alimielle

Les filles sages finissent au paradis, les autres vont où elles veulent.

  • Pop-culture, politique et militantisme en ligne. Entretien avec Benjamin Patinaud - CONTRETEMPS
    https://www.contretemps.eu/syndrome-magneto-patinaud-youtube-gauche

    Anthony Galluzzo -Tu évoques dans ton livre l’opposition habituelle entre un héros conservateur et un méchant révolutionnaire : le méchant agit, le héros réagit…

    Benjamin Patinaud – C’est un trope connu, que tu peux retrouver sur certains sites les référençant, comme Tvtropespar exemple. C’est une opposition qui revient souvent dans des œuvres super héroïques manichéennes opposant des « gentils » et des « méchants ». C’est davantage une habitude narrative qu’un élément foncièrement idéologique : l’élément perturbateur va souvent être amené par le méchant et le héros va être là pour contrer son projet souvent hyper alambiqué. Fatalement, le héros va essayer de rétablir un statu quo ante, un état antérieur, contre un mec qui est venu tout perturber. Le héros est donc souvent un conservateur, voire un réactionnaire au sens où il réagit à ce que fait le méchant. Le ressort est d’abord narratif, mais il a une conséquence idéologique et politique : le personnage qui se rebelle contre un ordre établi et essaye d’amener un nouveau modèle de société est en général présenté comme le méchant. La position révolutionnaire est très rarement portée par le héros. Les auteurs vont donc attribuer à l’antagoniste tout un ensemble d’idées radicales. Les scénarios intègrent souvent les enjeux politiques actuels et vont faire porter la critique au méchant. Cela a un impact sur la façon dont l’œuvre va traiter la légitimité des actions des personnages. Les seules fois où le héros s’oppose de façon radicale à l’ordre existant, c’est dans un cadre dystopique. Dans ce cadre-là, le statu quo est présenté comme injuste, et le héros peut alors s’y opposer de façon violente. En revanche, si l’univers de la fiction nous est présenté comme normal, dans la continuité du nôtre, les oppositions violentes sont discréditées. Elles sont l’apanage du méchant. Le héros va reconnaitre le problème tout en s’opposant aux destructions de son adversaire. C’est la conséquence politique de la structure narrative habituelle de récits manichéens qu’on retrouve beaucoup chez les super héros. Et comme le dit Alan Moore, il ne faut pas oublier que ce sont des schémas narratifs qui ont été mis en place pour plaire à des petits garçons dans les années 1930. Ce qui est intéressant, c’est ceux qui comme Alan Moore transgressent ce schéma naïf, de justice immanente. Mais ça reste tout de même un schéma inévitable qui contraint la narration.