Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • « Face aux “gilets jaunes”, l’action répressive est d’une ampleur considérable »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/20/face-aux-gilets-jaunes-l-action-repressive-est-d-une-ampleur-considerable_54

    A strictement parler, ces interpellations ne sont pas préventives : elles répriment une incrimination créée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, qui consiste à se regrouper en vue de se préparer à commettre, par exemple, des dégradations. « En vue de la préparation » permet d’interpeller un très grand nombre de personnes dans un très large périmètre et, in fine, de les empêcher de manifester. Ce n’est pas la Préfecture de police, ce ne sont pas les policiers qui empêchent de manifester, mais bel et bien notre droit ordinaire, et c’est le signe d’une évolution marquante.

    Le droit n’exige plus des éléments matériels incontestables, comme une arme par destination [un objet qui, sans être une arme, peut être employé comme tel], pour empêcher des gens de prendre part à une manifestation, mais une simple intention déduite d’éléments incertains, mais suffisants pour placer en garde à vue durant le temps de la manifestation. Beaucoup de responsables aujourd’hui souhaiteraient réserver aux manifestants le même traitement qu’aux supporteurs de football : identifier ceux qui sont potentiellement violents dans un fichier et les assigner à résidence le jour de la manifestation.

    Mais on ne peut pas, car manifester est un droit fondamental (à la différence d’assister à un match de foot). Alors, l’incrimination qui permet d’interpeller sur un motif très large tout petit groupe proche du lieu de la manifestation est un mécanisme de substitution, à coûts très élevés. Il est très coûteux car il est très consommateur de forces sur place et multiplie les occasions de face-à-face en amont de la manifestation.

    Quel bilan tirez-vous de l’action de la police ?

    En maintien de l’ordre, c’est le donneur d’ordres qui est en première ligne, c’est-à-dire le politique. C’est, j’insiste, la spécificité de ce métier, alors que les autres métiers policiers (sécurité publique et même police judiciaire) donnent une bien plus large marge de manœuvre aux policiers et à leur encadrement. Du reste, le gouvernement ne s’est pas privé de faire savoir qu’il était aux commandes, à grand renfort de présence télévisuelle en salle de commandement. Une telle immixtion du politique dans la conduite des forces policières est, il faut le noter, une particularité française.

    « Mains arrachées, défigurations ou énucléations, décès à Marseille : le bilan dépasse tout ce que l’on a pu connaître en métropole depuis Mai 68 »

    Dans le cas d’espèce, les interventions policières ont entraîné en maintes occasions des dommages considérables : mains arrachées par les grenades, défigurations ou énucléations par des tirs de balles de défense, décès à Marseille : le bilan dépasse tout ce que l’on a pu connaître en métropole depuis Mai 68, lorsque le niveau de violence et l’armement des manifestants étaient autrement plus élevés, et le niveau de protection des policiers, au regard de ce qu’il est aujourd’hui, tout simplement ridicule.

    Encore une fois, on est en maintien de l’ordre et ce sont moins les policiers qui sont en cause ici que l’armement dont ils disposent et les ordres qu’on leur donne. On ne trouve pas en Europe, en tout cas ni en Allemagne ni en Grande-Bretagne, d’équipements tels que les grenades explosives et les lanceurs de balles de défense, qui sont des armes qui mutilent ou provoquent des blessures irréversibles. Engager ces armes face à des protestataires inexpérimentés, qui, pour beaucoup (on l’a vu lors des audiences de comparution immédiate), se trouvaient pour la première fois à Paris, amène une dynamique de radicalisation qui entraîne les deux camps dans une escalade très dangereuse : les uns sont convaincus qu’ils répondent à une violence excessive, donc illégitime, et les policiers, se voyant agressés, usent de tous les moyens à leur disposition.

    #Police #Repression #Politique #France