person:mohammed merah

  • La politique antiterroriste vue par les musulmans
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/10/02/la-politique-antiterroriste-vue-par-les-musulmans_5363287_3224.html

    Une équipe de chercheurs universitaires a interrogé des musulmans sur le lien entre politique contre la radicalisation de l’islam et discriminations.

    La politique antiterroriste vue par les musulmans
    Une équipe de chercheurs universitaires a interrogé des musulmans sur le lien entre politique contre la radicalisation de l’islam et discriminations.

    Des associations militantes ont accusé, ces dernières années, la politique antiterroriste d’être porteuse de biais islamophobes. A leurs yeux, elle cible certains types de convictions et de pratiques religieuses, indûment retenus comme des indicateurs pertinents de dangerosité. En bref, ils accusent l’Etat d’être discriminatoire envers les musulmans dans sa conception et sa mise en œuvre de politiques antiterroristes, qu’elles soient répressives, préventives ou de renseignement.

    Une équipe d’universitaires a cherché à savoir si les musulmans eux-mêmes percevaient les choses de la sorte, et dans quelle mesure la politique antiterroriste et les discriminations étaient liées. La question leur semblait d’autant plus légitime que la France s’est tournée, après les assassinats commis par Mohammed Merah en 2012, puis plus encore après les attentats de 2015, vers une stratégie fondée sur la traque de la radicalisation. « A partir du moment où on a réfléchi en termes de radicalisation, on a mis l’accent sur une population considérée comme potentiellement radicalisable : les musulmans », résume Francesco Ragazzi, coordinateur de l’étude.

    Financé par l’Open Society Foundation de George Soros, ce travail a été conçu dans le cadre du Centre d’étude sur les conflits - Liberté et sécurité. Les universitaires se sont adjoint un « comité consultatif », où les associations militantes étaient bien représentées (Collectif contre l’islamophobie en France [CCIF], Stop le contrôle au faciès…), mais où était aussi présente la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Pour la première fois, leur étude fournit des données quantitatives sur l’impact des politiques antiterroristes sur la population musulmane.

    Les chercheurs se sont appuyés sur un sondage réalisé par téléphone du 5 février au 3 mars par l’IFOP. L’institut a extrait d’une population globale de 8 300 personnes un double échantillon. Le premier est composé de 426 personnes se disant musulmanes. Le second, de 501 individus sans relation avec la religion musulmane et représentatif de la population, sert de groupe témoin. Plusieurs séries de questions visaient à mesurer leur expérience personnelle et leur perception subjective de la discrimination, des politiques antiterroristes, leurs relations aux institutions ou encore leurs pratiques quotidiennes.

    Premier enseignement, pas forcément attendu : les musulmans se sentent individuellement exposés aux politiques antiterroristes (à travers le contact avec les forces de sécurité, mais aussi avec les travailleurs sociaux ou les éducateurs) dans les mêmes proportions que les non-musulmans. Ils indiquent même moins souvent avoir été en contact avec la police, dans ce cadre, que le reste de la population. Pourtant, un grand nombre d’entre eux (37,1 % contre 20,8 %) ont le sentiment d’être ciblés délibérément par les agents de cette politique, notamment les forces de police, et d’être moins bien traités par eux. Ils estiment le plus souvent être ciblés en raison de la couleur de leur peau (34,8 %) ou de leur origine (37 %) plus que de leur religion (15,2 %).

    Pourquoi l’hiatus qui se manifeste dans cette perception ? Parmi tous les facteurs étudiés par les chercheurs, l’un se révèle le plus efficace pour l’expliquer. Il s’agit de l’expérience passée de la discrimination. Le fait d’avoir été discriminé au cours des cinq dernières années abaisse systématiquement le niveau de confiance dans les institutions : plus une personne a été discriminée, moins elle a confiance dans les institutions. C’est aussi l’expérience de la discrimination au cours des cinq années passées qui explique le mieux un changement de comportement lorsqu’on est confronté à la politique antiterroriste (consultation des sites Internet, rapport aux médias, tenues vestimentaires, engagement politique et religieux…).

    Or les musulmans ont plus souvent (58,1 %) que les autres (26,9 %) le sentiment d’avoir été discriminés, que ce soit en cherchant un travail (29,8 % contre 13,6 % du groupe témoin), un logement (23,7 % contre 7,2 %), à l’école (17,6 % contre 5,4 %), lors d’un contrôle de police (24,4 % contre 4,8 %)… Ils n’attribuent pas majoritairement la discrimination dont ils ont été victimes à leur religion (citée par 23,5 %), mais d’abord à leur origine ou à la couleur de leur peau (58,3 %). Ces discriminations saperaient en quelque sorte la confiance dans les institutions et donc dans la légitimité de leur action, y compris antiterroriste.

  • « Plus Arnaud Beltrame avançait, plus je sentais Lakdim trembler » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/07/22/plus-arnaud-beltrame-avancait-plus-je-sentais-lakdim-trembler_1668058

    Quatre mois après les attaques perpétrées par le jihadiste Radouane Lakdim dans l’Aude faisant 4 morts et 15 blessés, « Libération » révèle les coulisses de l’assaut mené par le GIGN au Super U de Trèbes.

    Il est 10h38, ce matin du 23 mars, lorsque la caméra numéro 40 du Super U de #Trèbes filme l’arrivée d’une Opel Corsa blanche. Le véhicule roule à faible allure, avant de s’immobiliser sous un arbre touffu. Une minute plus tard, un homme vêtu d’un pantalon de treillis, d’une doudoune marron clair et d’un tee-shirt long à capuche bleu marine s’en extirpe. En petites foulées, il se précipite alors vers l’entrée du supermarché, et s’apprête à semer quatre heures et demie d’horreur.

    Cet homme s’appelle Radouane Lakdim. Fiché S depuis l’été 2014, il ne semblait plus inquiéter la Direction générale de la sécurité intérieure, qui a plusieurs fois envisagé de cesser sa surveillance faute d’éléments probants. Pourtant, ce 23 mars, le Franco-Marocain a bel et bien commis l’une des attaques jihadistes les plus meurtrières de l’histoire du pays. Avant d’arriver au Super U de Trèbes, Lakdim a déjà abattu Jean Mazières, un viticulteur de 61 ans. Il a également tiré sur des policiers revenant d’un footing, appliquant à la lettre les préceptes de l’Etat islamique.

    A « bout touchant »

    A l’intérieur du supermarché, il ne faut que vingt-six secondes à Radouane Lakdim pour faire une nouvelle victime. L’un des deux bouchers de l’enseigne, Christian Medvès, 50 ans, badine avec l’employée de la caisse numéro 6. Le terroriste, qui revient précipitamment du rayon boulangerie, fond dans son dos. Il ne s’aperçoit de rien. Bras tendu, il porte alors son arme à « bout touchant », à l’arrière de son crâne. Mais le coup ne part pas. Lakdim recharge. Devant l’effroi de la caissière, qui se dissimule sous le tapis roulant, Medvès se retourne légèrement. Cette fois, Lakdim fait feu, toujours à « bout touchant ».

    Les clients du magasin comprennent alors qu’ils vivent une attaque terroriste. Dans le champ de la caméra numéro 29, Radouane Lakdim brandit son arme et invective la foule. Aussi hallucinant que cela puisse paraître, à quelques mètres de là, à hauteur de la caisse numéro 3, deux hommes continuent de déposer leurs articles sur le tapis roulant. Est-ce par tétanie qu’ils ne fuient pas ? Le PV issu de la vidéosurveillance ne laisse planer aucun doute quant à leur compréhension de la scène en cours : « Nous pouvons les voir accuser le coup de feu quand ils contractent tous les deux leurs épaules et s’affaissent légèrement. » A 10 h 40, Lakdim s’avance vers l’un d’eux, Hervé Sosna, maçon retraité de 65 ans. Une balle dans la tête, de nouveau à « bout touchant ».

    Huis clos

    La suite se déroule dans le huis clos de la salle des coffres, un réduit un peu foutraque duquel Lakdim ne sortira pas vivant. Avant d’y pénétrer, le jihadiste lance une grenade artisanale en direction de l’îlot des caisses 1 et 2. Elle n’explosera jamais. Une fois à l’intérieur, il découvre que l’hôtesse d’accueil du magasin, Y., 39 ans, s’y est retranchée. D’un ton satisfait, Lakdim lui lance : « Ben tiens, voilà mon otage. »

    Lors d’une incroyable audition, Y. met des mots précis sur ses cinquante-deux minutes de captivité : « Il avait l’air content de trouver son otage, assez vite il m’a dit qu’il ne me ferait rien, il m’a demandé de trouver un téléphone. J’ai pris celui qui se trouve derrière la pièce où je me trouvais. A sa demande, j’ai contacté la gendarmerie de Carcassonne. Il m’a dit de dire qu’il s’agissait d’une prise d’otage au supermarché de Trèbes, il m’a dit de dire que c’était pour les frères en Syrie. »

    Au bout du fil, une voix de femme :
    – « La gendarmerie, j’écoute bonjour… »
    – « Oui, bonjour madame, je m’appelle Y., je travaille à Super U à Trèbes. »
    – « Oui ? »
    – « Et je suis actuellement euh… prise en otage par un monsieur armé. »

    L’enregistrement intégral de l’appel – qui, étrangement, n’est pas horodaté – permet de mesurer la détermination sans faille de Radouane #Lakdim. Même s’il ne se saisit pas directement du combiné, les revendications du terroriste sont aisément audibles : « Allah fait de moi un martyr. Donne-moi un martyr, Allah. Donnez-moi un martyr […]. Moi, j’ai pas peur là. Moi, j’ai envie de mourir. »

    Y. l’interrompt :
    – « Moi, je ne suis pas prête à ça. »
    – « Mais moi j’suis prêt », vocifère le jihadiste.

    Pour survivre, Y. tente de se montrer réceptive et compréhensive à l’égard de Lakdim. « Il m’a posé des questions, il m’a demandé mon âge, mes origines, si j’avais des enfants. J’ai compris avec ce qu’il me disait, qu’il faisait une distinction entre ceux qu’il allait abattre et ceux qu’il allait laisser en vie. Il m’a dit qu’il avait tué le client dans le magasin car il ne le prenait pas au sérieux. Donc je me suis concentré pour avoir une attitude pour conserver son respect. Je lui ai dit que je comprenais sa démarche à lui, j’ai gardé mon sang-froid. J’allais dans son sens dès qu’il me parlait. » En psychologie, ce procédé, qui consiste à faire preuve d’un intérêt et d’une certaine empathie vis-à-vis d’un agresseur, a un nom : l’écoute active. Et la technique fonctionne. Moins agressif, Radouane Lakdim explique à Y. « que sa démarche était juste d’allumer une mèche, de faire une petite action, pour donner envie à ses frères de faire des actes plus violents ». Il aimerait par exemple « que ses frères lancent un camion sur le magasin ».

    La gendarmerie est toujours en ligne. Radouane Lakdim empoigne désormais de temps à autre le combiné, pour cracher sa propagande : « J’vais la faire à la Coulibaly, j’vais rejoindre mes frères, Mohammed Merah, Coulibaly, ils ont raison […], j’vois que les soldats français violent des enfants au Mali, après ils ont une relaxe, ça se fait ça ? [les faits concernaient la Centrafrique, un non-lieu a été prononcé le 11 janvier, ndlr]. » Plus tard, il reprend : « Je représente l’Etat islamique, vous voyez tous les bombardements que vous avez faits en Syrie, en Irak, au Mali, faut le payer vous voyez. Là, j’ai un otage maintenant, je vais vous dire un truc. Je sais que vous allez pas vouloir, vous allez ramener Abdeslam Salah [seul survivant des commandos du 13 Novembre]. Je veux que vous le libériez, on fait un échange. »

    Beltrame les deux mains en l’air

    Dehors, les gendarmes s’activent. Selon le rapport d’intervention du GIGN, que Libération a pu consulter, l’unité est prévenue à 10 h 56. Il est indiqué : « Devant la gravité des faits annoncés, le colonel Laurent P., commandant le GIGN, sollicite dès 10 h 58 auprès de la Direction des opérations et de l’emploi de la DGGN, l’engagement du GIGN [basé à Versailles-Satory, près de Paris] et l’envoi immédiat de l’antenne GIGN de Toulouse. » Cette dernière, partie de la Ville rose par la route, est la première unité d’intervention à prendre position au Super U. Le rapport précise : « Douze personnels de l’antenne GIGN d’astreinte arrivent sur le site à 12h10. Dix-huit autres gendarmes supplémentaires de l’AGIGN rejoignent Trèbes ultérieurement. »

    Entre-temps, l’un des personnages les plus célébrés de l’histoire récente est entré en scène : le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, 44 ans. A 11 h 21, la caméra numéro 32 filme l’entrée dans le magasin des premiers gendarmes à intervenir. Le PV issu des images de vidéosurveillance souligne : « La progression se fait par binômes, à la tête desquels se trouve le lieutenant-colonel Beltrame. » Un peu plus de trois minutes plus tard, à 11 h 24 et 40 secondes, la caméra 1 montre « le lieutenant-colonel Beltrame les deux bras en l’air, mains bien visibles au-dessus de la tête ; face au bas flanc de l’accueil, derrière lequel se trouve la salle des coffres et Lakdim. Immédiatement, une négociation s’engage entre les deux hommes. Nous voyons le lieutenant-colonel Beltrame agitant les deux mains vers le bas en signe d’apaisement à l’attention de Lakdim, puis vers ses effectifs ayant pris position derrière lui ».

    « N’y allez pas colonel »

    A cet instant, le destin du gendarme bascule. En prenant ses fonctions quelques heures plus tôt, Arnaud Beltrame était loin d’imaginer qu’il ferait face à « un soldat de l’Etat islamique » venu répandre la terreur dans cette petite ville de l’Aude. C’est seul que le lieutenant-colonel décide de négocier sa captivité contre celle de l’otage. A l’arrière, ses collègues du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie l’en dissuadent fortement. Certains s’écrient « non, colonel, reculez ! » ou encore « vous n’avez pas de gilet pare-balles ! ». Mais sourd et déterminé, Arnaud Beltrame avance vers Radouane Lakdim. Une initiative qui le conduit tout droit vers la mort. Contactées par Libération, six sources familières de ce type d’intervention peinent à masquer leur embarras à l’évocation des faits. Si toutes rendent hommage à la bravoure d’Arnaud Beltrame, qui a payé de sa vie la libération de Y., elles insistent sur le caractère « cavalier » et « inconscient » de la manœuvre. En clair, Beltrame n’aurait jamais dû procéder ainsi. « Les situations de crise telles que les prises d’otage requièrent des protocoles d’intervention des plus rigoureux. Les effectifs sont déployés selon des plans adaptés à la typicité des lieux, ainsi qu’au profil de l’assaillant. Ces schémas complexes sont le fruit d’une élaboration hiérarchique collective, dont l’objectif est d’aboutir à une libération avec le moins de dommages possibles. Arnaud Beltrame est un héros, cela ne fait aucun doute, mais il n’a pas agi selon les règles enseignées. Il les connaissait pourtant parfaitement », regrette, très ému, un gradé de la gendarmerie.

    Dans la salle des coffres, Lakdim, qui craint d’être abattu lors de la progression de Beltrame, tient désormais Y. en joue. Lors de son audition, elle raconte : il « a menacé de m’abattre et une minute après il est entré en négociation avec un gendarme [Beltrame, ndlr]. Le gendarme lui demandait exactement ce qu’il voulait mais il n’avait pas grand-chose à demander car je pense qu’il savait comment ça finirait […]. L’auteur m’a mis le canon de son arme sur la tempe, plus précisément derrière l’oreille […]. Plus [il] avançait, plus [Lakdim] tremblait. Là, j’ai vraiment eu peur. Il a demandé au gendarme d’enlever son arme, ce qu’il a fait en la posant sur la table de l’accueil […]. Quand le #gendarme s’est retrouvé avec nous à l’accueil, [Lakdim] a demandé son arme. Le gendarme a fait demi-tour, a pris son arme, a enlevé le chargeur, il l’a fait glisser au sol vers nous. Le gars [Lakdim, ndlr] a vu tout de suite qu’il n’y avait pas le chargeur avec. Il lui a demandé le chargeur. Du coup, le gendarme s’est exécuté, et il a fait passer l’arme au sol. Là, [Lakdim] a ramassé le chargeur et l’arme […]. Il a mis le chargeur dans l’arme. Le gendarme était avec nous dans la pièce. Je lui ai dit "ok, je vais sortir doucement". Pendant que je m’éloignais, le gendarme a pris ma place ». A 11 h 32 et 37 secondes, la caméra 3 filme Y. en train de prendre la fuite en courant. « A compter de cette heure, révèle le PV issu de la vidéosurveillance, l’action est figée dans la salle des coffres. Aucun mouvement n’est détecté par la caméra 3 ou la caméra 1 ; c’est-à-dire que nous n’avons aucun élément sur le huis clos qui s’est déroulé entre le lieutenant-colonel Beltrame et Lakdim. » (Photo AP)

    La porte se referme brutalement

    Pour comprendre la suite des événements, il faut donc s’en remettre au rapport d’intervention sibyllin du GIGN. En préambule, le document indique que 24 personnels du GIGN décollent à 12 heures, en hélicoptères, de l’aéroport de Villacoublay (Yvelines). Dix minutes plus tard, leurs collègues partis, eux, de Toulouse arriveront sur site. Durant toute la durée du vol, les liaisons téléphoniques seront conservées. Le rapport insiste sur un autre point essentiel : le terroriste dispose désormais d’une arme supplémentaire, le pistolet automatique de dotation d’Arnaud Beltrame, garni d’un chargeur de 15 cartouches.

    A 12 h 25, un tireur d’élite de l’antenne de Toulouse se positionne face à la porte de l’accueil du Super U, à une distance de trente mètres. Une escouade de cinq gendarmes s’installe également près de l’accueil, pour intervenir en cas urgence. A 12 h 45, Arnaud Beltrame contacte le commandant de groupement. Ce dernier fait savoir au GIGN par téléphone que Radouane Lakdim exige une nouvelle fois la libération de Salah Abdeslam, faute de quoi il fera sauter ses grenades. Nouveau rebondissement à 13 h 10, le jihadiste apparaît dans l’encadrement de la porte de la salle des coffres, légèrement entrouverte. Arnaud Beltrame lui sert de bouclier humain, empêchant le tireur d’élite d’ouvrir le feu. Mais la porte se referme brutalement. Parallèlement, les gendarmes font sonner différents téléphones dans l’espoir d’entamer une négociation. A 13 h 30, le rapport d’intervention du GIGN mentionne : « L’utilisation d’un moyen d’acquisition du son à travers les murs permet d’entendre T [Radouane Lakdim, ndlr] prier. »

    Une dizaine de minutes plus tard, le terroriste s’irrite. Par la voix d’Arnaud Beltrame, il exige qu’on lui remette un chargeur de téléphone sur le comptoir de l’accueil. Le lieutenant-colonel réapparaît dans l’encadrement de la porte de la salle des coffres, et fait « ok » avec sa main. Il annonce en outre que Lakdim dispose de deux armes à feu et d’une grenade. A ce moment précis, un dilemme naît dans l’esprit des gendarmes. L’antenne #GIGN de Toulouse intervient-elle seule ? Ou attend-elle le contingent d’Ile-de-France ? A 14 heures, un compromis est adopté. Le commandant du GIGN donne les directives suivantes : « Jouer la fourniture du chargeur sans attendre si le terroriste s’énerve. Etre en mesure de déclencher un plan d’assaut d’urgence en cas de brusque dégradation de la situation à l’intérieur de la pièce. » A 14 h 08, Beltrame récupère un téléphone – probablement le sien – sur le comptoir de l’accueil.

    « Attaque… assaut, assaut »

    Depuis le PC arrière de Versailles-Satory, les négociateurs s’activent pour nouer une liaison téléphonique avec Radouane Lakdim. Après de multiples essais infructueux sur les lignes fixes du Super U, une communication s’engage, à 14 h 13, sur le portable d’Arnaud Beltrame. Le lieutenant-colonel demande à Lakdim s’il peut mettre le haut-parleur. Le terroriste accepte :

    – « Bonjour Radouane, c’est le négociateur du GIGN. »
    – « Oui, alors j’ai demandé qu’on fasse un échange, le lieutenant-colonel gendarme contre Salah Abdeslam, Fleury-Mérogis. »
    – « Oui, c’est ce que vous souhaitez ça, c’est exact ? »
    – « Vous serez pas capables alors d’échanger un de vos membres contre un de mes membres ? »
    – « Ben Radouane, vous savez très bien que ça ne se fait pas comme ça non… »

    Une bonne minute passe. Le négociateur évoque la présence de la mère de Radouane Lakdim à ses côtés quand, soudain, Arnaud Beltrame hurle : « Attaque… assaut, assaut. » Il est 14 h 16.

    Laps de temps

    La suite s’avère relativement confuse. Au téléphone, le négociateur ne semble pas percevoir immédiatement que la situation lui échappe. Il s’égosille, malgré « des bruits de lutte et de cris » (audibles grâce au haut-parleur) : « Vous m’entendez ? Arnaud, vous êtes là ? Radouane, tu m’entends ? » Ses appels désespérés, entrecoupés de « bruit de râle », durent plusieurs minutes. Dehors non plus les effectifs ne semblent pas réagir dans la seconde. Le contingent du GIGN parisien est sur le site depuis à peine une minute lorsque Arnaud Beltrame s’époumone « attaque… assaut, assaut ». Faute de temps pour se coordonner, seuls les gendarmes de l’antenne toulousaine investissent le Super U. A la lecture du dossier, il s’avère très compliqué de connaître le laps de temps précis entre les cris d’Arnaud Beltrame et l’arrivée des gendarmes d’élite dans la salle des coffres. Etrangement, le rapport du GIGN ne donne jamais cette indication. Le PV issu de la vidéosurveillance livre cependant un indice : à 14 h 24 et 30 secondes, la caméra 32 filme l’arrivée des effectifs. Soit donc huit minutes et trente secondes après les premiers cris du lieutenant-colonel, une éternité.
    Lorsque les hommes du GIGN pénètrent dans la salle des coffres, Radouane Lakdim est assis, dos à la porte. Arnaud Beltrame, porteur de plusieurs impacts de balles et tailladé au niveau du cou, est allongé sur lui, inanimé. Le terroriste crie « Allah akbar », tente de se redresser. Mais il est finalement abattu. A 14 h 28, l’assaut est terminé et les premiers soins d’urgence sont apportés au lieutenant-colonel. Ils ne permettront pas de le sauver.
    Willy Le Devin

    Intéressant de savoir comment s’est passé l’intervention du GIGN et totalement incroyable l’initiative de Beltrame quand même. On peut se demander quels sont les ressorts de sa décision, sachant que pour un militaire suivre un protocole et ne pas partir dans une action individuelle sans concertation c’est quand même la base. Le désir de faire preuve d’héroïsme quel qu’en soit le prix et les nécessités ?

    #Beltrame #prise_d_otage #terrorisme

  • #Mediapart #fafs #faf

    "Ils voulaient redresser la France, ils vont passer leur première nuit en garde à vue. Dès 6 heures, ce dimanche matin, dix hommes, dont un ancien haut fonctionnaire et un ancien gendarme, ont été interpellés en région parisienne, mais aussi en Corse, en Gironde, dans la Vienne ou encore en Charente. Ils font partie d’un groupe clandestin issu des rangs de l’ultra-droite, du groupe Action des forces opérationnelles (AFO), qui préparait des attaques contre des musulmans pour se venger des attentats commis par des djihadistes en France ces dernières années.

    D’après la chaîne LCI, qui a la première sorti l’information, plusieurs armes à feu ont été découvertes en perquisition. Selon nos sources, un laboratoire clandestin de fabrication d’explosifs a été découvert chez l’un des suspects arrêtés. C’est l’existence dudit laboratoire qui a précipité la vague d’interpellations dans le cadre d’une enquête menée dans le plus grand secret depuis plusieurs mois.

    C’est la concrétisation judiciaire de ce que Mediapart révélait le 9 avril dernier : la DGSI s’inquiétait de la résurgence de la mouvance de l’ultra-droite et avait « une cinquantaine de policiers, gendarmes et militaires » parmi ses « objectifs » suivis pour leurs liens avec « l’extrême droite violente ».

    Depuis 2015 et le début de la vague d’attentats qui ensanglantent la France, plusieurs groupuscules d’autodéfense se sont constitués dans le but de lutter contre « le péril islamique » et de se substituer à un État défaillant, en se préparant à recourir à la violence dans la perspective d’une guerre civile. « Même s’ils restent embryonnaires, ces groupuscules claironnent leur volonté de riposter et nous suivons cela de très près », avait concédé en avril un haut gradé des services de renseignement. Une litote.

    D’après nos informations, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) mais aussi d’autres services de renseignement du ministère de l’intérieur et de la défense enquêtaient déjà depuis plusieurs mois sur les Volontaires pour la France (VPF), et notamment sa branche dissidente, qui compte parmi ses membres des gendarmes et des militaires issus des forces spéciales et des chasseurs alpins.

    Créés mi-2015, les VPF ont réellement été mis sur orbite au lendemain des attentats du 13-Novembre – l’un de ses membres fondateurs a perdu sa fille au Bataclan. Ayant pour objectifs de « défendre l’identité française » et de « combattre l’islamisation du pays », ils comptent une cinquantaine de militaires et de membres des forces de l’ordre.

    Contacté début avril, le groupuscule revendiquait « près de 800 membres, parmi lesquels de nombreux militaires en retraite, dont un certain nombre d’officiers supérieurs et de généraux ». Sur sa page Facebook, l’organisation assure que ce combat doit se mener « par tous les moyens légaux uniquement ». Mais certains membres sont plus virulents : en novembre 2015, l’un d’eux parlait de « combattre par des actions concrétes[sic] l’islamisation du pays ». « Préparez vous si il faut que les barricades soit montées [sic] qu’il en soit ainsi ce ne sera pas l’état qui se chargera de l’islam », commentait un jeune homme, en juillet 2016.

    Une première enquête de la DGSI à l’été 2016 avait poussé les VPF à se constituer en association. Depuis, ce mouvement se pare des oripeaux de la légalité. Ses deux figures de proue affichent leurs photos et leurs curriculum vitae sur le site internet des VPF. Antoine Martinez est un général retraité de l’armée de l’air résidant à Nice, « spécialiste du renseignement » autoproclamé et président du comité de soutien au général à la retraite Christian Piquemal, qui avait, en février 2016, défrayé la chronique en s’impliquant dans une manifestation non autorisée contre la politique migratoire. L’ancien parachutiste et ex-commandant de la Légion étrangère avait été relaxé par la justice mais radié des cadres de l’armée.

    Le second coprésident, l’ancien député européen (FN) Yvan Blot, revendique, lui, dans sa biographie être un « ancien haut fonctionnaire au ministère de l’intérieur en charge des affaires de terrorisme ». Cet ancien cadre du FN, puis du MNR (Mouvement national républicain) de Bruno Mégret, fut aussi le cofondateur du Club de l’horloge, un think tank réunissant des hauts fonctionnaires de droite et d’extrême droite. Il serait désormais, selon la réponse des VPF adressée début avril à Mediapart, « conseiller du Club Valdaï, proche du Kremlin ».

    Sur le site des VPF, on peut lire que « les Volontaires peuvent se former, s’instruire, s’entraîner grâce à des journées, des week-ends ou des séminaires de formation organisés par les cadres de l’organisation et animés par des spécialistes dans tous les domaines ». Dans le mail de réponses adressé à Mediapart, les VPF assuraient n’être « en aucun cas une milice », ni être « affiliés ou associés à aucun parti politique ». « Nous sommes des pères et des mères de famille lucides et précautionneux, conscients des dangers et de l’utopie du vivre ensemble avec un islam conquérant, pour les avoir déjà vécus sur des théâtres d’opérations extérieures (Liban, Kosovo…) », concluait l’association dans sa réponse.

    En réalité, ce vernis de respectabilité génère quelques frustrations et tensions. Là où les dirigeants, de peur de poursuites pénales, insistent pour inscrire leur action dans le respect de la loi, leurs militants, frustrés par la routine de la vie associative et désireux de passer à l’action, ne l’entendent pas de cette oreille.

    À l’automne 2017, Dominique Copain et Guy Sibra, deux recruteurs des VPF, ont créé une structure baptisée Action des forces opérationnelles (AFO), destinée à mener de réelles opérations clandestines. Selon nos informations, les deux hommes font partie des dix gardés à vue. Le second, vendeur de matériels militaires déclassés domicilié en Nouvelle-Aquitaine, avait pris « Richelieu » pour pseudo.

    Dans la foulée, des figures du groupuscule, Guy Boisson, responsable des VPF dans la région Hauts-de-France, et Michel Herbreteau, à la tête de la région du Var, ont rejoint cette nouvelle cellule pensée comme une résurgence du SAC. À l’inverse, Romain Petit, monsieur Sécurité des VPF, a décliné la proposition, préférant pour sa part créer une société de sécurité privée aux côtés de Gérard Hardy, le fondateur des Volontaires pour la France. Messieurs Boisson, Herbreteau, Petit et Hardy ne sont pas concernés par la vague d’interpellations.

    Désormais, l’Action des forces opérationnelles se vit comme une dissidence des VPF. Son accès est d’ailleurs interdit aux militants des VPF. Très professionnels, les membres de la cellule communiquent via la messagerie cryptée Proton – dont les serveurs basés en Suisse diffusent des courriels impossibles à partager avec des tiers et répondent aux ordres de leurs « commandants de département », qui obéissent eux-mêmes à leurs « commandants de région ».

    La première action de ce groupuscule ne portait pas trop à conséquence – la constitution de stocks pharmaceutiques de première urgence, en cas d’affrontements généralisés –, mais témoignait des convictions profondes de ses membres de l’imminence d’une guerre civile. Une initiative motivée par la participation de représentants de professions médicales, par ailleurs liés à des organismes de sécurité civile.

    Dans une note interne que Mediapart a pu consulter, le responsable de la formation, qui se fait appeler « Garbo », un sous-officier de la gendarmerie encore en activité sur l’aéroport de Mérignac, souligne que la liste envoyée constitue le « matériel de première urgence » tel que défini dans les stages de secourisme de l’armée et est destinée « à faire face à des blessures hémorragiques dites de guerre ». Le même Garbo dispensait récemment des fiches de « formation self-defense » ayant « vocation de proposer des solutions pour se dégager rapidement d’une personne positionnée dans votre zone intime ».

    Plus préoccupant, l’Action des forces opérationnelles cherchait ces derniers mois à s’équiper en armes et explosifs pour passer à l’action. Les services de renseignement suspectent que plusieurs caches d’armes auraient été disséminées dans les 11 régions où cette cellule clandestine est présente. Et la DRSD (Direction du renseignement et de la sécurité de défense, la police militaire) s’intéresse à plusieurs militaires appartenant à cette cellule dans le cadre de son enquête interne concernant un casse sur la base aérienne 125 d’Istres, en septembre 2016. Plusieurs dizaines de pistolets et d’armes longues y avaient été dérobés. À ce jour, l’affaire n’a pas été résolue, ni les armes retrouvées.

    Des militaires traumatisés à leur retour d’Irak et d’Afghanistan

    Les services de renseignement ont alerté les autorités que cette cellule n’excluait plus le recours à la violence. Plus généralement, comme Mediapart l’avait révélé, ils avaient même à l’automne 2017 prévenu que le risque de voir « la mouvance dite de l’ultra-droite » passer à l’action violente était « évalué à la hausse pour la période à venir ». Les services voyaient d’un très mauvais œil, dans ce contexte de conflit larvé, les VPF et les AFO draguer les membres de services de sécurité, construisant leurs discours à leur attention, veillant à valoriser chaque nouvelle recrue issue des rangs de la gendarmerie ou de l’armée. Des professionnels recherchés à la fois pour leur savoir-faire en matière de maintien de l’ordre et d’opérations coup de poing.

    À telle enseigne que les services de renseignement ont dû sensibiliser à ce sujet plusieurs administrations, parmi lesquelles les différents corps d’armée, la police, la gendarmerie, les douanes, ainsi que l’administration pénitentiaire. Cela afin d’améliorer l’échange d’informations sur les fonctionnaires suspects mais aussi de prévenir le recrutement de tout nouveau policier ou militaire déjà recensé comme figurant dans cette mouvance. L’« entrisme » de « l’extrême droite violente » au sein des forces de sécurité préoccupe la DGSI, les Renseignements territoriaux (RT) et la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) de Paris.

    Rencontré en mars, un ponte de la lutte antiterroriste confirmait : « L’ultra-droite se structure de façon assez inquiétante. Et c’est vrai que l’on retrouve beaucoup de militaires ou d’anciens militaires. » « Ce sont souvent des militaires de retour de mission en Afghanistan ou en Irak, complétait un ancien des services. Ils rentrent traumatisés, il faut les surveiller pour ne pas qu’ils continuent leur combat individuel. Certains créent des groupes sur les réseaux sociaux, ou se radicalisent à travers eux, d’autres peuvent passer à l’action. »

    L’exemple de l’Action des forces opérationnelles rappelle le réseau néonazi découvert au sein des forces armées belges en 2006. Dix-sept personnes, dont dix militaires, avaient été interpellées. Leur chef appartenait au groupuscule flamand BBET (Sang-Sol-Honneur et Fidélité). Des armes, des explosifs et des détonateurs avaient été trouvés lors de perquisitions.

    La France n’est pas non plus exempte de précédents. En 2013, la mère du sergent de l’armée de l’air Christophe Lavigne (deux missions en Afghanistan à son actif) prévient la police : elle redoute la radicalisation de son fils de 23 ans. L’ancien militaire est neutralisé en 2013 par la DGSI, qui le suspecte de projeter d’attaquer une mosquée à côté de Lyon. Un an plus tôt, l’ancien militaire avait jeté un cocktail Molotov sur la mosquée de Libourne (Gironde), ce qui lui avait valu une condamnation pour « dégradation d’un lieu de culte en relation avec une entreprise terroriste ».

    Le 24 mars 2013, six activistes néofascistes avaient aussi été interpellés près du campus de Talence (banlieue de Bordeaux), armés de poings américains et de manches de pioches. Ils venaient de taguer des mots d’ordre anti-immigrés. Dans le groupe, figurait un ex-cadre de la DPSD, le colonel Mochel, dont le rôle reste à expliquer. Des faits similaires ont été relevés à Arras et à Annecy – où des Chasseurs du 27e BCA ont été impliqués dans l’incendie d’une mosquée.

    Lors des rassemblements contre le « mariage pour tous » en 2013, certains militaires radicalisés avaient déjà témoigné de leurs velléités. Le collectif Printemps français avait ainsi tenté d’occuper les Champs-Élysées – une idée impulsée par Philippe Darantière, un ancien officier parachutiste reconverti dans l’intelligence économique. Parallèlement, une publication d’extrême droite avait appelé des hauts gradés catholiques – tel Bruno Dary, ancien gouverneur militaire de Paris – à provoquer un coup d’État.

    En fait, depuis l’équipée sauvage de Mohammed Merah, qui tua trois militaires de Montauban et Toulouse (c’était la première fois, depuis la guerre d’Algérie et les exactions de l’#OAS, que des soldats français en permission étaient abattus à l’intérieur des frontières de l’Hexagone), l’ultra-droite a ajusté sa propagande au sein des régiments parachutistes basés dans le Sud-Ouest. Plusieurs notes de renseignement ont signalé des tentatives de récupération au sein du 1er RTP (Toulouse) et le 3e RPIMA (Carcassonne) où avait servi Victor L. – qui avait intégré le service d’ordre du Bloc identitaire et son cercle toulousain après avoir quitté l’armée.

    Aujourd’hui, l’institut Civitas mène une action en profondeur en direction de certains milieux militaires catholiques, sous la houlette notamment du général Chrissement, qui fut, avant sa retraite, chef d’état-major interarmées chargé de la gestion de crise au sein de la zone de défense Île-de-France. Civitas veut s’inspirer de l’ancienne Cité catholique, qui fournit nombre de ses cadres à l’OAS. À l’époque, la Cité catholique avait organisé des cellules dans certaines unités présentes en Algérie avec l’aide des 5e bureaux et des Services d’action psychologique."

  • Les échanges hors sol des «sages de la laïcité»
    https://www.mediapart.fr/journal/france/220218/les-echanges-hors-sol-des-sages-de-la-laicite

    Emmanuel Macron et #jean-Michel_Blanquer, le 4 octobre 2017. © Reuters Mediapart a consulté le compte-rendu d’une réunion du « conseil des sages de la laïcité », mis en place par le ministre de l’éducation nationale. La question du #voile y est soulevée à maintes reprises, certains se demandant même si Latifa Ibn Ziaten, la mère de la première victime de Mohammed Merah, serait « ouverte » à l’idée d’enlever le sien pour intervenir auprès des élèves.

    #France #conseil_des_sages_sur_la_laïcité #Education_nationale #Emmanuel_Macron #laïcité #religion

  • Made In France sortira-t-il un jour ? | Technikart
    http://www.technikart.com/made-in-france-sortira-t-il-un-jour

    À l’origine, il y a donc une prise de conscience liée à l’affaire Merah. Là où beaucoup ont vu un musulman s’en prendre à des juifs, Boukhrief a surtout pris conscience que désormais, des Français exécutaient sommairement d’autres Français : « Mon père s’appelait Mohammed. Mohammed Merah a abattu un militaire qui s’appelait lui aussi Mohammed. Là, tout s’est un peu bousculé dans ma tête et le sujet du film est né. Mais dès le début, je savais que je devais l’inscrire dans un genre bien particulier. Les films à thèse une fois de plus je m’en fous, et il y a un type de public que je refusais de m’aliéner : ces mômes qui regardent des vidéos de propagandes djihadistes sur le Net. Ces gamins là ne lisent pas le Monde Diplomatique (@mdiplo). Je me suis dit que si je travaillais le genre du thriller, je serais dans un régime d’images qu’ils seraient susceptibles de regarder. » Si Boukhrief refuse de considérer son film comme un antidote, il n’ignore rien en revanche de la prise de conscience qu’il cherche ouvertement à déclencher chez son public cible : « Quand j’étais ado, à la fin des années 70, la drogue à débarqué à toute vitesse sur les lycées de la Côte d’Azur. Je m’en suis tenu loin grâce, en partie, au cinéma. Les films que je regardais à l’époque, que ce soit Phantom Of the Paradise ou Orange Mécanique, me faisaient dire qu’il y avait quelque chose de morbide là-dedans. Le principe ce n’était jamais de te dire : “Attention la drogue c’est mal”, mais à chaque fois la conclusion était terrible et te poussait à te tenir assez loin de la came ». De ce principe là il a tiré un film, à la conclusion elle aussi morbide, mais qui repose surtout sur la vitalité de ses protagonistes. Les apprentis djihadistes de Made In France sont des gamins de 2015, vaguement dans la marge, qui s’emmerdent un peu et se cherchent surtout un destin, une aventure à vivre, une étincelle pour les consumer. Des mômes qui supportent l’équipe de France sur leur canapé tout en fabriquant des bombes dans leur garage. « Une génération post-Scarface » comme dit Boukhrief. « Il y a vingt ans ils se seraient lancés dans le trafic de coke. Une mode chasse l’autre. Dans mon adolescence, on était nombreux à être sensible au discours des Brigades rouges et à l’ultra-violence romantique qu’il trimballait avec lui. Mais aucun de nous n’avait jamais lu Le Capital. ». Il n’y pas d’idéologie ici, il n’y a qu’une idée de cinéma, cramponnée à ses personnages et l’oeil rivé sur le tensiomètre. L’idée que Made In France puisse ne jamais sortir ici en raconte peut-être plus sur la société française que le film lui même – qui ne fait qu’ausculter le pouls de sa jeunesse.

  • L’#UJFP pratique la politique de l’autruche face aux tenants de l’#antisémitisme de gauche. A propos d’une polémique loufoque (ou peut-être pas ?) - mondialisme.org
    http://mondialisme.org/spip.php?article2322

    « Benjamin Netanyahu, maître à penser de Monsieur Yves Coleman... » tel est le titre d’un article paru aujourd’hui sur le site Bellaciao et celui de l’UJFP, qu’un internaute m’a « gentiment » fait suivre.

    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article146886

    L’auteur fait flèche de tout bois et m’accuse tour à tour d’être complice de Netanyahou, d’Ulcan (le persécuteur de Pierre Stamboul et de bien d’autres), du RAID, du Mossad, de l’extrême droite israélienne, et évidemment (le tableau n’aurait pas été complet sans cela) d’être... antisémite.

    Pour appuyer sa démonstration loufoque, Jean-Marc Capellero-Rabinovitz nous balance un florilège de citations de Juifs et d’Israéliens réactionnaires et racistes. Florilège qui aurait un intérêt si l’auteur avait affaire à un « sioniste », ce que je ne suis pas, ou à quelqu’un ayant des illusions sur l’Etat d’Israël et Tsahal, ce qui n’est pas du tout mon cas. Car critiquer « les limites de l’antisionisme » ne signifie pas être « sioniste ». Mais ces subtilités élémentaires échappent à notre polémiste primaire à la pensée binaire.

    Le plus curieux, dans cet article, est qu’il ne répond pas vraiment à un texte que j’aurais consacré à l’UJFP mais qu’il défend, par la bande, les Indigènes de la République (1) .

    « Par la bande », parce qu’il s’agit d’une défense masquée, indirecte, du PIR, et aussi « par la bande » parce qu’il s’agit d’un article de copinage, d’un pote qui défend ses amis de la bande alliée, celle du PIR, au nom de l’UJFP.

    Cette démarche est plutôt tortueuse mais elle illustre bien les moeurs de l’extrême-gauche : les « gauchistes » ne défendent pas des principes politiques, seulement des amis temporaires ou des alliés de circonstance, quelles que soient leurs positions par ailleurs...

    Le PIR cherche à radicaliser de plus en plus son antisémitisme et à lui donner une apparence respectable pour un public de gauche et d’extrême gauche. Ce groupuscule a besoin, pour cela, de la caution de « Juifs non juifs », expression qu’utilisait Isaac Deutscher pour se désigner et désigner certains juifs de gauche ou d’extrême gauche « antisionistes ». Mais à l’époque ceux-ci misaient sur l’unité entre les travailleurs juifs et arabes pour abattre tous les Etats du Moyen-Orient, pas simplement Israël. Ils étaient favorables à une révolution socialiste. Et ces « Juifs non juifs » ne soutenaient pas inconditionnellement des mouvements nationalistes laïques arabes, ou encore moins islamistes, antisémites comme le font le PIR aujourd’hui et une bonne partie de l’extrême gauche.

    Plus les frontières d’Israël s’accroissent par la force militaire et les agressions régulières de Tsahal, plus les gouvernements israéliens se montrent sans pitié avec les civils palestiniens et avec les Arabes d’Israël, plus la haine contre les Juifs s’accroît et est manipulée par toutes sortes de forces réactionnaires dans le monde.

    En France cette haine est meurtrière (d’Ilan Halimi (2) au massacre de l’hypermarché casher, les exemples ne manquent pas), mais elle ne se réduit pas du tout au conflit dit « israélo-palestinien », conflit totalement asymétrique entre une armée professionnelle, suréquipée, disposant de l’arme atomique, soutenue par les Etats-Unis, et des mouvements de guérilla à la puissance militaire bien inférieure même si leurs intentions criminelles et antisémites sont indéniables.

    Cette haine antijuive a acquis une audience mondiale, notamment en France, grâce à une vieille tradition antisémite-anticapitaliste (3) , qui se régénère et se transforme avec la crise économique mondiale depuis les années 70 et la montée des nationalismes en Europe depuis une vingtaine d’années. La haine antijuive est un fond de commerce très rentable, du moins si l’on en croit les centaines de milliers de gens qui regardent les vidéos de Dieudonné sur le Net ou qui payent pour écouter ses discours politiques antisémites, en « live » ou sous forme de DVD.

    La haine antisémite croît en France et le Parti des Indigènes de la République a décidé de ne pas laisser à Dieudonné, Soral et au Front national le monopole de l’exploitation de l’antisémitisme franchouillard. Il veut apporter sa propre petite pierre et en recueillir les fruits. Et l’antisionisme uniquement orienté vers la Palestine ne lui suffit évidemment pas. Il lui faut élargir sa cible, d’autant plus que ce même groupuscule a des sympathies religieuses-identitaires de plus en plus affirmées du moins si l’on en croit les déclarations de Mme Bouteldja. Or, comme l’on sait, alimenter un conflit ou des problèmes sociaux graves avec des considérations religieuses est la meilleure façon d’opposer les exploités les uns aux autres.

    En 2012, au moment des meurtres antisémites de Toulouse, dans un article intitulé « Mohammed Merah et moi » (http://indigenes-republique.fr/mohamed-merah-et-moi) Mme Bouteldja avait réservé toute sa compassion à la mère du tueur (4), ignorant la douleur des parents des trois enfants (Gabriel, Arieh et Myriam) que Merah avait assassinés froidement au nom d’une prétendue solidarité avec la Palestine que certains gauchistes prirent et prennent encore au sérieux.

    La même année, le PIR mobilisa l’intellectuel trotskisant Enzo Traverso pour effectuer une « lecture décoloniale de la Shoah » ( ?!) (http://www.dailymotion.com/video/xp4jth_pour-lecture-decoloniale-de-la-shoah-enzo-traverso_news

    ). Dans cette conférence, Traverso expliqua que Hitler et les nazis détestaient les Arabes : on se demande bien pourquoi le médecin personnel du Führer passa six heures à examiner Al Husseini pour lui délivrer un certificat d’aryanité ; pourquoi le dirigeant palestinien bénéficia d’une tribune radiophonique et de moyens financiers importants pendant toute la seconde guerre mondiale ; pourquoi Himmler organisa 10 000 musulmans bosniaques au sein de la SS ; pourquoi al Husseini fut si proche après-guerre de l’avocat néonazi François Genoud ; pourquoi plusieurs centaines d’anciens responsables nazis (anti-Arabes, donc, selon Traverso) se réfugièrent en Egypte ou ailleurs et occupèrent des postes importants dans l’appareil d’Etat et l’économie après-guerre au Moyen-Orient...

    En 2014, Mme Bouteldja falsifia (5) les écrits du trotskiste CLR James et du Workers Party prétendant que celui-ci aurait cautionné l’antisémitisme des Noirs américains, antisémitisme jugé « progressiste » par la porte-parole du PIR.

    Puis, en mars 2015, Mme Bouteldja en rajouta une couche pour expliquer que les Juifs français étaient les chouchous de la République depuis le décret Crémieux (6) , rejoignant ainsi les propos du « socialiste » Roland Dumas et d’une pléthore de politiciens français antisémites depuis Drumont....

    On utilise souvent l’expression d’ « idiots utiles » pour désigner ceux qui apportent de l’eau au moulin de leurs adversaires. Pour ce qui concerne l’aide que l’UJFP apporte aux antisémites du PIR et à leurs falsifications historiques grossières, on ne peut parler d’idiotie. Il s’agit plutôt d’une ligne politique consciente d’aide à un groupuscule qui falsifie l’histoire pour mieux attiser la haine contre les « Blancs », à commencer par les prolétaires « blancs », juifs compris.

    Car pour le PIR les Juifs, fussent-ils de l’UJFP, font partie des « Blancs » groupe social (selon lui) qui opprimerait les « non-Blancs ». Le PIR ne va pas encore, comme Dieudonné, jusqu’à expliquer que « les Juifs » auraient été les principaux organisateurs et bénéficiaires de la traite transatlantique. Il se contente (pour le moment) de soutenir le Hamas dont la Charte repose sur le Protocole des Sages de Sion et les passages les plus antijudaïques du Coran.

    L’UJFP est composée de ce que le PIR appelle des « Blancs », qu’ils soient juifs ou non juifs. Or, pour mériter la sympathie (ou du moins l’indulgence) du PIR quand on est « Blanc » (donc automatiquement complice de l’esclavage, du colonialisme et du néocolonialisme) et « juif » (donc automatiquement complice du « sionisme » et de tous les crimes de guerre de l’armée israélienne), les militants de l’UJFP comme bien d’autres individus d’extrême gauche ont décidé, en bons pénitents du gauchisme, de porter la lourde croix de leur « blanchitude » et de leur « judéité » intrinsèquement criminelles et racistes aux yeux du PIR.

    L’avenir nous dira quelle sera la prochaine « pénitence » que devront effectuer les militants de l’UJFP pour mériter l’indulgence de leurs alliés antisémites du PIR...

    Cette attitude ne les protégera pas (si tel est leur calcul) contre l’antisémitisme que veut entretenir le PIR à gauche et à l’extrême gauche. Pendant les années 20 et 30, de nombreux Juifs modérés ou réactionnaires ont fait le dos rond, pensant ainsi éloigner la menace ou ne pas attirer l’attention des racistes. Certains d’entre eux d’ailleurs partageaient les préjugés sociaux, xénophobes voire racistes de la droite et de l’extrême droite allemande ou française. Tous n’étaient pas des « progressistes », encore moins des révolutionnaires, loin de là, mais beaucoup étaient politiquement aveugles.

    Aujourd’hui, ce sont certains juifs d’extrême gauche, en France comme aux Etats-Unis, qui font le dos rond à leur tour et ignorent la montée de l’antisémitisme. Ils n’y voient qu’un fantasme, une manifestation de paranoïa juive ou plus trivialement un complot du Mossad. L’histoire se répète, hélas, et certains militants n’ont absolument rien appris.

    C’est très dommage pour eux comme pour nous tous car l’extrême droite (« blanche » ou « non blanche », qu’elle tienne un langage « sioniste » ou « antisioniste ») ne nous fera pas de cadeaux. Ramper devant elle en faisant passer ses lubies réactionnaires pour des théories radicales ne nous vaudra que leur mépris et leurs coups.

    Y.C., Ni patrie ni frontières, 23/7/2015

    1. Le titre de l’article paraphrase celui de mon texte sur... le PIR : « Edouard Drumont, maître à penser de Mme Houria Bouteldja : les Indigènes de la République réussissent leur examen d’entrée dans l’extrême droite gauloise » http://www.mondialisme.org/spip.php?article2263

    2. Cf. « Le meurtre d’Ilan Halimi et le malaise de la gauche multiculturaliste » (http://mondialisme.org/spip.php?article632). Déjà le 25 février 2006 l’UJFP s’était « distinguée », comme l’extrême gauche, par sa négation du caractère antisémite du meurtre d’Ilan Halimi (« le caractère antisémite de ce meurtre n’est pas avéré » ; l’UJFP « déplore que certains accréditent d’office la thèse du crime antisémite ». Cf. son communiqué incroyable sur oumma.com : http://oumma.com/Ilan-Halimi-contre-tous-les). Trois ans plus tard (http://www.ujfp.org/spip.php?article1289), l’enquête terminée, l’UJFP admit enfin qu’il s’agissait d’un acte antisémite, mais pas pour tous les participants à cette séquestration et à ces tortures, manifestant ainsi une curieuse indulgence pour des salopards qui torturèrent un Juif pendant trois semaines, le laissant pour mort, afin de lui extorquer de l’argent sous prétexte que sa « communauté » était riche. L’UJFP en profita pour attaquer le manque d’indépendance de la justice et les pressions du CRIF... renforçant ainsi, sans même s’en rendre compte, la vision complotiste selon laquelle l’Etat (justice comprise) serait sous le contrôle des « Juifs ».

    3. Cf. « Multiplicité des formes de l’antisémitisme et « antisémitisme mondialisé » actuel » (http://www.mondialisme.org/spip.php?article2128)

    4. Mohamed Merah, Houria Bouteldja et la compassion à deux vitesses http://mondialisme.org/spip.php?article1822

    5. http://mondialisme.org/spip.php?article2089. Mme Bouteldja falsifie CLR James au service d’un « antisémitisme progressif »... imaginaire !

    6. http://indigenes-republique.fr/racisme-s-et-philosemitisme-detat-ou-comment-politiser-lantirac

    • Post scriptum du 24 juillet. :

      Finalement, la nuit portant conseil, la diatribe de l’UJFP n’est pas si loufoque que cela.

      Entre identitaires de gauche (et parfois de droite), on se serre les coudes.

      L’UJFP, tout comme les Indigènes de la République, le CRAN, le CRIF et quelques autres occupe un créneau identitaire.

      Or, c’est bien connu, entre identitaires on se déteste férocement, mais on peut aussi conclure des alliances tactiques.

      Ainsi la Nation de l’Islam de Louis Farrakhan fit-elle alliance (temporairement) avec le Ku Klux Klan.

      Ou les protestants antisémites mais évangélistes américains peuvent-ils faire alliance avec les sionistes d’extrême droite.

      Ou encore les Naturei Karta antisionistes avec Dieudonné.

      Tous ces gens-là ont au moins UN point commun : ils mettent en avant leur identité religieuse, ethno-religieuse, raciale, ethno-politique, comme la SEULE solution aux problèmes de leur communauté d’appartenance, imaginaire, fantasmée, et se méfient comme de la peste de toute démarche soulignant l’importance de l’union entre tous les exploités, quelles que soient leur couleur de peau, leur religion, leur absence de religion, leur nationalité, etc.

      Dans ce cadre, effectivement la polémique "loufoque" de l’UJFP a un sens : adeptes des politiques identitaires ou identitaristes (ce qu’on appelle « identity" politics en anglais et qui n’est vraiment ni de droite ni de gauche d’ailleurs), les militants de l’UJFP tirent à vue sur celles et ceux qui défendent un point de vue non identitaire… même s’ils sont, comme c’est mon cas, à la fois « descendants d’esclaves » (titre fort recherché dans les milieux identitaires de gauche), métis (des « traîtres » pour leurs potes du PIR qui ne savent pas qu’au moins deux de leurs idoles, Malcolm X et Frantz Fanon, étaient métis) et portent un nom… juif et… non juif...

      Trois raisons pour des identitaires de gauche ou de droite d’utiliser l’arme de la calomnie à mon égard car les identitaires haïssent le métissage (qui ruinent tous leurs espoirs d’incarner une identité pure ou en tout cas vendable sur le marché politique) et « pensent » dans une logique binaire, mais jamais en termes d’opposition de classe.

  • Une islamisation de la révolte radicale ?
    http://blogs.mediapart.fr/blog/alain-bertho/130515/une-islamisation-de-la-revolte-radicale ?

    Regards. Comment avez-vous interprété les attaques terroristes du début d’année à Paris ?

    Alain Bertho. Quelques jours après les attentats des 7 et 9 janvier, j’ai lu Underground. Dans ce livre basé essentiellement sur des entretiens, le romancier japonais Haruki Murakami tente de comprendre l’attaque meurtrière au gaz sarin perpétrée par la secte Aum dans le métro de Tokyo en 1995. Il a pour cela interrogé des victimes, dont il restitue les témoignages singuliers, et des membres de la secte. Son travail montre à quel point, dans ce genre de situations, deux expériences subjectives irréconciliables sont en concurrence sur le sens de l’événement : celle des victimes et celles des meurtriers. En réalité, l’expérience des victimes est celle d’un pourquoi sans réponse. La répétition en boucle des témoignages et de l’extrême douleur ne produit pas de sens. Cette expérience de souffrance physique et subjective est la matière première possible pour construire des énoncés sur la période qui s’ouvre. On l’a vu en janvier en France, on l’a revu à Tunis en mars. Quand « les mots ne suffisent plus », voire quand « il n’y a pas de mots » pour le dire, c’est que l’événement est au sens propre "impensable". C’est ce que nous montre Haruki Murakami dans les deux tiers de son livre consacrés aux passagers du métro dont la vie a été bouleversée, voire anéantie par l’attentat. Mais ce qui fait le sens de l’acte et assure sa continuité subjective avant, pendant et après, c’est ce que pensent ceux qui en ont été les acteurs ou auraient pu l’être. C’est ce qu’interroge Haruki Murakami en donnant la parole à des membres d’Aum. Il nous donne à lire une intellectualité en partage entre quelques assassins et de beaucoup plus paisibles Japonais au nom desquels les meurtres ont été commis. Il nous montre comment, si le passage à l’acte est toujours exceptionnel, il s’enracine dans une vision du monde et une expérience partagée. C’est l’élément qui nous manque aujourd’hui pour comprendre complètement les 7-8-9 janvier 2015.

    Regards. Comment reconstituer, compléter le tableau ?

    À notre tour, nous devons faire ce travail et comprendre le sens des meurtres de Paris. Notre subjectivité, et on peut le comprendre, s’y est refusée. Nous avons été sidérés, choqués. Pour faire le deuil de ce traumatisme, il a été nécessaire de construire un récit qui n’est pas celui des meurtriers. Mais malgré l’horreur que cela nous inspire, il faut pourtant comprendre le sens qu’ils ont donné à leur acte. Le qualificatif de terroriste est beaucoup trop général et générique. Nous avons affaire à la rencontre d’expériences personnelles et d’une figure contemporaine et mortifère de la révolte que la seule logique policière et militaire ne parviendra pas à anéantir. Les actes d’Amedy Coulibaly et des frères Kouachi, comme ceux de Mohammed Merah, viennent au terme d’histoires singulières, d’histoires françaises. Comme celles des quelque mille jeunes français partis en Syrie. Comme celle de ceux, bien plus nombreux, qui ne regardent pas forcément avec autant d’horreur que nous cette guerre annoncée contre l’occident corrupteur. De la même façon, les salafistes tunisiens dont sont issus les meurtriers du Bardo sont particulièrement bien implantés à Sidi Bouzid et Kasserine, dans le berceau de la révolution de décembre 2010-janvier 2011. Pire : nombre d’entre eux ont été les acteurs de cette révolution et n’étaient pas salafistes à l’époque.

    Regards. Est-ce que des événements passés peuvent aider à comprendre ce qui s’enracine ici et maintenant ? Comment comprenez-vous la conversion à l’Islam de jeunes sans rapport aucun avec la culture arabe, parfois issus de milieux très engagés à gauche ?

    Je pense qu’il nous faut comprendre que nous n’avons pas affaire à un phénomène sectaire isolé, et surtout que nous n’avons pas affaire à une "radicalisation de l’Islam", mais plutôt à une islamisation de la révolte radicale. Alors que les salafistes tunisiens actuels les plus actifs ne l’étaient pas lorsqu’ils étaient mobilisés contre Ben Ali, on sait que les candidats français au djihad sont bien souvent des convertis ou, à l’instar de Coulibaly et des frères Kouachi, des pratiquants tardifs. La vérité de leurs mobiles et de leur pensée ne doit pas tant être cherchée dans la théologie, de l’Islam en général ou du wahhabisme en particulier, mais bien dans la cohérence contemporaine des propositions politiques qu’ils portent. Si la confessionnalisation du monde et des affrontements est bien au cœur de ces propositions, ils sont loin d’en avoir le monopole aujourd’hui. Cette confessionnalisation en a mobilisé d’autres, en France ou ailleurs, dans la rue (la "Manif pour tous") comme dans les gouvernements. L’événement majeur qui nous a conduits là est sans aucun doute l’effondrement des États communistes et du communisme à la fin du 20e siècle et, de proche en proche, l’effondrement de la figure moderne de la politique qui faisait de la conquête du pouvoir le levier des transformations collectives. Nous avons perdu dans le même mouvement l’espoir révolutionnaire et le sens de la représentation élective. Nous avons perdu en même temps un certain rapport populaire et politique au temps historique, dans lequel le passé permettait de comprendre le présent et le présent de préparer l’avenir.

    Regards. Quelles formes prend la rupture de ce lien ?

    Pour toute une génération qui arrive aujourd’hui à l’âge adulte, une évidence s’impose : au bout du chemin emprunté par leurs parents, qu’ils aient immigré pour une vie meilleure, milité pour des lendemains qui chantent ou œuvré à leur propre "réussite", il y a une impasse. Plus d’espoir collectif de révolution ou de progrès social et peu d’espoir de réussite individuelle. Le compte à rebours de la planète semble commencé sans que rien n’arrête la course à la catastrophe. Avec la mondialisation financière, la vie publique est dominée par la corruption des États et le mensonge des gouvernements. Dans ces conditions, les valeurs de la République peuvent apparaître quelque peu désincarnées. La référence obsessionnelle à la mémoire s’est substituée à la réflexivité du récit historique. Et nous avons perdu le sens du passé parce que nous n’avons plus de subjectivité collective de l’avenir. Tout ceci, nous le savons peu ou prou. Mais il nous faut en réfléchir les articulations et les conséquences. Qu’est-ce qu’une révolte qui n’a plus ni avenir ni espoir ? Quand on a cela en tête, on comprend mieux la puissance subjective des propositions djihadistes. Le seul avenir proposé est la mort : celle « des mécréants, des juifs et des croisés » comme celle des martyres qui finiront au paradis en emmenant avec eux soixante-dix personnes. Quand on a cela en tête, on comprend mieux aussi la publicité faite par Daech autour des destructions des vestiges du passé et du patrimoine culturel. Si ce passé nous a menti sur notre avenir, il ne nous servirait plus qu’à mentir encore.

    Regards. Le problème est que ce choix se tourne vers un islam des plus rétrogrades, des plus intrusifs…

    En effet… Le salafisme, puisque c’est de lui qu’il s’agit, repose sur un sens donné à la vie qui ne laisse aucune place à la liberté. C’est l’islam dans une version des plus totalisantes. Un de ses attraits repose sur sa maîtrise de l’intime, la répression des désirs et des plaisirs, un cadre proposé pour tous les actes et les moments de la vie comme un acte de résistance au capitalisme et à « l’occident corrupteur ». Dans toute organisation de la révolte, il y a une figure de la libération possible et une contrainte de lutte, une discipline, et une éthique. Nous vivons l’effondrement des constructions qui ont associé ces deux dimensions à la fois libératrices et contraignantes. Le communisme a été au 20e siècle sa forme majeure. Il donnait sens à la souffrance, à la vie quotidienne en même temps qu’il proposait une subversion. Nous sommes toujours dans ce moment qui suit l’effondrement du communisme, mais aussi celui du tiers-mondisme. Le cycle politique des 19e et 20e siècles se clôt.

    Regards. La demande ne s’exprime pas que sur le terrain spirituel ou religieux. Elle prend des formes politiques explicites, par exemple avec EI, l’État islamique.

    Il y a une demande de politique et de cadre qui se retrouve dans le nom que se donne ce mouvement radical, l’État islamique. Il n’a rien d’un État au sens moderne du terme : il ne garantit ni la paix ni le respect de l’altérité. Il est au contraire entièrement fondé sur la guerre et le massacre de l’autre. Il n’est ni national ni territorial, mais à vocation universaliste et multi-situé avec le jeu des "allégeances" qui ne vont que se multiplier. Mais c’est une puissance de combat au service de cette radicalité mortifère, une puissance qui – à l’instar de la puissance malfaisante du Cinquième élément de Luc Besson – se renforce et gagne en influence quand on l’attaque.

    Regards. Peut-on faire un parallèle entre l’extrême gauche hyperpolitisée passée au terrorisme dans les années 1970 et ces actes individuels sans revendication ?

    L’effondrement de la catégorie d’avenir dont nous avons parlé, et que l’anthropologue Arjun Appadurai a mis au centre de son dernier livre The Future as Cultural Fact : Essays on the Global Condition, est sans doute une des dimensions de la vague émeutière qui a touché le monde entier depuis le début du siècle. Ces dernières années, cette vague a été prolongée par de grandes mobilisations collectives comme ce que l’on a appelé le printemps arabe, la mobilisation brésilienne contre la Coupe du monde, la mobilisation turque contre le projet urbain de la place Taksim… Nous venons de vivre une séquence mondiale d’affrontements entre les peuples et les pouvoirs, équivalente du "Printemps des peuples" de 1848, des révolutions communistes d’après la première guerre mondiale, de 1968. Il y a deux devenirs possibles à ses séquences : la construction d’une figure durable de la révolte et de l’espoir qui s’incarne dans des mouvements politiques organisés et des perspectives institutionnelles, ou la dérive vers le désespoir et la violence minoritaire. Après 1968, on a connu les Brigades rouges, la Bande à Baader, des dérives terroristes au Japon. Pendant ces dix dernières années, une génération s’est révoltée. Si rien ne semble bouger, comment s’étonner que certains décident de passer à la "phase 2" ? C’est l’expérience biographique des meurtriers de janvier. Le 17 septembre 2000, Amedy Coulibaly, qui a alors dix-huit ans, vole des motos avec un copain, Ali Rezgui, dix-neuf ans. Ils sont poursuivis par la police… qui tire, et Ali meurt dans ses bras sur un parking de Combs-la-Ville. Aucune enquête n’est ouverte sur la bavure. Cela provoque deux jours d’émeute à la Grande-Borne. Où sont aujourd’hui tous les acteurs des émeutes de 2005 ? Et tous ceux qui les ont regardés faire avec sympathie ? Comment regardent-ils la vie et la politique ? Quel regard ont-ils porté sur les événements de janvier ? On ne les a pas écoutés avant, ni pendant, ni après, ni depuis le 7 janvier. Le 8 au soir, je ne me suis pas rendu à la République, mais au rassemblement devant la mairie de Saint-Denis, ville où j’habite. J’ai rarement vu autant de monde, aussi ému. Mais en même temps, j’y ai rarement vu aussi peu "tout le monde". Il y avait certainement là tous les réseaux des militants. Mais si peu de gens ordinaires, d’inconnus, de gens et de jeunes "des quartiers", comme on dit. Pris dans notre émotion collective, avons-nous été attentifs au clivage silencieux qui était en train de prendre forme ?

    Regards. Comment avez-vous vécu la grande manifestation du 11 janvier ?

    C’est un événement complexe. Je ne sais pas si nous avons déjà connu dans l’histoire une mobilisation aussi massive, construite sur du désarroi. Je l’ai un peu vécue comme une marche funèbre, l’enterrement de la génération de 68. C’est sur ce désarroi que l’État a pu construire un sens auquel il a donné un nom : "l’esprit du 11 janvier". Il y a dans l’expression "Je suis Charlie" au moins deux choses qu’il nous faut éclaircir. D’abord le "je" qui n’est pas d’emblée un "nous" sommes Charlie. Car le nous ne préexiste pas au désarroi, il se construit dans le partage de l’émotion et dans les rassemblements. C’est pourquoi il est idéologiquement plastique. Ensuite il y a Charlie. Car il y a eu trois catégories de victimes : les "mécréants" (Charlie), les juifs (l’Hypercacher) et les "croisés" (le policier du 11e arrondissement et la policière de Montrouge). Mohammed Merah s’en était déjà pris aux juifs et aux "croisés" sans susciter tant d’émotion. Et gageons que si Coulibaly avait agi seul et si les frères Kouachi n’avaient pas attaqué Charlie, la mobilisation n’aurait absolument pas été la même. Quelque chose s’est noué autour de l’attaque d’un journal peu connu et peu lu, devenu plus sûrement le symbole d’une liberté collective que ne l’aurait été peut-être un autre organe de presse ayant beaucoup plus pignon sur rue. C’est aussi à une butte témoin des années 60-70 que s’en sont pris, sans le savoir, les assassins, à des souvenirs d’enfance et de jeunesse, aux dernières traces d’une révolte juvénile d’un autre âge. Car pour une part, comme l’ont dit des collégiens à leurs enseignants, on a aussi assassiné des "papys". Mais une part du malentendu national est là. D’une certaine façon, une équipe héritière de mai 68 a mené jusqu’au bout des batailles devenues décalées par rapport aux enjeux d’aujourd’hui. Charlie a inscrit son irrévérence face à l’islam dans la lignée de son opposition aux églises et aux dogmes qui bloquent la libération de la société. Ils n’ont pas pris la mesure qu’en France au 21e siècle, s’en prendre ainsi à l’Islam, c’était aussi blesser les gens dominés dont c’était un point d’appui éthique pour faire face à la souffrance sociale.

    Regards. "L’esprit du 11 janvier" n’a pas opéré sur vous…

    Une fois encore, qui maîtrise le sens de l’événement ? Qui le construit ? C’est le pouvoir qui parle de "l’esprit du 11 janvier". Je le redis, le consensus de l’émotion s’est construit sur un non-dit. Les incidents autour de la minute de silence ont été révélateurs de ce non-dit. Et plutôt que d’entendre le malaise qui s’exprimait alors, ils ont été au sens propre "réduits au silence", soumis à l’opprobre général, voire judiciarisés. On est ainsi passé de l’émotion partagée à l’émotion obligatoire. Pense-t-on inculquer par autorité les valeurs de la République ? On sait bien, depuis au moins une génération, que ces valeurs sont aussi des promesses non tenues. L’obligation d’y adhérer est une violence de plus. L’une des grandes faiblesses du monde institutionnel est de penser que l’on peut répondre par les valeurs du passé, par la transmission. Les vraies valeurs d’une génération sont celles qu’elle se construit en retravaillant le passé à l’épreuve de sa propre expérience. La transmission n’y suffit pas. Le propre des valeurs est de donner un sens éthique à l’expérience. C’est hélas ce qui fait, pour certains, le sens du djihad et son attrait.

    Regards. Quel rapport entre les djihadistes d’ici, qui partent en Syrie, et ceux qui ont contesté la minute de silence ?

    Nous sommes face à des trajectoires subjectives diverses et pour une part disjointes. C’est une erreur grossière d’assimiler ceux qui ont contesté la minute de silence à des candidats au djihad, ou même à ses thuriféraires. Et même tous ceux qui partent en Syrie ne sont pas forcément voués au meurtre individuel. Il y a dans ce passage à l’acte ultime une part de décrochage irrationnel. Mais il y a un contexte, des vécus en écho sinon en partage. Comme à d’autres époques, ce contexte est aujourd’hui assez puissant pour polariser des décrochages psychiques, voire donner un sens contemporain à la folie. Pour les jeunes de la Grande Borne, Amédy Coulibaly est identifié comme "perché", autrement dit un peu cassé dans sa tête. De quel contexte subjectif est-il question ici ? Il s’agit d’une expérience en partage, un désarroi et une révolte face à un monde politique, médiatique, institutionnel qui ne prend pas en compte le malaise ou la souffrance d’une partie des classes populaires, qui les confessionnalise et les stigmatise. C’est plus que l’expérience d’une "exclusion" objective. C’est l’expérience collective d’une négation subjective. Ce qu’ils ressentent n’a pas d’existence officielle.

    Regards. Quelles sont les conséquences de ce déni d’existence ?

    Il ne faut pas sous-estimer les effets dévastateurs de cette expérience populaire : l’expérience du mensonge permanent des discours politiques et journalistiques à leur propre endroit. Cette expérience est destructrice des repères sur la notion même de vérité et alimente toutes les rumeurs et tous les complotismes dont se repaissent Alain Soral et ses amis. Si le "système" gouverne avec le mensonge, toute parole autorisée fut-elle scientifique peut être frappée du sceau du soupçon. D’autre part, la négation de la souffrance alimente toutes les mises en concurrence victimaires. De ce point de vue, l’influence de Dieudonné comme héro “anti-système” aurait dû être davantage regardée comme un symptôme plus global et pas une dérive morale solitaire. Mais l’indifférence générale à l’islamophobie a aussi ouvert la voie à un un renouveau antisémite bien au-delà de ceux qui en étaient les victimes. N’en déplaise au président du Crif, les profanateurs du cimetière de Sarre-Union en février n’étaient pas musulmans. Le résultat, aujourd’hui, est que si l’islamophobie progresse, l’antisémitisme aussi. En vis-à-vis de l’extrême droite officiellement islamophobe du FN, un terreau est aujourd’hui prêt pour une autre extrême droite, “révolutionnaire” comme on disait, populaire et antisémite.

    Regards. Et maintenant ?

    Une période s’achève… La conversion au djihadisme est aujourd’hui une figure possible de la révolte. La réponse à ce drame n’est certainement pas une figure de l’ordre, fût-elle républicaine. La réponse viendra d’une figure alternative et contemporaine de la révolte, une révolte qui ne se place pas sur le terrain de la négation de l’avenir, de la négation du passé et de la haine de la pensée. Les deux questions clefs qui sont devant nous sont celle du possible et celle de la paix. « Podemos », nous dit le mouvement d’Iglesias en Espagne. Quand la financiarisation au pouvoir nous enferme dans des calculs de probabilités et de risques, il est urgent d’ouvrir des possibles sans lesquels l’avenir n’est qu’un mot creux. Et quand la guerre ou la menace de guerre (ou de terrorisme) tend à devenir un mode de gouvernement, il est temps de redonner un sens à une perspective de paix collective qui ne passe pas par une politique sécuritaire ni par des frappes aériennes un peu partout dans le monde. C’est peut-être aussi cela que nous ont dit les manifestants du 11 janvier. Je ne suis pas sûr qu’ils aient été bien entendus sur ce point.

  • Délit de consultation de sites terroristes : ce que prévoit le texte
    http://www.numerama.com/magazine/22288-delit-de-consultation-de-sites-terroristes-ce-que-prevoit-le-texte.h

    Annoncé dans l’heure qui a suivi l’intervention du GIPN ayant entraîné la mort de Mohammed Merah, le projet de loi créant un délit de consultation de sites internet incitant au terrorisme a été présenté ce matin en Conseil des ministres. Consulté, le Conseil national du numérique se montre dubitatif.

  • Merah, texte et contexte | David Auerbach Chiffrin (Minorités)
    http://www.minorites.org/index.php/2-la-revue/1294-merah-texte-et-contexte.html

    Dans un paroxysme de sadisme et de racisme, Mohammed Merah aurait (présomption d’innocence oblige) tué sept personnes, dont une fillette et deux garçonnets juifs, au nom des enfants palestinienNEs tuéEs par l’État d’Israël en Cisjordanie et à Gaza. Aucune revendication ne saurait justifier les meurtres de Toulouse et Montauban, mais est-ce une raison pour occulter celle-ci, comme s’il s’agissait d’un tabou ou d’un sujet déjà connu et résolu ? Le conflit israélo-palestinien n’est ni connu, ni résolu : constitue-t-il un tabou ? Il est inquiétant qu’aucun débat public n’éclaire la façon dont il a pu résonner dans l’esprit dérangé d’un jeune Français d’origine algérienne, alors même que la France refuse de commémorer le cinquantenaire de la fin de la guerre d’Algérie (souhaitant sans doute éviter la publicité sur les crimes sadiques et racistes qu’elle-même a commis lors de cette guerre ou, ensuite, sur la base des leçons qu’elle en a tirées en matière de promotion universelle de la torture). Aussi pénible ou délicat soit-il, le débat est la seule façon authentiquement civilisée de prévenir l’irruption de la violence physique dans la Cité. Source : (...)

  • Mohammed Merah n’a pas été identifié grâce à une loi | BUG BROTHER
    http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2012/03/27/mohammed-merah-na-pas-ete-identifie-grace-a-une-loi

    Cette « guéguerre » sécuritaire pour s’attribuer la paternité de la surveillance du Net est d’autant plus pitoyable que l’identification de l’adresse IP de l’ordinateur utilisé par Mohammed Merah ne relève aucunement d’une quelconque loi antiterroriste, mais du fonctionnement basique d’un logiciel.

  • Mohammed Merah est né à Toulouse, a vécu à Toulouse, a grandi à Toulouse, a tué à Toulouse.

    Non, ne l’affabulez pas d’une origine algérienne, qui ne concerne que ses parents, pour tenter de donner sournoisement pour certains, inconsciemment pour la plupart, un début, au mieux d’explication, au pire de justification, à son acte. Mohamed Merah est un immonde criminel et l’origine algérienne de ses parents n’a rien à voir.

    http://www.fhimt.com/2012/03/24/mohamed-merah-point
    #mohammed_merah #toulouse #racisme #islam

    • Evidemment d’accord sur le point de dire que ses origines ne concernent en rien ses meurtres (même les justifications qu’il a choisies pour ceux-ci sont liées à ses origines).
      Mais "ne l’affabulez [sic] pas d’une origine algérienne", ou, comme on peut le lire dans l’article en son intégralité, "Mohamed Merah n’est pas d’origine algérienne", c’est complètement con. En tant qu’individu, il s’est en partie déterminé à partir d’une culture qui est celle des origines de sa famille, d’une autre qui est celle du pays où elle vit, et de pleins d’autres encore en fonction de son mode de vie (probablement pas mal de culture ricaine comme un peu tout le monde en France). Je ne m’étends pas sur le fait que son individualité a également été déterminée par des tas d’autres facteurs, au premier rang desquels son milieu social et ses propres choix.
      Mais c’est pas en niant les origines culturelles ou la couleur de peau de quelqu’un qu’on va combattre le racisme. Au contraire, je trouve que ça relève du plus grand racisme, ça revient à dire : j’accepte l’autre parce que je nie ce qui fait sa différence.
      Je trouve carrément coule d’être dans un pays où il y a des arabes, des noirs, des asiatiques et plein d’autres qui ont tous une couleur de peau et des références culturelles en partie différentes des miennes et avec lesquelles je peux échanger. Et je me refuse à nier leurs différences, au nom de je ne sais quelle bien pensance perverse.

    • Moui. Je vois ce que tu veux dire, et il s’est évidemment en partie déterminé à partir de la culture de ses parents -comme à peu près tout le monde- . Mais, comme dit dans les commentaires de l’article, personne ne parle d’un Nicolas-Sarkozy-d’origine-hongroise. Ou pour partir sur ce qui a « déterminé » Merah, du fait qu’il soit enfant de parents divorcés ou qu’il ait grandi aux Izards.
      Liées à ses origines ? Il n’a pas prétendu venger les morts d’octobre 61 mais le peuple afghan et les enfants palestiniens. Ou alors il faudrait dire « d’origine arabe » et ça me semble encore pire comme énoncé.
      Le terme « affabuler » est sans doute trop fort, mais il me semble qu’on le réduit à sa seule origine algérienne . Et qu’on ne fait ça qu’en cas d’origine algérienne (ou autre origine d’"apparence musulmane").

    • @bob_ardkor
      Alors je tombe entièrement d’accord avec toi sur le fait "qu’on le réduit à sa seule origine algérienne", alors que ce n’est en rien lié à son acte et que si les médias souhaitent s’interroger sur les raisons de ses meurtres, ils feraient mieux de se tourner vers d’autres facteurs (à tout hasard, la prison, la pauvreté ou la politique de différenciation entre bons et mauvais membres de la société menée depuis des années). Mais le fait que ce ne soit pas pertinent concernant ses actes ne permet pas de nier ses origines pour autant (c’était la phrase "Mohamed Merah n’est pas d’origine algérienne" qui m’avait vénère).
      Maintenant, le lien que je fais entre ses justifications et ses origines est probablement trop catégorique mais est issu de ce que je vois de mes potes originaires du Maghreb qui se sentent plus concernés par les évènements se déroulant en Palestine ou en Afghanistan qu’en Asie ou en Amérique du sud par exemple (quant à l’Afrique subsaharienne, ça c’est pépère, presque tout le monde s’en fout royalement).
      Enfin, ce qui me paraît vraiment inapproprié dans le traitement médiatique de l’affaire, c’est l’importance qui lui est accordée alors que ces tueries restent juste un putain de fait divers, en ce sens que ce n’est pas à partir d’un acte individuel qu’on peut réfléchir à la manière dont on souhaite s’organiser pour vivre ensemble. Elles mettent peut-être en lumière des dysfonctionnements de notre société, mais restent un acte isolé et de surcroît porteur d’une grosse charge émotionnelle qui ne permet pas une réflexion rationnelle.

  • Un texte dont je vous conseille vivement la lecture !
    http://www.shaomi-blog.net/2012/03/la-mort-inutile-de-mohammed-merah.html

    La mort inutile de Mohammed Merah

    Il était jeune, il était beau, il sentait bon le sang chaud... Il était mort et il avait tout fait pour...

    Mohammed Merah est mort. Il a défrayé la chronique et il est mort. Affaire classée...

    Qu’est-ce que t’as branlé, Mohammed ? Elle a servi à rien, ta mort de pseudo-martyr...

    Qu’est-ce que t’as branlé, Mohammed ? À l’heure où j’écris ces lignes, samedi soir, tu pourrais être quelque part en boite, en train de rigoler avec tes potes, de séduire une minette aux yeux de biche, de faire des conneries de petit con peut-être, mais des conneries qui au moins ne prêteraient guère à conséquences. Après ça, tu te serais sans doute marié, t’aurais eu quelques gamins, t’aurais p’têt’ ben divorcé aussi au bout du compte mais quand même ta mère, là, au lieu de pleurer toute seule dans son lit jusqu’à la fin de ses jours, elle aurait pu faire sauter ses petits-enfants sur ses genoux. Tu crois pas que ça aurait été plus joli, comme tableau ?