• Hardi, compagnons ! (Clara Schildknecht) // Les éditions Libertalia
    https://www.editionslibertalia.com/catalogue/poche/hardi-compagnons

    Masculinités et virilité anarchistes à la Belle Époque

    Cet ouvrage aborde d’une façon novatrice, par le prisme de la domination de genre, un sujet d’études déjà défriché par les historien·nes : la constellation anarchiste française, dans ses diverses composantes (syndicalistes, illégalistes, milieux libres), entre 1871 et 1920.
    On y croise Ravachol et la bande à Bonnot, Émile Pouget, Louise Michel, Rirette Maîtrejean, Vigo, Libertad, Madeleine Pelletier, Germaine Berton, E. Armand, Henriette Roussel...
    L’autrice analyse le rapport à la violence souvent héroïsée et s’interroge sur la glorification virile, l’homophobie et la phraséologie misogyne qui avaient trait dans le milieu. Elle aborde la réappropriation des marqueurs de virilité par certaines militantes, le paraître libertaire, les tentatives d’égalité. Ce faisant, elle propose une relecture stimulante et passionnante de ces années charnières.

    Clara Schildknecht est enseignante. Ce livre est issu d’un M2 soutenu au Centre d’histoire du XIXe siècle de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

    Je n’ai pas lu mais le sujet me semble très intéressant (dans ma liste).

    • Venant juste de terminer la lecture de ce livre, je propose cette #recension.

      De l’antiféminisme légendaire de Proudhon jusqu’aux remous provoqués par l’onde de choc MeToo dans les mouvements les plus radicaux, la « masculinité et virilité anarchiste », loin de ne constituer qu’un sujet d’étude abstrait, est une constante qui traverse l’histoire du mouvement libertaire.

      La critique de l’anarchisme « réellement existant ou ayant existé », si l’on peut dire, sous l’angle de son contenu intrinsèquement masculiniste, semble une approche des plus stimulantes. Cela devrait contribuer à débarrasser les fondamentaux libertaires de l’une de ses scories récurrentes, parmi les plus pénibles.

      L’étude de Clara Schildknecht, Hardi Compagnons ! ne concerne que la période dite de « la Belle époque ». Il s’agit, dans l’histoire du mouvement anarchiste français, d’une séquence historique importante.

      C’est à cette période que se sont constituées les différentes tendances, dans la continuité du collectivisme antiautoritaire de la première internationale : communistes libertaires, auteurs d’attentats (propagande par le fait), syndicalistes révolutionnaire et individualistes.

      Quelle que soit la tendance, on glorifie le rôle strictement masculin du « compagnon » anarchiste, lequel, par son tempérament viril sera supposé être le plus à même de provoquer le salut révolutionnaire.

      La place qu’occupent les femmes, de façon générale, dans la vie des anarchistes est des plus accessoires. On s’adresse, par exemple, aux mères, nécessairement cantonnées au rôle de l’éducation des enfants, pour les convaincre des bienfaits de la propagande antimilitariste. On est loin des audaces radicales, réellement émancipatrices, de Fransisco Ferrer.

      Les théorises anarchistes de cette époque comportent parfois une critique des instituions patriarcales et religieuses telles que le mariage ou des rôles assignés aux femmes dans la procréation, notamment dans les théories néomalthusiennes. Il n’en reste pas moins que la critique est formulée de façon ultra majoritaire par des hommes. Il n’est pas question de remettre en cause la place occupée par les femmes dans la société en tant qu’opprimées ni même d’envisager que puisse exister l’expression autonome de cette dénonciation par les femmes elles-mêmes.

      Les « compagnes », dans les communautés individualistes, sont considérées le plus souvent comme faire-valoir de « l’amour libre ». Si on leur reconnaît le droit à ne pas limiter leur sexualité à un seul partenaire c’est aussi pour que les hommes puissent mieux en profiter.

      L’autrice montre que les représentations dominantes de l’époque, en matière de discrimination de genre, sont bien inscrites dans les esprits, fussent-ils anarchistes.

      Lorsque certaines femmes accèdent au statut reconnu par la société d’anarchiste à part entière, c’est pour mieux en faire des sortes de créatures extraordinaires, à la fois fascinantes et repoussantes. Ces femmes anarchistes sont probablement alors perçues comme étant encore plus mystérieuses que leur alter ego masculins, tel Ravachol qui s’efforce, notamment lors de son procès, de présenter toutes les marques de virilité – courage et absence de peur - pour affirmer sa défiance et son opposition à l’autorité de l’État.

      Quand Louise Michel ou Henriette Roussel revendiquent l’usage de la violence révolutionnaire, elles sont systématiquement renvoyées, dans la représentation de l’époque, à leur supposée laideur physique. Bien entendu, les anarchistes ne reprennent pas à leur compte ces stéréotypes dégradants mais ils n’échappent pas aux représentations de l’être extraordinaire au sens propre du terme, parce que femme et s’exprimant par la violence, en tant que révolutionnaire anarchiste.
      Remarque personnelle : on peut considérer qu’il s’agit de représentations profondes et tenaces qui se sont manifestées notamment lors de l’enterrement de notre brave Louise Miche, femme du peuple, et qui lui vaudront le statut d’icône quasi-religieux dont elle fait l’objet, encore aujourd’hui, dans les milieux libertaires.

      L’autrice nous révèle qu’il n’y a visiblement pas pire injure dans le mouvement anarchiste de l’époque (et probablement la classe ouvrière) que celle, déjà en usage de « tante » ou de « tapette ». Miguel Almeyreda, par exemple, en fera les frais. On moquera sa tendance à porter de beaux habits, histoire de lui reprocher, de façon détournée, son ralliement à Gustave Hervé.

      Enfin, il est rappelé que les revendications féministes, le plus souvent, ravalées sous le sobriquet méprisant de « suffragettes » sont alors majoritairement considérées, dans les milieux anarchistes, comme des fantaisies réformistes.

      Considérant que l’anarchisme est partie constitutive du mouvement ouvrier, il serait probablement erroné de considérer qu’à la même époque, l’idéologie masculiniste et misogyne ne s’exprimait pas de façon tout aussi caricaturale dans les autres tendances socialistes de l’époque. Une étude plus générale, si elle n’existe pas déjà, serait fort utile pour évaluer cette hypothèse.

      Voilà, en tout cas, qui devrait nous interroger sur le fait que, dans 100 ans, s’il y a encore du monde sur cette planète en mesure de formuler des critiques sociales, on mettra certainement en exergue tout un tas d’aberrations et contradictions idéologiques, alors insoupçonnées, mais portées par les mouvements radicaux de ce début du 21e siècle.

      #Clara_Schildknecht #Hardi_compagnon #anarchisme #virilisme #virilité #masculinité #sexisme #critique_sociale #féminisme #syndicalisme_révolutionnaire #individualisme

  • Liévin : le pensionnat de la perversion Mediacités - Jacques Trentesaux

    Il y a d’abord la figure impressionnante du Père Revet, un géant drapé dans sa soutane brune dotée d’un sinistre ceinturon qui servait à punir les enfants désobéissants. Le Père les frappait torses nus, du côté de la boucle de fer, puis les enfermait pendant une semaine dans les douches, en slip, avec un broc d’eau et du pain. Le Père Revet – que beaucoup d’enfants appelaient en cachette « Crevet » – a fondé en 1960 le Village d’enfants de Riaumont, à Liévin, pour accueillir des jeunes de 6 à 18 ans en déshérence. Les orphelins y côtoyaient des cas sociaux, des débiles légers, des réfugiés du sud-est asiatique ou des enfants de familles ultra-catholiques désireuses de faire bénéficier leurs rejetons d’une éducation à la dure inspirée du scoutisme.

    À Riaumont, la violence est permanente. Claques, coups de poing, coups de pied… Les châtiments corporels servent à expier les fautes. Les fugueurs ont le crâne rasé et barré d’une croix rouge tracée au mercurochrome pour éviter qu’ils ne récidivent. Tous les temps libres sont occupés à construire le village, à monter des murs, à dessoucher des arbres. Été comme hiver, on porte la culotte de cuir et les godillots. La règle, c’est la loi du plus fort. La violence est banalisée entre enfants mais aussi avec les « éducateurs ». Et puisqu’il n’y a plus de limites, le pire arrive. En 2001, un enfant se suicide par pendaison dans le village. Et les plaintes pour agressions sexuelles ou viols finissent par surgir.

    Un lieu figé, en dehors du temps
    De 1960 à 2019, le Village d’enfants de Riaumont a perduré envers et contre toutes les alertes. Il a fallu attendre 1982 pour qu’il perde son habilitation à recevoir des enfants placés par la DDASS ou par les juges. Mais le lieu s’est maintenu par la suite sous la forme d’une école privée hors contrat… et sans aucun contrôle avec l’assentiment - ou la lâcheté - de tous. Une sorte de conspiration du silence. C’est la force du livre d’Ixchel Delaporte Les enfants martyrs de Riaumont, qui paraît le 2 mars aux Éditions du Rouergue, que de reconstituer avec minutie la réalité de ce lieu figé, en dehors du temps, grâce au recueil patient d’une soixantaine de témoignages (lire également son interview https://www.mediacites.fr/interview/lille/2022/02/28/a-riaumont-cetait-une-violence-systemique-instauree ).



    Le livre d’Ixchel Delaporte, Les enfants martyrs de Riaumont, paraîtra le 2 mars aux Éditions du Rouergue.

    La démonstration est implacable, le résultat terrifiant. Le Village fonctionne en vase clos avec ses rites et ses codes, ses raids commandos de nuit ou ses escouades où le chef a tout pouvoir et le « cul de pat’ » (soit le dernier de la patrouille) le souffre-douleur. On y cultive la nostalgie des preux chevaliers, de la France éternelle, on y cultive la virilité et les vraies valeurs. Dans son bureau, le Père Revet collectionne armure de chevalier, souvenirs de guerre et insignes nazis. Il entretient des liaisons étroites avec les milieux d’extrême-droite. S’il se montre parfois violent avec les enfants, il sait aussi se montrer affectueux avec eux, les embrasse parfois sur la bouche et en convie certains à dormir dans sa maison…

    Broyés par les humiliations
    Ixchel Delaporte met à jour une inversion de valeurs effrayante. Sous couvert de lutter contre la déchéance de la société moderne et former des petits soldats du Christ, les encadrants - prêtres intégristes ou laïcs – détruisent les enfants. Si les profils dominants ou rebelles résistent aux lois du village, les plus faibles en sortent broyés par des humiliations constantes, une violence systémique et la perversion de certains encadrants. « La folie est ancrée au cœur de l’enfant. Le fouet bien appliqué l’en délivre », aimait à répéter l’un d’entre eux, reprenant une citation de Saint François d’Assise.

    Le Village de Riaumont était dédié à la protection de l’enfance en danger. Dans les faits, il a mis en danger de nombreux enfants. Et cela durant près de soixante ans, dans une impunité quasi-générale.

    #clergé #perversion #enfance #pédophilie #église_catholique #scouts #violences #viol #pedoviols #catholicisme #violences_sexuelles #enfants en déshérence #virilité #impunité

  • Le genre et le prêtre
    https://laviedesidees.fr/Le-genre-et-le-pretre.html

    Josselin Tricou, Des Soutanes et des hommes, enquête sur la masculinité des prêtres catholiques, Puf. Autrefois placard pour homosexuels, aujourd’hui rattrapée par les scandales de pédophilie, l’Eglise catholique tente de redonner un vernis de virilité à son personnel religieux, sacrifiant ainsi à la politique du genre.

    #Société #Eglise #homosexualité #sexualité #virilité
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20220106_pretre.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20220106_pretre.docx

  • SOCIALISATION MASCULINE A LA VIOLENCE : le prix à payer

    Lucile Peytavin est historienne, spécialiste du travail des femmes dans l’artisanat et le commerce. En 2016, elle rejoint le Laboratoire de l’égalité, où elle travaille sur la lutte contre la précarité des femmes. « Le coût de la virilité », paru aux éditions Anne Carrière, est son premier essai.

    FS : Les dommages causés par les comportements masculins criminels et antisociaux sont si multiples, si divers et parfois leurs conséquences sont si peu visibles ou à si long terme qu’ils peuvent être difficiles à identifier. Est-ce que cette situation vous a causé des problèmes dans l’écriture de votre livre, et lesquels ?

    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/09/26/socialisation-masculine-a-la-violence-le-prix-a-payer

    #féminisme #masculinisme #virilité

  • SAINT-BEBEL, UNE CERTAINE IDÉE DE L’HOMME Publié dans Le Postillon par Irene Kaufer

    Ce jeudi 9 septembre, c’est donc la Saint-Bebel. Programmes télé bouleversés, hommage rendu aux Invalides par le président Macron en personne… Encore un peu et on avait droit à une nouvelle Panthéonade.


    Personnellement, je n’ai rien contre Jean-Paul Belmondo, parti pour sa dernière cascade. C’était peut-être un type très sympa, j’ai vu et même apprécié certains de ses films, et pas seulement ceux dits ”films d ‘auteur”, comme si les autres se faisaient tout seuls. Il a même fait une brève apparition dans un film d’autrice, eh oui, chez Agnès Varda et son ”Les Cent et Une Nuits de Simon Cinéma” https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Cent_et_Une_Nuits_de_Simon_Cin%C3%A9ma , même si ce n’est pas l’oeuvre qui a fait la gloire ni de l’une ni de l’autre…

    ”Culture du viol”
    Mais dans ce concert assourdissant d’éloges, il me manque tout de même quelque chose. Que j’ai trouvé dans un tweet de… Christine Boutin : ”Demain l’hommage à #Belmondo dans la cour des Invalides sera un requiem pour une France disparue… Et pour une certaine incarnation de l’homme”. 


    Il me paraît donc intéressant de profiter de l’occasion pour me pencher sur cet aspect peu commenté de la filmographie du héros du jour. Car oui, dans ses films les plus populaires, Belmondo incarnait une forme de virilité face à laquelle les femmes avaient principalement le rôle de proie plus ou moins consentante. Ce qui contribue à ce qu’aujourd’hui on appelle la ”culture du viol”. Voilà une approche qu’on n’a pas beaucoup entendue dans les multiples analyses de la filmographie de Belmondo. En fait, je ne l’ai trouvée qu’ici. https://www.xulux.fr/cinema/belmondo-et-la-culture-du-viol
    En résumé : dans plusieurs de ses films, comme “L’animal” ou ”Le magnifique” (dont les affiches en elles-mêmes sont parlantes), son personnage se complait dans des scènes de harcèlement sexuel. Tout cela sous couvert d’humour, mais on sait combien un certain humour peut participer à cette culture du viol. Extrait de l’article : ”Si Belmondo est une personne assurément plus sympathique que Delon et qu’il n’a pas été accusé de violences sexuelles, les rôles qu’il a pu incarner semblent en revanche assez révélateurs d’un climat particulier, mais somme toute assez banal. Mis bout à bout, ces rôles rendent compte d’une culture faisant l’apologie de la virilité tout en encourageant les violences faites aux femmes, les deux allant de pair”.

    * Aimons-les vivants !
    Je précise bien qu’il ne s’agit pas d’accuser l’homme Belmondo d’une quelconque violence, ni de plaider pour je ne sais quelle ”cancel culture” qui amputerait ses films de certaines scènes, les interdirait de rediffusion à la télé ou les réserverait aux plus de 70 ans ! Il s’agit juste de souligner un phénomène complètement occulté et qui mérite d’être mis en lumière : un sexisme que beaucoup continuent à considérer comme totalement inoffensif, voire franchement drôle. En renvoyant la responsabilité à l”’époque” , à quoi on peut rétorquer qu’aujourd’hui encore, les commentateurs/trices ne trouvent pas pertinent de souligner cet aspect de la carrière bébelienne. Essayez donc avec votre moteur de recherche préféré, et vous verrez. Ou plutôt vous ne verrez rien du tout, à part l’article cité plus haut (et qui date de 2011).


    D’aucun‧es diront que ce n’est vraiment pas le moment. Ben si, justement, quand le monde (enfin, une petite partie du monde, mais au diable le relativisme) a les yeux rivés sur le personnage. On sait bien que les mort‧es sont toustes des saint‧es, comme le chante Marie-Paule Belle sur des paroles de Françoise Mallet-Joris), “Mais où est-ce qu ‘on les enterre (ceux qui sont méchants) ?” https://www.youtube.com/watch?v=_EEB6MfxLds

    Tiens, j’en profite pour souligner quelque chose qui me gêne toujours dans ces ”hommages” nécrologiques. Des gens qu’on aime, proches ou célèbres, j’ai envie de dire : aimons-les vivants ! Montrons-leur notre affection tant qu’il leur est encore possible d’en profiter ! Après, c’est trop tard.

    Post (mortem) scriptum : donc, n’attendez pas mon incinération pour me dire combien je suis géniale. Ce jour-là et les suivants, vous pourrez en toute quiétude expliquer à quel point je vous exaspérais, ça vous fera du bien, vous verrez, et moi ça ne me fera aucun mal.

    Source : https://www.asymptomatique.be/saint-bebel-une-certaine-idee-de-lhomme
    #harcèlement #Belmondo #Agnès_Varda #cancel_culture #sexisme #virilité #culture_du_viol #sexisme #nécrologie #harcèlement #harcèlement_sexuel #violences_sexuelles,

  • Faut-il jeter tous ses vinyles des Rolling Stones à la poubelle ? | Sylvie Tissot
    https://lmsi.net/Faut-il-jeter-tous-ses-vinyles-des-Rolling-Stones-a-la-poubelle

    Avertissement avant lecture : une fois refermé le livre de Simon Reynolds et Joy Press, vous n’écouterez plus jamais « Satisfaction » des Rolling Stones de la même manière. La lecture de Sex Revolts est dévastatrice mais, comme des enceintes d’un nouveau type qui produiraient un autre son, elle est aussi puissante, et nous la recommandons vivement. Une fois passé 200 pages à déconstruire, minutieusement et sans pitié, les deux matrices – qui semblent parfois n’en faire qu’une – où s’alimente le rock’n’roll : rébellion et misogynie, puis à explorer – avec admiration, mais non sans réserves – « l’autre masculinité » qui s’est construite contre elle dans le sillage du « Summer of Love », du « Flower Power » et des musiques « psychédéliques » ou « planantes », les auteur·e·s nous invitent à parcourir l’envers (...)

  • Les maltraitances animales peuvent signaler des violences domestiques

    Des hommes violents envers leur femme et leurs enfants le sont aussi envers les animaux du foyer. Ce lien, méconnu en France, apparaît régulièrement dans les affaires traitées par la justice. Il pourrait servir au dépistage des violences domestiques et à la mise à l’abri des victimes.

    Mai 2018, à Rennes. Un homme de 27 ans, ivre, débarque chez sa compagne. Il veut voir son fils, né quelques jours plus tôt. Mais le bébé est resté à l’hôpital. Le père s’énerve, frappe la jeune femme de 19 ans à coups de pied, puis la blesse avec un couteau. Le mois suivant, l’agresseur est condamné à trois ans et demi de prison. L’enquête révèle qu’il lui arrive aussi d’être cruel avec des animaux. Un jour, en pleine scène de violence conjugale, il tord le cou du chaton de la maison et l’éventre en le jetant sur le coin de la table.

    Il n’est pas rare qu’un homme violent envers sa famille le soit aussi envers les animaux du foyer. « Les violences sur les animaux sont des marqueurs de violence sur les humains. Cela fait longtemps déjà que la littérature scientifique le montre », souligne Laurent Bègue-Shankland, professeur de psychologie sociale à Grenoble et auteur de L’Agression humaine (Dunod, 2015). Peu connu de ce côté-ci de l’Atlantique, le continuum de violences envers les animaux et envers les humains a été théorisé et largement étudié dans les pays anglo-saxons, États-Unis et Canada en tête.

    Généralement inaperçu, ce lien apparaît régulièrement dans les affaires de violence traitées par la justice. « Nous le constatons chaque année, lors des dizaines de procédures pour cruauté envers les animaux où nous nous constituons partie civile », détaille Reha Hutin, présidente de la fondation 30 millions d’amis.

    Les maltraitances animales pourraient servir au dépistage des violences domestiques. © Photo Olivier Morin/AFP Les maltraitances animales pourraient servir au dépistage des violences domestiques. © Photo Olivier Morin/AFP

    Un exemple ? Cet homme de 38 ans, habitant Landrévarzec dans le Finistère, condamné à un an de prison pour des violences sur sa compagne et sur sa fille en mars 2019, et également poursuivi pour sévices graves sur des animaux. Habitué à bousculer, à frapper sa compagne et à la menacer de mort, l’agresseur s’en était également pris à leur enfant de 14 ans. Alors qu’elle tentait de protéger sa mère, il l’avait lancée contre un meuble. Un mois plus tôt, lors d’une scène de violences conjugales, il avait tué la tortue et le poisson de la maison, et jeté le lapin, après l’avoir sorti de sa cage.

    Les violences contre les animaux s’inscrivent pleinement dans le patriarcat.

    Comment expliquer que la cruauté envers les animaux et la violence domestique soient régulièrement liées ? Ces violences relèvent en fait du même mécanisme. L’enjeu, c’est la domination des êtres vulnérables. « Il s’agit d’un être vivant qui en prend d’autres pour des objets, constate Jacques-Charles Fombonne, président de la SPA (Société protectrice des animaux). L’agresseur veut se sentir tout-puissant lors de combats dont il sait qu’il sortira vainqueur. » Le monde entier est son terrain de jeu. Il a tous les droits sur les corps des autres : celui de sa femme, de ses enfants et des animaux.

    Dorothée Dussy, anthropologue, spécialiste de l’inceste et autrice de l’ouvrage Le Berceau des dominations (Éditions La Discussion, 2013), a pris l’habitude de poser la question des maltraitances animales aux victimes avec lesquelles elle s’entretient. « Je me suis rendu compte lors d’ateliers collectifs que le thème revenait souvent, rapporte-elle. Cela n’arrive pas dans toutes les familles incestueuses, mais c’est assez courant. Ce n’est pas étonnant. L’agresseur montre qu’il peut abîmer à loisir tout ce qu’il considère comme subalterne. »

    « Les violences contre les animaux s’inscrivent pleinement dans le patriarcat, appuie Bénédicte de Villers, docteure en philosophie, autrice d’une étude fouillée sur ce sujet. Il s’agit de démontrer la supériorité de l’homme, de rappeler que c’est lui le dominant, c’est lui qui dirige. » L’association de protection des animaux One Voice relève dans une analyse à propos des liens entre cruauté envers les animaux et violences contre les personnes que « près des trois quarts des femmes victimes de violences, parmi celles ayant un animal de compagnie, déclarent que leur agresseur les a menacées de blesser ou de tuer leur animal ».
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    La violence exercée sur les animaux domestiques est un moyen très efficace pour terroriser la famille. « Un homme violent qui maltraite aussi les animaux domestiques sous-entend plusieurs choses, décrypte une accueillante de la Maison plurielle, lieu belge d’accompagnement de femmes victimes de violences. À savoir : “Je sais ce qui est important pour toi et je le détruis” et “ce que je lui fais, je peux te le faire aussi”. Et si la femme a trois chatons, l’agresseur choisira sciemment de faire mal à son préféré. »

    Dorothée Dussy cite l’histoire d’une femme victime d’inceste dont le père éviscère le chien de la maison sur la table, au cours d’un repas familial, parce qu’il n’a pas été entendu au moment où il demandait du pain. Chacun·e intériorise alors que l’agresseur est capable de cruauté radicale. Mais aussi que personne n’intervient pour sauver la victime. « Quand le patriarche maltraite l’animal de la famille, il y a réellement un contenu pédagogique pour les témoins : ils apprennent à avoir peur et à rester passifs face à l’exercice de la violence. »

    De leur côté, les agresseurs peuvent se sentir confortés par les très rares (et très faibles) peines dont ils écopent quand ils s’en prennent à des animaux. « Si le type a un casier vierge, il a droit à une réprimande du tribunal et une simple contravention, retrace Reha Hutin. Pour condamner pour cruauté, il faut prouver l’intentionnalité de l’agresseur. Le prévenu dit simplement qu’il n’avait pas l’intention et il est tranquille. Il reçoit le message qu’il peut continuer à être violent en toute impunité. »
    Une meilleure détection des violences grâce aux animaux

    Penser le lien entre les deux types de violence, même s’il n’est pas systématique, permettrait aux services de protection animale et d’aide sociale d’articuler leurs interventions, et de « se donner une chance supplémentaire de repérer les violences intrafamiliales », pense Laurent Bègue-Shankland. Depuis 2015, de nombreux États américains ont mis en place un partage d’informations : police, services de protection des animaux, vétérinaires et services sociaux se transmettent réciproquement des notifications en cas de suspicion de maltraitance envers des animaux ou des personnes. « Il y a certainement des enjeux éthiques importants et des garanties à offrir pour que ces données personnelles sensibles soient utilisées en conformité avec le droit des personnes », ajoute Laurent Bègue-Shankland.

    Au Royaume-Uni, les services de travail social se servent aussi de cet outil. Lors des entretiens avec les familles où des violences sont suspectées, ils posent des questions telles que : « Y a-t-il des animaux dans le foyer ? Comment chaque membre du foyer traite-t-il l’animal ? Craignez-vous que quelque chose puisse arriver à cet animal ? » C’est intelligent, estime Jacques-Charles Fombonne, président de la SPA, par ailleurs ancien officier de police judiciaire, car « un enfant, qui aura énormément de mal à dénoncer les violences commises par un parent, pourra dire plus facilement que l’animal de la famille est maltraité. Pour les professionnels qui l’écoutent, ce sera un signal ».

    En France, où deux foyers sur trois possèdent un animal de compagnie, ces pratiques ne sont que balbutiantes. « Quand on récupère un animal maltraité dans une famille, la police nous accompagne systématiquement, explique Reha Hutin. Par le biais des animaux, on arrive à entrer dans des foyers auxquels les autorités n’auraient pas accès. On alerte automatiquement les services sociaux. Après, à chacun de faire son travail. » Jacques-Charles Fombonne est certain que les collaborations pourraient aller plus loin : « En France, on estime trop que ce qui se passe dans l’intimité des maisons ne regarde pas les autres, renchérit-il. Et les autorités, les services sociaux et les associations sont encore trop frileuses pour partager des informations. »

    Les animaux ne peuvent d’ailleurs pas uniquement être considérés comme des sentinelles.

    Pourtant, des interventions coordonnées et précoces, avant la judiciarisation des dossiers, auraient beaucoup de valeur, pense Bénédicte de Villers, qui constate aussi que chacun a besoin « de dépasser de solides préjugés ». Du côté des associations de protection animale, beaucoup pensent que les violences domestiques n’ont lieu que dans les milieux précaires. Et dans les services sociaux circule encore l’idée que s’intéresser aux animaux risquerait de faire oublier les femmes et les enfants. « Mais aujourd’hui, je crois que le contexte est propice, poursuit Bénédicte de Villers. De plus en plus de mouvements inclusifs rapprochent féminisme et écologie. Les humains comprennent qu’ils n’ont rien à perdre à accorder de l’attention aux animaux. Il ne s’agit pas de choisir, au contraire. »

    En Belgique, à la Maison plurielle, l’équipe interroge systématiquement les femmes à propos de leurs animaux domestiques : « Elles n’osent pas en parler, car elles ont peur qu’on les trouve ridicules. Pourtant, l’animal peut réellement les empêcher de quitter leur domicile. Elles craignent qu’il soit tué après leur départ. Cette relation est importante pour elles, elle les maintient parfois en vie. »

    En France, contrairement aux États-Unis ou au Canada, il n’existe pas de foyers d’hébergement de femmes victimes acceptant aussi leurs animaux. Il faudrait aussi que les associations protectrices d’animaux soient mobilisées dès que la mise à l’abri d’une personne est décidée, suggère Bénédicte de Villers : « Aujourd’hui, a-t-on les moyens de promettre à un enfant que s’il dénonce son père violent et quitte son foyer, son chat sera récupéré ? Non. Les animaux doivent être recueillis. Et ils ne peuvent d’ailleurs pas uniquement être considérés comme des sentinelles, encore une fois instrumentalisés selon nos besoins d’humains. »

    Porter davantage d’attention aux animaux est efficace pour mieux dépister les violences domestiques, croit sincèrement la chercheuse. Mais elle tient à recontextualiser cet outil : « À chaque féminicide, on s’aperçoit que la femme tuée avait déjà alerté, signalé, parfois porté plainte. Pourquoi ne commence-t-on pas par écouter les femmes ? »

    #masculinité #violences #virilité #violence_masculine #nos_ennemis_les_bêtes

  • Le Coût de la virilité par Lucile Peytavin : 95,2 milliards d’euros PAR AN. C’est le coût des comportements asociaux masculins.

    Le budget de la justice en France est de 9,06 milliards d’euros par an. Les prisons peuplées à 97 % d’hommes, c’est 70 000 écrous (103 personnes pour 100 000 habitants). La construction d’une cellule coûte entre 150 000 et 190 000 euros ; une année de prison coûte 32 000 euros. A quoi il faut rajouter les peines en milieu ouvert (174 000) soit 244 000 sous main de justice en France, ainsi que les effectifs de police et de gendarmerie qui dépendent respectivement de l’Intérieur et de l’Armée. Et les pompiers : secours santé et incendie (ce dernier à 7 %). Les hommes sont surreprésentés dans les services d’urgences, en accidentologie ; ils totalisent 52 % des km parcourus mais 85 % des accidents mortels, à tel point que Lucile Peytavin propose que le sticker A signalant le jeune conducteur ou la jeune conductrice (mais adorée, elle, des assureurs) soit remplacé par H pour homme à vie sur leurs voitures ! Violences conjugales, violences à enfants, viols, délits sexuels. Actes violents contre l’état et les Forces de l’ordre, 87 % d’hommes, 93 % pour les guet-apens, les attentats terroristes, le trafic de drogue et la traite humaine : clients de prostituées, 99 % d’hommes, 73 % des proxénètes. Même les incendies de forêt qui occupent les pompiers l’été sont majoritairement d’origine humaine donc de la délinquance. 99 % des pyromanes sont des hommes. Les attentats du 13 novembre 2015 ont fait 130 morts, 413 blessés, coût estimé pour la société à 2,2 milliards d’euros soit 0,1 % du PIB. Neuf terroristes, neuf hommes. Et la récidive concerne les hommes à 94 %. Je ne fais qu’un résumé de ces données fastidieuses et démoralisantes. Il faut lire le livre où figurent tous les comportement asociaux masculins, et les dépenses générées poste par poste. http://hypathie.blogspot.com/2021/05/le-cout-de-la-virilite.html


    #virilité

    • ça me semble complètement absurde d’amalgamer les vols et les atteintes à l’autorité de l’état à divers autres délits ou crimes cités. et soumis à la une qualification policière et judiciaire qu’il faudrait décortiquer avant de la reprendre (biais innombrables et virilistes gonflettes pro domo). les données des assurances auto sont un meilleur indice des ravages de la virilité.
      la prison elle même fait partie des dégâts de la virilité. Idem pour lafraaance.

    • @colporteur Le sujet ici ce sont les dommages de toutes sortes infligés à la société par les pratiques de la virilité, il me paraît donc normal de recenser tous les actes de délinquance commis par les hommes. Notez que dans son livre Lucile Peytavin ne compte pas la délinquance financière par manque de données fiables, écrit-elle, alors qu’il est vraisemblable que là aussi, les hommes sont majoritaires. Et bien entendu, je précise que même si les femmes commettent les mêmes délits, objection qui nous pend au nez, nous ne le nions pas, nous disons juste qu’ elles ne le font pas dans les mêmes proportions que les hommes. Ce qui laisse supposer que la socialisation inculquée aux filles est plus performante que celle inculquée aux garçons.
      @mad_meg : effectivement, les données sur l’inceste et le viol sont certainement sous-évaluées, il est difficile pour la société d’affronter l’ampleur du fléau.

    • policiers et juges savent fort bien que les illégalismes sont majoritairement le fait des hommes ce qui modifient leurs comportements en retour. les contrôles au faciès par exemple visent essentiellement des hommes. si on dit - en défenseurs de la propriété- qu’au vol correspond un cout pour la société, il faut envisager que les délits de ce genre commis par des femmes sont moins constatés (police) et moins pénalisés. Bref, l’idée générale (nuisance corrélées ou dues la virilité) est juste, le calcul d’épicemard proposé est absurde car toutes les « données » mises dans l’équation sont sujettes à caution et à controverses (le vol à l’étalage est souvent un bienfait pour/contre une société qui se refuse à satisfaire des besoins élémentaires et pas que)

    • Pourquoi, l’autonomisation (ou la libération pour employer le terme consacré, je préfère autonomisation) des femmes ce serait de se comporter en voyouse, braqueuse de banque, violeuse... ? le modèle masculin à s’approprier car ce serait l’étalon or du comportement social ? Le bad boy prétendument révolté et tellement glorifié par la culture pop ou plus classique dont on nous abreuve tous les jours pour nous faire avaler n’importe quoi ? L’autonomie, c’est s’affranchir des modèles qu’on veut nous imposer à la trique. Ca vaut pour les garçons. Et tous les comportements sociaux ne se valent pas, à l’aune des résultats produits. Il se trouve que dans les tribunaux, les justiciables sont les hommes, les magistrats et auxiliaires de justice, de l’avocate à la visiteuse de prison sont des femmes, il est temps de se déciller les yeux. Vu les moyens mis sur la table pour les calmer, on est en droit d’attendre du résultat. PS Certaines féministes (Federici pour ne citer qu’elle) sont contre des femmes dans les armées par exemple. Je pense en revanche qu’elles peuvent intégrer les corps de peace keepers, un traité de paix tenant mieux si les femmes y sont associées. Il ne s’agit pas là d’essentialisme, les femmes font leurs choix bien entendu.

    • les modèles masculins sont nocifs pour les hommes eux-mêmes mais seraient bons pour les femmes ? je n’ai pas dit ça. Il n’y a pas de modèle masculin ou féminin qui fasse du vol à la tire autre chose qu’une pratique plutôt banale et je ne comprends pas que l’on puisse parler d’asocialité sans interroger la société elle même, que l’on chiffre des dégâts depuis des catégories institutionnelles des société capitalistes, toutes biaisées, discutables critiquables, mais comme selon un commentaire reçu depuis ici avant que le post soit dépublié, je « radote » et manifeste une « compassion soutenu pour les condés et les agresseurs » (sic), mieux vaut arrêter là.

      #asocialité

    • Il me semble que si l’on veut réellement chiffrer les coûts de la virilité (marque déposée), il est logique d’en soustraire les bénéfices, pour les hommes individuels et pour la société, laquelle s’en sert comme modèle de comportement autorisant toutes sortes de conduites immorales au regard des valeurs humanistes mais plus que rentables sur un plan pragmatique. Se fermer les yeux sur ces choix intéressés des dominants et des institutions, c’est se condamner au statu quo, non ?...

  • Le foot comme outil de banalisation de la violences masculine

    De passage à Nancy j’ai appris que les supporter de foot en joie suite à une victoire de leur équipe, avaient causé pour 50.000€ de dégâts matériels. La presse qualifie ca de « débordements » ce qui renvoie plus à un phénomène naturel qu’à un comportement humain.
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/meurthe-et-moselle/nancy/nancy-apres-les-degradations-place-stanislas-arrestatio
    Là il ne s’agit que de dégâts matériels, ceux là sont pris légèrement au sérieux par les habitants et par la presse car ils sont visibles et on en parle dans le journal. Les destructions causées par les supporteurs en joie sont désignés comme une fatalité naturelle et il y a ici une question autour de la #virilité de sa naturalisation et de l’expression des privilèges qu’elle procure.

    Puis il y a cette étude de 2013 qui porte sur un petit échantillon de footeux de Lancaster que j’avais deja posté sur seenthis et qui rend compte d’une augmentation des violences sur conjointes les soirs de match, avec une net augmentation encore de ces violences en cas de défaites.
    cf https://www.huffingtonpost.fr/2018/07/04/coupe-du-monde-2018-une-campagne-de-prevention-contre-les-violences-c

    L’étude parle seulement des violences sur les conjoints mais les violences sur les enfants sont probablement corrélés.

    Et la France à perdu la coupe d’Europe du dopage et de la corruption ce qui implique que beaucoup de femmes et d’enfants ont été battus ces derniers jours sous prétexte de frustration d’hommes. Ca me saute aux yeux à cause d’une séquence vu dans le zapping d’aujourd’hui qui me semble être un exemple typique de la normalisation des violences masculines.

    Ca commence à 0:11 seconde - le journaliste dit que

    Certains français ont du mal à digéré la défaite. Alors certains imaginent se défoulés dans les vestiaires. D’autres préfèrent blablabla...

    A l’image on voit un vestiaire avec une équipe d’ados masculine assises et l’entraineur leur donner à chacun leur tour une grande gifle très violente.

    https://www.youtube.com/watch?v=CUhjZ-ELZn4

    C’est sensé être une séquence humoristique, sois disant « certains imaginent » mention qui est sensé atténué la violence des images, mais on a le droit à une séquence qui ne laisse aucune place à l’imagination. Après tout l’entraineur aurais pu se mettre des gifles à lui même pour se calmé ou demandé à etre giflé car il a mal entrainé son équipe. Mais les hiérarchies sont bien respectés dans cette scène. Ces gifles violentes sont bel et bien infligées à des enfants qui servent de défouloir-substitut à l’équipe de France. Le point de vue adopté est celui de l’entraineur, c’est lui qui incarne ces « certains français qui ont mal digéré la défaite ». Et c’est cela qui est sensé être drôle, ou plutot jouissif du point de vue du narateur.

    Les gifles ont l’air vrai, mais même si c’etait un effet spécial de gifle et pas une véritable scène de violences le message reste identique, il n’y a pas de prise de distance ni de critique ni de renversement du pouvoir établie.
    La séquence valide le fait que les supporter de l’équipe masculine de France ont de bonnes raison d’être en colère.
    La séquence montre que la colère peu se déchargé sur autrui.
    La séquence indique que les supporter de l’équipe masculine de France peuvent se servir de personnes substitut parmi les dominés (ici des ados face à l’entraineur, mais on sais très bien que ca marche aussi avec les compagnes, voisines, les enfants ou les mecs pas assez viriles) pour déchargé leur frustration de ne pas avoir pu humilié et dominé l’équipe masculine du pays concurrent.
    La séquence ajoute en plus qu’il faut trouvé cela super marrant, normal et naturel que les dominants frappent les dominés pour se défoulés. La domination c’est cool et c’est fun.

    Je trouve cet extrait très interessante car on est face à un exemple d’éducation des hommes à la violence. Quand on parle d’éducation la plus part de gens pensent à la mère, car pour la plus part des gens ce sont les mères qui éduquent les enfants, mais les hommes et les garçons s’éduquent énormément entre eux, via ce genre de petits messages faussement humoristique. Ici c’est pas les mères qui font regarder à leurs fils ces biteries de vestiaires et de défouloir sur plus petit que soi. Ce sont les hommes qui s’apprennent entre eux comment dominer à travers leurs éléments de culture masculine.

    #éducation #foot #virilité #zapping #boysclub #domination #male_gaze #violence_masculine #nationalisme #fraternité #male_alphisme #gifle

  • Picasso, séparer l’homme de l’artiste
    https://www.venuslepodcast.com/episodes/picasso,-s%C3%A9parer-l'homme-de-l'artiste

    Cet épisode a mis du temps à arriver, mais c’était le temps nécessaire pour digérer et retranscrire tout ce qu’il y a à dire sur Picasso (enfin presque). Figure du génie par excellence, Picasso est une icône quasi-intouchable, auréolée d’une mythologie qu’il a lui-même entretenue, que des centaines d’expositions et de records en salles de ventes continuent à alimenter. Au-delà de cette figure mythique... Source : Vénus s’épilait-elle la chatte ?

    • Au-delà de cette figure mythique, Picasso était un homme particulièrement violent et misogyne, qui a passé sa vie à écraser les personnes moins puissantes et moins privilégiées que lui. Le caractère destructeur de Picasso est loin d’être limité à sa vie privée, il a au contraire nourri une immense partie de son travail et c’est précisément pour ça qu’il est valorisé. Le cas de Picasso permet de réfléchir sur la façon dont les valeurs virilistes impactent tous les aspects de la culture occidentale, de l’esthétisation des violences sexistes et sexuelles à la fabrique des génies.

      On a parlé de tout ça avec mon invitée Sophie Chauveau, autrice de Picasso, le Minotaure, mais aussi de division sexuée du travail et de charge mentale, de Dora Maar et des artistes que Picasso a brisé·es, d’appropriation culturelle, de subversion et de l’impunité qu’on accorde aux hommes puissants.

      #misogynie #haine #violences_masculine #grand_homme #masculinité #virilité #art #amour #hétérosexualité #picasso #violophilie #boys_club #male_alphisme #homophobie #pédocriminalité #malegaze #sadisme #proxenetisme #viol #pédoviol #appropriation_culturelle

      La nature existe pour que nous puissions la violer

      Picasso

      Apollinaire s’est fait connaitre en écrivant sur Picasso, le geni et la notoriété en histoire de l’art ce sont des hommes qui écrivent leur admiration pour d’autres hommes. Plus tard Clouzot fera pareil avec « Le mystère Picasso » - le film est déclaré tresor national et il est toujours encensé.

      Paul Eluard offrit sa femme à Picasso en signe d’admiration- Picasso l’appelait (Paul) Madame Picasso pour marqué sa soumission à lui et le dévalorisé par le marqueur du féminin.

      Max Jacob vivait pendant un moment avec Picasso - les deux étaient en galère sauf que Max Jacob travaillait pour entretenir Picasso dont il était amoureux et le laisser peindre. Pendant la seconde guerre Max Jacob est déporté et Picasso qui aurait pu lui sauvé la vie a refusé de l’aider et l’a laisser mourir.

      Au moment ou il se met en couple avec Thérèse Walter qui à 17 ans il s’identifie au Minotaure et en fait l’image du violeur ( alors que c’est un monstre devoreur d’enfant et non violeur à l’origine) et il se représente en violeur - il y a plus de 50 oeuvres de Picasso intitulée le viol.

      L’intelligence de Dora Marre était un défi pour lui et il s’est employé à la brisé et la soumettre aussi bien psychologiquement, artistiquement et socialement. Il la battait jusqu’à évanouissement - c’est la série des femmes qui pleurent. Cette série est une sublimation des violences misogynes. Lassé de sa victime il la confie à Lacan qui la fait interné et subir des électrochocs. Après elle est entrée au couvent et à disparu.

      Il a remplacé Dora Marre par Françoise Gillot et lui a fait du chantage pour qu’elle vive avec lui, lui fasse deux enfants et mette sa carrière en suspend pour le servir et lui permettre de travailler 18h par jour sur ses oeuvre. Au moment ou Françoise Gillot devait accouché il a refusé qu’on l’hospitalise car il n’avait pas que ca à faire. A chaque fois qu’il détruisait une femme il y puisait une nouvelle inspiration. Les femmes lui servaient de servantes et d’objet à détruire pour y puiser l’art qui fera tant rêver les autres hommes.

      Picasso « fit cadeau » à un ami de deux jeunes filles mineurs dont il à voler les papiers d’identité. Il etait applaudit pour cela.

      L’idée que l’art est subversif est faux, la subversion est en fait l’exercice déchainé de la domination.

      Pour son interet sur l’art africain et précolombien, il est purement formel et jamais il ne s’est interessé à d’autres, autres cultures, autres personnes, tout est uniquement tourné vers son ego.

      après les centaines et les centaines d’expo sur Picasso, avec des approche toutes plus variées pour faire valoir son oeuvre et son geni, il est temps de montrer comment son oeuvre exprime ses crimes. Ses tableaux vendus des millions sont des trophées de viols de femmes et de mineures, de passages à tabac de femmes et de mineures, et on adore toujours ca comme du grand arts.

  • Les hommes qui frappent contre les murs
    https://blogs.mediapart.fr/jeanfluflu/blog/210521/les-hommes-qui-frappent-contre-les-murs
    21 mai 2021 Par Jeanfluflu Blog

    On ne frappe pas les murs pour soi, parce que ça fait mal. On ne frappe pas les murs seuls, ça ne se voit pas. On frappe les murs pour montrer quelque chose, c’est un spectacle, une mise en scène. Frapper un mur ce n’est pas « décharger » un coup de force et sentir en soi-même la douleur de l’impact, c’est l’imposer aux autres. C’est montrer en creux « regarde ce que je peux faire », c’est une menace à peine voilée ou en tout cas, c’est une promesse. TW violence familiale.

    Il y a quelques jours je suis allé voir un ami, un ami qui souffre parce qu’il a subi un burn out.

    Durant sa descente dans la crevasse de l’épuisement professionnel, la colère a été sa béquille, sa manière de dire stop quand toutes les limites ont été dépassées.

    Il aura pleuré, mais de rage bien sûr et donc il a frappé les murs.

    Ce témoignage de mon ami m’a heurté, parce que je croyais naïvement m’être éloigné de tout ça.

    C’est à l’adolescence de mon frère que j’ai connu les joies du spectacle des cloisons qu’on maltraite.

    En échec scolaire, c’était sa manière à lui de reprendre de la place dans la maison. En frappant dans les murs, toute l’attention venait sur lui et il affirmait ainsi quelque chose : j’existe et je suis fort.

    Malgré tout et puisque sa situation ne s’était pas arrangée, alors il s’est battu contre mon père. J’aurai toute ma vie cette image de leurs deux corps contre le sol du couloir qui menait à ma chambre : mon père dessous et mon frère dessus, avec mon père qui l’étranglait « pour qu’il se calme ».

    Des années après, alors que nos parents avaient déménagé, nous sommes allés vivre chez le nouveau compagnon de ma mère, un homme drôle mais manipulateur, quelqu’un que je détestais mais qui avait cette aura qui impressionnait la personne que j’étais alors.

    Nous n’étions plus chez nous, alors quand mon frère frappait contre les murs, l’impact était encore plus fort. Jusqu’au jour ou il a passé sa tête à travers une vitre.

    J’aurai toute ma vie cette image de son crâne ensanglanté assis dehors sur la terrasse.

    Puis il s’est en allé, et ma mère est partie avec lui marcher dans la rue. En revenant quelques minutes plus tard, elle avait des croûtes aux mains, les yeux humides et les genoux écorchés.

    Alors j’ai su qu’il venait de frapper ma mère.

    Mon frère est ensuite retourné vivre chez mon père, puis chez ma grand mère. Les murs de la maison de mon père se creusait de cratères, ici et là, toujours plus nombreux à mesure que je revenais les week-end.

    Je ne voyais plus mon frère aussi souvent mais je voyais les trous apparaître aussi sur les murs de ma grand-mère. Puis un jour elle m’a avoué, elle aussi, il s’est mis en colère et il l’a frappée, elle aussi.

    Comme un écho à tout cela, c’est mon beau père qui a lui aussi pris cette habitude, entre les travaux dans sa maison et son travail qu’il détestait. J’ai ré-entendu les battements lourds d’un poing qui s’écrase sur une poutre, un mur de placo ou encore une bordure de fenêtre.

    Puis c’est les tournevis qui passaient à travers la pièce, et les hurlements.

    Quand j’y repense encore il y avait cet ami d’enfance, lui aussi en échec scolaire à qui il ne restait que la violence pour exister et qui frappait contre les murs de chez lui. Puis il a frappé ses amis, puis sa copine...

    Des histoires comme ça, j’ai l’impression d’en avoir toujours été témoin, des hommes à qui la société prend des parts d’eux-mêmes se réfugient dans ce que la masculinité fait de pire.

    « Il me reste mon corps d’homme », ce corps violent, ce corps qui s’impose aux autres.

    On ne frappe pas les murs pour soi, parce que ça fait mal. On ne frappe pas les murs seuls, ça ne se voit pas. On frappe les murs pour montrer quelque chose, c’est un spectacle, une mise en scène.

    C’est un coup de tonnerre et puis la foudre. Ce sont des cris et des portes fermées. C’est un goût de fer au fond de la bouche et le cœur qui bat. Ça doit faire du bruit et si possible laisser des traces, un trou dans le placo ou si possible des rougeurs ou des croûtes sur les phalanges.

    Ça en a laissé. Sur les parois de la maison de mon père, de mon beau-père et de ma grand-mère.

    Ça en a laissé en moi et à toutes celles et ceux qui ont eu à subir ça.

    Frapper un mur ce n’est pas « décharger » un coup de force et sentir en soi-même la douleur de l’impact, c’est l’imposer aux autres.

    C’est montrer en creux « regarde ce que je peux faire », c’est une menace à peine voilée ou en tout cas, c’est une promesse. C’est affirmer à nos proches que l’on est dangereux, qu’on se servira de la violence.

    Petit à petit, c’est franchir des barrières, parce qu’on ne frappe pas sa famille comme cela du jour au lendemain. Alors on teste et on ira chaque jour un peu plus loin.

    Il est à noter que ceux qui tapaient contre les murs dans mon histoire ont presque tous fini par taper sur une femme.

    Enfin, frapper contre les murs c’est aussi faire un choix, devant la blessure qui nous a été faite, de nier une part de notre humanité.

    C’est nier qu’on a été blessé, que nous sommes vulnérables et que nous avons parfois besoin des autres pour nous aider.

    C’est choisir la force, l’écrasement et l’isolement.

    J’en veux encore aujourd’hui à mon frère et toute ma vie je sais que nous n’aurons plus jamais la même proximité, parce que ces épisodes ont brisé quelque chose en moi et entre nous.

    Je m’en veux aussi, pour toutes les fois ou j’ai été présent mais ou je n’ai rien su faire. Enfin si, j’ai fait des choses, j’ai fui.

    J’ai fui ma famille à laquelle je ne parle plus que quelques fois par an, j’ai fui mon frère et ma ville pour aller vivre ailleurs, m’entourer d’autres gens.

    Mais on ne fui pas le patriarcat, des hommes il y en a partout et le patriarcat est en chacun d’entre nous.

    Aujourd’hui, face à ces témoignages de mon ami, je re-questionne ces épisodes, je suis plus vieux, c’était il y a des années mais ça m’a marqué au fer rouge.

    Alors quoi faire, quoi faire face à ces hommes qui sont hommes dans la violence ?

    Comment empêcher ce pote de faire du mal autour de lui ?

    Comment lui dire ?

    #violence_masculine #domination #famille #virilité #masculinité

  • La farouche indépendance virile, l’autonomie orgueilleusement revendiquée qui définit la masculinité, il faut y regarder de plus près.Deux cas intéressants : l’écrivain américain Henry David Thoreau, considéré comme un précurseur de l’écologie. Dans son livre « Walden ou la vie dans les bois », il raconte comment il a décidé de quitter la ville de Concord (Massachusets) d’où il était originaire et où il habitait, pour aller s’installer près de l’étang de Walden, dans une cabane de 13m2, vivant en solitaire dans les bois, en contact direct avec la nature, cultivant ses légumes, cueuillant des fruits et des noix, en autarcie complète.Parce qu’il rejetait les préjugés et l’étroitesse d’esprit des habitants de sa petite ville totalement absorbés dans leurs mesquines préoccupations quotidiennes, se méfiait de la tyrannie de l’Etat, ne s’identifiait pas aux objectifs consuméristes et matérialistes déjà présents dans la société américaine de l’époque et dénonçait l’esclavage du travail. Il voulait être solitaire et autonome pour pouvoir être libre.Ca c’est ce qu’il raconte dans son livre.Mais en fait de solitude, Thoreau recevait à Walden de nombreuses visites d’amis et d’admirateurs, et se rendait tous les jours à pied à Concord, ce qui ne lui prenait que 20 minutes, pour échanger des potins sur la vie locale. L’étang de Walden était loin d’être solitaire : à la belle saison, il y avait des nageurs, des canoteurs et des pécheurs, et des patineurs en hiver. Et surtout il rentrait presque tous les jours chez sa mère à Concord qui lui préparait de la nourriture, lui raccommodait ses vêtements et lavait son linge.
    Comme Rousseau qui a été une de ses inspirations, Thoreau a présenté dans ses livres une image idéalisée de lui même–parfaitement autosuffisant, capable de survivre seul dans des conditions primitives grâce à son ingéniosité et à sa capacité de résistance, n’ayant besoin de personne, ne comptant que sur lui-même pour satisfaire à ses besoins vitaux.En fait, c’est une inversion patriarcale : de même que Rousseau vivait avec une femme, domestique et mère, qui le libérait des soucis matériels et lui permettait d’écrire des pages sublimes sur la liberté, droit inaliénable de l’homme (au sens d’individu de sexe masculin), Thoreau avait derrière lui le soutien logistique d’une femme, mère et domestique, qui lui permettait, comme l’ont écrit certains critiques « de jouer à l’Indien dans les bois » et de refuser de devenir adulte.Quand des auteurs masculins parlent de (leur)liberté, celle-ci repose toujours sur l’asservissement d’une ou plusieurs femmes. Comme l’avait souligné Nietzsche, le surhomme ne peut exister sans esclaves, l’homme patriarcal non plus. Autre grand écrivain américain, Jack Kerouac, auteur du livre « Sur la route » qui a inspiré les désirs d’émancipation de générations d’adolescent.es américain.es (Bob Dylan entre autres) et été la bible des mouvements beatnik et hippie. Canadien français (et Breton) d’origine, sa famille s’installe aux Etats-Unis. Après quelques petits boulots vite abandonnés, Kerouac rencontre plusieurs personnages hors normes (les futurs écrivains Allan Ginsberg et William Burroughs, le légendaire Neal Cassady) qui stimulent son désir de se libérer des étouffantes conventions sociales de l’Amérique très conservatrice des années 50.Cassady est passionné de voitures et de vitesse, avec lui et sa bande de copains allumés, Kerouac va sillonner l’Amérique de part en part sur les grandes routes qui la traversent. En stop, en voiture, en bus Greyhound. Ouverts à toutes les rencontres, à toutes les expériences–drogues, sexe, alcool, prostituées. De New York à la Virginie, Louisiane, Californie, Colorado, Illinois, Mexique, etc. Bouger sans arrêt, ne jamais s’arrêter, ne jamais être prisonnier d’aucun lieu ni de personne, être sans attaches, sans responsabilités, libres comme le vent. Son livre « Sur la route », ont écrit des critiques, est « une ode aux grands espaces américains, à la découverte de mondes nouveaux », à la liberté.Sauf que… C’est sa mère, qu’il surnommait « mémère », qui lui a donné l’argent pour acheter des tickets de bus et payer l’essence des voitures. Et quand il ne sillonnait pas les grands espaces, la figure emblématique du rebelle de la littérature américaine habitait chez sa mère, et c’est là où il a écrit tous ses livres.

    Derrière chaque « grand homme », « grand écrivain », « grand artiste », il y a une/des femmes exploitées, « maternisées », parasitées. Ils n’ont pu réaliser leur grande oeuvre que parce ils avaient à leur disposition des servantes féminines loyales et dévouées–épouses, mères, domestiques–pour laver leurs chaussettes. Et les nourrir émotionnellement. »

    https://sporenda.wordpress.com/2021/03/31/la-farouche-independance-virile-lautonomie-orgueilleusement-reve

    #invisibilisation #femmes #parasitisme #virilité #masculinité

    • Ca à l’air marqué du sceau du bon sens, mais ca implique de les humilié et de les dévalorisé régulièrement afin de leur donner de nombreux complexes et manque d’assurance pour qu’ils se comportent en dominé et mettent les intérêts des autres avant les leurs.

    • Un livre de #Lucile_Peytavin (historienne)

      Aussi :

      Lucile Peytavin : « La virilité coûte 100 milliards par an à la France »
      https://www.letelegramme.fr/france/lucile-peytavin-la-virilite-coute-100-milliards-par-an-a-la-france-06-0

      Crimes, agressions, dégradations… À une écrasante majorité, ce sont des hommes qui se rendent responsables de ces délits. Dans son essai (1), l’historienne Lucile Peytavin évalue le prix de ces violences qui mobilisent police, justice, services médicaux et éducatifs. Pour elle, pas de fatalité : c’est l’éducation différentiée donnée aux enfants qui prépare ces comportements.

      Comment avez-vous eu l’idée de chiffrer « le coût de la virilité » ?

      Je suis tombée, un jour, sur un simple chiffre : 96 % de la population carcérale en France est masculine. Ce chiffre m’a interpellée, en ce qu’il dit que les personnes reconnues coupables de crimes et de délits sont, dans plus de neuf fois sur dix, des hommes. J’ai donc décidé de tirer le fil, pour m’intéresser à ce que coûtent ces comportements à l’État, qui dépense des milliards pour appréhender, enquêter, juger, sanctionner, rééduquer, soigner les auteurs. Sans compter le coût indirect pour la société, qui doit répondre aux souffrances des victimes. À ma grande surprise, ce travail n’avait jamais encore été mené. Les chiffres donnent le tournis : 86 % des homicides, 99 % des viols, 84 % des coups et violences, 95 % des vols avec arme, 90 % des dégradations sont le fait d’hommes.

      « Rien ne prédétermine les hommes à ces comportements asociaux. Ce n’est ni une question de cerveau, ni de production de testostérone, comme on peut l’entendre parfois. La biologie n’a donc rien à voir là-dedans ».

      Et pourtant, insistez-vous d’emblée, le sexe fort n’est pas violent par nature…

      En effet, les chiffres sont saisissants : en France, au XXIe siècle, un homme a six fois plus de risques de devenir meurtrier et cinq fois plus de devenir délinquant qu’une femme. Mais il me paraît important de le dire : rien ne prédétermine les hommes à ces comportements asociaux. Ce n’est ni une question de cerveau, ni de production de testostérone, comme on peut l’entendre parfois. La biologie n’a donc rien à voir là-dedans. Un simple exemple : une enquête menée auprès de 114 violeurs condamnés a montré que 89 % de ces hommes avaient des rapports sexuels consentis au moins deux fois par semaine avant le crime. Le viol n’est donc pas le fruit d’une pulsion incontrôlable. D’ailleurs, quand les hommes passent devant le tribunal, ils sont bien jugés responsables de leurs actes. La responsabilité incombe à l’éducation qu’on donne aux enfants de sexe masculin.

      Et la propension des garçons à adopter des comportements asociaux est mesurable très tôt…

      En effet, 92 % des collégiens sanctionnés pour des atteintes aux biens ou aux personnes sont des garçons. Et ça commence même avant : dès l’école primaire, les filles témoignent de l’agressivité verbale ou physique des petits garçons. Des chercheurs ont relevé une violence systémique de la part des ados sur ceux qu’ils considèrent comme faibles : les filles, les timides, les gros, les « intellos », les homosexuels…

      « Les valeurs viriles sont inculquées dès le plus jeune âge. On a même montré que les mères allaitaient différemment les bébés garçons et les bébés filles ».

      En quoi l’éducation prépare-t-elle les garçons à cette violence ?

      Les valeurs viriles sont inculquées dès le plus jeune âge. On a même montré que les mères allaitaient différemment les bébés garçons et les bébés filles. Elles laissent plus facilement aux premiers le choix du moment de la tétée, alors qu’elles imposent un rythme aux secondes. Dès les premiers mois de vie, donc, les filles apprennent qu’il y a des règles à respecter.

      Que recouvrent ces « valeurs viriles » responsables, selon vous, du penchant des hommes pour la violence ?

      Dès bébé, on valorise la force et la vigueur des garçons. Plus tard, on installe la violence dans les jeux, en favorisant la bagarre, par exemple. Puis, on leur met entre les mains des films et des livres dont les héros, essentiellement des hommes, ont recours à la violence. Ce à quoi on assiste, c’est à une acculturation des hommes à cette violence. On en voit les conséquences. Et dans le même mouvement, on dévalorise le féminin. Par exemple, s’il est tout à fait admis et accepté que les filles peuvent avoir envie de s’inscrire au foot ou à la boxe, on a toujours plus de mal avec le petit garçon qui demande à faire de la danse.

      Le problème, c’est qu’au-delà de l’éducation genrée, c’est toute une culture à laquelle il faudrait s’attaquer…

      Oui, mais c’est possible. C’est une construction sociale, donc, par définition, on peut la déconstruire. On avance déjà : le mouvement MeToo en est une illustration, car il interroge les comportements agressifs des hommes.

      « Si on apprenait aux garçons comme aux filles l’empathie, les comportements humanistes, qu’on cessait d’ériger la force physique et mentale en valeur, etc., bref qu’on éduquait les deux sexes de la même façon, tout en serait changé ».

      Cette éducation qui valorise la force mentale et physique, la domination de l’autre, la brutalité parfois, est-elle universelle ?

      Elle l’est. Partout dans le monde, ce sont les hommes, bien plus que les femmes, qui sont jugés et emprisonnés. Le pays où le plus de femmes sont derrière les barreaux, c’est Hong Kong, mais elles ne représentent jamais que 20 % des détenus. Quel que soit le milieu social, les chiffres montrent que les femmes s’adonnent largement moins à la violence que les hommes. Et cela est vrai pour celles qui grandissent dans la pauvreté, sous les coups, ou en subissant des agressions sexuelles. La misère est donc un facteur moins déterminant que le sexe.

      Vous avez donc fait le calcul : le coût de la virilité, c’est près de 100 milliards d’euros par an en France. Que contient ce chiffre ?

      C’est le coût supporté chaque année par l’État français pour faire face aux comportements asociaux des hommes : dépenses directes de sécurité, de justice, de santé, auxquelles il faut ajouter le coût des souffrances psychologiques et physiques des victimes, celui des dommages matériels, la perte de production des victimes. Imaginez tout ce dans quoi on pourrait investir si on économisait sur ce budget…

      Vous en tirez une recommandation : plutôt que de dépenser des sommes faramineuses pour juger, réparer les violences masculines, notre société aurait plutôt intérêt à investir dans d’autres modes éducatifs. Lesquels ?

      Le mode éducatif, on l’a sous les yeux : c’est celui qu’on donne aux filles. L’éducation non genrée, expérimentée au Danemark, par exemple, ne donne pas de résultats. Elle n’enraye pas la violence. Alors que si on apprenait aux garçons comme aux filles l’empathie, les comportements humanistes, qu’on cessait d’ériger la force physique et mentale en valeur, etc., bref qu’on éduquait les deux sexes de la même façon, tout en serait changé. À l’avenir, l’État économiserait des milliards et les femmes n’auraient plus peur d’être seules le soir dans la rue, plus peur de laisser les enfants jouer dehors, etc., toutes ces situations considérées comme à risque et qu’on a totalement intégrées.

      * « Le coût de la virilité : ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes ? », éditions Anne Carrière, 17, 50 €.

      #virilité

      En vidéo :
      Les comportements virils coûtent cher à l’État selon Lucile Peytavin
      05/03/2021
      https://www.brut.media/fr/news/les-comportements-virils-coutent-cher-a-l-etat-selon-lucile-peytavin-87e63f4
      La virilité, ça coûte cher à l’État. Très cher. C’est ce qu’affirme l’historienne Lucile Peytavin, qui a fait les calculs…

      Son site :
      https://www.lucilepeytavin.com

      À PROPOS
      Jeune titulaire d’un doctorat en histoire portant sur le travail des artisan.e.s-commerçant.e.s en milieu rural et autrice aux éditions Anne Carrière, j’ai travaillé en tant que chargée de mission à l’égalité professionnelle et au dialogue social pour l’U2P et je suis membre du laboratoire de l’égalité en charge de la question de la précarité des femmes notamment.

    • Le coût de la virilité
      Ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes
      Lucile PEYTAVIN
      http://www.anne-carriere.fr/ouvrage_le-cout-de-la-virilite-lucile-peytavin-424.html

      En France, les hommes sont responsables de l’écrasante majorité des comportements asociaux :
      ils représentent 84 % des auteurs d’accidents de la route mortels, 92 % des élèves sanctionnés pour des actes relevant d’atteinte aux biens et aux personnes au collège, 90% des personnes condamnées par la justice, 86 % des mis en cause pour meurtre, 97 % des auteurs de violences sexuelles, etc.
      La liste semble inépuisable. Elle a surtout un coût. Un coût direct pour l’État, qui dépense chaque année des milliards d’euros en services de police, judiciaires, médicaux et éducatifs pour y faire face. Et un coût indirect pour la société, qui doit répondre aux souffrances physiques et psychologiques des victimes, et subit des pertes de productivité et des destructions de biens. Pourtant, cette réalité est presque toujours passée sous silence. Lucile Peytavin, historienne et membre du Laboratoire de l’égalité, s’interroge sur les raisons de cette surreprésentation des hommes comme principaux auteurs des violences et des comportements à risque, et tente d’estimer le coût financier de l’ensemble de ces préjudices pour l’État et donc pour chaque citoyen.ne. Quel est le coût, en France, en 2020, des conséquences de la virilité érigée en idéologie culturelle dominante ? L’autrice nous pose la question : n’aurions-nous pas tous intérêts à nous comporter… comme les femmes ?!

    • Le mode éducatif, on l’a sous les yeux : c’est celui qu’on donne aux filles. L’éducation non genrée, expérimentée au Danemark, par exemple, ne donne pas de résultats. Elle n’enraye pas la violence. Alors que si on apprenait aux garçons comme aux filles l’empathie, les comportements humanistes, qu’on cessait d’ériger la force physique et mentale en valeur, etc., bref qu’on éduquait les deux sexes de la même façon, tout en serait changé. À l’avenir, l’État économiserait des milliards et les femmes n’auraient plus peur d’être seules le soir dans la rue, plus peur de laisser les enfants jouer dehors, etc., toutes ces situations considérées comme à risque et qu’on a totalement intégrées.

      C’est un peu une vision angélique de l’éducation faite aux filles. Est-ce que c’est pas par la peur, la soumission, le déni, la culpabilisation, la non reconnaissance de leurs qualité, la silenciation et le viol que la différence est faite ? L’empathie avec les dominé·es me semble plutot être une conséquence du fait d’avoir vécu ces souffrances. Par exemple l’allaitement qui est évoqué, c’est par la frustration et le déni de leurs besoins que les filles apprennent justement à ne pas écouté leurs besoins. Elles apprennent certes des règles, mais ces règles c’est qu’elles ne compte pas et que leurs besoins, leur faim, leurs souffrances, OSEF. Les mères font ca inconsciemment, et du coup il faudrait qu’elles maltraite consciemment les garçons autant qu’elles maltraite inconsciemment les filles.

      Je ne voie pas de solution à cela, je me permet juste de tempéré cette « bonne idée ».

  • L’Auto Homicide
    http://carfree.fr/index.php/2021/01/18/lauto-homicide

    Le piéton commence à se fâcher. En lisant les journaux de France et d’Algérie on est effrayé du nombre d’accidents mortels occasionnés par les automobilistes. Dans une seule journée à Lire la suite...

    #Insécurité_routière #accident #algérie #bayonne #blois #dijon #histoire #Honfleur #marseille #mort #sécurité_routière #trouville #valence #vitesse

    • [edit 10 min plus tard : le texte est apparemment au moins partiellement une reprise d’un article de 1926. Aucun des codes de la citation n’est respecté et il n’y a aucune autre mise en perspective que l’indication de ce que je suppose être un titre de journal et sa date de publication. Dans ces conditions, pour moi l’auteur endosse le contenu.]

      @carfree : Un excès d’émotions visiblement... Après un relevé d’exécutions sommaires, certes dirigées contre de vilains tueurs en véhicules motorisés supposément pris en quasi flagrant délit, l’auteur conclut...

      Et je trouve ça très bien. J’espère que ce n’est là qu’un commencement et que ces bons exemples seront suivis. Puisque ni l’administration, ni les tribunaux ne protègent les piétons contre les folies homicides des emballés, je souhaite que s’organise dans chaque localité de quelque importance une « Ligue contre les Chauffards » – « chauffards » étant pris dans le sens péjoratif — que ses adhérents s’entendent et agissent. Ils auront sans conteste l’approbation de tous, les automobilistes sérieux et prudents, qui ne veulent pas être confondus avec les dangereux déments qui brûlent nos routes à cent kilomètres à l’heure et lâchement s’échappent lorsque leur arrive une anicroche. S’il en était ainsi, vous verriez que les écraseurs changeraient d’allure.

      - Puisque ni l’administration, ni les tribunaux ne protègent les piétons...
      Vous verriez ça comment ? Des sortes de bouées de fonctionnaires si possibles gras, organisées par des magistrats si possible efficaces de sorte qu’elles entourent chaque piéton traversant (par exemple) ?

      - ... je souhaite que s’organise dans chaque localité de quelque importance une « Ligue contre les Chauffards » – « chauffards » étant pris dans le sens péjoratif — que ses adhérents s’entendent et agissent.
      Cette idée mise en liaison avec des meurtres et agressions, comme vous le faites :
      1. cela n’aura jamais mon approbation et je gage que je ne serais pas seul (et donc c’est loupé pour l’approbation de tous)
      2. cela ressemble furieusement à un appel à la violence, ce qui est interdit par la Loi

      Je suis un rien déçu par votre texte du jour, je ne vous le cache pas. C’est d’autant plus dommage que les accidents mortels dénoncés sont réels, iniques et évitables si on prend les choses par un bout constructif.

  • Résumé de Refuser d’être un homme de John Stoltenberg - Crêpe Georgette
    http://www.crepegeorgette.com/2013/10/09/virilite-stoltenberg

    On en arrive donc au fait suivant ; l’homme viole et la femme en est blâmée. Une homme viole une femme, elle en est responsable donc le viol n’est pas un viol. S’en suit un témoignage où une victime de viol rapporte les propos de son violeur « ne me force pas à te faire mal » qui est une des phrases typiques qu’on entend dans des cas de viol ou de violence conjugale. La victime est directement rendue responsable de ce qu’on lui a fait. Comme le dit Stoltenberg « Violer c’est bien. Se faire violer c’est mal ».

    Dans le chapitre suivant, Stoltenberg parle de l’humanité comme une espèce multisexuée ou hommes et femmes n’existent pas. Il cite Dworkin qui écrivait en 74 (et c’est pourquoi il faut lire Dworkin - enfin si elle était traduite en français - qu’on soit ou non d’accord avec elle parce qu’elle a initié quasi toutes les réflexions féministes actuelles) « Nous sommes, clairement, une espèce multisexuée, dont la sexualité s’étale sur un vastes continuum où les éléments appelés homme et femme sont imprécis ». Stoltenberg parle un peu plus de lui dans ce chapitre ; de sa joie à comprendre que la masculinité n’existe pas, alors qu’il a tout le temps senti qu’il n’arrivait pas à être assez masculin, qu’il ne correspondait pas à l’image traditionnelle de l’homme et qu’il en souffrait.
    Il dit alors « les pénis existent ; le sexe masculin, non. le sexe masculin est socialement construit. C’est une entité politique qui ne s’affirme qu’au moyen de force et de terrorisme sexuel » (on dirait « genre » à la place de « sexe masculin » aujourd’hui).
    Je fais un bref aparté sur ce passage qui, je l’imagine, va en scandaliser plus d’un-e. On sait qu’il existe des crimes sexospécifiques comme le viol ou la violence conjugale. On sait que la majorité des gens emprisonnés sont des hommes. On sait que la majorité des suicidés sont des hommes. On peut penser qu’il s’agit de coïncidences, de cas isolés. On peut penser que c’est du « à la nature » ou on peut se dire que la virilité, la masculinité sont parties prenantes là-dedans et causent des meurtres, des viols, des blessures y compris au sein même de la classe hommes. Tous les hommes qui ne sont pas rentrés dans les modèles traditionnels de la virilité (et qui ont cessé de s’en culpabiliser ce qui est très difficile) ont d’ailleurs bien compris que ce n’est pas eux le problème. Tous les hommes traités de « tapette », de « pd », de « femmelette », de « fille », parce qu’ils n’étaient pas considérés comme assez virils ont bien compris que c’est la virilité qu’il faut détruire et pas eux qui sont anormaux. La virilité ne peut pas être reconstruite car il y aura toujours des gens à la marge ; cela serait comme déconstruire la blancheur dont on parlait plus haut. La virilité et la blancheur et l’hétérosexualité (les 3 en tant qu’identités politiques) n’existent qu’en assujettissant l’autre, ils sont donc à détruire, à abolir et pas à reconstruire.

    • le résumé est presque plus clair que le bouquin, qui m’a quand même semblé traduit avec les pieds, quoique possible aussi que le langage employé soit chelou, ou novateur...

      Bref, un truc qui n’est pas dit ici, et qui me semble intéressant, c’est quand Stoltenberg parle de « l’érotisme de la petite enfance ».

      Pour donner un exemple frappant, lors de l’allaitement, on peut légitimement ressentir des trucs chelou en se faisant sucer les tétons. Après, on peut encore ressentir des trucs chelou en jouant avec son gosse. On peut alors se sentir salement paniqué par ces trucs chelou ou, pire, commencer à les confondre avec des trucs qui appartiendrait à la sexualité masculine.

      Je ne sais pas si je suis clair. Il y a un « érotisme de la petite enfance » qu’il s’agit d’accepter, en tout cas si on veut s’occuper de son gosse dès le début. Typiquement, la virilité bloque ou empêche ou rend impossible ou dangereux l’accès à cette « tendresse », cette « sensualité » qui ne va pas plus loin qu’elle-même, ou disons plutôt qu’il va falloir limiter, bien sûr, avec, par exemple, un minimum de bon sens, du moins si on n’a pas décidé d’être une crapule.

      Pour précision, à mon sens, il s’agit pas du tout d’un discours pédo.

      Simplement il faut faire face à cet « érotisme », et cela peut-être très difficile, voire impossible, à la fois pour des gens qui ont vécu des sales trucs et pour des mecs qui se vivent en violeur-viril-sadique h24.

  • Du « populisme » en médecine - pratiques
    https://pratiques.fr/Du-populisme-en-medecine

    Le sociologue Laurent Muchielli, qui a côtoyé l’un de ses enfants, Sacha Raoult, au sein du laboratoire méditerranéen de sociologie, publie en septembre, dans Le Parisien, une tribune en forme de plaidoyer. L’ami de longue date, Renaud Muselier, publie un plaidoyer en faveur d’un ami politiquement proche. Comment rendre compte de cette convergence insolite ? Il ne s’agit pas seulement d’un tropisme marseillais. Didier Raoult a accordé une place non négligeable aux sciences sociales dans son IHU [15] et on peut supposer que cet intérêt pour les sciences sociales a joué un rôle dans les prises de position de Laurent Muchielli.

    • À mesure que se déploie « l’affaire Raoult », il peut de moins en moins se déjuger sans mettre à mal la légitimité charismatique sur laquelle reposent sa carrière et sa position. « Dominant dominé par sa domination », comme disait à peu près Bourdieu, Didier Raoult est tenu par sa position, c’est-à-dire par les attentes de ses divers publics (collègues, détracteurs, médias, politiques, patients potentiels).

      Pauvre dominant piégé dans sa domination et soutenu par d’autres dominants qui se reconnaissent dans son style de domination.
      #domination #fraternité #virilité #déni

  • Trouble dans le slip - CQFD, mensuel de critique et d’expérimentation sociales
    http://cqfd-journal.org/Trouble-dans-le-slip

    Oh qu’ils sont nuls. On les a tous et toutes vus pleurer la « mort de la #virilité » sur les plateaux télés et les réseaux sociaux. S’égosiller qu’il n’y avait plus de drague possible, plus de « galanterie à la française », plus rien de rien. Les Zemmour, les Soral, les adeptes du c’était mieux avant quand on troussait nos domestiques, et tous les bataillons des frustrés d’Internet qui voient « la » femme comme une conquête de la Pologne. Ils sont l’armée d’une défaite phallocrate qui ne peut que réjouir. Reste que leur désespoir, aux larmes savoureuses, rappelle un constat pertinent si on l’aborde avec tous les guillemets nécessaires : la culture de la virilité, versant mec, c’est pas forcément de la tarte – aujourd’hui comme hier.
    #patriarcat #livre
    C’est ce hiatus que décrypte Oli via Gazalé dans le très recommandé Le Mythe de la virilité – un piège pour les deux sexes [1].

  • #Homothérapies, #conversion_forcée

    Électrochocs, lobotomies frontales, « thérapies » hormonales… : dans les années 1970, aux États-Unis, la #dépsychiatrisation de l’homosexualité met progressivement fin à ces pratiques médicales inhumaines, tout en donnant naissance à des mouvements religieux qui prétendent « guérir » ce qu’elles considèrent comme un péché, une déviance inacceptable. Depuis, les plus actives de ces associations – les évangéliques d’Exodus ou les catholiques de Courage – ont essaimé sur tous les continents, à travers une logique de franchises. Bénéficiant d’une confortable notoriété aux États-Unis ou dans l’ultracatholique Pologne, ces réseaux œuvrent en toute discrétion en France et en Allemagne. Mais si les méthodes diffèrent, l’objectif reste identique : convertir les personnes homosexuelles à l’hétérosexualité ou, à défaut, les pousser à la continence. Comme Deb, fille d’évangélistes de l’Arkansas ouvertement homophobes, Jean-Michel Dunand, aujourd’hui animateur d’une communauté œcuménique homosensible et transgenre, a subi de traumatisantes séances d’exorcisme. De son côté, la Polonaise Ewa a été ballottée de messes de guérison en consultations chez un sexologue adepte des décharges électriques. Rongés par la honte et la culpabilité, tous ont souffert de séquelles psychiques graves : haine de soi, alcoolisme, dépression, tentation du suicide…

    Étayée par le travail de deux jeunes journalistes, dont l’un s’est infiltré dans des mouvements français – des rencontres façon Alcooliques anonymes de Courage aux séminaires estivaux de Torrents de vie, avec transes collectives au menu –, cette enquête sur les « thérapies de conversion » donne la parole à des victimes de cinq pays. Leurs témoignages, à la fois rares et bouleversants, mettent en lumière les conséquences dévastatrices de pratiques qui s’apparentent à des dérives sectaires. « Nous avons affaire à une espèce de psychothérapie sauvage qui peut amener à la destruction de la personnalité », affirme ainsi Serge Blisko, ancien président de la #Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). En mars 2018, le Parlement européen a voté une résolution appelant les États membres à interdire ces prétendues thérapies. Jusqu’à maintenant, seul Malte a légiféré sur le sujet.


    https://boutique.arte.tv/detail/homotherapies_conversion_forcee
    #film #film_documentaire #documentaire
    #homophobie #LGBT #thérapie #église #Eglise #douleur #souffrance #rejet #choix #déviance #guérison #sexualité #genre #Exodus #thérapies_de_conversion #fondamentalisme_chrétien #maladie #Eglise_catholique #Eglise_évangélique #catholicisme #Les_Béatitudes #douleur #confession #communion_Béthanie #lobotomie #déviance #éradication #foi #Alan_Chambers #Desert_Streams #Living_Waters #Richard_Cohen #Alfie's_home #Journey_into_manhood #virilité #Brothers_Road #courage #Wüstenstrom #Günter_Baum #Torrents_de_vie #Andrew_Comiskey #masculinité #communauté_de_l'Emmanuel #David_et_Jonathan #homosexualité_transitionnelle #homosexualité_structurelle #homosexualité_accoutumance #pornographie #méthode_aversive #médecine #Bible #pêché #Père_Marek_Dziewiecki #compassion #culpabilité #haine #culpabilité_douce #violence #mépris #continence #résistance_à_la_tentation #tentation #responsabilité #vulnérabilité #instrumentalisation #exorcisme #démon #Gero_Winkelmann #violence_familiale #manipulation #secte #dérive_sectaire #dépression #business #honte #peur #suicide #justice #Darlen_Bogle

  • Césars : « Désormais on se lève et on se barre » | Virginie Despentes
    https://www.liberation.fr/debats/2020/03/01/cesars-desormais-on-se-leve-et-on-se-barre_1780212

    Je vais commencer comme ça : soyez rassurés, les puissants, les boss, les chefs, les gros bonnets : ça fait mal. On a beau le savoir, on a beau vous connaître, on a beau l’avoir pris des dizaines de fois votre gros pouvoir en travers de la gueule, ça fait toujours aussi mal. Tout ce week-end à vous écouter geindre et chialer, vous plaindre de ce qu’on vous oblige à passer vos lois à coups de 49.3 et qu’on ne vous laisse pas célébrer Polanski tranquilles et que ça vous gâche la fête mais derrière vos jérémiades, ne vous en faites pas : on vous entend jouir de ce que vous êtes les vrais patrons, les gros caïds, et le message passe cinq sur cinq : cette notion de consentement, vous ne comptez pas la laisser passer. Source : (...)

    • Et vous savez très bien ce que vous faites - que l’humiliation subie par toute une partie du public qui a très bien compris le message s’étendra jusqu’au prix d’après, celui des Misérables, quand vous convoquez sur la scène les corps les plus vulnérables de la salle, ceux dont on sait qu’ils risquent leur peau au moindre contrôle de police, et que si ça manque de meufs parmi eux, on voit bien que ça ne manque pas d’intelligence et on sait qu’ils savent à quel point le lien est direct entre l’impunité du violeur célébré ce soir-là et la situation du quartier où ils vivent.

    • https://medias.liberation.fr/photo/1297226-adele-haenel-walked-out-of-the-cesars-paris.jpg?modified_a

      oui on est les connasses, on est les humiliées, oui on n’a qu’à fermer nos gueules et manger vos coups, vous êtes les boss, vous avez le pouvoir et l’arrogance qui va avec mais on ne restera pas assis sans rien dire. Vous n’aurez pas notre respect. On se casse. Faites vos conneries entre vous. Célébrez-vous, humiliez-vous les uns les autres tuez, violez, exploitez, défoncez tout ce qui vous passe sous la main. On se lève et on se casse. C’est probablement une image annonciatrice des jours à venir. La différence ne se situe pas entre les hommes et les femmes, mais entre dominés et dominants, entre ceux qui entendent confisquer la narration et imposer leurs décisions et ceux qui vont se lever et se casser en gueulant. C’est la seule réponse possible à vos politiques. Quand ça ne va pas, quand ça va trop loin ; on se lève on se casse et on gueule et on vous insulte et même si on est ceux d’en bas, même si on le prend pleine face votre pouvoir de merde, on vous méprise on vous dégueule. Nous n’avons aucun respect pour votre mascarade de respectabilité. Votre monde est dégueulasse. Votre amour du plus fort est morbide. Votre puissance est une puissance sinistre. Vous êtes une bande d’imbéciles funestes. Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable. On se lève et on se casse. C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde.

    • Il n’y a rien de surprenant à ce que vous ayez couronné Polanski : c’est toujours l’argent qu’on célèbre, dans ces cérémonies, le cinéma on s’en fout. Le public on s’en fout.

      Le public a été voire en masse le dernier Polansky, la cérémonie ne se foute pas du tout du public. C’est le public qui se fout des violé·es. Le public se branle sur du porno plusieurs fois par semaine et il est aussi misogyne et violophile que le jury des césars.
      Le public ce qu’il a préféré du cinéma franças c’est « Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? » qui à la 4eme place au Box office, Polansky est 32eme un peu derrière Nicky Lason, autre fleuron du ciné français.
      –----
      On se casse, Ok, c’est bien mais ou on va si on quitte la Macronie avec nos talons hauts et notre robe de soirée de femmes-cis-non-dominée ? on va en Trumpie, en Poutinie, ou en Sevrerinie ? Ou il est ce pays sans viol et sans violophiles ou on irait si on se casse ? Il n’existe même pas en rêve !

    • Césars : « Désormais on se lève et on se barre », par #Virginie_Despentes

      Que ça soit à l’Assemblée nationale ou dans la culture, vous, les puissants, vous exigez le #respect entier et constant. Ça vaut pour le #viol, les exactions de votre #police, les #césars, votre #réforme des #retraites. En prime, il vous faut le #silence de #victimes.

      Je vais commencer comme ça : soyez rassurés, les puissants, les boss, les chefs, les gros bonnets : ça fait mal. On a beau le savoir, on a beau vous connaître, on a beau l’avoir pris des dizaines de fois votre gros pouvoir en travers de la gueule, ça fait toujours aussi #mal. Tout ce week-end à vous écouter geindre et chialer, vous plaindre de ce qu’on vous oblige à passer vos lois à coups de #49-3 et qu’on ne vous laisse pas célébrer #Polanski tranquilles et que ça vous gâche la fête mais derrière vos jérémiades, ne vous en faites pas : on vous entend jouir de ce que vous êtes les vrais #patrons, les gros #caïds, et le message passe cinq sur cinq : cette notion de #consentement, vous ne comptez pas la laisser passer. Où serait le fun d’appartenir au clan des #puissants s’il fallait tenir compte du consentement des #dominés ? Et je ne suis certainement pas la seule à avoir envie de chialer de #rage et d’#impuissance depuis votre belle #démonstration_de_force, certainement pas la seule à me sentir salie par le spectacle de votre orgie d’#impunité.

      Il n’y a rien de surprenant à ce que l’académie des césars élise #Roman_Polanski meilleur réalisateur de l’année 2020. C’est #grotesque, c’est #insultant, c’est #ignoble, mais ce n’est pas surprenant. Quand tu confies un budget de plus de 25 millions à un mec pour faire un téléfilm, le message est dans le budget. Si la lutte contre la montée de l’antisémitisme intéressait le cinéma français, ça se verrait. Par contre, la voix des opprimés qui prennent en charge le récit de leur calvaire, on a compris que ça vous soûlait. Alors quand vous avez entendu parler de cette subtile comparaison entre la problématique d’un cinéaste chahuté par une centaine de féministes devant trois salles de cinéma et Dreyfus, victime de l’antisémitisme français de la fin du siècle dernier, vous avez sauté sur l’occasion. Vingt-cinq millions pour ce parallèle. Superbe. On applaudit les investisseurs, puisque pour rassembler un tel budget il a fallu que tout le monde joue le jeu : Gaumont Distribution, les crédits d’impôts, France 2, France 3, OCS, Canal +, la RAI… la main à la poche, et généreux, pour une fois. Vous serrez les rangs, vous défendez l’un des vôtres. Les plus puissants entendent défendre leurs #prérogatives : ça fait partie de votre élégance, le viol est même ce qui fonde votre style. La loi vous couvre, les tribunaux sont votre domaine, les médias vous appartiennent. Et c’est exactement à cela que ça sert, la #puissance de vos grosses fortunes : avoir le #contrôle_des_corps déclarés #subalternes. Les #corps qui se taisent, qui ne racontent pas l’histoire de leur point de vue. Le temps est venu pour les plus riches de faire passer ce beau message : le #respect qu’on leur doit s’étendra désormais jusqu’à leurs bites tachées du sang et de la merde des enfants qu’ils violent. Que ça soit à l’#Assemblée_nationale ou dans la #culture - marre de se cacher, de simuler la gêne. Vous exigez le respect entier et constant. Ça vaut pour le viol, ça vaut pour les exactions de votre #police, ça vaut pour les césars, ça vaut pour votre réforme des retraites. C’est votre politique : exiger le silence des victimes. Ça fait partie du territoire, et s’il faut nous transmettre le message par la #terreur vous ne voyez pas où est le problème. Votre #jouissance_morbide, avant tout. Et vous ne tolérez autour de vous que les valets les plus dociles. Il n’y a rien de surprenant à ce que vous ayez couronné Polanski : c’est toujours l’#argent qu’on célèbre, dans ces cérémonies, le #cinéma on s’en fout. Le public on s’en fout. C’est votre propre puissance de frappe monétaire que vous venez aduler. C’est le gros budget que vous lui avez octroyé en signe de soutien que vous saluez - à travers lui c’est votre puissance qu’on doit respecter.

      Il serait inutile et déplacé, dans un commentaire sur cette cérémonie, de séparer les corps de cis mecs aux corps de cis meufs. Je ne vois aucune différence de comportements. Il est entendu que les grands prix continuent d’être exclusivement le domaine des #hommes, puisque le message de fond est : #rien_ne_doit_changer. Les choses sont très bien telles qu’elles sont. Quand #Foresti se permet de quitter la fête et de se déclarer « écœurée », elle ne le fait pas en tant que meuf - elle le fait en tant qu’individu qui prend le risque de se mettre la profession à dos. Elle le fait en tant qu’individu qui n’est pas entièrement assujetti à l’#industrie_cinématographique, parce qu’elle sait que votre #pouvoir n’ira pas jusqu’à vider ses salles. Elle est la seule à oser faire une blague sur l’éléphant au milieu de la pièce, tous les autres botteront en touche. Pas un mot sur Polanski, pas un mot sur #Adèle_Haenel. On dîne tous ensemble, dans ce milieu, on connaît les mots d’ordre : ça fait des mois que vous vous agacez de ce qu’une partie du public se fasse entendre et ça fait des mois que vous souffrez de ce qu’Adèle Haenel ait pris la parole pour raconter son histoire d’enfant actrice, de son point de vue.

      Alors tous les corps assis ce soir-là dans la salle sont convoqués dans un seul but : vérifier le #pouvoir_absolu des puissants. Et les puissants aiment les violeurs. Enfin, ceux qui leur ressemblent, ceux qui sont puissants. On ne les aime pas malgré le viol et parce qu’ils ont du talent. On leur trouve du #talent et du style parce qu’ils sont des violeurs. On les aime pour ça. Pour le courage qu’ils ont de réclamer la #morbidité de leur #plaisir, leur #pulsion débile et systématique de destruction de l’autre, de #destruction de tout ce qu’ils touchent en vérité. Votre plaisir réside dans la #prédation, c’est votre seule compréhension du style. Vous savez très bien ce que vous faites quand vous défendez Polanski : vous exigez qu’on vous admire jusque dans votre #délinquance. C’est cette exigence qui fait que lors de la cérémonie tous les corps sont soumis à une même #loi_du_silence. On accuse le #politiquement_correct et les réseaux sociaux, comme si cette #omerta datait d’hier et que c’était la faute des féministes mais ça fait des décennies que ça se goupille comme ça : pendant les cérémonies de cinéma français, on ne blague jamais avec la susceptibilité des patrons. Alors tout le monde se tait, tout le monde sourit. Si le violeur d’enfant c’était l’homme de ménage alors là pas de quartier : police, prison, déclarations tonitruantes, défense de la victime et condamnation générale. Mais si le violeur est un puissant : #respect et #solidarité. Ne jamais parler en public de ce qui se passe pendant les #castings ni pendant les prépas ni sur les tournages ni pendant les promos. Ça se raconte, ça se sait. Tout le monde sait. C’est toujours la loi du silence qui prévaut. C’est au respect de cette consigne qu’on sélectionne les employés.

      Et bien qu’on sache tout ça depuis des années, la #vérité c’est qu’on est toujours surpris par l’outrecuidance du pouvoir. C’est ça qui est beau, finalement, c’est que ça marche à tous les coups, vos saletés. Ça reste #humiliant de voir les participants se succéder au pupitre, que ce soit pour annoncer ou pour recevoir un prix. On s’identifie forcément - pas seulement moi qui fais partie de ce sérail mais n’importe qui regardant la cérémonie, on s’identifie et on est humilié par procuration. Tant de silence, tant de #soumission, tant d’empressement dans la #servitude. On se reconnaît. On a envie de crever. Parce qu’à la fin de l’exercice, on sait qu’on est tous les employés de ce grand merdier. On est humilié par procuration quand on les regarde se taire alors qu’ils savent que si Portrait de la jeune fille en feu ne reçoit aucun des grands prix de la fin, c’est uniquement parce qu’Adèle Haenel a parlé et qu’il s’agit de bien faire comprendre aux victimes qui pourraient avoir envie de raconter leur histoire qu’elles feraient bien de réfléchir avant de rompre la loi du silence. Humilié par procuration que vous ayez osé convoquer deux réalisatrices qui n’ont jamais reçu et ne recevront probablement jamais le prix de la meilleure réalisation pour remettre le prix à Roman fucking Polanski. Himself. Dans nos gueules. Vous n’avez décidément #honte de rien. Vingt-cinq millions, c’est-à-dire plus de quatorze fois le budget des Misérables, et le mec n’est même pas foutu de classer son film dans le box-office des cinq films les plus vus dans l’année. Et vous le récompensez. Et vous savez très bien ce que vous faites - que l’#humiliation subie par toute une partie du public qui a très bien compris le message s’étendra jusqu’au prix d’après, celui des Misérables, quand vous convoquez sur la scène les corps les plus vulnérables de la salle, ceux dont on sait qu’ils risquent leur peau au moindre contrôle de police, et que si ça manque de meufs parmi eux, on voit bien que ça ne manque pas d’intelligence et on sait qu’ils savent à quel point le lien est direct entre l’impunité du violeur célébré ce soir-là et la situation du quartier où ils vivent. Les réalisatrices qui décernent le prix de votre impunité, les réalisateurs dont le #prix est taché par votre #ignominie - même combat. Les uns les autres savent qu’en tant qu’employés de l’#industrie_du_cinéma, s’ils veulent bosser demain, ils doivent se taire. Même pas une blague, même pas une vanne. Ça, c’est le #spectacle des césars. Et les hasards du calendrier font que le message vaut sur tous les tableaux : trois mois de grève pour protester contre une réforme des retraites dont on ne veut pas et que vous allez faire passer en force. C’est le même message venu des mêmes milieux adressé au même peuple : « Ta gueule, tu la fermes, ton consentement tu te le carres dans ton cul, et tu souris quand tu me croises parce que je suis puissant, parce que j’ai toute la thune, parce que c’est moi le boss. »

      Alors quand Adèle Haenel s’est levée, c’était le sacrilège en marche. Une employée récidiviste, qui ne se force pas à sourire quand on l’éclabousse en public, qui ne se force pas à applaudir au spectacle de sa propre humiliation. Adèle se lève comme elle s’est déjà levée pour dire voilà comment je la vois votre histoire du réalisateur et son actrice adolescente, voilà comment je l’ai vécue, voilà comment je la porte, voilà comment ça me colle à la peau. Parce que vous pouvez nous la décliner sur tous les tons, votre imbécillité de séparation entre l’homme et l’artiste - toutes les victimes de viol d’artistes savent qu’il n’y a pas de division miraculeuse entre le #corps_violé et le #corps_créateur. On trimballe ce qu’on est et c’est tout. Venez m’expliquer comment je devrais m’y prendre pour laisser la fille violée devant la porte de mon bureau avant de me mettre à écrire, bande de bouffons.

      Adèle se lève et elle se casse. Ce soir du 28 février on n’a pas appris grand-chose qu’on ignorait sur la belle industrie du cinéma français par contre on a appris comment ça se porte, la robe de soirée. A la guerrière. Comme on marche sur des talons hauts : comme si on allait démolir le bâtiment entier, comment on avance le dos droit et la nuque raidie de #colère et les épaules ouvertes. La plus belle image en quarante-cinq ans de cérémonie - Adèle Haenel quand elle descend les escaliers pour sortir et qu’elle vous applaudit et désormais on sait comment ça marche, quelqu’un qui se casse et vous dit merde. Je donne 80 % de ma bibliothèque féministe pour cette image-là. Cette leçon-là. Adèle je sais pas si je te male gaze ou si je te female gaze mais je te love gaze en boucle sur mon téléphone pour cette sortie-là. Ton corps, tes yeux, ton dos, ta voix, tes gestes tout disait : oui on est les connasses, on est les humiliées, oui on n’a qu’à fermer nos gueules et manger vos coups, vous êtes les boss, vous avez le pouvoir et l’#arrogance qui va avec mais on ne restera pas assis sans rien dire. Vous n’aurez pas notre #respect. #On_se_casse. Faites vos conneries entre vous. Célébrez-vous, humiliez-vous les uns les autres tuez, violez, exploitez, défoncez tout ce qui vous passe sous la main. On se lève et on se casse. C’est probablement une image annonciatrice des jours à venir. La différence ne se situe pas entre les hommes et les femmes, mais entre dominés et dominants, entre ceux qui entendent confisquer la narration et imposer leurs décisions et ceux qui vont se lever et se casser en gueulant. C’est la seule réponse possible à vos politiques. Quand ça ne va pas, quand ça va trop loin ; on se lève on se casse et on gueule et on vous insulte et même si on est ceux d’en bas, même si on le prend pleine face votre pouvoir de merde, on vous méprise on vous dégueule. Nous n’avons aucun respect pour votre #mascarade_de_respectabilité. Votre monde est dégueulasse. Votre amour du plus fort est morbide. Votre puissance est une puissance sinistre. Vous êtes une bande d’#imbéciles_funestes. Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable. On se lève et on se casse. C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/03/01/cesars-desormais-on-se-leve-et-on-se-barre_1780212

    • Il y a une sorte de dimension religieuse dans ces cérémonies cinéphiles. Comme chez les Aztèques dans leur rites sacrificiels où l’on droguait les prisonnier·ères avant de les allonger sur un autel pour leur ouvrir la poitrine et en extirper leur cœur palpitant. Les « dieux » aiment le sang et si si on se laisse convaincre par leurs prêtres qu’on va gagner l’éternité en se soumettant à leurs fantasmes, on se fera fatalement arracher le cœur. C’est à dire déposséder de notre part la plus intime d’êtres vivants et pensants et donc nous briser. Les aristocrates, de quelque obédience soient-ils, exigent avant toute chose la soumission de leurs subordonné·es. Et ils ont même poussé leur perversité sans limite à faire accepter au langage commun le qualificatif de « nobles ».
      Et si toutes ces célébrations dilatoires n’étaient qu’une mise en abyme du mauvais scénario que nous subissons depuis 2016, année précédant la dernière élection présidentielle en date ?

      #aristocratie_guerrière #théocratie #nos_bons_maîtres #R.A.G.E.

    • Césars : ce que veut dire #quitter_la_salle

      La « #honte » exprimée par Adèle Haenel vendredi, lors de la cérémonie, est une expérience morale et politique qui permet de sortir du statut de victime pour construire une résistance collective.

      De la 45e cérémonie des césars, il ne faudra retenir que l’« exit » de plusieurs femmes dont Adèle Haenel qui quitte la salle en se fendant d’un « c’est une honte », Florence Foresti qui refuse de venir clôturer la soirée et qui écrira ce mot sur Instagram : « écœurée ». Ce sont des mots de l’émotion et aussi du discernement. De la honte à l’écœurement se déploie une contre-scène à la masculinité affirmée des césars : une même puissance de nommer le mal, de faire jaillir l’indécence d’une situation.

      Généralement la honte est du côté de la personne vulnérable qui, non seulement, est victime d’une violence mais ne parvient pas à s’extirper de la honte d’être violentée. La honte s’y affirme alors en honte d’avoir honte. Une personne agressée est traversée par les souffrances dont elle est l’objet mais elle est aussi saisie par l’incapacité de s’extirper de cette scène de violence qui se met à vivre dans la vie psychique sous forme de rumination mélancolique ou d’état de paralysie hypothéquant l’avenir.
      Un dispositif masculiniste

      La honte peut cependant avoir une autre signification : dans le jugement « c’est une honte », le terme de honte est renvoyé au lauréat du césar, Polanski, mais plus profondément encore au dispositif masculiniste des césars comme dispositif de pouvoir qui maintient les femmes à leur place et annule les scandales de genre. Surtout, la phrase d’Adèle Haenel contribue à désingulariser la situation des césars pour la projeter sur toutes les autres situations de ce type. La honte est alors une expérience morale et politique qui permet de sortir de la singularité de la victime pour construire une résistance collective et politique. Elle est le discernement du juste à même la perception d’une injustice typique d’un état des rapports de pouvoir.

      Le terme d’écœurement parachève cette forme de résistance. Il indique l’écart entre ce qui aurait dû être (tout sauf Polanski meilleur réalisateur) et ce qui est ; il le dénonce pour construire la possibilité d’une voix collective du refus. Albert Hirschman, dans un livre important, Exit, Voice and Loyalty avait, en 1970, souligné que, face aux défaillances des institutions, les individus ont le choix entre trois comportements : prendre la porte de sortie (exit), prendre la parole (voice) ou se résigner (loyalty). Adèle Haenel, Cécile Sciamma, Florence Foresti et toutes les personnes qui sont sorties de la salle ont montré que l’« exit » était bien le commencement de la voix.

      Face au courage de celles qui partent, il y a le cynisme de ceux qui verrouillent toutes les positions et se cramponnent pour que rien ne change. Le débat sur l’indépendance de l’œuvre face à l’artiste risque alors fort d’être un leurre. Tout d’abord, Roman Polanski a toujours affirmé jusqu’à J’accuse (en se comparant à Dreyfus à travers les rouages de persécution qu’il affirme lui-même vivre) que son cinéma était en lien avec sa vie, ce qui est le cas de bien des artistes d’ailleurs. Ensuite, il n’est pas sûr que le terme d’œuvre soit le plus adéquat pour évoquer un film tant l’industrie culturelle y est présente. L’Académie des césars elle-même incarne cette industrie puisque les quelque 4 700 votants, dont la liste est confidentielle, appartiennent aux différents métiers du cinéma. Pas plus que l’œuvre, la défense de l’artiste en être d’exception ne tient.
      De la reconnaissance des « grands hommes »

      Et les femmes ? On sait combien elles ont du mal à convaincre dès qu’elles souhaitent faire un film ; elles ne disposent jamais des mêmes budgets que les hommes. La remise du prix de meilleur réalisateur à Roman Polanski relève du maintien d’un ordre des grandeurs, lequel impose la reconnaissance des « grands hommes » envers et contre tout ; le film qui coûte cher et mérite d’être honoré est masculin. Tout ceci a été rappelé au milieu du cinéma qui s’y est largement plié, hormis la sortie d’Adèle Haenel, de Cécile Sciamma, de l’équipe du film et d’une centaine de personnes. Malgré les sketches de Florence Foresti et le discours d’Aïssa Maïga sur la diversité, il a été réaffirmé que le monde du cinéma appartient aux hommes hétérosexuels et qu’à ce titre, il repose sur un schéma précis quant aux positions les plus visibles : les hommes comme metteurs en chef ou acteurs, les femmes comme actrices.

      Dans le milieu des réalisateurs, les « grandes femmes » n’existent pas et il n’est pas d’actualité qu’elles commencent à apparaître. On se souvient qu’en 1979, Ariane Mnouchkine fut nommée pour « le meilleur réalisateur » et pour le meilleur film. Elle n’obtint aucun des deux prix ; ils furent attribués à Christian de Chalonge et à son film l’Argent des autres. Molière est resté dans notre imaginaire culturel mais qui se souvient encore de l’Argent des autres ? Une seule femme a pu tenir dans ses bras la fameuse statuette pour la réalisation, Tonie Marshall en 2000 pour Vénus Beauté (Institut), un film qui semble porter sur des questions de femmes ! Roman Polanski l’avait déjà obtenu quatre fois (en 1980, 2003, 2011 et 2014). J’accuse avait déjà tout eu : un battage médiatique exceptionnel, un succès dans les salles. Ce prix du réalisateur, attribué pour la cinquième fois, a servi à rappeler aux femmes leur place dans le milieu du cinéma comme dans la société : elles sont le deuxième sexe et destinées à le rester, ce qui autorise tous les abus de pouvoir, et bien évidemment les faveurs sexuelles pour ceux qui détiennent un pouvoir qui est aussi symbolique. Non seulement les violences faites aux femmes ne doivent pas compter mais les femmes qui sont dans le milieu du cinéma ont intérêt à ne pas sortir des places que l’on a définies pour elles : rester dans l’ombre des hommes quitte à les faire rêver.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/03/02/cesars-2020-ce-que-veut-dire-quitter-la-salle_1780305

    • Dommage, pas un mot sur #Aissa_Maiga qui va prendre cher. #Nadine_Morano lui a déjà dit de rentrer en Afrique si elle n’était pas contente...

      Aux César 2020, Aïssa Maïga livre un plaidoyer pour plus de diversité au cinéma
      Huffington Post, le 28 février 2020
      https://www.huffingtonpost.fr/entry/aissa-maiga-plaidoyer-cesar-2020-diversite_fr_5e598d41c5b6450a30be6f7

      On a survécu au whitewashing, au blackface, aux tonnes de rôles de dealers, de femmes de ménages à l’accent bwana, on a survécu aux rôles de terroristes, à tous les rôles de filles hypersexualisées... Et en fait, on voudrait vous dire, on ne va pas laisser le cinéma français tranquille.

      César 2020 : Nadine Morano somme l’actrice Aïssa Maïga de « repartir en Afrique »
      BERTRAND GUAY, La Dépêche, le 2 mars 2020
      https://www.ladepeche.fr/2020/03/02/cesar-2020-nadine-morano-somme-a-aissa-maiga-de-repartir-en-afrique,876904

      #Césars

    • Cinéma français : la nuit du déshonneur
      Camille Polloni et Marine Turchi, Médiapart, le 29 février 2020
      https://seenthis.net/messages/828230

      À Mediapart, Adèle Haenel explique qu’« alors que la cérémonie avait plutôt bien débuté, qu’il se passait quelque chose », avec plusieurs prises de parole fortes « comme Lyna Khoudri [meilleur espoir féminin – ndlr], Aïssa Maïga, l’équipe du film Papicha [de Mounia Meddour, qui traite du combat des femmes en Algérie – ndlr], et le numéro d’équilibriste réussi de Florence Foresti », la soirée s’est ensuite « affaissée dans les remerciements ». « Comme si, cette année, il n’y avait pas autre chose à dire : sur les violences sexuelles, sur le cinéma qui traverse actuellement une crise, sur les violences policières qui s’intensifient, sur l’hôpital public qu’on délite, etc. » « Ils voulaient séparer l’homme de l’artiste, ils séparent aujourd’hui les artistes du monde », résume l’actrice à Mediapart.

      (...)

      Comme quelques autres, l’actrice Aïssa Maïga a quitté la salle après l’annonce de l’attribution du César du meilleur réalisateur à Roman Polanski. « J’étais d’abord un peu clouée sur place. Et puis une minute après, je n’étais pas bien, je suis partie, réagit-elle auprès de Mediapart en sortant. J’ai été terrassée, effrayée, dégoûtée, à titre vraiment personnel, dans mes tripes. J’ai vu la réaction d’Adèle Haenel, très forte, et honnêtement, j’ai pensé à toutes ces femmes. Toutes ces femmes qui voient cet homme plébiscité et je pense, au-delà de ces femmes, à toutes les autres, toutes les personnes victimes de viols, de violences sexuelles. J’imagine quel symbole cela peut revêtir pour elles. Et pour moi l’art n’est pas plus important que tout. L’humain d’abord. »

      L’actrice marque une pause, puis reprend : « Vous savez, c’est comme dans une famille : on croit se connaître un petit peu et puis, parfois, à la faveur d’une extrême révélation, on découvre qui sont les gens, ce qui est important pour eux, et parfois on constate avec un peu d’amertume qu’on n’a pas tout à fait les mêmes valeurs. » « Ce n’est pas grave, il faut le savoir et pouvoir avancer avec ça. Et moi, là, j’ai envie d’aller rejoindre les manifestantes dehors, c’est tout. J’aime beaucoup le cinéma, les tapis rouges, les films, les cinéastes, j’aime tout ça, mais moi je suis une fille qui n’a pas été éduquée dans l’élite, ni dans un esprit d’élitisme, je me sens une citoyenne comme les autres et là je vais aller les rejoindre », conclut-elle en se dirigeant vers le rassemblement des féministes face à la salle Pleyel. À quelques mètres du tapis rouge, les cris des militantes, parquées derrière les barrières, redoublent : « Polanski violeur, César complices ! » ; « Mais vous n’avez pas honte ? ».

      (...)

      Remettant le César du meilleur espoir féminin, l’actrice Aïssa Maïga, membre du collectif Noire n’est pas mon métier, a elle jeté un pavé dans la marre avec sa longue intervention sur l’invisibilisation des personnes non blanches dans le monde du cinéma.

      « Je peux pas m’empêcher de compter le nombre de Noirs dans la salle, a-t-elle ironisé à la tribune. Je sais qu’on est en France et qu’on n’a pas le droit de compter. C’est douze ce soir, le chiffre magique ? [...] On a survécu au whitewashing, aux blackface, aux tonnes de rôles de dealers, de femmes de ménage à l’accent bwana, aux rôles de terroristes, de filles hypersexualisées... On refuse d’être les bons Noirs. On est une famille, non ? On se dit tout. L’inclusion, elle ne va pas se faire toute seule. Ça ne va pas se faire sans vous. Pensez inclusion. […] Faisons une maison qui soit fière d’inclure toutes les différences. »

      À Mediapart, après la cérémonie, elle relate « l’effroi dans la salle » qu’elle a constaté au moment de sa prise de parole. « Je ne savais pas très bien comment l’interpréter. J’avais l’impression de plonger dans un bain de glaçons, de dire des choses qui pourtant me paraissent assez évidentes et audibles. J’ai eu l’impression que chez certains, il y a une sorte de ras-le-bol, comme si on les gavait avec la question de la diversité, qui n’est autre qu’une question de justice sociale. Et on a une responsabilité qui est énorme. Je ne pense pas que les artistes ou les décideurs ou les techniciens puissent se soustraire à cette question de l’identification du public aux films qu’on fait. Ça me paraît totalement aberrant. » Et la comédienne d’« assumer pleinement » ses propos : « J’avais besoin de dire ce que j’avais à dire. Aucun des mots que j’ai choisis n’était un accident. Je me sens aussi portée par une lame de fond. »

    • « À propos de l’impunité des artistes criminels, réflexions autour du cas de Roman Polanski en France. »
      https://lisefeeministe.wordpress.com/2020/02/15/a-propos-de-limpunite-des-artistes-criminels-reflexions-au
      source : #Christine_Delphy
      https://christinedelphy.wordpress.com/2020/03/02/lise-bouvet-a-propos-de-limpunite-des-artistes-criminels-
      je l’ai pas encore lu mais comme je suis abonné au blog de Delphy, je transmets. Abonné aussi à @tradfem et Seenthis, ça commence à faire beaucoup et j’ai pas que ça à foutre, j’ai aussi ma #tenue_de_soirée à repriser, entre autres !

    • Pour le texte de libé sur la honte l’accroche est mal fichu. j’ai l’impression qu’elle n’a pas été faite par une personne qui n’a pas compris le texte car elle réintroduit de blâme sur la victime en sous entendant que la victime ne peut pas être résistante, ce que le texte ne fait pas.
      #phallosophe #victime_blaming #victimophobie #grand_homme #grands_hommes

      La « honte » exprimée par Adèle Haenel vendredi, lors de la cérémonie, est une expérience morale et politique qui permet de sortir du statut de victime pour construire une résistance collective.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/03/02/cesars-2020-ce-que-veut-dire-quitter-la-salle_1780305

    • Interessant le texte sur le site de C.Delphy

      Patrizia Romito classe en premier lieu ce qu’elle appelle les tactiques d’occultation : euphémisation (notamment dans le langage) des faits, déshumanisation de la victime, culpabilisation de la victime, inversion victime-agresseur, accusation de mensonge (ou d’exagération), psychologisation de l’affaire (réduction à des passions individuelles hors champ d’analyse sociale ou politique), naturalisation des actes (invocation de « pulsions » notamment), tactique de distinction- séparation (relativisation, enfouissement de l’acte criminel dans une masse d’autres considérations futiles).

      En second lieu, P. Romito présente ce qu’elle nomme des stratégies d’occultation : légitimations de la violence, négation des faits, discours pédophile sur la prétendue sexualité consentie des enfants et jeunes adolescentes, disparition de l’agresseur dans le récit journalistique et social, concentration de l’attention médiatique sur les victimes et/ou ce qu’elles auraient fait ou mal fait (dérivation de l’attention qui protège l’agresseur). Ce classement s’applique parfaitement à l’analyse de nos quatre dossiers, même si tous les éléments n’y figurent pas à chaque fois en même temps. Typiquement, il est difficile de remettre en cause la matérialité des faits dans le dossier Marie Trintignant qui a été tuée par Bertrand Cantat ni même dans celui de Samantha Geimer puisque Roman Polanski a plaidé coupable. On montre que les tactiques et les stratégies du « discours agresseur » varient et s’adaptent en fonction des violences dont il est question. Ce discours n’est d’ailleurs pas forcément conscient, il est énoncé par un certain nombre de locuteurs, puis repris, ou non, par les médias. Cependant, nous le verrons, on observe au fur et à mesure des affaires une véritable évolution du discours médiatique et une prise de conscience grandissante par certains journalistes des travers de ce discours, notamment grâce à la mobilisation et aux dénonciations d’acteurs sociaux tels que les associations ou personnalités féministes.

      Malheureusement je n’ai qu’un temps limité ici et je ne pourrai pas parler de tout aujourd’hui, à ce titre je vous renvoie à notre ouvrage. Pour résumer le propos très rapidement je dirais que l’impunité se déploie sur trois niveaux . C’est d’abord celle de tous les agresseurs en France et c’est ce que nous avons découvert dans l’analyse statistique qui a révélé ceci : l’impunité est quasi totale et la justice ne fonctionne quasiment pas. Le deuxième niveau d’impunité c’est celle d’hommes célèbres et puissants qui ont les moyens financiers d’organiser non seulement leurs défenses mais aussi la destruction des plaignantes. Ici encore faute de temps je vous renvoie à notre ouvrage et ma co·autrice qui est juriste en parle beaucoup mieux que moi. C’est du troisième niveau d’impunité dont je vais parler aujourd’hui, qui est celui du différentiel artiste – politique.

      En effet, en analysant a posteriori nos quatre dossiers nous avons réalisé que les plus intouchables des intouchables ce sont les artistes , contrairement aux hommes politiques qui, si ils arrivent à échapper à une condamnation judiciaire, ne peuvent pas esquiver l’opprobre sociale.

      Le papier à été écrit avent l’affaire Matzneff, et l’affaire Adèle Haenel, il manque donc l’info que l’artiste est protégé selon son degrès de notoriété, car si Polansky, Cantat, Besson et tant d’autres trouvent toujours des soutiens, c’est pas le cas pour les « has been » qui servent de cache-sexe aux complices des violeurs par exemple Matzneff, Ruggia, Brisseau ne sont pas autant soutenus car ils sont moins connus ou moins puissants que leur victimes.

      –----
      Question du « génie » de l’artiste, statut qui le place au niveau du divin, du surnaturel =

      Dans un essai passionnant (1), De l’humanisation de la création divine à la divinisation de la création humaine, l’historienne de l’art Lucile Roche analyse avec brio ce thème du dieu-artiste dans la théorie esthétique moderne Occidentale. Elle écrit : « C’est alors dans son éloignement du modèle divin au profit d’un recentrement de l’artiste, soumis au seul caprice de ses vues et exigences téléologiques, focalisé sur ses propres aptitudes créatrices – l’originalité, l’imagination – que se referme l’analogie Artiste-Dieu et Dieu-Artiste. Source inépuisable d’une créativité dont il est l’unique source, l’artiste romantique relève du divin (avec lequel il partage le ex-nihilo) sans pour autant s’y soumettre. Dans son humanité, l’artiste est alors, paradoxalement, divinisé ». Tout est dit : les jusqu’au-boutistes dans la défense d’auteurs tels que Polanski sont pris dans une représentation sociale surannée qui porte une vision profondément romantique de l’artiste, que l’on illustrera par cette phrase de Victor Hugo : « L’art est à l’homme ce que la nature est à Dieu ». Si ces hommes sont au niveau des dieux alors ils échappent à la justice des hommes, voilà l’impensé fondamental des défenseurs de Polanski, et autres artistes criminels, non seulement gardiens de leurs castes sociales et de ses corollaires impunités, mais surtout, selon nous, enlisés dans des conceptions de l’art dépassées, qui sont mises au service de l’impunité.

      La théoricienne de l’art Carole Talon-Hugon (2) dans une récente interview a éclairé ces impensés autour de l’artiste : « Un viol commis par un anonyme et un viol commis par un artiste, c’est à la fois la même chose – parce que le crime est tout autant répréhensible – et pas la même chose. Parce qu’il fait notamment figure d’exemple, l’artiste bénéficie d’un statut particulier dans la société. En tout cas, depuis le XVIIIe siècle. À cette époque-là, on va commencer à considérer l’art comme un domaine à part, totalement distinct, soumis à la seule règle de la beauté et indépendant de la question du bien. Ainsi, pour Diderot, « il y a une morale propre aux artistes qui peut être à rebours de la morale usuelle ». On retrouve cette idée chez Oscar Wilde (XIXe siècle) ou André Breton (XXe siècle). L’artiste devient alors une individualité sauvage et singulière, en rupture, en opposition et totalement indépendante de la morale ordinaire. Cette image-là, construite sur plus de 200 ans, nous empêche de regarder la réalité de ces agressions en face. »

      C’est ici que, selon nous, le roi apparait nu : en contradiction profonde avec nos valeurs démocratiques, les artistes sont devenus la nouvelle aristocratie au-dessus des lois. Non seulement, en consacrant les uns au détriment des autres on abdique la communauté des citoyens et l’on dit qu’il y a des valeurs supérieures à la vie humaine, mais en outre, l’on comprend désormais la thèse sous jacente des « amis de Polanski » qui est que le talent exceptionnel de cet homme devrait pouvoir se transcrire dans un statut politique dérogatoire exceptionnel. On fera remarquer avec ironie que ces gens là se réclament souvent de gauche, alors qu’ils portent la vision féodale d’une société où le talent et le statut des uns leur accorderait des droits particuliers sur les autres, et leur corps, a fortiori des personnes mineures. Position d’autant plus fragile quand on a compris que les demandes d’exceptionnalité de traitement pour le cinéaste Roman Polanski ne reposent finalement que sur des conceptions discutées comme discutables de théories de l’art. Et après tout, les amis de Polanski ont bien le droit de s’attacher à une théorie particulière que nous ne partageons pas. Ce qui est en revanche indiscutable, c’est que nous vivons dans un régime politique où les artistes, aussi doués soient-ils, sont des citoyens et des justiciables comme les autres.
      ...
      L’impunité de ces hommes repose en grande partie sur une conception non seulement de l’artiste démiurge, mais d’un public passif et docile dans sa réception d’une œuvre vue comme sacrée, et, comme par hasard ces qualités recouvrent les valeurs traditionnellement associées au masculin et au féminin… On voit là qu’on se trouve en plein dans une pensée religieuse et réactionnaire, paradoxalement portée par des « gens de gauche » .

      La dernière phrase fait écho à ta remarque sur la religiosité de tout ca @sombre

      #talent #génie #surhomme #caste #privilège #démiurge #virilité #mâle-alphisme #mérite #star #lumière

      Le comble selon nous est que par exemple, China Town est une oeuvre remarquable sur l’inceste et le viol… Peut-être que nous effleurons ici la plus grande injustice sociale et le plus grand privilège masculin : ces hommes, non seulement violent en toute impunité, mais ensuite, de ces viols, font des chefs-d’oeuvre, acclamés, primés et applaudis. Et, à jamais c’est le chef-d’oeuvre du violeur qui restera gravé dans l’histoire de l’art, alors que, poussière, la vie dévastée des victimes retournera à la poussière. Ceci nous amène à un point important à propos des films de ces réalisateurs notamment pédocriminels. Parmi les injonctions dont on nous accable, il y a l’interdiction corollaire de ne pas juger les films de l’homme, qu’on nous conjure de ne pas condamner (particulièrement en France comme l’a dénoncé le critique de cinéma Paul Rigouste (6). Or la critique de genre, c.a.d en terme d’analyse de rapports sociaux de sexe, s’est développée comme champ théorique universitaire autonome depuis bien longtemps, y compris en France grâce aux travaux de Geneviève Sellier, et bien entendu ce qui chagrine nos fans, qui sont dans la dévotion, c’est que l’on puisse mener une critique cinématographique impertinente des œuvres de ces hommes. Par exemple, un visionnage attentif des films de Woody Allen permet de repérer son obsession pédophile pour les très jeunes filles, de même qu’il me semble que Polanski affronte sans détour dans son œuvre des problématiques très personnelles de crimes et culpabilités, et ce, de manière quasi systématique. Par définition, le travail de la pensée et de l’analyse ne peut être limité, la critique doit adresser l’ensemble de l’oeuvre et il semble aussi invraisemblable que contre productif de limiter le champ des études cinématographiques par des interdictions sous peine de « lèse génie ». Il faut dénoncer cette double injonction sur laquelle repose la défense de ces criminels : non seulement l’institution judiciaire n’aurait pas son mot à dire sous prétexte qu’ils sont des artistes, mais leurs œuvres elles-mêmes seraient comme immunisées de toute lecture en lien avec leurs crimes , lecture qui pourtant me semble très intéressante d’un point de vue de théorie de l’art. Nous avons là l’occasion inouïe d’analyser des œuvres de criminels qui précisément n’hésitent pas à créer à partir de leur propre criminalité, donc au nom de quoi se priver de ces recherches ? On voit là qu’on doit aller frontalement à contre sens de l’opinion commune : Non seulement on ne peut pas séparer l’homme de l’artiste comme on vient de le voir, mais il est spécifiquement ici pertinent de rattacher l’artiste à ses crimes afin d’étudier son œuvre à partir de son activité criminelle, sans pour autant l’y réduire bien entendu.

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      Enfin, un aspect qui me semble également important et à prendre en compte dans l’analyse de ces discours de défense des cinéastes criminels, c’est le phénomène de la fascination du grand public pour ces agresseurs. Fascination dont ils jouent pour faire valoir leur défense, qui bien entendu ne peut que bénéficier de sentiments confus, qu’il faut déconstruire.

      Dans La Photographie, le théoricien de l’art André Rouillé fait une analyse remarquable de ce qu’est une « star » dans nos sociétés contemporaines. Star en anglais signifie étoile, c’est-à-dire un objet qui brille même dans la nuit, à l’image de cette aura qui repose sur l’exposition médiatique, véritable machine optique d’exposition. Les stars sont des êtres à part, des êtres de lumière, qui scintillent, éclairées en réalité par la machine « people » qui selon nous fonctionne sur une ambivalence fondamentale : ces gens nous sont familiers, ils nous ressemblent mais ils sont différents, ils vivent dans une sphère sociale supérieure qui suscite crainte et respect. Ce jeu de reflets permet des identifications-évasions, des phénomènes confusants mais gratifiants, et surtout, profondément duels. Le public est saisi dans des positions contradictoires : entre l’admiration et la dévotion pour ces stars mais aussi le sentiment d’injustice que leur inspire le fait que contrairement à lui, elles échappent à un système judiciaire qui frappe plus durement les modestes et les anonymes. De plus, comme le note la philosophe Michela Marzano, les hommes et les femmes ne sont pas affectés de la même façon dans ce phénomène : dans un contexte patriarcal les hommes sont tentés de s’identifier aux accusés célèbres et puissants, quand les femmes sont piégées dans plusieurs conflits d’allégeance.

      ...

      La chercheuse Judith Herman nous met en garde que « C’est très tentant de prendre le parti de l’agresseur. La seule chose qu’il demande au témoin est de ne rien faire. Il en appelle à notre désir universel de rester neutre et ne pas condamner. La victime au contraire nous demande de prendre part à sa douleur. La victime nous demande d’agir, de nous engager et de nous rappeler pour elle. »

      On l’observe en chacun de nous dans ces cas précis : il existe un conflit entre le citoyen et le spectateur. Le citoyen condamne les crimes de l’artiste mais le spectateur veut continuer à jouir de l’oeuvre de l’artiste criminel. Parce que nous avons aimé ces œuvres, parce qu’elles font partie de notre vie désormais, de notre culture. Parce que l’oeuvre d’art est considérée comme unique et qu’on voue un quasi culte à son auteur, parce que les créateurs sont les nouveaux dieux de notre société sécularisée. Cette résistance autour de l’artiste tient selon nous à une imprégnation puissante d’un télescopage de conceptions de l’art des siècles derniers et de mythes néolibéraux ultra contemporains ; l’artiste incarnant dans notre mythologie capitaliste, à la fois l’individu exceptionnel, la liberté, la transgression, l’exception morale et une forme de sacré archaïque.

      #art #artiste

    • « Les César 2020 consacrent l’extraordinaire impunité de Roman Polanski »

      « À ce jour, le cinéaste Roman Polanski est accusé de viols et d’agressions sexuelles par 12 femmes, notamment alors qu’elles étaient mineures. Le réalisateur a reconnu avoir drogué puis violé l’une d’entre elles, une jeune fille âgée de 13 ans en Californie, puis a fui la justice.

      Il a ensuite tourné librement de nombreux films, reçu tous les grands honneurs et récompenses de sa profession, ainsi que le soutien de la quasi-totalité de l’establishment, pouvoirs publics compris, au point qu’il a obtenu les financements pour tourner en 2019 un film sur le capitaine Dreyfus, dont il prétend – par un renversement qui laisse pantois – que leurs destins sont similaires. Ce film a obtenu 12 nominations aux César, c’est-à-dire autant que le nombre de femmes accusant le réalisateur de « J’accuse ».

      publié par l’Express le 28/02/2020, en intégralité sur le blog de Lise’s B.
      https://lisefeeministe.wordpress.com/2020/03/02/les-cesar-2020-consacrent-lextraordinaire-impunite-de-roma

      « L’impunité repose sur une conception de l’artiste démiurge et d’un public passif », estiment Yael Mellul et Lise Bouvet , coautrices de Intouchables ? People, Justice et impunité, ouvrage dédié notamment aux affaires Polanski, Cantat, DSK et Tron.

      Juriste et ex-avocate, Yael Mellul est coordinatrice juridique du pôle d’aide aux victimes de violences du centre Monceau. Politiste et philosophe de formation, Lise Bouvet est traductrice de textes féministes anglophones et autrice.

    • Je recommande ce texte qui pointe certains défauts du texte de Despentes en particulier le féminisme blanc mais ne parle pas de l’aspect misogyne de l’idéologie trans et proxénète qui s’y est glissé. https://seenthis.net/messages/828705

      Sur le texte de Lise B pointé par @vanderling

      « Les amis de Polanski » nous disent, entre autres, qu’il n’est pas un justiciable ordinaire car c’est un auteur accompli, un grand artiste, créateur d’une œuvre sublime. On peut tout d’abord relever un lien logique suspect entre son talent (qui est indéniable) et le rapport de ce dernier avec la justice criminelle. A écouter ces gens-là, ce talent aurait pour conséquence qu’il serait hors de question de porter un quelconque jugement sur sa consécration ni qu’il perde une journée de plus de sa vie en prison. Mais qui décide de cette utilité sociale extra-ordinaire ?

      Prenons un exemple particulièrement saillant en ce moment : en plein mois de février, quand nous avons froid et que notre chaudière tombe en panne, qui peut se passer d’un bon plombier-chauffagiste ? Nous serions sûrement très fâchées que notre excellent chauffagiste, lui aussi nommé Roman Polanski, aille en prison pour le viol d’une jeune fille de 13 ans précisément en plein hiver, mais la loi est ainsi faite en démocratie que même les professionnels exceptionnels et indispensables sont comme tous les autres citoyens, passibles des mêmes peines pour les mêmes crimes.

      Personne ne parle du talent perdu de ces 12 victimes de Polanski. Si Polanski avait été arrêté pour les 12 viols qu’il a commis, ces films n’auraient pas été fait et on ne s’en serait pas plus mal sorti. Mais le talent (qui est indéniable) de Polanski c’est un talent qui compte car on ne dénie pas le talent des phallopores qu’ils soient cis ou femmes-trans. Le talent qui ne compte pas c’est celui des femmes cis et des hommes-trans, car personne ne parle du talent perdu de ces 12 femmes (et peut être plus) qui s’est peut être perdu à cause de Polanski. Ca me fait pensé à la sœur de Sheakspear dont parle Virginia Woolf. Qui pleur le talent perdu de toutes ces filles et femmes que les hommes détruisent à coup de bite ? Combien de génie au féminin avons nous perdus à cause des violences masculines ? aucune en fait car contrairement au talent de Polanski qui est INDENIABLE, le talent des femmes cis et des hommes-trans est toujours DENIABLE. Les Césars l’ont montré très clairement à Adèle Haenel et à Sciamma et illes le montrent jours après jours aux femmes d’Alice Guy à aujourd’hui.

      Il y a aussi cet exemple du talent du plombier chauffagiste ou du boulanger qui serait non reconnu au pretexte qu’il violerait. Ca me fait pensé que pour le talent d’une boulangère ou d’une plombière-chauffagiste on ne se pose même pas la question. Elle n’aura pas besoin de commetre des crimes pour se voire dénier son talent, il suffit qu’elle ne sois pas belle, qu’elle ne sois pas mère, qu’elle ne sois pas douce, et son « talent » de boulangère-plombière,chauffagiste ne vaudra pas tripette.
      #déni #talent

    • « Seul le bras de Lambert Wilson fait de la résistance, seul ce bras sait s’il tremble de peur ou de colère, ou des deux ».
      https://www.arretsurimages.net/chroniques/le-matinaute/et-le-bras-du-general-trembla

      Un bras tremble, ce matin, sur mon Twitter. C’est pourtant un bras ferme, un bras qui ne devrait pas trembler, le bras du général. Du général ? De Gaulle, bien entendu. Ou plutôt, le bras de Lambert Wilson, qui incarne le général dans un film du moment. Le général de 40, celui de l’Appel, dont le bras, justement, n’a pas tremblé. Et pourtant ce bras tremble, alors que sa partenaire Isabelle Carré (Yvonne de Gaulle dans le film) vient de prendre la parole, pour répondre à une question sur Polanski...

    • « Général de Gaulle, tu es notre idooole,
      A toi nos cœurs, nos braaas,
      Général de Gooaaal..! »
      J’ai entendu, l’autre matin à la radio, Lambert Wilson s’étonner de qui étaient ces gens ?

      « Je suis très en colère, c’est n’importe quoi ! Si on estime qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans le fait que Polanski ait des nominations, alors on ne vient pas ! Oser évoquer un metteur en scène en ces termes… Parler d’Atchoum, montrer une taille… Et en plus, qu’est-ce qu’on va retenir de la vie de ces gens par rapport à l’énormité du mythe de Polanski ? Qui sont ces gens ? Ils sont minuscules. »

      Qui sont ces gens sur le plateau de #CàVous ? Qui est Lambert Wilson ? Qui est Atchoum ? Qui a engrossé blanche-neige ?


      Fluide Glacial n°515 (avril 2019)avec une couverture de Relom qui signe son retour dans le magazine avec une #BD de 7 pages " Petit avec des grandes oreilles " qui vaut bien le meilleur des Polanski !
      #Lambert_Wilson #2_mètres_de_connerie_avec_des_grandes_oreilles

    • Oui, c’est vrai, Despentes mélange tout. Oui, elle aligne dans la même colère les abus sexuels, la domination économico-politique (le 49.3) et la répression policière. Oui, elle superpose le manifestant qui défend sa future retraite dans la ligne de mire du LBD du policier de Macron, et la fillette de 13 ans sodomisée par Polanski. En apparence, c’est vrai, un esprit rationnel devrait s’efforcer de distinguer les situations. Ce qui les rapproche pourtant, s’appelle la domination. Sans guillemets. Et ce qui atteste le mieux de cette domination, c’est l’impunité. Le manifestant et la fillette, livrés à plus puissant qu’eux, savent que la justice ne leur sera jamais rendue. Qu’il y aura toujours des avocats retors, des arrangements financiers, une machine à enterrer les enquêtes nommée IGPN, pour que justice ne leur soit pas rendue. Et que le reste est littérature.

      Celà s’appelle, une analyse systémique. C’est grossier, c’est simpliste, ça ne fait pas le détail, désolé. Il y a bien entendu toujours des contre-exemples. Il y a des miracles. Il y a des puissants punis. Il y a de sublimes résiliences. Il y a des trèfles à quatre feuilles. Il y a des coincées moches qui deviennent des reines des chaînes d’info. Vu à l’échelle de l’individu, c’est d’ailleurs toujours plus compliqué, et il y a dans chaque individu du dominant et du dominé (Polony est femme ET bourgeoise reine des medias). C’est d’ailleurs cette complexité, qui fait le bonheur de la littérature, et le sel de la vie. Mais l’illusion proclamée que ces contre-exemples invalident les lois économico-sociales classe simplement Polony à droite (ce n’est pas moi qui le dis, c’est un certain Deleuze). Ce qui d’ailleurs n’est pas infâmant. Il faut bien une droite, pour que la gauche se souvienne pourquoi elle est la gauche.

      https://www.arretsurimages.net/chroniques/le-matinaute/natacha-polony-reine-des-medias-ex-coincee

    • Vu à l’échelle de l’individu, c’est d’ailleurs toujours plus compliqué, et il y a dans chaque individu du dominant et du dominé (Polony est femme ET bourgeoise reine des medias).

      L’ndividu « résilient » est l’arbre qui cache la forêt de la misère absolue.

    • Virginie Despentes responds to the Césars and Roman Polański
      by: Virginie Despentes translated by Lauren Elkin , March 2, 2020
      https://maifeminism.com

      I’m going to begin like this: don’t worry. O you great and powerful leaders, you lot who are in charge: it hurts. No matter how well we know you, no matter how many times we’ve taken your power on the chin, it always hurts. All weekend we’ve listened to you whinging and whining, complaining that you’ve had to resort to passing your laws by decree instead of by vote [à coups de 49.3] and that we haven’t let you celebrate Polański in peace, and that we’re ruining the party, but behind your moans, don’t worry—we can hear your pleasure at being the big bosses, the big shots, and the message comes through loud and clear: you don’t plan to let this idea of consent take hold. Where would be the fun in being in charge if you always had to ask permission from the people you rule over? And I am certainly not alone in wanting to scream with rage and impotence ever since your magnificent show of force, certainly not the only one to feel defiled after the spectacle.

      It is not at all surprising that the César Academy would award Roman Polański the prize for best director in 2020. It’s grotesque, it’s insulting, it’s vile, but it’s not surprising. When you award 25 million euros to a guy to make a TV film, the message is in the budget. If the fight against anti-Semitism interested French cinema, we’d know it by now. However, the voice of the oppressed who seize the change to tell their story, we can understand how that might bore you. So when you heard people talking about the subtle comparison between a filmmaker being heckled by a hundred feminists in front of three movie theatres and Dreyfus, a victim of French anti-Semitism at the turn of the last century, you jumped on board. 25 million euros to make this comparison. Amazing. We ought to acknowledge the investors, because to pull together that kind of budget, everyone had to be in on the game: Gaumont Distribution, the CNC, France 2, France 3, OCS, Canal +, RAI… everyone reached into their pockets, and deeply, for once. You closed ranks, you defended one of your own. The strongest defend their rights: it’s part of your elegance, rape is even the foundation of your very style. The law protects you, the courtroom is your domain, the media belongs to you. And that’s exactly what a major fortune is there for: to control the bodies of those who have been declared subaltern. Bodies that clam up, that don’t tell stories from their point of view. The time has come for the richest to hear this message: the respect we owe them will from now on extend to their dicks, stained with the blood and the faeces of the children they’ve raped. Whether at the Assemblée Nationale or in the culture—enough hiding, enough pretending not to be upset. You require entire and constant respect, whether we’re talking about rape, the brutality of your police, the Césars, your retirement reform. That is your politics: that victims remain silent. It comes with the territory, and if you have to get the message to us through terror you don’t see what the problem is. Your sick pleasure, above all. And the only people you tolerate around you are the most docile of lackeys. There is nothing surprising in the fact that you’ve thus sanctified Polański: it’s always money we’re celebrating; in these ceremonies we don’t give a shit about the cinema. Or the audience. It’s the striking capability of your own monetary power that you are worshipping. It’s the massive budget you’ve given him as a sign of support that you were saluting—and through him, your own power that must be respected.

      It would be pointless and inappropriate, in a comment on this ceremony, to separate the bodies of cis men from those of cis women. I don’t see any difference of behaviour. It is understood that these major prizes continue to be the exclusive domain of men, because the underlying message is: nothing must change. Things are very good as they are. When [the comedian and mistress of ceremonies Florence] Foresti left the awards and declared herself ‘disgusted’, she didn’t do it as a woman—she did it as an individual who was taking the risk of turning the profession against her. And she did it as an individual who is not entirely at the mercy of the film industry, because she knows you don’t have the power to deprive her of an audience. She was the only one who dared make a joke about the elephant in the room; everyone else avoided mentioning it. Not a word about Polański, not a word about Adèle Haenel. We all dine together, in this milieu; we all know how it goes. For months you have had your panties in a twist that part of the public is being listened to, and for months you have suffered because Adèle Haenel has spoken up about her experience as a child actress, from her own point of view.

      So all the bodies in that room that evening had been gathered together with one end in mind: to validate the absolute power of the men in charge. And the men in charge love rapists. That is, those who are like them, who are powerful. They don’t love them in spite of the rapes, because they have talent. They find them talented and stylish because they are rapists. They love them for that. For the courage they have to acknowledge the sickness of their pleasure, their idiotic and systematic drive to destroy the other, the destruction, in truth, of everything they touch. Your pleasure dwells in preying, that is your only understanding of style. You know very well what you are doing when you defend Polański: you demand to be admired even in your delinquency. It is this demand which results in everyone at the ceremony being subject to a law of silence. They blame political correctness and social media, as if this code of silence were something recent, the fault of the feminists, but it’s gone on like this for decades. During French cinematic ceremonies, you never joke about the bosses’ sensitivities. So everyone shuts up, everyone smiles. If the child rapist were the bin man there would be no mercy—police, prison, thunderous proclamations, victim defence and general condemnation. But if the rapist is a powerful man: respect and solidarity. Don’t speak in public of what goes on doing castings or pre-production or during filming or promotion. It’s well-known. The law of silence prevails. Respect for this advice is how you choose whom to hire.

      And although we’ve known this for years, the truth is we’re always surprised by the overconfidence of power. That’s what’s so amazing, in the end—it’s that you get away with your dirty tricks every time. Every time, it’s humiliating to see the participants take their place on stage, whether it’s to announce or to receive a prize. We see ourselves in them—not only me because I’m an insider, but anyone watching the ceremony. We identify with them and are humiliated by proxy. So much silence, so much submission, so much pressing into servitude. We recognise ourselves. We want to die. Because at the end of the night, we know that we are all the employees of this whole heap of shit. We are humiliated by proxy when we see them keep quiet even though they know that Portrait of a Lady on Fire won’t receive a single one of those big prizes at the end, and only because Adèle Haenel spoke up and because somehow they have to make the victims understand that though they might want to tell their stories, they would do well to think twice before breaking the vow of silence. Humiliated by proxy that you dared to nominate two female directors who have never received and probably never will receive the prize for best director so that you can give it to Roman fucking Polański. Himself. [Both words in English in the original] In your face! You are, decidedly, ashamed of nothing. 25 million, that’s more than fourteen times the budget of Les Misérables [dir. Ladj Ly, which won best film], and the guy can’t even claim his film was one of the five most-seen films of the year. And you reward him. And you know very well what you’re doing—that the humiliation experienced by an entire segment of the population who got your message loud and clear will spill over into the following prize, the one you gave to Les Misérables, when you bring onto the stage the most vulnerable bodies in the room, the ones which we know risk their lives at the slightest police inspection, and if there are no girls among them at least we see they are intelligent and can tell there is a direct link between the impunity of the famous director that night and the situation in the neighbourhood where they live. The female directors who awarded the prize of your impunity, the directors whose awards are stained with your dishonour— same struggle. They each are aware that as employees of the film industry, if they want to work tomorrow, they have to shut up. No joke. That’s the spectacle of the Césars. And what timing—three months of strikes to protest reforms to the retirement system that we don’t want, which you passed by force. The same message conveyed to the people at the same time: ‘Shut up, keep your mouths shut, shove your consent up your ass, and smile when you pass me in the street because I am powerful, because I have all the money, because I am the boss.’

      So when Adèle Haenel got up, it was a sacrilege on the move [en marche, a nice dig at Macron’s political party]. A repeat offender of an employee, who didn’t force herself to smile when her name was dragged through the mud in public, who didn’t make herself applaud the spectacle of her own humiliation. Adèle got up, as she had already to say look, this is how I see the story of the filmmaker and the adolescent actress, this is how I lived it, how I carry it with me, how it sticks to my skin. Because you can tell us about it any way you like, your idiotic distinction between the man and the artist—all victims of rape know there is no miraculous division between the body that is raped and the body that creates. We carry around what we are and that’s that. Explain to me how I should take advantage of her and then shove a violated girl out the door of my office to get down to work, you bunch of clowns.

      Adèle got up and left. On the 28th of February we didn’t learn much we didn’t already know about the French film industry, but we did learn how to wear an evening gown: like an Amazon [guerrière]. How to walk in high heels: as if we were going to tear the whole building down. How to walk with our heads held high, our necks rigid with anger, and our shoulders bare. The most beautiful image in forty-five years of the ceremony: Adèle Haenel going down the stairs to leave, while you’re all applauding. Now we know how it works, someone who walks out while telling you to fuck off. I would trade 80% of my feminist books for that image. That lesson. Adèle, I don’t know if I’m male gazing you or female gazing you but I keep love gazing you [all in English and as verbs] on my phone for that exit. Your body, your eyes, your back, your voice, all your gestures say it: yes, we are dumb bitches, we are the ones who’ve been humiliated, yes, we only have to shut our mouths and take your blows, you’re the boss, you have the power and the arrogance that goes with it, but we will not remain seated without saying anything. You do not have our respect. We’re getting the hell out. Enjoy your bullshit on your own. Celebrate yourselves, humiliate each other, kill, rape, exploit, smash everything that falls between your hands. We’re getting up and we’re getting out. It’s probably a prophetic image of the days to come. The real difference is not between men and women, but between the dominators and the dominated, between those who intend to suppress the story and impose their decisions and those who are going to get up and get out while complaining, loudly. It’s the only possible response to your politics. When it’s no longer tenable, when it goes too far, we’re going to get up and get out while hurling insults at you. Even if we are your subalterns, even if we take your shitty power on the chin, we despise you. You make us want to vomit. We have no respect for the mockery you make of respectability. Your world is disgusting. Your love of the strongest is sick. Your power is sinister. You are a gruesome bunch of imbeciles. The world you created to reign over the wretched lacks oxygen. We’ve been getting up and we’re getting the hell out. It’s over. We’re getting up. We’re getting out. We’re shouting: Go fuck yourselves.

    • Vendredi dernier, pour la première fois depuis un paquet de temps, les flics ont mis les casques et tiré les lacrymos à un rassemblement féministe ; pour la première fois depuis longtemps, on les a débordés même si c’est rien qu’un peu. Ce soir-là, on s’est senties puissantes ensemble, entre meufs, on a mis nos corps ensemble, pour que de victimes nous nous changions en menace et en vengeance : parce que si certain.es se lèvent et se cassent, nous, de plus en plus nombreuses, on se soulève et on casse.

      https://paris-luttes.info/il-y-a-ceux-qui-se-taisent-il-y-a-13599

      Le jour où les hommes auront peur de se faire lacérer la bite à coups de cutter quand ils serrent une fille de force, ils sauront brusquement mieux contrôler leurs pulsions “masculines”, et comprendre ce que “non” veut dire.

      Virginie Despentes, King Kong Théorie, 2006.

  • François Truffaut – Une Certaine Tendance du Cinéma Français | Genius
    https://genius.com/Francois-truffaut-une-certaine-tendance-du-cinema-francais-annotated

    Paru dans le numéro 31 des Cahiers du Cinéma de janvier 1954, cet article signé d’un jeune homme de 21 ans nommé François Truffaut « aurait signé ainsi l’arrêt de mort d’un certain cinéma hexagonal, la “Qualité française”, et, de la même plume, l’acte de naissance d’un autre, la “Nouvelle Vague” », dixit l’ancien rédac’ chef des Cahiers, Antoine de Baeque, dans le livre Célébrations nationales 2004 édité par le Ministère de la Culture français.

    DIX OU DOUZE FILMS...

    Si le Cinéma Français existe par une centaine de films chaque année, il est bien entendu que dix ou douze seulement méritent de retenir l’attention des critiques et des cinéphiles, l’attention donc de ces Cahiers. Ces dix ou douze films constituent ce que l’on a joliment appelé la Tradition de la Qualité, ils forcent par leur ambition l’admiration de la presse étrangère, défendent deux fois l’an les couleurs de la France à Cannes et à Venise où, depuis 1946, ils raflent assez régulièrement médailles, lions d’or et grands prix. Au début du parlant, le cinéma Français fut l’honnête démarquage du cinéma américain. Sous l’influence de Scarface nous faisions l’amusant Pépé le Moko. puis le scénario Français dut à Prévert le plus clair de son évolution, Quai des brumes de Marcel Carné reste le chef d’oeuvre de l’école dite du réalisme poétique. La guerre et l’après-guerre ont renouvelé notre cinéma. Il a évolué sous l’effet d’une pression interne, et au réalisme poétique - dont on peut dire qu’il mourrut en refermant derrière lui Les portes de la nuit - s’est substitué le réalisme psychologique, illustré par Claude Autant-Lara, Jean Delannoy, René Clément, Yves Allégret et Marcel Pagliero.

    DES FILMS DE SCENARISTES

    Si l’on veut bien se souvenir que Delannoy a tourné naguère Le Bossu et La Part de l’ombre, Claude Autant-Lara Le Plombier amoureux et Lettres d’amour, Yves Allégret La Boîte aux rêves et Les Démons de l’aube, que tous ces films sont justement reconnus comme des entreprises strictement commerciales, on admettra que les réussites ou les échecs de ces cinéastes étant fonction des scénarios qu’ils choisissent, La Symphonie pastorale, Le Diable au corps, Jeux interdits, Manèges, Un homme marche dans la ville sont essentiellement des films de scénaristes. Et puis l’indiscutable évolution du cinéma français n’est-elle pas due essentiellement au renouvellement des scénaristes et des sujets, à l’audace prise vis-à-vis des chefs-d’oeuvre, à la confiance, enfin, faite au public d’être sensible à des sujets généralement qualifiés de difficiles ? C’est pourquoi il ne sera question ici que des scénaristes, ceux qui, précisément, sont à l’origine du réalisme psychologique au sein de la Tradition de la Qualité : Jean Aurenche et Pierre Bost, Jacques Sigurd, Henri Jeanson (nouvelle manière), Robert Scipion, Roland Laudenbach, etc...

    NUL N’IGNORE PLUS AUJOURD’HUI...

    Après avoir tâté de la mise en scène en tournant deux courts métrages oubliés, Jean Aurenche s’est spécialisé dans l’adaptation. En 1936 il signait, avec Anouilh, les dialogues de Vous n’avez rien à déclarer et Les Dégourdis de la 11e. Dans le même temps Pierre Bost publiait à la N.R.F. d’excellents petits romans. Aurenche et Bost firent équipe pour la première fois en adaptant et dialoguant "Douce", que mit en scène Claude Autant-Lara. Nul n’ignore plus aujourd’hui qu’Aurenche et Bost ont réhabilié l’adaptation en bouleversant l’idée que l’on en avait, et qu’au vieux préjugé du respect à la lettre ils ont substitué, dit-on, celui contraire du respect à l’esprit, au point qu’on en vienne à écrire cet audacieux aphorisme : "Une adaptation honnête est une trahison" (Carlo Rim, "Travelling et Sex-appeal").

    DE L’EQUIVALENCE..

    De l’adaptation telle qu’Aurenche et Bost la pratiquent, le procédé dit de l’équivalence est la pierre de touche. Ce procédé suppose qu’il existe dans le roman adapté des scènes tournables et intournables et qu’au lieu de supprimer ces dernières (comme on le faisait naguère) il faut inventer des scènes équivalentes, c’est-à-dire telles que l’auteur du roman les eût écrites pour le cinéma. "Inventer sans trahir", tel est le mot d’ordre qu’aiment à citer Jean Aurenche et Bost, oubliant que l’on peut aussi trahir par omission. Le système d’Aurenche et Bost est si séduisant dans le l’énoncé même de son principe, que nul n’a jamais songé à en vérifier d’assez près le fonctionnement. C’est un peu ce que je me propose de faire ici. Toute la réputation d’Aurenche et Bost est établie sur deux points précis :
    1) La fidélité à l’esprit des oeuvres qu’ils adaptent ;
    2) Le talent qu’ils y mettent.

    CETTE FAMEUSE FIDELITE...

    Depuis 1943 Aurenche et Bost ont adapté et dialogué ensemble : "DOUCE" de Michel Davet. "LA SYMPHONIE PASTORALE" de Gide, "LE DIABLE AU CORPS" de Radiguet, "UN RECTEUR A L’ILE DE SEIN" (DIEU A BESOIN DES HOMMES) de Queffelec, "LES JEUX INCONNUS" (JEUX INTERDITS) de François Boyer, "LE BLE EN HERBE" de Colette. De plus ils ont écrit une adaptation du "JOURNAL D’UN CURE DE CAMPAGNE" qui n’a jamais été tournée, un scénario sur "JEANNE D’ARC" dont une partie seulement vient d’être réalisée (par Jean Delannoy) et enfin scénario et dialogues de L’AUBERGE ROUGE (mis en scène par Claude Autant-Lara). On aura remarqué la profonde diversité d’inspiration des oeuvres et des auteurs adaptés. Pour accomplir ce tour de force qui consiste à rester fidèle à ,l’esprit de Michel Davet, Gide, Radiguet, Queffelec, François Boyer, Colette et Bernanos, il faut posséder soi-même, j’imagine, une souplesse d’esprit, une personnalité démultipliée peu communes ainsi qu’un singulier éclectisme.
    Il faut aussi considérer qu’Aurenche et Bost sont amenés à collaborer avec les metteurs en scène les plus divers ; Jean Delannoy, par exemple, se conçoit volontiers comme un moraliste mystique. Mais la menue bassesse du GARCON SAUVAGE, la mesquinerie de LA MINUTE DE VERITE, l’insignifiance de LA ROUTE NAPOLEON montrent assez bien l’intermittence de cette vocation. Claude Autant Lara, au contraire, est bien connu pour son non-conformisme, ses idées "avancées", son farouche anti-cléricalisme ; reconnaissons à ce cinéaste le mérite de rester toujours, dans ses films, honnête avec lui-même. Pierre Bost étant le technicien du tandem, c’est à Jean Aurenche que semble revenir la part spirituelle de la commune besogne.
    Elevé chez les jésuites, Jean Aurenche en a gardé tout à la fois la nostalgie et la révolte. S’il a flirté avec le surréalisme, il semble avoir sympathisé avec les groupes anarchistes des années trente. C’est dire combien sa personnalité est forte, combien aussi elle paraît incompatible avec celles de Gide, Bernanos, Queffelec, Radiguet. Mais l’examen des oeuvres nous renseignera sans doute davantage.
    L’Abbé Amédée Ayffre a su très bien analyser LA SYMPHONIE PASTORALE et définir les rapports de l’oeuvre écrite à l’oeuvre filmée : "Réduction de la foi à la psychologie religieuse chez Gide, réduction maintenant de celle-ci à la psychologie tout court... A cet abaissement qualitatif va correspondre maintenant, selon une loi bien connue des esthéticiens, une augmentation quantitative. On va ajouter de nouveaux personnages : Piette et Casteran, chargés de représenter certains sentiments. La tragédie devient drame, mélodrame."
    Ce qui me gêne dans ce fameux procédé de l’équivalence c’est que je ne suis pas certain du tout qu’un roman comporte des scènes intournables, moins certain encore que les scènes décrétées intournables le soient pour tout le monde. Louant Robert Bresson de sa fidélité à Bernanos, André Bazin terminait son excellent article : La stylistique de Robert Bresson, par ces mots : "Après le journal d’un curé de campagne, Aurenche et Bost ne sont plus que les Viollet-Leduc de l’adaptation."
    Tous ceux qui admirent et connaissent bien le film de Bresson se souviennent de l’admirable scène du confessionnal où le visage de Chantal "a commencé d’apparaître peu à peu, par degré" (Bernanos). Lorsque, plusieurs années avant Bresson, Jean Aurenche écrivit une adaptation du "journal", refusée par Bernanos, il jugea intournable cette scène et lui substitua celle que nous reproduisons ici.
    "-Voulez-vous que je vous entende ici ? (il désigne le confessionnal).
    –Je ne me confesse jamais.
    –Pourtant, vous vous êtes bien confessé hier puisque vous avez communié ce matin ?
    –Je n’ai pas communié. Il la regarde, très surpris.
    –Pardonnez-moi, je vous ai donné la communion. Chantal s’écarte rapidement vers le prie-Dieu qu’elle occupait le matin.
    –Venez voir. Le curé la suit. Chantal lui désigne le livre de messe qu’elle y a laissé.
    –Regardez dans ce livre, Monsieur. Moi, je n’ai peut-être plus le droit d’y toucher. Le curé, très intrigué, ouvre le livre et découvre entre deux pages l’hostie que Chantal y a crachée. Il a un visage stupéfait et bouleversé.
    –J’ai craché l’hostie, dit Chantal.
    –Je vois, dit le curé d’une voix neutre.
    –Vous n’avez jamais vu ça, n’est-ce-pas ? dit Chantal, dure, presque triomphante.
    –Non, jamais, dit le curé très calme en apparence.
    –Est-ce que vous savez ce qu’il faut faire ? Le curé ferme les yeux un court instant. Il réfléchit ou il prie.
    Il dit : -C’est très simple à réparer, Mademoiselle. Mais c’est horrible à commettre. Il se dirige vers l’autel, en portant le livre ouvert. Chantal le suit.
    –Non, ce n’est pas horrible. Ce qui est horrible c’est de recevoir l’hostie en état de péché.
    –Vous étiez donc en état de péché ?
    –Moins que d’autres, mais eux ça leur est égal.
    –Ne jugez pas.
    –Je ne juge pas, je condamne, dit Chantal avec violence.
    –Taisez-vous devant le corps du Christ ! Il s’agenouille devant l’autel, prend l’hostie dans le livre et l’avale."
    Une discussion sur la foi oppose au milieu du livre le curé et un athée obtus nommé Arsène : "Quand on est mort, tout est mort". Cette discussion, dans l’adaptation sur la tombe du même curé, entre Arsène et un autre curé, termine le film. Cette phrase : "Quand on est mort, tout est mort", devait être la dernière réplique du film, celle qui porte, la seule peut-être que retient le public. Bernanos ne disait pas pour conclure : "Quand on est mort, tout est mort", mais : "Qu’est-ce que cela fait, tout est grâce".
    "Inventer sans trahir", dites-vous, il me semble à moi qu’il s’agit là d’assez peu d’invention pour beaucoup de trahison. Un détail encore ou deux. Aurenche et Bost n’ont pu faire Le journal d’un curé de campagne parce que Bernanos était vivant. Robert Bresson a déclaré que, Bernanos vivant, il eut pris avec l’oeuvre plus de liberté. Ainsi l’on gêne Aurenche et Bost parce qu’on est en vie, mais l’on gêne Bresson parce que l’on est mort.

    LE MASQUE ARRACHE...

    De la simple lecture de cet extrait, il ressort :

    1) Un souci d’infidélité à l’esprit comme à la lettre constant et délibéré ;
    2) Un goût très marqué pour la profanation et le blasphème.
    Cette infidélité à l’esprit dégrade aussi bien "Le diable au corps" ce roman d’amour qui devient un film anti-militariste, anti-bourgeois, "La symphonie pastorale" une histoire de pasteur amoureux, Gide devient du Béatrix Beck, "Un Recteur à l’île de Sein" dont on troque le titre contre celui équivoque de Dieu a besoin des hommes, où les îliens nous sont montrés comme les fameux "crétins" du Terre sans fin de Buñuel.
    Quant au goût du blasphème, il se manifeste constamment, de manière plus ou moins insidieuse, selon le sujet, le metteur en scène, voire la vedette.
    Je rappelle pour mémoire la scène du confessionnal de Douce, l’enterrement de Marthe dans Le Diable..., les hosties profanées dans cette adaptation du "Journal d’un curé de campagne" (scène reportée dans Dieu a besoin des hommes), tout le scénario et le personnage de Fernandel dans L’Auberge rouge, la totalité du scénario de Jeux interdits (la bagarre dans le cimetière).

    Tout désignerait donc Aurenche et Bost pour être des auteurs de films franchement anti-cléricaux, mais comme les films de soutanes sont à la mode, nos auteurs ont accepté de se plier à cette mode. Mais comme il convient - pensent-ils - de ne point trahir leurs convictions, le thèse de la profanation et du blasphème, les dialogues à double entente, viennent çà et là prouver aux copains que l’on sait l’art de "rouler le producteur" tout en lui donnant satisfaction, rouler aussi le "grand public" également satisfait.
    Ce procédé mérite assez bien le nom d’alibisme ; il est excusable et son emploi est nécessaire à une époque où il faut sans cesse feindre la bêtise pour oeuvrer intelligemment, mais s’il est de bonne guerre de "rouler le producteur", n’est-il pas quelque peu scandaleux de "re-writer" ainsi Gide, Bernanos, Radiguet ?
    En vérité, Aurenche et Bost travaillent comme tous les scénaristes du monde, comme avant-guerre Spaack ou Natanson. Dans leur esprit, toute histoire comporte les personnages A, B, C, D. A l’intérieur de cette équation, tout s’organise en fonction de critères connus d’eux seuls. Les coucheries s’effectuent selon une symétrie bien concertée, des personnages disparaissent, d’autres sont inventés, le script s’éloigne peu à peu de l’original pour devenir un tout, informe mais brillant, un film nouveau, pas à pas, fait son entrée solennelle dans la Tradition de la Qualité.

    SOIT, ME DIRA-T-ON...

    On me dira : "Admettons qu’Aurenche et Bost soient infidèles, mais nierez-vous aussi leur talent ?" Le talent, certes, n’est pas fonction de la fidélité, mais je ne conçois d’adaptation valable qu’ écrite par un homme de cinéma. Aurenche et Bost sont essentiellement des littérateurs et je leur reprocherai ici de mépriser le cinéma en le sous-estimant. Ils se comportent vis-à-vis du scénario comme l’on croit rééduquer un délinquant en lui trouvant du travail, ils croient toujours avoir "fait le maximum" pour lui en le parant des subtilités, de cette science des nuances qui font le mince mérite des romans modernes. Ce n’est d’ailleurs pas le moindre travers des exégétes de notre art que de croire l’honorer en usant du jargon littéraire. (N’a-t-on pas parlé de Sartre et de Camus pour l’oeuvre de Pagliero, de phénoménologie pour celle d’Allégret ?)

    En vérité, Aurenche et Bost affadissent les oeuvres qu’ils adaptent, car l’évidence va toujours soit dans le sens de la trahison, soit de la timidité. Voici un bref exemple : dans "Le Diable au corps" de Radiguet, François rencontre Marthe sur le quai d’une gare, Marthe sautant, en marche, du train ; dans le film, ils se rencontrent dans l’école transformée en hôpital. Quel est le but de cette équivalence ? Permettre aux scénaristes d’amorcer les éléments anti-militaristes ajoutés à l’oeuvre, de concert avec Claude Autant-Lara. Or il est évident que l’idée de Radiguet était une idée de mise en scène, alors que la scène inventée par Aurenche et Bost est littéraire. On pourrait, croyez-le bien, multiplier les exemples à l’infini.

    IL FAUDRAIT BIEN QU’UN JOUR...

    Les secrets ne se gardent qu’un temps, les recettes se divulguent, les connaissances scientifiques nouvelles font l’objet de communications à l’Académie des Sciences et, puisqu’à en croire Aurenche et Bost, l’adaptation est une science exacte, il faudrait bien qu’un de ces jours ils nous apprissent au nom de quel critère, en vertu de quel système, de quelle géométrie interne et mysterieuse de l’oeuvre, ils retranchent, ajoutent, multiplient, divisent et "rectifient" les chefs-d’oeuvre ? Une fois émise l’idée selon quoi ces équivalences ne sont qu’astuces timides pour contourner la difficulté, résoudre par la bande sonore des problèmes qui concernent l’image, nettoyages par le vide pour n’obtenir plus sur l’écran que cadrages savants, éclairages compliqués, photo léchée, le tout maintenant bien vivace la "tradition de la qualité", il est temps d’en venir à l’examen de l’ensemble des films dialogués et adaptés par Aurenche et Bost et de rechercher la permanence de certains thèses qui expliqueront sans la justifier l’infidélité constante de deux scénaristes aux oeuvres qu’ils prennent pour "prétexte" et "occasion". Résumés en deux lignes, voici comment apparaissent les scénarios traités par Aurenche et Bost :

    La Symphonie pastorale : Il est pasteur, il est marié. Il aime et n’en a pas le droit.
    Le Diable au corps : Ils font les gestes de l’amour et n’en ont pas le droit.
    Dieu a besoin des hommes : Il officie, bénit, donne l’extrême onction, et n’en a pas le droit.
    Jeux interdits : Ils ensevelissent et n’en ont pas le droit.
    Le Blé en herbe : Ils s’aiment et n’en ont pas le droit.
    On me dira que je raconte aussi bien le livre, ce que je ne nie pas. Seulement, je fais remarquer que Gide a écrit aussi : "La Porte étroite", Radiguet : "Le Bal du comte d’Orgel", Colette : "La Vagabonde", et qu’aucun de ces romans n’a tenté Delannoy ou Autant-Lara.
    Remarquons aussi que les scénarios, dont je ne crois pas utile de parler ici, vont dans le sens de ma théorie : Au delà des grilles, Le Château de verre, L’Auberge rouge... On voit l’habileté des promoteurs de la Tradition de la qualité, à ne choisir que des sujets qui se prêtent aux malentendus sur lesquels repose tout le système. Sous le couvert de la littérature - et bien sûr de la qualité - on donne au public sa dose habituelle de noirceur, de non-conformisme, de facile audace.

    L’INFLUENCE D’AURENCHE ET BOST EST IMMENSE...

    Les écrivains qui sont venus au dialogue de films ont observé les mêmes impératifs ; Anouilh, entre les dialogues des Dégourdis de la 11e et Un caprice de Caroline chérie, a introduit dans des films plus ambitieux son univers que baigne une âpreté de bazar, avec en toile de fond les brumes nordiques transposées en Bretagne (Pattes blanches). Un autre écrivain, Jean Ferry, a sacrifié à la mode, lui aussi, et les dialogues de Manon eussent tout aussi bien pu être signés d’Aurenche et Bost : "Il me croit vierge, et dans le civil, il est professeur de psychologie !" Rien de mieux à espérer des jeunes scénaristes. Simplement, ils prennent la relève, se gardant bien de toucher aux tabous. Jacques Sigurd, un des derniers venus au "scénario et dialogue", fait équipe avec Yves Allégret. Ensemble, ils ont doté le cinéma français de quelques uns de ses plus noirs chefs-d’oeuvre : Dédée d’Anvers, Manèges, Une si jolie petite plage, Les Miracles n’ont lieu qu’une fois, La jeune folle. Jacques Sigurd a très vite assimilé la recette, il doit être doué d’un admirable esprit de synthèse car ses scénarios oscillent ingénieusement entre Aurenche et Bost, Prévert et Clouzot, le tout légèrement rajeuni. La religion n’a jamais de part, mais le blasphème fait toujours timidement son entrée grâce à quelques enfants-de-Marie ou quelques bonnes-soeurs qui traversent le champ au moment où leur présence est la plus inattendue (Manèges, Une si jolie petite plage). La cruauté par quoi l’on ambitionne de " remuer les tripes du bourgeois " trouva sa place dans des répliques bien senties du genre : " il était vieux, il pouvait crever " (Manèges). Dans Une si jolie petite plage Jane Marken envie la prospérité de Berck à cause des tuberculeux qui s’y trouvent : leur famille vient les voir et ça fait marcher le commerce ! (On songe à la prière du Recteur de l’Ile de Sein).
    Roland Laudenbach, qui semblerait plus doué que la plupart de ses confrères, a collaboré aux films les plus typiques de cet état d’esprit : La Minute de vérité, Le Bon Dieu sans confession, La Maison du silence. Robert Scipion est un homme de lettres doué ; il n’a écrit qu’un livre : un livre de pastiches ; signes particuliers : la fréquentation quotidienne des cafés de Saint-Germain-des-Prés, l’amitié de Marcel Pagliero que l’on nomme le Sartre du cinéma, probablement parce que ses films ressemblent aux articles des Temps Modernes. Voici quelques répliques des Amants de Brasmort, film populiste dont des mariniers sont les " héros", comme les dockers étaient ceux de Un homme marche dans la ville : " Les femmes des amis c’est fait pour coucher avec. " "Tu fais ce qui te rapporte ; pour ça tu monterais sur n’importe qui, c’est le cas de le dire. "
    Dans une seule bobine du film, vers la fin, on peut entendre en moins de dix minutes les mots de : "grue, putain, salope, et connerie " est-ce cela le réalisme ?

    ON REGRETTE PREVERT...

    A considérer l’uniformité et l’égale vilénie des scénarios d’aujourd’hui, l’on se prend à regretter les scénarios de Prévert. Lui croyait au diable, donc en Dieu, et si la plupart de ses personnages étaient par son seul caprice chargés de tous les péchés de la création, il y avait toujours place pour un couple sur qui, nouveaux Adam et Eve, le film terminé, l’histoire allait se mieux recommencer.

    REALISME PSYCHOLOGIQUE, NI REEL, NI PSYCHOLOGIQUE...

    Il n’y a guère que sept ou huit scénaristes à travailler régulièrement pour le cinéma français. Chacun de ces scénaristes n’a qu’une histoire à raconter et comme chacun n’aspire qu’au succes des "deux grands", il n’est pas exagéré de dire que les cent et quelques films français réalisés chaque année racontent la même histoire : il s’agit toujours d’une victime, en général un cocu. (Ce cocu serait le seul personnage sympathique du film s’il n’était toujours infiniment grotesque : Blier-Vilbert, etc.). La rouerie de ses proches et la haine que se vouent entre eux les membres de sa famille, amène le "héros" à sa perte ; l’injustice de la vie, et, en couleur locale, la méchanceté du monde (les curés, les concierges, les voisins, les passants, les riches, les pauvres, les soldats, etc.).

    Distrayez-vous, pendant les longues soirées d’hiver, en cherchant des titres de films français qui ne s’adaptent pas à ce cadre et, pendant que vous y êtes, trouvez parmi ces films ceux où ne figure pas dans le dialogue cette phrase, ou son équivalent, prononcée par le couple le plus abject du film : "C’est toujours eux qui ont l’argent (ou la chance, ou l’amour, ou le bonheur), ah ! c’est trop injuste à la fin". Cette école qui vise au réalisme le détruit toujours au moment même de le capter enfin, plus soucieuse qu’elle est d’enfermer les êtres dans un monde clos, barricadé par les formules, les jeux de mots, les maximes, que de les laisser se montrer tels qu’ils sont, sous nos yeux. L’artiste ne peut dominer son oeuvre toujours. Il doit être parfois Dieu, parfois sa créature. On connaît cette pièce moderne dont le personnage principal, normalement constitué lorsque sur lui se lève le rideau, se retrouve cul-de-jatte à la fin de la pièce, la perte successive de chacun de ses membres ponctuant les changements d’actes. Curieuse époque où le moindre comédien raté use du mot kafkaïen pour qualifier ses avatars domestiques. Cette forme de cinéma vient tout droit de la littérature moderne, mi-"kafkaïenne", mi-bovaryste ! Il ne se tourne plus un film en France que les auteurs ne croient refaire Madame Bovary. Pour la première fois dans la littérature française, un auteur adoptait par rapport à son sujet l’attitude lointaine, extérieure, le sujet devenant comme l’insecte cerné sous le microscope de l’entomologiste. Mais si, au départ de l’entreprise, Flaubert avait pu dire : "Je les roulerai tous dans la même boue - étant juste" (ce dont les auteurs d’aujourd’hui feraient volontiers leur exergue), il dut déclarer après coup : "Madame Bovary c’est moi" et je doute que les mêmes auteurs puissent reprendre cette phrase et à leur propre compte !

    MISE EN SCENE, METTEUR EN SCENE, TEXTES...

    L’objet de ces notes se limite à l’examen d’une certaine forme de cinéma du seul point de vue des scénarios et des scénaristes. Mais il convient, je pense, de bien préciser que les metteurs en scène sont et se veulent responsables des scénarios et dialogues qu’ils illustrent. Films de scénaristes, écrivais-je plus haut, et ce n’est certes pas Aurenche et Bost qui me contrediront. Lorsqu’ils remettent leur scénario, le film est fait ; le metteur en scène, à leurs yeux, est le monsieur qui met des cadrages là-dessus... et c’est vrai, hélas ! J’ai parlé de cette manie d’ajouter partout des enterrements. Et pourtant la mort est toujours escamotée dans ces films. Souvenons-nous de l’admirable mort de Nana ou d’Emma Bovary, chez Renoir ; dans La Pastorale, la mort n’est qu’un exercice de maquilleur et de chef opérateur ; comparez un gros plan de Michèle Morgan morte dans La Pastorale, de Dominique Blanchard dans Le Secret de Mayerling et de Madeleine Sologne dans L’Eternel retour : c’est le même visage ! Tout se passe après la mort.
    Citons enfin cette déclaration de Delannoy qu’avec perfidie nous dédions aux scénaristes français : Quand il arrive que des auteurs de talent, soit par esprit de lucre, soit par faiblesse, se laissent aller un jour à écrire pour le cinéma, ils le font avec le sentiment de s’abaisser. Ils se livrent plus à une curieuse tentative vers la médiocrité, soucieux qu’ils sont de ne pas compromettre leur talent, et certains que, pour écrire cinéma, il faut se faire comprendre par le bas. (La Symphonie pastorale ou L’Amour du métier, revue Verger, novembre 1947). Il me faut sans attendre dénoncer un sophisme qu’on ne manquerait pas de m’opposer en guise d’argument : " Ces dialogues sont prononcés par des gens abjects et c’est pour mieux stigmatiser leur vilénie que nous leur prêtons ce dur langage. C’est là notre façon d’être des moralistes. " A quoi je réponds : il est inexact que ces phrases soient prononcées par les plus abjects des personnages.
    Certes, dans les films " réalistes psychologiques " il n’y a pas que des êtres vils, mais tant se veut démesurée la supériorité des auteurs sur leurs personnages que ceux qui d’aventure ne sont pas infâmes, sont au mieux infiniment grotesques. Enfin, ces personnages abjects, qui prononcent des phrases abjectes, je connais une poignée d’hommes en France qui seraient incapables de les concevoir, quelques cinéastes dont la vision du monde est au moins aussi valable que celle d’Aurenche et Bost, Sigurd et Jeanson. Il s’agit de Jean Renoir, Robert Bresson, Jéan Cocteau, Jacques Becker, Abel Gance, Max Ophuls, Jacques Tati, Roger Leenhardt ; ce sont pourtant des cinéastes français et il se trouve - curieuse coïncidence - que ce sont des auteurs qui écrivent souvent leur dialogue et quelques-uns inventent eux-mêmes les histoires qu’ils mettent en scène.

    ON ME DIRA ENCORE...

    " Mais pourquoi - me dira-t-on - pourquoi ne pourrait-on porter la même admiration à tous les cinéastes qui s’efforcent d’oeuvrer au sein de cette Tradition et de la Qualité que vous gaussez avec tant de légèreté ? Pourquoi ne pas admirer autant Yves Allegret que Becker, Jean Delannoy que Bresson, Claude Autant-Lara que Renoir ? " Eh bien je ne puis croire à la co-existence pacifique de la Tradition de la Qualité et d’un cinéma d’auteurs. Au fond Yves Allegret, Delannoy ne sont que les caricatures de Clouzot, de Bresson. Ce n’est pas le désir de faire scandale qui m’amène à déprécier un cinéma si loué par ailleurs. Je demeure convaincu que l’existence exagérément prolongée du réalisme psychologique est la cause de l’incompréhension du public devant des oeuvres aussi neuves de conception que Le Carrosse d’or, Casque d’or, voire Les Dames du Bois de Boulogne et Orphée.
    Vive l’audace certes, encore faut-il la déceler où elle est vraiment. Au terme de cette année 1953, s’il me fallait faire une manière de bilan des audaces du cinéma français, n’y trouveraient place ni le vomissement des Orgueilleux, ni le refus de Claude Laydu de prendre le goupillon dans Le Bon Dieu sans confession, non plus les rapports pédérastiques des personnages du Salaire de la peur, mais bien plutôt la démarche de Hulot, les soliloques de la bonne de La Rue de l’Estrapade, la mise en scène du Carrosse d’or, la direction d’acteurs dans Madame de, et aussi les essais de polyvision d’Abel Gance. On l’aura compris, ces audaces sont celles d’hommes de cinéma et non plus de scénaristes, de metteurs en scène et non plus de littérateurs Je tiens par exemple pour significatif l’échec qu’ont rencontré les plus brillants scénaristes et metteurs en scène de la Tradition de la Qualité lorsqu’ils abordèrent la comédie : Ferry- Clouzot : Miquette et sa mère, Sigurd-Boyer : Tous les chemins mènent à Rome, Scipion-Pagliero : La Rose rouge, Laudenbach- Delannoy : La Route Napoléon, Aurenche-Bost-Autant-Lara : L’Auberge rouge ou si l’on veut Occupe-toi d’Amélie. Quiconque s’est essayé un jour à écrire un scénario ne saurait nier que la comédie est bien le genre le plus difficile, celui qui demande le plus de travail, le plus de talent, le plus d’humilité aussi.

    TOUS DES BOURGEOIS...

    Le trait dominant du réalisme psychologique est sa volonté anti-bourgeoise. Mais qui sont Aurenche et Bost, Sigurd, Jeanson, Autant-Lara, Allegret, sinon des bourgeois, et qui sont les cinquante mille nouveaux lecteurs que ne manque pas d’amener chaque film tiré d’un roman, sinon des bourgeois ? Quelle est donc la valeur d’un cinéma anti-bourgeois fait par des bourgeois, pour des bourgeois ? Les ouvriers, on le sait bien, n’apprécient guère cette forme de cinéma même lorsqu’elle vise à se rapprocher d’eux. Ils ont refusé de se reconnaître dans les dockers d’Un homme marche dans la ville comme dans les mariniers des Amants de bras-mort. Peut-être faut-il envoyer les enfants sur le palier pour faire l’amour, mais leurs parents n’aiment guère à se l’entendre dire, surtout au cinéma, même avec "bienveillance". Si le public aime à s’encanailler sous l’alibi de la littérature, il aime aussi à le faire sous l’alibi du social. Il est instructif de considérer la programmation des films en fonction des quartiers de Paris. On s’aperçoit que le public populaire préfère peut-être les naïfs petits films étrangers qui lui montrent les hommes " tels qu’ils devraient être " et non pas tels qu’Aurenche et Bost croient qu’ils sont.

    COMME ON SE REFILE UNE BONNE ADRESSE...

    Il est toujours bon de conclure, ça fait plaisir à tout le monde. Il est remarquable que les " grands " metteurs en scène et les " grands " scénaristes ont tous fait longtemps des petits films et que le talent qu’ils y mettaient ne suffisait pas à ce qu’on les distinguât des autres (ceux qui n’y mettaient pas de talent). Il est remarquable aussi que tous sont venus à la qualité en même temps, comme on se refile une bonne adresse. Et puis un producteur - et même un réalisateur - gagne plus d’argent à faire Le Blé en herbe que Le Plombier amoureux. Les films " courageux " se sont révélés très rentables. La preuve : un Ralph Habib renonçant brusquement à la demi-pornographie, réalise Les Compagnes de la nuit et se réclame de Cayatte.
    Or, qu’est-ce qui empêche les André Tabet, les Companeez, les Jean Guitton, les Pierre Véry, les Jean Laviron, les Ciampi, les Grangier de faire, du jour au lendemain, du cinéma intellectuel, d’adapter les chefs-d’oeuvre (il en reste encore quelques-uns) et, bien sûr, d’ajouter des enterrements un peu partout ? Alors ce jour-là nous serons dans la " tradition de la qualité " jusqu’au cou et le cinéma français, rivalisant de " réalisme psychologique ", d’" âpreté ", de " rigueur ", d’" ambiguïté ", ne sera plus qu’un vaste enterrement qui pourra sortir du studio de Billancourt pour entrer plus directement dans le cimetière qui semble avoir été placé à côté tout exprès pour aller plus vite du producteur au fossoyeur. Seulement, à force de répéter au public qu’il s’identifie aux " héros " des films, il finira bien par le croire, et le jour où il comprendra que ce bon gros cocu aux mésaventures de qui on le sollicite de compatir (un peu) et de rire (beaucoup) n’est pas comme il le pensait son cousin ou son voisin de palier mais lui- même, cette famille abjecte, sa famille, cette religion bafouée, sa religion, alors ce jour-là il risque de se montrer ingrat envers un cinéma qui se sera tant appliqué à lui montrer la vie telle qu’on la voit d’un quatrième étage de Saint-Germain-des- Prés.
    Certes, il me faut le reconnaître, bien de la passion et même du parti pris présidèrent à l’examen délibérément pessimiste que j’ai entrepris d’une certaine tendance du cinéma français. On m’affirme que cette fameuse école du réalisme psychologique "devait exister pour que puissent exister à leur tour Le Journal d’un curé de campagne, Le Carrosse d’or, Orphée, Casque d’or, Les Vacances de Monsieur Hulot. Mais nos auteurs qui voulaient éduquer le public doivent comprendre que peut-être ils l’ont dévié des voies primaires pour l’engager sur celles, plus subtiles, de la psychologie, ils l’on fait passer dans cette classe de sixième chère à Jouhandeau mais il ne faut pas faire redoubler une classe indéfiniment !

    #cinéma #histoire

    • Hérault : des Lyonnais attaqués à la lie de vin au carnaval des Pailhasses, cette « fête barbare »
      https://www.midilibre.fr/2020/02/28/proche-de-montpellier-un-couple-de-lyonnais-agresses-a-la-lie-de-vin-au-ca

      Sauf que lorsqu’ils se sont engagés dans une rue déserte, « un énergumène abominable » s’est littéralement jeté sur eux en les couvrant de lie de vin. « Nos cheveux, nos sacs en cuir avec tout ce qu’il y avait dedans, mon manteau en cuir qui, heureusement, me couvrait jusqu’aux chevilles, tout a été imprégné de cette boue visqueuse. Tout est foutu, on en a pour au moins 2 000 € de préjudice. Et j’ai eu beau hurler sur mon agresseur, expliquer que mon mari avait des problèmes cardiaques, rien n’y a fait, il ne nous a pas laissés partir et a continué à se frotter à nous et à avoir les mains baladeuses à mon encontre. » 

      L’intervention de deux adolescents qui lui ont crié sur la Pailhasse en lui disant qu’il n’avait pas le droit de leur faire ça n’y changea rien. « On a bien essayé de nous enfuir mais il nous a rattrapés et a recommencé son manège. On s’est retrouvé complètement maculé de cette bouillasse. C’est inhumain ce qui nous est arrivé à nos âges. »

      Au bout de plusieurs minutes de calvaire, le couple a trouvé refuge auprès d’un escadron de gendarmes en leur expliquant qu’ils souhaitaient déposer plainte mais « ils nous ont rétorqué que ça ne servait à rien car ils ne retrouveraient jamais l’auteur et qu’il s’agissait d’une fête païenne extrêmement connue depuis le Moyen-âge sur le département de l’Hérault. » Avant de les inviter à aller se nettoyer à la piscine municipale.

      « C’est quand même inadmissible que ce ne soit pas marqué aux entrées du village avec des panneaux qui indiquent que c’est une fête barbare et qu’il ne faut pas pénétrer dans le village lorsqu’on est piéton. On a essayé d’entrer en contact avec le maire mais on nous a dit qu’il était absent. On a essayé de porter plainte au commissariat de Sète on a là encore reçu une fin de non-recevoir. Alors on va faire une lettre au préfet. On ne sait plus vers qui se tourner. On veut absolument éviter que d’autres personnes vivent cet enfer. Ce n’est vraiment pas normal ces choses-là, c’était extrêmement traumatisant. »

    • On a essayé d’entrer en contact avec le maire mais on nous a dit qu’il était absent. On a essayé de porter plainte au commissariat de Sète on a là encore reçu une fin de non-recevoir. Alors on va faire une lettre au préfet.

      C’est pas une lettre au procureur qu’il faudrait faire plutot qu’a préfet ?

      Intéressante cette fête, je ne connaissait pas. La video met bien en évidence l’absence de femmes, la xénophobie et le virilisme de l’événement. Ca ressemble à du bizutage et j’imagine que beaucoup de femmes ont été violées et violentées lors de cette fête depuis des siècles et des siècles qu’elle se pérpétue. Ces hommes qui se roulent dans la boue et la vinasse me font pensé aussi que la saleté est très genrée. Les femmes n’ont pas le droit à la saleté, elles doivent non seulement être propres, mais être épilées, parfumées, corsetées. Elles doivent être propre mais aussi elles doivent nettoyé la crasse des autres. Elles ont la charge de l’hygiène de la demeure du domus à qui elle appartiens (on lui impose toujours le nom du domus) ainsi que du domus lui même et de ses gens (progéniture qui porte aussi le nom du domus), parents et amis du domus, animaux domestiques...
      De leur coté les hommes peuvent être des étrons ambulants comme ces Pailhasses. Ca les rend plus viriles, non seulement parcequ’ils peuvent humilier et agresser les femmes et les étranger·es qui s’aventurent dans l’espace publique, mais aussi ils vont donner une surcharge de travail à leurs femmes qui vont devoir nettoyé toute cette merde, cette pisse, ce vomis que les hommes ont rependus partout.

      https://www.youtube.com/watch?v=kv8rb5EpwPE

      #virilité #bizutage #agression_sexuelle #harcelement_de_rue
      #tradition #espace_publique #féodalisme #xénophobie #alcool #hygiène #saleté

    • https://www.youtube.com/watch?v=2E1UGUkycMY


      « Sans toit ni loi » : Les souillures du carnaval - CINÉLÉGENDE #5

      Dans cette video la fete des palihasses est clairement désigné comme un éventement durant lequel les hommes vêtus de paille s’acharnent à salir les filles.

      Sinon pour ce qui est dévérsé dans la fête des Pailhasse c’est pas seulement de la lie de vin, c’est un mélange de lie de vin et de bouse.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%AAte_des_pailhasses
      #sexisme #misogynie

      Selon cette vidéo « autrefois c’etait pas de la lie de vin, c’etait de la merde » - « il y avait du sang et de la merde »
      https://www.youtube.com/watch?v=j3AdDhmj4p4

  • Au moins 30 singes tués dans l’incendie d’un zoo allemand, provoqué par des lanternes volantes
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/02/au-moins-30-singes-tues-dans-l-incendie-d-un-zoo-allemand-provoque-par-des-l

    L’incident relance le débat sur la passion des Allemands pour les pétards et feux d’artifice dans la nuit du Nouvel An.

    Au moins 30 singes sont morts, selon la police. L’édifice abritait notamment des gorilles, orangs-outans, ouistitis et chimpanzés. Seuls deux chimpanzés ont survécu, ainsi qu’une famille de gorilles logée dans un bâtiment adjacent. Les pompiers ont pu empêcher la propagation de l’incendie à d’autres bâtiments du zoo, qui a subi cependant d’importants dommages, se chiffrant, d’après sa direction, à plusieurs millions d’euros.

    #nos_ennemis_les_bêtes #hommerie

  • Ces décisions catastrophiques qui nous menacent - Le Point
    https://www.lepoint.fr/societe/ces-decisions-catastrophiques-qui-nous-menacent-10-04-2012-1450076_23.php

    Comment des randonneurs expérimentés ont-ils pris cette décision absurde de s’engager dans une situation de danger mortel ? Alors qu’ils savaient que ce jour-là le risque d’avalanche était élevé au-dessus de 2 200 mètres, que la combe présentait un angle propice aux avalanches et qu’une corniche au-dessus de celle-ci comportait un dépôt de neige apportée par le vent, autre facteur déclenchant ? « C’est la dynamique du groupe qui les y a conduits. » Christian Morel, docteur en sociologie et ancien cadre dans les ressources humaines, a enquêté pendant dix ans sur les processus qui poussent à commettre d’énormes erreurs et les moyens de les neutraliser (1). « La taille du groupe a inhibé la parole et les silences ont été interprétés comme une approbation du choix dangereux. » Sur les quatre experts, un seul avait opté pour cette descente périlleuse, un deuxième n’avait rien dit, le troisième avait repéré les signes alarmants mais ne s’était pas exprimé clairement. Le chef de course, qui avait également vu le dépôt neigeux, analysa le manque d’opposition de ses compagnons comme l’indication que pour eux il n’y avait pas de danger, quand ceux-ci interprétèrent son silence comme un feu vert, un chef sachant par définition ce qu’il fait. « Une équipe de deux skieurs aurait discuté davantage. » La présence de femmes eut sa part dans la prise de décision : « Reculer ne fait pas viril. »

    Le virilisme tue…

    • Ça me fait penser à l’histoire d’un leader de randonnée dans l’Atlas marocain qui avait emmené au casse-pipe son groupe de bourgeois·es du troisième âge (raconté par le beau-fils d’un des participants) : conditions météo dangereuses, fatigue des randonneurs... Le guide marocain était contre la poursuite de la rando et voulait arrêter le groupe à couvert mais le chef avait continué. Une personne était morte, d’autres avaient eu les doigts gelés (amputation). Le guide avait été condamné mais pas le chef, qui était bien le responsable (solitaire, cette fois) de la décision. C’était un ancien directeur de centrale nucléaire. #culture_du_risque

    • C’est curieux parce que c’est un #phénomène_de_groupe dont la psychologie est très connue, c’est LE générateur de prise de risques inconsidérée et d’accidents.
      Quand des alpinistes partent seul·e ou à deux, ils sont nettement plus sur le qui-vive des signaux de danger, mais au-delà de trois personnes, chaque participant suppose que les autres préviendront si il y existe un risque, ce qui annule toute raison de faire attention et rend le groupe crétin.
      Le ou la #Cassandre qui ose prévenir est considérée alors comme une trouble fête et il lui faudra dépenser une bonne dose d’énergie/foi/autorité pour être entendu. Tu vois ça aussi dans les groupes de gauche révolutionnaires qui font bloc quand une femme dénonce un comportement sexiste, le groupe reste muet voire va défendre l’agresseur pour refuser de voir le danger et conserver sa cohésion. C’est l’origine des scissions qui forment les groupes féministes aux USA à la fin des années 60.
      Vive les #dissidentes !

      #intelligence_collective #démocratie #tour_de_table #collégialité #consensus
      et pour l’aspect scientifique 1+1 pour l’#anarchie dont les termes sont ici masqués par la démonstration de la #hiérarchie_restreinte

      Certaines organisations vont plus loin encore en appliquant ce que Christian Morel appelle la « hiérarchie restreinte impliquée ». « Il s’agit d’un transfert marqué du pouvoir de décision vers des acteurs sans position hiérarchique, mais détenteurs d’un savoir et en prise directe avec les opérations. » Sur des bases aériennes de l’armée, un subalterne peut annuler un vol sans en référer à sa hiérarchie. Dans les sous-marins nucléaires d’attaque, les officiers enlèvent leurs galons à bord, marquant ainsi symboliquement leur effacement. Lors des lancements de fusées Ariane, trois techniciens ont pour mission d’annuler toute la procédure en cas de problème. Afin qu’il n’y ait pas d’interférence avec leurs supérieurs, ils sont placés dans un local isolé et privés de tout moyen de télécommunication. L’application du principe de la hiérarchie restreinte aurait certainement évité le crash de l’avion présidentiel polonais le 10 avril 2010, qui résulte, selon toute vraisemblance, d’une pression psychologique exercée par le président et son directeur de protocole sur l’équipage pour atterrir en dépit d’une visibilité insuffisante.

    • Il y a deux choses dans ton propos, @touti.
      La dilution des responsabilités, selon moi, s’applique déjà à deux ! Combien de fois tu te retrouves à marcher avec un·e ami·e vers une destination qu’il ou elle a choisie... alors qu’en fait elle ou il pensait te suivre ! Morel raconte dans son bouquin comment quatre personnes vont faire une excursion pénible alors qu’ils sont bien sous la terrasse parce que les plus âgé·es pensent que les plus jeunes vont s’emmerder et que les plus jeunes se disent que les plus âgé·es voudront profiter de leur présence pour aller faire un tour en ville. En fait personne ne voulait y aller mais le #silence (parlons-nous ! même si ce n’est pas toujours agréable) fait que chacun·e postule que l’autre veut ça et choisit de lui faire plaisir.
      Et puis cette hiérarchie formelle (le Blanc dans mon histoire, celui qui est l’entrepreneur en randonnée) qui empêche à l’expertise technique (le guide qui connaît l’environnement local et sait à quoi s’attendre) d’être prise en considération puisque c’est elle qui a le pouvoir. La dynamique des groupes restreints montre bien qu’on a le meilleur résultat (les décisions les plus adaptées au milieu) quand on a le moins d’autoritarisme dans un groupe. Le virilisme étant une lutte entre hommes pour le pouvoir sur les femmes et les autres hommes (patriarcat), il annihile par essence l’intelligence (collective et parfois individuelle).

      J’ai lu le premier bouquin de Christian Morel (il a fait un tome 2, son propos est très bien illustré et un peu drôle, c’est limite de la pop sociologie) mais je lui préfère largement ce classique de la psychologie sociale (Morel est d’ailleurs sociologue).
      https://www.cairn.info/dissensions-et-consensus--9782130442714.htm

      Troisième aspect, pardon : silence complice des hommes qui savent d’abord que ça pourrait leur coûter quelque chose, d’ouvrir leur gueule, sans bénéfice, comme toujours dans la vie. Mais en plus laisser une femme se faire casser sert objectivement leurs relations de pouvoir avec toutes les autres femmes, l’air de rien, parce que le spectacle d’une qui se fait casser apprend la laisse aux autres.