Lyes Benyoussef

J’écris sur l’Algérie, le Monde arabe, l’Islam.

  • Qui se souvient d’Occupy Wall Street ? Pourquoi ce mouvement avait échoué après avoir soulevé les espoirs de toute la planète comme rarement dans l’histoire sinon jamais ? Je me souviens de cette article paru dans Le Mnode Diplomatique.

    http://www.monde-diplomatique.fr/2013/01/FRANK/48630

    (...) je visionnais une vidéo sur Internet montrant un groupe de militants d’OWS en train de débattre dans une librairie. A un moment du film, un intervenant s’interroge sur l’insistance de ses camarades à prétendre qu’ils ne s’expriment que « pour eux-mêmes », au lieu d’assumer leur appartenance à un collectif. Un autre lui réplique alors : « Chacun ne peut parler que pour soi-même, en même temps le “soi-même” pourrait bien se dissoudre dans sa propre remise en question, comme nous y invite toute pensée poststructuraliste menant à l’anarchisme. (…) “Je ne peux seulement parler que pour moi-même” : c’est le “seulement” qui compte ici, et bien sûr ce sont là autant d’espaces qui s’ouvrent. »
    En entendant ce charabia pseudo-intellectuel, j’ai compris que les carottes étaient cuites. Le philosophe Slavoj Žižek avait mis en garde les campeurs de Zuccotti Park en octobre 2011 : « Ne tombez pas amoureux de vous-mêmes. Nous passons un moment agréable ici. Mais, rappelez-vous, les carnavals ne coûtent pas cher. Ce qui compte, c’est le jour d’après, quand nous devrons reprendre nos vies ordinaires. Est-ce que quelque chose aura changé ? »
    (...)
    La question à laquelle les thuriféraires d’OWS consacrent des cogitations passionnées est la suivante : quelle est la formule magique qui a permis au mouvement de rencontrer un tel succès ? Or c’est la question diamétralement inverse qu’ils devraient se poser : pourquoi un tel échec ?
    (...)
    Ce qui se tramait à Wall Street, pendant ce temps-là, a suscité un intérêt moins vif. Dans Occupying Wall Street, un recueil de textes rédigés par des écrivains ayant participé au mouvement (6), la question des prêts bancaires usuraires n’apparaît qu’à titre de citation dans la bouche d’un policier. Et n’espérez pas découvrir comment les militants de Zuccotti comptaient contrarier le pouvoir des banques. Non parce que ce serait mission impossible, mais parce que la manière dont la campagne d’OWS est présentée dans ces ouvrages donne l’impression qu’elle n’avait rien d’autre à proposer que la construction de « communautés » dans l’espace public et l’exemple donné au genre humain par le noble refus d’élire des porte-parole.

    Culte de la participation
    Malheureusement, un tel programme ne suffit pas. Bâtir une culture de lutte démocratique est certes utile pour les cercles militants, mais ce n’est qu’un point de départ. OWS n’est jamais allé plus loin ; il n’a pas déclenché une grève, ni bloqué un centre de recrutement, ni même occupé le bureau d’un doyen d’université. Pour ses militants, la culture horizontale représente le stade suprême de la lutte : « Le processus est le message », entonnaient en chœur les protestataires.
    (...)

    Le galimatias des militants
    Dans leurs déclarations d’intention, les campeurs de Zuccotti Park célébraient haut et fort la vox populi. Dans la pratique, pourtant, leur centre de gravité penchait d’un seul côté, celui du petit monde universitaire. Les militants cités dans les livres ne dévoilent pas toujours leur identité socioprofessionnelle, mais, lorsqu’ils le font, ils se révèlent soit étudiants, soit ex-étudiants récemment diplômés, soit enseignants.
    (...)
    Les activistes anti-Wall Street n’aiment pas, c’est clair, leurs homologues du Tea Party. Dans leur esprit, apparemment, ils ne sont pas tout à fait de vraies gens, comme si d’autres principes biologiques s’appliquaient à leur espèce. La philosophe Judith Butler, professeur à l’université de Columbia, évoque avec répugnance une réunion du Tea Party au cours de laquelle des individus se seraient réjouis de la mort prochaine de plusieurs malades dépourvus d’assurance-maladie. « Sous quelles conditions économiques et politiques de telles formes de cruauté joyeuse émergent-elles ? », s’interroge-t-elle.
    C’est une bonne question. Deux paragraphes plus loin, pourtant, Butler change de sujet pour louer l’admirable décision d’OWS de ne rien réclamer, ce qui lui fournit l’occasion d’esquisser une théorie de haut vol : une foule qui proteste est spontanément et intrinsèquement libérationniste.
    (...)

    Les élections présidentielles et législatives de novembre 2012 sont maintenant terminées : M. Obama a été reconduit à la Maison Blanche, M. Ryan a conservé son siège à la Chambre des représentants, la guerre contre les travailleurs continue — dans le Michighan, notamment — et Wall Street dirige toujours le monde.

    A (re)lire.
    #Occupy #Manifestation #USA