Souverain du festif, calembour en chair, Rigaut ne peut cependant satisfaire sa démangeaison. Ses textes, ses paroles, sa correspondance, inventorient une obsession : le suicide. Dans ces mêmes soirées avec Soupault, il affirme : « Mon livre de chevet, c’est un revolver ». En juillet 1920, le numéro 4 de la revue Action paraît, dans lequel figure le premier texte de Rigaut publié, Propos amorphes. Les derniers mots :
« Il est bien évident que je suis nul. Me suis-je assez moqué des mots « cœur » et « âme » pour découvrir avec pâleur, un beau matin, qu’il ne m’en restait plus ! Je n’imagine rien d’aussi sec que moi. Je ne tiens à personne ni à rien. Je n’attends rien.
Je me rappelle avoir éclaté de rire. Je me rappelle avoir eu l’échine glacée à la pensée de la gloire. Je me rappelle avoir été ardeur d’amour. Il n’y a plus aucune vie en moi. En dehors de l’ennui je ne me trouve pas, je n’ai pas de place.
Tout a été surfait ! Surfaite la guerre ! Surfaits « les paradis artificiels » ! Et l’amour donc !… Quel coup ! Mais on vivrait. Il n’y a au monde qu’une seule chose qui ne soit pas supportable : le sentiment de sa médiocrité. »