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Fauteuse de merde 🐘 @Monolecte@framapiaf.org

  • Lettre Ă  Alain Finkielkraut, par Dominique EDDE (L’Orient-Le Jour), via @mona
    â–șhttps://www.lorientlejour.com/article/1160808/lettre-a-alain-finkielkraut.html

    Cher Alain Finkielkraut, je vous demande et je demande aux responsables politiques de ne pas minorer ces petites victoires du bon sens sur la bĂȘtise, de la banalitĂ© du bien sur la banalitĂ© du mal. PrĂ©fĂ©rez les vrais adversaires qui vous parlent aux faux amis qui vous plaignent. Aidez-nous Ă  vous aider dans le combat contre l’antisĂ©mitisme : ne le confinez pas au recours permanent Ă  l’injonction, l’intimidation, la mise en demeure. Ceux qui se font traiter d’antisĂ©mites sans l’ĂȘtre ne sont pas moins insultĂ©s que vous. Ne tranchez pas Ă  si bon compte dans le vĂ©cu de ceux qui ont une autre reprĂ©sentation du monde que vous. Si antisionisme n’est plus un mot adaptĂ©, donnez-nous-en un qui soit Ă  la mesure de l’occupation, de la confiscation des terres et des maisons par IsraĂ«l, et nous vous rendrons celui-ci. Il est vrai que beaucoup d’entre nous ont renoncĂ© Ă  parler. Mais ne faites pas confiance au silence quand il n’est qu’une absence provisoire de bruit. Un mutisme obligĂ© peut accoucher de monstres. Je vous propose pour finir ce proverbe igbo : « Le monde est comme un masque qui danse : pour bien le voir, il ne faut pas rester au mĂȘme endroit. »

    • Lettre Ă  Alain #Finkielkraut - Dominique EDDE - L’Orient-Le Jour

      En gĂ©nĂ©ral avec Finkielkraut ou BHL, je prĂ©fĂšre quand on les ignore tant leur pensĂ©e est totalement oblitĂ©rĂ©e, mais la lettre de Dominique Edde est tellement belle (Merci @mona de me l’avoir fait connaĂźtre sur twitter) que ça mĂ©ritait d’ĂȘtre dĂ»ment rĂ©fĂ©rencĂ© ici, voire discutĂ©. Je vous encourage chaudement Ă  la lire avec attention.

      Morceaux choisis :

      « Vous ĂȘtes parti sans faire de place Ă  ma colĂšre. »

      « votre intelligence est dĂ©cidĂ©ment mieux disposĂ©e Ă  se faire entendre qu’à entendre l’autre. »

      « nous sommes dĂ©faits. Oui, le monde arabe est mort. Oui, tous les pays de la rĂ©gion, oĂč je vis, sont morcelĂ©s, en miettes. Oui, la rĂ©sistance palestinienne a Ă©chouĂ©. Oui, la plupart desdites rĂ©volutions arabes ont Ă©tĂ© confisquĂ©es. Mais le souvenir n’appartient pas que je sache au seul camp du pouvoir, du vainqueur. Il n’est pas encore interdit de penser quand on est Ă  genoux. »

      « Ne faites pas confiance au silence quand il n’est qu’une absence provisoire de bruit. Un mutisme obligĂ© peut accoucher de monstres. Je vous propose pour finir ce proverbe igbo : « Le monde est comme un masque qui danse : pour bien le voir, il ne faut pas rester au mĂȘme endroit. »

      l’islam salafiste, notre ennemi commun et, pour des raisons d’expĂ©rience, le mien avant d’ĂȘtre le vĂŽtre, vous a-t-il fait plus d’une fois confondre deux milliards de musulmans et une culture millĂ©naire avec un livre, un verset, un slogan. Pour vous, le temps s’est arrĂȘtĂ© au moment oĂč le nazisme a dĂ©capitĂ© l’humanitĂ©.

      #antisémitisme #anisionisme #israël #palstine #occupation #démolition #colonisation #liban #humanité #extrémisme

    • Oui, le monde arabe est mort. Oui, tous les pays de la rĂ©gion, oĂč je vis, sont morcelĂ©s, en miettes. Oui, la rĂ©sistance palestinienne a Ă©chouĂ©. Oui, la plupart desdites rĂ©volutions arabes ont Ă©tĂ© confisquĂ©es. Mais le souvenir n’appartient pas que je sache au seul camp du pouvoir, du vainqueur. Il n’est pas encore interdit de penser quand on est Ă  genoux.

    • @val_k

      Cher Alain Finkielkraut,

      Permettez-moi de commencer par vous dire « salamtak », le mot qui s’emploie en arabe pour souhaiter le meilleur Ă  qui Ă©chappe Ă  un accident ou, dans votre cas, une agression. La violence et la haine qui vous ont Ă©tĂ© infligĂ©es ne m’ont pas seulement indignĂ©e, elles m’ont fait mal. Parviendrais-je, dans cette situation, Ă  trouver les mots qui vous diront simultanĂ©ment ma solidaritĂ© et le fond de ma pensĂ©e ? Je vais essayer. Car, en m’adressant Ă  vous, je m’adresse aussi, Ă  travers vous, Ă  ceux qui ont envie de paix.

      Peut-ĂȘtre vous souvenez-vous. Nous nous sommes connus au dĂ©but des annĂ©es 1980 Ă  Paris, aux Ă©ditions du Seuil, et soigneusement Ă©vitĂ©s depuis. Lors de l’invasion du Liban par IsraĂ«l, vous n’aviez pas supportĂ© de m’entendre dire qu’un immeuble s’était effondrĂ© comme un chĂąteau de cartes sous le coup d’une bombe Ă  fragmentation israĂ©lienne. Cette vĂ©ritĂ©-lĂ  blessait trop la vĂŽtre pour se frayer un chemin. C’est l’arrivĂ©e impromptue dans le bureau oĂč nous nous trouvions, de l’historien israĂ©lien Saul FriedlĂ€nder, qui permit de rĂ©tablir la vĂ©ritĂ©. Il connaissait les faits. J’ai respirĂ©. Vous ĂȘtes parti sans faire de place Ă  ma colĂšre. Il n’y avait de place, en vous, que pour la vĂŽtre. Durant les dĂ©cennies qui ont suivi, le syndrome s’est accentuĂ©. Vous aviez beau aimer Levinas, penseur par excellence de l’altĂ©ritĂ©, il vous devenait de plus en plus difficile, voire impossible, de cĂ©der le moindre pouce de territoire Ă  celle ou celui que vous ressentiez comme une menace. Cette mesure d’étanchĂ©itĂ©, parfaitement comprĂ©hensible compte tenu de l’histoire qui est la vĂŽtre, n’eĂ»t posĂ© aucun problĂšme si elle ne s’était transformĂ©e en croisade intellectuelle. Cette façon que vous avez de vous mettre dans tous vos Ă©tats pour peu que survienne un dĂ©saccord n’a cessĂ© de m’inspirer, chaque fois que je vous Ă©coute, l’empathie et l’exaspĂ©ration. L’empathie, car je vous sais sincĂšre, l’exaspĂ©ration, car votre intelligence est dĂ©cidĂ©ment mieux disposĂ©e Ă  se faire entendre qu’à entendre l’autre.

      Le plus clair de vos raisonnements est de maniĂšre rĂ©currente rattrapĂ© en chemin par votre allergie Ă  ce qui est de nature Ă  le ralentir, Ă  lui faire de l’ombre. Ainsi, l’islam salafiste, notre ennemi commun et, pour des raisons d’expĂ©rience, le mien avant d’ĂȘtre le vĂŽtre, vous a-t-il fait plus d’une fois confondre deux milliards de musulmans et une culture millĂ©naire avec un livre, un verset, un slogan. Pour vous, le temps s’est arrĂȘtĂ© au moment oĂč le nazisme a dĂ©capitĂ© l’humanitĂ©. Il n’y avait plus d’avenir et de chemin possible que dans l’antĂ©rioritĂ©. Dans le retour Ă  une civilisation telle qu’un EuropĂ©en pouvait la rĂȘver avant la catastrophe. Cela, j’ai d’autant moins de mal Ă  le comprendre que j’ai la mĂȘme nostalgie que vous des chantiers intellectuels du dĂ©but du siĂšcle dernier. Mais vous vous ĂȘtes autorisĂ© cette fusion de la nostalgie et de la pensĂ©e qui, au prix de la luciditĂ©, met la seconde au service de la premiĂšre. Plus inquiĂ©tant, vous avez renoncĂ© dans ce « monde d’hier » Ă  ce qu’il avait de plus rĂ©jouissant : son cosmopolitisme, son mĂ©lange. Les couleurs, les langues, les visages, les mĂ©moires qui, venues d’ailleurs, polluent le monde que vous regrettez, sont assignĂ©es par vous Ă  disparaĂźtre ou Ă  se faire oublier. Vous dites que deux menaces pĂšsent sur la France : la judĂ©ophobie et la francophobie. Pourquoi refusez-vous obstinĂ©ment d’inscrire l’islamophobie dans la liste de vos inquiĂ©tudes ? Ce n’est pas faire de la place Ă  l’islamisme que d’en faire aux musulmans. C’est mĂȘme le contraire. À ne vouloir, Ă  ne pouvoir partager votre malaise avec celui d’un nombre considĂ©rable de musulmans français, vous faites ce que le sionisme a fait Ă  ses dĂ©buts, lorsqu’il a prĂ©tendu que la terre d’IsraĂ«l Ă©tait « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Vous niez une partie de la rĂ©alitĂ© pour en faire exister une autre. Sans prendre la peine de vous reprĂ©senter, au passage, la frustration, la rage muette de ceux qui, dans vos propos, passent Ă  la trappe.

      Vous avez cĂ©dĂ© Ă  ce contre quoi Canetti nous avait brillamment mis en garde avec Masse et puissance. Vous avez dĂ©veloppĂ© la « phobie du contact » Ă  partir de laquelle une communautĂ©, repliĂ©e comme un poing fermĂ©, se met en position de dĂ©fense aveugle, n’a plus d’yeux pour voir hors d’elle-mĂȘme. Cette posture typique d’une certaine politique israĂ©lienne, et non de la pensĂ©e juive, constitue, entre autre et au-delĂ  de votre cas, la crispation qui rend impossible l’invention de la paix. C’est d’autant plus dommage qu’il y a fort Ă  parier que le monde dont vous portez le deuil est trĂšs proche de celui d’un nombre considĂ©rable de gens qui vivent en pays arabes sous la coupe de rĂ©gimes mafieux et/ou islamistes. Pourquoi ceux-lĂ  comptent-ils si peu pour vous ? Pourquoi prĂ©fĂ©rez-vous mettre le paquet sur vos ennemis dĂ©clarĂ©s que donner leur chance Ă  de potentiels amis ? Le renoncement Ă  l’idĂ©al, dont j’évoque longuement la nĂ©cessitĂ© dans mon dernier livre sur Edward Said, est un pas que vous ne voulez pas franchir. J’entends par idĂ©al la projection de soi promue au rang de projet collectif. Or, le seul rĂȘve politique qui vaille, on peut aussi l’appeler utopie, c’est celui qui prend acte de la rĂ©alitĂ© et se propose d’en tirer le meilleur et non de la mettre au pas d’un fantasme. C’est prĂ©cisĂ©ment le contraire de l’idĂ©al en circuit fermĂ© qui fonctionne sur le mode d’une fixation infantile et nous fait brusquement dĂ©couvrir, Ă  la faveur d’une mauvaise rencontre, qu’il nourrit la haine de ceux qui n’ont pas les moyens de ne pas haĂŻr. Cet homme qui vous a injuriĂ© a tout injuriĂ© d’un coup : votre personne, les Juifs et ceux que cette ignominie Ă©cƓure. Il ne suffit toutefois pas de le dire pour le combattre et moins encore pour Ă©puiser le sujet. À cet Ă©gard, je vous remercie d’avoir prĂ©cisĂ© Ă  la radio que l’antisĂ©mitisme et l’antisionisme ne pouvaient ĂȘtre confondus d’un trait.

      Peut-ĂȘtre aurez-vous l’oreille du pouvoir en leur faisant savoir qu’ils ne cloueront pas le bec des opposants au rĂ©gime israĂ©lien en clouant le bec des enragĂ©s. On a trop l’habitude en France de prendre les mots et les esprits en otage, de privilĂ©gier l’affect au mĂ©pris de la raison chaque fois qu’est Ă©voquĂ©e la question d’IsraĂ«l et de la Palestine. On nous demande Ă  prĂ©sent de reconnaĂźtre, sans broncher, que l’antisĂ©mitisme et l’antisionisme sont des synonymes. Que l’on commence par nous dire ce que l’on entend par sionisme et donc par antisionisme. Si antisioniste signifie ĂȘtre contre l’existence d’IsraĂ«l, je ne suis pas antisioniste. Si cela signifie, en revanche, ĂȘtre contre un État d’IsraĂ«l, strictement juif, tel que le veulent Netanyahu et bien d’autres, alors oui, je le suis. Tout comme je suis contre toute purification ethnique. Mandela Ă©tait-il antisĂ©mite au prĂ©texte qu’il dĂ©fendait des droits Ă©gaux pour les Palestiniens et les IsraĂ©liens ? L’antisĂ©mitisme et le nĂ©gationnisme sont des plaies contre lesquelles je n’ai cessĂ© de me battre comme bien d’autres intellectuels arabes. Que l’on ne nous demande pas Ă  prĂ©sent d’entĂ©riner un autre nĂ©gationnisme – celui qui liquide notre mĂ©moire – du seul fait que nous sommes dĂ©faits. Oui, le monde arabe est mort. Oui, tous les pays de la rĂ©gion, oĂč je vis, sont morcelĂ©s, en miettes. Oui, la rĂ©sistance palestinienne a Ă©chouĂ©. Oui, la plupart desdites rĂ©volutions arabes ont Ă©tĂ© confisquĂ©es. Mais le souvenir n’appartient pas que je sache au seul camp du pouvoir, du vainqueur. Il n’est pas encore interdit de penser quand on est Ă  genoux.

      Un dernier mot avant de vous quitter. Je travaille au Liban avec des femmes exilĂ©es par la guerre, de Syrie, de Palestine, d’Irak. Elles sont brodeuses. Quelques-unes sont chrĂ©tiennes, la plupart musulmanes. Parmi ces derniĂšres, trois ont perdu un fils. Toutes sont pratiquantes. Dieu est pour ainsi dire leur seul recours, leur seule raison de vivre. RĂ©unies autour d’une grande table, sur laquelle Ă©tait posĂ©e une toile de chanvre, nous Ă©tions une douzaine Ă  dessiner un cargo transportant un pays. Chacune y mettait un morceau du sien. L’une un tapis, l’autre une porte, une colonne romaine, un champ d’olivier, une roue Ă  eau, un coin de mer, un village du bord de l’Euphrate. Le moment venu d’introduire ou pas un lieu de culte, la personne qui dirigeait l’atelier a souhaitĂ© qu’il n’y en ait pas. Face Ă  la perplexitĂ© gĂ©nĂ©rale, il a Ă©tĂ© proposĂ© que ces lieux, s’il devait y en avoir, soient discrets. À la suggestion d’ajouter une synagogue, l’une des femmes a aussitĂŽt rĂ©agi par ces mots : « S’il y a une Ă©glise et une mosquĂ©e, il faut mettre une synagogue pour que chacun puisse aller prier lĂ  oĂč il veut. Et elle a ajoutĂ© avec le vocabulaire dont elle disposait : « Nous ne sommes pas antisĂ©mites, nous sommes antisionistes. » Toutes ont approuvĂ©, faisant valoir que « dans le temps », tout ce monde-lĂ  vivait ensemble.

      Cher Alain Finkielkraut, je vous demande et je demande aux responsables politiques de ne pas minorer ces petites victoires du bon sens sur la bĂȘtise, de la banalitĂ© du bien sur la banalitĂ© du mal. PrĂ©fĂ©rez les vrais adversaires qui vous parlent aux faux amis qui vous plaignent. Aidez-nous Ă  vous aider dans le combat contre l’antisĂ©mitisme : ne le confinez pas au recours permanent Ă  l’injonction, l’intimidation, la mise en demeure. Ceux qui se font traiter d’antisĂ©mites sans l’ĂȘtre ne sont pas moins insultĂ©s que vous. Ne tranchez pas Ă  si bon compte dans le vĂ©cu de ceux qui ont une autre reprĂ©sentation du monde que vous. Si antisionisme n’est plus un mot adaptĂ©, donnez-nous-en un qui soit Ă  la mesure de l’occupation, de la confiscation des terres et des maisons par IsraĂ«l, et nous vous rendrons celui-ci. Il est vrai que beaucoup d’entre nous ont renoncĂ© Ă  parler. Mais ne faites pas confiance au silence quand il n’est qu’une absence provisoire de bruit. Un mutisme obligĂ© peut accoucher de monstres. Je vous propose pour finir ce proverbe igbo : « Le monde est comme un masque qui danse : pour bien le voir, il ne faut pas rester au mĂȘme endroit. »

      Dominique EDDÉ est romanciĂšre et essayiste. Dernier ouvrage : « Edward Said. Le roman de sa pensĂ©e » (La Fabrique, 2017).

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      Note de l’auteure

      RĂ©digĂ©e le 23 fĂ©vrier dernier, cette lettre Ă  Alain Finkielkraut a Ă©tĂ© acceptĂ©e par le journal Le Monde qui demandait qu’elle lui soit « rĂ©servĂ©e », puis elle a Ă©tĂ© recalĂ©e, sans prĂ©avis, 9 jours plus tard alors qu’elle Ă©tait en route pour l’impression.

      L’article qui, en revanche, sera publiĂ© sans contrepoids ce mĂȘme jour, le 5 mars, Ă©tait signĂ© par le sociologue Pierre-AndrĂ© Taguieff. Survol historique de la question du sionisme, de l’antisionisme et de « la diabolisation de l’État juif », il accomplit le tour de force de vider le passĂ© et le prĂ©sent de toute rĂ©fĂ©rence Ă  la Palestine et aux Palestiniens. N’existe Ă  ses yeux qu’un État juif innocent mis en pĂ©ril par le Hamas. Quelques mois plus tĂŽt, un article du sociologue Dany Trom (publiĂ© dans la revue en ligne AOC) dressait, lui aussi, un long bilan des 70 ans d’IsraĂ«l, sans qu’y soient citĂ©s une seule fois, pas mĂȘme par erreur, les Palestiniens.

      Cette nouvelle vague de nĂ©gationnisme par omission ressemble Ă©trangement Ă  celle qui en 1948 installait le sionisme sur le principe d’une terre inhabitĂ©e. DerriĂšre ce manque d’altĂ©ritĂ© ou cette maniĂšre de disposer, Ă  sens unique, du passĂ© et de la mĂ©moire, se joue une partie trĂšs dangereuse. Elle est Ă  l’origine de ma dĂ©cision d’écrire cette lettre. Si j’ai choisi, aprĂšs le curieux revirement du Monde, de solliciter L’Orient-Le Jour plutĂŽt qu’un autre mĂ©dia français, c’est que le moment est sans doute venu pour moi de prendre la parole sur ces questions Ă  partir du lieu qui est le mien et qui me permet de rappeler au passage que s’y trouvent par centaines de milliers les rĂ©fugiĂ©s palestiniens, victimes de 1948 et de 1967.

      Alors que j’écris ces lignes, j’apprends qu’a eu lieu, cette semaine, un dĂ©filĂ© antisĂ©mite en Belgique, dans le cadre d’un carnaval Ă  Alost. On peine Ă  croire que la haine et la bĂȘtise puissent franchir de telles bornes. On peine aussi Ă  trouver les mots qui tiennent tous les bouts. Je ne cesserai, pour ma part, d’essayer de me battre avec le peu de moyens dont je dispose contre la haine des Juifs et le nĂ©gationnisme, contre le fanatisme islamiste et les dictatures, contre la politique coloniale israĂ©lienne. De tels efforts s’avĂšrent de plus en plus dĂ©risoires tant la brutalitĂ© ou la surditĂ© ont partout des longueurs d’avance.

      Que les choses soient claires : l’antisĂ©mitisme n’est pas, de mon point de vue, un racisme comme un autre. Il est le mal qui signe la limite irrationnelle de l’humain dans notre humanitĂ©. Le combattre de toutes nos forces n’est pas affaiblir la Palestine, c’est la renforcer. Alerter un certain milieu intellectuel et politique sur les dangers d’une mĂ©moire sioniste exclusive, c’est l’alerter sur la grave injustice qu’elle signifie, mais aussi sur le dĂ©sastreux effet d’huile sur le feu antisĂ©mite que peut produire cette occultation de l’autre.

      D.E.

    • Et aussi

      Note de l’auteure

      RĂ©digĂ©e le 23 fĂ©vrier dernier, cette lettre Ă  Alain Finkielkraut a Ă©tĂ© acceptĂ©e par le journal Le Monde qui demandait qu’elle lui soit « rĂ©servĂ©e », puis elle a Ă©tĂ© recalĂ©e, sans prĂ©avis, 9 jours plus tard alors qu’elle Ă©tait en route pour l’impression.

      L’article qui, en revanche, sera publiĂ© sans contrepoids ce mĂȘme jour, le 5 mars, Ă©tait signĂ© par le sociologue Pierre-AndrĂ© Taguieff. Survol historique de la question du sionisme, de l’antisionisme et de « la diabolisation de l’État juif », il accomplit le tour de force de vider le passĂ© et le prĂ©sent de toute rĂ©fĂ©rence Ă  la Palestine et aux Palestiniens. N’existe Ă  ses yeux qu’un État juif innocent mis en pĂ©ril par le Hamas. Quelques mois plus tĂŽt, un article du sociologue Dany Trom (publiĂ© dans la revue en ligne AOC) dressait, lui aussi, un long bilan des 70 ans d’IsraĂ«l, sans qu’y soient citĂ©s une seule fois, pas mĂȘme par erreur, les Palestiniens.

      


      #le_monde

    • @touti : quand tu prĂ©conises Tor, c’est « Tor Browser » ou le rĂ©seau Tor ? J’ai pas encore osĂ© me lancer dans ce truc car ça m’a l’air complexe.
      Sinon, j’utilise un service qui fournit des accĂšs Ă  des VPN, ce qui me permet de « dĂ©localiser » mon IP, d’anonymiser mes connections et d’en crypter le contenu. Ça s’appelle « Cyberghost » et c’est payant aussi, mais bon ...

    • Oui TOR browser, et ça utilise le rĂ©seau TOR, faut arrĂȘter d’avoir peur (les mĂ©dias dominants ont bien travaillĂ© avec le dark web, raaaa bouououuoouh TOR c’est le mal) , c’est aussi simple que n’importe quel navigateur.

    • Euh ... En fait, c’est pas le darquouĂšbe qui me fout les jetons, c’est la complexitĂ© technique du bouzin. Faudra que je teste sur une vieille machine sous Linux.
      Sinon, Ă  propos de Cyberghost, un peu de doc ici mĂȘme :
      ▻https://www.tomsguide.com/us/cyberghost-vpn,review-4458.html

      Mais si j’arrive Ă  maĂźtriser Tor (et son « brouteur »), j’abandonne derechef mon service payant. (DĂ©solĂ© @monolecte d’avoir squattĂ© ton post avec mes angoisses techniques.)

    • Non mais ya rien Ă  faire, tu ouvres TorBrowser et c’est fini. C’est juste un Firefox prĂ©-configurĂ© pour passer par Tor. DĂšs que tu l’allumes il fait un chemin au hasard dans les nƓuds Tor, et du coup c’est comme si tu faisais ta requĂȘte depuis ailleurs (mais le nƓud sortant est aussi en France). À tout moment t’as une entrĂ©e de menu « rouvrir avec un autre chemin » si tu veux le changer.