Le principe de cette stratégie au nom compliqué est simple : toutes les situations d’interaction humaine, y compris les agressions, se fondent sur le sens que les acteurs/trices mettent dans leurs actions. Si quelqu’un fait ou dit quelque chose, c’est qu’il veut dire quelque chose par là. Pour ce qui est de la communication, la formule du linguiste et psychiatre Paul Watzlawick est bien connue : il est
impossible de ne pas communiquer. Cela s’applique à toute interaction, pas seulement à la communication. Selon ce principe, il est donc strictement impossible de « ne rien faire » quand vous êtes agressée. Même si vous ne bougez pas, cela envoie quand même un message à l’agresseur, par exemple que vous êtes paralysée de panique, et cela
peut l’encourager à continuer. Même en ne faisant « rien », votre attitude a quand même un impact sur l’interaction.
En fait, l’interaction humaine ne fonctionne que parce que tous les acteurs impliqués cherchent constamment et inconsciemment un sens à ce que l’autre fait ou dit. Si une personne refuse de produire du sens, l’interaction ne peut plus avancer. L’autre personne va chercher un
sens qui n’existe pas, et cela la bloque et la déstabilise. Tout cela sonne bien abstrait et bien théorique, mais voici une application très pratique de ce principe, une histoire qui circule depuis un bon moment dans le monde de l’autodéfense : une femme pratiquant un art martial
s’entraînait depuis longtemps pour obtenir une ceinture plus élevée.
Une partie de l’examen consistait à se défendre contre des agresseurs armés d’un couteau. Elle s’entraînait régulièrement avec le même
homme. Un soir, alors qu’elle rentrait chez elle après l’entraînement, elle se voit confrontée à un agresseur muni d’un couteau. Or, contrairement à son partenaire d’entraînement, l’agresseur est gaucher. Sans réfléchir, elle lui dit : « Mais… Tu as le couteau dans la mauvaise main ! » Cela confond l’agresseur à tel point qu’il ne sait plus quoi faire et s’enfuit. Dans cet exemple, la femme a utilisé
la stratégie de l’intervention paradoxale sans s’en apercevoir car, pour elle, sa réaction avait du sens (elle savait qu’elle ne savait se défendre que contre des droitiers). Mais l’agresseur ne sachant pas cela, s’est mis à chercher le sens de cette phrase énigmatique, en vain, et il a été bloqué dans son élan agressif.
En général, un agresseur a une certaine idée préconçue de la façon dont va se dérouler la situation d’agression. Si la victime ne se comporte pas comme prévu, l’agresseur n’a pas de plan B tout prêt et doit d’abord réfléchir pour pouvoir s’adapter à la nouvelle situation.
C’est ce que l’on appelle l’effet de surprise. L’intervention
paradoxale renforce cet effet de surprise car le comportement de la victime est non seulement inattendu, mais de plus n’a aucun sens !
Imaginez-vous un agresseur qui se casse la tête pour comprendre ce qui lui arrive… Un agresseur occupé à réfléchir est un agresseur inoffensif. Vous verrez dans le chapitre sur la défense verbale, p.159, comment tirer consciemment avantage de cette stratégie.