu échos grâce à quelques réseaux de soutien !
Toutes les personnes concernées doivent être libérées immédiatement et leur demande d’asile doit être examinée en Suisse !
Nous devons refuser que les administrations piétinent en toute impunité, le droit de personnes et d’enfants à s’exiler en Suisse.
Le collectif R
Personnes concernées :
Famille Kiyat
• Nasrettin Kiyat, 1976, Van/Çatak (Turquie)
• Roza Kakaeva,1986, Kirghizistan
• Dicle Kiyat, 2005, Irak (apatride)
Famille Doğan
• Edibe Doğan, 1977, Mardin (Turquie)
• Pelin Korkmaz, 2005, Irak (apatride)
Famille Abdu
• Süleyman Abdu, 1981, Kamışlo - Syrie
• Ibtisam Farhan 1985, Kamışlo - Syrie
• Serhad Abdu 2014, Kamışlo - Syrie
• Selin Abdu 2017 (Turquie)
Famille Apaydın
• Gazi Apaydın, 1978, Şırnak (Turquie)
• Keser Apaydın, 1987, Şırnak (Turquie)
• Zilan Apaydın, 2006, Irak (apatride)
• Dilan Apaydın ,2006, Irak (apatride)
• Ruken Apaydın, 2010, Irak (apatride)
• Dalila Apaydın, 2013, Irak (apatride)
Personnes individuelles
• Doğan YILDIRIM, 1991, Şırnak/Silopi (Turquie)
• Ramazan Turan, 1994, Diyarbakır (Turquie)
• Osman Erdal 1956, Urfa (apatride)
• Mustafa Mamay, 1987, Kars (Turquie)
• Izzet Ablak, 1992, Mardin (Turquie)