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  • Chez « Là-bas », Daniel Mermet écrase les grévistes - Par Loris Guémart | Arrêt sur images
    https://www.arretsurimages.net/articles/chez-la-bas-daniel-mermet-ecrase-les-grevistes

    En 2013, une longue enquête relatait la souffrance que Daniel Mermet infligeait aux journalistes travaillant pour lui. L’animateur de gauche se défaussait alors sur le système de précarité de Radio France. Près de dix ans plus tard, le constat reste pourtant similaire sur le site qu’il a créé après son éviction de France Inter. Ce qui a mené à une grève de dix salarié·es sur douze en 2020, et aujourd’hui à une défaite aux prud’hommes pour harcèlement moral. Enquête.

    Olivier Cyran sur mammouth rapporte les commentaires de Loris Guémart

    @lorisguemart et toujours le même petit monde de la gauche de gauche radiophonique – personnalités politiques, journalistes, éditeurs, cinéastes, sociologues, etc – qui continue de défiler sur le plateau du taulier alors qu’ils sont tous au parfum depuis des lustres.

    On notera cependant que, cette fois, l’équipe de LBSJS s’est mise en grève, que la solidarité l’a emporté sur le chacun-pour-sa-gueule qui avait fait la loi si longtemps et que tant d’autres victimes par le passé eurent à subir en plus de tout le reste. Comme Julien Brygo, qui avait courageusement lancé l’alerte en 2013 et impulsé l’enquête d’Article 11. À l’époque, quand tu te faisais flinguer pour avoir osé dire un truc qui ne caressait pas les oreilles du patron dans le sens de ses vieux poils, les collègues de bureau regardaient ailleurs, et les plus lèche-culs en profitaient pour gratter des points de fidélité en te poignardant dans le dos – ce qui, du reste, leur a été plutôt bénéfique dans la poursuite de leur carrière, l’un d’eux est même devenu député, tandis que Brygo et tant d’autres sont restés précaires, et durablement marqués par cette expérience du clouage au pilori.

    Cette fois, l’équipe a serré les coudes et le patron s’est fait condamner aux Prudhommes, comme quoi il y a quand même du progrès. Mais il faut insister là-dessus : si le système Mermet a pu atteindre une aussi exceptionnelle longévité, et faire d’aussi nombreuses victimes, année après année, et même génération après génération (si l’on considère que les premiers témoignages incriminants remontent à 2003, où ils furent mentionnés par @acrimed et @CQFDjournal), c’est bien parce qu’il fut constamment conforté et ré-accrédité par son réseau de fidèles.

    L’article d’Arrêt sur Image évoque les cas de Ruffin, Mélenchon, Besancenot, Lordon ou Filoche, qui ont gardé leurs habitudes chez Mermet en fermant les yeux sur ce qui se passait hors-micro, mais il y en a eu beaucoup d’autres. Apparemment, les diverses formes de sadisme managérial instaurées par le capitalisme, que l’on condamne si ardemment au micro, paraissent plus acceptables lorsqu’elles découlent d’un système dont on profite soi-même.

    Ce serait vraiment une heureuse surprise si un jour les milieux de gauche acceptaient de se confronter à la question des rapports de pouvoir et de domination à l’œuvre au sein de leurs groupes, structures, journaux, formations ou entreprises, et en particulier chez leurs grandes figures et porteurs d’espoir – car la persévérance à les ignorer fait de gros dégâts.

    Les dégâts, ce sont d’abord les victimes directes, qui parfois prennent très longtemps à s’en relever, y compris dans leur vie professionnelle. « L’expérience a été très courte mais elle m’a brisé, je n’ai jamais plus osé travailler dans une rédaction, et surtout pas parisienne », témoigne par exemple Franck Dépretz (auteur par ailleurs d’une remarquable enquête sur les accidents de travail chez les ouvriers cordistes).

    Mais il y a aussi une conséquence plus diffuse : quand des figures largement appréciées à gauche choisissent d’ignorer ce que tout le monde sait, le message adressé au « camp du progrès », c’est que les abus de pouvoir, les rituels de domination, la tyrannie et la cruauté ne sont un problème que lorsqu’ils appartiennent à nos adversaires politiques. Chez nous, ça passe.

    Tant qu’on peut s’en tirer grâce au tout-confort des justifications à la « c’est pour la bonne cause » et « on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs », ça passe. Et c’est aussi un message à toutes celles et ceux qui pourraient protester contre une pareille imposture ou souffrir des mêmes maltraitances dans leur propre sphère de travail ou de militance : n’attendez aucun soutien de notre part.

    Un dernier mot enfin sur Ruffin. En lisant l’article d’ASI, on s’aperçoit à quel point son argumentaire en soutien à Mermet – mis en ligne par Fakir en 2013 – a été tristement « efficace ». Il a convaincu des jeunes journalistes de faire la sourde oreille aux mises en garde de leurs aînés et de consentir docilement aux méthodes de Mermet – c’est une si grande chance de travailler pour un si grand homme, alors stp baisse les yeux quand il te défonce la tête.

    Journaliste vedette de l’émission, et à ce titre épargné lui-même par les caprices de « Daniel », Ruffin ne se contentait pas d’ignorer superbement les souffrances de ses collègues moins bien lotis – il a en quelque sorte théorisé sa non-solidarité en expliquant que les victimes du harcèlement mermétien étaient des « fleurs fragiles » qui avaient bien cherché ce qui leur arrivait.

    Il s’offre même le luxe d’une citation prêtée à Cavanna (le pauvre) où il est question de « médiocres » que l’on « regarde couler sans déplaisir ». Jaune, et fier de l’être, et tirant jouissance de voir ses camarades harcelés. Je peux me tromper, mais ne suis pas certain qu’un tel positionnement vous qualifie particulièrement pour représenter la voix des humbles et des opprimés. #JustSaying

    Peut-être que Ruffin a changé d’avis depuis 2013, ou qu’il s’apprête à le faire après les dernières révélations. En attendant, son apologie du mermétisme est toujours en ligne, signalant qu’elle ne risque pas de causer préjudice à sa carrière politique.
    https://fakirpresse.info/Mes-annees-Mermet.html

    (et pardon pour le flood) -> #merci