• Dans le nord de la bande de Gaza, « la vie a comme disparu »
    Le médecin Zouhair Lahna a réussi à quitter l’enclave palestinienne lundi 6 mai, peu avant la prise du poste-frontière de Rafah par l’armée israélienne. Il raconte la panique et la désolation dans le Sud, mais aussi dans le Nord, où son équipe et lui étaient allés porter secours.

    Rachida El Azzouzi

    7 mai 2024 à 17h59
    | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/070524/dans-le-nord-de-la-bande-de-gaza-la-vie-comme-disparu

    À Beit Lahia dans la bande de Gaza, le 20 avril 2024. © Photo Omar El Qattaa / Anadolu via AFP

    Zouhair Lahna devait quitter la bande de Gaza mardi 7 mai au matin. La fin d’une mission de plus de deux semaines pour ce gynécologue obstétricien franco-marocain, rompu aux terrains de guerre les plus extrêmes depuis plus de vingt ans.

    Mais il est parti la veille, lundi 6 mai, dans la matinée, précipitamment, après avoir reçu l’ordre d’évacuation de l’association humanitaire des médecins palestiniens PalMed Europe, pour laquelle il intervient. Une pluie de tracts de l’armée israélienne était tombée sur l’est de Rafah, appelant les habitant·es à évacuer la ville où s’entassent plus de 1,2 million de Palestinien·nes, la plupart déplacé·es par les combats.

    Zouhair Lahna s’est exécuté. Dans la maison où il résidait avec plusieurs membres de PalMed, il a ramassé à la hâte ses affaires. Un collègue palestino-britannique, revenu soigner les siens, a refusé de les suivre : « Je ne peux pas partir, je dois rester. »

    Comme à chaque fin de mission, Zouhair Lahna, qui a déjà séjourné un mois cet hiver à Gaza, a éprouvé un sentiment de culpabilité, celui de laisser « l’effroyable » derrière lui : « Ils ont tellement besoin de nous. On apporte une respiration aux équipes à bout de souffle depuis sept mois de guerre. Et on essaie de sauver un maximum de vies. »

    En route vers le point de passage de Rafah, l’équipe a considéré la décision comme étant la plus sage : « On a bien fait de partir [avant la prise de contrôle du poste-frontière côté palestinien par l’armée israélienne, intervenue dans la nuit de lundi à mardi – ndlr]. Il est très difficile d’obtenir l’accord pour sortir des services israélien et égyptien rapidement, mais on l’a eu en deux heures quand même. On est passés vers 15 heures, avec une délégation américaine de la Croix-Rouge, après un temps d’attente et alors que les bombardements étaient incessants aux alentours. On voyait de la fumée partout. »

    Zouhair Lahna raconte la panique des habitant·es et des déplacé·es de Rafah, qui craignent que la ville subisse à son tour « une destruction totale » : « Tous les moyens de transport possibles pour fuir étaient pris d’assaut, les voitures, les carrioles, les motos. Certaines familles ont déjà été déplacées plusieurs fois depuis sept mois. Un de mes amis, réfugié à Rafah depuis trois mois avec sa famille après que leur maison eut été bombardée, m’a dit qu’il essayait de trouver une tente vers Khan Younès. Il m’a dit qu’Israël ne cherchait pas à détruire le Hamas mais la bande de Gaza, pour que plus un seul Palestinien ne puisse y vivre, pour qu’ils partent tous, que c’est pour cette raison qu’ils visent aujourd’hui Rafah. » (...)

    • Dr Lahna, de retour de Rafah : « Nous sommes à un tournant de l’histoire du monde »
      Par : Oriane Verdier | Publié le : 10/05/2024 | RFI
      https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20240509-dr-lahna-de-retour-de-rafah-nous-sommes-%C3%A0-un-tournant-de-l-histoir

      Avec le lancement de son offensive sur Rafah, l’armée israélienne a fermé les deux points de passage névralgiques de la bande de Gaza. L’aide humanitaire qui arrivait déjà au compte-goutte est aujourd’hui pratiquement impossible, selon les Nations unies. Médecin français, membre de l’ONG Palmed, Zouhair Lahna a été évacué de Rafah lundi 6 mai juste avant le lancement de l’offensive. Il revient pour RFI sur la situation qu’il a laissée derrière lui.

      RFI : De Rafah à Paris, comment vivez-vous votre retour en France ?

      Zouhair Lahna : Dès qu’on dépasse le point de passage de Rafah, c’est-à-dire en arrivant en Égypte, on est dans une zone où on ne peut plus recevoir de missiles. Quand on est Gaza, on peut recevoir un missile à n’importe quel moment, soit directement, soit un tir d’obus, soit un éclat. L’ONU décrit Gaza comme la zone la plus dangereuse au monde.

      Donc c’est vrai que là, à Paris, je souffle enfin, on est loin de l’atmosphère de guerre. Mais on garde une partie de Gaza en nous, on garde nos amis. Nos amis médecins qui sont dans des difficultés énormes avec leur famille, les travailleurs humanitaires à qui on a dit au revoir. Nous, avec des passeports étrangers, on peut sortir. Eux n’ont pas d’autre choix que de rester et de subir. (...)