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Pedopsychiatre de secteur public

  • Psychiatrie Infanto-juvénile en danger

    Depuis plusieurs années, la psychiatrie publique constate que les représentants de son ministère de tutelle disqualifient de manière plus ou moins explicite ses professionnels arguant de références scientifiques qui seraient refusées ou ignorées dans leurs pratiques dans le domaine de l’autisme.

    Cette attitude connaît son apogée avec la consigne de Mme Neuville, Secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion, pour que les agences régionales de santé (ARS) procèdent à l’inspection des hôpitaux de jour accueillant des enfants avec diagnostic d’autisme. Cette inspection, qui néglige les visites planifiées de certification des hôpitaux menées par la HAS, doit être improvisée par les ARS pour vérifier l’application de simples recommandations consensuelles à valeur faible sur le plan scientifique de bonnes pratiques.

    Les méthodes éducatives exigées sont loin de faire l’unanimité quant à leur efficacité, comme elles sont loin d’avoir amélioré la qualité de vie à long terme des personnes avec autisme dans les pays où elles ont été considérées comme la panacée. Les autres prises en charge n’ont pas été discréditées par la science et, pourtant, ce sont les méthodes éducatives que les tutelles privilégient au point de mépriser sous des prétextes fallacieux les recherches scientifiques en cours pour évaluer les autres méthodes.

    Pire, le choix des formations des professionnels, dans les champs sanitaire, paramédical, éducatif, juridique... est maintenant orienté par les décisions de certaines associations non scientifiques. Ce qui revient à dire que l’Etat se permet de décider des modalités de prise en charge en psychiatrie et de se substituer aux praticiens et aux associations scientifiques pour le contenu des formations.

    Les annonces de Madame Neuville interviennent alors qu’un certain discours sur la prise en charge de l’autisme trouve écho auprès des médias grâce à des stratégies de communication organisées, loin de la spontanéité des témoignages d’usagers et avec le soutien de quelques élus partiaux. Cette stratégie de communication sur des chaînes et radios publiques met en scène depuis plusieurs semaines de faux-débats sans contre-argumentations, qui n’ont rien d’une démarche scientifique pourtant affichée telle quelle dans les médias. L’image des professionnels de pédopsychiatrie qui y sont décrits flirte avec les clichés sur la psychiatrie et augmente par la caricature la stigmatisation des patients qui y font appel. Mais au-delà, cette campagne de désinformation diffamatoire interroge sur ses véritables motivations, puisqu’il existe des enjeux financiers liés aux organismes de formation concernés par les méthodes dont Madame Neuville se retrouve à faire la promotion.

    La question des conflits d’intérêts se pose, et nous attendons des agents du Ministère de la santé d’être d’abord guidés par l’intérêt public, à distance des attitudes partisanes et des pressions de lobbies.

    Le contenu scientifique et les orientations de la formation professionnelle en santé doivent être guidées par l’intérêt des patients et non par les pressions.Ceci ne peut se faire en opposant les professionnels entre eux, les professionnels et les familles, ...

    Le SPH et l’USP enjoignent à la reprise des collaborations en bonne intelligence en intégrant les professionnels de la psychiatrie qui depuis des décennies se consacrent aux personnes porteuses de troubles du spectre autistique et qui n’ont de cesse d’adapter leurs pratiques à la richesse des savoirs diversifiés et complémentaires.

    Le 17 mai 2016

    Philippe GASSER Marc BETREMIEUX

    Président de l’USP Président du SPH

  • Pour information : lettre adressée par le SPH à la ministre suite à la décision d’inspection des HDJ pédopsy / plan autisme

    Madame la Ministre de la santé

    Ministère des affaires sociales et de la santé

    14 avenue Duquesne

    75350 Paris 07 SP

    Hénin-Beaumont, le 7 mars 2016

    Madame la Ministre,

    La DGOS vient d’annoncer à certaines organisations qu’elle chargeait les ARS d’inspecter les Hôpitaux de Jour de psychiatrie infanto-juvénile pour y vérifier le respect des recommandations de bonnes pratiques (RBP) dans le cadre du 3e plan autisme.

    Si le Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux reconnaît qu’il est légitime de se soucier de la qualité générale des prises en charge et du bon usage des fonds publics, il est cependant profondément surpris par la forme donnée à cette vérification.

    – Les Hôpitaux de jour sont déjà engagés dans les démarches réglementaires de certification et d’évaluation, tandis que leurs équipes sont investies dans la formation continue et le dispositif de DPC.

    Qu’est-ce que ce circuit supplémentaire de vérification est donc supposé apporter, sauf à remettre en cause dans leur ensemble les dispositifs nationaux de formation et de contrôle des professionnels ?

    – Une prise en charge en psychiatrie infanto-juvénile qui associe toujours soins, éducation et pédagogie, nécessite un jugement clinique fondé sur des compétences professionnelles acquises par l’expérience et l’approfondissement des connaissances de la discipline. La pédopsychiatrie fait appel en outre à une pluralité de références auxquelles la plupart des équipes se sont formées. Si les outils standardisés font bien partie de la formation actuelle en pédopsychiatrie, ils ne sauraient cependant remplacer le jugement clinique qu’ils ne font que compléter.

    Les inspecteurs des ARS auront-ils les compétences pour juger de la validité du jugement clinique à l’appui des pratiques examinées ?

    – Depuis 2012, les professionnels alertent sur les risques de tirer des conclusions simplificatrices des RBP sur lesquelles ont été émises des réserves. Aux dires mêmes de la HAS, aucune méthode n’a fait complètement la preuve de son efficacité. Cette seule question des méthodes a ainsi réduit les débats de manière stérile.

    Comment une inspection de l’ARS saura-t-elle éviter de tomber dans cette réduction et échapper aux mêmes conclusions hâtives faites par certains ?

    – Les associations scientifiques ne cessent de rappeler depuis 2012 que les troubles du spectre autistique, spectre très large, ne peuvent être traités de manière univoque. Les hôpitaux de jour s’occupent habituellement des enfants avec les troubles les plus complexes, qui nécessitent, plus que d’autres, des projets finement individualisés.

    Par quels moyens les inspecteurs des ARS seront-ils en mesure d’apprécier l’approche de la complexité des troubles présentés et l’appréhension de l’enfant par les soignants dans sa singularité ?

    – La mise en œuvre des projets est conditionnée par les moyens mis à la disposition des équipes. Certaines professions comme les orthophonistes, sont dans une démographie sinistrée car le statut défavorable offert par l’hôpital Public n’en permet plus le recrutement.

    Comment ces données sur les pénuries de moyens seront-elles prises en compte dans les inspections ? Comment la DGOS peut-elle demander aux services sanitaires de faire plus avec autant, et ce sans pénaliser tous les autres enfants soignés en psychiatrie infanto-juvénile, enfants qui peuvent présenter des troubles graves mais qu’aucun lobby ne défend ? L’orientation des moyens vers une catégorie de patients crée une perte de chance pour tous les autres.

    – Dans la forme choisie, cette inspection est une démarche de contrôle sans partage ni échange préalables sur les objectifs. Et dans le domaine des soins, le contrôle ne peut se réaliser que par comparaison à des preuves scientifiques ou des données probantes vis à vis de procédures diagnostiques ou thérapeutiques, en lien avec une organisation aux moyens validés.

    L’inspection est donc une mesure d’exception.

    Dans ce cadre, s’il n’existe pas de données scientifiques irréfutables ou au moins de vérité consensuelle, les conclusions d’une telle démarche ne sauraient être opposables, sauf pour des raisons idéologiques voire politiques. En effet, quelles sont les conséquences prévues si un écart est estimé entre les pratiques constatées et les critères érigés à tort comme règles à suivre ? Un climat de suspicion des tutelles pour la psychiatrie infanto-juvénile serait-il à l’origine de cette démarche exceptionnelle ?

    La conséquence immédiate ne peut être qu’un risque de disqualification de la psychiatrie infanto-juvénile et de ses équipes, qui consacrent pourtant leurs efforts à se coordonner avec les familles et avec leurs partenaires de l’Education Nationale et du médico-social pour l’accueil des enfants porteurs de TSA. Et cela dans un contexte d’offre globale déjà insuffisante.

    En choisissant d’inspecter les hôpitaux de jour de psychiatrie infanto juvénile publique , privée des moyens à la hauteur des exigences pour la prise en charge des enfants avec TSA, par surprise et sur des critères non scientifiques et non consensuels, les services du ministère ne servent-ils pas une disqualification programmée de la discipline ?

    A terme, ces enfants doivent-ils être écartés du soin, dans un renoncement à la dynamique psychique qui permettra plus aisément le glissement des fonds vers le médico-social ?

    Les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile seront-ils destinés à n’être que des producteurs de diagnostics sans exercice soignant ?

    Il est indispensable que les objectifs réels de ces inspections soient exposés aux professionnels dont les lieux d’accueils et de soins vont être examinés.

    Le SPH demande une concertation urgente avec les instances représentatives de la Psychiatrie Infanto-Juvénile avant la mise en œuvre de cette inspection douteuse.

    Dans l’attente, veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre considération.

    Dr Marc Bétrémieux, président du SPH

    Dr Isabelle Montet, secrétaire générale du SPH

    Double :

    M. Debeaupuis

    Directeur général

    Direction générale de l’offre de soins

    > Subject : Plan autisme : visites dans les hôpitaux de jour de psychiatrie infanto juvénile
    >
    >
    Mesdames, messieurs,

    A l’occasion du comité national autisme du 16 avril 2015, Mme Ségolène Neuville a annoncé une série de mesures pour renforcer l’efficacité du plan autisme 2013-2017.

    Pour le secteur sanitaire, ces mesures portent, d’une part , sur les contenus des formations initiales des professions paramédicales et le développement continu des professionnels de santé et , d’autre part, sur l’évolution des pratiques professionnelles. A ce titre des visites seront organisées dans les hôpitaux de jour de psychiatrie infanto-juvénile dans le cadre du programme d’inspection des ARS, afin d’ évaluer la diffusion réelle des recommandations de la HAS et de l’ANESM.
    Ce programme se déroulera en deux temps. En 2016, des visites préalables seront réalisées sur la base d’un référentiel fondé sur les recommandations de la HAS et de l’ANESM (2005 et 2012) pour les items qui concernent le secteur sanitaire. En 2017, des inspections-contrôles seront effectuées, éventuellement de manière ciblée compte tenu des résultats des visites 2016.
    Dans le cadre de ces visites, l’établissement pourra valoriser ses savoir-faire et proposer des pistes d’évolution.

    Bien cordialement,

    Jean Debeaupuis
    Directeur général de l’offre de soins


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  • Suite au plan autisme

    Je m’appelle Edmond PERRIER, je suis psychiatre des hôpitaux, chef d’un pôle de pédopsychiatrie en Alsace.
    J’ai la responsabilité d’un vaste secteur géographique densément peuplé qui peut aujourd’hui s’enorgueillir d’avoir, depuis de nombreuses années, réellement mis en application la politique du secteur en psychiatrie : des soins accessibles pour tous, intégrés dans la cité, une collaboration très importante avec tous les acteurs de l’enfance et de l’adolescence, une équipe pluriprofessionnelle garante de la continuité des soins et de leur cohérence.

    Je pourrais citer de nombreux exemple de cette implication de notre secteur dans la cité et de nos conventions avec nos partenaires (Pédiatrie, CAMSP, maternité, structures médico-sociales, éducation nationale...). Je me contenterais de rappeler que le secteur a reçu la médaille des palmes académiques au travers du docteur Yves CARRAZ, à qui j’ai l’honneur de succéder comme responsable du pôle. Il est un des artisans principal de la qualité de l’outil de soin et de la compétence des équipes de mon secteur.

    Depuis plus de 20 ans nos hôpitaux de jours prennent en charge des enfants présentant des troubles psychiques divers et notamment des troubles du spectre autistique.
    Nous accueillons les enfants le plus tôt possible, car nous nous accordons tous sur le fait que le diagnostic et la prise en charge la plus précoce possible de ces enfants est un facteur primordial pour l’avenir.

    Nous garantissons aux familles qui s’adressent à nous, dès le premier contact, que nous allons les accompagner sans flancher tout au long du parcours de soin et d’intégration de leur enfant. Nous nous accordons tous sur le fait qu’une famille confrontée à la souffrance d’un enfant autiste doit être soutenue, écoutée, guidée dans le parcours qu’elle doit faire avec et pour son enfant.

    Nous accueillons donc des enfants dès l’âge de 2 ans dans nos structure de soins de jours et avant en soins individuels (consultations thérapeutiques, psychomotricité, intervention soin-éducatif auprès de la famille si nécessaire...).
    Dès que cela est possible, toujours dans le plus grand respect des demandes des familles, nous orientons les enfants vers une intégration scolaire. Si nous n’avons pas de scolarisation au sein de notre structure, nous avons néanmoins développé un réseau avec des écoles de notre secteur afin de permettre la scolarisation des enfants. Cette scolarisation se fait toujours en concertation avec la famille et l’institutrice ou l’instituteur qui accueille l’enfant. Nous assurons une continuité grâce à l’équipe de soin entre l’hopital de jour, la famille et l’école. Mais nous gardons à l’esprit que le pédagogique survient quand l’enfant est dans la possibilité psychique d’y accéder. Nous partageons l’aphorisme du professeur Pierre DELION : De l’éducatif toujours, du pédagogique quand c’est possible et du thérapeutique quand c’est nécessaire.

    Nous avons donc développé des prises en charge « sur mesure » pour chaque enfant qui nous est confié. Je pourrais même comparer notre position de soin avec la « haute couture », chaque prise en charge étant unique pour un enfant considéré comme un sujet unique. Notre travail implique pour l’équipe un partage d’une position éthique (chaque sujet est unique et les symptômes ont un sens), l’engagement à travailler collectivement (participation aux réunions de recherche commune, synthèses cliniques et engagement dans les réunions de régulation) et l’engagement à se former en continu.

    Pour développer notre outil de soin nous nous inspirons de différents mouvements théoriques et de la connaissance d’expériences pratiques. Ce souci constant d’articulation entre la pratique et la théorie doit nous préserver du risque de sombrer dans le pratico-inerte.
    La construction de notre travail quotidien et notre pratique est en dehors de toutes positions dogmatiques quelles qu’elles soient. Tout ce qui a été un apport majeur pour notre discipline est considéré si cela nous aide dans la prise en charge des enfants. Nous sommes largement irrigué par la psychanalyse, la phénoménologie, la psychothérapie institutionnelle et nous considérons comme très important les principes éducatifs sans oublier les apports de la pédagogie institutionnelle type Freynet. Nous considérons la dimension médical des troubles, les bilans sont toujours complets, l’approche neuro-développementale est toujours présente, la question génétique posée. Nous avons été les promoteurs d’un travail de thèse sur l’évaluation des soins dans notre structure et nous participons à une recherche sur cette évaluation avec les autres services de la région.
    Nous pourrions très facilement résumer notre cadre de soin comme étant relationnel et intégratif à visé neuro-développemental.
    Pas plus que des prises en charges uniquement cognitivo-comportementales nous ne réalisons des prises en charge psychanalytiques. C’est peut être là la complexité de notre travail et la complémentarité des approches est indispensable.

    Le 3ième plan autisme s’appuie sur les recommandation de l’HAS. Mais ce document fait lui même état de désaccord entres les experts concernés car en fin de compte certains ont émis des réserves pour le signer et d’autres ne se sont pas solidariser de ce rapport. Le rapport a du reste été critiqué par la revue prescrire tant dans l’absence de consensus que sur les conclusions (revue prescrire avril 2013).
    L’inquiétude est massive face à un plan qui ne contribue pas à apaiser les polémiques autour de la question de l’autisme, alors que c’est dans une certaine sérénité que les équipes doivent poursuivre le travail, l’améliorer et confronter les différentes approches.

    Notre équipe de soin est toujours prête à témoigner de son engagement et de son travail. Les familles qui nous font confiance, qui nous soutiennent sont nombreuses et souvent silencieuses sur la scène médiatique.
    Nous invitons madame le ministre et son équipe à venir nous rencontrer pour débattre sur place des soins aux enfants autistes et à partager notre expérience et nos questionnements.

    Notre inquiétude est immense quand au devenir de cet outil de travail qui se forge chaque jour grâces aux soignants qui sont engagés auprès des enfants et de leurs familles.

    Monsieur, je vous remercie d’avance si vous pouvez relayer ce message à madame Carlotti.
    Je vous prie de croire à l’assurance de mes respectueuses salutations.

    Docteur Edmond Perrier
    Chef de pôle de pédopsychiatrie
    Psychiatre du service public
    ed.perrier@icloud