• Dans les #lagons polynésiens, les #déchets invisibles du temps du nucléaire

    En trente ans de présence sur le territoire polynésien puis à la suite de son démantèlement, le #Centre_d’expérimentation_du_Pacifique a produit de très nombreux déchets. Si certains ont été enterrés, d’autres ont été jetés dans le lagon. Les #risques que représentent ces déchets contaminés restent difficile à établir.

    Combien de tonnes de déchets gisent au fond des lagons polynésiens ? Difficile à dire. Il existe bien des #chiffres de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) : « 3 200 tonnes de déchets radioactifs ont ainsi été immergées dans les eaux territoriales françaises en Polynésie. » Mais prennent-ils réellement en compte l’ensemble des déchets jetés dans l’océan à l’époque des #essais_nucléaires ? Rien n’est moins sûr. Une partie de ces déchets n’ont sans doute pas été comptabilisés car ils n’ont simplement pas été inventoriés.

    Entre 1966 et 1996, 193 essais nucléaires ont été menés en #Polynésie, sur les #atolls de #Moruroa et #Fangataufa, dans l’#archipel_des_Tuamotu. Ces tirs aériens dans un premier temps, puis souterrains à partir de 1975, ont généré une très grande quantité de déchets plus ou moins radioactifs, c’est-à-dire qui ont la particularité d’émettre des rayonnements pouvant présenter un risque pour l’homme et l’environnement. Ces déchets sont très hétérogènes, ce sont à la fois les avions qui récupéraient les #poussières_radioactives dans les nuages, des moteurs d’engins, des matières plastiques, des tenues et des chaussures, des déchets inertes (gravats, terre…).

    Jeter dans le #lagon : une solution rapide et peu coûteuse

    L’immersion des déchets, soit le dépôt sur les #fonds_marins, est, à l’époque, une pratique commune. On parle « d’#océanisation » des déchets. En Polynésie, ces derniers sont ainsi stockés sur plusieurs sites entre les atolls d’#Hao et Moruroa, à partir de 1967. Une fosse de 2 500 mètres de profondeur est d’abord creusée à 8 km de Hao. Selon les chiffres de l’Andra, 310 tonnes de déchets radioactifs conditionnés en fûts de béton et 222 tonnes de #déchets_radioactifs en vrac ont été immergées sur le site nommé #Hôtel. Deux sites (#November et #Oscar) sont utilisés à Moruroa, pour procéder à des immersions de plusieurs tonnes déchets à partir d’hélicoptères et de bateaux.

    Mais pourquoi avoir pollué les eaux polynésiennes ? Selon l’Andra, « l’#évacuation en mer a été un moyen de gestion de tout type de déchets. Les déchets radioactifs n’ont pas fait exception à cette règle. Cette solution était considérée à l’époque comme sûre par la communauté scientifique car la dilution et la durée présumée d’isolement apportées par le milieu marin étaient suffisantes ».

    En l’absence de filière de gestion, l’océanisation apparaît comme la seule solution. L’éloignement des sites explique aussi ce choix, selon Jean-Marie Collin, directeur de la Campagne ICAN en France (Campagne Internationale pour Abolir les Armes Nucléaires) : « Ramener les déchets jusque dans l’Hexagone était une solution plus coûteuse et plus complexe. Creuser un trou dans le désert en Algérie ou jeter par-dessus bord en Polynésie étaient une alternative bien plus simple », regrette-t-il.

    Dans le livre Des bombes en Polynésie, l’historien Renaud Meltz détaille la pratique : « Les militaires tiennent l’inventaire à la Prévert, mois après mois, des quelques tonnes de petits matériels (900 paires de gants, 272 kg ; 883 combinaisons, 618 kg, 200 paires de pataugas 200 kg, etc.) et des milliers de tonnes de gros matériel sont livrés à l’océan. »

    En 1972, la Convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers interdit l’immersion de déchets fortement radioactifs. Elle entre en vigueur en août 1975. Mais les Français font fie des réglementations internationales. Alors que l’immersion au large des côtes métropolitaines s’arrête en 1969, elle continue en Polynésie jusqu’en 1986.

    Des conditionnements sommaires

    Mais si ces déchets posent problème c’est aussi parce que leur #conditionnement a souvent été négligé. Pourtant, une procédure impose que « tous les déchets radioactifs doivent être déposés dans des sacs en vinyles soudés ou fermés hermétiquement par bandes adhésives. Ces sacs sont ensuite placés dans des fûts ou autres récipients lestés (ciment ferrailles). »

    En théorie, les déchets doivent donc être conditionnés selon leur #radioactivité. Dans les faits, tous ne le sont pas. « Seuls ceux dont la taille permet d’être entreposé dans des fûts profitent d’un conditionnement, les autres restent en vrac. Aussi, une partie des résidus, produits au fond des puits ou les bombes détonnaient n’ont jamais été remontés », écrit le chercheur spécialiste du nucléaire Teva Meyer dans l’ouvrage Des bombes en Polynésie.

    En 1970, huit fûts provenant des laboratoires de Mahina sont immergés sans conditionnement, après avoir été percés pour éviter l’éclatement. À partir de mars 1975, cinq avions Vautour utilisées pour traverser les nuages des explosions pour récupérer les poussières radioactives, sont coulés.

    En 1982, le rapport de la #mission_Haroun_Tazieff pointe les problèmes liés aux déchets dans le lagon, entraînés par la tempête en mars 1981. En 1988, la #mission_Calypso, dirigé par le commandant Cousteau, indique que Moruroa n’est pas un bon site de #stockage de déchets radioactifs. Ils considèrent qu’« il n’y a aucune raison de croire que si certains critères de confinement semblent nécessaires au stockage des déchets des centrales nucléaires civiles, ils ne soient plus nécessaires pour stocker les déchets des essais nucléaires militaires. » Trop tard, les immersions ont été faites, trop souvent sans protection.

    Quels #risques pour la population ?

    Aujourd’hui, les déchets datant de l’époque du nucléaire n’ont pas disparu des eaux polynésiennes. Représentent-ils un risque pour les populations ? Selon l’Andra, ces 3 200 tonnes de déchets radioactifs immergés représentent une activité totale inférieure à 0,1 TBq (térabecquerel).

    Le département de suivi des centres d’expérimentations nucléaires (DSCEN) en lien avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) effectue une surveillance radiologique de Moruroa et Fangataufa depuis 1998. « Les #radionucléides d’origine artificielle mesurés dans les échantillons sont présents à des niveaux très faibles et souvent inférieurs ou voisins de la limite de détection des appareils de mesure de la radioactivité. Les concentrations mesurées dans le milieu terrestre et les sédiments marins gardent la trace des essais atmosphériques effectués sur les atolls de Moruroa et Fangataufa. Les niveaux d’activité dans ces compartiments restent stables, voire en légère diminution », note le rapport de 2021 du Ministère des Armées.

    « Mais qu’est-ce qu’un faible taux ? », s’interroge Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements. « Un taux est acceptable lorsqu’il est socialement accepté par la population ? Toute radioactivité a un impact sanitaire sur l’humain, le végétal, l’animal, sur la vie en général ».

    Selon Patrick Bouisset, directeur du laboratoire d’étude et de suivi de l’environnement à l’IRSN (Institut de radioprotection de sûreté nucléaire), les déchets immergés ne représentent pas de risque particulier puisque la radioactivité s’est « diluée dans l’océan ». Quant aux déchets contenus dans des fûts, même « s’ils vont fuir avec le temps car rien n’est hermétique à l’échelle de quelques siècles », ces pollutions ne seront « pas visibles » considère ce physicien, chargé d’évaluer l’exposition radiologique en Polynésie hors des sites de Moruroa et Fangataufa.

    L’#imperméabilité des conditionnements inquiète aussi Bruno Chareyron, ingénieur et directeur du laboratoire de la CRIIRAD (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité) : « Il est difficile d’anticiper les conséquences de l’immersion des déchets. Ce qui est certain, c’est qu’on aurait dû les conditionner sur des sites capables de garantir le confinement pendant des dizaines et des milliers d’années. Balancer des déchets en mer, sans emballage particulier, comme pour les avions Vautour, ou même en considérant une enveloppe en vinyle, c’est dérisoire pour des éléments à très longue période physique. »

    Une étude indépendante pour confirmer l’absence de danger

    « Le problème c’est qu’on ne connaît pas la quantité exacte de déchets immergés », pointe Jean-Marie Collin qui regrette que les études concernant la radioactivité soient menées par « des instituts qui appartiennent à l’État ». « D’après les études réalisées, il semblerait qu’il n’y a pas de danger concernant ces déchets immergés. Je suppose donc qu’il n’y a pas de danger. Mais il serait intéressant que des études indépendantes soient menées pour corroborer les études existantes et ainsi assurer la sécurité et rétablir la confiance des Polynésiens ».

    Les impacts sanitaires et environnementaux découlant des déchets immergés sont ainsi difficiles à établir. Reste que, Moruroa et Fangataufa demeurent des atolls contaminés, où le plutonium subsiste dans les sols comme en surface. Hao, longtemps considéré comme« la poubelle du CEP » subit aussi d’importantes pollutions aux hydrocarbures.

    Durant plus de trente ans, si une partie des déchets ont été océaniser, les autres ont été enterrés ou abandonnés. Radioactifs ou pas, ces déchets portent « la charge symbolique des essais », estime Teva Meyer. « Ils demeurent souillés, voire ‘nucléaires’ pour certains, qui demandent qu’ils soient traités comme tels ».

    https://outremers360.com/bassin-pacifique-appli/dossier-dans-les-lagons-polynesiens-les-dechets-invisibles-du-temps-du
    #pollution #santé #contamination #France

  • Le système alimentaire mondial menace de s’effondrer

    Aux mains de quelques #multinationales et très liée au secteur financier, l’#industrie_agroalimentaire fonctionne en #flux_tendu. Ce qui rend la #production mondiale très vulnérable aux #chocs politiques et climatiques, met en garde l’éditorialiste britannique George Monbiot.

    Depuis quelques années, les scientifiques s’évertuent à alerter les gouvernements, qui font la sourde oreille : le #système_alimentaire_mondial ressemble de plus en plus au système financier mondial à l’approche de 2008.

    Si l’#effondrement de la finance aurait été catastrophique pour le bien-être humain, les conséquences d’un effondrement du #système_alimentaire sont inimaginables. Or les signes inquiétants se multiplient rapidement. La flambée actuelle des #prix des #aliments a tout l’air du dernier indice en date de l’#instabilité_systémique.

    Une alimentation hors de #prix

    Nombreux sont ceux qui supposent que cette crise est la conséquence de la #pandémie, associée à l’#invasion de l’Ukraine. Ces deux facteurs sont cruciaux, mais ils aggravent un problème sous-jacent. Pendant des années, la #faim dans le monde a semblé en voie de disparition. Le nombre de personnes sous-alimentées a chuté de 811 millions en 2005 à 607 millions en 2014. Mais la tendance s’est inversée à partir de 2015, et depuis [selon l’ONU] la faim progresse : elle concernait 650 millions de personnes en 2019 et elle a de nouveau touché 811 millions de personnes en 2020. L’année 2022 s’annonce pire encore.

    Préparez-vous maintenant à une nouvelle bien plus terrible : ce phénomène s’inscrit dans une période de grande #abondance. La #production_alimentaire mondiale est en hausse régulière depuis plus de cinquante ans, à un rythme nettement plus soutenu que la #croissance_démographique. En 2021, la #récolte mondiale de #blé a battu des records. Contre toute attente, plus d’humains ont souffert de #sous-alimentation à mesure que les prix alimentaires mondiaux ont commencé à baisser. En 2014, quand le nombre de #mal_nourris était à son niveau le plus bas, l’indice des #prix_alimentaires [de la FAO] était à 115 points ; il est tombé à 93 en 2015 et il est resté en deçà de 100 jusqu’en 2021.

    Cet indice n’a connu un pic que ces deux dernières années. La flambée des prix alimentaires est maintenant l’un des principaux facteurs de l’#inflation, qui a atteint 9 % au Royaume-Uni en avril 2022 [5,4 % en France pour l’indice harmonisé]. L’alimentation devient hors de prix pour beaucoup d’habitants dans les pays riches ; l’impact dans les pays pauvres est beaucoup plus grave.

    L’#interdépendance rend le système fragile

    Alors, que se passe-t-il ? À l’échelle mondiale, l’alimentation, tout comme la finance, est un système complexe qui évolue spontanément en fonction de milliards d’interactions. Les systèmes complexes ont des fonctionnements contre-intuitifs. Ils tiennent bon dans certains contextes grâce à des caractéristiques d’auto-organisation qui les stabilisent. Mais à mesure que les pressions s’accentuent, ces mêmes caractéristiques infligent des chocs qui se propagent dans tout le réseau. Au bout d’un moment, une perturbation même modeste peut faire basculer l’ensemble au-delà du point de non-retour, provoquant un effondrement brutal et irrésistible.

    Les scientifiques représentent les #systèmes_complexes sous la forme d’un maillage de noeuds et de liens. Les noeuds ressemblent à ceux des filets de pêche ; les liens sont les fils qui les connectent les uns aux autres. Dans le système alimentaire, les noeuds sont les entreprises qui vendent et achètent des céréales, des semences, des produits chimiques agricoles, mais aussi les grands exportateurs et importateurs, et les ports par lesquels les aliments transitent. Les liens sont leurs relations commerciales et institutionnelles.

    Si certains noeuds deviennent prépondérants, fonctionnent tous pareil et sont étroitement liés, alors il est probable que le système soit fragile. À l’approche de la crise de 2008, les grandes banques concevaient les mêmes stratégies et géraient le risque de la même manière, car elles courraient après les mêmes sources de profit. Elles sont devenues extrêmement interdépendantes et les gendarmes financiers comprenaient mal ces liens. Quand [la banque d’affaires] Lehman Brothers a déposé le bilan, elle a failli entraîner tout le monde dans sa chute.

    Quatre groupes contrôlent 90 % du commerce céréalier

    Voici ce qui donne des sueurs froides aux analystes du système alimentaire mondial. Ces dernières années, tout comme dans la finance au début des années 2000, les principaux noeuds du système alimentaire ont gonflé, leurs liens se sont resserrés, les stratégies commerciales ont convergé et se sont synchronisées, et les facteurs susceptibles d’empêcher un #effondrement_systémique (la #redondance, la #modularité, les #disjoncteurs, les #systèmes_auxiliaires) ont été éliminés, ce qui expose le système à des #chocs pouvant entraîner une contagion mondiale.

    Selon une estimation, quatre grands groupes seulement contrôlent 90 % du #commerce_céréalier mondial [#Archer_Daniels_Midland (#ADM), #Bunge, #Cargill et #Louis_Dreyfus]. Ces mêmes entreprises investissent dans les secteurs des #semences, des #produits_chimiques, de la #transformation, du #conditionnement, de la #distribution et de la #vente au détail. Les pays se divisent maintenant en deux catégories : les #super-importateurs et les #super-exportateurs. L’essentiel de ce #commerce_international transite par des goulets d’étranglement vulnérables, comme les détroits turcs (aujourd’hui bloqués par l’invasion russe de l’Ukraine), les canaux de Suez et de Panama, et les détroits d’Ormuz, de Bab El-Mandeb et de Malacca.

    L’une des transitions culturelles les plus rapides dans l’histoire de l’humanité est la convergence vers un #régime_alimentaire standard mondial. Au niveau local, notre alimentation s’est diversifiée mais on peut faire un constat inverse au niveau mondial. Quatre plantes seulement - le #blé, le #riz, le #maïs et le #soja - correspondent à près de 60 % des calories cultivées sur les exploitations. La production est aujourd’hui extrêmement concentrée dans quelques pays, notamment la #Russie et l’#Ukraine. Ce #régime_alimentaire_standard_mondial est cultivé par la #ferme_mondiale_standard, avec les mêmes #semences, #engrais et #machines fournis par le même petit groupe d’entreprises, l’ensemble étant vulnérable aux mêmes chocs environnementaux.

    Des bouleversements environnementaux et politiques

    L’industrie agroalimentaire est étroitement associée au #secteur_financier, ce qui la rend d’autant plus sensible aux échecs en cascade. Partout dans le monde, les #barrières_commerciales ont été levées, les #routes et #ports modernisés, ce qui a optimisé l’ensemble du réseau mondial. On pourrait croire que ce système fluide améliore la #sécurité_alimentaire, mais il a permis aux entreprises d’éliminer des coûts liés aux #entrepôts et #stocks, et de passer à une logique de flux. Dans l’ensemble, cette stratégie du flux tendu fonctionne, mais si les livraisons sont interrompues ou s’il y a un pic soudain de la demande, les rayons peuvent se vider brusquement.

    Aujourd’hui, le système alimentaire mondial doit survive non seulement à ses fragilités inhérentes, mais aussi aux bouleversements environnementaux et politiques susceptibles de s’influencer les uns les autres. Prenons un exemple récent. À la mi-avril, le gouvernement indien a laissé entendre que son pays pourrait compenser la baisse des exportations alimentaires mondiales provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine. Un mois plus tard, il interdisait les exportations de blé, car les récoltes avaient énormément souffert d’une #canicule dévastatrice.

    Nous devons de toute urgence diversifier la production alimentaire mondiale, sur le plan géographique mais aussi en matière de cultures et de #techniques_agricoles. Nous devons briser l’#emprise des #multinationales et des spéculateurs. Nous devons prévoir des plans B et produire notre #nourriture autrement. Nous devons donner de la marge à un système menacé par sa propre #efficacité.

    Si tant d’êtres humains ne mangent pas à leur faim dans une période d’abondance inédite, les conséquences de récoltes catastrophiques que pourrait entraîner l’effondrement environnemental dépassent l’entendement. C’est le système qu’il faut changer.

    https://www.courrierinternational.com/article/crise-le-systeme-alimentaire-mondial-menace-de-s-effondrer

    #alimentation #vulnérabilité #fragilité #diversification #globalisation #mondialisation #spéculation

  • Children were told to ‘build the wall’ at White House Halloween party
    https://news.yahoo.com/children-were-told-to-build-the-wall-at-white-house-halloween-party-1530

    “Horrified. We were horrified,” said a person who was there and requested anonymity to avoid professional retaliation.

    The Eisenhower Executive Office Building stands across from the White House and houses a large portion of the West Wing support staff and is home to the vice president’s ceremonial office. The “Build the Wall” mural was on the first floor, outside the speechwriter’s office and next to the office of digital strategy and featured red paper bricks, each bearing the name of a child.

    Large letters on the display spelled out “Build the Wall.” Kids dressed as superheroes and ninjas were given brick-colored paper cards and told to write their name with a marker and tape them to the wall. Alongside the paper wall were signs including one that read “America First,” a slogan often used by President Trump that had been criticized because it was previously employed by the #Ku_Klux_Klan.

    #etats-unis #enfants #extreme_droite #mur #air_du_temps

  • #MeToo dans le cinéma : l’actrice Adèle Haenel brise un nouveau tabou
    https://www.mediapart.fr/journal/france/031119/metoo-dans-le-cinema-l-actrice-adele-haenel-brise-un-nouveau-tabou

    L’actrice Adèle Haenel accuse le réalisateur Christophe Ruggia d’« attouchements » et de « harcèlement sexuel » lorsqu’elle était âgée de 12 à 15 ans. Son récit est conforté par de nombreux documents et témoignages. Mediapart retrace son long cheminement, de la « prise de parole impossible » au « silence devenu insupportable ». Le cinéaste conteste « catégoriquement » les faits.

    D’abord, il y a eu la « honte », profonde, tenace, indélébile. Puis la « colère », froide, qui ne l’a pas quittée pendant des années. Et enfin l’apaisement, « petit à petit », parce qu’il a bien fallu « traverser tout cela ». En mars 2019, la #colère s’est ravivée, « de manière plus construite », à l’occasion du documentaire de la chaîne HBO sur #Michael_Jackson https://www.franceinter.fr/emissions/capture-d-ecrans/capture-d-ecrans-21-mars-2019, qui révèle des témoignages accablants accusant le chanteur de #pédocriminalité, et met à jour une mécanique d’emprise.

    « Ça m’a fait changer de perspective sur ce que j’avais vécu, explique l’actrice Adèle Haenel, parce que je m’étais toujours forcée à penser que ça avait été une histoire d’amour sans réciprocité. J’avais adhéré à sa fable du “nous, ce n’est pas pareil, les autres ne pourraient pas comprendre”. Et puis il a aussi fallu ce temps-là pour que je puisse, moi, parler des choses, sans en faire non plus un drame absolu. C’est pour ça que c’est maintenant. »

    Ce matin d’avril 2019, la comédienne prend le temps de choisir chaque mot pour raconter. Elle marque de longues pauses, reprend. Mais la voix n’hésite pas. « Je suis vraiment en colère, dit-elle. Mais la question ce n’est pas tant moi, comment je survis ou pas à cela. Je veux raconter un abus malheureusement banal, et dénoncer le système de silence et de complicité qui, derrière, rend cela possible. » Raconter s’est imposé comme une nécessité, parce que « la poursuite du silence était devenue insupportable », parce que « le silence joue toujours en faveur des coupables ».

    Adèle Haenel a décidé de poser publiquement les mots sur ce qu’elle « considère clairement comme de la #pédophilie et du #harcèlement_sexuel ». Elle accuse le réalisateur Christophe Ruggia de comportements sexuels inappropriés entre 2001 et 2004, alors qu’elle était âgée de 12 à 15 ans, et lui de 36 à 39 ans. À Mediapart, l’actrice dénonce « l’emprise » importante du cinéaste lors du tournage du film Les Diables, puis un « harcèlement sexuel permanent », des « #attouchements » répétés sur les « cuisses » et « le torse », des « baisers forcés dans le cou », qui auraient eu lieu dans l’appartement du réalisateur et lors de plusieurs festivals internationaux. Elle ne souhaite pas porter l’affaire devant la justice qui, de manière générale, selon elle, « condamne si peu les #agresseurs » et « un #viol sur cent ». « La #justice nous ignore, on ignore la justice. »

    Contacté par Mediapart, Christophe Ruggia, qui a refusé nos demandes d’entretien, n’a pas souhaité répondre à nos questions précises. Mais il a fait savoir, via ses avocats, Jean-Pierre Versini et Fanny Colin, qu’il « réfut[ait] catégoriquement avoir exercé un harcèlement quelconque ou toute espèce d’attouchement sur cette jeune fille alors mineure ». « Vous m’avez fait parvenir cette nuit [le 29 octobre au soir, dans la foulée du coup de fil de son avocat – ndlr] en 16 points un questionnaire fleuve sur ce qu’aurait été la relation professionnelle et affective que j’ai entretenue, il y a plus de quinze ans avec Adèle Haenel dont j’ai été le “découvreur” de son grand talent. La version, systématiquement tendancieuse, inexacte, romancée, parfois calomnieuse que vous m’avez adressée ne me met pas en mesure de vous apporter des réponses », a-t-il réagi dans une déclaration écrite. https://www.mediapart.fr/journal/france/031119/metoo-dans-le-cinema-l-actrice-adele-haenel-brise-un-nouveau-tabou/prolonger

    Notre enquête, menée pendant sept mois, auprès d’une trentaine de personnes, a permis de rassembler de nombreux documents et témoignages confortant le récit de l’actrice, dont des lettres dans lesquelles le réalisateur lui fait part, entre autres, de son « amour », qui « a parfois été trop lourd à porter ». Plusieurs personnes ont tenté, sur le tournage, puis au fil des années, d’alerter sur l’attitude du réalisateur avec la comédienne, sans être entendues, selon elles.

    Christophe Ruggia, 54 ans, est devenu l’une des voix du #cinéma indépendant français, autant – sinon plus – par ses engagements militants, que par sa filmographie https://www.imdb.com/name/nm0749439. Il a notamment défendu la cause des réfugiés, des intermittents ou encore du cinéaste Oleg Sentsov, emprisonné cinq ans en Russie. Coprésident de la #Société_des_réalisateurs_de_films (#SRF) jusqu’en juin, il est décrit par ceux qui le côtoient comme une « pasionaria qui veut sauver le monde », « un réalisateur d’une intensité permanente », dont les films mettent en scène des enfants aux itinéraires cabossés.

    C’est dans son deuxième long métrage, Les Diables (2002) https://www.imdb.com/title/tt0291131/fullcredits/?ref_=tt_ov_st_sm, qu’Adèle Haenel a fait ses débuts. Aujourd’hui, à seulement trente ans, elle affiche déjà deux césars et seize films au Festival de Cannes, sous la direction de cinéastes prestigieux tels que les frères Dardenne, Céline Sciamma, André Téchiné, Bertrand Bonello ou Robin Campillo.

    L’histoire commence en décembre 2000. Adèle Haenel a onze ans, ses journées se partagent entre sa classe de cinquième à Montreuil (Seine-Saint-Denis), ses cours de théâtre et ses entraînements de judo. En accompagnant son frère à un casting, c’est elle qui décroche le rôle pour Les Diables. « La gosse était exceptionnelle, il n’y en avait pas deux comme elle », se souvient Christel Baras, la directrice de casting du film, restée amie avec sa recrue.

    À l’époque, la fillette, comme ses parents, est sur un petit nuage. « C’était un conte de fées, c’était complètement hallucinant que cela nous tombe dessus », résume son père, Gert. « Je me sens gonflée d’une importance nouvelle, je vais peut-être faire un film », écrira la comédienne dans ses carnets personnels, rédigés a posteriori, en 2006, et que Mediapart a pu consulter. Elle y évoque la « nouveauté », le « rêve », le « privilège » d’« être seule sur scène, au centre de l’attention de tous ces adultes », « de sortir du lot ». Sa « passion » du théâtre. Et ses « petites discussions avec Christophe [Ruggia] », qui la « raccompagnait dans sa voiture », « [l’]invitait toujours à manger au restaurant », alors qu’elle avait « eu honte la première fois » parce qu’elle n’avait pas assez d’argent pour payer.

    « Pour moi, c’était une sorte de star, avec un côté Dieu descendu sur Terre parce qu’il y avait le cinéma derrière, la puissance et l’amour du jeu », explique aujourd’hui l’actrice. Sa #famille – classes moyennes intellectuelles –, « devient tout d’un coup exceptionnelle », se souvient-elle. « Et moi je passe du statut d’enfant banal à celui de promesse d’être “la future Marilyn Monroe”, selon lui. » À la maison, Ruggia est reçu « avec tous les honneurs ». « C’était un bon réalisateur, de gauche, il venait de faire Le Gone du Chaâba, un très bon film. On lui faisait confiance », raconte sa mère, Fabienne Vansteenkiste.

    Le scénario des Diables, dérangeant et ponctué de scènes de nudité, ne rebute pas les parents. Le film met en scène l’amour incestueux de deux orphelins fugueurs, Joseph (Vincent Rottiers) et sa sœur Chloé (Adèle Haenel), autiste, muette et allergique au contact physique. Il aboutit à la découverte de l’amour physique par les deux préadolescents. #Christophe_Ruggia n’a jamais fait mystère du caractère en partie autobiographique de ce film, « un compromis entre une dure réalité vécue par [ses] deux meilleurs amis et la [sienne] », a-t-il dit dans la presse.

    La performance des deux jeunes acteurs à l’écran a été obtenue grâce à un travail de six mois en amont du tournage. Ces exercices particuliers, menés par le cinéaste et son assistante réalisatrice – sa sœur Véronique Ruggia –, étaient destinés à « les mettre en confiance pour qu’ils puissent jouer des choses difficiles : l’autisme, l’éveil à la sensualité, la nudité, la découverte de leur corps, expliquait-il à l’époque (TéléObs, 12 septembre 2002). Tous les trois, nous avons développé des connivences extraordinaires ». Au total, de la préparation à la promotion du film, c’est « près d’une année où les enfants sont détachés de leur famille, analysait-il alors. Les liens sont alors très forts ». Plusieurs proches de l’actrice en sont persuadés, « l’emprise » du metteur en scène s’est nouée dans ce « #conditionnement » et cet « #isolement ». « Emprise » qui aurait ensuite ouvert la voie, selon l’actrice, à des faits plus graves, après le tournage.

    Parmi les vingt membres de l’équipe du film sollicités, certains disent « ne pas avoir de souvenirs » de ce tournage ancien ou bien n’ont pas souhaité répondre à nos questions. D’autres assurent n’avoir « rien remarqué ». C’est le cas, par exemple, du producteur Bertrand Faivre, de l’acteur Jacques Bonnaffé (présent quelques jours sur le tournage), ou de la monteuse du film, Tina Baz. Restée proche du cinéaste, cette dernière le décrit comme « respectueux », « d’une affection formidable », « avec un investissement absolu dans son travail » et une « relation paternelle sans ambiguïté » avec Adèle Haenel.

    À l’inverse, beaucoup dépeignent un réalisateur à la fois « tout-puissant » et « infantile », « immature », « étouffant », « vampirisant », « accaparant », « invasif » avec les enfants, s’isolant dans une « bulle » avec eux. Neuf personnes décrivent une « emprise », ou bien un fort « ascendant » ou encore un rapport de « manipulation » du cinéaste avec les deux comédiens, qui le percevaient comme « le Père Noël ».

    Sur le tournage, qui débute le 25 juin 2001, Christophe Ruggia aurait réservé un traitement particulier à #Adèle_Haenel, âgée de douze ans, « protégée », « soignée », « trop couvée », selon plusieurs témoignages recueillis. « C’était particulier avec moi, confirme l’actrice. Il jouait clairement la carte de l’amour, il me disait que la pellicule m’adorait, que j’avais du génie. J’ai peut-être cru à un moment à ce discours. »

    « J’ai toujours vu leur grande proximité », atteste l’acteur #Vincent_Rottiers – resté ami avec le cinéaste. Il se souvient qu’« Adèle n’arrêtait pas de le coller, comme une première de la classe avec son prof » et que « Christophe prenait plus de temps avec elle, la mettait en conditionnement ». « Il n’y en avait que pour elle, au point que j’étais parfois jaloux. Mais je me disais que c’était spécial parce qu’elle jouait une autiste. Avec le recul, je le vois autrement. »

    #Éric_Guichard, le chef opérateur, n’a constaté aucun « geste déplacé » mais dit avoir « rarement » vu « une relation si fusionnelle » entre le cinéaste et la jeune comédienne, qui était « habitée par son rôle », « subjuguée par Christophe, très investie » et « ne se confiait qu’à lui ». Il décrit un « ascendant évident » de Ruggia, mais qu’il a placé « au niveau de la fabrication d’un film de cinéma » et attribué « à la difficulté du personnage d’Adèle ».

    Pour la comédienne Hélène Seretti, engagée comme coach des acteurs sur le tournage et qui n’a jamais perdu le contact avec Adèle Haenel, le cinéaste « collait trop » la fillette. « Il était tactile, mettait ses bras sur ses épaules, lui faisait parfois des bisous. Il lui demandait par exemple : “Et toi tu prends quoi à manger ma chérie ?” », se remémore-t-elle. Petit à petit, je me suis dit que ce n’était pas une relation qu’un adulte devrait avoir avec un enfant, je ne le sentais pas clair, ça me gênait. » « Pas tranquille », elle dit être restée « en alerte ». Mais elle est cantonnée à un rôle de « nounou », loin du plateau. « Christophe Ruggia avait un rapport privilégié avec les deux enfants, donc il m’avait clairement dit : “Tu ne t’en occupes pas, j’ai travaillé des mois avec eux pour préparer ce tournage.” Quand il préparait les scènes, il me tenait à l’écart », prétend-elle.

    Dexter Cramaix, qui travaillait à la régie, se souvient des relations entre le réalisateur et ses deux jeunes acteurs comme n’étant « pas à la bonne place », « trop affectives » et « exclusives », « au-delà du purement professionnel ». « Entre nous, on se disait que quelque chose n’était pas normal, qu’il y avait un souci. On dit souvent des metteurs en scène qu’ils doivent être amoureux de leurs actrices, mais Adèle avait douze ans. »

    Le réalisateur Christophe Ruggia sur le tournage du film "Les Diables" (2002). Le réalisateur Christophe Ruggia sur le tournage du film "Les Diables" (2002).
    Laëtitia, la régisseuse générale du film – qui a quitté le tournage sur la fin, après un « burn-out » –, confirme : « Les rapports qu’entretenait Christophe avec Adèle n’étaient pas normaux. On avait l’impression que c’était sa fiancée. On n’avait quasiment pas le droit de l’approcher ou de parler avec elle, parce qu’il voulait qu’elle reste dans son rôle en permanence. Lui seul avait le droit d’être vraiment en contact avec elle. On était très mal à l’aise dans l’équipe. »

    Edmée Doroszlai, la scripte (lire notre Boîte noire), explique avoir fait part du même ressenti à l’un de ses collègues : « Je lui ai dit : “Regarde, on dirait un couple, ce n’est pas normal.” » Elle assure avoir « tiré la sonnette d’alarme » en constatant « l’épuisement et la souffrance mentale des enfants ». « Ça allait trop loin. Pour les protéger, j’ai fait arrêter plusieurs fois le tournage et j’ai essayé de contacter la DDASS. » « Il manipulait les enfants », estime le photographe Jérôme Plon, qui a quitté le tournage au bout d’une semaine avec l’impression d’un « fonctionnement quelque peu gourou » et d’un cinéaste prenant « un peu possession des gens ». Inquiet, il dit en avoir parlé « à une amie psychanalyste pour enfants ».

    « Je ne bougeais pas, il m’en voulait de ne pas consentir »

    Comment distinguer, sur un tournage, la frontière subtile entre une attention particulière portée à une enfant qui est l’actrice principale du film, une relation d’emprise et un possible comportement inapproprié ? À l’époque, plusieurs membres de l’équipe peinent à mettre un mot sur ce qu’ils observent. D’autant qu’aucun d’entre eux n’a été témoin de « geste à connotation sexuelle » explicite du cinéaste à l’égard de la comédienne. « J’oscillais tout le temps entre “Ça ne va pas du tout ce qui se passe” et “Il est peut-être juste fasciné”, se rappelle Hélène Seretti, 29 ans alors. J’étais jeune, je ne me faisais pas confiance. Aujourd’hui ce serait différent. »

    La régisseuse, Laëtitia, s’est elle aussi prise à douter : « C’est très compliqué de se dire que le réalisateur pour qui on travaille est potentiellement abusif, qu’il y a manipulation. Je me disais parfois : “Est-ce que j’ai rêvé ? Est-ce que je suis folle ?” Et personne n’aurait l’idée de s’immiscer dans sa relation avec les comédiens, d’oser dire un mot, car cela fait partie d’un processus de création. D’où les possibilités d’abus – qu’ils soient physiques, moraux ou émotionnels – sur les tournages. »

    Deux membres de l’équipe du film affirment à Mediapart avoir été tenus à l’écart après avoir formulé des inquiétudes par rapport à l’actrice. Hélène Seretti raconte qu’elle se serait « mis à dos » le cinéaste en exprimant ses doutes. Un matin, elle saisit l’occasion d’une « sale nuit » passée par la comédienne, après que sa mère l’eut questionnée sur le comportement de Christophe Ruggia, pour s’entretenir avec le cinéaste. « C’était compliqué de vraiment nommer les choses face à lui, j’ai essayé d’expliquer qu’Adèle n’allait pas bien, que ç’allait trop loin, qu’on ne pouvait pas continuer comme ça. Il m’a répondu : “Tu veux foutre en l’air mon film, tu ne te rends pas compte le rapport privilégié que j’ai avec eux.” » À partir de là, elle prétend qu’il ne lui « a plus adressé la parole » et que « la suite du tournage n’a pas été simple ». Elle dit avoir tenté d’évoquer ses craintes auprès de plusieurs membres de l’équipe. « C’est le cinéma, c’est le rapport avec l’acteur » ; « Le réalisateur, c’est le patron », lui aurait-on répondu. « On n’osait pas contester le metteur en scène, j’avais peur et je ne savais pas quoi faire ni à qui m’adresser », analyse-t-elle aujourd’hui.

    La directrice de casting, Christel Baras, affirme, elle, qu’elle aurait été « évincée » des répétitions, après une remarque à l’été 2001, avant le tournage. « On était dans l’entrée de l’appartement de Christophe [Ruggia]. Adèle était assise sur le canapé plus loin. Il voulait que je m’en aille, que je les laisse. J’étais très mal à l’aise, dérangée, c’était la manière dont il la regardait, ce qu’il disait. Je me suis dit : “Là, ça dérape” », relate-t-elle. « Je n’ai pas imaginé quelque chose d’ordre sexuel à l’époque, précise-t-elle, mais je voyais son emprise sur la gamine. »

    En partant, elle aurait « regardé droit dans les yeux » le cinéaste en le mettant en garde : « C’est une petite fille, une petite fille ! Elle a douze ans ! » Après cet épisode, Christophe Ruggia lui aurait dit qu’il ne la « voulai[t] plus sur le plateau ». Une décision qu’elle a interprétée, quelques années plus tard, avec le recul, comme « un bannissement », parce qu’elle était « dangereuse ». La directrice de casting, à la forte personnalité, a-t-elle été jugée trop envahissante sur le tournage, ou faisait-elle écran à la relation exclusive qu’aurait voulu instaurer le réalisateur avec sa comédienne ?

    Après la sortie du film, le « malaise » de Christel Baras sera en tout cas renforcé quand elle recroisera, « deux ou trois fois », la fillette chez le cinéaste. Notamment un samedi soir, en passant à l’improviste chercher un DVD. « Il était 20 heures/20 h 30, j’étais gênée, et j’ai dit : “Qu’est-ce que tu fous là, Adèle, rentre chez toi, tu as vu l’heure enfin ?” », se souvient-elle. Selon elle, « Adèle était sous emprise, à chaque fois, elle y retournait. » Christel Baras retravaillera ensuite avec le réalisateur sur un autre film https://www.imdb.com/title/tt1814672/fullcredits/?ref_=tt_ov_st_sm, avec des adultes.

    Nos témoins invoquent la posture du « réalisateur tout-puissant » pour expliquer que personne n’ait essayé de s’élever contre son comportement. Les uns racontent avoir eu peur que leur contrat ne soit pas renouvelé ou d’être « blacklistés » dans ce milieu précaire ; les autres disent avoir mis son attitude sur le compte du « rapport particulier du metteur en scène avec ses comédiens », de ses « méthodes de travail » pour « susciter le jeu de ses acteurs ». Et la plupart disent avoir été préoccupés par un tournage qu’ils décrivent comme « difficile », « harassant », « avec peu de moyens financiers » et « six jours de travail par semaine ».

    La mère de l’actrice elle-même s’est questionnée. À Mediapart, Fabienne Vansteenkiste raconte le « malaise » qui l’a envahie lors de sa venue sur le tournage, à Marseille. « Sur le Vieux-Port, Christophe était avec Adèle d’un côté, Vincent de l’autre, ses bras passés par-dessus l’épaule de chacun, à leur faire des bisous. Il avait une attitude bizarre pour un adulte avec un enfant. » Sur le moment, elle ne dit rien, pensant qu’elle ne « conna[ît] pas le milieu du cinéma ». Mais sur la route du retour, inquiète, elle s’arrête à une station essence pour trouver un téléphone et appelle sa fille pour lui demander « ce qui se passe avec Christophe ». « Adèle m’a envoyée sur les roses, sur l’air de “Mais, ma pauvre, tu as vraiment l’esprit mal placé” », se souvient sa mère. La nuit qui suit, la collégienne fera une inhabituelle crise de nerfs. « Je n’étais absolument pas calmable, je criais comme une sorte d’animal, j’étais blessée. Le lendemain j’étais mal à l’aise sur le plateau, on a refait la scène plein de fois alors qu’elle était simple », raconte Adèle Haenel. Hélène Seretti n’a pas oublié cet épisode : « Il y avait une dichotomie en elle, elle sentait le trouble – sans pouvoir encore le nommer –, et en même temps elle répétait qu’elle voulait aller au bout de ce film. »

    C’est après le tournage, achevé le 14 septembre 2001, que la relation exclusive du cinéaste, âgé de trente-six ans, avec l’actrice de douze ans, aurait « glissé vers autre chose », affirme Adèle Haenel. Selon son témoignage, des « attouchements » auraient eu lieu à l’occasion de rendez-vous réguliers, le week-end, dans l’appartement parisien du réalisateur, où la conduisait parfois son père. Christophe Ruggia, qui possède une DVDthèque fournie, prend en main la culture cinématographique de la jeune comédienne, lit les scénarios qu’elle reçoit, la conseille. D’après son récit, le cinéaste « procédait toujours de la même façon » : « des Fingers au chocolat blanc et de l’Orangina » posés sur la petite table du salon, puis une conversation durant laquelle « il dérapait », avec des gestes qui « petit à petit, prenaient de plus en plus de place ». Les souvenirs d’Adèle Haenel sont précis : « Je m’asseyais toujours sur le canapé et lui en face dans le fauteuil, puis il venait sur le canapé, me collait, m’embrassait dans le cou, sentait mes cheveux, me caressait la cuisse en descendant vers mon sexe, commençait à passer sa main sous mon T-shirt vers la poitrine. Il était excité, je le repoussais mais ça ne suffisait pas, il fallait toujours que je change de place. » D’abord à l’autre extrémité du canapé, puis debout vers la fenêtre, « l’air de rien », ensuite assise sur le fauteuil. Et « comme il me suivait, je finissais par m’asseoir sur le repose-pied qui était si petit qu’il ne pouvait pas venir près de moi », détaille-t-elle.

    Pour l’actrice, il est clair qu’« il cherchait à avoir des relations sexuelles avec [elle] ». Elle souligne ne pas se souvenir « quand s’arrêtaient les gestes » du cinéaste, et explique que ses « caresses étaient quelque chose de permanent ». Elle raconte la « peur » qui la « paralysai[t] » dans ces moments : « Je ne bougeais pas, il m’en voulait de ne pas consentir, cela déclenchait des crises de sa part à chaque fois », sur le registre de la « culpabilisation », affirme-t-elle. « Il partait du principe que c’était une histoire d’amour et qu’elle était réciproque, que je lui devais quelque chose, que j’étais une sacrée garce de ne pas jouer le jeu de cet amour après tout ce qu’il m’avait donné. À chaque fois je savais que ç’allait arriver. Je n’avais pas envie d’y aller, je me sentais vraiment mal, si sale que j’avais envie de mourir. Mais il fallait que j’y aille, je me sentais redevable. » Ses parents, eux, « ne se posent pas de questions ». « Je me dis, elle regarde des films, c’est super bien qu’elle ait cette culture cinématographique grâce à lui », se souvient sa mère. Vincent Rottiers explique que lui aussi se rendait « souvent » chez Ruggia, pour parler « cinéma et actualité », parfois « avec des amis » : « C’était devenu la famille, Christophe. Mon père de cinéma. » « Adèle était parfois déjà là quand j’arrivais, je me disais que c’était bizarre, je me posais des questions, mais sans comprendre. » Christophe Ruggia, lui, « réfute catégoriquement » auprès de Mediapart tout « harcèlement quelconque ou toute espèce d’attouchement ».

    Selon l’actrice, le réalisateur aurait eu les mêmes gestes dans un autre huis clos : celui des chambres d’hôtel des festivals internationaux, que le cinéaste a écumés avec ses deux jeunes acteurs après la sortie du film, en 2002 : Yokohama (Japon), Marrakech (Maroc), Bangkok (Thaïlande). Photos, étiquette de l’hôtel, programmes, critiques de presse : dans un classeur bleu, la comédienne a tout conservé de cette « promo » au cours de laquelle elle a découvert avec fascination, à treize ans, l’avion, la plage, les buffets luxueux, les flashs qui crépitent, les autographes à signer. Mais elle n’a pas non plus oublié les « stratégies » développées pour échapper à des « attouchements » dans la « promiscuité » des chambres d’hôtel : « Quand je rentrais dans une pièce, je savais où me mettre, de telle sorte qu’il ne vienne pas me coller. » Elle détaille le large rebord de fenêtre de l’hôtel Inter-Continental de Yokohama, en juin 2002, sur lequel elle s’asseyait, « parce qu’[elle] ne voulai[t] pas être sur le lit à côté de lui ». « Mais il venait vers moi, il me collait, il essayait de me toucher, il me disait “je t’aime” », raconte-t-elle. Elle évoque les « déclarations » et les « I love you » de Christophe Ruggia, ouvertement, « dans les fêtes », ses « scènes de jalousie extrêmes ». Mais aussi l’état d’« angoisse » qu’elle ressentait : « Un matin, je me suis réveillée et j’ai commencé à “paranoïer”, je me suis dit : “Je ne me suis pas endormie dans ce lit.” » Sur plusieurs séries de clichés du festival, que Mediapart a retrouvés, on voit le réalisateur en smoking tenir par la hanche l’actrice, robe longue de soirée et dents de lait manquantes.

    Adèle Haenel se rappelle aussi une scène qui se serait déroulée au festival de Marrakech http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=713843.html, en septembre 2002 : le cinéaste aurait piqué une « colère » en découvrant qu’elle avait « mangé le petit chocolat offert par l’hôtel » alors qu’il lui faisait « une déclaration d’amour, dans sa chambre ». « Il m’a mise à la porte, puis l’a rouverte. Il me disait qu’il m’aimait, qu’il était complètement fou. Je me suis retrouvée là-bas avec ce drame. J’ai fait une nuit blanche pour la première fois de ma vie. »

    En juin 2004, âgée de quinze ans, elle part seule avec Christophe Ruggia au festival du film français de Bangkok https://positioningmag.com/16754. Elle se souvient d’avoir encore repoussé sa main qui « serrait [sa] hanche, dans les tuk-tuk ». « Ça l’a énervé, et il voulait que je me sente coupable », raconte-t-elle. Dans une lettre adressée à la comédienne le 25 juillet 2007, le cinéaste revient sur ce « voyage super à plein de moments, mais qui [l’]a complètement déstabilisé » et les « “problèmes” qui [lui] étaient apparus en Thaïlande ». De quels « problèmes » parlait-il ? Questionné sur ce point, Christophe Ruggia n’a pas répondu.

    Cette année-là, il avait écrit un scénario « pour [elle] », dont les personnages principaux s’appelaient « Adèle et Vincent », et qu’il voulait lui « offrir […] le jour de [ses] seize ans », dit-il dans sa lettre. Il explique avoir été « terrifié » à l’idée que la comédienne ne veuille pas participer à ce nouveau film, « à cause de [lui] (vu comment [elle] [l]’avai[t] traité à certains moments là-bas) », écrit-il. Selon l’actrice, le metteur en scène exerçait alors un contrôle important sur elle. Jusqu’à régenter des choses anodines, dit-elle, comme son tic de passer la langue sur sa lèvre. « Il m’avait dit d’arrêter, sur le mode : “C’est trop sexy, tu ne te rends pas compte de ce que tu me fais.” »

    « Christophe Ruggia m’avait confié avoir eu des sentiments amoureux pour Adèle »

    Plusieurs documents et témoignages recueillis par Mediapart confortent le récit d’Adèle Haenel. D’abord les confessions qu’aurait faites Christophe Ruggia lui-même, au printemps 2011, à une ex-compagne, la réalisatrice Mona Achache. « Il m’avait confié avoir eu des sentiments amoureux pour Adèle », lors de la tournée promotionnelle des Diables, explique à Mediapart la metteuse en scène, qui n’est pas une connaissance d’Adèle Haenel. Elle affirme qu’après l’avoir questionné avec insistance, il aurait fini par lui relater une scène précise : « Il regardait un film avec Adèle, elle était allongée, la tête sur ses genoux à lui. Il avait remonté sa main du ventre d’Adèle à sa poitrine, sous le tee-shirt. Il m’a dit avoir vu un regard de peur chez elle, des yeux écarquillés, et avoir pris peur lui aussi et retiré sa main. »

    Mona Achache raconte avoir été « sonnée » et « mal à l’aise » par « sa manière de raconter l’histoire » : « Il se sentait fort, loyal, droit, d’avoir su retirer sa main. Il essayait d’en faire de l’humour en me disant que lui était perdu d’amour et qu’elle le faisait tourner en bourrique. » Face à ses questions, le cinéaste se serait montré « un peu fuyant », « minimisant la chose ». « Il ne se rendait pas compte qu’avoir interrompu son geste ne changeait rien au traumatisme qu’il avait pu causer en amont, se souvient-elle. Il ne remettait pas en question le principe même de ces rendez-vous avec Adèle, ni la genèse d’une relation qui rende possible qu’une enfant puisse être alanguie sur ses genoux en regardant un film. Il restait focalisé sur lui, sa douleur, ses sentiments, sans aucune conscience des conséquences pour Adèle de son comportement général. » « Sidérée », la réalisatrice explique l’avoir quitté brutalement ensuite, sans lui avoir mentionné la raison, et souhaité ne plus le revoir.

    Elle dit avoir « gardé le silence », car il ne lui « semblait pas juste de parler à la place d’Adèle Haenel » d’autant qu’elle ne savait que ce que « Christophe Ruggia avait bien voulu [lui] dire ». À l’époque, elle s’en ouvre tout de même à une amie proche, la cinéaste Julie Lopes-Curval. « On était chez Mona, elle m’a confié qu’il n’avait pas été net avec Adèle Haenel, confirme à Mediapart la réalisatrice. Elle ne m’a pas tout dit, mais elle était gênée de quelque chose. Il y avait un malaise, c’était évident… » Questionné sur le récit de Mona Achache, Christophe Ruggia n’a pas répondu.

    D’autres témoignages viennent renforcer celui de l’actrice. Comme les inquiétudes exprimées à deux reprises par Antoine Khalife, qui représentait Unifrance au festival de Yokohama en 2002. D’abord en janvier 2008, au festival de Rotterdam https://iffr.com/nl/2008/films/naissance-des-pieuvres, auprès de la réalisatrice Céline Sciamma, venue présenter son film Naissance des pieuvres, dans lequel Adèle Haenel tient l’affiche. « Je ne le connaissais pas, il me dit : “J’aime beaucoup votre film, par ailleurs j’ai été très soulagé d’avoir des nouvelles d’Adèle Haenel, content de voir qu’elle n’était pas morte”, affirme la cinéaste. Il me dit qu’il s’est beaucoup inquiété pour elle, il me raconte Yokohama avec force détails, Christophe Ruggia qui la faisait danser au milieu de la pièce, qui était déclaratif. Il était marqué. »

    Dix mois plus tard, en marge d’un événement Unifrance à Hambourg, Antoine Khalife s’ouvrira aussi à Christel Baras, lors d’un trajet en voiture. « Il me dit : “Je suis très content de te voir, parce que j’ai toujours été très embêté de quelque chose : j’ai fait la promo des Diables à Yokohama, je n’ai jamais compris ce rapport que Christophe Ruggia avait avec cette jeune actrice. On ne pouvait pas lui parler, pas s’approcher d’elle. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?”, rembobine la directrice de casting. Je me suis dit : “Voilà, je ne suis pas folle.” » Contacté, Antoine Khalife n’a pas souhaité s’exprimer.

    Autre élément : deux lettres adressées par le réalisateur lui-même à la comédienne, en juillet 2006 et juillet 2007, démontrent les sentiments qu’il a nourris à son égard. Dans ces courriers, que Mediapart s’est procurés, Christophe Ruggia évoque son « amour pour [elle] » qui « a parfois été trop lourd à porter » mais qui « a toujours été d’une sincérité absolue ». « Tu me manques tellement, Adèle ! », « Tu es importante à mes yeux », « La caméra t’aime à la folie », écrit-il, en expliquant qu’il devra « continuer à vivre avec cette blessure et ce manque », tout en espérant une « réconciliation ». « Je me suis même demandé plusieurs fois si finalement ce n’était pas moi qui allais arrêter le cinéma. Je me le demande encore parfois, quand j’ai trop mal. »

    Quelque temps plus tôt, en 2005, Adèle Haenel désormais lycéenne, a en effet signifié à Christophe Ruggia qu’elle cessait tout contact avec lui, après un énième après-midi passé à son domicile. « Ce jour-là, je me suis levée et j’ai dit : “Il faut que ça s’arrête, ça va trop loin.” Je ne pouvais pas assumer de dire plus. Jusque-là, je n’avais pas mis les mots, pour ne pas le heurter, pour ne pas qu’il se voie lui-même en train d’abuser de moi. » Selon la comédienne, le réalisateur aurait ce jour-là manifesté de l’embarras. « Il ne se sentait pas bien, il m’avait dit : “J’espère que ça va.” »

    Benjamin, son petit ami pendant les années lycée, confirme : « Il y a eu une rencontre chez Christophe Ruggia qui a changé des autres, qui l’a contrainte à m’en parler. Elle a été perturbée. » La comédienne, qui avait au départ totalement « cloisonné ses deux vies » et cultivait, d’après le jeune homme, « une gêne, un sentiment de honte, de culpabilité » s’agissant de Ruggia, lui relate à cette occasion les « déclarations d’amour culpabilisantes » du réalisateur, son « emprise permanente » et « des scènes où elle avait été mal à l’aise, seule, chez lui ». Le lycéen lui met alors « la pression » pour qu’elle coupe tout lien.

    Pour Adèle Haenel, c’est « l’incompréhension, même maladroite », de son ami qui « a été l’étincelle pour [lui] donner la force de partir ». « J’avais rencontré ce garçon, commencé à avoir une sexualité et la fable de Christophe Ruggia ne tenait plus. »

    À l’époque, l’adolescente, déboussolée, « ne vo[it] pas d’autre issue que la mort de lui ou [elle], ou bien le renoncement à tout ». C’est finalement au cinéma qu’elle renoncera. La comédienne affirme avoir adressé, début 2005, une lettre au metteur en scène, dans laquelle elle lui explique qu’elle ne « veut plus venir chez lui » et qu’elle « arrête le cinéma ». Un courrier qui aurait été écrit avec le sentiment de « renoncer à énormément de choses » et à « une partie d’[elle]-même », confie-t-elle à Mediapart : « J’avais le jeu dans les tripes, c’était ce qui me faisait me sentir vivante. Mais pour moi, c’était lui le cinéma, lui qui avait fait que j’étais là, sans lui je n’étais personne, je retombais dans un néant absolu. »

    De son côté, le réalisateur, qui lui écrira avoir reçu sa lettre « en plein cœur », tente de renouer le contact, via sa meilleure amie, Ruoruo Huang, alors âgée de dix-sept ans. « On a déjeuné ensemble à la Cantine de Belleville, se souvient cette dernière. Moi, je n’étais au courant de rien. Au milieu de la discussion, il m’a dit qu’Adèle ne lui parlait plus, il a essayé d’avoir des nouvelles et implicitement de faire passer un message. »

    Adèle Haenel quitte son agent, ne donne suite à aucun scénario ni casting, et coupe les ponts avec le milieu du cinéma. « J’ai choisi de survivre et de partir seule », résume-t-elle. Cette décision radicale la plonge dans un « énorme mal-être » : dépression, pensées suicidaires, et une « peur » viscérale de croiser le cinéaste. Ce qui arrivera à trois occasions – dans une manifestation aux abords de la Sorbonne en mars 2006, dans une boulangerie en 2010, au Festival de Cannes en 2014 – provoquant chez elle, selon deux témoins, « une panique », « un chamboulement », « une réaction intense ». « J’ai continué à avoir peur en sa présence, c’est-à-dire concrètement : le cœur qui bat vite, les mains qui suent, les pensées qui se brouillent », détaille l’actrice. Elle évoque dix années « à bout de nerfs », où elle ne tenait « presque plus debout ».

    Ses carnets personnels portent la trace de ces angoisses. En 2006, l’adolescente, âgée de dix-sept ans, y relate le « bordel monstrueux dans [sa] tête », et dit avoir besoin d’écrire « pour [se] souvenir, pour clarifier les choses », car elle a « un peu de mal à [se] rappeler exactement ce qui s’est passé ». À l’année 2001, on peut lire : « Je deviens un centre d’intérêt. » Suivi, pour 2002, de ces annotations : « Festival + Christophe chelou => je me sens seule, bizarre. » Puis : « 2003 : j’ai un secret, je ne parle jamais de ma vie. Je suis dans un monde d’adultes. […] 2005 : Je ne vois plus Christophe. » « Parfois je pense que je vais réussir à tout dire […] Je ne peux pas m’empêcher de penser à la mort », écrit-elle en 2006.

    Pourquoi son entourage n’a-t-il pas perçu ces signaux ? Sa famille y a d’abord vu une crise d’adolescence. Son frère Tristan dit avoir mis « l’éloignement » et les « colères » de sa sœur sur le compte de « la puberté », non sans avoir remarqué « quelque chose de bizarre » dans le comportement du réalisateur, et sa disparition soudaine : « À un moment, Christophe n’était juste plus là. » Ses parents soulignent la confiance aveugle faite au réalisateur pendant toutes ces années. Son père dit « avoir pris conscience bien plus tard de l’emprise que Christophe Ruggia avait sur elle. Pour Adèle, il était l’alpha et l’oméga, et tout d’un coup, elle n’a plus rien voulu savoir de lui. Mais c’était difficile de parler avec elle à l’adolescence ». Sa mère explique avoir été absorbée par un travail prenant et les soucis du quotidien : « À l’époque je suis prof, je fabrique aussi des films publicitaires, je m’engage en politique et je ne suis jamais là. »

    « Comme souvent, tout le monde a fermé les yeux »

    C’est en constatant l’effroi de l’adolescente lors d’un appel reçu sur le téléphone de la maison, en février 2005, qu’elle dit avoir « compris » qu’il y aurait « eu un abus ». « Adèle s’est tendue d’un coup, elle m’a dit, terrorisée : “Je ne suis pas là ! Réponds que je ne suis pas là !” Quand elle a vu que c’était une de ses amies, elle s’est détendue et a pris l’appel. Je lui ai demandé : “Tu as eu peur que ce soit Christophe ?” Elle m’a dit : “Oui, mais je ne veux pas en parler.” » « Très inquiète », sa mère essayera plusieurs fois de mettre le sujet sur la table, sans succès.

    « Je me suis sentie si sale à l’époque, j’avais tellement honte, je ne pouvais en parler à personne, je pensais que c’était de ma faute, explique aujourd’hui l’actrice, qui craignait aussi de « décevoir » ou de « blesser » ses parents. « Le silence n’a jamais été sans violence. Le silence est une immense violence, un bâillonnement. »

    La comédienne explique s’être plongée « à fond » dans les études, « pour que plus jamais personne ne pense à [sa] place. J’aurais pu apprendre la boxe thaïe, j’ai fait de la philo ». Durant ce long cheminement, elle dit n’avoir reçu « de soutien de personne » et avoir traversé « la solitude, la culpabilité ». Jusqu’à sa rencontre avec la réalisatrice Céline Sciamma et son retour au cinéma avec Naissance des pieuvres, décrit par nombre de ses proches comme un pas vers la « renaissance ».

    C’est Christel Baras, « malade de ce gâchis et d’avoir recruté Adèle pour le film de Christophe Ruggia », qui la recontacte pour ce film, en 2006. La directrice de casting en est certaine, « c’est un rôle pour Adèle. Avec ce film, on va renouer, tout le reste sera derrière nous, ce ne sera que du positif ». « Là, il n’y a que des femmes, et la réalisatrice est extraordinaire », glisse-t-elle à l’adolescente, qui vient de fêter ses dix-sept ans. « Je suis revenue, fragile, mais je suis revenue », commente Adèle Haenel.

    En acceptant le rôle, la comédienne fait immédiatement part à Céline Sciamma de « problèmes » survenus sur son précédent film et se confie pour la première fois. « Elle me dit qu’elle a envie de faire le film, mais qu’elle veut être protégée, car il lui est arrivé quelque chose sur son film précédent, que le metteur en scène ne s’est pas bien comporté, explique la réalisatrice. Elle ne rentre pas dans les détails, elle s’exprime difficilement, mais elle me parle des conséquences que cela a eues, sa solitude, son arrêt du cinéma. Je comprends que je suis dépositaire d’un secret. »

    Ce « #secret » se dévoile à la fin du tournage de Naissance des pieuvres, auquel participent deux membres de l’équipe des Diables : Christel Baras et Véronique Ruggia, coach des actrices. Céline Sciamma se souvient d’avoir découvert, effarée, que les deux femmes « se demandaient, inquiètes, jusqu’où c’était allé, si Christophe Ruggia avait eu des relations sexuelles avec cette enfant ». « Chacune vivait avec cette question depuis des années, et restait dans le secret et la culpabilité par rapport à cette histoire. Je voyais aussi l’admiration et l’emprise que générait Ruggia, parce que c’est le réalisateur, leur employeur, leur frère, leur ami. » Lors de leur conversation, mi-octobre 2006, Véronique Ruggia se serait « effondrée, très affectée », affirme la réalisatrice. Elle lui aurait demandé « si Adèle avait dit non », ajoutant : « On a le droit de tomber amoureux, mais par contre quand on dit non, c’est non. »

    Céline Sciamma, qui débute alors une relation amoureuse avec Adèle Haenel, dit avoir elle-même « pris complètement conscience de la gravité des faits » en visionnant un soir Les Diables avec l’actrice, qui n’avait jamais pu le revoir. « C’était très impressionnant, se rappelle-t-elle. Adèle pète un plomb, s’évanouit, hurle. C’était d’une douleur… Je ne l’avais jamais vue comme cela. »

    La réalisatrice de 27 ans l’encourage à « ne pas faire silence là-dessus, ne pas rester dans l’impunité, prendre la parole ». « L’idée émerge d’en parler à Christophe Ruggia, mais aussi aux responsables autour de lui, et aux gens qui nous entourent. »

    Adèle Haenel décide de parler : à Hélène Seretti, à Christel Baras, à Véronique Ruggia. Parfois en minimisant la réalité du ressenti, des actes et des conséquences – comme beaucoup de victimes dans ce type d’affaire. Elle se souvient de sa « confusion » en se confiant à Véronique Ruggia. « On a parlé longtemps, chez elle. Je n’étais vraiment pas bien, embarrassée de devoir lui dire cela, je n’arrivais pas trop à parler, et j’ai beaucoup excusé Christophe, en disant : “Non, mais c’est pas grave, il était juste un peu détraqué”, se remémore l’actrice. Véronique était affectée, elle avait honte et culpabilisait je crois, mais il fallait quand même relativiser la gravité de la chose. »

    Contactée, Véronique Ruggia confirme en avoir discuté avec Adèle Haenel et Céline Sciamma. « Je suis tombée des nues », se remémore-t-elle, expliquant avoir compris qu’il n’y avait « pas eu de passage à l’acte ». Elle concède un « trouble » dans ses souvenirs : « Ça m’a tellement choquée que j’ai certainement mis un mouchoir sur la mémoire de plein de choses. Moi, j’ai été traumatisée de cette histoire aussi, d’avoir été là sans voir des choses que peut-être il y avait. » Elle se rappelle que l’actrice lui avait dit « en avoir parlé à Christel [Baras] et avoir posé la question : “Mais que faisaient les adultes sur ce tournage ?”, etc. » « Moi, j’ai découvert beaucoup de choses ce jour-là, dont je n’avais absolument pas eu conscience. » « J’en avais parlé avec mon frère au moment où Adèle m’avait fait ces déclarations-là », indique-t-elle, sans vouloir en dire plus, avant de « discuter avec lui ». « Je préfère qu’il vous parle. » (lire notre Boîte noire)

    Adèle Haenel affirme avoir déposé, en 2008, avec sa compagne Céline Sciamma, un nouveau courrier dans la boîte aux lettres de Christophe Ruggia, dans laquelle elle prétend avoir fait part du problème. « La lettre dénonçait la fiction de Ruggia et racontait les événements dans leur vérité crue et cruelle, confirme la réalisatrice. Adèle décrivait les faits, les gestes, les stratégies d’évitement. Elle le mettait face à ses actes. C’était déflagratoire. » Ce courrier restera sans réponse. Questionné sur ces deux points, Christophe Ruggia n’a pas répondu.

    Six ans plus tard, en 2014 https://www.afcinema.com/Nouveau-Conseil-d-administration-de-la-SRF-pour-2014-2015.html, Céline Sciamma est élue à la tête de la Société des réalisateurs de films (SRF) avec Christophe Ruggia. Elle confie à plusieurs membres de l’association son « malaise », mais ne souhaite pas agir à la place d’Adèle Haenel. De son côté, la comédienne tente de raconter son histoire à des connaissances communes siégeant à la SRF, sans être entendue, selon elle. « Ce qui a aussi longtemps rendu la parole impossible, c’est qu’on me répétait, avant même que je dise quoi que ce soit, que Christophe était “quelqu’un de bien”, qu’il avait “tellement fait pour moi” et que sans lui je ne serais “rien”, relate-t-elle. Les gens ne veulent pas savoir, parce que cela les implique, parce que c’est compliqué de se dire que la personne avec qui on a rigolé, fumé des cigarettes, qui est engagée à gauche, a fait cela. Ils veulent que je sauve les apparences. » L’actrice raconte avoir ainsi essuyé, au fil des années, des remarques oscillant entre le malaise, le déni et la culpabilisation. Des ami·e·s du monde du cinéma, parfois même féministes, fermant la discussion d’un « Tu ne peux pas dire ça » ou « C’est un saint ». Son père l’incitant « à pardonner » et ne surtout pas médiatiser l’affaire.

    D’autres ont, depuis, proposé leur aide. « J’ai honte, je n’ai pas pris la mesure, pas compris. Qu’est-ce qu’on peut faire ? », a demandé plus récemment la réalisatrice Catherine Corsini, actuelle coprésidente de la SRF. La cinéaste explique à Mediapart avoir « appris il y a deux ans qu’Adèle avait voulu dénoncer un comportement inapproprié de Christophe Ruggia auprès de membres de la SRF », qui ne savaient pas quoi faire. « Pour beaucoup, c’était inimaginable. Et il était difficile d’intervenir sans savoir ce qu’Adèle Haenel voulait faire. Céline Sciamma souffrait de la situation. » Lorsqu’elle a eu vent, en avril, du témoignage de l’actrice en détail et de sa « souffrance », elle a été « bouleversée ». « Comme souvent, tout le monde a fermé les yeux ou n’a pas posé de questions. Cela doit chacun nous interroger individuellement. »

    Année après année, le réalisateur sera réélu au conseil d’administration de la prestigieuse SRF et en sera plusieurs fois le coprésident ou vice-président entre 2003 https://www.afcinema.com/IMG/pdf/Lettre_AFC_124.pdf et 2019. Il cosignera par exemple le communiqué https://www.la-srf.fr/article/affaire-weinstein-un-vent-de-changement-est-en-train-de-souffler se félicitant du « vent de changement » après l’affaire #Harvey_Weinstein, ou celui https://www.la-srf.fr/article/perplexit%C3%A9-autour-de-la-gestion-de-crise-de-la-cin%C3%A9math%C3%A8que-fr s’interrogeant sur les « prises de position » de la Cinémathèque française après la polémique autour de ses rétrospectives de #Roman_Polanski, accusé de viols, et #Jean-Claude_Brisseau, condamné pour harcèlement sexuel.

    #Adèle_Haenel et #Céline_Sciamma affirment avoir alerté une autre personne : le producteur de Ruggia, #Bertrand_Faivre, le 8 décembre 2015, en marge de la remise du prix de l’IFCIC http://www.ifcic.fr/infos-pratiques/communiques-de-presse/8-decembre-2014-le-12eme-prix-ifcic-de-la-jeune-societe-de-production-independ, au China Club, à Paris. Ce soir-là, le producteur engage la conversation sur Les Diables. Il s’étonne que l’actrice ne parle jamais de ce premier film aux journalistes. Il se félicite surtout d’avoir, au festival de Marrakech, protégé la fillette d’un photographe réclamant une séance photo seul avec elle. « Il se vantait de m’avoir sauvée du comportement potentiellement pédophile de ce photographe. Du coup, c’est sorti d’une traite, je lui ai rétorqué : “Il se trouve que non, tu ne nous as pas protégés !” Puis j’ai dit que Christophe Ruggia s’était mal comporté avec moi », se rappelle l’actrice, à l’époque âgée de vingt-six ans.

    Haenel comme Sciamma n’ont pas oublié le trouble du producteur : « sidéré », « perturbé », « il n’en revenait pas », « il disait : “Ce n’est pas possible.” » « Si, elle vient de te le dire extrêmement clairement, entends-la, lui répond, dans un aparté, Céline Sciamma, selon son témoignage. Maintenant tu sais. Il va falloir que tu te poses les questions. »

    « Dans ma situation actuelle, je ne peux pas accepter le silence »

    Questionné par Mediapart, Bertrand Faivre se souvient d’avoir été « stupéfait » de « la colère » et de la « violence » d’Adèle Haenel, mais soutient que rien « d’explicite » n’a été formulé et que Céline Sciamma aurait « minimisé les choses ». « Je sors de cette discussion en me disant qu’un truc grave s’est passé entre Christophe et Adèle, mais je n’y mets pas de connotation sexuelle. » En rentrant, il en fera part à sa femme, puis dit avoir questionné plus tard Christophe Ruggia : « Il m’a envoyé balader, m’a dit que oui ils s’étaient embrouillés, mais que cela ne me regardait pas. Je ne suis pas allé chercher plus loin. » Il dit avoir « recroisé plusieurs fois » Adèle Haenel par la suite et constaté « sa froideur » à son égard, mais qu’elle n’a plus évoqué le sujet.

    S’agissant des faits portés à sa connaissance, il assure « tomber des nues ». « C’est un tournage qui a été difficile, intense, il y avait beaucoup de fatigue, beaucoup d’heures, et un trou de 1,1 million de francs dans le budget [168 000 euros – ndlr] », reconnaît-il. Mais il affirme que « personne ne [lui] a signalé de problème avec Christophe Ruggia » sur le tournage, et que lui-même, présent « régulièrement » sur le plateau puis aux festivals de Yokohama et Marrakech, n’avait « rien remarqué qui [le] choque ».

    « Je suis peut-être dans un déni inconscient, mais pour moi, il y avait zéro #ambiguïté. Il était très proche d’Adèle et Vincent. Ils sont restés liés plusieurs années après le tournage, j’ai interprété cela comme un réalisateur qui fait attention à ne pas laisser tomber les enfants après le film, parce que le retour à leur vie normale peut être difficile. » S’il concède que la méthode de travail de Ruggia avec les enfants était « particulière », il explique que le réalisateur avait « tourné avec beaucoup d’enfants avant », ce qui inspirait « confiance ».

    Éric Guichard, le chef opérateur, s’est lui aussi demandé avec insistance pourquoi Adèle Haenel « faisait l’impasse sur Les Diables dans les médias ». Il dit avoir obtenu la réponse « en 2009 ou 2010 », de la bouche d’« une personne du tournage ». « J’ai compris de cette conversation qu’il y avait eu des soucis avec Christophe, des attouchements après le tournage. »

    De son côté, le comédien Vincent Rottiers s’est « posé des questions » sur la rupture des contacts entre Ruggia et l’actrice. « Je ne comprenais pas. Je me disais qu’elle avait sa carrière maintenant. » Le 5 juin 2014 , lors d’une avant-première d’Adèle Haenel https://www.forumdesimages.fr/les-programmes/toutes-les-rencontres/les-combattants, au Forum des images, à Paris, il la questionne explicitement. « Je lui ai dit : “Pourquoi tu es partie ? Il s’est passé un truc de grave, de la pédophilie ? Dis-moi et on règle ça !” Je voulais qu’elle réagisse, j’ai prêché le faux pour savoir le vrai. Je n’ai pas eu ma réponse, elle est restée silencieuse », explique-t-il. Trois jours après, la comédienne a retranscrit cette conversation précisément dans une nouvelle lettre à Christophe Ruggia jamais envoyée, que Mediapart a pu consulter. Elle y relate en détail les faits qu’elle dénonce, en posant les mots « pédophilie » et « abus de quelqu’un en situation de faiblesse ».

    Un décalage existe parfois entre ce qu’Adèle Haenel estime avoir exprimé et ce qu’ont compris ses interlocuteurs. Au fil du temps en tout cas, pour qui voulait bien tendre l’oreille, l’actrice n’a pas caché, dans les médias, que Les Diables avaient été une épreuve douloureuse. En 2010, dans un entretien https://www.youtube.com/watch?v=Qr0lQZ0Esb0&app=desktop

    consacré au film, elle insiste sur le danger de la « mainmise » du réalisateur « qui t’a amenée vers la lumière, qui t’a amenée la connaissance », son pouvoir de « façonner un acteur », d’autant plus « quand il est petit ». « Ils ne se rendent pas compte qu’ils dépassent les bornes de ce qu’ils doivent faire chez quelqu’un, lâche-t-elle. […] Pour moi, ce genre de choses ne m’arrivera plus, parce que maintenant j’ai du vécu dans ce genre de relation […] et puis j’ai fait des études. » Deux ans plus tard, elle confie http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19342240&cfilm=36320.html qu’elle « ne p[ouvait] plus regarder le film, c’était trop bizarre ». En 2018, elle évoque dans Le Monde une expérience « traumatique » https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2018/10/12/adele-haenel-le-jeu-sacre_5368257_4497186.html, « incandescente, folle, tellement intense qu’après [elle a] eu honte de ce moment-là ». « Il a fallu faire en sorte de continuer à vivre pour se construire », ajoute-t-elle.

    Quand explose le mouvement #MeToo, à l’automne 2017, nombre de ses proches ont « immédiatement » pensé à Adèle Haenel. Ils se sont demandé si la comédienne allait sauter le pas « pour se libérer de cette histoire ». « C’est peut-être le moment », lui a glissé Céline Sciamma. Mais l’actrice n’est pas prête. Même refus un an plus tard, lorsqu’elle fait la une du magazine du Monde https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2018/10/12/adele-haenel-le-jeu-sacre_5368257_4497186.html. « La journaliste me demandait : “Qu’est-ce qu’il s’est passé sur Les Diables ?”, se souvient Christel Baras. J’ai appelé Adèle : “Tu en parles ou pas ?” Elle m’a dit non. » « Je ne savais pas comment en parler, et le fait que cela se rapproche d’une affaire de pédophilie rendait la chose plus compliquée qu’une affaire de harcèlement », explique aujourd’hui la comédienne.

    Le déclencheur viendra au printemps 2019. Avec le documentaire consacré à Michael Jackson https://www.youtube.com/watch?v=R_Ze8LjzV7Q

    , mais aussi en découvrant que Christophe Ruggia préparait un nouveau film dont les héros portent les prénoms de ceux des Diables. « C’était vraiment abuser. Ce sentiment d’impunité… Pour moi, cela voulait dire qu’il niait complètement mon histoire. Il y a un moment où les faux-semblants ne sont plus supportables », relève-t-elle. La comédienne redoute aussi que les actes qu’elle dit avoir subis ne se reproduisent à l’occasion de ce nouveau film, intitulé L’Émergence des papillons, et qui met en scène deux adolescents.

    Le scénario, que Mediapart s’est procuré, ne manque pas d’interroger. Il y est notamment question de violences conjugales, de « relations toxiques », de harcèlement au lycée, d’une liaison entre un adulte et une mineure et d’« une affaire de viol sur mineure ». Comme les autres films du réalisateur, ce long-métrage est « partiellement autobiographique, fortement inspiré de son adolescence », peut-on lire dans le dossier de demande de financement obtenu par Mediapart.

    Dans sa note d’intention, Ruggia décrit des personnages issus de « souvenirs réels [qui] se mêlent aux souvenirs racontés, fantasmés, réarrangés en fonction de son inconscient, de ses peurs ou de ses colères ». « Les prénoms, c’était un clin d’œil, un hommage aux Diables », explique à Mediapart le producteur Bertrand Faivre. Il dit avoir « gelé le projet, par précaution », en juillet, deux semaines après avoir appris l’existence de notre enquête. Il explique qu’il ne « travaillera plus avec Christophe Ruggia ».

    Le 18 septembre, à l’occasion de la sortie du film Portrait de la jeune fille en feu, dans lequel Adèle Haenel tient l’affiche, le réalisateur a posté sur son compte Facebook une photo d’elle issue du film, accompagné d’un cœur. Questionné sur le sens de cette publication, alors qu’il avait – d’après sa sœur – connaissance des accusations de l’actrice, Christophe Ruggia n’a pas répondu, s’en tenant à son démenti global. https://www.mediapart.fr/journal/france/171019/violences-sexuelles-l-actrice-adele-haenel-accuse-le-cineaste-christophe-ruggia/prolonger

    Pour Céline Sciamma, dans cette affaire, l’asymétrie de la situation aurait dû alerter : « Christophe Ruggia n’a rien caché. Il a publiquement déclaré son amour à une enfant dans des mondanités. Certaines personnes ont acheté sa partition de l’amoureux éconduit, qu’on allait plaindre parce qu’il avait le cœur brisé, qu’il avait tout donné à une jeune fille qui était en train de moissonner tout cela. »

    Adèle Haenel dit mesurer « la force folle, l’entêtement » qu’il lui a fallu, « en tant qu’enfant », pour résister, « parce que c’était permanent ». « Ce qui m’a sauvée, c’est que je sentais que ce n’était pas bien », ajoute-t-elle. L’actrice estime que son ascension sociale lui a en partie permis de briser le silence. « Même s’il est difficile de lutter contre le rapport de force imprimé depuis la jeune adolescence et contre le rapport de domination hommes-femmes, le rapport de force social, lui, s’est inversé. Je suis puissante aujourd’hui socialement alors que lui n’a fait que s’amoindrir », dit-elle

    La comédienne envisage sa prise de parole publique comme un nouvel « engagement politique », après son coming out https://vimeo.com/88660859

    sur la scène des César, en 2014. « Dans ma situation actuelle – mon confort matériel, la certitude du travail, mon statut social –, je ne peux pas accepter le silence. Et s’il faut que cela me colle à la peau toute ma vie, si ma carrière au cinéma doit s’arrêter après cela, tant pis. Mon engagement militant est d’assumer, de dire “voilà, j’ai vécu cela”, et ce n’est pas parce qu’on est victime qu’on doit porter la honte, qu’on doit accepter l’impunité des bourreaux. On doit leur montrer l’image d’eux qu’ils ne veulent pas voir. »

    Si l’actrice en parle publiquement aujourd’hui, insiste-t-elle, « ce n’est pas pour brûler Christophe Ruggia » mais pour « remettre le monde dans le bon sens », « pour que les bourreaux cessent de se pavaner et qu’ils regardent les choses en face », « que la honte change de camp », « que cette exploitation d’enfants, de femmes cesse », « qu’il n’y ait plus de possibilité de double discours ».

    Un constat partagé par la réalisatrice Mona Achache, pour qui il ne s’agit pas de « régler des comptes » ou « lyncher un homme », mais de « mettre au jour un fonctionnement abusif ancestral dans notre société ». « Ces actes découlent du postulat que la normalité siège dans la domination de l’homme sur la femme et que le processus créatif permet tout prolongement de ce principe de domination, jusqu’à l’abus », analyse-t-elle.

    Comme elle, Adèle Haenel entend aussi soutenir, par son témoignage, les victimes de #violences_sexuelles : « Je veux leur dire qu’elles ont raison de se sentir mal, de penser que ce n’est pas normal de subir cela, mais qu’elles ne sont pas toutes seules, et qu’on peut survivre. On n’est pas condamné à une double peine de victime. Je n’ai pas envie de prendre des Xanax, je vais bien, je veux relever la tête. » « Je ne suis pas courageuse, je suis déterminée, ajoute-t-elle. Parler est une façon de dire qu’on survit. »

  • Police, jamais sans mon arme

    Oui ! On protège un gouvernement qui n’est pas aimé. Mais c’est notre job. Benoit

    Quelle police offre-t-on à la société ? Quelle est la véritable mission d’un policier ? Protéger les personnes et les biens, enquêter, secourir et réprimer aussi.

    À partir du moment où les manifestants se comportent en combattant, je me transforme en combattant. Et le plus fort gagnera. Je n’ai aucune pitié. Benoit

    Il faut savoir assimiler ces 3 fonctions quand on est policier et ne pas en avoir peur. Arme à la ceinture, symbole de leur pouvoir, Marc, Benoit et Anthony questionnent le sens de leur mission.

    J’ai toujours mon arme avec moi. Je fais mes courses, j’ai mon arme avec moi. Je pars en vacances avec mon arme. C’est comme si je prenais mon téléphone portable, mes lunettes, mes clés de voiture ou ma carte bancaire. Ça fait partie de mon quotidien. Benoit

    L’excitation, l’adrénaline, la déception et la désillusion parfois font partie de leur quotidien.

    L’excitation et l’adrénaline m’empêchent d’avoir peur. J’ai peur après. A posteriori, je me dis : « Là c’était chaud quand même ! ». Benoit

    Comment on peut accepter aujourd’hui pour 1600€ de monter en région parisienne pour se faire cracher à la gueule avec une hiérarchie qui ne vous soutient pas ? Marc

    Avec

    Marc, policier
    Benoit, policier
    Anthony Caillé, policier, secrétaire national de la CGT intérieur.

    https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/force-de-lordre-14-le-maintien-de-lordre-a-la-francaise

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    #Mantes-la-Jolie, des lycéens à genoux

    On doit éviter les policiers ! Alors que les policiers, normalement, ils ont des yeux, ils voient qu’on est des enfants, qu’on est des élèves. un lycéen

    C’est l’histoire d’une interpellation qui survient en pleine mobilisation lycéenne à Mantes-la-Jolie, dans un climat de haute tension.

    La première infraction, c’est d’abord la violation de liberté individuelle, c’est le fait d’avoir été séquestré dans un enclos pendant plusieurs heures. C’est une séquestration commise par une personne dépositaire de l’autorité publique, à savoir les fonctionnaires de police. C’est une infraction pénale. Maître Alimi

    L’histoire de 151 jeunes interpellés par les forces de l’ordre qui sont restés agenouillés plusieurs heures durant, les mains dans le dos ou sur la tête avant d’être transférés dans différents postes de police des Yvelines. Un événement qui va laisser des traces.

    Nous sommes restés 2/3 heures à terre, les mains sur la tête jusqu’à ce qu’ils nous embarquent dans leur voiture par petits groupes. une lycéenne

    Pour les familles plus que blessées, il s’agit d’une arrestation humiliante et inacceptable.

    L’important c’est de faire comprendre que l’autorité est du côté de la police, pas de la loi et que l’important c’est de le faire comprendre... Ce qui est préoccupant c’est que cette attitude est souvent encouragée par la hiérarchie et couverte aussi par le pouvoir politique. Jean-Marie Delarue

    Pour le commissaire de la ville, il s’agissait d’ « interrompre un processus incontrôlé ». Depuis, l’enquête préliminaire, confiée à I’Inspection Générale de la Police (IGPN), qui avait déjà établi « qu’il n’y avait pas de faute » commise par la police lors de cette arrestation, a été classée sans suite.

    Le recteur d’académie m’a appelé personnellement pour me remercier du travail que j’avais fait pour garantir la sécurité de cet établissement scolaire. C’est ça la vérité ! Arnaud Verhille

    Tous les éléments factuels ne peuvent qu’aboutir au constat que nous avons fait le travail de manière professionnelle avec la volonté de ne blesser aucun jeune pendant les quatre jours d’émeute malgré la violence. Arnaud Verhille

    Mais que s’est-il réellement passé ?

    On a ciblé des lycéens à un moment donné de leur vie, au moment d’une grève, au moment d’un blocus c’est-à-dire le moment où d’adolescent on passe à citoyen. Peut-être que l’État inconsciemment se rend compte que s’il veut diriger plus facilement des populations, et bien il faut taper à la racine et faire peur tout de suite. Maître Alimi

    Avec

    Yessa, Hanane, Myriam et Rachida et les jeunes du Collectif de Défense des Jeunes du Mantois
    Maître Alimi, avocat
    Jean-Marie Delarue, président de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme
    Edouard Durand, juge pour enfants
    Arnaud Verhille, Officier et Commissaire de police de Mantes-la-Jolie
    Geneviève Bernanos du Collectif de Mères solidaires

    https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/force-de-lordre-34-mantes-la-jolie-des-lyceens-a-genou

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    "Allô, Place Beauvau ?", davduf lanceur d’alerte

    Mais qu’est-ce que ça veut dire qu’une république qui tire sur ses enfants ? David Dufresne

    Ancien de Best, de Libé, d’I-Télé et de Mediapart, David Dufresne est écrivain, documentariste, explorateur de récits et du web. Mais d’où vient- il ? Des radios libres ? Des fanzines rocks ? Du mouvement punk ? C’est au milieu des années 1980 dans la presse alternative que David Dufresne démarre.

    Ce qui m’intéresse dans le Punk et le Rap, c’est le rapport à la police. David Dufresne

    Préoccupé par les libertés publiques et individuelles, il recense et dénonce sur son compte Twitter jour et nuit les blessés par les forces de l’ordre lors des manifestations des « gilets jaunes ».

    Twitter, en France, c’est un peu le nouveau fil AFP des journalistes... Recenser les violences policières sur mon fil Twitter, c’était une façon de dire : "maintenant les gars ! ça existe vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas". David Dufresne

    Aujourd’hui, on peut raisonnablement dire que l’État a fait le pari de la violence. David Dufresne

    Avec

    David Dufresne, écrivain, documentariste (@davduf)
    Gérard Desportes, écrivain et journaliste
    Mireille Paolini, éditrice aux éditions du Seuil
    Yannick Bourg, écrivain
    Perline, ingénieure informaticienne
    Anita Hugi, réalisatrice et directrice de festival des journées de Soleure en Suisse

    https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/force-de-lordre-24-allo-place-beauvau-davduf-lanceur-dalerte

    –--------

    Le #maintien_de_l’ordre à la française

    L’histoire du maintien de l’ordre c’est celle d’une disciplinarisation à la fois des forces de l’ordre mais aussi des manifestants des protestataires. Fabien Jobard

    Les manifestations des gilets jaunes nous ont bien rappelé que l’encadrement d’une foule nécessite des compétences, un savoir-faire, né dans notre pays après le drame de la Commune.

    Les manifestations "#loi_travail" et "#gilets_jaunes" ont donné lieu à des dégâts physiques et des dommages corporels qu’on n’avait jamais vu auparavant.

    Depuis cette date la question du contrôle des foules dans la « #légalité_républicaine » ne va cesser de se poser, et progressivement une doctrine à la française va se construire.

    Le préfet Lépine a marqué l’histoire du maintien de l’ordre, notamment en essayant de trouver des moyens alternatifs à la charge dans la foule. Ce qu’il a tenté de faire, c’est montrer le plus de force possible, pour ne pas avoir à s’en servir. Fabien Jobard

    Quelle est l’histoire du maintien de l’ordre à la française ? Quelles sont les évolutions majeures et les césures ? Aujourd’hui les autorités sont-elles plus violentes ou est-ce la perception de cette violence qui évolue ?

    Les forces de l’ordre savent parfaitement bien gérer le maintien de l’ordre ordinaire mais pas quand le pouvoir politique leur demande d’être plus répressif. Patrick Bruneteaux

    Avec :

    Fabien Jobard, directeur de recherches au CNRS, rattaché au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP)
    Olivier Filleule, professeur de sociologie politique à l’Institut d’études politiques, historiques et internationales de l’Université de Lausanne (IEPHI) et membre du Centre de recherche sur l’action politique de l’Université de Lausanne (CRAPUL)
    Patrick Bruneteaux, chercheur en sociologie politique au CNRS et membre du CRPS
    Jean-Marc Berlière, historien, spécialiste de l’histoire des polices en France et professeur émérite à l’université de Bourgogne
    Vanessa Codaccioni, historienne et politologue, maîtresse de conférences en science politique à l’Université Paris 8
    Cédric Moreau de Bellaing, maître de conférences en sociologie du droit à l’ École Normale Supérieure
    Jean-Marie Delarue, président de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme

    https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/force-de-lordre-44-police-jamais-sans-mon-arme

    #audio #police #forces_de_l'ordre #métier #travail #France #témoignage #policier #policiers

    ping @isskein @karine4 @cede @nepthys

  • Violences sexuelles : UNE VOLONTE DE NE PAS CONDAMNER – Le blog de Christine Delphy
    https://christinedelphy.wordpress.com/2018/07/23/violences-sexuelles-une-volonte-de-ne-pas-condamner

    A la rigueur, condamner un violeur multirécidiviste comme celui de la Sambre, parce que là, il y a vraiment trop de victimes. Mais condamner les violeurs incestueux, les violeurs conjugaux, etc., pas question. Finalement, ils ne trouvent pas ça si grave – il y a un fossé effarant entre la lettre du Code pénal et la réalité des condamnations. Seulement 1% de condamnations en Cour d’assise, ça montre bien qu’il y a une mauvaise volonté judiciaire absolue. 80% d’affaires classées sans suite – quand on voit les raisons de ces classements sans suite, on voit bien qu’il y a une volonté de ne pas suivre.

    Ce sont les enfants, et surtout les filles, qui sont de loin les principales victimes des violences sexuelles : on parle de 93 000 viols subis par les filles, il y a beaucoup plus de filles que de femmes qui sont violées. Et quand on parle de 81% de viols avant 18 ans, c’est 51% avant 11 ans et 21% avant 6 ans ! Et 50% ont lieu dans la famille. Ça, on en parle très peu : en ce qui concerne les violences sexuelles sur enfants, la famille, c’est le lieu le plus dangereux. Il n’y a pas de campagnes là-dessus, c’est comme si ça n’existait pas. Et de toute façon, les enfants appartiennent à leur famille, donc les parents auraient le droit de leur faire ce qu’ils veulent. Et il y a le cas des personnes très vulnérables, qui sont oubliées et presque jamais citées : les femmes handicapées subissent énormément de violences sexuelles, et pas seulement les plus jeunes, de même que les femmes qui présentent des troubles liés à l’autisme. Les derniers chiffres qui sont sortis pour les violences sexuelles sur ces femmes, c’est 90%. Toutes les formes de handicap mental sont concernées, toutes les femmes qui présentent des troubles développementaux tels qu’elles n’ont pas la capacité de comprendre ce qui se passe ni de pouvoir s’opposer – ce sont elles qui vont être agressées en priorité. Et ce qu’on ne dit pas suffisamment, c’est que le fait d’avoir subi des violences dans la petite enfance est un facteur extrêmement important de subir d’autres violences plus tard. Du fait de leur impact traumatique gravissime, du fait qu’elles sont souvent isolées, pas protégées, ces femmes vont subir de nouvelles violences tout au long de leur vie, sans que ça émeuve grand’monde. Il y a cette vision de la société : tant pis pour les plus vulnérables – c’est celles qu’il faudrait le plus protéger qu’on laisse tomber.

    F. S. : Vous citez ce chiffre : les filles qui ont été victimes d’agression dans leur enfance ont jusqu’à 25 fois plus de « chances » d’être victimes de violences « conjugales » à l’âge adulte.

    M. S. : 25 fois, c’est le ratio maximum, le chiffre moyen c’est 16 fois. Et inversement, les hommes qui ont subi des violences physiques et sexuelles dans l’enfance ont 14 fois plus de risques de commettre des violences plus tard. Il est donc doublement important de protéger les enfants, qui sont pourtant les grands oubliés des politiques publiques. J’ai écrit une lettre ouverte au Président de la République, qui m’a répondu ; j’ai écrit aussi une lettre ouverte à Agnès Buzyn pour l’alerter sur les violences et violences sexuelles sur enfants et les problèmes de Santé publique majeurs que ça représente. Comme le Président de la République lui a renvoyé ma lettre, là, elle m’a répondu en disant : « chère Madame » (et non pas « cher confrère, je suis médecin, elle est médecin, c’est déjà un peu particulier de ne pas prendre en compte mon statut de médecin). Et tout ce qu’elle a répondu, c’était essentiellement : « ne vous inquiétez pas, on fait ce qu’il faut ». J’ai d’ailleurs posté la lettre sur les réseaux sociaux. Tout démarre dans l’enfance, et on peut toujours essayer d’améliorer les droits des femmes, œuvrer pour les protéger un peu mieux des violences au travail – tout ce qu’on entend en ce moment – ça ne changera rien à la problématique, on aura toujours autant de violences si on ne les prend pas à la source.

    • @nepthys dans Touchez pas au grisbi qui est on ne peut plus misogyne (si je me souviens bien les femmes y ont des rôles d’inférieures merdiques avec des textes d’une ou deux phrases maximum) Jeanne Moreau se plaignait de Gabin qui avait pris plaisir à refaire la scène de la gifle hyper violente plusieurs fois.
      Mais ce film est toujours présenté comme un chef d’œuvre sans aucune mention de son virilisme.
      Et je ne trouve pas trace sur internet de critique de cette scène immonde. @le_cinema_est ?

    • Oui !
      Ce sont les petites manifestations quotidiennes de la domination masculine qu’il faut traquer et dénoncer, pas seulement l’anachronisme de la violence physique. La domination, qui passe par tous les canaux de la culture, des institutions et des comportements fonctionne toujours parce que les femmes ne questionnent pas encore assez cette intériorisation.
      Tant qu’une femme trouvera normal de ne pas transmettre son nom à ses enfants, tant qu’une mère hésitera à laisser son petit garçon porter une jupe ou jouer à la poupée, tant que personne ne relèvera que certains livres d’histoires des collèges nomment les exploratrices (quand ils acceptent de nommer ces invisibles !) par leur prénom dans le texte, mais les hommes par leur nom, tant que dans le contrat de vente d’une maison, la notaire trouvera normal de nommer la vendeuse « le vendeur » (vécu la semaine dernière), tant que dans une auto les femmes laisseront le volant à l’homme (amusez-vous à compter…), tant qu’elles croiront que faire l’amour avec un homme implique forcément la pénétration, tant qu’elles croiront ne pas être capable de se servir d’un marteau-piqueur, alors cette domination continuera de se nourrir de notre inconscient à toutes et à tous.

      #stéréotypes #domination_masculine #non_émancipation_féminine #devoir_de_révolte

    • @nepthys je ne suis plus d’accord avec ce discours qui rend responsables les femmes de ce qu’elles vivent comme les mères de l’éducation qu’elles donnent à leurs enfants.
      Je vis ça dans un groupe de logiciel libre formé à 97% d’hommes, où la plupart pensent ne pas avoir à se questionner du pourquoi il n’y a pas de femmes dans ce groupe. Leur réponse est que ce n’est pas un problème pour eux, que la solution ne peut venir que des femmes. Y’en a un peu marre de pointer du doigts les femmes alors qu’elles suffoquent et crèvent de cette domination masculine qui ne se remet jamais en question. Qui n’a besoin des femmes que pour toujours mieux leur taper dessus.

    • Je suis d’accord avec toi @touti surtout que le coté « tant qu’une femme fera si ou ca, on s’en sortira pas » me fait dire qu’on y arrivera jamais. Il y aura toujours des « femmes de droite » qui se satisfont des miettes que la société leur concède. Il y a moyen de retourné ce que tu dit @nepthys de manière moins injonctive pour les femmes. Par exemple : « Tant que des hommes trouveront normal de transmettre leur nom (et celui de tous les mâles de leur lignée qui ont opprimés et effacés toutes les femmes de leur lignés) aux enfants que des femmes ont portées ».

    • Mais, c’est l’histoire de la poule et de l’œuf. Ou commencer ? Qu’est-ce que la domination, sinon l’intériorisation de règles arbitraires que l’on prend pour naturelles, donc l’image à laquelle beaucoup de femmes se conforment inconsciemment faute d’avoir questionné cette « naturalité ». Les femmes qui acceptent cela, ce n’est de toute évidence pas toi @touti, ce n’est pas toi @mad meg, ce n’est pas moi, mais c’est probablement une majorité des femmes de 4 à 116 ans de cette terre, de droite ou de gauche, certainement plus de droite, probablement plutôt de nulle part, apolitiques et sages, ou apolitiques car épuisées, ou apolitiques car muselées. Si elles prennent conscience ne serait-ce que du mécanisme de la domination masculine ce sera bien plus efficace que d’attendre la même démarche de la part des hommes. Pourquoi un profiteur accepterait-il de changer les règles d’un jeu dont il tire profit ?
      Pour moi, et je le pratique, il est plus radical de commencer par soi-même et de refuser, au quotidien, des choses qui semblent mineures, voire ridicules, pour rompre cette logique. Et, aussi, de me questionner sans relâche sur mon propre conditionnement.
      C’est comme les quotas professionnels de femmes, oui, c’est indispensable à mes yeux, parce que 1. les femmes ont le droit d’être aussi incompétentes que les hommes et d’occuper pourtant des postes intéressants 2. un système aussi rodé que le système patriarcal a besoin d’être bousculé violemment dans un premier temps.
      La plupart des hommes trouveront toujours un tas d’arguments pour vouloir imposer leur propre nom aux enfants, mais ils ne le pourront qu’aussi longtemps que les femmes les écouteront et trouveront cela normal, elles aussi. Là est toute la perversion de la domination.
      C’est cette intériorisation que je dénonce. Je ne parlerai pas de responsabilité des femmes à propos de leur situation et à qui il incomberait d’en sortir par injonction. Les femmes sont tout simplement aussi conditionnées que les hommes dans cette histoire, et il me semble contre-productif de le nier. Je vois, au contraire, dans la prise de conscience par elles-mêmes de ce conditionnement un petit levier pour changer la donne.
      J’ai élevé mes quatre filles d’une certaine façon, j’ai cherché à leur transmettre ce que j’avais compris de la situation historique des femmes aujourd’hui et c’est moi seule qui ai décidé de leur éducation. En cela, oui, je suis responsable de mes choix d’éducation comme de tous mes autres choix, je ne suis pas responsable de la situation défavorable dans laquelle je me trouve en tant que femme, mais de ce que je choisis de faire contre, de mes actes d’insubordination, de ma lutte. C’est souvent lourd, c’est éreintant, cela me nuit parfois. Mais, même si je ne gagne pas toujours, je suis maîtresse de ma démarche. J’ai ce pouvoir, car je me le donne.
      Attendre des hommes qu’ils se libèrent eux-mêmes de leur carcan, c’est, comme dit, encore plus difficile (bien que je connaisse des hommes qui essaient sincèrement). Mais on ne va pas les prendre par la main. Si, face à eux, il y a des femmes qui ne jouent plus le jeu de la domination - et il y en a de plus en plus - ce sera toujours ça le grain de sable dans le système.

    • C’est pas attendre, plutot exigé. Ce que tu dit n’est pas faux @nepthys mais @touti et moi avons choisi de ne pas ajouté d’injonctions ou de pression aux femmes. Par exemple lorsque tu dit que : « Les femmes qui acceptent cela, ce n’est de toute évidence pas toi @touti, ce n’est pas toi @mad meg, ce n’est pas moi, mais c’est probablement une majorité des femmes de 4 à 116 ans de cette terre... »
      Je ne fait pas un sans faute par rapport à ton cahier des charges de la femme acceptable sur le plan féministe. Par exemple j’ai pas le permis de conduire et sur le partage des tâches j’ai pas toujours pu faire comme j’aurais souhaité de mon point de vue féministe, sans parlé de 1000 autres choses que je vais pas énuméré.... Il y a tellement de choses à faire, de domaine dans lesquels ca se passe que je suis toujours à un moment ou une autre une « mauvaise féministe ». Ce que tu dit met beaucoup de pression sur les femmes, catégorie dont je fait partie.
      Je sais que les hommes ne sont globalement pas près de bouger et que ca semble vain de s’adressé à eux, mais si on ne pointe pas leurs responsabilités ca ne risque pas d’arriver à leur cerveau. Ca me semble plus utile de les secoués eux et de leur faire entendre à eux mon/notre mécontentement, que de le faire aux femmes qui se mangent deja assez copieusement de la culpabilité.

    • Je vous comprends bien @mad_meg et @touti. Il y a plusieurs chemins qui mènent au même but, et c’est ça qui est appréciable et constructif : la diversité et les modèles alternatifs.
      Je me suis moi-même retiré beaucoup de la pression qui s’impose à quiconque lutte pour ses droits quand j’ai décidé d’inverser la donne, de ne pas me placer en situation de réaction par rapport à un état de fait, mais de me considérer comme maîtresse du jeu. Et pour cela, il a fallu que je prenne conscience de mon propre conditionnement. J’y ai mis du temps, avec des avancées, des reculs, des échecs, des victoires, mais un jour j’ai compris (je parle pour moi) que de me soustraire au conditionnement, que de me dés-approprier les réflexes qu’il induit, était la façon qui me convenait le mieux pour me libérer mentalement et oser, assurer et assumer mes actes parfois radicaux. C’est aussi ce que j’ai transmis à mes filles.
      Mon crédo est donc le suivant (et chacune a le sien) :
      1. Ne confondons pas violence et domination. Les deux principes, qui assoient le pouvoir exercé sur nous, marchent de paire et se conditionnent l’un l’autre, mais nous ne pouvons pas nous en défendre de la même manière : à la violence on répond avec les armes (lutte politique pour la justice et l’égalité, concertation, information, contre-violence (oui !)..). A la domination on ne peut répondre que par le noyautage des subtils mécanismes à l’œuvre.
      2. Sortons du discours chrétien de la culpabilité. Bien sûr, on nous inculque depuis que nous sommes petites qu’il y a quelque chose qui cloche avec nous, que notre comportement ne sera jamais le bon et qu’il y aura toujours faute (merci Eve et Adam) : lutter pour nos droits nous rendrait donc doublement coupables. Voilà un bel exemple de domination culturelle. Changeons de perspective, plaçons-nous dans le champ de la psychologie et non de la morale. J’ai moi-même mis des décennies à me débarrasser de ce travers. Ma subversion est à présent une démarche positive : je ne me sens pas acculée à faire tout le travail d’émancipation seule parce que je serais de genre féminin, mais parce qu’être de ce genre-là est une chance, que je l’assume, que je le mets en avant, que c’est immensément gratifiant pour moi, que je me sens forte et libre dans ma tête. A moins d’une idéologie (mais pourquoi pas), le libre-arbitre se constitue par confrontation, opposition et dépassement de notre conditionnement culturel.
      3. La prise de conscience par les femmes de leur propre conditionnement me semble tactiquement aussi nécessaire qu’une guerre frontale, en tout cas, le b.a.-ba pour faire table rase de notre automutilation mentale.
      4. Travailler sur soi-même, c’est ce que nous demandons aux hommes. Ne lâchons jamais prise, le chantier est trop vaste et les risques de régressions sont trop nombreux. Mais si nous travaillons sur nous-mêmes, nous obtiendrons deux émancipations au carré.
      Je ne me considère pas comme une « bonne féministe » (attention, jugement de valeur), je me considère comme une être humaine.
      En conjuguant nos démarches, en apprenant les unes des autres, nous irons beaucoup plus vite.

      #sororité

    • @nepthys Je ne dit pas que tu te considère comme une « bonne féministe ». Par contre ton énumération de départ m’apparait comme des exemple de mauvais comportements pointés seulement en direction des femmes pour dire qu’elles ne sont pas assez bonnes féministes. « Tant qu’une femme trouvera normal de ... » est une tournure quant même assez moralisante.

      Je suis toute à fait d’accord avec toi pour l’importance de la sororité et de la conjugaison des démarches, c’est pour cette sororité que @touti et moi n’aimons pas faire de reproche aux femmes et préférons mettre la pression sur la classe des hommes et c’est aussi dans l’idée de conjugaison de nos démarches qu’on t’a répondu pour te faire partagé nos choix radicaux et inhabituel (puisque l’habitude est porter la faute sur Eve, Lafâme, les femmes ca serait pas mal que du coté des féministes on en remette pas une couche). Il n’y a pas de désaccord sur le fond entre nous, nous sommes féministes.

    • Tu es courageuse, @touti, de partager ton expérience personnelle de la violence quotidienne faite aux femmes. C’est absolument révoltant. Nous avons toutes subi cette violence à des degrés divers et elle est inadmissible, sous quelque forme que ce soit.
      De nos expériences, chacune retient les aspects pour lesquels elle choisit de s’engager. Moi, j’ai été sensibilisée très jeune aux questions du conditionnement. Quand dans les années 1980, j’ai voulu présenter en cours de philo au lycée Du côté des petites filles (1973) d’Elena Belotti, ma prof a estimé que le sujet datait trop… Depuis, j’ai accumulé les expériences qui me montrent que le sujet ne date vraiment pas. Les stéréotypes sont là, plus subtils parfois, mais tout aussi prégnants, intériorisés selon le même mécanisme. Le détricotage de ce conditionnement des femmes autant que des hommes est le combat qui m’intéresse. Ce qui n’enlève rien à mes autres formes de lutte et de soutien.
      Oui, courage à toutes !
      #conditionnement

  • Comment les géants du Web capturent notre temps de cerveau

    http://www.lemonde.fr/tant-de-temps/article/2017/10/18/comment-les-geants-du-web-capturent-notre-temps-de-cerveau_5202458_4598196.h

    La prochaine fois sera la bonne. Nouveau coup de bec sur la petite assiette en plastique : aucune graine n’apparaît. Le pigeon retente sa chance, il veut sa récompense. Rien. La prochaine fois, peut-être ? Encore raté. Qu’importe, le volatile insiste, picore encore et encore, jusqu’à ce que la nourriture tombe du ciel. Complètement accro à cette loterie.

    En délivrant à des oiseaux de laboratoire leur pitance de façon aléatoire, le psychologue B.F. Skinner a réussi, dans les années 1950, à conditionner leur comportement. Un de ses protégés a ainsi donné des coups de becs 2,5 fois par seconde pendant seize heures d’affilée, alors qu’il ne grappillait que des miettes.

    Pauvres pigeons, si faciles à plumer avec leur cerveau de piaf. L’Homme ne se laisserait jamais berner si aisément. Vraiment ? Les ados américains consultent leur téléphone plus de 150 fois par jour, en moyenne. Selon une enquête menée en 2016 par Raphaël Suire (qui enseigne le management de l’innovation à l’université de Nantes), 75 % des étudiants français interrogés sont pendus à leur smartphone dès le réveil. Plus éloquent encore : plus de la moitié d’entre eux déclarent le faire mécaniquement, bien conscients d’être addicts.

    Nir Eyal l’explique sans vergogne dans Hooked : How to Build Habit-Forming Products (éd. Portfolio, non traduit en français), un condensé de recettes de manipulation devenu la bible des concepteurs d’applications : « Les récompenses variables sont l’un des outils les plus puissants que les entreprises utilisent pour accrocher les utilisateurs. La recherche montre que le corps sécrète d’importantes quantités de dopamine dès lors que le cerveau s’attend à une récompense. Or l’introduction de la variabilité multiplie l’effet, créant un état de chasse frénétique, qui inhibe les zones du cerveau associées au jugement et à la raison tout en activant celles associées au désir et à l’exercice de la volonté. » Le consommateur est ferré.

  • Ni « putes » ni prudes, et surtout pas « pédés » : attentes de genre chez les adolescent.e.s
    http://theconversation.com/ni-putes-ni-prudes-et-surtout-pas-pedes-attentes-de-genre-chez-les-

    Les outils numériques amplifient le poids des standards de genre Les outils numériques offrent des conditions idéales aux adolescent.e.s qui se prêtent à cet exercice de la conformité de genre pilotée par la conformité aux standards de féminité/de masculinité, et d’hétérosexualité.

    • L’adolescence est une période de conformité aux stéréotypes de genre, mais également de mise en marge de celles et ceux qui ne se conforment pas à différents degrés à ces attentes (adolescent.e.s trans ou questionnant leur identité de genre, adolescent.e.s gays, lesbiennes, bisexuel.le.s, garçons studieux ou artistiques, filles revendiquant un intérêt pour la sexualité ou le sport, etc.).

      Si l’article dit vrai on vit dans une époque réactionnaire où les images imposées par une majorité de droite (eh oui, l’orientation ne se définit pas qu’à traver des choix économiques et dans le cadre d’un système politique établi) exercent une néfates énorme pression sur les jeunes.

      Quand le lis ce genre de témoignage je me sens comme si ma jeunesse s’était passé dans une bulle de liberté parfaite où on mettait en question tout ce qu’on rencontrait, tout c’e qui nous intéressait, et surtout nos comportements et idées par rapport à nos corps et à notre sexualité. Pourtant on avait les mêmes soucis et préoccupations que partagent depuis toujours les jeunes du monde entier.

      La preuve :
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Rom%C3%A9o_et_Juliette
      https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27%C3%89veil_du_printemps
      etc.

      #jeunesse #sexualité

    • On vit sans doute dans une époque où reviennent avec une vigueur qui nous surprend des idées réactionnaires. Le sentiment est renforcé peut-être par le côté contre-intuitif lié à une représentation implicite d’un inéluctable progrès historique qui, du coup, ne se vérifierait pas.
      Il est vrai que le « sens commun » semble revenir sur des terres conservatrices, mais je doute que « c’était mieux avant ». Mes souvenirs de mes jeunes années (des vestiaires de la piscine à l’école, aux « discussions entre mecs » de l’adulescence en passant par l’intégration aux groupes de collégiens ou lycéens) sont finalement assez proches de ce qui est décrit. Les mots n’étaient pas les mêmes, mais les mécanismes oui, très exactement.

      Cf. aussi : https://seenthis.net/messages/536128

      Lorsque nous vieillissons, d’autres phénomènes s’ajoutent et influent sur notre mémoire. La théorie de la sélectivité socio-émotionnelle montre par exemple qu’avec l’âge, nous retenons plus facilement les stimuli (événements, visages, informations) positifs que négatifs, ce qui pourrait expliquer physiologiquement notre tendance à dire que « c’était mieux avant ».

      Une des explications avancées serait qu’en vieillissant, la perspective de notre finitude nous pousserait à nous concentrer davantage sur notre bien-être et sur la régulation de nos émotions, et donc de prioriser le positif (voir ici ou ici). Pourtant, il semble que cette reconstruction optimiste du passé ne nous aide en définitive pas vraiment à positiver le présent, car nous serions confronté au quotidien à une réalité moins idyllique que nos souvenirs.

    • Tu as sans doute raison… je ne me sens pas assez calé pour répondre vraiment.
      Je suis juste surpris que ça ait pu être moins pire qu’aujourd’hui à une époque où une partie des « indicateurs » que tu mentionnes n’existaient même pas faute d’un minimum de conscience sociale de ces problématiques hors des cercles de militantes. Par exemple, tu parles du consentement, si on prend le marqueur du droit, le premier cas de crime de viol entre époux reconnu par la justice date de 1990, donc intuitivement j’ai du mal à croire que dans les années 80, les mentalités rendaient les hommes plus attentifs à la question du consentement qu’aujourd’hui.
      Mais bon, je ne suis ni légitime ni expert de ces questions. Je vais juste tenter de prendre l’exemple de la littérature jeunesse que je connais un peu mieux pour illustrer mon questionnement sur le « c’est de pire en pire ». Avant 1968, les stéréotypes de genre en littérature jeunesse n’étaient même pas en débat. Dans les années 70, il y a eu Adela Turin, les éditions « Le sourire qui mord », etc. Mais qui les lisaient ? Plus de vingt ans plus tard (!), en 1999, nous avons la thèse d’Hélène Montardre, intitulé « L’image des personnages féminins dans la littérature de jeunesse française contemporaine de 1975 à 1995 » qui pointent une force des représentations stéréotypées et une hégémonie des héros garçons. Un travail de conscientisation est fait avec en pointe l’indicateur « présence en couverture d’héroïnes filles non stéréotypées pouvant être un modèle d’identification ».
      Aujourd’hui, où en est-on ? À la fois, il y a un fort retour de la littérature et des magazines genrées, donc c’est pire. Mais en même temps, il y a de nombreuses ressources déclinées en fictions et documentaires qui n’existaient pas il y a 8 ans lorsque j’ai commencé à travailler sur le thème « égalité filles-garçons », les listes bibliographiques ont fleurit permettant un meilleure essaimage de cette question auprès des professionnel.le.s de l’enfance, comme on dit. L’édition généraliste a aussi été sensibilisé et a pris en compte l’indicateur mentionné plus haut. Ainsi une auteure me disait qu’un magazine d’histoires pour petits à grand tirage lui avait pris une fiction courte en lui demandant de changer le garçon, personnage principal, en fille, car ils n’avaient pas leur quota sur l’année. Donc ce n’est pas si simple que de dire « c’est pire » (ce qui est ma première intuition lorsque j’entre dans une maison de la presse ou un espace culturel Leclerc).
      Je peux me tromper mais j’ai l’impression qu’en terme de racisme, sexisme, grossophobie, etc, ce n’est pas pire qu’avant. Par contre ce qui a changé et qui fait craindre le pire, c’est que depuis les années 70, on était dans une dynamique de délégitimation de ces oppressions, et qu’aujourd’hui le vent souffle dans l’autre sens, et ça fait peur.

    • Le discours public s’est individualisé. La liberté est aujourd’hui définie comme une choses individuelle, alors qu’on la considérait possible qu’à travers des actes collectifs. Les comportements et préférences sexuelles furent alors considérées comme des fonctions de l’existence d’êtres sociétals. D’où la possibilité d’établir un lien systématique entre sexualité et révolution (ou réaction) politique. Cette vision dialectique des choses n’existe plus dans la conscience collective, enfin individuelle ;-).

  • Aux Arts et métiers, une enquête ouverte pour des faits de #bizutage
    https://www.mediapart.fr/journal/france/080716/aux-arts-et-metiers-une-enquete-ouverte-pour-des-faits-de-bizutage

    L’école Arts et métiers ParisTech (ex-Ensam), régulièrement épinglée pour sa pratique de l’usinage, apparenté au bizutage, fait l’objet d’une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris, à la suite du signalement du ministère de l’éducation nationale.

    #France #Ecole_nationale_des_Arts_et_métiers #ENSAM #enseignement_supérieur #usinage

    • Pas une fois le mot #sadisme dans cet (excellent au demeurant) article, et c’est dommage, parce qu’il s’agit en fait de tout un système basé sur des pratiques sadiques et complètement rétrogrades.

      Un article qui montre bien le côté bien pourrave du truc avec comme explication à la poursuite dette grosse merde, comme toujours, le cocktail « garder le pouvoir et argent ».

      Je me suis toujours demandé pourquoi les directeurs d’établissements étaient incapables de faire cesser ou au mieux évoluer ces pratiques sadiques. La réponse est dans le papier, à lire absolument.

    • spécialement pour @mad_meg et exceptionnellement, je poste l’article complet, il me semble être juste et une bonne base pour un débat sur la question. et si vous avez envie de voir ou revoir wei or die c’est là http://wei-or-die.nouvelles-ecritures.francetv.fr

      Juste pour voir ce que nos élites soutiennent.

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      enseignement supérieur Enquête

      Aux Arts et métiers, une enquête ouverte pour des faits de bizutage
      8 juillet 2016 | Par Faïza Zerouala

      L’école Arts et métiers ParisTech (ex-Ensam), régulièrement épinglée pour sa pratique de l’usinage, apparenté au bizutage, fait l’objet d’une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris, à la suite du signalement du ministère de l’éducation nationale.

      Le geste est fort et en dit long sur la gravité de dérives persistantes. Le 24 février 2016, le ministère de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur a dénoncé auprès du procureur de la République de Paris des pratiques assimilées au bizutage ayant cours à l’école Arts et métiers ParisTech (ex-Ensam). Des actes humiliants ou dégradants seraient imposés aux nouvelles recrues lors de manifestations liées au milieu scolaire, selon une source proche de l’enquête. Le parquet de Paris a ouvert, dans la foulée, une enquête préliminaire confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP).

      Ce signalement du ministère est fait en vertu de l’article 40.1 du code pénal, qui stipule que : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

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      En parallèle, selon nos informations, une enquête administrative a été lancée au sein de l’école au début du mois de juin par Laurent Carraro, le directeur général, après qu’il a été avisé de l’existence de trafics de drogue sur les campus, organisés par des étudiants qui en discutent dans des courriers électroniques. Certains élèves seraient initiés aux drogues dures par leurs pairs. En fonction des résultats de l’enquête, le directeur pourrait à son tour signaler ces faits au parquet, qui jugera des suites à donner à l’affaire.

      Interrogé par Mediapart, Laurent Carraro s’inquiète également de conduites addictives des étudiants, qui consomment alcool et drogues en grande quantité. « C’est un vrai problème dans toutes les grandes écoles, explique-t-il. Ici, vu la vie collective très riche, le terreau est fertile. Je m’inquiète pour la santé de mes étudiants. »

      L’école des Arts et métiers © DR L’école des Arts et métiers © DR
      La vie mondaine aux Arts et métiers est en effet foisonnante. L’école se targue même de cette attention portée à la perpétuation des traditions. Et glorifie des valeurs a priori positives comme l’entraide, la solidarité ou la fraternité. La tradition au sein de l’Ensam et l’esprit d’appartenance sont très forts, dans la lignée de ce qui existe dans toutes les grandes écoles. Un établissement prestigieux, plutôt bien classé en 2016. Il pointe à la quatorzième place du classement des écoles d’ingénieurs réalisé par L’Usine nouvelle.

      À l’école des Arts et métiers, passer le concours pour intégrer l’établissement n’est pas le seul préalable : un autre rite de passage officieux consacre le nouvel étudiant comme étant membre à part entière de la communauté estudiantine. Ceci se pratique durant six à huit semaines, au cours desquelles les valeurs propres à l’école sont perpétuées lors de la « période de transmission des valeurs », indispensable à l’intégration. Ce moment a longtemps porté le vocable d’« usinage ».

      En l’occurrence, il s’agit de transformer le néo-étudiant en « Gadzart », c’est-à-dire en « gars des Arts », comme se surnomment avec fierté les élèves de l’école fondée en 1780. Ils l’inscrivent ainsi dans une histoire prestigieuse, constituée de codes avec un lexique quasiment indéchiffrable pour les béotiens, et l’intègrent à une famille. Certains jeunes gens considèrent l’obtention de ce titre comme un aboutissement, presque plus précieux que leur diplôme. Mais le terme historique n’est guère plus usité car trop associé au délit de bizutage, y compris par sa rime.

      Durant cette « période de transmission de valeurs » (PTV), organisée par les étudiants de deuxième année, les jeunes gens sont invités à boire lors de jeux d’alcool, se font hurler dessus tous les soirs au cours de cérémonies secrètes, doivent rester debout ou être accroupis pendant des heures, longer les murs en chantant des chansons paillardes. Les jeunes étudiants sont tenus d’apprendre les chants des Gadzarts ou de porter sans discontinuer la blouse grise. En 1982, un article du Monde en deux volets (ici et là) épinglait ces pratiques.

      Le 31 août 2015, par exemple, un étudiant fait sa rentrée comme tous ses camarades avant de démissionner, relate l’Inspection générale. Ses parents, persuadés que la « période de transmission des valeurs » est fautive dans cet abandon prématuré de sa scolarité, dénoncent, par exemple, les convocations quotidiennes pour des séances de chants et de défilés par les étudiants des années supérieures. Les élèves de première année sont censés être sans cesse disponibles pour participer à des manifestations dont ils ignorent la teneur, y compris les week-ends. En cas de refus, certains organisateurs de ces rites n’hésiteraient pas à faire du chantage ou à menacer de représailles les jeunes réticents.

      Une source judiciaire rapporte que d’autres élèves ont été victimes de crises de nerfs ou d’épilepsie à l’occasion de ces rites initiatiques. Selon l’enquête interne initiée par l’école en avril 2016, dont Mediapart a pu prendre connaissance, certains ont dû cheminer à travers un parcours guidé de fers à repasser allumés, yeux bandés, leur occasionnant des brûlures à l’occasion de la rentrée 2015. Tous ont été victimes d’alcoolisation forcée. En prévention des conséquences physiologiques consécutives à une absorption massive d’alcool, les étudiants de deuxième année avaient même préparé de larges poubelles, permettant à ceux de première année d’y vomir. Certains étudiants ont été désignés pour nettoyer les dégâts. Les jeunes gens ont aussi été confinés dans des pièces exiguës, provoquant des malaises. Toutes les semaines, ils doivent aussi changer de chambre, histoire de bouleverser leurs repères. Ces faits, jugés « dégradants et humiliants » et dénoncés, ont été confirmés par l’enquête interne. À l’automne 2015, plusieurs parents d’élèves ont saisi des avocats pour les représenter et demander à la direction de faire cesser ces pratiques.

      L’école est dans le viseur de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), qui a diligenté deux enquêtes, rendues publiques en 2015 et 2016 (à lire en PDF respectivement ici et là) et recensant ces faits, qui relèvent potentiellement du bizutage tel que la loi du 17 juin 1998 le qualifie : « Le bizutage est le fait d’amener une personne à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants, que ce soit contré son gré ou non. Le bizutage concerne généralement les étudiants mais aussi parfois les élèves d’autres établissements. C’est un délit, puni de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende, et ce, que la victime soit consentante ou non. »
      Des pratiques difficiles à faire évoluer

      Mais les autorités ont toutes les peines du monde à changer ces pratiques. D’abord parce que les témoignages sont rares, par peur des représailles et d’être ostracisé par le reste de la promotion et de l’école. Quelques élèves opposent une résistance et refusent de participer, une fois passés dans la classe supérieure, à l’usinage des petits nouveaux. D’autres demandent à être transférés dans d’autres campus afin de se soustraire à la pression de leurs camarades.

      Michel Maya, enseignant en mécanique depuis 1982 à l’école des Arts et métiers, rapporte que les élèves « hors usinage » sont très rares : « Si l’un veut sortir du groupe, les anciens s’en occupent. Ils mettent la pression à ses camarades en leur disant : “Il torpille votre groupe. Vous ne ferez pas de bons Gadzarts, s’il n’y a pas de cohésion.” » Ne pas souscrire à ces rites, c’est se placer à part et, croient-ils, compromettre leur avenir professionnel. En effet, à une époque, les étudiants « hors usinage » n’avaient pas le droit d’apparaître sur l’annuaire des Anciens. Une menace de les priver de ce réseau, l’un des atouts mis en avant dans la formation.

      Par ailleurs, il est parfois difficile de qualifier juridiquement ces pratiques, consenties par certains élèves, comme le note l’Inspection générale, et qui se situent souvent sur la ligne de crête. L’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche considère cependant clairement, dans le deuxième rapport daté de janvier 2016, que « la période de transmission des valeurs » (PTV), qui marque l’entrée à l’Ensam, « est génératrice de dérives − potentielles et avérées − assimilables à des actions de bizutage ». Elle rappelle qu’un élève est décédé lors d’une bagarre en 2013, qu’un autre a été gravement blessé en 2014 en tombant d’une fenêtre. Les deux incidents n’ont pas été à proprement parler causés par la PTV, mais se sont produits en marge de fêtes fortement alcoolisées.

      « Si ce nouveau rapport fait le constat que la direction générale de l’école s’est fortement mobilisée, non sans tensions avec l’association des anciens élèves, pour aboutir à la signature d’une charte et à la rédaction d’un nouveau règlement intérieur, il alerte surtout sur la persistance de dérives graves », écrit l’Inspection.

      À l’intérieur même de l’école, cette PTV ne fait pas l’unanimité. Michel Maya, enseignant de mécanique à l’Ensam, fait partie des contempteurs. Lui-même interdit dans sa salle de classe le port de la blouse grise, imposée en permanence aux étudiants de première année par leurs pairs pour leur inculquer l’humilité et gommer les différences sociales. Ils doivent aussi apprendre par cœur le nom d’autres élèves des promotions ou des chants propres aux Gadzarts. L’hymne célébrant les traditions, « les trad’s », s’achève par : « Les trad’s mourront quand mourront les Gadz’Arts. »

      Il fut un temps, se rappelle aussi Michel Maya, où les élèves avaient à répondre à une série de questions. En cas d’échec, ils devaient réaliser une série de pompes. « Cela a toujours eu des conséquences directes sur le travail que l’étudiant doit fournir. Il y a 15 à 20 heures par semaine consacrées à la PTV. Il faut bien les prendre quelque part, donc forcément cela a des retombées pédagogiques », explique-t-il.

      Le directeur général Laurent Carraro n’entend pas supprimer ce rituel. « Cela ne me choque pas, je n’ai rien contre sur le principe, toute la question porte sur la méthode », dit-il à Mediapart. Toutes les écoles organisent des week-ends d’intégration, dont l’objet est « de se soûler durant 48 heures », rappelle-t-il. La période de transmission des valeurs a même, selon lui, des vertus « indéniables en terme de solidarité ». « Il y a des effets positifs à cette période qui peut se passer normalement. » Mais, pour le directeur, la PTV doit évoluer et surtout être porteuse de sens.

      Il imagine par exemple qu’elle pourrait inciter les étudiants à réaliser des travaux d’intérêt général comme rafraîchir les peintures dans des EPHAD, les établissements accueillant des personnes âgées, ou débroussailler les mauvaises herbes de la commune. Des actions consensuelles en somme. Et bien plus honorables pour l’école, dont l’image a été bien abîmée par les dénonciations récurrentes de dérives lors de la PTV.

      Mais cette tradition est si fortement ancrée que la remettre en cause provoque de très vives tensions au sein de l’école, où couve une véritable crise de gouvernance. En cause : la toute-puissance de la « Soce », la société des ingénieurs Arts et métiers, qui regroupe 33 000 ingénieurs diplômés de l’Ensam. Ces anciens jouent un rôle classique : ils financent via leurs dons des résidences à destination des étudiants, et constituent un réseau pour dénicher stages et premier emploi. Mais ils vont bien au-delà.
      L’influence excessive des anciens élèves

      La « Soce » est directement investie dans la gestion opérationnelle de l’école. C’est elle qui est détentrice de la marque. Propriétaire d’un siège luxueux situé sur la très chic avenue d’Iéna, elle bénéficie d’un véritable trésor de guerre. En 2015, son budget s’élevait à 3,5 millions d’euros, et elle emploie 25 salariés. Elle est également la propriétaire des résidences dans lesquelles sont logés les étudiants. Elle s’occupe de les construire et de les rénover le cas échéant : elle va ainsi financer, à hauteur de 4,1 millions d’euros, une partie du projet de réhabilitation de la résidence étudiante de l’école au sein de la Cité internationale universitaire de Paris. La « Soce » consacre chaque année 1 million d’euros aux bourses d’études délivrées aux élèves les plus modestes, et elle finance en partie l’Union des élèves de l’école, dont le budget total s’élève quant à lui à 5,8 millions d’euros !

      Mais selon l’Inspection, c’est aussi elle qui empêche, par son influence excessive, la direction générale de s’engager dans une politique volontariste pour lutter contre ces dérives de la PTV et pour moderniser l’établissement. Dans ses rapports, l’Inspection avait donc préconisé de couper le cordon. Un décret, signé par le ministère de l’éducation nationale, et dont la publication est imminente, va modifier la composition du conseil d’administration de l’école. Huit personnalités qualifiées extérieures, non diplômées de l’Ensam et non impliquées dans sa gestion opérationnelle, vont l’intégrer. En clair, la « Soce » est boutée hors du conseil d’administration et perd ainsi voix au chapitre.

      Depuis, les anciens se sont lancés dans une vaste contre-offensive, médiatique et politique. En cause, selon son président Jacques Paccard, qui explique n’avoir eu aucun contact avec la ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem : le « manque de concertation » dans la mise en œuvre de cette réforme.

      Le 14 juin, les anciens sont parvenus à publier une lettre ouverte à François Hollande dans deux grands quotidiens, Le Figaro et Les Échos, assortie d’une pétition en ligne sur le site Change.org sobrement baptisée Sauvons Arts et métiers, signée par plus de 20 000 personnes. Dans la lettre ouverte, Jacques Paccard considère que cette réforme « aboutirait à une gouvernance hors sol, centralisée et isolée, coupée de tout lien avec les ingénieurs diplômés et les implantations territoriales ». Il explique qu’il s’agit à son sens « d’une mauvaise solution à un problème ».

      La « Soce » fait également jouer ses relais politiques. Les députés LR Bernard Accoyer, Gérard Menuel ou le sénateur UDI de la Marne Yves Detraigne se sont ainsi fendus d’un courrier à la ministre Najat Vallaud-Belkacem pour obtenir une réponse. Interrogé sur sa démarche, Yves Detraigne explique simplement l’avoir fait sur demande d’un administré, sans même connaître les détails du dossier… Il n’a jamais obtenu de réponse de la ministre. Gérard Menuel, député de l’Aube, alerté par de nombreux anciens, trouve cette mise à l’écart « dommageable ». Dans sa circonscription, les Gadzarts évoluent dans les nombreuses PME et font « un travail essentiel », explique-t-il.

      Le 24 mai, une question écrite a été posée par le député LR des Bouches-du-Rhône, Jean-Pierre Maggi, avec les mêmes arguments que ceux de l’association des anciens. « À l’heure où la réindustrialisation de notre pays est la priorité absolue du gouvernement pour relancer l’emploi et la création de richesses, il semble peu judicieux de se priver des retours d’expérience, financements, débouchés professionnels et avancées en matière de recherche scientifique que prodiguent les anciens de cette école connue pour ses formations d’excellence en matière d’ingénierie. »

      En interne, le président de la « Soce » a par ailleurs annoncé la suspension de la convention, signée entre l’association et l’établissement en septembre 2015, qui permet aux anciens d’aider l’école, à hauteur de 150 000 euros en 2015, pour améliorer la vie interne à l’école grâce à ses 2 000 bénévoles (tutorat, recherche de stages pour les étudiants, lien avec le tissu industriel local…).

      Selon un document confidentiel interne consulté par Mediapart, daté du 24 mars 2016, la « Soce » précise que « les projets et l’appui financier, pour tout ce qui concerne les PGs [les petits Gadz’arts – ndlr] continuent. Ils ne sont pas touchés par la suspension de la convention École/Soce. 
En l’espèce, par exemple, les bourses aux élèves continuent à être attribuées, l’organisation du processus d’attribution pouvant être ajusté ». Les actions de tutorat ou d’accompagnement professionnel réalisées par les bénévoles pourraient cesser, en guise de représailles. 
En revanche, la suspension de la convention entraîne l’arrêt de toute communication conjointe.

      Le geste vise clairement à mettre le directeur de l’école sous pression, et à menacer indirectement, malgré les dénégations de Jacques Paccard, de couper les cordons de la bourse. Les relations entre le directeur général et le président de l’association sont exécrables.

      Le conflit entre les deux parties se déroule, presque publiquement, à coups de correspondances assassines. Dans le dernier développement de ce feuilleton à rebondissements, Laurent Carraro, excédé par les déclarations de Jacques Paccard, lui a adressé le 7 juillet une lettre diffusée auprès de tout le personnel de l’école d’ingénieurs, que Mediapart a pu consulter. Il lui demande de cesser sa « large campagne de désinformation tant auprès de [ses] sociétaires que de différents responsables publics et privés en énonçant de multiples contre-vérités ». Dans ce document, plusieurs épisodes récents sont évoqués par l’actuel directeur.
      « Des délits imaginaires »

      Par exemple, l’initiative personnelle de Jacques Paccard d’écrire mi-juin au cabinet d’Emmanuel Macron pour placer l’école sous tutelle du ministère de l’économie et de l’industrie est vécue comme un affront supplémentaire. Enfin, la lettre « spontanée » (à découvrir ici) envoyée au président de la République par Jérôme Gavois, ancien Gadzart, au nom des enseignants des Arts et métiers pour soutenir la « Soce » creuse un peu plus le fossé entre les deux hommes. Non seulement le courrier met en cause la gestion de Laurent Carraro, mais sa rédaction serait selon ce dernier, toujours dans cette lettre interne, téléguidée par Jacques Paccard lui-même : « Je viens d’apprendre que le courrier “spontané” d’un enseignant de l’école au Président de la République s’opposant à l’évolution de nos statuts, abondamment relayé par l’association que vous présidez, implique vos collaborateurs les plus proches. J’ajoute que le message en question provient de 7 personnels de l’établissement pour un effectif avoisinant les 1 100 ! »

      Le président de la « Soce » reconnaît, dans un lapsus, que son association est « puissante », avant de se reprendre en disant « présente ». « Nous sommes présents pour prodiguer des conseils, aider à trouver des stages, le premier emploi, justifie Jacques Paccard. On est sensibles à la qualité de la formation. Tout ça dans un souci de bien-être chez les étudiants. C’est évident, on ne se désintéresse pas de la vie de l’école. On le fait bénévolement, ça nous coûte du temps, de l’énergie et de l’argent pour les bénévoles. »

      Après la publication des rapports de l’Inspection générale, il avait pris la plume à deux reprises, en 2015 et 2016, et écrit à la ministre de l’éducation nationale pour réfuter point par point, ou presque, les conclusions de ces enquêtes. Elles comprennent « des extrapolations psychologiques, des jugements moraux et un vocabulaire stigmatisant », écrit Paccard. Il est notamment furieux que l’Inspection considère que certains élèves sont en proie à un syndrome de Stockholm, ce phénomène psychologique observé chez d’anciens otages qui développent une empathie avec leurs bourreaux.

      Plus largement, le patron de la « Soce » nie en bloc les accusations de bizutage, qualifiées de « délits imaginaires ». Il n’y a jamais eu de condamnations pénales ni de conseil de discipline, insiste Paccard auprès de Mediapart, avant de renvoyer la responsabilité sur les directeurs des centres, garants du bon déroulement des pratiques internes. « Ce ne sont pas nos prérogatives », juge-t-il. Pourtant, il y a un an et demi, une charte tripartite entre la direction, l’union des élèves et la Soce avait été signée pour réglementer la PTV. « L’école complote avec le ministère pour détruire les Gadz et leurs traditions », a lancé Charles Duplaa, un autre ancien, chargé à l’école de réfléchir à l’évolution de la PTV, dans un mail interne que nous avons consulté.

      L’Union des élèves des Arts et métiers n’a pas souhaité répondre à Mediapart, en raison de « la situation et des tensions présentes », selon son responsable communication. Cependant, plus disert en interne, il a envoyé un message de dix-sept pages aux élèves afin de les éclairer sur les derniers rebondissements. Son analyse est nettement plus nuancée que celle de la « Soce » : « Que le ministère nous ait dans le collimateur, c’est une certitude. Et ce n’est pas nouveau : cela fait au moins 15 ans que c’est le cas. Mais dire que les deux rapports IGAENR qui nous sont tombés dessus sont faux, et basés sur du vent n’est pas crédible. À nous de trouver le moyen de transformer nos traditions de manière à ce qu’elles deviennent acceptables par tous, tant par les conscrits que par les personnes lambda, sans sacrifier à notre folklore et notre Histoire et surtout en faisant en sorte d’assurer la transmission de nos valeurs. De nombreux PGs s’interrogent actuellement là-dessus, je ne vous apprends donc rien. Et si on peut communiquer intelligemment dessus et redorer notre blason tant mieux ! » Le signe, peut-être, d’un renouvellement profond des traditions.

    • Merci @reka pour l’article gentilement offert :)
      Je comprend maintenant cette pression de la « Soce » sur la direction de l’école. La direction semble vouloir vraiment en finir avec ce bizutage mais elle à un adversaire plutot imposant. L’idée des travaux d’intérêt généraux à la place du parcours à l’aveugle dans les fer à repasser allumé est séduisante mais je me pose des questions sur l’intérêt de ces rituels d’intégration d’une manière général. Il y a aussi la question de l’alcoolisme promu par les associations étudiantes.
      Et je me demande comment ca se passe pour les étudiantes et les étudiant·e·s racisé·e·s dans un tel contexte.

    • Merci beaucoup pour l’article de Mediapart.
      Quelques commentaires, en vrac, d’un gadzarts (promo 1997-2000) :
      – Je suis très dubitatif quant à certains faits rapportés, l’histoire des fers à repasser notamment ; si c’est avéré, ça relève du pénal et les crétins qui ont organisé ou permis ça doivent être poursuivis et condamnés ; mais ce ne serait pas la première fois que des accusations très graves seraient formulées et pourtant basées sur du vent. Je parle d’expérience, ma promo ayant eu le plaisir d’étrenner la ligne SOS Bizuthage mise en place par Royal en 97. Concernant mon centre, une dizaine de signalements ont été faits, qui allaient du défilé forcé en caleçon jaune dans la ville à l’imposition d’attouchement sexuels, tous faux. Vrais ou faux, qu’importe, ministère et police partent du principe qu’il n’y a pas de fumée sans feu, nous avons eu droit à des fermetures, des exclusions temporaires des supposés « meneurs », même des gardes à vue (six mois après les faits présumés, sans suite bien sûr, le but étant d’intimider la promo suivante qui préparait la suite).
      – De mon expérience toujours, qui n’a pas prétention universelle, ceux qui refusent l’usinage ou ultérieurement toute participation aux activités de l’association des élèves, ne sont pas osctracisés. Je ne nie pas que la majorité, au moins dans un premier temps, suit et subit sans trop se poser de question, sans avoir le couteau sous la gorge non plus : il faut relativiser le poids qu’on prête à la Soce pour faire carrière une fois diplômé et en première année, pour la plupart, c’est encore un concept très abstrait. A titre d’exemple, sur ma promo, 120 élèves : 5 n’ont pas suivi l’usinage jusqu’au « baptême » ; parmi ceux-ci, que nous fréquentions tous les jours en cours, dans l’asso sportive indépendante, lors des repas, dans la résidence universitaire, 3 ont finalement demandé à intégrer l’association des élèves dans les deux ans qui ont suivi ; les 3 ont été admis comme membres de plein droit - et il est difficile de les accuser de carriérisme vu que deux ont enchaîné avec l’ENS pour devenir profs, l’influence de la Soce sur l’admission au concours étant nulle évidemment. À l’inverse, 3 autres se sont déclarés « hors promotion » en deuxième année car ils ne voulaient pas participer à l’usinage, sans conséquence sur leur scolarité ni leur empoyabilité à priori ; il y a cinq ou six ans l’un d’entre eux a souhaité adhérer à la Soce, son « retour » s’est fait sans problème.
      – Il y a bien un problème culturel d’alcoolisme, il n’est malheureusement pas spécifique aux Arts&Métiers ni lié à l’usinage mais généralisé dans toutes les strates étudiantes que j’ai pu fréquenter.
      – Concernant le supposé laisser-faire de la direction, historiquement la perpétuation des traditions s’est toujours faite contre l’administration, certes plus ou moins active mais toujours hostile. L’avantage de ce conflit latent, c’est qu’il évite de se poser des questions sur le cursus pédagogique, sur lequel il y aurait pourtant beaucoup à dire...
      – Concernant les étudiants racisés, je n’ai jamais eu l’occasion de constater de problème, ça ne veut pas dire qu’il n’y en pas mais je pense que parmi les bons côtés de l’usinage, il y a un véritable apprentissage de la tolérance et de l’ouverture d’esprit. Ceci étant dit, deux mois d’usinage ne peuvent pas venir à bout de vingt ans de préjugés.
      – J’ai volontairement parlé ci-dessus d’étudiants et pas d’étudiantes car du fait du déséquilibre (moins de 10 % de femmes !) des formes de sexisme se développent inévitablement, ne serait-ce qu’un paternalisme lourdingue : « on a peu de filles, alors on les choie... »
      – J’ai participé activement à l’usinage des deux promotions qui ont suivi, j’essaie de prendre et de garder le contact chaque année avec mes nouveaux-elles filleul-les et je n’ai pas l’impression d’être un sadique, pour reprendre le mot de Reka. Encore une fois mon expérience n’est pas universelle, il faut cependant comprendre que l’usinage n’est pas un calvaire de deux mois pendant lequel les deuxièmes années se défouleraient sur les premières, c’est un jeu de rôles grandeur nature auquel sont invités à participer les nouveaux, qui demande plusieurs mois de préparation, pendant lequel les 2e année se réunissent matin et soir pour se briefer et débriefer, et qui est beaucoup plus éprouvant, physiquement et mentalement, quand on usine que quand on est usiné car on est responsable de tout ce qui peut arriver.

      J’ai déjà écrit un long pavé, je vais m’arrêter là mais n’hésitez pas à me poser des questions plus précises si vous le souhaitez.

    • Merci beaucoup @iyhel pour le témoignage, toujours très utile de lire, d’échanger et d’écouter, de rechercher, de garder les canaux de dialogues ouverts, et de réfléchir et essayer de comprendre les liens de ce « système social » complexe.

      Je peux bien comprendre et admettre ton vécu, j’imagine que la biodiversité des élèves et étudiant(e)s « bizutables » fraîchement arrivé(e)s du lycée est très variée et que chacun doit s’accommoder de cette « épreuve » un peu comme il/elle peut (accepter de mauvais gré, trouver que c’est rigolo quand c’est pas sadique, y aller en se bouchant le nez en espérant que le mauvais moment passe vite, penser que c’est un formidable moyen de s’intégrer à une communauté/groupe", perdre ses repères en acceptant d’être soumis et/ou humilié).

      Je n’ai pas de bons souvenir de ms propres « baptêmes du feu », et j’ai entendu d’autres témoignages beaucoup plus inquiétants que le tien :) Ça fait longtemps que cette question me turlupine, de même que le « mobbing » à l’école pour mes enfants, si difficile à prévenir et pourtant si présent (oui, même en Norvège...).

      Pour revenir au bizutage, j’ai entendu des amis forts, d’autres plus vulnérables (tout le monde n’est pas forcément armé pour affronter ce genre de trucs et peuvent être profondément déstabilisé, et je trouve ça vraiment sadique parce que comme êtres sociaux, nous devrions plutôt faire attention et protéger les personnes vulnérables, pour moi c’est juste la base du respect humain) et sensibles en parler, et décrire cette expérience comme au mieux « désagréable » et au pire une vraie torture morale (et physique quand il s’agissait d’épreuves dites « sportives » - sic).

      Je n’arrive toujours pas à m’expliquer pourquoi les étudiants travaillent si dur (comme tu as l’air de le dire) pour perpétuer une tradition aussi destructive et inutile (comme si on avait le temps). Pourquoi faudrait-il que les assoss d’élèves et/où d’étudiants cherchent à tout prix à asservir les nouveaux, à les soumettre à leur ordre et leurs « traditions » ? Pourquoi, depuis toutes ces décennies, on a pas penser à transformer ce truc en quelque chose de plus constructif, culturel, festif ? ou alors ce qui se fait dans les bizutages, c’est le reflet de ce qu’est notre société, alors mieux vaut y être préparé le plus tôt possible ? :) Quand j’étais étudiant à Paris, ça ma vraiment fait chier d’entendre « allez les mecs, on va jouer à la guerre sur le terrain de paint ball, ça va être cool et on va vraiment se marrer ». Mais je n’ai jamais entendu « allez, rendez vous au tas de sable avec vos instruments et on se fait le mouvement lent du quintet de Schubert » (ou sans instrument, répèt de choeur). Pour moi ça aurait eu plus d’allure, mais je dois être très vieux-jeu.

      Ce qui est intéressant dans ton témoignage, c’est que c’est pour moi la première fois que j’en lis un aussi positif qui semble dire que ces pratiques sont finalement bonnes pour la tolérance et l’ouverture, et ça c’est assez nouveaux. Mais comme toi, mon expérience est loin d’être universelle et je n’ai peut-être pas eu tous les sons de cloches. Mais les expériences de mes copines victimes de sexisme et de harcèlement, j’ai entendu. Et ça m’a effrayé. Je ne fais pas vraiment confiance à des étudiant(e)s de deuxième année qui « usinent » les petits nouveaux sans aucuns contrôle (et au nom d quoi ont-ils ce pouvoir d’ailleurs ? de l’imposer aux autres ?).

      Bref, c’est en vrac, mais je mets ça au débat aussi (et comme je ne suis pas un ancien gadzart, sur cette école en particulier, je ne peux pas en dire plus bien entendu, ne connaissant pas l’école de l’intérieur, mais seulement quelques amis qui en sont sorti - et qui ont détesté ce bordel, raison pour laquelle cet article m’a interpellé :)

    • Concernant mon centre, une dizaine de signalements ont été faits, qui allaient du défilé forcé en caleçon jaune dans la ville à l’imposition d’attouchement sexuels, tous faux. Vrais ou faux, qu’importe, ministère et police partent du principe qu’il n’y a pas de fumée sans feu, nous avons eu droit à des fermetures, des exclusions temporaires des supposés « meneurs », même des gardes à vue (six mois après les faits présumés, sans suite bien sûr, le but étant d’intimider la promo suivante qui préparait la suite).

      Merci pour tes explications @iyhel mais je me demande comment tu peu affirmer avec autant de certitude que les agressions sexuelles étaient fausses. A part si c’est toi qui avait fait ces fausses déclarations ca me semble pas possible d’être aussi affirmatif.

      Pour le sexisme tu dit qu’il y a seulement du paternalisme. Mais comment ca se passe un défilé forcé en caleçon jaune en ville pour les étudiantes ?

      Je sais d’expérience que les hommes sont aveugle au sexisme et à la misogynie. Il n’y a qu’a les écouté faire les ahuris quant on aborde le sujet du harcèlement de rue.

      Mon ex beau père avait fait l’école Boule. Il me racontais avec nostalgie à quel point il avait aimer son bizutage dans cette école. Le bizutage consistait à mettre nue un étudiant et une étudiante, les peindre entièrement l’un en bleu, l’autre en jaune, les enfermé dans une pièce sans lumière et ne les laisser sortir que lorsqu’ils sont tous les deux entièrement verts. Il faut savoir que mon ex beau père est un agresseur sexuel multirécidiviste. J’ose pas imaginé ce qu’a enduré l’étudiante qui était enfermé avec lui ainsi que les autres étudiantes de cette promo.

      C’était à l’école Boule dans les années 1980 mais c’est juste pour dire que ce bizutage amusait beaucoup les mecs et que la plus part d’entre eux n’y voyaient pas de sexisme, juste un sympathique jeux des couleurs très bon enfant.

      Dans le cadre d’une structure tel que l’usinage, ou les étudiants de seconde année organisent l’humiliation des première année, ca m’étonnerais qu’il n’y ai pas des abus liée a ce déséquilibre de pouvoir.

      Tu dit que les participants sont « invités à un jeu de rôle » mais il est quant même aussi question de « marche forcée en caleçon » ca me semble pas être une invitation. Tu parle de jeu de rôle comme d’un truc inoffensif, mais le jeu de rôle du dominant-dominé peut être dangereux : https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Stanford

      Si les étudiant·e·s qui ont refusé ces humiliations peuvent être à la « Soce » et profiter des mêmes avantages que celleux qui ont été humilié·e·s pendant 2 mois, je me demande à quoi sert encore cette pratique et pourquoi vouloir la défendre et la conservé ?

    • Mad Meg, j’ai dû mal m’exprimer : aucune des dénonciations faites n’avait de fondement. Ni les défilés en caleçon, ni les agressions sexuelles.
      Concernant celles-ci, je n’ai pas la prétention de savoir tout ce qui a pu se passer 24 h sur 24 pendant deux mois mais il faut bien comprendre qu’on vit les uns sur les autres (le poids de cette promiscuité pendant 3 ans est une autre affaire) et que ce serait très compliqué à dissimuler - et encore plus à justifier devant le reste des élèves.
      Je n’ai connaissance que d’un cas de viol, dans un autre centre, en cours d’année, après une beuverie, d’un élève par un autre ; celui-ci a été immédiatement exclu de l’association, je ne sais pas quelles ont été les suites judiciaires.

      Je n’ai pas dit que le sexisme se manifestait uniquement sous forme de paternalisme, simplement que c’en était l’expression principale. 10 % de filles seulement, comme on l’imagine elles sont très sollicitées, surtout dans les centres comme Châlons ou Cluny où hors des A&M il n’y a pas beaucoup d’autres étudiant-e-s. Elles se retrouvent facilement cataloguées « salope » ou « allumeuse » pour peu qu’elles mettent du temps à « choisir ». Je répète mon commentaire précédent, deux mois d’usinage n’effacent pas vingt ans de préjugés sexistes d’un coup de baguette magique.

      J’en reviens à mon expérience personnelle et mes motivations pour accepter de suivre puis faire suivre l’usinage : j’ai fait mon lycée à Versailles, dans un établissement supposé fait partie des meilleurs de France. Je n’y ai pas fait ma prépa et je ne voulais surtout pas l’y faire à cause de l’ambiance qui y régnait et notamment du bizuthage qui s’y pratiquait - une semaine à faire des pompes sous les hurlements des ’spés’, à déambuler dans les rues affublé d’un sac poubelle et que sais-je encore, tout ça pour une ambiance de merde derrière, ça ne m’attirait pas vraiment. J’ai fait ma prépa dans un lycée sans bizuthage ni « période d’intégration », les interactions entrés sups et spés étaient assez limitées. Des rumeurs circulaient évidemment sur la dureté et la violence de l’usinage aux Arts&Métiers, largement alimentées par mes camarades qui étaient en internat à l’école militaire de St-Cyr et avaient eu droit à un programme copieux comme savent faire les (apprentis-)militaires. Vu mon expérience, de loin, du bizuthage en prépa, je n’avais aucune envie ni intention de participer à ça une fois en école d’autant que je cultivais les tendances asociales et ne percevais absolument pas l’attrait de la communauté gadzarts. Pour moi l’affaire était entendue, ils pouvaient bien venir me chercher, je leur expliquerais que leurs gesticulations, ça ne m’intéressait pas et qu’ils se passeraient de moi comme victime de leurs petits jeux defoulatoires.
      Las, une semaine avant mon entrée à l’école, j’ai été invité, comme tous les élèves, à un dîner d’accueil régional organisé par 1ère et 2e années. Et là je suis tombé sur des gars qui ne s’étaient pas vus depuis deux mois car éparpillés en stage dans toute la France, qui ne se connaissaient généralement que depuis un an à peine et entre lesquels je percevais pourtant un lien, très fort, de camaraderie, de complicité, de partage, que je n’avais jamais vu ailleurs.
      Ça a suffisamment éveillé ma curiosité pour que je laisse une chance à l’usinage - et je ne l’ai pas regretté.

      Il y a beaucoup à discuter sur les méthodes employées (j’y reviendrai plus tard), qui évoluent d’ailleurs énormément d’une année sur l’autre, à l’initiative des élèves et pas seulement sous la pression de l’administration qui préférerait qu’on organise un gentil week-end de débauche effrénée, de préférence loin de l’école, comme cela se fait dans beaucoup d’établissements. Mais il faut aussi garder à l’esprit que ces huit semaines ne sont qu’une partie d’un tout, l’amorce d’une vie associative très intense trois ans durant, plus distendue une voie entré-e-s dans la vie active. Supprimer la « période de transmission des traditions » (pardon, des « valeurs », c’est l’élément de langage à la mode) n’éradiquerait pas l’esprit gadzarts - qui est la véritable cible du ministère et ce depuis des décennies.

    • Ok @iyhel, merci pour ces nouvelles précisions. Mais ca consistait en quoi concrètement les épreuves initiatiques auxquel tu as participé ?

      Si la disparition de l’usinage n’éradiquerais pas l’esprit Gadzart alors pourquoi la Soce et les Gadzart veulent conserver cette tradition alors qu’elle n’a pas d’utilité ? L’article de médiapart rapporte qu’il y a de nombreuses plaintes des parents et étudiant·e·s des arts et métiers.

      Je répète mon commentaire précédent, deux mois d’usinage n’effacent pas vingt ans de préjugés sexistes d’un coup de baguette magique.

      L’usinage peut justement causé une aggravation des inégalités de genre et servir d’outil à la perpétuation de discriminations sexistes (et racistes aussi). Et le fait qu’on ne pourrais pas cacher à la collectivité des agressions sexuelles sous prétexte que ca serais difficile à dissimulé me semble vraiment douteux. Il y a 150 000 agressions sexuelles par an en France, un tiers des femmes subissent au moins une agression sexuelle au cours de leur vie en France, une sur cinq avant leur 15 ans et la très grande majorité de ces agressions sont parfaitement dissimulées et cela pendant bien plus que 3 ans et pourtant les femmes vivent cela dans une globale indifférence.

      Je ne dit pas que l’usinage est forcement toujours sexiste ou raciste mais l’usinage me semble un terrain propice a ces agressions parce que l’usinage se produisent dans un contexte patriarcale, raciste et hiérarchique qu’on efface pas d’un coup de baguette magique pour reprendre ton expression. L’usinage comporte ce risque important et rien que pour ca je pense que cette pratique ne devrais pas être conservée.

  • La fabrique à machos | Sa Mère la flüte
    https://samerelaflute.wordpress.com/2016/05/31/la-fabrique-a-machos

    Il y a quelques jours, ma fille a éclaté en sanglots en rentrant de l’école. Elle en avait gros

    sur la patate. Un garçon de sa classe de maternelle l’a menacée de mort. Il lui a dit :

    “je vais demander à mon père de prendre son fusil et de venir te tuer demain”.

    Elle était terrorisée. Quand elle est allée, comme je lui ai enseignée, voir des adultes pour

    reporter les faits, on lui a répondu “de toute façon il n’y a pas d’école demain”.

    #sexisme #école #conditionnement #éducation #discrimination #enfance #genre

    Un peu plus tard ce jour là, sa maîtresse l’a prise à partie devant toute la classe pour lui

    dire “tu diras à ton petit frère qu’il mette du rouge à lèvres la prochaine fois, qu’on rigole”

    parce que mon fils de quatre ans avait tenu à mettre du vernis à ongles (bleu) comme sa

    grande sœur.

    • Mon fils en CM1 me raconte qu’à l’issue du cours de Rugby, les filles terminent systématiquement en pleurs. Je n’ai pas encore réussi à comprendre cela autrement que par les stéréotypes, parce qu’à priori, rien (que je sache) ne permet de conclure qu’elles auraient subi un traitement différent. L’instit’ est une femme, et il y a mixité équilibrée dans sa classe... ça me laisse complètement perplexe.

    • #école_française, et dans ces cas là, tu n’as plus qu’une envie, c’est de trouver d’autres parents pour se réunir et faire l’école à la maison. Dans une maternelle, il y a 15 ans, les affaires des filles étaient roses et celles des garçons bleues. Et la maîtresse à qui je disais que c’était bien dommage de n’avoir pas évolué depuis Napoléon m’avait rétorqué que les enfants étaient pourtant très contents. À ce niveau d’argumentation, tu soupires et tu fermes les yeux en pensant que tu es dans une grande forêt loin de là.

    • J’ai interrogé mon fils plus longuement hier soir à ce sujet, et il a du mal à expliciter.

      Ce que je parviens à retranscrire de ce que j’ai réussi à lui faire dire :
      – Elles ont perdu, alors elles crient, et elles pleurent, elles sont toutes énervées ;
      – Tel copain était dans leur équipe, alors elles ont gagnées, et elles ne sont pas contentes (je n’ai pas compris le lien de cause à effet)

      Il n’y en aurait qu’une qui ne pleure jamais. Pas pu savoir s’il y avait une raison particulière, mais à priori, elle n’a pas le même tempérament que les autres.

      J’ai l’impression que c’est l’intériorisation du « les filles doivent/peuvent pleurer »... et du « les filles sont hystériques » ; mais j’y vois probablement aussi le fait que c’est une façon de faire ressortir les tensions nées de cette activité et qu’en effet, on apprend (par stéréotypes) aux filles à extérioriser plus volontiers certains sentiments. Ce qui n’est pas forcément négatif, d’ailleurs... mais le contraste entre les groupes reste vraiment surprenant.

      C’est bientôt la kermesse de l’école, j’essaierai d’en discuter avec l’instit’ qui gère ce moment (il a deux instits chacune à mi-temps...)

    • Il est assez clair que la domination masculine qui est enseignée à l’école contribue aux violences sexuelles, et ce dès la maternelle, j’en ai été la témoin affligée.
      http://seenthis.net/messages/191492#message193077

      La direction de l’établissement comme la FCPE ont tout fait pour étouffer l’affaire, riant au nez des parents lorsqu’ils ont demandé que les agresseurs soient pris en charge.
      Il n’y avait en fait aucun service compétent, et ces garçons étaient en dysfonctionnement complet. Ils attrapaient les fillettes pour mimer une sodomie lorsqu’elles arrivaient en classe le matin, oui, vraiment ils avaient besoin d’être suivis, mais rien n’a été mis en place.

  • Arriver en retard pour éviter la bise
    http://romy.tetue.net/arriver-en-retard-pour-eviter-la-bise

    Mon cher collègue, puisque tu passes par ici, je t’invite à réfléchir à cette bise que tu me claques chaque matin et à prendre conscience que, même si tu penses bien faire, ça ne plaît pas à tout le monde. Nan. Vraiment. Chaque fois que je fais l’effort de venir plus tôt au bureau, je me souviens pourquoi je préfère arriver systématiquement en retard. Pour éviter le rituel de la bise. Vous avez peut-être la chance d’être bien réveillé le matin. Pas moi. Quand j’arrive dans les locaux, je n’ai pas encore (...)

    #politesse #bise

  • Le conditionnement quotidien : l’arme absolue contre toute #rébellion
    https://reflets.info/le-conditionnement-quotidien-larme-absolue-contre-toute-rebellion

    Les conditions pour un nouveau #mai_68 sont souvent citées lorsque des manifestations surviennent impliquant la jeunesse. Depuis une vingtaine d’années, au moins. Comme si mai 68 était un absolu qui pouvait se régénérer à travers les âges et pouvait permettre un changement de société salvateur et bienvenu. Sauf que tout a changé ou presque […]

    #Société #Tribunes #Capitalisme #captologie #Captology #conditionnement_psychique #influence_de_masse #Marketing #SEME #systèmes_de_manipulations #technologies_de_l'influence

    • L’éducation est au centre de la sensation de vide partagée par une grande part des populations industrielles et industrieuses. La plus grande partie des individus a été élevée devant un écran de télévision, puis par des jeux vidéos, et finalement des « espaces numériques de consommation de masse », et au final, les trois ensemble.

  • Why Is My Kindergartner Being Groomed for the Military at School?
    http://www.truth-out.org/news/item/34693-why-is-my-kindergartner-being-groomed-for-the-military-at-school

    Perhaps the most insidious thing about this grooming is that it wasn’t even deliberate. The worksheet did not come from military recruiters. It didn’t have to. Search online for “military kindergarten printables” and you’ll find a wealth of free materials for teachers - a welcome resource in cash-strapped public schools, where teachers often pay significant sums out of pocket for classroom materials.

    My child’s teacher wasn’t deliberately distributing propaganda. When we talked with her about it, she was surprised and very responsive. She’s a fantastic teacher. It’s just that our country’s $598.5 billion war machine is so ubiquitous that few people even think twice about its role in our children’s lives.

    #conditionnement #enfants #militaires #etats-unis

  • L’agglo de Nîmes supprime la gratuité des transports pour les chômeur-euses, CNT 30
    http://www.cnt-f.org/30/L-AGGLO-SUPPRIME-LA-GRATUITE-DES-TRANSPORTS-POUR-LES-CHOMEUR-EUSES.html

    Par un délibéré de ce lundi 7 Décembre 2015 actant l’adoption de tarifs dits sociaux, le conseil communautaire de l’agglomération Nîmes métropole a entériné de facto la suppression de la #gratuité_des_transports pour les demandeur-euses d’emploi sur plusieurs villes clés de l’agglomération, dont Nîmes.

    Acquis par les #mouvements_de_chômeur-euses à la fin des années 90, la gratuité permettait à nombre de #précaires, de pouvoir assurer leurs démarches ou leurs déplacements quotidiens. A l’heure où les agences Pôle Emploi, la Mission Locale Jeunes, Cap emploi, et les établissements sociaux sont relégués en périphérie des villes, où les chômeurs et chômeuses sont invité-es à multiplier les démarches ou à cumuler les emplois précaires, le service public se retire.

    • L’agglo de #Lille aussi. Seuls 87% du prix sera pris en charge, laissant 13% à la charge du voyageur.
      https://www.transpole.fr/fr/pass-pass-et-tarifs/tarification-au-premier-janvier-2016.aspx#collapseOne (voir onglet Tarifs Solidaires)
      Seul intéret dans l’affaire, le voyageur qui obtenant auparavant le droit au transport gratuit, était asservi à se rendre chaque mois aux bureaux des titres de transport (contre tous les 3 mois à #Nantes, tous les ans à #Stasbourg) ; il pourra désormais obtenir les abonnements annuels au tarif réduit.

      On ria bien quand Transpole-Keolis déclara au procès de La Mutuelle des Fraudeurs faire des tarifs sociaux , quand on sait que l’argument utilisé en juin 2015, n’avait que 6 mois d’espérence de vie.
      Voir article de La Brique sur le procès.
      http://labrique.net/index.php/thematiques/repressions/709-la-chasse-est-ouverte

      Et une critique global des transports publics-privés.
      http://labrique.net/index.php/numeros/729-n-45-circulez-y-a-rien-a-voir

      p5. Lille Métropole sert la soupe à Keolis et crache dans celle des pauvres
      Parce qu’elle s’est embarquée dans un nouveau contrat foireux, Lille Métropole s’est mise en tête de faire les poches des pauvres pour rembourser la société qui gère Transpole, Keolis. Au passage, Darmanin, maire de Tourcoing et vice-président aux transports, en a profité pour nous coller des flics et des portiques. Ce qui devait arriver est déjà là : depuis le basculement à droite de Lille Métropole, la nouvelle majorité poursuit la même politique que l’ancienne – en pire.

      @aude_v

    • A #Lille, ils ont aussi supprimé la gratuité des transports en commun pour les aveugles.
      Comme les bornes de pointage te disent visuellement que tu as pointé ton ticket, je te dis pas.
      Ce midi à #Wasquehal, hôtel de ville, j’ai du faire 4 bornes afin de valider.
      3 à la station République
      #kéolis : merveilleux !

    • Tiens ici, c’est assez pervers pour fermer le service public de transport Tisséo en douce.
      Par exemple pour faire les 20km de Toulouse à Aussonne il faut prendre le tramway jusqu’au terminus puis l’unique bus 71 qui y mène.
      Hier soir le chauffeur que j’interrogeais pour savoir à quelle heure était le dernier retour m’a répondu 19h !! oui oui un bus qui est le seul moyen de transport public s’arrête à 19h !! Il emprunte les mêmes voies que les voitures et il faut compter une heure de trajet dans les embouteillages. Mais il poursuit « profitez en bien, ils l’ont revendu à une société privé ».
      Donc il n’y aura plus de transports possiblement gratuit avec la carte distribuée aux pauvres parce que … ben le bus est supprimé !

    • Puisqu’on parle de #transports_publics et d’annonces sonores (@intempestive si ça peut t’intéresser) À Toulouse les annonces sonores existent bel et bien, dans le métro, le bus ou le tram, en français et en occitan (…) donc on pourrait se dire bravo pour tous les passagers dont les mals voyants. Sauf, sauf, qu’elles sont faites par une voix de robot, et c’est absolument glaçant. Personnellement ça me donne envie de me suicider, je ne le fais pas pour autant, mais c’est bien l’effet que ça me fait, un monde complètement déshumanisé avec un robot qui te dit de te méfier des picpockets et de tout bagage abandonné. La modernité que je vois là est une modernité de merde, qui se sert des nouvelles technologies parce que ça fait bien, nourrie du complexe d’infériorité des provinces, de la culture paysanne et ouvrière dévalorisée, exactement ce que je sens de la grande fabrique du désespoir : nous ne valons rien, entretuons-nous au profit des machines.
      À contrario et pour bien comprendre l’effet inverse, une fois seulement sur le quai du tram, on a entendu une vraie voix avèèèc l’akcent du suuud pour une annonce et ça nous a fait plaisir, oui, parfaitement.
      #conditionnement_sonore #guerre_à_l'humain
      et #guerre_aux_pauvres pour Nîmes

    • A #Nantes aussi on passe au « tarifs solidaires » depuis le 1er janvier. Par exemple une personne seule au RSA activité, sans autre revenu, mais avec un loyer modique aidé par des allocations logement, devra désormais payer 11€ par mois.
      Si une analyse globale sur les transports se fait (ce choix simultané de villes me semble étonnant) bah on se fera une joie de le relayer / participer
      https://twitter.com/nantesfr/status/661528410842271748
      https://twitter.com/ValKphotos/status/656947167303704576
      https://twitter.com/antonytorzec/status/651701898295312388 (subtilité sémantique !)
      – « Nantes : des nouveaux tarifs solidaires à la Tan, indexés sur les revenus » http://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/loire-atlantique/nantes/nantes-des-nouveaux-tarifs-solidaires-la-tan-indexes-su
      – et pour le fun : quand l’UDC s’insurge, elle choisi bien sin tarif : https://twitter.com/NantesUDC/status/685510001524346881

    • https://iaata.info/Attaque-anti-pauvres-dans-les-transports-948.html

      … dans une étonnante simultanéité avec l’annonce du tracé de la troisième ligne de métro, le SMTC Tisséo, autorité organisatrice des transports de l’agglomération toulousaine, a annoncé vouloir revenir sur la gratuité sur le réseau de transport. La décision finale n’est pas encore actée, mais le pouvoir local annonce clairement des mesures anti-pauvres.

      D’après La Dépêche, « trois demandeurs d’emploi sur quatre seraient amenés à payer, contre 100 % de gratuité aujourd’hui.

      #toulouse

      La #carte_de_transports qui permettait de prendre le train gratuitement sur l’ensemble de la région a réduit les possibilités de déplacements au département.

    • A #Nantes, c’est statut quo : impossible de faire remonter le problème, toute communication contestataire du choix du seuil d’exonération est bloquée car renvoyée sur des employé-e-s qui n’ont pas à assumer les décisions prises en hauts lieux. Pire, glissement quasi invisible, les tickets en vente dans les automates de la TAN ne proposent plus de « tarifs réduits ». Hors si je compare le pourcentage du tarif où me situe Nantes Métropole avec mes réels besoins obligatoires depuis janvier (je composte une fois sur 3 uniquement pour les trajets de plus de 2 arrêts) prendre leur carte payante me coûte plus cher que mes trajets réels au même pourcentage. Partout où je demande un accès à des tickets réduits, on me dit que c’est impossible...

      Pendant ce temps, l’entourloupe continue : les transports en commun font partie de la consultation locale autour du SCoT, le « Schéma de Cohérence Territoriale » que chaque ligérien devrait pouvoir consulter (c’est possible) comprendre (c’est beaucoup plus difficile) et amender (c’est quasi impossible...) : voir les commentaires de l’article https://nantes.indymedia.org/articles/35677

    • Pendant ce temps là à Toulouse :

      Opération #MetroGratuit aujourd’hui (15/10) au métro jean jaures à #Toulouse pour protester contre l’annulation de la gratuité pour les seniors, contre la privatisation des services de transports, pour la gratuité des transports, contre la répression de la #fraude !

      https://youtu.be/YBsKSbW2VVA

      Toulouse est en plein débats sur les nouveaux transports : https://metroligne3toulouse.debatpublic.fr

    • Le bus gratuit affiche des résultats épatants à #Dunkerque

      Patrice Vergriete est ravi. Le maire (divers-gauche) de Dunkerque prévoit de rendre le réseau de bus entièrement gratuit en septembre 2018. Et il voit son choix renforcé par une étude portant sur la gratuité, déjà appliquée le week-end dans les bus de l’agglomération, depuis septembre 2015.


      http://www.20minutes.fr/lille/2045135-20170407-bus-gratuit-affiche-resultats-epatants-dunkerque

    • Dunkerque expérimente le bus gratuit

      En 2018, le réseau de transport public de Dunkerque (France) sera gratuit pour tous les usagers. L’étude de H. Briche et M. Huré sur la gratuité qui y est déjà instaurée le week-end montre la faisabilité d’une politique publique en faveur du développement urbain et soucieuse des classes populaires, souvent dénoncée comme irréaliste et dispendieuse. Eclairage.

      https://www.lecourrier.ch/151255/dunkerque_experimente_le_bus_gratuit

    • Pionnier des bus gratuits, Dunkerque suscite l’intérêt de nombreuses villes

      La communauté urbaine de Dunkerque, un bassin d’habitat de 200 000 personnes, a institué la gratuité des transports en bus il y a un an. Résultat : le nombre de passagers a progressé de 65 %. Parmi les nouveaux usagers, d’anciens automobilistes qui laissent désormais leur voiture au garage.

      Dans la communauté urbaine de Dunkerque, le bus gratuit cartonne. De janvier à juin, 65 % d’augmentation de la fréquentation en semaine, et le week-end, c’est encore mieux : +125 %. « C’est juste ahurissant, s’enthousiasme le président de la communauté urbaine et maire divers gauche de Dunkerque, Patrice Vergriete. On espérait doubler la fréquentation d’ici trois à quatre ans, et on est déjà presque à notre objectif en un an. » La gratuité totale, après avoir été expérimentée le week-end, a été mise en place le 1er septembre 2018 : la communauté urbaine, avec ses 200 000 habitants et ses 17 communes, est la plus grande d’Europe à tenter le challenge, hors Tallinn, la capitale estonienne, qui réserve la gratuité à ses seuls résidents. Elle a pu se le permettre car la billetterie ne représentait que 10 % du coût total des transports en commun, soit 4,5 millions d’euros. L’effort n’était donc pas si grand.

      A Dunkerque donc, tout le monde se déplace gratos : « Le plus drôle, ce sont les touristes, qui demandent où ils doivent payer. Hé bien, on monte, et on descend, c’est tout, et on peut en prendre 15 dans la journée si on veut », vante Amélie, 23 ans, agent administratif. La communauté urbaine de Dunkerque (CUD) a aussi investi pour améliorer le réseau, pour 10 millions d’euros de plus par an : « La gratuité est un produit d’appel, explique Patrice Vergriete. C’est ce qui provoque le choc psychologique, mais pas ce qui fidélise. Si le service n’est pas à la hauteur, les gens reprennent leurs habitudes. »
      « J’économise 20 euros de gasoil par semaine »

      Sur les lignes les plus denses, des bus passent désormais toutes les dix minutes, des couloirs express leur sont réservés, avec passage automatique au vert quand ils arrivent ; et le centre-ville a été repensé, pour diminuer la place de la voiture. Le parvis de la gare est devenu piétonnier, avec un abri sécurisé pour les vélos, comme la place Jean-Bart, le cœur de la vie dunkerquoise. Une vraie révolution. « Dunkerque a été rasée pendant la Seconde guerre mondiale, rappelle Patrice Vergriete. Elle a été reconstruite au moment de la voiture triomphante. » Dans cette agglomération étendue, traversée par l’autoroute, le réflexe bagnole était une évidence : « En 2015, 67 % des déplacements se faisaient en voiture sur la CUD, le bus atteignait péniblement les 5 % et le vélo les 2 %», rappelle Maxime Huré, chercheur à Sciences Po Lyon.

      En attendant la prochaine enquête sur les déplacements des ménages, l’étude menée par l’Observatoire des villes du transport gratuit, dont Maxime Huré est l’un des auteurs, montre que la moitié des nouveaux utilisateurs du bus roulaient auparavant en voiture. Amélie confirme : « Depuis la gratuité, je ne la prends plus. C’était la misère pour se garer, et j’économise 20 euros de gazole par semaine. » Même constat chez Amandine, 21 ans, animatrice dans les écoles : « Je n’ai plus de voiture depuis un accident, et je n’ai pas les moyens d’en racheter une. Pour l’instant, le bus, c’est suffisant, c’est pratique pour aller travailler, et on fait pas mal d’économies. » Elle est aussi sensible à la cause écolo, contente d’en prendre sa part et de voir moins de voitures en ville.
      Plus de contrôle social

      « 10 % de ces nouveaux utilisateurs ont vendu leur deuxième voiture », souligne Vergriete. « Ils en gardent juste une, pour l’élément de liberté. » Il ajoute : « Toute ma philosophie politique est basée là-dessus : si on ne récompense pas par une amélioration du pouvoir d’achat les comportements vertueux sur le plan écologique, ça ne marche pas. » On ne pourra pas le taxer d’opportunisme face au mouvement des gilets jaunes, la mesure était l’une de ses promesses de campagne en 2014. A rebours de ceux qui imaginaient la gratuité des transports seulement possible dans les petites communes. « Dunkerque a envoyé un signal aux autres villes, remarque Maxime Huré. Depuis un an, nous avons reçu plus d’une centaine de visites, dont celle d’Anne Hidalgo, la maire de Paris. » Clermont-Ferrand, Grenoble, Calais, Amiens y songent aussi très sérieusement. « J’ai toujours été frappé par la faiblesse du débat sur la gratuité dans les transports publics, note Patrice Vergriete, ancien urbaniste. On vous dit que cela amène l’incivilité, alors que c’est l’inverse : il y a plus de monde dans les bus, donc plus de contrôle social. » Surtout, la fin de la stigmatisation des fraudeurs apaise l’ambiance. « C’est vrai, il y a moins de stress », confirme Nathalie, conductrice de bus depuis vingt-six ans.

      L’autre enseignement fort de l’expérience dunkerquoise est la croissance de la mobilité. Un tiers des déplacements générés par le bus gratuit n’existait pas auparavant, surtout chez les jeunes et les personnes âgées. Les premiers prennent leur indépendance et sollicitent moins leurs parents motorisés pour leurs déplacements personnels. Les autres sortent plus facilement, comme Jacques, 72 ans, ancien ouvrier, en route pour Auchan avec son caddie, qui connaît par cœur le réseau, et le prend dès qu’il a des envies de balade. « Je lui mets 10 sur 10, au bus gratuit ! »

      https://www.liberation.fr/france/2019/08/30/pionnier-des-bus-gratuits-dunkerque-suscite-l-interet-de-nombreuses-ville

  • Des femmes qui courent | Au Comptoir de la Pop Culture
    https://comptoirpopculture.wordpress.com/2014/07/04/des-femmes-qui-courent

    S’il y a une chose que j’adore avec l’ère Youtube, c’est bien le principe du Supercut. Petite définition : il s’agit d’un montage vidéo qui rassemble le plus possible d’extraits de films ou de séries dans le but de pointer du doigt les clichés qui pullulent dans les créations qu’on nous propose. Certains sont surtout moqueurs, d’autres ont des visées esthétiques.

    Aujourd’hui je vais m’appliquer à l’analyse d’un #supercut trouvé sur Youtube, et vous parler un peu de #male_gaze.

    https://comptoirpopculture.files.wordpress.com/2014/07/tumblr_inline_mv71j19n151soglc8.gif?w=676

    Ce que j’adore avec les Supercuts, en dehors de leur aspect divertissant, est qu’ils font le boulot que j’ai vraiment la flemme de faire : collecter des données sur les films, les séries, les compiler et les trier. On peut bien sûr les considérer comme de simples petits projets de cinéphiles, ou les voir comme des études culturelles. Je choisis de voir en ces montages vidéos autre chose qu’un simple désir de collecter ; j’y vois des preuves en images de schémas récurrents dans les produits culturels que nous consommons.

    Voici le Supercut dont je vais vous parler : “Slow-motion running » (des scènes de course au ralenti)

    https://www.youtube.com/watch?v=sblvu-PvTi4

    #genre #stéréotype #trope #cliché #conditionnement #slow_motion #courrir

  • Charlie et le délire compassionnel
    http://articles.alambic.ch/libre/charlie-et-le-delire-compassionnel.html

    Sous couvert d’une interprétation particulièrement perverse [7] de la « #laïcité », et du droit à critiquer toutes les religions [8], le journal a laissé libre cours à ses penchants islamophobes. Cela a donné quelques chefs-d’œuvre des monuments de la liberté d’expression que nous devrions défendre de manière inconditionnelle, tel ce « monument à l’esclavage du contribuable autochtone blanc », alors que « Le Coran ne dit pas s’il faut faire quelque chose pour avoir trente ans de chômage et d’allocs », vicieuse inversion du rapport raciste. On y est aussi invité à répondre à cette question hautement impertinente, qui contient sa propre réponse : « Les frites seront-elles bientôt toutes halal en Belgique ? Quelques barbus s’y activent, et combattent la démocratie qui leur permet d’exister ». A ceux qui ont l’outrecuidance de faire remarquer de tels propos doivent être combattus, tout comme doivent l’être les propos antisémites, sexistes et homophobes, Charlie Hebdo rétorque que « les musulmans doivent comprendre que l’#humour fait partie de nos traditions depuis des siècles ». A chacun sa tradition : celle des Musulmans nous est donnée à voir par le dessin d’un un imam habillé en Père Noël en train d’enculer une chèvre, avec pour légende : « Il faut savoir partager les traditions » [9]. Cette désinhibation raciste, qui a cherché à se déguiser en subversion et en impertinence, a été en réalité facilitée dans le contexte d’une France sarkozyste aux relents pétainistes, dont le président a remercié le rédacteur en chef de l’hedomadaire pour sa loyauté en le propulsant à la tête d’une radio nationale. L’époque est depuis longtemps révolue où Charlie Hebdo était régulièrement soumis à la censure du pouvoir et pouvait de ce fait se présenter comme subversif et courageux. Il est aujourd’hui devenu l’ami des puissants, et au cri de « Je suis Charlie », c’est ce caniche des va-t-en-guerre qu’on essaie maintenant de nous présenter comme le dernier rempart contre la barbarie.

    #racisme #sexisme #xénophobie #guerre #conditionnement

    • Tout le papier est d’une débilité assez crasse, et finit dans un mélange de phénomènes sans aucun rapport qui mériteraient à son auteur une jolie chemise avec des manches attachées dans le dos :

      On ne compte déjà plus les interventions médiatiques qui surenchissent dans l’appel à la croisade. Le gouvernement français a pour sa part aussitôt annoncé des mesures anti-terroristes renforcées. Avant toute chose, cela signifie plus de persécutions policières pour ceux qui les subissent déjà, et plus de répression de la contestation. La guerre contre les pauvres [10] va elle aussi redoubler d’intensité, et les bancs grillagés d’Angoulème ne sont que le prélude à la terreur quotidienne qui attend les parias d’une société qui, pour se préserver de ses propres relents, s’en gargarisera d’autant plus à l’eau démocratique. Le délire compassionel vient renforcer une nouvelle fois le délire sécuritaire, et la panique autour de « l’invasion islamique » a pour principale fonction d’étouffer ce bruit de bottes

      .

      Il montre en outre :
      – Une absence de précautions oratoires, et même de décence assez peu commune
      – Une méconnaissance totale de Charlie des quinze dernières années, comme tous les papiers dans la même veine qui commencent à fleurir. Parce qu’il y a du monde pour s’exciter sur des dessins sans contexte, voire tronqués, mais pour lire les papiers ou les éditoriaux, qui donnaient du contexte et de la diversité, plus personne tout à coup.

      Plus généralement, tout le passage mis en citation n’est qu’une mauvaise resucée du désormais célèbre papier de Cyran, http://www.article11.info/?Charlie-Hebdo-pas-raciste-Si-vous , qu’il n’a même pas été foutu de lire correctement , comme le montre la confusion atterrante entre un soutien, dans une chronique, de Fourest (qui était loin de faire consensus à Charlie) à un dessinateur néerlandais qui avait effectivement publié les dessins en question sur son blog ; et une publication dans Charlie.
      Le papier en question n’est d’ailleurs pas tellement meilleur, et est très largement de mauvaise foi, mais au moins il avait le mérite de savoir à peu près de quoi il parlait, au lieu de partir dans une succession de délires paranoïaques, au timing franchement indécent.

    • @alexandre, tu viens là, d’un ton péremptoire, nous donner ton verdict : ce papier c’est de la merde ("Tout le papier est d’une débilité assez crasse").

      Ayant un peu l’habitude de trainer sur seenthis, je me méfie des posts des gens que je ne connais pas car le niveau est généralement très élevé. Il y en a pas mal avec lesquels je suis en désaccord mais, l’argumentaire qu’ils utilisent impose le respect.
      Donc, après lecture de ta diatribe j’ai fait deux choses : je suis allé relire l’article en question (au cas ou je sois passé à côté de quelque chose) et ensuite j’ai relu ton post.
      Mon verdict : non seulement je continue de trouver cet article remarquable, mais maintenant je te sais réducteur dans l’analyse.
      @alexandre, que penses-tu de la complexité ? Les choses ne sont pas dichotomiques, elles sont complexes, très complexes. Tu tires une citation du texte en disant (je simplifie) « regardez c’est un lourd, il mélange tout ».
      Et pourtant dans cette citation il t’explique que si l’on y prend garde, demain t’auras droit à un touché rectal pour pénétrer dans un grand magasin car la loi le prévoira. Il t’explique que si l’on y prend garde, demain on te mettra sur écoute permanente car la loi le prévoira, tu n’auras qu’à la fermer. Il t’explique que si l’on y prend garde, tu finiras en GAV parce que t’es allé 2 fois sur le même site, car la loi le prévoira. Toi t’appelles ça « tout mélanger » moi j’ai l’impression de voir en accélérer l’après 11/9.

      Tu viens crier haut au fort « y’a pas bon papier, y’a bon journalistes, y’a liberté d’expression bafouée, ..etc., y mélange tout » (sic !).
      Cyran que tu cites a pratiqué une dizaine d’années tes champions de la liberté d’expression dont d’après toi il faut « …lire les papiers ou les éditoriaux, qui donnaient du contexte et de la diversité… » mais pourtant son ressenti a l’air différent du tien et se rapproche de ce papier.

      Peut-être te faudrait-il du bien lourd, des méchants d’un côté (islamistes et autres) et des gentils de l’autre (en gros les ils_sont_Charlie). Mais Cyran ou Schiess c’est pas bon, ils ont l’air à gauche mais ils ne sont pas Charlie, alors l’opprobre est jetée.

      Je suis fatigué de ces leçons de pensée.

      Il y a peu de temps quelqu’un a seené un papier remarquable qui décrivait ces gens, généralement gauchistes antifas, qui prétendent combattre pour la liberté d’expression mais qui ont pour comportement de s’assoir sur celle de ceux qui ne sont pas d’accord avec eux, avec violence, et bien entendu, en anonymes, pour gerber sur des gens qui signent avec leur vrai blase.

      Au final, Schiess est un âne, Cyran pas loin et toi visiblement tu es Charlie et tu iras certainement demain manifester à l’appel de ton premier ministre avec tous les représentants de l’OTAN. Je te laisse évaluer objectivement où est la crasse.

      @biggrizzly , j’ai également lu ton commentaire que tu as par précaution qualifié d’humoristique. Je le prends donc comme tel, mais je voudrais néanmoins dire quelque chose : tout n’est pas blanc ou noir. Tu crées le tag #je_suis_minute, tag pervers s’il en est car il pousse à accroire que soit tu es Charlie ou soit tu es minute (tu n’as pas choisi, l’huma, ou rouge, tu as choisi minute, c’est particulier).
      @biggrizzly , souffre qu’il existe beaucoup de nuances de gris. Tu peux ne pas être Charlie, et ne pas être minute également. Tu peux être Charlie et aussi être un gros c%@, c’est ça la complexité, elle nous impose de ne pas abdiquer notre droit à réfléchir et à admettre qu’il y a autre chose que le choix dichotomique mac-do/quick, auchan/carrouf, démocrate/républicain, ump/ps et bien entendu #je_suis_Charlie/#je_suis_minute.

      J’espère néanmoins que tu apprécieras mon humour comme j’ai su apprécier le tien. Si tous les couples que je viens de lister ne sont en fait que le reflet de deux choses identiques, choses pourtant que l’on veut nous montrer comme opposées ou pour le moins différentes, je te laisse méditer la dessus : #je_suis_Charlie/#je_suis_minute.

      Moi, #je_ne_suis_pas_Charlie, #je_suis_de_gauche enfin je crois, mais je peux être également #assez_lourd aussi, mais bon c’est complexe…
      Amicalement.

    • @butadaie tu as bien du courage pour faire ce genre de commentaire posé. J’avoue que des fois l’envie de laisser tomber m’habite. J’ai posté le même article ailleurs et j’ai eu un truc encore plus réactif :
      « Article de merde, intellectuellement médiocre et surtout particulièrement malvenu... AVFF. »
      je ne suis pas sur mais je crois que AVFF doit signifier aller vous faire foutre... J’étais ravi.
      Du coup, je pense surtout que c’est que pour certains, il y avait beaucoup d’attachements aux auteurs, et qu’il y a une grande part d’émotion. La spécificité de la chose étant que les personnes tuées étaient en partie très connue du grand public.

  • Médecine esthétique : intéressante intervention de Lili Barbery-Coulon (auteure d’un récent reportage sur la dictature de la beauté à New York dans « M le magazine du Monde ») sur le forum du blog Superbytimai
    http://www.superbytimai.com/2014/12/02/mathilde-to-b-or-not-to-b

    Je ne juge pas celles qui font de la chirurgie ou de la médecine esthétique (attention, ça n’a RIEN à voir. Une technique utilise le bistouri, l’autre les injections, les peelings…). Mais en ce qui concerne la médecine esthétique, quand je remarque qu’un visage a été injecté (et j’en remarque toute la journée), deux pensées me viennent. Primo, je trouve ça laid. C’est très très rarement réussi. C’est une question de goût : je trouve que ça gâche le visage ; Secundo, je sens quelque chose de “fake”, d’artificiel qui me dérange tellement que je me demande bien ce que cette personne a de si difficile à cacher.

    Par ailleurs, les gens qui ont recours à ces techniques font rarement plus jeunes que leur âge. Il y a des études qui montrent qu’on gagne tout au plus 7 ans (et c’est un max). C’est une énorme arnaque ! On vend l’idée de la jeunesse éternelle, alors qu’on gagne si peu…Donc, quand Mathilde dit : “j’aurai l’air plus jeune avec une ride du lion en moins”, elle se goure. Il y a plein d’autres critères qui permettent d’évoquer la jeunesse. Le teint pour commencer (une bonne maitrise du maquillage donc), les cernes (leur coloration) et les poches (il n’y a pas de crème qui marche pour ça, ça n’existe pas. le seul truc que j’ai vu de révolutionnaire c’est la chirurgie mais ça fait atrocement mal et c’est très excluant pendant plusieurs semaines car on a la gueule ravagée). Il y a la couleur des cheveux, la coupe (essentielle !!!!), la silhouette, la manière de s’habiller, le maintien de son corps. Tous ces critères donnent des indications aux autres. Pas seulement les rides. Les rides ne sont qu’un détail micro dans cette évaluation machinale que l’on fait au quotidien sans s’en rendre compte.

    Le problème à mon sens de ces techniques, c’est qu’elles enlaidissent à la longue. Et qu’elles conduisent à en faire toujours plus. Je pense que les premières séances sont souvent réussies mais comment trouver la force de s’arrêter ? Comment trouver un médecin suffisamment intelligent pour ne pas déborder (et sincèrement, j’en interviewe à longueur d’années, ils sont flippants !) ? Un médecin qui ait du goût ?

    Quand j’étais à NY, je me suis beaucoup posée ces questions. A force d’entendre dire que j’avais besoin de botox dans le front, j’ai commencé à douter. En plus, on me promettait que personne ne s’en rendrait compte (en même temps à quoi bon ?) que même mon mari ne le verrait pas (en même temps, les mecs ne remarquent même pas quand on se fait couper les cheveux..)… C’était tentant. Mais si je fais du botox à 38 ans alors que je n’ai quasiment aucune ride, je fais quoi à 45 ? J’y vais à la truelle ? Et où trouver le budget pour réparer mes propres peurs ?

    Ce que je trouve triste dans le discours de Mathilde (et qui me surprend beaucoup puisque je la connais un peu) c’est la phrase “puisque ce sont les règles du jeu, je vais jouer avec moi aussi”. Mais qui définie les règles ? Qu’on ait envie d’en faire et qu’on trouve Madonna ou bien Carla Bruni jolie, why not. Mais qu’on se sente OBLIGÉE de le faire parce que la société le dicte, alors, je trouve ça atroce. C’est pile ce que je dénonçais dans mon article sur NYC. Les femmes n’ont plus d’autre choix que celui ci là bas parce que c’est devenu une norme. Et je pense que cette liberté de choisir la manière dont on vieillit est essentielle.

    Alors si la règle du jeu aujourd’hui est la minceur, est ce que cela veut dire qu’on n’a pas d’autre choix que de faire un 36 pour réussir professionnellement ? Est ce que si les blondes ont plus de succès que les brunes, on doit toutes se péroxyder le crane ?

    Je ne veux pas me sentir soumise à la norme. Evidemment c’est facile de l’écrire quand on est encore jeune. N’empêche. En photographiant mes “vieilles” dames pour ce même numéro du M, je les ai trouvées si belles avec leur visage parcheminé, que c’est à elles que je veux ressembler en vieillissant. Pour autant, ça ne veut pas dire que je ne veux rien faire et me laisser aller.

    Et puis, il y a cette idée terrible mais nécessaire d’accepter que même avec toutes les techniques du monde, il y a un moment où on passe la main. Malgré tous les efforts… On vieillit. Et on meurt.

    #jeunisme #sexisme #beauté #chirurgie_esthétique

  • Les médias perchés sur une étude associant talons et séduction - Les Nouvelles News
    http://www.lesnouvellesnews.fr/index.php/chroniques-articles-section/chroniques-categorie/4063-etude-seduction-talons-medias-perches

    Si le chercheur estime que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour « déterminer le processus » qui rend les hommes plus réceptifs aux talons hauts, sa principale hypothèse est : « l’association entre talons haut et références sexuelles véhiculées par les médias ». Nicolas Guéguen souligne d’ailleurs que plusieurs études ont précédemment montré que les hommes étaient davantage attirés par les femmes blondes. Lui même a publié en 2012 les résultats d’une expérience indiquant que les hommes donnaient des pourboires plus élevés à des serveuses blondes. Or ces dernières sont surreprésentées dans les magazines, érotiques en particulier, relève-t-il. Ce qui revient à associer, dans les codes sociaux, blondeur et sexualité.

    (...)

    Etonnamment (?), cette hypothèse n’a été que peu développée par les médias qui se sont jetés sur cette étude, en dégainant la carte « scientifique », même si les échantillons (180 hommes pris au hasard dans les deux premières expériences, seulement 36 dans la troisième) ne sont pas forcément scientifiques. Des médias qui se contentent donc de diffuser le message que « les hommes préfèrent les femmes à talons hauts », comme titre Libération. Que « les talons hauts rendent les hommes plus réceptifs et plus serviables » (Le Huffington Post). Oui, c’est scientifique, ils « rendraient les hommes serviables » (20Minutes).

    (...)

    Et aux oubliettes cette autre étude, publiée en 2012, selon laquelle l’usage répété de talons hauts présente des risques de troubles musculo-squelettiques.

    #talons

  • Media Stoke Our Terrorism Mindset - NYTimes.com
    http://www.nytimes.com/roomfordebate/2014/04/16/living-in-the-grip-of-vigilance/media-stokes-our-terrorism-mindset

    For more than 30 years, media and pop culture have used scare tactics and racial profiling to overwhelm Americans with fear of the dark-skinned terrorist.

    (...)

    ... a cultural-political mindset (...) has been cultivated over several decades. When a section of policy makers began to develop a vocabulary around Arab and Muslim terrorism in the 1970s, Hollywood stepped in to visualize this new enemy. Dozens of films about brown terrorists bent on attacking the U.S. and Americans, like “Black Sunday” (1977) and “True Lies” (1994), shaped our collective imaginations so effectively that when the Oklahoma bombing occurred in 1995, it was automatically assumed that Arabs were responsible.

    The real trauma of 9/11 elevated this mindset, creating fear and paranoia that terrorists are everywhere. Though we are twice as likely to die from a lightening strike than a terror plot, government campaigns such as “See Something, Say Something,” and popular television shows like “24” and “Homeland,” have inculcated a pervasive threat consciousness.

    This ritualistic and repetitive depiction of a vulnerable homeland is what has allowed for the emergence of a surveillance state that now sees fit to monitor all its citizens. Few politicians have challenged such invasive surveillance for fear of being cast as “soft on terrorism.”

    Thus, a “terrorism mindset” espoused by politicians and bolstered by the culture industry has justified the creation of a massive national security state that systematically violates our civil liberties.

    #terrorisme #surveillance #conditionnement #médias #Hollywood #cinéma #séries_TV #Etats-Unis

  • « A moins que Sunnie et sa famille ne comprennent clairement que Dieu l’a faite femme... »
    http://www.elle.fr/Societe/News/Sunnie-8-ans-pas-assez-feminine-pour-son-ecole-2693200

    Sunnie Kahle, 8 ans, a les cheveux courts, collectionne les balles de baseball dédicacées, porte de longs T-shirts et des jeans larges. Un style qui ne plaît pas à son école primaire catholique, en Virginie, aux Etats-Unis. Dans une lettre adressée à ses grands-parents, l’établissement a fait savoir que Sunnie ne pourrait pas rester à l’école l’année suivante si elle ne s’habillait pas de façon plus féminine. « A moins que Sunnie et sa famille ne comprennent clairement que Dieu l’a faite femme, et que ses tenues et son attitude doivent être en adéquation avec cette identité que Dieu lui a donné, cette école n’est pas l’établissement approprié pour sa future éducation », a expliqué le personnel dans son courrier, appuyant son argumentation en citant des extraits de la Bible. Contactée par la chaîne locale WSET-TV, la direction de l’école a expliqué que le problème allait « bien au-delà de la longueur de ses cheveux » et que son comportement « perturbait l’ambiance de la classe ».

  • L’avenir des programmes de fidélité
    Le succès actuel des cartes de fidélité est indéniable : en France par exemple, les femmes ont dans leur portefeuille 3,7 cartes en moyenne.
    Une étude de Harris Interactive commandée par AIMA en 2011 conforte dans l’idée que les programmes de fidélité ont encore de beaux jours devant eux, et peut-être même plus que jamais. En effet, il semblerait que la génération Y (nom donné à la jeune génération actuelle) soit particulièrement intéressée et habituée aux programmes de fidélisation. Ainsi, 75% des jeunes nord-américains font déjà partie d’au moins un programme de fidélité et récompense.

    Avec la popularisation de l’utilisation des smartphones, l’avenir de la fidélisation est déjà tout tracé : les marques sont de plus en plus nombreuses à coupler leur carte de fidélité à une application mobile, pour croiser encore plus les données, et offrir toujours plus de services et cadeaux à leurs clients (offres promotionnelles par géolocalisation, mobile-couponing (« m-couponing »), offres adaptées en temps réel…).

    Ce site qui fait l’éloge des diverses cartes de #fichage dont est extraite cette diatribe résume bien l’état d’#abrutissement_technologique mis en place et relayé par ce type de promoteurs. Le vocabulaire marketing qui l’accompagne est définitivement inquiétant sur la capacité de réflexion de nos contemporains.
    htpp&htmami:cartes-moins-cheres.com/cartes-fidelite/

    #collaboration #données_personnelles #carte_fidélité #pavlov #conditionnement #consommation #habitude #one_by_one #abonnement #servitude_volontaire

  • Le triomphe de la technique sans culture et de la rationalité du rendement... Un monde suffocant, clinique, productiviste désincarné, et déshumanisé !
    Cela donne une résonance vide et glaciale dans notre rapport à ce que nous produisons.
    Le film est suffocant, esthétisant jusqu’à l’excès mais le résultat est fascinant comme pris dans une spirale ou ce que l’on nous donne à voir n’est rien d’autre que le monde tel qui se construit et s’impose à tous ?

    Notre pain quotidien(2007) un film documentaire de Nikolaus Geyrhalter
    http://www.dailymotion.com/video/xfuup9_notre-pain-quotidien-1-5_news?search_algo=2

    Une analyse du documentaire par Cédric Mal
    http://cinemadocumentaire.wordpress.com/2011/02/10/notre-pain-quotidien-nikolaus-geyrhalter

    La #production #alimentaire #industrielle, cela va de soi dans nos #sociétés #modernes, connaît ce qu’il se fait de mieux en matière technologique. Question de #rentabilité #économique. Nikolaus Geyrhalter s’équipe aussi de ce qu’il se fait de mieux de matériel numérique Haute Définition pour dépeindre en de puissants tableaux ces lieux étranges, beaux et horribles à la fois, dans lesquels se fabrique chaque jour #notre_pain _quotidien. Des #élevages de poulets aux #abattoirs, des #serres aux #usines de #conditionnement de #fruits, c’est l’intégralité du #processus de #transformation #alimentaire qui défile dans ce #film dénué de commentaires et d’interviews.
    A l’extérieur, le grand angle systématique laisse le champ libre à l’horizon pour composer des #plans terriblement ouverts. Le #cinéaste filme des #paysages monumentaux qui s’étendent à perte de vue et de nuit. Les usines, vastes et #futuristes ensembles lumineux, semblent #irréelles. On pénètre souvent dans ces endroits en plongée, et les choses n’en deviennent que plus indiscernables. Les #vaches ne ressemblent à des vaches et les #cochons à des cochons qu’après un temps de minutieuse observation. Un temps où nos yeux se promènent, incertains, à la recherche d’éléments de compréhension et de discernement. La longueur des plans-séquences laisse généralement advenir les frémissements d’un mouvement qui participe à l’éclaircissement de ces énigmes visuelles. Ce suspense figuratif, soutenu par la beauté des lumières et la #picturalité de certaines #images, agit comme un principe #esthétique maintenant l’intérêt tout au long du film.

    http://www.dailymotion.com/video/xfv0oz_notre-p-in-quotidien-2-5_travel

    Formellement, la #composition #plastique enferme souvent le spectateur dans une effroyable sensation claustrophobique. Les lieux, couloirs de la mort #animale ou allées d’#arbres fruitiers, sont représentés au travers de #cadres #cloisonnés qui focalisent le regard. Un point de fuite central et une profonde perspective structurent les images bordées de #chair ou de #nature d’où on ne peut s’échapper. Le parti pris formel opère également en plein champ, par exemple dans ce plan directement puisé dans la La Mort aux trousses : un avion entre puis sort du plan avant de venir épandre son liquide face #caméra. Le #spectateur, là encore, est pris au piège de la #représentation, dans une position de victime.

    http://www.dailymotion.com/video/xfv22v_notre-p-in-quotidien-3-5_travel?search_algo=2

    Dans son film, Nikolaus Geyrhalter soulève un rapport déshumanisé à la nature. Il décrit un monde sans paysan, égalisant par de subtiles analogies les hommes, les machines et les produits. Le roulement des œufs sur le tapis est le même que celui des pommes dans leur bassin, le déplacement des porcs vers l’abattoir n’est pas sans évoquer le ballet des hommes dans les couloirs, et la batteuse de la moissonneuse effectue la même course que l’éolienne.

    Quand la caméra s’embarque sur les tracteurs, elle s’attarde autant sur l’homme que sur l’engin agissant. A terre, lorsque le cinéaste suit des figures humaines dans leur labeur, ce sont des outils assujettis à l’industrie qu’il filme. Peu de différences entre l’homme qui sélectionne les poulets armé de son bras aspirant et le tracteur qui déploie lui aussi ses bras pour fertiliser le sol. Il n’y a pas de personnages, d’ailleurs, dans ce documentaire : les figures humaines, automatisées et muettes, ne sont pas incarnées. A l’heure de la pause, les employés dégustent leur pain quotidien. Si l’humanité devient alors figurativement centrale, le langage, lui, reste absent.

    http://www.dailymotion.com/video/xfvicy_notre-p-in-quotidien-4-5_school?search_algo=2

    (...)

    Description des fermes modernes ou critiques de l’industrie agroalimentaire : le film, universel dans sa forme, est construit de telle manière qu’il laisse chacun faire son choix. Petit à petit, on peut simplement se renseigner sur la cueillette des olives ou sur l’histoire de l’élevage-abattage des porcs. La composition chronologique qui établit des chaînons didactiques entre certains plans va en ce sens. On peut aussi s’insurger devant les souffrances animales. La progression dramatique vers l’horreur (figurative) l’autorise : à mesure que le film avance, le sang se déverse de plus en plus abondamment et le rouge inonde bientôt la représentation des exécutions bovines difficilement soutenables.

    http://www.dailymotion.com/video/xfvinx_notre-p-in-quotidien-5-5_lifestyle?search_algo=2

    #Nikolaus_Geyrhalter #Productivisme #Mondialisation #Capitalisme
    #Documentaire #Vidéo