• Ou est passé #Santiago_Maldonado ?


    En Août 2017, disparaissait, en #Argentine dans la province du Chubut, Santiago Maldonado. Son crime fut d’avoir participé à une manifestation en solidarité avec les Indiens Mapuche. S’en suivit une vaste campagne de recherches, et donc de questions, à propos de celui qui est devenu le premier disparu « officiel » de la présidence Macri.

    Santiago Maldonado est né dans la province de Buenos Aires, en 1989. Il part s’installer comme artisan dans le Rio negro, pas loin du Chubut. A cette époque, il est un jeune homme pas très politisé, mais on le dit plutôt proche des milieux progressistes, voir libertaires. En effet, il s’intéresse aux problèmes de société, au sort des Indiens Mapuche en conflit depuis des années, à la fois, avec l’État et les grands propriétaires terriens du sud de l’Argentine – lesquels sont pour beaucoup de riches industriels comme Benetton. Santiago se trouvait donc dans un pu lof celui de Cushamen. Un pu lof est une sorte de campement, un petit village de résistance où se trouvent les gens, mapuche ou non, qui résistent aux politiques d’exclusion contre les indiens. Quand les forces répressives, à savoir la gendarmerie, ont fait irruption en tirant des balles en caoutchouc sur les gens qui se trouvaient là, c’était pour incendier les cabanes et tirer au canon à eau afin de disperser tout le monde, et, éventuellement, mettre quelques indiens en prison (qu’ils soient jeunes, vieux, femmes ou enfant). De toute façon, l’image des indiens, dans l’opinion publique, est si mauvaise que personne ne lèvera le petit doigt ; c’est globalement ce que se disent les autorités. Les gens se sont enfuis où ils ont pu. Beaucoup se sont dirigés vers le Rio Chubut, et Santiago était parmi ceux-là. C’est dans cette cohue que les gendarmes l’ont intercepté, puis l’ont fait disparaître dans leur camionnette, selon certains témoins visuels.

    Suite à ces événements, nous avons assisté à une vaste campagne de communication, d’abord locale, ensuite mondiale. Cette campagne a eu comme effet de forcer le gouvernement argentin à sortir de son mutisme et à saisir la justice afin qu’une enquête soit menée dans le but de connaître la vérité ; cela grâce à la contrainte de l’opinion mondiale. En effet, les petites affiches avec la photo de Maldonado portant en en-tête « ¿Dónde está Maldonado ? » se sont répandues comme une traînée de poudre, grâce aux connections à travers le monde et aux réseaux sociaux.

    Le 21 Octobre 2017, fut retrouvé – et officiellement identifié – le cadavre repêché dans le Rio. C’était bien le corps de Santiago Maldonado qui avait été retrouvé. A ce jour, un seul gendarme a été mis en examen et l’enquête suit son cours. Il est fort probable que les témoins de cette sordide histoire disparaîtront à leur tour et que la gendarmerie, la chancellerie, l’administration Macri, s’en tireront à bon compte pour manque de preuves et de témoins. C’est une histoire parmi tant d’autres, désormais banale en Argentine, ce pays où les tortionnaires d’hier ont repris les manettes grâce à leur complices d’hier. Au mieux, ils prendront un des gendarmes présents, lui infligeront un blâme ou du sursis, mais, malheureusement, il ne se passera rien.

    Au passage nous noterons le cynisme et l’aplomb de la ministre Bullrich, d’abord, et du président Macri, ensuite. En cherchant à atténuer les faits et à soutenir leur gendarmerie, ils ont tout nié en bloc, en allant jusqu’à laisser entendre que s’il était arrivé quelque chose à Maldonado, c’est, sans doute, parce qu’il l’avait bien cherché. C’est vrai que, au final, la cause indienne, ça n’intéresse pas, ou si peu ; surtout, en Argentine où la bourgeoisie a toujours fait en sorte que la population déteste les Indiens. De nos jours encore, on les appelle les pauvres « indios », et les gens qui vivent dans les bidonvilles de Buenos Aires, sont des negros ou des indios. C’est dire à quel point la propagande d’extrême-droite a marché à plein régime pendant près d’un siècle. Cette propagande, à la solde de la bourgeoisie locale, a fermé les yeux sur les massacres des indiens en Patagonie et les a même applaudis. La Patagonie où, quand on était riche, le dimanche on partait avec ses amis à la chasse à l’indien comme, aujourd’hui, nous partons, en toute simplicité, ramasser des champignons. C’est par cette propagande que l’on appelait au meurtre, les migrants venus d’Europe au début du siècle dernier, et qu’on faisait appel à l’armée pour réprimer tout mouvement social anarchiste ou communiste. C’est cette même propagande qui appela au massacre d’ouvriers comme lors de la semaine tragique, dans Buenos Aires (700 morts et 4000 blessés), et qui fit inscrire dans la constitution que les anarchistes étaient interdits sur le sol argentin. C’est cette bourgeoisie qui, aujourd’hui, cire les pompes du pape François, grand ami du Général Massera, chef du camp de concentration clandestin de l’ESMA, de triste mémoire. La disparition de Santiago, sans vouloir la minimiser, est un épisode de plus dans la guerre que le pouvoir livre contre le peuple, les riches contre les pauvres, les conquistadors, ou gauchos, contre les Indiens. Ces gauchos sont le symbole, malgré eux, de la classe dominante ; laquelle se pose victorieuse de la barbarie indienne, donc des pauvres. Si Maldonado avait été un Indien, en aurait-on seulement parlé ?

    @Anarchosyndicalisme ! n°158 / Mars - Avril 2018
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