• @georgia http://contre-attaques.org/l-oeil-de/article/il-est-temps-d
    Au début j’ai été assez sceptique sur le message. Je trouvais qu’il pignait pour rien et qu’il avait visiblement une vision un peu gentillette du militantisme, comme si la transformation sociale devait aller de soi et que l’éducation populaire pouvait être une promenade de santé. Développer des idées à contre-courant, lutter contre l’inertie de nos sociétés, contre les préjugés et les biais, contre des institutions sociales et culturelles qui ont plusieurs siècles, évidemment que c’est long, difficile, peu ou pas rémunérateur (ne parlons même pas de validation sociale), et qu’on voit rarement les effets de nos actions en direct. Changer la société, travailler pour plus de justice et de respect, éduquer les êtres humains, c’est pas une sinécure, on n’a pas attendu les militants politiques pour le découvrir, n’importe quel instit’ le sait.

    S’il était facile de parler de racisme avec les Blancs, ça ferait longtemps que le racisme systémique aurait disparu. C’est comme si le fait de ne pas avoir de satisfaction à peu près immédiate dans son engagement rendait cet engagement inutile et inintéressant. Donc sur le moment, j’ai pas trouvé ça très fin.

    Ceci dit, la fin de l’article est bien plus intéressante (il fait l’effort de proposer après avoir critiqué).

    • @raspa On en revient à la question de la pédagogie. Je trouve sa fin très juste :

      Il est grand temps que nous, femmes et hommes noir-e-s, commencions à prendre soin de nous - avant tout. Et si cela implique de nous désengager totalement de l’Amérique blanche, qu’il en soit ainsi.

      Je pense que c’est éminemment important et vrai pour toute personne discriminée et engagée dans la lutte contre l’oppression qu’elle subie, à un niveau individuel déjà, et aussi à un niveau collectif / militant (avoir des gens autour de soi avec qui se tenir chaud, se réconforter, se soutenir : prendre soin de soi collectivement). Mais ça repose clairement la question d’une organisation pédagogique collective, tournante, menée avec les vrai⋅e⋅s allié⋅e⋅s, pour maintenir le dialogue, former celles et ceux qui lisent silencieusement les réponses aux trolls, sans que ça soit absolument éreintant pour celles et ceux qui maintiennent ce dialogue, et sans pomper trop sur les ressources militantes (= garder de l’énergie pour d’autres actions). Parce que ce qu’il décrit au début de l’article, les gens à qui tu réponds et qui de toutes façons n’en ont rien à foutre, que ça te prend le chou et que ça finit par te plomber le moral, c’est un fait réel et à prendre en compte.
      L’avantage de faire ça collectivement, c’est de moins prendre les « échecs » (ou ce qui est ressenti comme tel) personnellement, et aussi d’avoir une organisation stratégique : ne pas chercher à convaincre absolument par exemple. Présenter les faits, les chiffres, dénoncer les mythes et les contre-vérités... et si la personne en face est un troll en mode « en boucle », laisser tomber, en sachant quand laisser tomber (lignes de conduite), sans le vivre comme un échec personnel (puisque ça n’en est certainement pas un).
      Bon, j’ai un peu l’impression d’être en contradiction avec ce qu’il dit là sur le fait de « mieux militer », alors que par ailleurs je trouve sa remarque juste :

      S’il y a bien une chose que la décision du joueur Colin Kaepernick - qui, pour protester contre l’injustice sociale, est resté assis pendant la diffusion de l’hymne national - a montré, c’est que nos méthodes de protestation dérangent davantage l’Amérique blanche que les injustices mêmes contre lesquelles nous protestons. Chassons donc de nos têtes l’idée selon laquelle si nous militions mieux ou différemment, les Blancs seraient miraculeusement plus réceptifs à notre message et moins dédaigneux face à notre audace de parler ouvertement.

      Mais en fait, je ne sais pas si c’est militer mieux ou différemment, ou si c’est juste militer en prenant soin de soi aussi. Et si j’applique tout ça à la question du féminisme que je connais mieux, je me dis qu’un système organisé, où on se protège aussi en ne s’exposant pas via un compte Twitter perso par exemple, donc en limitant les risques de cyber-harcèlement avec divulgation de ton nom, adresse... ça pourrait aussi permettre à d’autres personnes de rejoindre les rangs militants des réseaux sociaux, personnes qui aujourd’hui n’osent pas franchir le pas, vu les paquets de merde que se prennent celles qui, courageusement, osent.