Œuvres traduites de l’arabe par Abdellatif Laâbi

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  • Poèmes, de Ashraf Fayad ; Maison de la poésie Rhône-Alpes, 2019.
    traduits de l’arabe par Abdellatif Laâbi
    http://laabi.net/index.php/2018/04/18/oeuvres-traduites-de-larabe-par-abdellatif-laabi

    Le poète palestinien Ashraf Fayad reste emprisonné en Arabie Saoudite. Un deuxième volume de ses textes vient de paraître. Le Prix international du poète résistant va également lui être décerné en octobre 2019.

    • Ashraf FAYAD
      LIBERTÉ POUR LE POÈTE ASHRAF FAYAD !
      http://leshommessansepaules.com/auteur-Ashraf_FAYAD-624-1-1-0-1.html

      Cinquième épisode : La parution, en septembre 2019 de, Je vis des moments difficiles, poèmes d’Ashraf Fayad, traduits de l’arabe par Abdellatif Laâbi (La Maison de la poésie Rhônes-Alpes). En guise de préface, notre ami Abdellatif Laâbi a adressé à Ashraf Fayad la présente lettre :

      Mon cher Ashraf,

      J’aimerais commencer cette let…tre, une fois n’est pas coutume, par une citation : « Le courage est une affaire d’organisation », comme disait André Malraux. Pourquoi cela ? Tu sais que j’ai été moi-même emprisonné pendant des années et que, à une période donnée de cette expérience, ma vie a été en danger. Je peux donc me mettre un peu à ta place, essayer de deviner ce qui te traverse l’esprit, le cœur et les tripes, imaginer comment tu t’organises justement pour que le courage ne te fasse point défaut.

      Sur ce dernier point, je sais, nous savons que tu as un atout de premier ordre : la poésie, que je n’hésiterai pas à définir comme une école de courage. Et le vrai courage ne réside-t-il pas dans ce que cette école nous apprend à pratiquer : la vérité sur soi-même quoi qu’il nous en coûte, le refus des consensus, de quelque nature qu’ils soient, l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs constitués, le corps à corps avec la langue dans laquelle on s’exprime, la fidélité à la parole donnée dans ce que l’on écrit ?

      Ayant lu tes Instructions, à l’intérieur d’abord en arabe, et encore plus intimement en les traduisant en français, j’ai acquis la conviction que tu as parfaitement honoré les exigences d’un tel enseignement et bien intégré les principes de son éthique. Et c’est ce qui te permet assurément de garder, dans ta cellule, la tête haute, que dis-je, dans les étoiles. De garder, même dans la nuit noire, les yeux ouverts à l’intérieur de toi-même et tout autant à l’extérieur, sur l’humaine condition.

      Tu sais Ashraf, il m’arrive d’avoir une idée folle, voire extravagante, celle de penser que, dans les pays où l’arbitraire règne, où la liberté est bafouée, où la dignité humaine est piétinée, eh bien la vraie place du poète est… en prison ! C’est de ce bastion ou de cette« citadelle d’exil » qu’il est en mesure de mieux dénoncer le régime qui opprime son peuple. En fait, c’est ce régime qui se dénonce lui-même, et de la façon la plus éloquente qui soit, en mettant le poète en prison.

      Allons, revenons à des choses plus sensées et éminemment désirables ! Ta liberté pleine et entière, que nous sommes, de par le monde, des milliers de poètes et des centaines de milliers de citoyens à exiger. Oui, continuons de construire ce rêve-là, et croyons-y dur comme fer ! Gardons l’espoir, ensemble.

      Je t’embrasse. Fraternellement.
      Abdellatif Laâbi