C’est à cet endroit du village, près du Moulin à l’huile, que le drame s’est noué. Photo Dylan Meiffret
Les faits se sont déroulés le 12 octobre, dans ce village de la vallée du Paillon. La victime, un homme de 39 ans, est décédée deux jours plus tard de ses blessures, au CHU Pasteur 2 à Nice.
Le village, de quelque 2.500 âmes, a réussi à étouffer ce crime sordide pendant plus d’un mois et demi. Pourtant, dans les venelles de L’Escarène, dans les embrasures de portes qui se referment brusquement à l’évocation de l’affaire, sur le pont qui traverse le village, les regards sont fuyants.
Tout le monde sait – ou presque – qu’un homme a été pourchassé par des villageois, frappé et laissé pour mort. Tout le monde sait, mais personne ne parle.
« C’est dangereux », « Je ne veux pas d’ennui », « Vous ne devriez pas vous en occuper », « C’est privé, ça ne me regarde pas, je ne veux pas d’histoire »... C’est l’omerta à l’escarénoise.
La loi du silence, comme une chape de plomb qui a recouvert la bourgade tout entière. « Le jeune, il n’était pas de L’Escarène, il a commencé à traîner ici, il y a quelques mois seulement », lâche un quadragénaire, avant de tourner les talons.
Battu par plusieurs personnes ?
Le 12 octobre, Jérémy Dasylva, 39 ans, est à Nice avec sa compagne, une Escarénoise. C’est le début de soirée, ils décident de rentrer. Légère prise de bec. La jeune femme prend la voiture pour retourner chez elle. Lui décide de s’y rendre en train.
Ensuite ? Les gendarmes sont appelés à 20h35 pour ce qui semble être un « cambriolage ». Ils seront ensuite de nouveau saisis, vers 21h45.
« On apprend que le présumé suspect a été arrêté, neutralisé par des habitants », assurent les forces de l’ordre. Une autre source, corroborée par une autre, détaille : « La dame a crié, des habitants sont arrivés. Certains avaient des chiens, ils ont lancé au moins l’un d’entre eux sur la victime qui a été frappée dans le jardin d’enfants, puis encore ailleurs. »
Un proche ajoute : « Il a été déshabillé, certains de ses vêtements ont été jetés dans le Paillon, il a été frappé. »
Selon, enfin, un témoin de la scène, « plusieurs personnes, des jeunes, sont à l’origine de la chasse à l’homme. Il y en avait un qui avait deux chiens, il frappait le jeune homme ».
Et c’est à 22h30, sur la route départementale, près du moulin à huile du village, que les pompiers entrent en scène, pour le transport de Jérémy Dasylva au CHU Pasteur 2 à Nice. L’hôpital où il décèdera dans la journée du vendredi 14 octobre.
La vidéosurveillance exploitée
Jean-Philippe Navarre, procureur adjoint de la République de Nice, révèle : « À ce stade, nous confirmons l’ouverture d’une information judiciaire du chef de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Aucune mise en examen n’est encore intervenue. »
L’enquête a été confiée à la brigade de recherche de Nice. Les gendarmes de la BR mettent tout en œuvre pour démêler cette sombre histoire, identifier les auteurs et déterminer leur implication.
Les images des caméras de vidéosurveillance de la commune ont été visionnées. Selon une source proche de l’enquête, au moins l’un des auteurs a été identifié. Il serait en fuite à l’étranger et un mandat d’arrêt aurait été lancé.
« C’est triste pour ce jeune », souffle, Teddy, derrière son comptoir du bar-tabac. « Il venait faire des paris sportifs, ici, mais je pense qu’il n’avait pas vraiment eu le temps de se faire des amis, cela ne faisait pas longtemps qu’il était à L’Escarène. »
« Bien sûr, les habitants en ont parlé au début, mais plus maintenant, du temps s’est écoulé », ajoute le patron de l’établissement. « Le papa de la victime est dévasté, il est venu boire un café peu de temps après les faits pour essayer de comprendre ce qui s’est passé », conclut Teddy.
Pierre Donadey, le maire de L’Escarène, ne comprend pas comment un tel drame a pu se produire dans sa commune, « tranquille, à l’esprit familial ».