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« … en deçà d’un monde qui ne sait plus nourrir que son propre cancer, retrouver les chances inconnues de la fureur » (André Breton)

  • Consommation, faillites, crédit : les trois marches de la récession qui vient

    Jusqu’à présent, la France a dispersé les oiseaux de mauvais augure. Depuis plus d’un an, des prévisionnistes tirent la sonnette d’alarme sur une chute d’activité. Parce que le rebond post-Covid ne pouvait pas durer éternellement, parce que l’invasion russe de l’Ukraine allait nous faire manquer de gaz, parce que l’inflation sape le pouvoir d’achat, parce que la flambée des taux d’intérêt gèle l’immobilier.

    […] Assez confiants en début d’année, les chefs d’entreprise commencent à avoir des doutes. L’indicateur de l’Insee qui résume leur avis sur le climat des affaires est redescendu à sa moyenne de long terme. Comme en 2011, juste avant le coup de mou de 2012.

    Au-delà des dangers imprévisibles qui cassent l’ambiance, comme ces dernières années l’épidémie de Covid en 2020 et l’agression russe de l’Ukraine, trois menaces pèsent sur l’économie française. […]

    La première marche, la plus haute, est la consommation. Car l’inflation pèse sur les dépenses des Français qui forment la composante la plus puissante de la croissance. L’an dernier, les revenus ont progressé de 5,1 %. Mais comme les prix ont augmenté de 4,8 %, le pouvoir d’achat n’a progressé que de 0,3 %. La population ayant continué d’augmenter, le revenu réel par tête a même reculé. Cette tendance baissière s’est accentuée. Au premier trimestre, les salaires ont progressé moins vite que les prix. Le pouvoir d’achat a reculé de 0,6 %. Les achats de biens, qui avaient bondi après les confinements, sont sur une pente baissière depuis la fin 2021, avec des chutes spectaculaires sur les produits qui ont le plus renchéri (-10 % en un an pour l’alimentation).

    La consommation totale a stagné en début d’année, car les achats de services ont compensé le recul des achats de biens. Mais faute d’argent dans les portefeuilles, ces achats pourraient suivre à leur tour. La stagnation deviendrait alors une chute sensible. La baisse des achats de biens en avril (-1 %) en est peut-être le premier signe. […]

    Ensuite, l’inquiétude sur le marché du travail, où des signaux d’alerte commencent à s’allumer. Le nombre d’emplois vacants se tasse. Les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi sont moins nombreux à retrouver un poste. Les chefs d’entreprise deviennent plus frileux sur leurs effectifs.

    Ce qui amène à la deuxième marche de la récession, prédite depuis des trimestres, mais toujours pas apparue : les faillites d’entreprise. […] Des dizaines de milliers d’entreprises continuent de vivoter parce qu’elles ont été sous perfusion de fonds publics pendant des mois. Beaucoup de ces « zombies », pour reprendre le terme employé par des économistes, risquent de succomber dès que la demande s’affaiblira, ou qu’elles auront plus de mal à trouver des financements. Leur disparition entraînera des suppressions d’emplois, et des pertes chez leurs fournisseurs.

    La troisième marche, elle, est devenue plus apparente depuis le mois de mars : c’est le freinage du crédit. Pour résorber l’inflation, la Banque centrale européenne relève les taux d’intérêt. Le coût des emprunts augmente pour tout le monde, alors que tout le monde est endetté comme jamais : l’Etat, mais aussi les entreprises (investissements) et les particuliers (achats de logement). Dans l’immobilier, le ralentissement est déjà sensible.

    Face aux difficultés des entreprises, face aussi aux lézardes du système financier (faillite de banques régionales aux Etats-Unis), les banques risquent aussi de durcir leurs conditions de prêt après une longue période d’argent facile.

    (Les Échos)