• Guérir des #blessures d’#attachement : les 4 types d’attachement et comment les reconnaître, avec #Gwenaëlle_Persiaux

    Notre façon d’entrer en relation avec les autres et le monde se créé dès l’enfance et nous marque durablement. Selon que notre attachement ait été sécure ou non, va s’inscrire en nous un #mode_relationnel qui va conditionner une grande partie de notre vie, voire toute notre vie si ce mode relationnel est largement insécure.
    Environ 50% de la population bénéficie d’un #attachement_sécure qui va lui donner des bases solides et saines pour appréhender le monde et les autres. Mais l’autre moitié devra s’accommoder de #manque_de_confiance fondamental en elle, les autres et la Vie qui entravera plus ou moins largement sa #capacité_d'action et de #résilience.

    Les trois styles d’attachement insécure sont l’#attachement_anxieux, évitant et désorganisé.

    L’attachement anxieux est un mode relationnel créé par une #instabilité_émotionnelle de l’environnement qui empêche l’enfant d’acquérir une #confiance_en_soi essentielle. Cela fait des personnes qui globalement s’attachent trop aux autres et ne se font pas #confiance.

    L’attachement évitant nait de modes relationnels où la personne, enfant, a été bridée dans ses #émotions. L’#émotionnel n’avait pas sa place ou a contrario engendrait des situations compliquées à gérer. L’enfant choisi (plus ou moins consciemment) de se couper de ses émotions pour ne pas souffrir.

    Enfin l’attachement désorganisé, le plus rare, oscille entre attachement anxieux et évitant selon les moments (qui peuvent être très rapprochés), et rend la vie plus ou moins ingérable car aucune stratégie claire n’est adoptée et ces revirements créent une très grande instabilité dans la vie de la personne...

    Dans cette video, #Gwenaëlle_Persiaux, psychothérapeute et autrice de « Guérir des blessures d’attachement » et « Coupé des autres, coupé de soi », nous explique comment se créent ces différents types d’attachement et comment les reconnaitre.

    https://podcast.ausha.co/la-psychologie-pour-tous/gue-rir-des-blessures-d-attachement-les-4-types-d-attachement-et-comme

    #attachement_évitant #attachement_désorganisé #psychologie #attachement_préoccupé #attachement_fusionnel #attachement_chaotique #sécurisation_de_l'attachement
    #podcast #audio

    • Combinaisons d’attachement dans le couple : les styles Anxieux/ambivalent & Évitant

      C’est avec les enfants et le partenaire amoureux que se rejoue avec le plus d’intensité le style relationnel que l’on a développé au cours de son enfance, auprès de ses figures d’attachement principales.

      Pour résumer :

      – si vous aimez la proximité relationnelle et l’intimité et que ce n’est pas associé à un quelconque sentiment de menace, vous avez un attachement sécure
      - si vous recherchez la proximité relationnelle et l’intimité mais que vous êtes doté-e d’une sorte de radar qui vous fait ressentir que vous allez être abandonné-e, vous avez un attachement anxieux
      – si vous n’appréciez la proximité relationnelle et l’intimité qu’à petite dose et que vous avez rapidement besoin de prendre des distances, vous avez un attachement évitant

      Il peut être difficile de se reconnaître dans l’une de ces trois descriptions. Dans ce cas, voir ce questionnaire : Quel est votre style d’attachement ?

      Les styles Anxieux/ambivalent et Évitant sont tous deux dits “insécures”. En effet, les besoins relationnels et émotionnels n’ayant pas été satisfaits de façon constante et prévisible au début de leurs vies, les personnes portant ces types relationnels associent l’attachement à un sentiment de menace. Ces deux styles d’attachement se caractérisent par des besoins et des peurs diamétralement opposés et c’est ce qui va poser de nombreux problèmes lorsqu’ils vont se trouver combinés dans un couple. Voici un tableau qui présente ces tendances relationnelles :

      Ces deux styles relationnels renforcent mutuellement leur insécurité

      Lorsque la proximité devient insupportable pour le partenaire évitant, il désactive son système d’attachement et devient distant. Le partenaire anxieux ressent cette prise de distance, ce qui l’amène à suractiver son système d’attachement et il devient envahissant.

      Voici une description de ces stratégies par Levine & Heller :

      Quelques stratégies de désactivation de l’attachement du partenaire évitant :

      - Dit ou pense “je ne suis pas prêt à m’engager dans une relation” – et peut cependant rester des années avec la même personne
      – S’attarde sur les petites imperfections de son partenaire (sa façon de s’habiller, de parler, de manger…)
      - Pense encore à son ex et idéalise cette relation passée
      - Attend de rencontrer “LA bonne personne” idéalisée
      - Flirte avec d’autres personnes
      - Ne dit pas “je t’aime”
      - S’éloigne de son partenaire quand tout va bien (suite à un moment agréable à deux, ne donne plus de nouvelles, ne répond pas aux messages…)
      - Se met dans une relation dont le futur est impossible – par exemple avec une personne mariée, ou qui vit dans un autre pays…
      - Pense à autre chose lorsque son partenaire lui parle
      - Garde des secrets et maintient le flou à leur sujet

      Ces stratégies sont inconscientes et sont mises en place de façon à étouffer les besoins d’attachement qui pourraient se manifester lorsque la proximité devient trop menaçante.

      Si seulement elle pouvait me laisser souffler cinq minutes et arrêter de m’attaquer, je pourrais être présent avec elle.

      Quelques stratégies d’activation de l’attachement du partenaire anxieux :

      - Pense beaucoup à son partenaire, a du mal à penser à autre chose
      - Ne se souvient que de ses qualités
      - Met l’autre sur un piédestal
      - L’anxiété se dissipe uniquement en présence de l’autre
      – Croit que c’est sa seule chance d’être en couple, parce que :
      – “Je ne suis compatible qu’avec très peu de personnes – mes chances sont infimes de rencontrer quelqu’un comme lui”
      – “Ça prend des années de rencontrer une nouvelle personne, je vais finir seul”
      - Croit que même malheureux, il ne faut pas laisser tomber parce que :
      – “Si elle me quitte elle va être la partenaire parfaite – de quelqu’un d’autre”
      – “Il peut changer”
      – “Tous les couples ont des problèmes – on est comme tout le monde sur ce point”

      Si seulement il pouvait me montrer qu’il est fiable et sincère, je me calmerais dans la seconde.

      Voir une description plus complète de l’attachement anxieux/ambivalent sur cette page.

      Cette dynamique relationnelle tourne en rond dans un boucle infinie de mutuelle insatisfaction. Chacun se plaindra et souffrira du comportement de l’autre, mais il s’agit bien d’un schéma relationnel qui se renforce de lui-même et dont les deux protagonistes sont parties prenantes. Il apparaît pourtant que l’attraction entre ces deux modèles extrêmes et opposés est souvent observée.

      Pourquoi s’attirent-ils ?

      Les menaces perçues par un type insécure sont intimement liées aux croyances qu’il a de lui-même et dont il recherche la confirmation dans ses interactions*.

      Pour la personne à l’attachement anxieux (Hazan & Shaver) :

      Les autres sont réticents à l’idée d’être proche de moi autant que je le voudrais. Je crains souvent que mon partenaire ne m’aime pas vraiment ou ne veuille pas rester avec moi. Je veux ne faire qu’un avec l’autre personne et cela le fait souvent fuir.

      – elle pense qu’elle a besoin de plus de proximité que son conjoint n’est capable de lui donner, ce qui se confirme ici
      - elle idéalise la capacité du conjoint évitant à être indépendant, c’est une attitude qui lui fait défaut mais qu’elle envie

      Pour la personne à l’attachement évitant :

      Je suis mal à l’aise avec la proximité relationnelle et l’intimité. Je trouve difficile de faire confiance, difficile de me reposer sur quelqu’un d’autre. Lorsque quelqu’un devient trop proche, cela me rend nerveux et souvent, mes partenaires amoureux attendent de moi plus d’intimité que je ne peux en donner.

      - elle a besoin de se sentir sollicitée vers une reprise de contact ; ceci ne serait pas possible avec un sécure ou un évitant qui se lasseraient rapidement de ce comportement distant.

      Mais avec le temps, lorsqu’un certain niveau d’intimité et de dépendance est atteint dans une relation, celle qui pensait qu’on allait prendre soin d’elle se sent abandonnée ; celui qui pensait échapper à l’oppression pour la connexion la retrouve avec force. Chacun s’est donc mis en couple avec une personne qui n’est pas vraiment à l’écoute et disponible pour satisfaire ses besoins, comme ce fut le cas dans les expériences relationnelles initiales.

      Cette description de ces deux styles relationnels est axée sur leurs différences et se trouve très marquée à dessein. Dans la vie quotidienne, cela peut se manifester de façon plus subtile par des tendances, tempérées par la multiplicité des figures d’attachement qui marquent une vie : la famille élargie, les amis, un thérapeute, un enseignant, un collègue…

      Des styles opposés peuvent cependant arriver à un certain équilibre, à la condition que chacun fasse l’effort de se décentrer de sa problématique pour comprendre l’autre et tenter de s’adapter à son style. Comprendre qu’aucun des deux ne “fait exprès” ni n’agit de telle façon pour nuire à l’autre : il s’agit d’un mode de fonctionnement ancien qui est activé au sein de la relation.

      https://laetitiabluteau.fr/questions-psy/combinaisons-dattachement-dans-le-couple-les-styles-anxieux-ambivale

  • #Niger coup: increasing instability, forced displacement & irregular migration across the #Sahel

    Niger coup: increasing instability, forced displacement & irregular migration across the Sahel, amidst billions of EU Trust Fund for Stability investments.

    On July 26, a military coup took place in Niger, when the democratically elected president was deposed and the commander of the presidential guard declared himself the leader. A nationwide curfew was announced and borders were closed. The military junta justified its actions claiming it was in response to the continuing deterioration of the security situation. On August 10, the leaders of the coup declared a new government, naming 21 ministers, including several generals, but with civilian economist Ali Mahaman Lamine Zeine as the new prime minister.

    This was the latest in a series of seven military coups in West and Central Africa since 2020, including in neighbouring Mali and Burkina Faso. In Mali, a coup within a coup took place in May 2021, when the junta leader of the 2020 coup stripped the president and prime minister of their powers and declared himself president. Burkina Faso suffered two military coups in 2022; in September 2022, the head of an artillery unit of the armed forces ousted the previous junta leader who had led a coup in January 2022, and declared himself president of Burkina Faso.

    To add to further potential instability and escalation in the region, the military governments of Burkina Faso and Mali quickly warned – in response to remarks by ECOWAS – that any military intervention against last week’s coup leaders in Niger would be considered a “declaration of war” against their nations. The coup leaders ignored an August 6 deadline by ECOWAS to relinquish power and release the detained elected president. At the August 10 ECOWAS emergency summit in Abuja, West African heads of state repeated that all options remain on the table to restore constitutional order in Niger and ordered the activation of its standby force.
    Niger, Mali, Burkina Faso: military coups in the three major recipients of the EU Trust Fund for Stability and addressing the root causes of irregular migration and displaced persons in the Sahel

    Interestingly, Niger, Mali and Burkina Faso have been prime target countries in the European Union’s efforts to increase stability in the region and address the root causes of irregular migration and displacement.

    In 2015, the European Union established the “EU Emergency Trust Fund for stability and addressing root causes of irregular migration and displaced persons in Africa”. Of a total fund of 5 billion EUR, the Sahel and Lake Chad is the biggest funding window, with 2.2 billion EUR committed between the start of the programme and the end of December 2022, across 214 projects.

    The three biggest recipient countries in the Sahel and Lake Chad region are indeed Niger (294 million), Mali (288 million) and Burkina Faso (190 million), in addition to 600 million for regional projects. Among the four various strategic objectives, overall the largest share of the budget (34%) went to security and governance activities (the other strategic priorities are economic opportunities, strengthening resilience and improved migration management). The security and governance objective has been the main priority in Mali (49% of all EUTF funding), Niger (42%) and Burkina Faso (69%) (as well as in Nigeria and Mauritania).

    However, the most recent EUTF monitoring report on the Sahel window offers a sobering read on the state of stability and security in these three countries. In summary:

    “In Burkina Faso, 2022 was marked by political instability and deepening insecurity. Burkina Faso has suffered from attacks from armed groups. The conflict has sparked an unprecedented humanitarian crisis. Burkina Faso is facing the worst food crisis in a decade”.

    In Mali, “the political process remains at risk considering the country’s worsening security situation and strained diplomatic relations. In an increasingly insecure environment, 8.8 million people were in need of humanitarian assistance in January 2023. In 2022, 1,378 events of violence were reported, causing 4,862 fatalities, a 31% and 155% increase, respectively, compared to 2021”.

    In Niger, it was estimated the country would “face an unprecedented food crisis during the 2022 lean season, resulting from conflict, drought, and high food prices. The humanitarian crisis is strongly driven by insecurity. The number of internal displacements and refugees in Niger kept rising.” These conclusions on Niger date from before the July 2023 coup.

    The report also concluded that 2022 was the “most violent and deadliest year on record for the countries of the Sahel and Lake Chad window, driven by the profound and continuing security crises in Nigeria, Mali, and Burkina Faso. Fatalities recorded in the ACLED database in Mali (4,867) and Burkina Faso (4,266) were the highest ever recorded, more than doubling (144% and 119%, respectively) compared to the average for 2020-2021.” Meanwhile, UNICEF reported 11,100 schools are closed due to conflict or threats made against teachers and students. The number of attacks on schools in West and Central Africa more than doubled between 2019 and 2020.

    In other words: despite billions of funding towards stability and addressing the root causes of irregular migration and displacement, we are seeing increasing instability, conditions in these countries actually driving more displacement and no lasting drop in irregular migration.
    Increasing forced displacement and irregular migration

    Indeed, as of July 2023, UNHCR reports a total of almost 3.2 million Internally Displaced Persons (IDPs) in the Sahel, compared to just under 50,000 when the EUTF was established in 2015. Similarly, UNHCR reports almost 1.5 million refugees and asylum seekers in the Sahel, compared to over 200,000 when the EUTF was established in 2015.

    Irregular migration across the Mediterranean between North Africa and Europe is also on the rise again. According to ISPI, the latest surge in irregular arrivals that Italy is experiencing (136,000 migrants disembarked in Italy in the twelve-month period between June 2022 and May 2023) is almost comparable, in magnitude, to the period of high arrivals in 2014-2017, when on average 155,000 migrants landed each year, which was one of the major drivers for establishing the EUTF. Between 2014 and 2017 close to 80% of all irregular arrivals along the Central Mediterranean route were citizens from sub-Saharan Africa. While figures for 2020-2022 show that the share of arrivals from sub-Saharan Africa fell – suggesting that the efforts to reduce migration may have had an impact – the trend has now reversed again. In the first five months of 2023, sub-Saharan Africans make up more than half of all arrivals again.
    Instability, displacement and irregular migration: because, despite, or regardless of billions of investments in stability and addressing root causes?

    Of course, despite all of the above, we cannot simply conclude the EUTF actually contributed to instability, more displacement and more irregular migration. We cannot even conclude that it failed to have much positive effect, as it not possible to establish causality and we do not have a counterfactual. Perhaps the situation in the Sahel would have been even worse without these massive investments. Surely, the billions of euros the EUTF spend on the Sahel have contributed to successful projects with a positive impact on people’s lives. However, we can conclude that despite these massive investments, the region is more unstable and insecure and faces much more forced displacement than when the EUTF investments started.

    As outlined in an earlier Op-Ed in 2020, the ‘root causes’ approach to migration is both dishonest and ineffective. One of the warnings referred to in that Op-Ed came from a 2019 report by the UK Foreign Affairs Committee concluding that the “EU’s migration work in the Sahel and Sub-Saharan Africa risks exacerbating existing security problems, fuelling human rights abuses, and endorsing authoritarian regimes. Preventing local populations from crossing borders may help cut the numbers arriving in Europe in the short term, but in the long term it risks damaging economies and creating instability—which in itself can trigger displacement”. This warning seems to be more valid then ever when looking at the current situation across the Sahel.

    In response to the latest coup in Niger, the EU announced immediate cessation of budget support and indefinite suspension of all cooperation actions in the domain of security. Similarly, France suspended all development aid and budget support with immediate effect. However, Niger has been a prime partner of the EU in fighting the jihadist insurgency in the Sahel and in curbing irregular migration to Europe. Niger’s new military leaders – when looking at the EU’s dealings with third countries to address irregular migration, most recently with Tunisia and Egypt, as well as earlier deals with Morocco and Turkey – are aware of the importance of migration cooperation with third countries for the EU. As such, they may use these issues as leverage in negotiations and to force acceptance of the new regime. It remains to be seen to what extent – and for how long – the EU will be able to maintain its current stance, and resist the pressure to engage with the new regime and resume cooperation, given the political importance that the EU and its member states accord to stemming irregular migration.
    Changing course, or not?

    The bigger question remains: it is becoming increasingly clear the current approach of addressing so-called root causes and trying to create stability to reduce migration and forced displacement is not really working. Now that we have seen military coups in all three major recipient countries of EUTF funding in the Sahel, will there be a significant change in the EU’s external migration policy approach in Africa and the Sahel going forward? Or will the current approach prevail, doing the same thing over and over again and expecting different results? What is ultimately needed is a more humane, rational, coherent and comprehensive approach to migration governance, which not only takes into account all aspects of migration (including visa policies, returns, labour migration, etc.), but goes beyond migration and migration-related objectives, and takes into account other policy areas, including trade, agriculture, arms and commodities exports, peace building and conflict resolution. When we are discussing the root causes of migration, we need honest debate and actions that include the real and very serious causes of migration and displacement.

    https://mixedmigration.org/articles/niger-coup-instability-displacement-migration

    #coup_d'Etat #migrations #politiques_migratoires #instabilité_politique #externalisation #EU_Emergency_Trust_Fund #Trust_Fund #Mali #Burkina_Faso #causes_profondes #root_causes #EUTF #insécurité #déplacés_internes #sécheresse

    ping @_kg_

  • Le nombre de personnes tuées par un tir des #forces_de_l’ordre a doublé depuis 2020

    Année après année, la liste des tués par les forces de l’ordre ne cesse d’augmenter. Trop souvent, la thèse de la légitime défense ou du refus d’obtempérer ne supporte pas l’analyse des faits. Basta ! en tient le terrible mais nécessaire décompte.

    « Je vais te tirer une balle dans la tête », lance le « gardien de la paix », braquant son arme sur la vitre de la voiture à l’arrêt, avant que son collègue ne crie « Shoote- le ». Au volant, Nahel, un mineur de 17 ans qui conduit sans permis, démarre malgré tout. Le gardien de la paix met sa menace à exécution, tuant à bout portant l’adolescent. La scène se déroule ce 27 juin à Nanterre. Les agents ont plaidé la légitime défense arguant que le véhicule fonçait sur eux, ce que dément la vidéo de la scène. L’auteur du coup de feu mortel est placé en garde à vue. La famille de la victime s’apprête à déposer deux plaintes, l’une pour « homicide volontaire et complicité d’homicide », l’autre pour « faux en écriture publique ».

    Le drame déclenche la révolte des habitants du quartier d’où est originaire la victime. Deux semaines plus tôt c’est Alhoussein Camara qui est tué d’une balle dans le thorax par un policier, dans des conditions similaires près d’Angoulême. En 2022, on dénombrait treize morts lors de « refus d’obtempérer » par l’ouverture du feu des forces de l’ordre. Au delà des nouveaux drames de Nanterre et d’Angoulême, combien de personnes ont-elles été tuées par les forces de l’ordre, et dans quelles circonstances ?

    Les décès dus à une ouverture du feu des forces de l’ordre ont considérablement augmenté, avec respectivement 18 et 26 personnes abattues en 2021 et 2022, soit plus du double que lors de la décennie précédente. Cette augmentation amplifie la tendance constatée depuis 2015, lorsque le nombre de tués par balle a franchi le seuil de la dizaine par an. À l’époque, le contexte lié aux attaques terroristes islamistes a évidemment pesé, avec cinq terroristes abattus en 2015 et 2016 par les forces de sécurité.

    Le risque terroriste n’explique cependant pas l’augmentation des décès par balle en 2021 et 2022. Un seul terroriste potentiel a été tué en 2021 – Jamel Gorchene, après avoir mortellement poignardé une fonctionnaire administrative de police devant le commissariat de Rambouillet (Yvelines), le 23 avril 2021, et dont l’adhésion à l’idéologie islamiste radicale serait « peu contestable » selon le procureur chargé de l’enquête. Aucun terroriste ne figure parmi les 26 tués de 2022. Dans quelles circonstances ces tirs ont-ils été déclenchés ?
    Tirs mortels face à des personnes munis d’armes à feu

    Sur les 44 personnes tuées par balles en deux ans, un peu plus de la moitié (26 personnes) étaient armées, dont dix d’une arme à feu. Parmi elles, sept l’ont utilisée, provoquant un tir de riposte ou de défense des forces de l’ordre. Plusieurs de ces échanges de tirs se sont déroulés avec des personnes « retranchées » à leur domicile. L’affaire la plus médiatisée implique Mathieu Darbon. Le 20 juillet 2022, dans l’Ain, ce jeune homme de 22 ans assassine à l’arme blanche son père, sa belle-mère, sa sœur, sa demi-sœur et son demi-frère. Le GIGN intervient, tente de négocier puis se résout à l’abattre. En janvier 2021, dans une petite station au-dessus de Chambéry, un homme souffrant de troubles psychiatriques s’enferme chez lui, armé d’un fusil, en compagnie de sa mère, après avoir menacé une voisine. Arrivé sur place, le GIGN essuie des tirs, et riposte. Scénario relativement similaire quelques mois plus tard dans les Hautes-Alpes, au-dessus de Gap. Après une nuit de négociation, le « forcené », Nicolas Chastan est tué par le GIGN après avoir « épaulé un fusil 22 LR [une carabine de chasse, ndlr] et pointé son arme en direction des gendarmes », selon le procureur. L’affaire est classée sans suite pour légitime défense.

    Au premier trimestre 2021, le GIGN a été sollicité deux à trois fois plus souvent que les années précédentes sur ce type d’intervention, sans forcément que cela se termine par un assaut ou des tirs, relevait TF1. Le GIGN n’intervient pas qu’en cas de « forcené » armé. Le 16 avril 2021, l’unité spéciale accompagne des gendarmes venus interpeller des suspects sur un terrain habité par des voyageurs. Un cinquantenaire qui, selon les gendarmes, aurait pointé son fusil dans leur direction est tué.
    Arme à feu contre suspects munis d’arme blanche

    Parmi les 44 personnes tuées par arme à feu en 2021 et 2022, 16 étaient munis d’une arme blanche (couteau, cutter, barre de fer). Une dizaine d’entre elles auraient menacé ou attaqué les agents avant d’être tuées. Au mois de mars 2021, un policier parisien tire sur un homme qui l’attaque au couteau, pendant qu’il surveillait les vélos de ses collègues.

    La mort d’un pompier de Colombes (Hauts-de-Seine) rend également perplexes ses voisins. En état d’ébriété, il jette une bouteille vers des agents en train de réaliser un contrôle, puis se serait approché d’eux, muni d’un couteau « en criant Allah Akbar ». Il est tué de cinq balles par les agents. L’affaire est classée sans suite, la riposte étant jugée « nécessaire et proportionnée ». L’été dernier à Dreux, une policière ouvre mortellement le feu sur un homme armé d’un sabre et jugé menaçant. L’homme était par ailleurs soupçonné de violence conjugale.

    Dans ces situations, la légitime défense est la plupart du temps invoquée par les autorités. Cela pose cependant question lorsque la « dangerosité » de la personne décédée apparaît équivoque, comme l’illustre le cas de David Sabot, tué par des gendarmes le 2 avril 2022. Ses parents, inquiets de l’agressivité de leur fils, alcoolisé, alertent la gendarmerie de Vizille (Isère). Les gendarmes interviennent et tirent neuf balles sur David. Selon les gendarmes, il se serait jeté sur eux. Selon ses parents, il marchait les bras ballants au moment des tirs. « On n’a pas appelé les gendarmes pour tuer notre enfant », s’indignent-ils dans Le Dauphiné.

    Juridiquement, le fait que la personne soit armée ne légitime pas forcément l’ouverture du feu par les forces de l’ordre. Selon l’Article 122-5 du Code pénal, une personne se défendant d’un danger n’est pas pénalement responsable si sa riposte réunit trois conditions : immédiateté, nécessité, proportionnalité. « La question va se poser, s’il n’y avait pas moyen de le neutraliser autrement », indique à Var Matin « une source proche du dossier », à propos du décès d’un sans-abri, Garry Régis-Luce, tué par des policiers au sein de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, en août dernier. Sur une vidéo de la scène publiée par Mediapart, le sans-abri armé d’un couteau fait face à cinq policiers qui reculent avant de lui tirer mortellement dans l’abdomen. Sa mère a porté plainte pour homicide volontaire.

    De plus en plus de profils en détresse psychologique

    Plusieurs affaires interrogent sur la manière de réagir face à des personnes en détresse psychologique, certes potentiellement dangereuses pour elle-même ou pour autrui, et sur la formation des policiers, souvent amenés à intervenir en premier sur ce type de situation [1].

    Le 21 avril 2022, à Blois, des policiers sont alertés pour un risque suicidaire d’un étudiant en école de commerce, Zakaria Mennouni, qui déambule dans la rue, pieds nus et couteau en main. Selon le procureur de Blois, l’homme se serait avancé avec son couteau vers les policiers avant que l’un d’eux tire au taser puis au LBD. Son collègue ouvre également le feu à quatre reprises. Touché de trois balles à l’estomac, Zakaria succombe à l’hôpital. La « légitime défense » est donc invoquée. « Comment sept policiers n’ont-ils pas réussi à maîtriser un jeune sans avoir recours à leur arme à feu », s’interroge la personne qui a alerté la police. Une plainte contre X est déposée par les proches de l’étudiant, de nationalité marocaine. Sur Twitter, leur avocat dénonce une « enquête enterrée ».

    Près de Saint-Étienne, en août 2021, des policiers interviennent dans un appartement où Lassise, sorti la veille d’un hôpital psychiatrique, mais visiblement en décompression, a été confiné par ses proches, avant que sa compagne n’appelle police secours. Ce bénévole dans une association humanitaire, d’origine togolaise, aurait tenté d’agresser les policiers avec un couteau de boucher, avant que l’un d’eux n’ouvre le feu.

    Pourquoi, dans ce genre de situation, les policiers interviennent-ils seuls, sans professionnels en psychiatrie ? Plusieurs études canadiennes démontrent le lien entre le désinvestissement dans les services de soins et la fréquence des interventions des forces de l’ordre auprès de profils atteintes de troubles psychiatriques. Une logique sécuritaire qui inquiète plusieurs soignants du secteur, notamment à la suite de l’homicide en mars dernier d’un patient par la police dans un hôpital belge.
    Le nombre de personnes non armées tuées par balles a triplé

    Le nombre de personnes sans arme tombées sous les balles des forces de l’ordre a lui aussi bondi en deux ans (5 en 2021, 13 en 2022). C’est plus du triple que la moyenne de la décennie précédente. Cette hausse est principalement liée à des tirs sur des véhicules en fuite beaucoup plus fréquents, comme l’illustre le nouveau drame, ce 27 juin à Nanterre où, un adolescent de 17 ans est tué par un policier lors d’un contrôle routier par un tir à bout portant d’un agent.

    Outre le drame de Nanterre ce 27 juin, l’une des précédentes affaires les plus médiatisées se déroule le 4 juin 2022 à Paris, dans le 18e arrondissement. Les fonctionnaires tirent neuf balles avec leur arme de service sur un véhicule qui aurait refusé de s’arrêter. La passagère, 18 ans, est atteinte d’une balle dans la tête, et tuée. Le conducteur, touché au thorax, est grièvement blessé. Dans divers témoignages, les deux autres personnes à bord du véhicule réfutent que la voiture ait foncé sur les forces de l’ordre. Le soir du second tour de l’élection présidentielle, le 24 avril, deux frères, Boubacar et Fadjigui sont tués en plein centre de Paris sur le Pont-Neuf. Selon la police, ces tirs auraient suivi le refus d’un contrôle. La voiture aurait alors « foncé » vers un membre des forces de l’ordre qui se serait écarté avant que son collègue, 24 ans et encore stagiaire, ne tire dix cartouches de HK G36, un fusil d’assaut.

    Comme nous le révélions il y a un an, les policiers ont tué quatre fois plus de personnes pour refus d’obtempérer en cinq ans que lors des vingt années précédentes. En cause : la loi de 2017 venue assouplir les règles d’ouverture de feu des policiers avec la création de l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure . « Avec cet article, les policiers se sont sentis davantage autorisés à faire usage de leur arme », estime un commandant de police interrogé par Mediapart en septembre dernier. À cela « vous rajoutez un niveau de recrutement qui est très bas et un manque de formation, et vous avez le résultat dramatique que l’on constate depuis quelques années : des policiers qui ne savent pas se retenir et qui ne sont pas suffisamment encadrés ou contrôlés. Certains policiers veulent en découdre sans aucun discernement. »

    « Jamais une poursuite ni une verbalisation ne justifieront de briser une vie »

    Au point que les gendarmes s’inquiètent très officiellement de la réponse adéquate à apporter face aux refus d’obtempérer, quitte à bannir le recours immédiat à l’ouverture du feu (voir ici). « L’interception immédiate, pouvant s’avérer accidentogène, n’est plus la règle, d’autant plus si les conditions de l’intervention et le cadre légal permettent une action différée, préparée et renforcée. Donc, on jalonne en sécurité, on lâche prise si ça devient dangereux, et surtout on renseigne. Tout refus d’obtempérer doit être enregistré avec un minimum de renseignements pour ensuite pouvoir s’attacher à retrouver l’auteur par une double enquête administrative et judiciaire », expliquait la commandante de gendarmerie Céline Morin. « Pour reprendre une phrase du directeur général de la gendarmerie : “Jamais une poursuite ni une verbalisation ne justifieront de briser une vie.” Il importe donc à chacun de nous de se préparer intellectuellement en amont à une tactique et à des actions alternatives face aux refus dangereux d’obtempérer. » On est loin du discours de surenchère tenu par certains syndicats de policiers.

    « Pas d’échappatoire » vs « personne n’était en danger »

    Pour justifier leur geste, les agents invoquent la dangerosité pour eux-mêmes ou pour autrui, considérant souvent le véhicule comme « arme par destination ». Hormis la neutralisation du conducteur du véhicule, ils n’auraient pour certains « pas d’échappatoire » comme l’affirmait le membre de la BAC qui a tué un jeune homme de 23 ans à Neuville-en-Ferrain (Nord), le 30 août 2022, qui aurait démarré son véhicule au moment où les agents ouvraient la portière.

    Des policiers qui se seraient « vus mourir » tirent sur Amine B, le 14 octobre, à Paris. Coincé dans une contre-allée, le conducteur aurait redémarré son véhicule en direction des fonctionnaires qui ont ouvert le feu. Plusieurs témoins affirment que ce ressortissant algérien, diplômé d’ingénierie civile, roulait « doucement » sans se diriger vers eux ni mettre personne en danger. Et Amine est mort d’une balle dans le dos. La famille a lancé un appel à témoins pour connaître les circonstances exactes du drame. Rares sont ces affaires où le récit policier n’est pas contredit par les éléments de l’enquête ou des témoins.

    Au nom de la légitime défense, des gendarmes de Haute-Savoie ont tiré neuf fois le 5 juillet 2021 sur un fuyard suspecté de vol. Le conducteur de la camionnette, Aziz, n’a pas survécu à la balle logée dans son torse. « Personne n’était en danger », affirme pour sa part un proche, présent sur lieux. D’après son témoignage recueilli par Le Média, les militaires « étaient à 4 ou 5 mètres » du fourgon. Une reconstitution des faits a été effectuée sans la présence de ce témoin, au grand dam de la famille qui a porté plainte pour « homicide volontaire ».

    Pour Zied B. le 7 septembre à Nice abattu par un policier adjoint, comme pour Jean-Paul Benjamin, tué par la BAC le 26 mars à Aulnay-sous-Bois alors que, en conflit avec son employeur (Amazon), il était parti avec l’un des véhicules de l’entreprise, ce sont les vidéos filmant la scène qui mettent à mal la version policière des faits [2]. Et dans le cas de Souheil El Khalfaoui, 19 ans, tué d’une balle dans le cœur à Marseille lors d’un contrôle routier (voir notre encadré plus haut), les images de vidéosurveillance filmant la scène, et en mesure de corroborer ou de contredire la version des policiers, n’ont toujours pas pu être visionnées par la famille qui a porté plainte. Près de deux ans après le drame...

    Si 2021 et 2022 ont été particulièrement marquées par les morts par balles lors d’interventions policières, qu’en sera-t-il en 2023 ? À notre connaissance, #Nahel est au moins la huitième personne abattue par des agents assermentés depuis janvier dernier.

    https://basta.media/Refus-d-obtemperer-le-nombre-de-personnes-tuees-par-un-tir-des-forces-de-l-

    #statistiques #chiffres #décès #violences_policières #légitime_défense #refus_d'obtempérer #Nanterre #armes_à_feu #tires_mortels #GIGN

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    signalé aussi par @fredlm
    https://seenthis.net/messages/1007961

    • #Sebastian_Roché : « Le problème des tirs mortels lors de refus d’obtempérer est systémique en France »

      Le débat émerge suite au décès du jeune Nahel en banlieue parisienne. Entretien avec Sebastian Roché, politologue spécialiste des questions de police

      Pour certains, la mort du jeune Nahel, tué mardi par un policier lors d’un #contrôle_routier en banlieue parisienne, est l’occasion de dire qu’il y a trop de refus d’obtempérer en France. Pour d’autres, c’est surtout le moment de condamner la manière qu’a la #police d’y fait face. A gauche on estime qu’« un refus d’obtempérer ne peut pas être une condamnation à mort ». A droite, on pense que ces drames sont dus au fait que « les refus d’obtempérer augmentent et mettent en danger nos forces de l’ordre ».

      En 2022, le nombre record de 13 décès a été enregistré après des refus d’obtempérer lors de contrôles routiers en France. En cause, une modification de la loi en 2017 assouplissant les conditions dans lesquelles les forces de l’ordre peuvent utiliser leur arme. Elles sont désormais autorisées à tirer quand les occupants d’un véhicule « sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ». Des termes jugés trop flous par de nombreux juristes.

      Sebastian Roché, politologue spécialiste des questions de police qui enseigne à Sciences-Po Grenoble, est un spécialiste de la question. Nous avons demandé à ce directeur de Recherche au CNRS, auteur de La nation inachevée, la jeunesse face à l’école et la police (Grasset), ce qu’il pensait de ce débat.

      Le Temps : Vous avez fait des recherches sur le nombre de personnes tuées en France par des tirs de policiers visant des véhicules en mouvement. Quelles sont vos conclusions ?

      Sebastian Roché : Nous avons adopté une méthode de type expérimentale, comme celles utilisées en médecine pour déterminer si un traitement est efficace. Nous avons observé 5 années avant et après la loi de 2017, et nous avons observé comment avaient évolué les pratiques policières. Les résultats montrent qu’il y a eu une multiplication par 5 des tirs mortels entre avant et après la loi dans le cadre de véhicule en mouvement.

      En 2017, la loi a donné une latitude de tir plus grande aux policiers, avec une possibilité de tirer même hors de la légitime défense. C’est un texte très particulier et, derrière, il n’y a pas eu d’effort de formation proportionné face au défi que représente un changement aussi historique de réglementation.

      L’augmentation n’est-elle pas simplement liée à l’augmentation des refus d’obtempérer ?

      Nous avons regardé le détail des tirs mortels. Le sujet, ce n’est pas les refus d’obtempérer, qui sont une situation, ce sont les tirs mortels, qui interviennent dans cette situation. Les syndicats de police font tout pour faire passer le message que le problème ce sont les refus d’obtempérer qui augmentent. Mais le problème ce sont les tirs mortels, dont les refus d’obtempérer peuvent être une cause parmi d’autres. Et les refus d’obtempérer grave ont augmenté mais pas autant que ce que dit le ministère. D’autant que l’augmentation des tirs mortels n’est notable que chez la police nationale et non dans la Gendarmerie. Dans la police nationale, en 2021, il y a eu 2675 refus d’obtempérer graves, pas 30 000. Il y a une augmentation mais ce n’est pas du tout la submersion dont parlent certains. Ce n’est pas suffisant pour expliquer l’augmentation des tirs mortels. D’autant que la police nationale est auteur de ces homicides et pas la Gendarmerie alors que les refus d’obtempérer sont également répartis entre les deux. Si le refus d’obtempérer était une cause déterminante, elle aurait les mêmes conséquences en police et en gendarmerie.

      Comment cela s’explique-t-il ?

      Les gendarmes n’ont pas la même structure de commandement, pas la même stabilité de l’ancrage local et pas la même lecture de la loi de 2017. La police a une structure qui n’est pas militaire comme celle de la gendarmerie. Et l’encadrement de proximité y est plus faible, particulièrement en région parisienne que tous les policiers veulent quitter.

      Pour vous c’est ce qui explique le drame de cette semaine ?

      La vidéo est accablante donc les responsables politiques semblent prêts à sacrifier le policier qui pour eux a fait une erreur. Mais ce qui grave, c’est la structure des tirs mortels avant et après 2017, c’est-à-dire comment la loi a modifié les pratiques. Ce n’est pas le même policier qui a tué 16 personnes dans des véhicules depuis le 1er janvier 2022. Ce sont 16 policiers différents. Le problème est systémique.

      Avez-vous des comparaisons internationales à ce sujet ?

      En Allemagne, il y a eu un tir mortel en dix ans pour refus d’obtempérer, contre 16 en France depuis un an et demi. On a un écart très marqué avec nos voisins. On a en France un modèle de police assez agressif, qui doit faire peur, davantage que dans les autres pays d’Europe mais moins qu’aux Etats-Unis. Et cette loi déroge à des règles de la Cour européenne des droits de l’homme. C’est une singularité française.

      Cette loi avait été mise en place suite à des attaques terroristes, notamment contre des policiers ?

      Oui, c’est dans ce climat-là qu’elle est née, mise en place par un gouvernement socialiste. Il y avait aussi eu d’autres attaques qui n’avaient rien à voir. Mais le climat général était celui de la lutte antiterroriste, et plus largement l’idée d’une police désarmée face à une société de plus en plus violente. L’idée était donc de réarmer la police. Cette loi arrange la relation du gouvernement actuel avec les syndicats policiers, je ne pense donc pas qu’ils reviendront dessus. Mais il y a des policiers qui vont aller en prison. On leur a dit vous pouvez tirer et, là, un juge va leur dire le contraire. Ce n’est bon pour personne cette incertitude juridique. Il faut abroger la partie de la loi qui dit que l’on peut tirer si on pense que le suspect va peut-être commettre une infraction dans le futur. La loi française fonctionnait précédemment sous le régime de la légitime défense, c’est-à-dire qu’il fallait une menace immédiate pour répondre. Comment voulez-vous que les policiers sachent ce que les gens vont faire dans le futur.

      https://www.letemps.ch/monde/le-probleme-des-tirs-mortels-lors-de-refus-d-obtemperer-est-systemique-en-fr

    • « Refus d’obtempérer »  : depuis 2017, une inflation létale

      Depuis la création en 2017 par la loi sécurité publique d’un article élargissant les conditions d’usage de leur arme, les tirs des policiers contre des automobilistes ont fortement augmenté. Ils sont aussi plus mortels.

      Depuis plus d’un an, chaque mois en moyenne, un automobiliste est tué par la police. Dans la plupart des cas, la première version des faits qui émerge du côté des forces de l’ordre responsabilise le conducteur. Il lui est reproché d’avoir commis un refus d’obtempérer, voire d’avoir attenté à la vie des fonctionnaires, justifiant ainsi leurs tirs. Il arrive que cette affirmation soit ensuite mise à mal par les enquêtes judiciaires : cela a été le cas pour le double meurtre policier du Pont-Neuf, à Paris en avril 2022, celui d’Amine Leknoun, en août à Neuville-en-Ferrain (Nord), ou celui de Zyed Bensaid, en septembre à Nice. En ira-t-il de même, concernant le conducteur de 17 ans tué mardi à Nanterre (Hauts-de-Seine) ? Les investigations pour « homicide volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique » ont été confiées à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Deux autres enquêtes ont été ouvertes depuis le début de l’année pour des tirs mortels dans le cadre de refus d’obtempérer en Charente et en Guadeloupe.

      Cette inflation mortelle s’est accélérée depuis le début de l’année 2022, mais elle commence en 2017. Ainsi, d’après les chiffres publiés annuellement par l’IGPN et compilés par Libération, entre la période 2012-2016 d’une part, et 2017-2021 d’autre part, l’usage des armes par les policiers a augmenté de 26 % ; et les usages de l’arme contre un véhicule ont augmenté de 39 %. Une croissance largement supérieure à celle observée chez les gendarmes entre ces deux périodes (+10 % d’usage de l’arme, toutes situations confondues).
      Doublement faux

      Mercredi, lors des questions au gouvernement, Gérald Darmanin a affirmé que « depuis la loi de 2017, il y a eu moins de tirs, et moins de cas mortels qu’avant 2017 ». C’est doublement faux : depuis cette année-là, les tirs des policiers contre des véhicules sont non seulement plus nombreux, mais ils sont aussi plus mortels. C’est la conclusion de travaux prépubliés l’année dernière, et en cours de soumission à une revue scientifique, de Sebastian Roché (CNRS), Paul Le Derff (université de Lille) et Simon Varaine (université Grenoble-Alpes).

      Les chercheurs établissent que le nombre de tués par des tirs policiers visant des personnes se trouvant dans des véhicules a été multiplié par cinq, entre avant et après le vote de la loi « sécurité publique » de février 2017. D’autant qu’entre les mêmes périodes, le nombre de personnes tuées par les autres tirs policiers diminue légèrement. « A partir d’une analyse statistique rigoureuse du nombre mensuel de victimes des tirs, malheureusement, il est très probable » que ce texte soit « la cause du plus grand nombre constaté d’homicides commis par des policiers », expliquent Roché, Le Derff et Varaine.

      La loi sécurité publique a créé l’article 435-1 du code de la sécurité intérieure (CSI), qui s’est depuis trouvé (et se trouve encore) au cœur de plusieurs dossiers judiciaires impliquant des policiers ayant tué des automobilistes. Cet article complète celui de la légitime défense (122-5 du code pénal) dont tout citoyen peut se prévaloir, en créant un cadre spécifique et commun aux forces de l’ordre pour utiliser leur arme.
      Un texte plusieurs fois remanié

      L’article 435-1 du CSI dispose que « dans l’exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité », les policiers peuvent utiliser leur arme « en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée », notamment dans la situation suivante : « Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui. » Avant d’arriver à cette formulation, le texte a été plusieurs fois remanié, au fil de son parcours législatif, dans le sens de l’assouplissement. Par exemple : les atteintes devaient être « imminentes », selon la version initiale ; dans la mouture finale elles n’ont plus besoin que d’être « susceptibles » de se produire, pour justifier le tir.

      La direction générale de la police nationale l’a rapidement relevé. Ainsi, dans une note de mars 2017 expliquant le texte à ses fonctionnaires, on pouvait lire : « L’article L.435-1 va au-delà de la simple légitime défense », en ce qu’il « renforce la capacité opérationnelle des policiers en leur permettant d’agir plus efficacement, tout en bénéficiant d’une plus grande sécurité juridique et physique ». Tout en rappelant qu’« il ne saurait être question de faire usage de l’arme pour contraindre un véhicule à s’arrêter en l’absence de toute dangerosité de ses occupants ».

      https://www.youtube.com/watch?v=Dz5QcVZXEN4&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.liberation.fr%2


      https://www.liberation.fr/societe/police-justice/refus-dobtemperer-depuis-2017-une-inflation-letale-20230627_C7BVZUJXLVFJBOWMDXJG2N7DDI/?redirected=1&redirected=1

    • Mort de Nahel : chronique d’un drame annoncé

      Au moment de l’adoption, sous pression des policiers, de la #loi de 2017 modifiant les conditions d’usage des armes à feu par les forces de l’ordre, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le Défenseur des droits et la société civile avaient alerté sur l’inévitable explosion du nombre de victimes à venir.

      #Bernard_Cazeneuve se trouve, depuis la mort de Nahel, au centre de la polémique sur l’#usage_des_armes_à_feu par les policiers. La gauche, notamment, ne cesse de rappeler que l’ex-dirigeant socialiste est le concepteur de la loi dite « #sécurité_publique » qui, en février 2017, a institué le #cadre_légal actuel en la matière. C’est en effet lui qui en a assuré l’élaboration en tant que ministre de l’intérieur, puis qui l’a promulguée alors qu’il était premier ministre.

      À deux reprises, Bernard #Cazeneuve s’est justifié dans la presse. Le 29 juin tout d’abord, dans Le Monde (https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/29/adolescent-tue-par-un-policier-a-nanterre-emmanuel-macron-sur-une-ligne-de-c), il affirme qu’« il n’est pas honnête d’imputer au texte ce qu’il n’a pas souhaité enclencher » et explique que cette loi avait été votée dans un « contexte de tueries de masse après les attentats ».

      Le lendemain, dans un entretien au Point (https://www.lepoint.fr/societe/bernard-cazeneuve-non-il-n-y-a-pas-en-france-de-permis-de-tuer-30-06-2023-25), l’ancien premier ministre de #François_Hollande développe la défense de son texte. « Il n’y a pas, en France, de #permis_de_tuer, simplement la reconnaissance pour les forces de l’ordre de la possibilité de protéger leurs vies ou la vie d’autrui, dans le cadre de la #légitime_défense », affirme-t-il.

      Bernard Cazeneuve évoque encore un « contexte particulier » ayant justifié ce texte, « celui des périples meurtriers terroristes et de la tragédie qu’a constituée l’attentat de Nice, le 14 juillet 2016, qui a vu un policier municipal neutraliser le conducteur d’un camion-bélier ayant tué 86 personnes et blessé plusieurs centaines d’autres, sur la promenade des Anglais ».

      Cette invocation d’une justification terroriste à l’adoption de la loi « sécurité publique » paraît étonnante à la lecture de l’exposé des motifs (https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000033664388/?detailType=EXPOSE_MOTIFS&detailId=) et de l’étude d’impact (https://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl16-263-ei/pjl16-263-ei.pdf) du texte. À aucun moment un quelconque attentat n’est mentionné pour justifier les dispositions de l’article premier, celui modifiant le cadre légal de l’usage des armes à feu par les policiers.

      À l’ouverture de l’examen du texte en séance publique par les député·es, le mardi 7 février (https://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2016-2017/20170112.asp#P970364), le ministre de l’intérieur Bruno Leroux parle bien d’un attentat, celui du Carrousel du Louvre (https://fr.wikipedia.org/wiki/Attaque_contre_des_militaires_au_Carrousel_du_Louvre) durant lequel un homme a attaqué deux militaires à la machette. Mais cette attaque s’est déroulée le 3 février, soit bien après l’écriture du texte, et concerne des soldats de l’opération Sentinelle, donc non concernés par la réforme.

      La loi « sécurité publique » a pourtant bien été fortement influencée par l’actualité, mais par un autre drame. Le #8_octobre_2016, une vingtaine de personnes attaquent deux voitures de police dans un quartier de #Viry-Châtillon (Essonne) à coups de pierres et de cocktails Molotov. Deux policiers sont grièvement brûlés (https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_des_policiers_br%C3%BBl%C3%A9s_%C3%A0_Viry-Ch%C3%A2tillon).

      Les images des agents entourés de flammes indignent toute la classe politique et provoquent un vaste mouvement de contestation au sein de forces de l’ordre. Cela génèrera un immense scandale judiciaire puisque des policiers feront emprisonner des innocents en toute connaissance de cause (https://www.mediapart.fr/journal/france/160521/affaire-de-viry-chatillon-comment-la-police-fabrique-de-faux-coupables). Mais à l’époque, les syndicats de policiers réclament par ailleurs une modification de la législation.

      « C’était une période de fin de règne de François #Hollande, avec des policiers à bout après avoir été sur-sollicités pour les manifestations contre la loi Travail, pour les opérations antiterroristes, se souvient Magali Lafourcade, secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Et, surtout, il y a eu l’attaque de policiers de Viry-Châtillon. Leur mouvement de colère avait été accompagné par des manifestations à la limite de la légalité, avec des policiers armés, masqués et sans encadrement syndical, car il s’agissait d’un mouvement spontané. Je pense que cela a fait très peur au gouvernement. »

      La loi « sécurité publique » est l’une des réponses du gouvernement à cette fronde des policiers. Ceux-ci étaient alors régis par le droit commun de la légitime défense. Désormais, ils bénéficient d’un #régime_spécifique, copié sur celui des gendarmes et inscrit dans le nouvel #article_435-1 du #Code_de_la_sécurité_intérieure (https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000034107970).

      Celui-ci dispose notamment que les policiers sont autorisés à faire usage de leur arme pour immobiliser des véhicules dont les occupants refusent de s’arrêter et « sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».

      On ne peut donc que s’étonner lorsque Bernard Cazeneuve assure, dans Le Point, que la loi « sécurité publique » « ne modifie en rien le cadre de la légitime défense ». « Je dirais même, enchérit-il, qu’elle en précise les conditions de déclenchement, en rendant impossible l’ouverture du feu hors de ce cadre. »

      Pourtant, comme l’a montré Mediapart (https://www.mediapart.fr/journal/france/280623/refus-d-obtemperer-l-alarmante-augmentation-des-tirs-policiers-mortels), le nombre de déclarations d’emploi d’une arme contre un véhicule a bondi entre 2016 et 2017, passant de 137 à 202, avant de se stabiliser à un niveau supérieur à celui d’avant l’adoption du texte, par exemple 157 en 2021.

      De plus, lorsque l’on relit les nombreux avertissements qui avaient été faits à l’époque au gouvernement, il semble difficile de soutenir que cette augmentation du recours aux armes à feu et du nombre de victimes n’était pas prévisible.

      « De telles dispositions risquent en effet d’entraîner une augmentation des pertes humaines à l’occasion de l’engagement desdits services dans des opérations sur la voie publique », prédisait ainsi la CNCDH dans un avis rendu le 23 février 2017 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034104875).

      Celui-ci s’inquiétait notamment du #flou de certaines formulations, comme l’alinéa autorisant l’usage des armes à feu contre les personnes « susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celle d’autrui ».

      « Il est à craindre que de telles dispositions ne conduisent à l’utilisation des armes à feu dans des situations relativement fréquentes de #courses-poursuites en zone urbaine, avertissait encore la commission, les fonctionnaires de police venant à considérer que le véhicule pourchassé crée, par la dangerosité de sa conduite, un risque pour l’intégrité des autres usagers de la route et des passants ».

      « Rien ne justifiait cet alignement du régime des #gendarmes sur celui des policiers, réaffirme aujourd’hui Magali Lafourcade. Les gendarmes sont formés au maniement des armes et, surtout, ils opèrent en zone rurale. » La secrétaire générale de la CNCDH pointe également un problème de formation des policiers qui s’est depuis aggravé.

      « Le niveau de recrutement des policiers s’est effondré, souligne-t-elle. Les jeunes sont massivement envoyés dans les zones difficiles dès leur sortie de l’école. Ils ne reçoivent aucun enseignement sur les biais cognitifs. Un jeune venant d’une zone rurale dans laquelle il n’aura quasiment jamais croisé de personne racisée peut donc très bien être envoyé dans un quartier dont il n’a pas les codes, la culture, la manière de parler et donc de s’adresser à des adolescents. Et l’#encadrement_intermédiaire est très insuffisant. Les jeunes policiers sont bien peu accompagnés dans des prises de fonction particulièrement difficiles. »

      Le Défenseur des droits avait lui aussi alerté, dans un avis publié le 23 janvier 2017 (https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=18573), sur l’#instabilité_juridique créée par cette #réforme. « Le projet de loi complexifie le régime juridique de l’usage des armes, en donnant le sentiment d’une plus grande liberté pour les forces de l’ordre, au risque d’augmenter leur utilisation, alors que les cas prévus sont déjà couverts par le régime général de la légitime défense et de l’état de nécessité », écrivait-il.

      Ces différents dangers avaient également été pointés par la quasi-totalité de la société civile, que ce soient les syndicats ou les associations de défense des libertés. « Les services de police et de gendarmerie se considéreront légitimes à user de leurs armes – et potentiellement tuer – dans des conditions absolument disproportionnées », prédisait ainsi le Syndicat de la magistrature (SM) (https://www.syndicat-magistrature.fr/notre-action/justice-penale/1214-projet-de-loi-securite-publique--refusez-ce-debat-expedie). « Il est en effet dangereux de laisser penser que les forces de l’ordre pourront faire un usage plus large de leurs armes », abondait l’Union syndicale des magistrats (USM) (https://www.union-syndicale-magistrats.org/web2/themes/fr/userfiles/fichier/publication/2017/securite_publique.pdf).

      Du côté des avocats, le projet de loi avait rencontré l’opposition du Syndicat des avocats de France (SAF) (https://lesaf.org/wp-content/uploads/2017/04/11-penal-GT.pdf), ainsi que du barreau de Paris et de la Conférence des bâtonniers, qui affirmaient, dans un communiqué commun (https://www.avocatparis.org/actualites/projet-de-loi-relatif-la-securite-publique-le-barreau-de-paris-et-la-co) : « La réponse au mal-être policier ne peut être le seul motif d’examen de ce projet de loi et il importe que les conditions de la légitime défense ne soient pas modifiées. »

      « Ce projet de loi autorise les forces de l’ordre à ouvrir le feu dans des conditions qui vont augmenter le risque de #bavures sans pour autant assurer la sécurité juridique des forces de l’ordre », avertissait encore la Ligue des droits de l’homme (https://www.ldh-france.org/police-anonyme-autorisee-tirer).

      Désormais, les policiers eux-mêmes semblent regretter cette réforme, ou en tout cas reconnaître l’#incertitude_juridique qu’elle fait peser sur eux, en raison de sa formulation trop vague.

      Dans un article publié samedi 1er juillet, Le Monde (https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/01/syndicats-de-police-un-tract-incendiaire-d-alliance-et-d-unsa-police-revelat) rapporte en effet que, parmi les forces de l’ordre, circule un modèle de demande de #droit_de_retrait dans lequel l’agent annonce rendre son arme, en raison des « diverses appréciations » qui peuvent être faites de l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, lesquelles sont susceptibles de « donner lieu à des poursuites pénales ».

      Dans ce document, le policer y annonce mettre son pistolet à l’armurerie et qu’il y restera « jusqu’à ce que [s]a formation continue [lui] permette de mieux appréhender les dispositions de cet article afin de ne pas être poursuivi pénalement dans l’éventualité où [il] devrai[t] faire feu ».

      Magali Lafourcade insiste de son côté sur les dégâts que cette réforme a pu causer dans une partie de la jeunesse. « L’expérience de la citoyenneté, du sentiment d’appartenir à une communauté nationale, du respect des principes républicains est une expérience avant tout sensible, affirme-t-elle. Elle passe par les interactions éprouvées avec les représentants de l’État. Plus les enfants de ces quartiers feront l’expérience de la #brutalité_policière, plus ça les enfermera dans la #défiance qu’ils ont déjà vis-à-vis de nos institutions. »

      https://www.mediapart.fr/journal/france/010723/mort-de-nahel-chronique-d-un-drame-annonce

  • « Tant qu’on sera dans un système capitaliste, il y aura du #patriarcat » – Entretien avec #Haude_Rivoal

    Haude Rivoal est l’autrice d’une enquête sociologique publiée en 2021 aux éditions La Dispute, La fabrique des masculinités au travail. Par un travail de terrain de plusieurs années au sein d’une entreprise de distribution de produits frais de 15 000 salariés, la sociologue cherche à comprendre comment se forgent les identités masculines au travail, dans un milieu professionnel qui se précarise (vite) et se féminise (lentement). Les travailleurs, majoritairement ouvriers, sont soumis comme dans tous les secteurs à l’intensification, à la rationalisation et à la flexibilisation du travail. Leur réponse aux injonctions du capitalisme et à la précarisation de leur statut, c’est entre autres un renforcement des pratiques viriles : solidarité accrue entre hommes, exclusion subtile (ou non) des femmes, déni de la souffrance… Pour s’adapter pleinement aux exigences du capitalisme et du patriarcat, il leur faut non seulement être de bons travailleurs, productifs, engagés et disciplinés, mais aussi des “hommes virils mais pas machos”. Pour éviter la mise à l’écart, adopter de nouveaux codes de masculinité est donc nécessaire – mais laborieux. Dans cette étude passionnante, Haude Rivoal met en lumière les mécanismes de la fabrique des masculinités au travail, au croisement des facteurs de genre, de classe et de race.

    Entretien par Eugénie P.

    Ton hypothèse de départ est originale, elle va à rebours des postulats féministes habituels : au lieu d’étudier ce qui freine les femmes au travail, tu préfères analyser comment les hommes gardent leur hégémonie au travail « malgré la déstabilisation des identités masculines au et par le travail ». Pourquoi as-tu choisi ce point de départ ?

    J’étais en contrat Cifre [contrat de thèse où le ou la doctorant.e est embauché.e par une entreprise qui bénéficie également de ses recherches, ndlr] dans l’entreprise où j’ai fait cette enquête. J’avais commencé à étudier les femmes, je voulais voir comment elles s’intégraient, trouvaient des stratégies pour s’adapter dans un univers masculin à 80%. Ce que je découvrais sur le terrain était assez similaire à toutes les enquêtes que j’avais pu lire : c’était les mêmes stratégies d’adaptation ou d’autocensure. J’ai été embauchée pour travailler sur l’égalité professionnelle, mais je n’arrivais pas à faire mon métier correctement, parce que je rencontrais beaucoup de résistances de la part de l’entreprise et de la part des hommes. Et comme je ne comprenais pas pourquoi on m’avait embauchée, je me suis dit que ça serait intéressant de poser la question des résistances des hommes, sachant que ce n’est pas beaucoup étudié par la littérature sociologique. J’ai changé un peu de sujet après le début de ma thèse, et c’est au moment où est sortie la traduction française des travaux de Raewyn Connell [Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, Paris, Éditions Amsterdam, 2014, ndlr] : cet ouvrage m’a ouvert un espace intellectuel complètement fou ! Ça m’a beaucoup intéressée et je me suis engouffrée dans la question des masculinités.

    C’est donc la difficulté à faire ton travail qui a renversé ton point de vue, en fait ?

    Oui, la difficulté à faire le travail pour lequel j’ai été embauchée, qui consistait à mettre en place des politiques d’égalité professionnelle : je me rendais compte que non seulement je n’avais pas les moyens de les mettre en place, mais qu’en plus, tout le monde s’en foutait. Et je me suis rendue compte aussi que l’homme qui m’avait embauchée pour ce projet était lui-même extrêmement sexiste, et ne voyait pas l’existence des inégalités hommes-femmes, donc je n’arrivais pas à comprendre pourquoi il m’avait embauchée. J’ai compris plus tard que les raisons de mon embauche était une défense de ses propres intérêts professionnels, j’y reviendrai. Ce n’est pas qu’il était aveugle face aux inégalités – il travaillait dans le transport routier depuis 40 ans, évidemment que les choses avaient changé -, mais j’avais beau lui expliquer que les discriminations étaient plus pernicieuses, il était persuadé qu’il ne restait plus grand-chose à faire sur l’égalité hommes-femmes.

    Comment se manifeste cette “déstabilisation des identités masculines au et par le travail”, cette supposée « crise de la virilité », que tu évoques au début de ton livre ?

    Je me suis rendue compte en interviewant les anciens et les nouveaux que rien qu’en l’espace d’une génération, il y avait beaucoup moins d’attachement à l’entreprise. Les jeunes générations avaient très vite compris que pour monter dans la hiérarchie, pour être mieux payé ou pour avoir plus de responsabilités, il ne suffisait pas juste d’être loyal à l’entreprise : il fallait la quitter et changer de boulot, tout simplement. Ce n’est pas du tout l’état d’esprit des anciens, dont beaucoup étaient des autodidactes qui avaient eu des carrières ascensionnelles. Il y avait énormément de turnover, et ça créait un sentiment d’instabilité permanent. Il n’y avait plus d’esprit de solidarité ; ils n’arrêtaient pas de dire “on est une grande famille” mais au final, l’esprit de famille ne parlait pas vraiment aux jeunes. Par ailleurs, dans les années 2010, une nouvelle activité a été introduite : la logistique. Il y a eu beaucoup d’enquêtes sur le sujet ! Beaucoup de médias ont parlé de l’activité logistique avec les préparateurs de commandes par exemple, une population majoritairement intérimaire, très précaire, qui ne reste pas longtemps… et du coup, beaucoup d’ouvriers qui avaient un espoir d’ascension sociale se sont retrouvés contrariés. Ce n’est pas exactement du déclassement, mais beaucoup se sont sentis coincés dans une précarité, et d’autant plus face à moi qui suis sociologue, ça faisait un peu violence parfois. Donc c’est à la fois le fait qu’il y ait beaucoup de turnover, et le fait qu’il n’y ait plus le même sentiment de famille et de protection que pouvait apporter l’entreprise, qui font qu’il y a une instabilité permanente pour ces hommes-là. Et comme on sait que l’identité des hommes se construit en grande partie par le travail, cette identité masculine était mise à mal : si elle ne se construit pas par le travail, par quoi elle se construit ?

    Ça interroge beaucoup le lien que tu évoques entre le capitalisme et le patriarcat : la précarisation et la flexibilisation du travail entraînent donc un renforcement des résistances des hommes ?

    Oui, carrément. Il y a beaucoup d’hommes, surtout dans les métiers ouvriers, qui tirent une certaine fierté du fait de faire un “métier d’hommes ». Et donc, face à la précarisation du travail, c’est un peu tout ce qu’il leur reste. Si on introduit des femmes dans ces métiers-là, qui peuvent faire le boulot dont ils étaient si fiers parce que précisément c’est un “métier d’hommes”, forcément ça crée des résistances très fortes. Quand l’identité des hommes est déstabilisée (soit par la précarisation du travail, soit par l’entrée des femmes), ça crée des résistances très fortes.

    Tu explores justement les différentes formes de résistance, qui mènent à des identités masculines diversifiées. L’injonction principale est difficile : il faut être un homme « masculin mais pas macho ». Ceux qui sont trop machos, un peu trop à l’ancienne, sont disqualifiés, et ceux qui sont pas assez masculins, pareil. C’est un équilibre très fin à tenir ! Quelles sont les incidences concrètes de ces disqualifications dans le travail, comment se retrouvent ces personnes-là dans le collectif ?

    Effectivement, il y a plein de manières d’être homme et il ne suffit pas d’être un homme pour être dominant, encore faut-il l’être “correctement”. Et ce “correctement” est presque impossible à atteindre, c’est vraiment un idéal assez difficile. Par exemple, on peut avoir des propos sexistes, mais quand c’est trop vulgaire, que ça va trop loin, là ça va être disqualifié, ça va être qualifié de “beauf”, et pire, ça va qualifier la personne de pas très sérieuse, de quelqu’un à qui on ne pourra pas trop faire confiance. L’incidence de cette disqualification, c’est que non seulement la personne sera un peu mise à l’écart, mais en plus, ce sera potentiellement quelqu’un à qui on ne donnera pas de responsabilités. Parce qu’un responsable doit être un meneur d’hommes, il faut qu’il soit une figure exemplaire, il doit pouvoir aller sur le terrain mais aussi avoir des qualités d’encadrement et des qualités intellectuelles. Donc un homme trop vulgaire, il va avoir une carrière qui ne va pas décoller, ou des promotions qui ne vont pas se faire.

    Quant à ceux qui ne sont “pas assez masculins », je n’en ai pas beaucoup rencontrés, ce qui est déjà une réponse en soi !

    Peut-on dire qu’il y a une “mise à l’écart” des travailleurs les moins qualifiés, qui n’ont pas intégré les nouveaux codes de la masculinité, au profit des cadres ?

    Non, c’est un phénomène que j’ai retrouvé aussi chez les cadres. Mais chez les cadres, le conflit est plutôt générationnel : il y avait les vieux autodidactes et les jeunes loups, et c’est la course à qui s’adapte le mieux aux transformations du monde du travail, qui vont extrêmement vite, en particulier dans la grande distribution. C’est une des raisons pour laquelle le directeur des RH m’a embauchée : il avait peur de ne pas être dans le coup ! L’égalité professionnelle était un sujet, non seulement parce qu’il y avait des obligations légales mais aussi parce que dans la société, ça commençait à bouger un peu à ce moment-là. Donc il s’est dit que c’est un sujet porteur et que potentiellement pour sa carrière à lui, ça pouvait être très bon. Ça explique qu’il y ait des cadres qui adhèrent à des projets d’entreprise avec lesquels ils ne sont pas forcément d’accord, mais juste parce qu’il y a un intérêt final un peu égoïste en termes d’évolution de carrière.

    On dit toujours que les jeunes générations sont plus ouvertes à l’égalité que les aînés, je pense que ce n’est pas tout à fait vrai ; les aînés ont à cœur de s’adapter, ils ont tellement peur d’être dépassés que parfois ils peuvent en faire plus que les jeunes. Et par ailleurs, les jeunes sont ouverts, par exemple sur l’équilibre vie pro et vie perso, mais il y a quand même des injonctions (qui, pour le coup, sont propres au travail) de présentéisme, de présentation de soi, d’un ethos viril à performer… qui font qu’ils sont dans des positions où ils n’ont pas d’autres choix que d’adopter certains comportements virilistes. Donc certes, ils sont plus pour l’égalité hommes-femmes, mais ils ne peuvent pas complètement l’incarner.

    L’une de tes hypothèses fortes, c’est que le patriarcat ingurgite et adapte à son avantage toutes les revendications sur la fin des discriminations pour se consolider. Est-ce qu’on peut progresser sur l’égalité professionnelle, et plus globalement les questions de genre, sans que le patriarcat s’en empare à son avantage ?

    Très clairement, tant qu’on sera dans un système capitaliste, on aura toujours du patriarcat, à mon sens. C’était une hypothèse, maintenant c’est une certitude ! J’ai fait une analogie avec l’ouvrage de Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, pour dire que la domination masculine est pareille que le capitalisme, elle trouve toujours des moyens de se renouveler. En particulier, elle est tellement bien imbriquée dans le système capitaliste qui fonctionne avec les mêmes valeurs virilistes (on associe encore majoritairement la virilité aux hommes), que les hommes partent avec des avantages compétitifs par rapport aux femmes. Donc quand les femmes arrivent dans des positions de pouvoir, est-ce que c’est une bonne nouvelle qu’elles deviennent “des hommes comme les autres”, c’est-à-dire avec des pratiques de pouvoir et de domination ? Je ne suis pas sûre. C’est “l’égalité élitiste” : des femmes arrivent à des positions de dirigeantes, mais ça ne change rien en dessous, ça ne change pas le système sur lequel ça fonctionne, à savoir : un système de domination, de hiérarchies et de jeux de pouvoir.

    Donc selon toi, l’imbrication entre patriarcat et capitalisme est indissociable ?

    Absolument, pour une simple et bonne raison : le capitalisme fonctionne sur une partie du travail gratuit qui est assuré par les femmes à la maison. Sans ce travail gratuit, le système capitaliste ne tiendrait pas. [à ce sujet, voir par exemple les travaux de Silvia Federici, Le capitalisme patriarcal, ndlr]

    Ça pose la question des politiques d’égalité professionnelle en entreprise : sans remise en question du système capitaliste, elles sont destinées à être seulement du vernis marketing ? On ne peut pas faire de vrais progrès ?

    Je pense que non. D’ailleurs, beaucoup de gens m’ont dit que mon livre était déprimant pour ça. Je pense que les politiques d’égalité professionnelle ne marchent pas car elles ne font pas sens sur le terrain. Les gens ne voient pas l’intérêt, parce qu’ils fonctionnent essentiellement d’un point de vue rationnel et économique (donc le but est de faire du profit, que l’entreprise tourne et qu’éventuellement des emplois se créent, etc), et ils ne voient pas l’intérêt d’investir sur ce sujet, surtout dans les milieux masculins car il n’y a pas suffisamment de femmes pour investir sur le sujet. J’ai beau leur dire que justement, s’il n’y a pas de femmes c’est que ça veut dire quelque chose, ils ont toujours des contre-arguments très “logiques” : par exemple la force physique. Ils ne vont pas permettre aux femmes de trouver une place égale sur les postes qui requièrent de la force physique. Quand les femmes sont intégrées et qu’elles trouvent une place valorisante, ce qui est le cas dans certains endroits, c’est parce qu’elles sont valorisées pour leurs qualités dites “féminines”, d’écoute, d’empathie, mais elles n’atteindront jamais l’égalité car précisément, elles sont valorisées pour leur différence. Le problème n’est pas la différence, ce sont les inégalités qui en résultent. On peut se dire que c’est super que tout le monde soit différent, mais on vit dans un monde où il y a une hiérarchie de ces différences. Ces qualités (écoute, empathie) sont moins valorisées dans le monde du travail que le leadership, l’endurance…

    Ça ne nous rassure pas sur les politiques d’égalité professionnelle…

    Si les politiques d’égalité professionnelle marchaient vraiment, on ne parlerait peut-être plus de ce sujet ! Je pense que les entreprises n’ont pas intérêt à ce qu’elles marchent, parce que ça fonctionne bien comme ça pour elles. Ca peut prendre des formes très concrètes, par exemple les RH disaient clairement en amont des recrutements : ”on prend pas de femmes parce que physiquement elles ne tiennent pas”, “les environnement d’hommes sont plus dangereux pour elles”, “la nuit c’est pas un environnement propice au travail des femmes”… Tu as beau répondre que les femmes travaillent la nuit aussi, les infirmières par exemple… Il y a un tas d’arguments qui montrent la construction sociale qui s’est faite autour de certains métiers, de certaines qualités professionnelles attendues, qu’il faudrait déconstruire – même si c’est très difficile à déconstruire. Ça montre toute une rhétorique capitaliste, mais aussi sexiste, qui explique une mise à l’écart des femmes.

    On a l’impression d’une progression linéaire des femmes dans le monde du travail, que ça avance doucement mais lentement, mais je constate que certains secteurs et certains métiers se déféminisent. On observe des retours en arrière dans certains endroits, ce qui légitime encore plus le fait de faire des enquêtes. Ce n’est pas juste un retour de bâton des vieux mormons qui veulent interdire l’avortement, il y aussi des choses plus insidieuses, des résistances diverses et variées.

    En plus, l’intensification du travail est un risque à long terme pour les femmes. Par exemple, il y a plus de femmes qui font des burnout. Ce n’est pas parce qu’elles sont plus fragiles psychologiquement, contrairement à ce qu’on dit, mais c’est parce qu’elles assurent des doubles journées, donc elles sont plus sujettes au burnout. Les transformations du monde du travail sont donc un risque avéré pour l’emploi des femmes, ne serait-ce que parce que par exemple, les agences d’intérim trient en amont les candidats en fonction de la cadence. Il faut redoubler de vigilance là-dessus.

    Tu analyses les types de masculinité qui se façonnent en fonction des facteurs de classe et de race. On voit que ce ne sont pas les mêmes types d’identités masculines, certaines sont dévalorisées. Quelles en sont les grandes différences ?

    Je ne vais pas faire de généralités car ça dépend beaucoup des milieux. Ce que Raewyn Connell appelle la “masculinité hégémonique”, au sens culturel et non quantitatif (assez peu d’hommes l’incarnent), qui prendrait les traits d’un homme blanc, d’âge moyen, hétérosexuel, de classe moyenne supérieure. Par rapport à ce modèle, il y a des masculinités “non-hégémoniques”, “subalternes”, qui forment une hiérarchie entre elles. Malgré le fait que ces masculinités soient plurielles, il y a une solidarité au sein du groupe des hommes par rapport au groupe des femmes, et à l’intérieur du groupe des hommes, il y a une hiérarchie entre eux. Les masculinités qu’on appelle subalternes sont plutôt les masculinités racisées ou homosexuelles. Elles s’expriment sous le contrôle de la masculinité hégémonique. Elles sont appréciées pour certaines qualités qu’elles peuvent avoir : j’ai pu voir que les ouvriers racisés étaient appréciés pour leur endurance, mais qu’ils étaient aussi assez craints pour leur “indiscipline” supposée. En fait, les personnes “dévalorisées” par rapport à la masculinité hégémonique sont appréciées pour leurs différences, mais on va craindre des défauts qui reposent sur des stéréotypes qu’on leur prête. Par exemple, les personnes racisées pour leur supposée indiscipline, les personnes des classes populaires pour leur supposé mode de vie tourné vers l’excès, les femmes pour leurs supposés crêpages de chignon entre elles…. C’est à double tranchant. Les qualités pour lesquelles elles sont valorisées sont précisément ce qui rend l’égalité impossible. Ces qualités qu’on valorise chez elles renforcent les stéréotypes féminins.

    Tu montres que le rapport au corps est central dans le travail des hommes : il faut s’entretenir mais aussi s’engager physiquement dans le travail, quitte à prendre des risques. Il y a une stratégie de déni de la souffrance, de sous-déclaration du stress chez les travailleurs : pour diminuer la souffrance physique et psychologique au travail, il faut changer les conditions de travail mais aussi changer le rapport des hommes à leur corps ?

    Je pensais que oui, mais je suis un peu revenue sur cette idée. Effectivement, il y plein d’études qui montrent que les hommes prennent plus de risques. C’est par exemple ce que décrit Christophe Dejours [psychiatre français spécialisé dans la santé au travail, ndlr] sur le “collectif de défense virile”, qui consiste à se jeter à corps perdu dans le travail pour anesthésier la peur ou la souffrance. Ce n’est pas forcément ce que j’ai observé dans mes enquêtes : en tout cas auprès des ouvriers (qui, pour le coup, avaient engagé leur corps assez fortement dans le travail), non seulement parce qu’ils ont bien conscience que toute une vie de travail ne pourra pas supporter les prises de risque inconsidérées, mais aussi parce qu’aujourd’hui la souffrance est beaucoup plus médiatisée. Cette médiatisation agit comme si elle donnait une autorisation d’exprimer sa souffrance, et c’est souvent un moyen d’entrée pour les syndicats pour l’amélioration des conditions de travail et de la santé au travail. Donc il y a un rapport beaucoup moins manichéen que ce qu’on prête aux hommes sur la prise de risques et le rapport au corps.

    En termes d’émotions, là c’est moins évident : on parle de plus en plus de burnout, mais à la force physique s’est substituée une injonction à la force mentale, à prendre sur soi. Et si ça ne va pas, on va faire en sorte que les individus s’adaptent au monde du travail, mais on ne va jamais faire en sorte que le monde du travail s’adapte au corps et à l’esprit des individus. On va donner des sièges ergonomiques, des ergosquelettes, on va créer des formations gestes et postures, on va embaucher des psychologues pour que les gens tiennent au travail, sans s’interroger sur ce qui initialement a causé ces souffrances.

    D’ailleurs, ce qui est paradoxal, c’est que l’entreprise va mettre en place tous ces outils, mais qu’elle va presque encourager les prises de risque, parce qu’il y a des primes de productivité ! Plus on va vite (donc plus on prend des risques), plus on gagne d’argent. C’est d’ailleurs les intérimaires qui ont le plus d’accidents du travail, déjà parce qu’ils sont moins formés, mais aussi parce qu’ils ont envie de se faire un max d’argent car ils savent très bien qu’ils ne vont pas rester longtemps.

    Donc ce sont les valeurs du capitalisme et ses incidences économiques (les primes par exemple) qui forgent ce rapport masculin au travail ?

    Oui, mais aussi parce qu’il y a une émulation collective. La masculinité est une pratique collective. Il y a une volonté de prouver qu’on est capable par rapport à son voisin, qu’on va dépasser la souffrance même si on est fatigué, et qu’on peut compter sur lui, etc. J’ai pu observer ça à la fois chez les cadres dans ce qu’on appelle les “boys clubs”, et sur le terrain dans des pratiques de renforcement viril.

    Tu n’as pas observé de solidarité entre les femmes ?

    Assez peu, et c’est particulièrement vrai dans les milieux masculins : la sororité est une solidarité entre femmes qui est très difficile à obtenir. J’en ai fait l’expérience en tant que chercheuse mais aussi en tant que femme. Je me suis dit que j’allais trouver une solidarité de genre qui m’aiderait à aller sur le terrain, mais en fait pas du tout. C’est parce que les femmes ont elles-mêmes intériorisé tout un tas de stéréotypes féminins. C’est ce que Danièle Kergoat appelle “le syllogisme des femmes”, qui dit : “toutes les femmes sont jalouses. Moi je ne suis pas jalouse. Donc je ne suis pas une femme.” Il y a alors une impossibilité de création de la solidarité féminine, parce qu’elles ne veulent pas rentrer dans ces stéréotypes dégradants de chieuses, de nunuches, de cuculs… Les femmes sont assez peu nombreuses et assez vites jugées, en particulier sur leurs tenues : les jugements de valeur sont assez sévères ! Par exemple si une femme arrive avec un haut un peu décolleté, les autres femmes vont être plutôt dures envers elle, beaucoup plus que les hommes d’ailleurs. Elles mettent tellement d’efforts à se créer une crédibilité professionnelle que tout à coup, si une femme arrive en décolleté, on ne va parler que de ça.

    Toi en tant que femme dans l’entreprise, tu dis que tu as souvent été renvoyée à ton genre. Il y a une forme de rappel à l’ordre.

    Oui, quand on est peu nombreuses dans un univers masculin, la féminité fait irruption ! Quels que soient tes attributs, que tu sois féminine ou pas tant que ça, tu vas avoir une pression, une injonction tacite à contrôler tous les paramètres de ta féminité. Ce ne sont pas les hommes qui doivent contrôler leurs désirs ou leurs remarques, mais c’est aux femmes de contrôler ce qu’elles provoquent chez les hommes, et la perturbation qu’elles vont provoquer dans cet univers masculin, parce qu’elles y font irruption.

    Toujours rappeler les femmes à l’ordre, c’est une obsession sociale. Les polémiques sur les tenues des filles à l’école, sur les tenues des femmes musulmanes en sont des exemples… Cette volonté de contrôle des corps féminins est-elle aussi forte que les avancées féministes récentes ?

    C’est difficile à mesurer mais ce n’est pas impossible. S’il y a des mouvements masculinistes aussi forts au Canada par exemple, c’est peut-être que le mouvement féministe y est hyper fort. Ce n’est pas impossible de se dire qu’à chaque fois qu’il y a eu une vague d’avancées féministes, quelques années plus tard, il y a forcément un retour de bâton. Avec ce qui s’est passé avec #metoo, on dirait que le retour de bâton a commencé avec le verdict du procès Johnny Depp – Amber Heard, puis il y a eu la la décision de la Cour Constitutionnelle contre l’avortement aux Etats-Unis… On n’est pas sorties de l’auberge, on est en train de voir se réveiller un mouvement de fond qui était peut-être un peu dormant, mais qui est bien présent. L’article sur les masculinistes qui vient de sortir dans Le Monde est flippant, c’est vraiment des jeunes. En plus, ils sont bien organisés, et ils ont une rhétorique convaincante quand tu ne t’y connais pas trop.

    Les milieux de travail très féminisés sont-ils aussi sujets à l’absence de sororité et à la solidarité masculine dont tu fais état dans ton enquête ?

    En général, les hommes qui accèdent à ces milieux ont un ”ascenseur de verre” (contrairement aux femmes qui ont le “plafond de verre”) : c’est un accès plus rapide et plus facile à des postes à responsabilité, des postes de direction. C’est le cas par exemple du milieu de l’édition : il y a énormément de femmes qui y travaillent mais les hommes sont aux manettes. Le lien avec capitalisme et virilité se retrouve partout – les hommes partent avec un avantage dans le monde du travail capitaliste, souvent du simple fait qu’ils sont des hommes et qu’on leur prête plus volontiers d’hypothétiques qualités de leader.

    Dans quelle mesure peut-on étendre tes conclusions à d’autres milieux de travail ou d’autres secteurs d’activité ? Est-ce que tes conclusions sont spécifiques à la population majoritairement ouvrière et masculine, et au travail en proie à l’intensification, étudiés dans ta thèse ?

    J’ai pensé mon travail pour que ce soit généralisable à plein d’entreprises. J’ai pensé cette enquête comme étant symptomatique, ou en tout cas assez représentative de plein de tendances du monde du travail : l’intensification, l’informatisation à outrance… Ces tendances se retrouvent dans de nombreux secteurs. Je dis dans l’intro : “depuis l’entrepôt, on comprend tout.” Comme partout, il y a de la rationalisation, de l’intensification, et de la production flexible. A partir de là, on peut réfléchir aux liens entre masculinités et capitalisme. Les problématiques de violence, de harcèlement sortent dans tous les milieux, aucun milieu social n’est épargné, précisément parce qu’elles ont des racines communes.

    Comment peut-on abolir le capitalisme, le patriarcat et le colonialisme ?

    Je vois une piste de sortie, une perspective politique majeure qui est de miser sur la sororité. La sororité fonctionne différemment des boys clubs, c’est beaucoup plus horizontal et beaucoup moins hiérarchique. Il y a cette même notion d’entraide, mais elle est beaucoup plus inclusive. Ce sont des dominées qui se rassemblent et qui refusent d’être dominées parce qu’elles refusent de dominer. Il faut prendre exemple sur les hommes qui savent très bien se donner des coups de main quand il le faut, mais faisons-le à bon escient. C’est une solution hyper puissante.

    Ne pas dominer, quand on est dominante sur d’autres plans (quand on est blanche par exemple), ça revient à enrayer les différents systèmes de domination.

    Tout à fait. Les Pinçon-Charlot, on leur a beaucoup reproché d’avoir travaillé sur les dominants, et c’est le cas aussi pour les masculinités ! Il y a plusieurs types de critique : d’abord, il y a un soupçon de complaisance avec ses sujets d’étude, alors qu’il y a suffisamment de critique à l’égard de nos travaux pour éviter ce biais. Ensuite, on est souvent accusé.e.s de s’intéresser à des vestiges ou à des pratiques dépassés, parce que les groupes (hommes, ou bourgeois) sont en transformation ; en fait, les pratiques de domination se transforment, mais pas la domination ! Enfin, on peut nous reprocher de mettre en lumière des catégories “superflues”, alors qu’on devrait s’intéresser aux dominé.e.s… mais on a besoin de comprendre le fonctionnement des dominant.e.s pour déconstruire leur moyen de domination, et donner des armes à la sororité.

    https://www.frustrationmagazine.fr/entretien-rivoal
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  • Grano : una guerra globale

    Secondo molti osservatori internazionali, la guerra in corso in Ucraina si esprimerebbe non solo mediante l’uso dell’artiglieria pesante e di milizie ufficiali o clandestine, responsabili di migliaia di morti, stupri e deportazioni. Esisterebbero, infatti, anche altri campi sui quali il conflitto, da tempo, si sarebbe spostato e che ne presuppongono un allargamento a livello globale. Uno di questi ha mandato in fibrillazione gli equilibri mondiali, con effetti diretti sulle economie di numerosi paesi e sulla vita, a volte sulla sopravvivenza, di milioni di persone. Si tratta della cosiddetta “battaglia globale del grano”, i cui effetti sono evidenti, anche in Occidente, con riferimento all’aumento dei prezzi di beni essenziali come il pane, la pasta o la farina, a cui si aggiungono quelli dei carburanti, oli vari, energia elettrica e legno.
    La questione del grano negli Stati Uniti: il pericolo di generare un tifone sociale

    Negli Stati Uniti, ad esempio, il prezzo del grano tenero, dal 24 febbraio del 2022, ossia dall’inizio dell’invasione russa dell’Ucraina, al Chicago Mercantile Exchange, uno dei maggiori mercati di riferimento per i contratti cerealicoli mondiali, è passato da 275 euro a tonnellata ai circa 400 euro dell’aprile scorso. Un aumento esponenziale che ha mandato in tensione non solo il sistema produttivo e distributivo globale, ma anche molti governi, legittimamente preoccupati per le conseguenze che tali aumenti potrebbero comportare sulle loro finanze e sulla popolazione. In epoca di globalizzazione, infatti, l’aumento del prezzo del grano tenero negli Stati Uniti potrebbe generare un “tifone sociale”, ad esempio, in Medio Oriente, in Africa, in Asia e anche in Europa. I relativi indici di volatilità, infatti, sono ai massimi storici, rendendo difficili previsioni di sviluppo che si fondano, invece, sulla prevedibilità dei mercati e non sulla loro instabilità. Queste fibrillazioni, peraltro, seguono, in modo pedissequo, le notizie che derivano dal fronte ucraino. Ciò significa che i mercati guardano non solo agli andamenti macroeconomici o agli indici di produzione e stoccaggio, ma anche a quelli derivanti direttamente dal fronte bellico e dalle conseguenze che esso determinerebbe sugli equilibri geopolitici globali.
    I processi inflattivi e la produzione di grano

    Anche secondo la Fao, per via dell’inflazione che ha colpito la produzione di cereali e oli vegetali, l’indice alimentare dei prezzi avrebbe raggiunto il livello più alto dal 1990, ossia dall’anno della sua creazione.

    Le origini della corsa a questo pericoloso rialzo sono molteplici e non tutte direttamente riconducibili, a ben guardare, alla sola crisi di produzione e distribuzione derivante dalla guerra in Ucraina. I mercati non sono strutture lineari, dal pensiero algoritmico neutrale. Al contrario, essi rispondono ad una serie molto ampia di variabili, anche incidentali, alcune delle quali derivano direttamente dalle ambizioni e dalle strategie di profitto di diversi speculatori finanziari. I dati possono chiarire i termini di questa riflessione.

    Il Pianeta, nel corso degli ultimi anni, ha prodotto tra 780 e 800 milioni di tonnellate di grano. Una cifra nettamente superiore rispetto ai 600 milioni di tonnellate prodotte nel 2000. Ciò si deve, in primis, alla crescita demografica mondiale e poi all’entrata di alcuni paesi asiatici e africani nel gotha del capitalismo globale e, conseguentemente, nel sistema produttivistico e consumistico generale. Se questo per un verso ha sollevato gran parte della popolazione di quei paesi dalla fame e dalla miseria, ha nel contempo determinato un impegno produttivo, in alcuni casi monocolturale, che ha avuto conseguenze dirette sul piano ambientale, sociale e politico.
    Il grano e l’Africa

    L’area dell’Africa centrale, ad esempio, ha visto aumentare la produzione agricola in alcuni casi anche del 70%. Eppure, nel contempo, si è registrato un aumento di circa il 30% di malnutrizione nella sua popolazione. Ciò è dovuto ad un’azione produttiva privata, incentivata da fondi finanziari internazionali e governativi, che ha aumentato la produzione senza redistribuzione. Questa produzione d’eccedenza è andata a vantaggio dei fondi speculativi, dell’agrobusiness o è risultata utile per la produzione occidentale, ma non ha sfamato la popolazione locale, in particolare di quella tradizionalmente esposta alla malnutrizione e alla fame. Un esempio emblematico riguarda l’Etiopia e i suoi 5 milioni circa di cittadini malnutriti. Questo paese dipende ormai interamente dagli aiuti alimentari e umanitari. Allo stesso tempo, migliaia di tonnellate di grano e di riso etiope sono esportate ogni anno in Arabia Saudita per via del land grabbing e degli accordi economici e finanziari sottoscritti. In Sudan si registra il medesimo fenomeno. Il locale governo ha infatti ceduto 1,5 milioni di ettari di terra di prima qualità agli Stati del Golfo, all’Egitto e alla Corea del Sud per 99 anni, mentre risulta contemporaneamente il paese al mondo che riceve la maggiore quantità di aiuti alimentari, con 6 milioni di suoi cittadini che dipendono dalla distribuzione di cibo. Basterebbe controllare i piani di volo degli aeroporti di questi paesi per rendersi conto di quanti aerei cargo decollano giornalmente carichi di verdura fresca e rose, con destinazione finale gli alberghi degli Emirati Arabi e i mercati di fiori olandesi. Come ha affermato l’ex direttore dell’ILC (International Land Coalition), Madiodio Niasse: «La mancanza di trasparenza rappresenta un notevole ostacolo all’attuazione di un sistema di controllo e implementazione delle decisioni riguardo alla terra e agli investimenti ad essa inerenti».

    L’Angola ha varato un piano di investimenti così ambizioso da attrarre sei miliardi di dollari esteri nel solo 2013. Prima dello scoppio del conflitto civile, durato trent’anni, questo paese riusciva a nutrire tutti i suoi abitanti ed esportava caffè, banane e zucchero. Oggi, è costretto a comprare all’estero metà del cibo destinato al consumo interno, mentre solo il 10% della sua superficie arabile è utilizzata. Ciò nonostante, ha ritenuto legittimo incentivare l’accaparramento dei propri terreni agricoli da parte di multinazionali dell’agrobusiness e fondi finanziari di investimento. Ragioni analoghe guidano Khartoum a negoziare migliaia di ettari con i paesi del Golfo. Tra il 2004 e il 2009, in soli cinque paesi, Mali, Etiopia, Sudan, Ghana e Madagascar circa due milioni e mezzo di ettari coltivabili sono finiti nel portafoglio finanziario di multinazionali e dei fondi sovrani.
    Non solo Ucraina

    Quanto descritto serve per superare un’ottica monofocale che tende a concentrarsi, per ciò che riguarda il tema della terra e del grano, esclusivamente sull’Ucraina. Nello scacchiere globale della produzione e dell’approvvigionamento rientrano, infatti, numerosi paesi, molti dei quali per anni predati o raggirati mediante accordi capestro e obblighi internazionali che hanno fatto del loro territorio un grande campo coltivato per i bisogni e i consumi occidentali.
    Il ruolo della Russia

    Anche la Russia, in quest’ambito, svolge un ruolo fondamentale. Mosca, infatti, ha deciso di conservare per sé e in parte per i suoi alleati, a fini strategici, la propria produzione cerealicola, contribuendo a generare gravi fibrillazioni sui mercati finanziari di tutto il mondo. Nel 2021, ad esempio, il paese governato da Putin era il primo esportatore di grano a livello mondiale (18%), piazzandosi sopra anche agli Stati Uniti. Questa enorme quantità di grano esportato non risulta vincolata come quello occidentale, ma riconducibile al consumo interno e al bilanciamento dei relativi prezzi per il consumatore russo che in questo modo paga meno il pane o la carne rispetto ad un occidentale. Non è però tutto “rose e fiori”. Sulla Russia incidono due fattori fondamentali. In primis, le sanzioni occidentali che limitano i suoi rapporti commerciali e impediscono a numerose merci e attrezzature di entrare, almeno in modo legale, per chiudere la filiera produttiva e commerciale in modo controllato. Secondo, l’esclusione della Russia dai mercati finanziari comporta gravi conseguenze per il paese con riferimento alla situazione dei pagamenti con una tensione crescente per il sistema finanziario, bancario e del credito. Non a caso recentemente essa è stata dichiarata in default sui circa 100 milioni di dollari di obbligazioni che non è riuscita a pagare. In realtà, il default non avrà un peso straordinario almeno per due ragioni. In primo luogo perché il paese è da molto tempo economicamente, finanziariamente e politicamente emarginato. Secondo poi, il fallimento sarebbe dovuto non alla mancanza di denaro da parte della Russia, ma alla chiusura dei canali di trasferimento da parte dei creditori. A completare il quadro, c’è una strategica limitazione delle esportazioni di grano da parte ancora della Russia nei riguardi dei paesi satelliti, come ad esempio l’Armenia o la Bielorussia. Ciò indica la volontà, da parte di Putin, di rafforzare le scorte per via di un conflitto che si considera di lungo periodo.
    Il grano “bloccato”

    A caratterizzare questa “battaglie globale del grano” ci sono anche altri fattori. Da febbraio 2020, ad esempio, circa 6 milioni di tonnellate di grano ucraino sono bloccati nel porto di Mikolaiv, Odessa e Mariupol. È una quantità di grano enorme che rischia di deperire nonostante lo stato di crisi alimentare in cui versano decine di paesi, soprattutto africani. Sotto questo profilo, i paesi occidentali e vicini all’Ucraina dovrebbero trovare corridoi speciali, militarmente difesi, per consentire l’esportazione del cereale e successivamente la sua trasformazione a tutela della vita di milioni di persone. D’altra parte, sui prezzi intervengo fattori non direttamente riconducibili all’andamento della guerra ma a quelli del mercato. Ad esempio, l’aumento del costo delle derrate cerealicole si deve anche all’aumento esponenziale (20-30%) dei premi assicurativi sulle navi incaricate di trasportarlo, attualmente ferme nei porti ucraini. Su questo aspetto i governi nazionali potrebbero intervenire direttamente, calmierando i premi assicurativi, anche obtorto collo, contribuendo a calmierai i prezzi delle preziose derrate alimentati. Si consideri che molti industriali italiani del grano variamente lavorato stanno cambiando la loro bilancia di riferimento e relativi prezzi, passando ad esempio dal quintale al chilo e aumentando anche del 30-40% il costo per allevatori e trasformatori vari (fornai e catene dell’alimentare italiano).
    Le ricadute di una guerra di lungo periodo

    Una guerra di lungo periodo, come molti analisti internazionali ritengono quella in corso, obbligherà i paesi contendenti e i relativi alleati, a una profonda revisione della produzione di grano. L’Ucraina, ad esempio, avendo a disposizione circa 41,5 milioni di ettari di superficie agricola utile, attualmente in parte occupati dai carri armati russi e da un cannoneggiamento da artiglieria pesante e attività di sabotaggio, vende in genere il 74% della sua produzione cerealicola a livello globale. Non si tratta di una scelta politica occasionale ma strategica e di lungo periodo. L’Ucraina, infatti, ha visto aumentare, nel corso degli ultimi vent’anni, la sua produzione di grano e l’ esportazione. Si consideri che nel 2000, il grano ucraino destinato all’esportazione era il 60% di quello prodotto. La strategia ovviamente non è solo commerciale ma anche politica. Chi dispone del “potere del grano”, infatti, ha una leva fondamentale sulla popolazione dei paesi che importano questo prodotto, sul relativo sistema di trasformazione e commerciale e sull’intera filiera di prodotti derivati, come l’allevamento. Ed è proprio su questa filiera che ora fa leva la Russia, tentando di generare fibrillazioni sui mercati, azioni speculative e tensioni sociali per tentare di allentare il sostegno occidentale o internazionale dato all’Ucraina e la morsa, nel contempo, delle sanzioni.

    Esiste qualche alternativa alla morsa russa su campi agricoli ucraini? Il terreno ucraino seminato a grano e risparmiato dalla devastazione militare russa, soprattutto lungo la linea Sud-Ovest del paese, può forse rappresentare una speranza se messo a coltura e presidiato anche militarmente. Tutto questo però deve fare i conti con altri due problemi: la carenza di carburante e la carenza di manodopera necessaria per concludere la coltivazione, mietitura e commercializzazione del grano. Su questo punto molti paesi, Italia compresa, si sono detti pronti ad intervenire fornendo a Zelensky mezzi, camion, aerei cargo e navi ove vi fosse la possibilità di usare alcuni porti. Nel frattempo, il grano sta crescendo e la paura di vederlo marcire nei magazzini o di non poterlo raccogliere nei campi resta alta. Ovviamente queste sono considerazioni fatte anche dai mercati che restano in fibrillazione. Circa il 70% dei carburanti usati in agricoltura in Ucraina, ad esempio, sono importanti da Russia e Bielorussia. Ciò significa che esiste una dipendenza energetica del paese di Zelensky dalla Russia, che deve essere superata quanto prima mediante l’intervento diretto dei paesi alleati a vantaggio dell’Ucraina. Altrimenti il rischio è di avere parte dei campi di grano ucraini pieni del prezioso cereale, ma i trattori e le mietitrici ferme perché prive di carburante, passando così dal danno globale alla beffa e alla catastrofe mondiale.

    Una catastrofe in realtà già prevista.
    Un uragano di fame

    Le Nazioni Unite, attraverso il suo Segretario generale, Antonio Guterres, già il 14 marzo scorso avevano messo in guardia il mondo contro la minaccia di un “uragano di fame” che avrebbe potuto generare conflitti e rivolte in aree già particolarmente delicate. Tra queste ultime, in particolare, il Sudan, l’Eritrea, lo Yemen, e anche il Medio Oriente.

    Gutierres ha parlato addirittura di circa 1,7 miliardi di persone che possono precipitare dalla sopravvivenza alla fame. Si tratta di circa un quinto della popolazione mondiale, con riferimento in particolare a quarantacinque paesi africani, diciotto dei quali dipendono per oltre il 50% dal grano ucraino e russo. Oltre a questi paesi, ve ne sono altri, la cui tenuta è in tensione da molti anni, che dipendono addirittura per il 100% dai due paesi in guerra. Si tratta, ad esempio, dell’Eritrea, della Mauritania, della Somalia, del Benin e della Tanzania.

    In definitiva, gli effetti di una nuova ondata di fame, che andrebbe a sommarsi alle crisi sociali, politiche, ambientali e terroristiche già in corso da molti anni, potrebbero causare il definitivo crollo di molti paesi con effetti umanitari e politici a catena devastanti.
    Il caso dell’Egitto

    Un paese particolarmente sensibile alla crisi in corso è l’Egitto, che è anche il più grande acquirente di grano al mondo con 12 milioni di tonnellate, di cui 6 acquistate direttamente dal governo di Al Si-si per soddisfare il programma di distribuzione del pane. Si tratta di un programma sociale di contenimento delle potenziali agitazioni, tensioni sociali e politiche, scontri, rivolte e migrazioni per fame che potrebbero indurre il Paese in uno stato di crisi permanente. Sarebbe, a ben osservare, un film già visto. Già con le note “Primavere arabe”, infatti, generate dal crollo della capacità di reperimento del grano nei mercati globali a causa dei mutamenti climatici che investirono direttamente le grandi economie del mondo e in particolare la Cina, Argentina, Russia e Australia, scoppiarono rivolte proprio in Egitto (e in Siria), represse nel sangue. L’Egitto, inoltre, dipende per il 61% dalla Russia e per il 23% dall’Ucraina per ciò che riguarda l’importazione del grano. Dunque, questi due soli paesi fanno insieme l’84% del grano importato dal paese dei faraoni. Nel contempo, l’Egitto fonda la sua bilancia dei pagamenti su un prezzo del prezioso cereale concordato a circa 255 dollari a tonnellata. L’aumento del prezzo sui mercati globali ha già obbligato l’Egitto ad annullare due contratti sottoscritti con la Russia, contribuendo a far salire la tensione della sua popolazione, considerando che i due terzi circa dei 103 milioni di egiziani si nutre in via quasi esclusiva di pane (chiamato aish, ossia “vita”). Secondo le dichiarazioni del governo egiziano, le riserve di grano saranno sufficienti per soddisfare i relativi bisogni per tutta l’estate in corso. Resta però una domanda: che cosa accadrà, considerando che la guerra in Ucraina è destinata ad essere ancora lunga, quando le scorte saranno terminate?

    Anche il Libano e vari altri paesi si trovano nella medesima situazione. Il paese dei cedri dipende per il 51% dal grano dalla Russia e dall’Ucraina. La Turchia di Erdogan, invece, dipende per il 100% dal grano dai due paesi coinvolti nel conflitto. Ovviamente tensioni sociali in Turchia potrebbero non solo essere pericolose per il regime di Erdogan, ma per la sua intera area di influenza, ormai allargatasi alla Libia, Siria, al Medio Oriente, ad alcuni paesi africani e soprattutto all’Europa che ha fatto di essa la porta di accesso “sbarrata” dei profughi in fuga dai loro paesi di origine.
    Anche l’Europa coinvolta nella guerra del grano

    Sono numerosi, dunque, i paesi che stanno cercando nuovi produttori di cereali cui fare riferimento. Tra le aree alle quali molti stanno guardando c’è proprio l’Unione europea che, non a caso, il 21 marzo scorso, ha deciso di derogare temporaneamente a una delle disposizioni della Pac (Politica Agricola Comune) che prevedeva di mettere a riposo il 4% dei terreni agricoli. Ovviamente, questa decisione è in funzione produttivistica e inseribile in uno scacchiere geopolitico mondiale di straordinaria delicatezza. Il problema di questa azione di messa a coltura di terreni che dovevano restare a riposo, mette in luce una delle contraddizioni più gravi della stessa Pac. Per anni, infatti, sono stati messi a riposo, o fatti risultare tali, terreni non coltivabili. In questo modo venivano messi a coltura terreni produttivi e fatti risultare a riposo quelli non produttivi. Ora, la deroga a questa azione non può produrre grandi vantaggi, in ragione del fatto che i terreni coltivabili in deroga restano non coltivabili di fatto e dunque poco o per nulla incideranno sull’aumento di produzione del grano. Se il conflitto ucraino dovesse continuare e l’Europa mancare l’obiettivo di aumentare la propria produzione di grano per calmierare i prezzi interni e nel contempo soddisfare parte della domanda a livello mondiale, si potrebbe decidere di diminuire le proprie esportazioni per aumentare le scorte. Le conseguenze sarebbero, in questo caso, dirette su molti paesi che storicamente acquistano grano europeo. Tra questi, in particolare, il Marocco e l’Algeria. Quest’ultimo paese, ad esempio, consuma ogni anno circa 11 milioni di tonnellate di grano, di cui il 60% importato direttamente dalla Francia. A causa delle tensioni politiche che nel corso degli ultimi tre anni si sono sviluppate tra Algeria e Francia, il paese Nord-africano ha cercato altre fonti di approvvigionamento, individuandole nell’Ucraina e nella Russia. Una scelta poco oculata, peraltro effettuata abbassando gli standard di qualità del grano, inferiori rispetto a quello francese.
    L’India può fare la differenza?

    Un nuovo attore mondiale sta però facendo il suo ingresso in modo prepotente. Si tratta dell’India, un paese che da solo produce il 14% circa del grano mondiale, ossia circa 90 milioni di tonnellate di grano. Questi numeri consentono al subcontinente indiano di piazzarsi al secondo posto come produttore mondiale dopo la Cina, che ne produce invece 130 milioni. L’India del Presidente Modhi ha usato gran parte della sua produzione per il mercato interno, anch’esso particolarmente sensibile alle oscillazione dei prezzi del bene essenziale. Nel contempo, grazie a una produzione che, secondo Nuova Delhi e la Fao, è superiore alle attese, sta pensando di vendere grano a prezzi vantaggiosi sul mercato globale. Sotto questo profilo già alcuni paesi hanno mostrato interesse. Tra questi, ad esempio, Iran, Indonesia, Tunisia e Nigeria. Anche l’Egitto ha iniziato ad acquistare grano dall’India, nonostante non sia di eccellente qualità per via dell’uso intensivo di pesticidi. Il protagonismo dell’India in questa direzione, ha fatto alzare la tensione con gli Stati Uniti. I membri del Congresso statunitense, infatti, hanno più volte sollevato interrogativi e critiche rispetto alle pratiche di sostegno economico, lesive, a loro dire, della libera concorrenza internazionale, che Nuova Delhi riconosce da anni ai suoi agricoltori, tanto da aver chiesto l’avvio di una procedura di infrazione presso l’Organizzazione mondiale per il Commercio (Omc). Insomma, le tensioni determinate dal conflitto in corso si intersecano e toccano aspetti e interessi plurimi, e tutti di straordinaria rilevanza per la tenuta degli equilibri politici e sociali globali.

    https://www.leurispes.it/grano-una-guerra-globale

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  • Le système alimentaire mondial menace de s’effondrer

    Aux mains de quelques #multinationales et très liée au secteur financier, l’#industrie_agroalimentaire fonctionne en #flux_tendu. Ce qui rend la #production mondiale très vulnérable aux #chocs politiques et climatiques, met en garde l’éditorialiste britannique George Monbiot.

    Depuis quelques années, les scientifiques s’évertuent à alerter les gouvernements, qui font la sourde oreille : le #système_alimentaire_mondial ressemble de plus en plus au système financier mondial à l’approche de 2008.

    Si l’#effondrement de la finance aurait été catastrophique pour le bien-être humain, les conséquences d’un effondrement du #système_alimentaire sont inimaginables. Or les signes inquiétants se multiplient rapidement. La flambée actuelle des #prix des #aliments a tout l’air du dernier indice en date de l’#instabilité_systémique.

    Une alimentation hors de #prix

    Nombreux sont ceux qui supposent que cette crise est la conséquence de la #pandémie, associée à l’#invasion de l’Ukraine. Ces deux facteurs sont cruciaux, mais ils aggravent un problème sous-jacent. Pendant des années, la #faim dans le monde a semblé en voie de disparition. Le nombre de personnes sous-alimentées a chuté de 811 millions en 2005 à 607 millions en 2014. Mais la tendance s’est inversée à partir de 2015, et depuis [selon l’ONU] la faim progresse : elle concernait 650 millions de personnes en 2019 et elle a de nouveau touché 811 millions de personnes en 2020. L’année 2022 s’annonce pire encore.

    Préparez-vous maintenant à une nouvelle bien plus terrible : ce phénomène s’inscrit dans une période de grande #abondance. La #production_alimentaire mondiale est en hausse régulière depuis plus de cinquante ans, à un rythme nettement plus soutenu que la #croissance_démographique. En 2021, la #récolte mondiale de #blé a battu des records. Contre toute attente, plus d’humains ont souffert de #sous-alimentation à mesure que les prix alimentaires mondiaux ont commencé à baisser. En 2014, quand le nombre de #mal_nourris était à son niveau le plus bas, l’indice des #prix_alimentaires [de la FAO] était à 115 points ; il est tombé à 93 en 2015 et il est resté en deçà de 100 jusqu’en 2021.

    Cet indice n’a connu un pic que ces deux dernières années. La flambée des prix alimentaires est maintenant l’un des principaux facteurs de l’#inflation, qui a atteint 9 % au Royaume-Uni en avril 2022 [5,4 % en France pour l’indice harmonisé]. L’alimentation devient hors de prix pour beaucoup d’habitants dans les pays riches ; l’impact dans les pays pauvres est beaucoup plus grave.

    L’#interdépendance rend le système fragile

    Alors, que se passe-t-il ? À l’échelle mondiale, l’alimentation, tout comme la finance, est un système complexe qui évolue spontanément en fonction de milliards d’interactions. Les systèmes complexes ont des fonctionnements contre-intuitifs. Ils tiennent bon dans certains contextes grâce à des caractéristiques d’auto-organisation qui les stabilisent. Mais à mesure que les pressions s’accentuent, ces mêmes caractéristiques infligent des chocs qui se propagent dans tout le réseau. Au bout d’un moment, une perturbation même modeste peut faire basculer l’ensemble au-delà du point de non-retour, provoquant un effondrement brutal et irrésistible.

    Les scientifiques représentent les #systèmes_complexes sous la forme d’un maillage de noeuds et de liens. Les noeuds ressemblent à ceux des filets de pêche ; les liens sont les fils qui les connectent les uns aux autres. Dans le système alimentaire, les noeuds sont les entreprises qui vendent et achètent des céréales, des semences, des produits chimiques agricoles, mais aussi les grands exportateurs et importateurs, et les ports par lesquels les aliments transitent. Les liens sont leurs relations commerciales et institutionnelles.

    Si certains noeuds deviennent prépondérants, fonctionnent tous pareil et sont étroitement liés, alors il est probable que le système soit fragile. À l’approche de la crise de 2008, les grandes banques concevaient les mêmes stratégies et géraient le risque de la même manière, car elles courraient après les mêmes sources de profit. Elles sont devenues extrêmement interdépendantes et les gendarmes financiers comprenaient mal ces liens. Quand [la banque d’affaires] Lehman Brothers a déposé le bilan, elle a failli entraîner tout le monde dans sa chute.

    Quatre groupes contrôlent 90 % du commerce céréalier

    Voici ce qui donne des sueurs froides aux analystes du système alimentaire mondial. Ces dernières années, tout comme dans la finance au début des années 2000, les principaux noeuds du système alimentaire ont gonflé, leurs liens se sont resserrés, les stratégies commerciales ont convergé et se sont synchronisées, et les facteurs susceptibles d’empêcher un #effondrement_systémique (la #redondance, la #modularité, les #disjoncteurs, les #systèmes_auxiliaires) ont été éliminés, ce qui expose le système à des #chocs pouvant entraîner une contagion mondiale.

    Selon une estimation, quatre grands groupes seulement contrôlent 90 % du #commerce_céréalier mondial [#Archer_Daniels_Midland (#ADM), #Bunge, #Cargill et #Louis_Dreyfus]. Ces mêmes entreprises investissent dans les secteurs des #semences, des #produits_chimiques, de la #transformation, du #conditionnement, de la #distribution et de la #vente au détail. Les pays se divisent maintenant en deux catégories : les #super-importateurs et les #super-exportateurs. L’essentiel de ce #commerce_international transite par des goulets d’étranglement vulnérables, comme les détroits turcs (aujourd’hui bloqués par l’invasion russe de l’Ukraine), les canaux de Suez et de Panama, et les détroits d’Ormuz, de Bab El-Mandeb et de Malacca.

    L’une des transitions culturelles les plus rapides dans l’histoire de l’humanité est la convergence vers un #régime_alimentaire standard mondial. Au niveau local, notre alimentation s’est diversifiée mais on peut faire un constat inverse au niveau mondial. Quatre plantes seulement - le #blé, le #riz, le #maïs et le #soja - correspondent à près de 60 % des calories cultivées sur les exploitations. La production est aujourd’hui extrêmement concentrée dans quelques pays, notamment la #Russie et l’#Ukraine. Ce #régime_alimentaire_standard_mondial est cultivé par la #ferme_mondiale_standard, avec les mêmes #semences, #engrais et #machines fournis par le même petit groupe d’entreprises, l’ensemble étant vulnérable aux mêmes chocs environnementaux.

    Des bouleversements environnementaux et politiques

    L’industrie agroalimentaire est étroitement associée au #secteur_financier, ce qui la rend d’autant plus sensible aux échecs en cascade. Partout dans le monde, les #barrières_commerciales ont été levées, les #routes et #ports modernisés, ce qui a optimisé l’ensemble du réseau mondial. On pourrait croire que ce système fluide améliore la #sécurité_alimentaire, mais il a permis aux entreprises d’éliminer des coûts liés aux #entrepôts et #stocks, et de passer à une logique de flux. Dans l’ensemble, cette stratégie du flux tendu fonctionne, mais si les livraisons sont interrompues ou s’il y a un pic soudain de la demande, les rayons peuvent se vider brusquement.

    Aujourd’hui, le système alimentaire mondial doit survive non seulement à ses fragilités inhérentes, mais aussi aux bouleversements environnementaux et politiques susceptibles de s’influencer les uns les autres. Prenons un exemple récent. À la mi-avril, le gouvernement indien a laissé entendre que son pays pourrait compenser la baisse des exportations alimentaires mondiales provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine. Un mois plus tard, il interdisait les exportations de blé, car les récoltes avaient énormément souffert d’une #canicule dévastatrice.

    Nous devons de toute urgence diversifier la production alimentaire mondiale, sur le plan géographique mais aussi en matière de cultures et de #techniques_agricoles. Nous devons briser l’#emprise des #multinationales et des spéculateurs. Nous devons prévoir des plans B et produire notre #nourriture autrement. Nous devons donner de la marge à un système menacé par sa propre #efficacité.

    Si tant d’êtres humains ne mangent pas à leur faim dans une période d’abondance inédite, les conséquences de récoltes catastrophiques que pourrait entraîner l’effondrement environnemental dépassent l’entendement. C’est le système qu’il faut changer.

    https://www.courrierinternational.com/article/crise-le-systeme-alimentaire-mondial-menace-de-s-effondrer

    #alimentation #vulnérabilité #fragilité #diversification #globalisation #mondialisation #spéculation

  • Seeing the city with #Nausicaa_Pezzoni, on mapping perceptions of European cities

    1. Could you describe your project on mapping perceptions of European cities by people with migration backgrounds, and what motivated you to initiate these projects?

    The project of mapping the city through the hand drawings of migrants aims at exploring an emerging issue in the contemporary governance of a city that is increasingly inhabited by transitory populations, namely, how its new inhabitants relate to the urban landscape. I have chosen to focus on people with migration backgrounds as exemplary of this transitory living, and of a relationship with the city more characterized by assigning meaning to urban spaces rather than appropriating them.

    In anthropology and sociology, the literature on the meaning of life as related to movement and instability is extensive and by now consolidated. From Bauman’s liquid modernity to Sennett’s exile man, to Attalì’s nomadic man, some descriptions have taken on the role of mapping our era.

    In urban planning, however, movement and temporariness remain under explored. Planning tools are still oriented towards permanence. Moving populations urge urban planning to update this consolidated paradigm based on permanence. The first motivation to initiate my research sprang from this consideration.


    2. What motivated you to choose the medium of cognitive maps to open up a dialogue with research participants?

    I started from the hypothesis that rethinking the city, and any attempt to consider temporary living in urban planning, cannot be separated from the observation and experience of people who live under the condition of transiency. How migrants represent the city also provides an opportunity to listen to people who are at the same time “guests” of the new city and are architects of its transformation.
    I have chosen the medium of cognitive maps as the most adept instrument to bring to the surface the lived space of a transitory living, both in the mind of those who draw and in the resulting drawings.

    Giving the pencil to the newcomers means giving them the possibility to propose their ideas of the city through its representation, as the representation itself is expected to produce a particular vision of reality, in contrast to a scientific, objectifying vision, which sees the map as a reflection of reality. It is a reason linked to the need to introduce new tools in order to read the contemporary city, as well as to expand the audience of subjects who can express an idea about the city.

    Starting from the question asked by Kevin Lynch sixty years ago to deepen his study on “The image of the city” (Lynch, 1960), “How does a stranger build an image of a new city?”, I have proposed an empirical research using and adapting the medium of mental maps first introduced by Lynch. Indeed, the question suggested by Lynch seemed to be very current in the city nowadays and had never been answered since it was asked.


    3. Based on your research, what do European cities represent for migrants?

    European cities represent the landfall territory, the threshold to cross and a place to live in. They also represent a place to build a new idea of the city itself, and of the society that could be. In the framework of an epochal migration crisis, my research took on an ethical aspect within urban policies. Maps become, in this context, tools to try and describe European cities differently from how they have always been represented and conceived. A migratory phenomenon of unthinkable proportions until ten years ago found in Europe inhospitable land, unable not only to host the populations that press on its borders, but also to see their possible contribution in the wider horizon of ideation and planning. As such, maps represent a city knowledge device in terms of building of a new awareness of the city itself.

    A new project was conceived, “Migrants mapping Europe”, aimed at applying the method introduced in Milan to other Italian and European cities, starting with the exploration of Bologna and Rovereto. This is the second phase of research, aimed at incrementally building a European map of the present time that brings to surface the meaning and forms of the first landing and of the transitory living conditions in the territories of contemporaneity.


    4. What were your expectations at the beginning of your project? Have they changed whilst carrying out research? If so, how?

    At the beginning of the research project, I did not expect the reaction received from of almost all the participants who were asked to draw their cognitive maps. However, the initial disorientation, disbelief, incomprehension, and often the interviewee’s resistance to draw, progressively disappeared. It was replaced by the surprising acceptance of that improbable challenge, which induced 150 migrants to a creative observation of the city, fully participating in a project that had no purpose that was immediately evident.

    What I understood and changed whilst carrying out my research is the necessity to project the interviewee into the current experience within the landing city, without looking back towards their past experiences, but rather focussing on their immanent condition.

    When, at the beginning of the survey, some participants were asked to speak about their backgrounds, their migration journey, their past, before drawing the map, those migrants found it impossible to draw any map, at all. Looking at the city they currently live in was actually the only way for them to be able to draw. It has proved to be a determining factor for the actual creation of the maps, and it has further convinced me that it was much more critical to invite participants to think about their current living conditions, rather than asking them to look back to their personal history.


    5. How do you ensure inclusion and participation in your projects? And how do you create a safe space for individuals to share their connection to the city as well as their personal history?

    I try to speak about the kind of participation involved in this experiment, and about its significance from the newcomers’ point of view. Amidst widespread and growing efforts to conduct participatory research, this survey has a particular goal, that is to offer a possibility for migrants to appropriate the city by recognizing their relationship to the urban space. Through their drawings of the map, they develop their sense of belonging to the city. The representation of the urban landscape drawn by migrants who are trying to find their bearings in the city is an act of self-organization within the landscape. The action of imagining and drawing the urban geography corresponds to the act of mentally inhabiting the city and in this way taking possession and transforming it from a space of estrangement into a space which is more articulated and complex, where even a person who has recently arrived can conceptualize and live within it. This is the reason why it is important for migrants to look at the city and not to look back at their history. We can say that the exercise of mapping makes explicit the act of taking to oneself to a space which, no longer about an estranging experience, becomes a space open to unpredictable inhabiting conditions.

    There is an ethical reason for this kind of participatory process. It is the opportunity to listen to participants’ point of view with the intention of building a level of equality between the expert and the disorientated gaze: It is an attempt to overcome the prerogative of power over the other that has always divided those who belong—to a territory, to a right, to a system—from those who are excluded.


    6. Could you share three maps that convey a particularly strong visualisation of how people with migration backgrounds perceive cities of transit?

    I chose one map of Bologna, one of Rovereto and one of Milan, which are the first three Italian cities included into the project “Migrants mapping Europe”. These surveys are going to be published in the second edition of my book with the title “La città sradicata. L’idea di città attraverso lo sguardo e il segno dell’altro” [The Uprooted City] (2020, O barra O edizioni, Milano)

    7. Your projects have investigated and voiced migrants’ perceptions of several cities, how were these settings similar and different from one another?

    In all the cities so far involved, the sample of interviewees included people from all over the world and who had not yet settled in the city. Thus, they had a mobile point of view, characterized mainly by instability.

    The instruments used for each interview were a sheet of A4 paper, pens, crayons and markers, which were left on the table available to the interviewees to choose the most appropriate graphical tools to draw their map. On the back of the map, newcomers were asked to write their name, age, country of origin, the location of their hometown, and duration of stay in that city.

    The interview also included information, if participants were willing to share, on the migratory path and the current working situation, to build a more complex picture of their condition. However, as I was saying earlier, the survey did not focus on the reasons for migration, nor the living conditions in the original country; the idea was to bring the newcomer directly to his current condition, to open up a reflection on the arrival city.

    The locations of interviews were different in the various cities, depending on the context in which the research originated. While in Milan they were chosen to reflect the heterogeneity of places where newcomers have their main activities, in the other Italian cities, interviews took place where the group of participants involved lived (Bologna) or where they attended school (Rovereto). In Paris, a group of people with migration backgrounds was interviewed at the École Normale Supérieure where they were attending an integration program with local associations.


    8. Who would you say is the target audience of your work and how has your work been received so far?

    At the beginning I thought I would address my work to urban planners. In fact, I used an interdisciplinary method to investigate the city, other disciplines were interested in opening up a dialogue with my research. Serveral discussions, in Italy and abroad, found food for thought and fertile ground for cross pollination in the areas of geography, anthropology, sociology, and the sciences of representation, in addition to the field of urban planning. The workshops I developed in the different cities are the results of these cross-pollinations . Recently, I took part in a seminar of postcolonial studies and it was on this occasion that I conducted the last workshop with migrants in Paris.


    9. What are going to be the next developments of your projects?

    The next developments of “The Uprooted City” are to map new cities, with the idea of changing the point of view on Europe as a whole. My hypothesis now is to propose an idea of Europe whose identity is not predefined. It is the possibility that its representation could be transformed by the observation of migrants, and it is the idea and the wish that Europe may be able to transform itself in relation to the foreigner who is coming. It is a hope that migrants could induce each city to represent itself with another map, in a framework oriented not to speak in the name of the other, but to allow the other to lead the narrative of the city.

    http://journal.urbantranscripts.org/article/seeing-the-city-with-nausicaa-pezzoni-on-mapping-perceptio

    #urbanisme #villes #géographie_urbaine #visualisation #cartes_mentales #cartographie #migrations #instabilité #planification_urbaine #permanence #mobilité #expérience #représentations #Kevin_Lynch #Milan #cartographie_participative #appartenance #dessin #Bologna #Rovereto

    –-> la référence à l’afflux sans précédent de migrants en Europe et la « crise migratoire » semblent vraiment ne pas réussir à s’effacer, même pour les personnes avec les meilleures intentions du monde :

    In the framework of an epochal migration crisis, my research took on an ethical aspect within urban policies. Maps become, in this context, tools to try and describe European cities differently from how they have always been represented and conceived. A migratory phenomenon of unthinkable proportions until ten years ago found in Europe inhospitable land, unable not only to host the populations that press on its borders, but also to see their possible contribution in the wider horizon of ideation and planning.

    ping @reka

  • #Migration, #Agadez, #Niger : Des #migrants en moins vers l’#Europe, des problèmes en plus en #Afrique

    – Diminution de 75 % des flux migratoires vers le Nord via Agadez en 2017, contribuant plus globalement à la baisse globale des arrivées en Europe par les différents itinéraires méditerranéens. En 2018, 116 647 arrivées ont ainsi été enregistrées, soit 89 % de moins qu’en 2015, ce qui a conduit la Commission européenne à déclarer en 2019 que la crise migratoire était terminée.

    – Mais au-delà de la baisse de ces chiffres, l’approche du « tout sécuritaire » a entraîné cinq conséquences néfastes sur le terrain : érosion des moyens de subsistance pour les populations locales, déstabilisation croissante de la région, poursuite des trafics, accroissement des violations des droits humains des migrants et de l’érosion des relations entre citoyens et gouvernements.

    Via : Insitute For Security Studies (ISS) : https://issafrica.org/research/africa-report/securitisation-of-migration-in-africa-the-case-of-agadez-in-niger

    @cdb_77

  • 2e Fil de discussion sur les actions de résistance (au-delà des simples motions de contestation de la loi, qui affluent tous les jours de partout de France) à la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (#LPPR)

    Suite du 1e fil sur le même sujet : https://seenthis.net/messages/820393

    #résistance #CEPN #LPPR #réforme #ESR #enseignement_supérieur #recherche #université

    –------
    voir aussi la liste de documents sur la réforme de la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (LPPR) :
    https://seenthis.net/messages/819491

    • #Sciences-Po, modèle illusoire de l’Université de demain

      Un collectif de cet établissement s’inquiète du démantèlement de l’Etat social. Souvent cité en exemple pour défendre la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sciences-Po Paris bénéficie de financements qui n’empêchent pas la précarité de certains étudiants ou de jeunes chercheurs.

      Nous sommes, chercheu·rs·ses, personnels administratifs, technicien·ne·s, enseignant·e·s, doctorant·e·s, étudiant·e·s de Sciences-Po Paris, et nous nous opposons aux réformes de l’assurance chômage, des retraites et de la recherche portées par le gouvernement. Celles-ci accentuent la polarisation d’une société à deux vitesses et renforcent les incertitudes quant au futur de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Travailleu·rs·ses privilégié·e·s de ce secteur, nous partageons l’angoisse et la colère de nos collègues, desquel·le·s nous sommes solidaires.

      Le démantèlement de l’Etat social en cours depuis des années s’est accéléré avec la réforme de l’assurance chômage mise en œuvre le 1er novembre 2019. Celle-ci durcit les conditions d’accès au chômage en allongeant le temps travaillé requis pour l’ouverture de droits.

      Encore en débat, la réforme des retraites dessine quant à elle un horizon inquiétant tant par son contenu que par les incertitudes qu’elle soulève - calcul de la valeur du point, introduction ou non d’un âge pivot, évolution de l’âge d’équilibre. Elle augure une baisse généralisée des pensions, un allongement du temps de travail pour les personnes aux plus bas revenus, et un renforcement des inégalités existantes avant et après le départ à la retraite. Les enseignant·e·s de la maternelle à l’université, dont nous faisons partie, risquent notamment d’importantes baisses de leur pension (plus d’un tiers pour un·e professeur·e certifié·e).

      Au-delà de la destruction des mécanismes de solidarité et de la protection sociale, c’est également l’ambition de notre société à se penser et à former les générations futures qui est remise en cause. Nous partageons, avec les membres de l’ESR, le constat d’une université dégradée et d’un potentiel décrochage de la recherche française, mise à mal par plusieurs années de sous-financement et de réformes néolibérales au nom de l’internationalisation et de l’excellence. Au lieu de créations massives de postes de titulaires, les rapports préparatoires à la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) prévoient la généralisation de contrats non statutaires qui retarderont inévitablement l’accès à un emploi stable pour les jeunes chercheu·rs·ses. Comment garantir la qualité de la recherche lorsque l’on dégrade les conditions de travail de celles et ceux qui la portent ?

      En outre, les rapports prévoient d’accentuer la place de l’évaluation dans le financement des institutions de recherche et l’évolution des carrières en faisant fi du jugement scientifique porté par les pairs. Ces évaluations bureaucratisées interfèrent avec le temps long nécessaire à la recherche et avec les impératifs de qualité et de probité de nos professions, en réduisant la recherche à une « performance » quantifiée à court terme. De telles mesures vont accentuer les logiques de compétition entre universités, laboratoires et travailleu·rs·ses de l’ESR, ainsi que la concentration des moyens dans quelques établissements privilégiés. Les orientations de la LPPR ne sont donc pas seulement inquiétantes pour les conditions de travail dans l’enseignement supérieur, mais pour l’existence même d’une recherche libre et critique. Celle-ci dépend de la coopération et de l’échange, de financements stables et pérennes, et d’une véritable indépendance scientifique. Les étudiant·s·es en seront parmi les premières victimes, en raison de la dévalorisation des tâches d’enseignement et de la faiblesse persistante des moyens qui leur sont consacrés.

      Aujourd’hui, notre établissement est cité en exemple par les chantres de la performance, de l’excellence et de la compétitivité. Vanter ce modèle, c’est oublier que l’« excellence » de Sciences-Po repose sur une concentration exceptionnelle de moyens, privés comme publics. Or, ces largesses de financement ne sont en aucun cas promises à l’ensemble de l’ESR dans les projets de réforme actuels. Du reste, en dépit d’un environnement privilégié, tou·s·tes les membres de notre institution ne bénéficient pas de conditions de travail pérennes et sereines. Certain·e·s étudiant·e·s et doctorant·e·s affrontent une grande précarité au quotidien, tandis que nos jeunes chercheu·rs·ses font l’expérience du parcours sinueux de la fin et de l’après-thèse - longues périodes de chômage, enchaînement de post-doc, vacations rémunérées en différé… Parmi nos enseignant·e·s, les professeur·e·s de langues vivantes et les jeunes docteur·e·s sans postes, vacataires en contrats courts, sont à la merci du non-renouvellement de leur engagement et connaissent une grande incertitude professionnelle. C’est également par solidarité avec ces membres de notre communauté académique que nous dénonçons les projets de réforme en cours, qui les affectent durement.

      Nous appelons donc à un retrait des réformes de l’assurance chômage et des retraites. Nous demandons un plan de création massif de postes permanents dans l’ESR, une revalorisation des salaires et des carrières, une amélioration des contrats doctoraux, et un investissement à la hauteur des engagements de la France en matière de recherche (3 % du PIB). Nous exigeons à ce titre la réorientation des sommes affectées au crédit d’impôt recherche (CIR), dispositif non évalué à l’efficacité plus que douteuse, vers la recherche scientifique. Des conditions de travail dignes dans l’ESR sont indispensables à l’existence d’une université accessible à tou·s·tes. La recherche fondamentale doit être libre et indépendante pour servir une société plus juste et capable de faire face aux enjeux contemporains.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/02/24/sciences-po-modele-illusoire-de-l-universite-de-demain_1779461
      #sciences_po

    • Lettre des doctorant•e•s et jeunes docteur•e•s des #ENSA

      Monsieur Franck Riester, Ministre de la Culture

      Madame Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation

      Monsieur Philippe Barbat, Directeur Général du Patrimoine

      Madame Aurélie Cousi, la Directrice de l’Architecture

      La communauté des doctorant·e·s et docteur•e•s des Écoles Nationales Supérieures d’#Architecture et de Paysage (ENSA) souhaite exprimer ses inquiétudes à propos d’un ensemble d’évolutions majeures que subissent nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche depuis près de deux ans, et qui affecte fortement le parcours doctoral dispensé dans l’ensemble des ENSA de France.

      Depuis 2018, l’application du décret relatif aux ENSA1 a eu pour conséquence une augmentation de la #charge_de_travail des équipes (enseignant·e·s, chercheur·e·s, administratif·s) alors même qu’elles ont subi une baisse de #moyens significative. Ces changements se traduisent par de trop faibles efforts en termes de déprécarisation / conservation / création de postes et par une baisse des capacités d’encadrement dénoncées par les enseignant·e·s chercheur·e·s et les étudiant·e·s. Plus globalement, nous pointons avec l’ensemble des acteurs des ENSA une faiblesse structurelle historique de nos établissements d’enseignement supérieur ainsi, qu’un épuisement extrêmement problématique des équipes, comme l’a signalé dernièrement le collège des président·e·s des Conseils d’Administration des ENSA2. Cela menace également la communauté des doctorant·e·s actuelle et future des ENSA, ainsi que le parcours des docteur·e·s formé·e·s dans ces établissements. Sans exhaustivité, nous observons déjà les premières conséquences :

      Manque cruel de moyens au regard du fonctionnement des ENSA3 ;
      Dégradation et #précarisation des conditions de recherche et d’enseignement4 ;
      Nouvelles procédures de recrutement aux conditions floues, inégales et tardives5.

      Par ailleurs, une crainte grandissante existe quant aux perspectives dessinées dans les rapports préparatoires de la future Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), dont l’impact sur les ENSA a été confirmé au cours de la réunion du 4 février avec les présidents des instances des ENSA au Ministère de la Culture. Si nous partageons les nombreux constats évoqués sur le cycle doctorat dans ces rapports6, nous restons vigilants sur les solutions qui seront apportées au doctorat au sein des ENSA. Nous tenons à rappeler la nécessité :

      D’#investissements humains, matériels et financiers nécessaires à un enseignement et une recherche de qualité ;
      De respecter et soutenir l’#indépendance et les spécificités des productions scientifiques et pédagogiques ;
      De permettre un #service_public équitable, transparent et inventif pour l’ensemble de la communauté de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

      Pour aller plus loin, nous constatons que les différences de considérations des #statuts, notamment pour ceux les plus précaires, entraînent une #compétition inégalitaire et délétère, alors même que le monde de l’Enseignement Supérieure et la Recherche (#ESR) réclame toujours plus de #transdisciplinarité et devrait pour cela favoriser l’#échange et la #coopération 7. Cette #précarité, qui découle directement des #différences_de_traitement entre les acteurs de l’ESR, a des conséquences dramatiques et insidieuses pour les équipes des ENSA : elle ruine la confiance de ceux qui sont les plus dépendants (finances, évolution de carrière, etc.). À plus long terme, elle provoque une #crise_des_vocations qui est en complète contradiction avec les ambitions de la dernière réforme des ENSA en termes de #recrutement et de #recherche.

      Le cycle doctorat dans les ENSA, et plus particulièrement le doctorat en Architecture depuis sa création en 2005, n’a jamais réuni les conditions pour se dérouler dans de bonnes conditions. L’approche néolibérale et technocratique des politiques actuelles menées par notre double tutelle du Ministère de la Culture (MC) et du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), notamment au travers des textes sus-cités, n’a de cesse de dessiner un avenir déplorable pour la bonne formation “à et par la recherche”8. Dans l’absence d’une vision prospective pour notre communauté, les doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s des ENSA se joignent aux demandes portées collectivement par les étudiant·e·s, enseignant·e·s-chercheur·e·s, administratifs et professionnel·le·s des métiers de l’architecture9, de l’urbain et du paysage, mais aussi plus largement de l’enseignement et de la recherche10, et tiennent à ce que les revendications suivantes soient également entendues par nos ministères de tutelle :

      Sur la reconnaissance du #doctorat

      Reconnaître la #thèse comme une expérience professionnelle à part entière, et traiter les doctorants en conséquence malgré un statut administratif d’étudiant en 3e cycle11 (particulièrement lors du processus de qualification aux fonctions de maître·sse de conférences ou de professeur·e du CNECEA) ;
      Ne pas tolérer que les doctorant·e·s tout comme l’ensemble des enseignant·e·s contractuel·le·s des ENSA n’effectuent des heures d’enseignement ou de recherche sans contrat dûment signé et sans une officialisation administrative via le portail Taïga des heures valant expérience professionnelle auprès du ministère. Le travail réalisé en parallèle de la thèse doit correspondre à un contrat signé et à un salaire perçu, et la promesse d’expérience peu reconnue n’est pas une gratification suffisante pour se mettre en difficulté sur sa thèse.

      Sur l’accès au 3ème cycle

      Développer la formation à et par la recherche en amont du doctorat12 dans les ENSA, en accordant les moyens nécessaires à sa mise en œuvre (niveau Master et/ou expérience professionnelle) ;
      Résorber radicalement les situations de #thèses_non_financées. Une recherche de qualité en architecture ne peut en aucun cas émerger de situations de précarité de ses jeunes chercheur·e·s. Très communes dans certaines ENSA, elles génèrent inévitablement une grande #instabilité_financière pendant la thèse, des #parcours_morcelés, non reconnus par le Ministère de la Culture, et des #discriminations d’accès à l’emploi après la thèse13 ;
      Augmenter le nombre de contrats doctoraux du Ministère de la Culture qui à l’heure actuelle ne permet ni d’atteindre les objectifs de recrutement de maître·sse·s de conférences des ENSA14, ni de valoriser la recherche en architecture, urbanisme et paysage au sein de nos établissements et ainsi permettre l’émergence d’une recherche académique de qualité qui soit au niveau des autres disciplines universitaires.
      Expliciter le processus et les critères de sélection des contrats doctoraux du Ministère de la Culture, qui sont aujourd’hui opaques, et dont les comités de sélection ne comprennent aucun chercheur capable d’évaluer la qualité scientifique des dossiers ;
      Officialiser les résultats des contrats doctoraux avant la rentrée universitaire pour respecter le calendrier d’inscription, le rythme universitaire et ne pas générer de situations de doctorant·e·s inscrit·e·s mais non financé·e·s.

      Sur le déroulement du parcours doctoral

      Exonérer tout·e·s les doctorant·e·s des frais d’inscription universitaires qui leur sont demandés alors qu’ils sont travailleur·e·s des établissements d’enseignement et de recherche, particulièrement précarisant au-delà de la période de financement15 ;
      Reconnaître l’ensemble des engagements assumé au cours de la période de doctorat : représentation dans les instances, enseignement, participation à des recherches, publications, etc. ;
      Prévenir les dérives du contrat #CIFRE pour les doctorant·e·s (et du #Crédit_Impôt_Recherche (#CIR) pour les docteur·e·s) : plébiscités par le ministère de la culture pour “développer les relations de recherche entre écoles, universités et agences d’architecture”16, les qualités du doctorat doivent être reconnues pour la recherche, le développement et l’innovation des entreprises tout en garantissant les conditions d’une thèse et d’une expérience professionnelle de recherche de qualité.
      Donner les moyens aux ENSA de proposer des #formations_doctorales notamment au sein des Écoles Doctorales17 afin de favoriser le rayonnement de leurs recherches et pédagogies ;

      Sur les conditions d’#employabilité doctorale et post-doctorale

      Respecter les engagements de création et de déprécarisation associés à la réforme des ENSA afin de garantir la réussite de sa mise en oeuvre ;
      Reconnaître toute heure travaillée en recherche comme en enseignement, et dans tout établissement d’enseignement supérieur pour les campagnes nationales de qualification ;
      Mise en place de contrats d’Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche (#ATER) à mi-temps afin d’accompagner si nécessaire les doctorant·e·s avec un salaire suffisant et une expérience significative au-delà des financements de 3 ans ;
      Développer les contrats post-doctoraux dans et/ou en collaboration avec les différents laboratoires des ENSA ;
      Prioriser des postes de maître de conférences associé·e à temps plein pour les profils académiques afin de leur donner la possibilité d’un début de carrière dans des conditions décentes après l’obtention du doctorat.
      Valoriser les postes de maître de conférences associé·e à mi-temps afin de reconnaître les profils hybrides indispensables aux ENSA mêlant enseignement, recherche et/ou pratique. Nous remettons en cause sur ce point la nécessité d’une activité principale pour accéder à ces contrats, quasi inatteignable pour les jeunes docteur·e·s et praticien·ne·s, d’autant que ce critère administratif est obsolète et déconnecté des compétences pédagogiques et scientifique ;
      Mettre en oeuvre une politique d’#insertion_professionnelle suivie et ambitieuse pour accompagner les jeunes docteur·e·s vers la diversité d’emplois capables d’opérer à une diffusion de la recherche des ENSA vers la société (exercice de la maîtrise d’oeuvre, enseignement et recherche en ENSA et en université, chargé de recherche CNRS, politiques publiques, organisations territoriales, etc.) ;

      La communauté des doctorant•e•s et docteur·e·s des ENSA restera évidemment attentive quant à l’issue que vous donnerez à ces revendications. Par ailleurs nous resterons mobilisés avec l’ensemble des acteurs des ENSA tant que des solutions acceptables et pérennes ne seront pas apportées à la précarisation de nos établissements.

      Monsieur le Ministre de la Culture, Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation, Monsieur le Directeur Général du Patrimoine, Madame la Directrice de l’Architecture, veuillez croire à notre engagement pour un service public d’enseignement supérieur et de recherche ouverts, créatif et respectueux de l’avenir de l’architecture, de l’urbain et du paysage.

      Les doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s des ENSA

      https://framaforms.org/lettre-des-doctorantes-et-jeunes-docteures-des-ensa-1581606512

    • #Jean-Marc_Jancovici... Si vous étiez le ministre de la recherche... quels seraient les meilleurs investissements pour sortir de cette galère ?"

      « Je pense que quand vous êtes en économie de guerre ou en logique trash-programme, vous supprimez toutes les forces de frottement qui font que les gens passent leur temps à faire de la paperasse plutôt qu’à utiliser leur cervelle. Dans le domaine de la recherche je supprime l’ANR, je supprime les appels à projets... Je prends des gens intelligents, motivés, je leur fait un chèque en blanc et je les laisse chercher avec des éléments de cadrage en nombre limité. Quand vous regardez la recherche qui a eu lieu pendant la dernière guerre mondiale, il y avait un cahier des charges très simple : trouvez-moi tout ce qui permet à notre armée d’être supérieure à celle d’en face. Vous emmerdez pas les gens à leur demander de remplir des dossiers en 45 exemplaires et à justifier à l’avance ce qu’ils vont trouver et vous leur bottez le cul pour qu’ils aillent le plus vite possible. C’est cela qu’il faut faire »

      https://www.youtube.com/watch?v=8uRuO_91fYA&feature=youtu.be&t=10250

    • Strasbourg : “nous sommes l’université et pas une entreprise”, une tribune interpelle #Michel_Deneken

      Une tribune de 100 universitaires publiée le 21 février chez Médiapart interpelle Michel #Deneken, le président de l’université de #Strasbourg (Bas-Rhin). Ces universitaires dénoncent « la destruction méthodiques de leur service public ».

      L’#Unistra, l’université de Strasbourg, est-elle une entreprise ? Les 100 universitaires à l’origine d’une pétition publiée chez Médiapart le vendredi 21 février 2020 ont leur avis sur la question. Et il est tranché : "Nous ne sommes pas une entreprise, nous ne sommes pas des « opérateurs » et vous n’êtes pas notre patron. Depuis de trop longues années, nous devons subir la lente déformation de notre idéal..."

      La centaine de signataires rappelle certaines valeurs qui fondent leur mission : « égalité dans l’accès au savoir, collégialité et liberté académique, recherche collective de la vérité, imagination scientifique ». Et dénonce « l’entravement de leur activité, la réduction du nombre de personnels permanents, et les financements aléatoires ».

      Une « #métaphore »

      Ce cri du coeur fait suite à une interview de Michel Deneken, le président de l’université de Strasbourg (Bas-Rhin), publiée dans les Dernières nouvelles d’Alsace (DNA, accès soumis à abonnement) le jeudi 13 février 2020. Il y déclarait : « Nous sommes une entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de clients. » C’est cette phrase qui a suscité la polémique. In extenso, Michel Deneken ajoutait : « Nous n’avons pas le droit d’augmenter le nombre de m², pas de création d’emplois depuis plusieurs années. Nous avons plus d’étudiants et moins de professeurs. ». Il concluait : « Nous sommes victimes de notre attractivité. »

      Interrogé par France 3 Alsace (voir l’interview intégrale dans la vidéo ci-dessous), Michel Deneken se dit « pris à parti » et explique notamment : « On m’a demandé comment nous gérions le fait que nous soyions passés de 43.000 à 55.000 étudiants en 10 ans, sans moyens supplémentaires. Et j’ai dit, c’est une métaphore, que nous sommes comme une entreprise qui ne se réjouit pas d’avoir plus de clients. Évidemment, si on sort une métaphore de son contexte, on peut en faire dire ce qu’on veut... »

      « Je ne suis pas dupe : il y a derrière cette tribune des attaques très lourdes. Ce qui est admis dans la lutte politique ne l’est pas humainement. Ce texte prétend que je trahis et que je déshonore l’université et ses valeurs. Ce qui est une calomnie. »

      La réponse des signataires

      L’initiateur de la tribune, Jean-Philippe Heurtin, est enseignant à l’institut d’études politiques de Strasbourg. Il a commenté la réponse du président de l’université le mardi 25 février : « Nous maintenons la réponse qui lui a été adressée en tant que président de l’université, et pas en tant qu’individu. Nous réfutons cette métaphore, cette analogie avec l’entreprise. Le financement de l’université est actuellement dramatique, la loi programmatique va dans le mauvais sens. »

      « Le fait que le président n’a pas cité une seule fois la notion de service public dans sa réponse est révélateur. Évidemment, poursuit-il, l’économie peut bénéficier de l’université, mais à long terme. L’université enseigne à tous : elle est au service direct de la société, et non de l’économie. » Un discours que l’on retrouve dans une réponse collective des signataires à Michel Deneken (voir document ci-dessous). Elle dénonce des courriers individuels de menaces que ce dernier aurait envoyé à plusieurs des personnels signataires de la tribune.

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/video-strasbourg-nous-sommes-universite-pas-entreprise-

      –-> article qui fait suite à cela :
      https://seenthis.net/messages/820393#message825801

    • Recherche : « Notre politique de recherche serait-elle faite par et pour 1 % des scientifiques ? »

      Plus de 700 directrices et directeurs de #laboratoires de recherche contestent, dans une tribune au « Monde », les critères qui président à l’élaboration de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ils préconisent de « renforcer les collectifs » plutôt que de promouvoir « une infime élite œuvrant au profit d’une infime partie des savoirs ».

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/recherche-notre-politique-de-recherche-serait-elle-faite-par-et-pour-1-des-s
      #laboratoires_de_recherche

      Le texte complet :
      https://academia.hypotheses.org/15250#more-15250

    • Une loi ne fait pas loi

      Le 18 février, une lettre ouverte (https://www.change.org/p/emmanuel-macron-les-scientifiques-r%C3%A9affirment-l-absolue-n%C3%A9cessit%C disant notamment que « nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR) a été adressée à E. Macron par un panel de scientifiques. Et quel panel ! De très grand.e.s chercheur.se.s reconnu.e.s par leur pairs, médaillé.e.s Nobel et d’or du CNRS, membres de l’académie des sciences, ou des président.e.s actuel.le.s ou passé.e.s du CNRS et de nombreuses universités, c’est semble-t-il, l’élite de la recherche française qui signe cette tribune sous le terme de « la communauté scientifique ».

      Alors vous ne comprenez plus, que vous soyez personnel de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (#ESR), étudiant, ou citoyen intéressé par ces questions et qui suivez ce feuilleton LPPR. Voilà des semaines que s’enchainent tribunes, pétitions et autres textes protestant contre cette loi, que les actions se multiplient et s’intensifient partout dans le pays et vous découvrez que la « communauté scientifique », par la voix de ses plus illustres représentants, semble réclamer cette fameuse loi tant décriée. Quelle contradiction, qui semble faire des opposants à cette loi des Cassandres minoritaires porteurs de procès d’intention infondés et refusant de voir un avenir qui ne pourra qu’être radieux grâce à cette loi.

      Il n’y a, bien sûr, aucune contradiction si l’on prend le temps de bien lire cette lettre (et aussi de bien savoir qui la signe) et de bien comprendre les arguments de la protestation. La lettre ouverte ne comporte en fait qu’un seul point : « une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, définie par rapport aux défis qui nous font face, et correspondant à nos attentes et nos besoins », avec en clair sous-entendu, la question centrale des #moyens, clairement exposée dans le premier paragraphe : « Pour la seule partie publique, cela représente une augmentation de plus de six milliards d’euros », en référence à l’intention déclarée par E. Macron, le 26 novembre dernier, de porter la dépense intérieure de recherche et développement à 3% de notre PIB. Nous reviendrons plus loin sur ce point essentiel des moyens. Pour le reste, qui pourrait ne pas vouloir d’une loi correspondant à nos attentes et nos besoins ? Certainement pas les personnels actuellement engagés dans les mouvements de contestation qui, justement, craignent que ce ne soit pas le cas, et pour partie, ont déjà des arguments pour le savoir. Ces éléments, déjà évoqués, sont de trois types :

      – Des déclarations officielles de Mme Vidal sur les CDI ou les chaires de professeur junior qui dessinent clairement la trajectoire d’une accentuation de la remise en cause du statut de fonctionnaire des personnels de l’ESR et de l’accroissement de la précarisation et des inégalités
      - Des propos d’E. Macron ou A. Petit, qui ne sont certes pas des extraits de la LPPR mais légitiment a minima une inquiétude considérable
      – La politique générale de ce gouvernement vis-à-vis des services publics et qui, sans qu’il s’agisse d’un procès d’intention, permet d’avoir les plus grands doutes sur l’hypothèse que dans le champ de la recherche, il pratiquerait une politique aux antipodes de celle qu’il mène par ailleurs, ou même, de celle qu’il a menée pour la recherche depuis une trentaine de mois.

      Il y a donc de fort bonnes raisons pour envisager qu’une partie au moins de la loi ne correspondra pas aux attentes et aux besoins de tout un pan des personnels de l’ESR.

      Mais est-ce si grave puisque cette loi va permettre, enfin !, d’accorder à l’ESR les moyens qu’elle attend en vain ? Or il n’en est rien. #Henri_Sterdyniak, économiste à l’observatoire français des conjonctures économiques et membre des économistes atterrés, a eu la gentillesse de m’éclairer à ce sujet et je l’en remercie vivement. Comme je ne saurais faire mieux que ses propos limpides, je me permets, avec son accord, de présenter sa réponse :

      "Le principe de l’#annualité_budgétaire implique que le Parlement vote chaque année toutes les recettes et toutes les dépenses. Le Parlement ne peut donc voter de dispositif qui obligerait le gouvernement à respecter telle ou telle norme de dépenses ou de recettes. Et le Conseil d’Etat comme le Conseil Constitutionnel y veillent. Ainsi, le Conseil d’Etat refuse la disposition de la loi de réforme des retraites qui obligerait l’Etat à augmenter les salaires des enseignants. Ainsi le Conseil Constitutionnel a censuré un dispositif voté en Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2018 qui désindexait les retraites pour 2020.

      Le gouvernement peut faire voter des lois de programmation, qui selon l’article 34 de la Constitution « déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État ». Celles-ci marquent un #engagement_politique, mais n’ont aucune valeur juridique."

      Donc, en résumé, en matière de #budget, une loi ne fait pas loi. Quand Mme Vidal dit au séminaire d’accompagnement des nouveaux directeurs et directrices d’unité : « Cette loi n’est pas une loi de programmation thématique ou une loi de structures. C’est une loi de #programmation_budgétaire, avec une trajectoire financière spécifiquement dédiée à l’investissement dans la recherche », elle omet de préciser que pour autant cette loi ne peut en rien contraindre les prochains budgets que l’Etat consacrera à l’ESR. Pour les mêmes raisons, elle ne peut malheureusement donner aucune garantie à ses engagements de dédier 26 et 92 millions d’euros pour respectivement les revalorisations des chercheurs recrutés en 2021 et celles de l’ensemble des personnels de l’ESR (voir aussi ici à ce sujet). Ceux qui attendent toujours de voir arriver dans les caisses de leur université les engagements financiers qui étaient contenus dans la LRU comprennent sans doute pourquoi ils ne les ont jamais vu arriver. Et tous ceux qui espèrent en la LPPR en croyant qu’elle va permettre d’accroitre le budget de l’ESR se trompent gravement. Il risque de se passer avec la LPPR ce qui s’est passé avec la LRU. Tous les points négatifs pointés par une large communauté de l’ESR seront menés à bien d’une façon ou d’une autre alors que l’augmentation significative du budget alloué à la #recherche_publique, sera quant à elle soumise chaque année au vote du budget, comme il est normal, constitutionnel, de le faire. Et le budget alloué à la recherche, nous savons ce qu’il a été depuis que ce gouvernement est au pouvoir.

      Alors oui, comme le disent les auteurs auto-qualifiés de « communauté scientifique », « nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, définie par rapport aux défis qui nous font face, et correspondant à nos attentes et nos besoins ». Or, les attentes et les besoins de la communauté scientifique sont connus. Comme le rappelle O. Coutard, le président de la CPCN (Conférence des Présidents du Comité National), ils correspondent aux recommandations approuvées lors de la session extraordinaire du Comité national le 4 juillet 2019, et rappelées par une tribune publiée dans le Monde demandant la mise en œuvre de ces propositions. Le #CoNRS, c’est environ 1100 personnels de l’ESR représentant toutes les disciplines scientifiques, tous les établissements de recherche et universités, toutes les opinions politiques ou syndicales. Il est parfois appelé le « parlement de la recherche ». Les propositions qu’il a faites correspondent donc véritablement aux attentes et aux besoins de la #communauté_scientifique, comme en atteste leur très forte cohérence avec les propositions faites par les sociétés savantes, elles-aussi très représentatives de l’immense variété de la communauté scientifique . La pétition de soutien à la LPPR lancée le 18 février n’a rassemblé que 200 signatures en quatre jours. Celle qui s’était insurgée contre les propos d’A. Petit sur une loi « inégalitaire et darwinienne » en avait recueilli 8000 en deux jours, pour finir à environ 15000 signatures. La tribune rappelant les recommandations du CoNRS a été soutenue par plus de 700 directrices et directeurs d’unités. Elle est véritablement là, la communauté scientifique, et ses attentes ont été clairement exprimées par le CoNRS. C’est donc sur cette base que la LPPR doit être construite. Plus elle sera éloignée de ces recommandations, plus la contestation sera forte, sans commune mesure avec ce qu’elle est déjà aujourd’hui.

      https://blogs.mediapart.fr/marchalfrancois/blog/250220/une-loi-ne-fait-pas-loi

    • « Lettre ouverte à mes enseignant.e.s de l’Université Rennes 2 »

      Mona, étudiante à Rennes 2, appelle dans cette lettre ses enseignant.e.s à se mobiliser en vue de la grève reconductible du 5 mars : "parce que vous m’avez tant apporté et que nous nous sommes tant aimés, je n’ose croire que vous resterez figé.e.s dans ces comportements crépusculaires à défendre une identité et des préséances professionnelles qui ne correspondent à aucune des nécessités portées par les luttes actuelles."

      Mon nom est Mona. J’ai 22 ans. Je suis étudiante. Avant de venir faire mes études à Rennes, j’étais scolarisée en Centre-Bretagne, en milieu rural, War Ar Maez. Mon père est ouvrier. Il travaille comme cariste dans l’industrie agroalimentaire. Après plus de vingt ans dans le même groupe, il gagne, à quelques euros près, 1700 euros brut par mois, auxquels s’ajoute une prime de Noël. La « prime des dindes » comme il dit. Une farce. Quelques centaines d’euros dont ma mère se sert pour acheter nos cadeaux et nous organiser un repas de fête qu’elle tient chaque année à arroser de mauvais champagne : « Nous aussi on y a droit ! ». Ma mère, elle, est employée. Employée de maison pour être précise. Une manière bien aimable pour dire qu’elle fait partie de ce salariat subalternisé, essentiellement féminin, qui travaille à temps partiel au service de personnes âgées ou de riches familles, pour pas grand-chose. Une grande partie de son salaire passe d’ailleurs dans les frais d’essence de ses trajets professionnels. Chez nous, les fins de mois sont difficiles, cela va de soi. D’autant que mes deux frères aînés sont au chômage et restent à la charge de mes parents. Maël sort d’un BTS et n’a le droit à aucune indemnité. Gurvan, un CAP de boulanger en poche, ne travaille qu’en intérim... quand il travaille. Il a vu ses allocations chômage fondrent comme neige au soleil ces derniers temps. Moi, je suis boursière, je vis en cité U à Villejean. Mais j’ai aussi des petits boulots à côté : du baby sitting, des inventaires ; caissière ou vendeuse, c’est selon. Nous sommes une famille de #Gilets_jaunes. Mes frères ont longtemps squatté les ronds-points avant de se faire déloger et sont de toutes les manifs. Ce week-end, c’était l’acte 66. Ils sont montés à Rennes pour dire qu’« ils étaient là », pour gueuler leur colère de n’être rien et se prendre au passage quelques mauvais coups de matraque. Forcément, se faire taper dessus, ça agace et ils ne se sont pas laissés faire. Je suis fière d’eux, de leur détermination à rester debout et à se battre. Ne pas se laisser faire, ne pas se laisser aller à la résignation, ne pas se laisser détruire, reprendre ne serait-ce qu’un peu la main sur son existence. Comme de plus en plus d’individus, mes frères sont déterminés à ne plus se laisser prendre au jeu de la cadence et de l’ordre. C’était chouette cette manif. Des femmes et des hommes qui se battent pour leur #dignité, pour ne pas s’abîmer davantage, pour ne pas crever.
      En fin de manifestation, avant de repartir, ils m’ont payé une bière en terrasse. Il faisait froid, mais nous étions bien. Je les trouvais beaux tous les deux. Beaux comme la lutte. J’aurais aimé vous les présenter mais vous n’étiez pas là. Quelques heures avant, quand nous avons réussi à « prendre le centre ville », je vous ai pourtant aperçu. Vous flâniez après un retour du marché des Lices, vous vous baladiez en famille, à vélo, vous sortiez d’une librairie avec quelques bouquins en poche, vous rentriez dans un cinéma. La vie peut être douce. J’ai envie d’y croire. Cette #douceur est néanmoins réservée à quelques-un.e.s. Ni mes parents, ni mes frères, ni moi n’y avons franchement droit. Dans quelques mois, je décrocherai un bac+5. Ma mère ouvrira une de ces mauvaises bouteilles de champagne. Pourtant, j’irai certainement grossir les rangs des dominé.e.s aux études longues (j’ai lu ça dans un livre passionnant d’Olivier Schwartz). L’inflation-dévaluation des #titres_scolaires me fera rejoindre #Pôle_emploi, ou bien je trouverai un #job_sous-payé pour sur-qualifié.e, à moins que ça ne soit juste un énième #stage croupion. Alors peut-être devrais-je plutôt continuer à étudier ; faire une thèse. Ma directrice de mémoire me l’a proposé à demi-mots, mais seulement si j’ai un financement. On ne prête qu’aux riches répète souvent mon père.

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) contre laquelle vous devriez être logiquement tou.te.s vent debout ne m’y invite pas. Pourquoi me lancer dans un doctorat ? Pour gonfler les rangs du précariat de l’ESR ? Pour assurer vos TD, corriger des tombereaux de copies et faire la petite main sur vos projets de recherche, sous pression – surtout ne pas décevoir –, en étant payée moins que le SMIC horaire, plusieurs mois après avoir effectué avec zèle ces missions ? Et puis ça ne sera évidemment pas suffisant pour assurer ma survie matérielle. Alors il faudra que je continue un « #travail_à_côté ». Condamnée à prendre le premier #bullshit_job ? Surveillante de musée me permettrait de pouvoir lire pendant le temps de travail, ou bien me lancer dans le #travail_du_sexe, nettement plus rémunérateur. Mais quel temps me resterait-il pour mes propres recherches ? À la #précarité s’ajouterait sans doute le #surmenage, voire le #mépris_de_soi. On y passe tou.te.s paraît-il. Et en admettant que je m’en sorte, ce serait quoi la suite ? L’Université à la sauce LPPR ne donne pas très envie : précarisation accrue, mise en #concurrence généralisée, course à l’#excellence, #marchandisation_des_savoirs, recul des solidarités, #bureaucratisation mortifère. Devenir une sorte d’intello camériste allant de #tenure_tracks en CDI-chantiers pour espérer peut-être, à près de 40 ans et après avoir porté nombre de vos valises, devenir #titulaire d’une institution à la main du #néolibéralisme ? C’est ça la promesse ? Et puis c’est sans compter la réforme des retraites : bouffer de l’amphi jusqu’à 67, 68, 69 ans... pour finir épuisée et être finalement pensionnée au lance-pierre ? Ça existe la #pénibilité pour #port_de_charge_cognitive_lourde ?

      Si parmi les 37 % d’enseignant.e.s-chercheur.e.s qui ont voté Macron dès le premier tour, il en est sans aucun doute qui se repaissent de la sélection, de l’augmentation des #frais_d’inscription et de ce que cela permettra de politiques discrétionnaires dont ils.elles s’imaginent tirer idiotement quelque bénéfice, je sais aussi, pour vous avoir fréquentés, que la plupart d’entre vous voyez dans le #macronisme pas autre chose que ce qu’il est : une #saloperie qui signe la fin de la #citoyenneté_sociale, de l’#État_redistributeur et de tous les #services_publics (ESR, santé, justice, énergie, etc.). Je me doute que vous n’êtes pas d’accord pour que la pension des femmes soit inférieure à celles des hommes, que vous êtes contre la prolifération des #emplois_précaires, contre la #compétition_généralisée, les logiques d’#exclusion et les #discriminations. Vous pensez que l’Université doit être ouverte à tou.te.s, fondée sur la #coopération, qu’elle doit produire des #connaissances_critiques et transmettre des #savoirs_émancipateurs. Alors pourquoi êtes-vous si peu solidaires du #mouvement_social ? Pourquoi restez-vous si timoré.e.s à vous engager pleinement dans cette #grève dont nous avons tant besoin ? Ma colère est grande de vous voir englué.e.s dans des #réflexes_corporatistes, dans le #narcissisme de vos petites différences, dans vos postures d’intellos embourgeoisé.e.s défendant votre tout petit #pouvoir_symbolique (faire cours, nous dispenser vos lumières, nous évaluer). Comment pouvez-vous imaginer qu’un engagement de gréviste puisse ne pas être au moins aussi formateur que vos enseignements ? Dans la grève, on apprend à travailler collectivement, à #argumenter, #débattre, à élaborer du #commun_politique. Autant de choses auxquelles vous avez, en temps normal – reconnaissez-le –, bien du mal à nous éduquer. J’en rage de vous voir accroché.e.s à vos si insignifiantes prérogatives, alors que nous nous trouvons à un #tournant_historique. Notre #avenir, celui de vos enfants et petits-enfants, mais aussi le vôtre, celui de mes parents et de mes frères se joue maintenant. Il nous faut mener la #lutte aux côtés des autres secteurs mobilisés pour qu’ensemble nous obligions le gouvernement à retirer l’ensemble de ses #contre-réformes. Nous n’avons pas le #choix. Contre la #marchandisation de nos existences, contre les #violences_policières et la fascisation rampante de la société, contre les #inégalités et les #injustices_sociales, contre une université à la main du néolibéralisme nous avons le devoir de faire gronder encore plus fort notre colère. Vous avez le devoir d’y prendre votre part. Le #5_mars prochain débutera une autre phase du mouvement universitaire, à l’appel de la Coordination des facs et des labos en lutte : une #grève_sectorielle_illimitée qui pourrait bien prendre des allures de grève majoritaire et générale. Parce que vous m’avez tant apportée et que nous nous sommes tant aimés – comme titre le film –, je n’ose croire que vous resterez figé.e.s dans ces #comportements_crépusculaires à défendre une identité et des #préséances_professionnelles qui ne correspondent à aucune des #nécessités portées par les luttes actuelles. Le monde universitaire est en #crise. Non parce qu’il va mal (bien que ce soit le cas), mais parce qu’il bouge, que ses structures sont fragilisées par les coups de boutoir d’un macronisme pour qui le travail n’est devenu qu’une variable d’ajustement. Nous n’avons d’autres choix que de faire le pari que nous pourrons profiter de cette crise pour imposer pratiquement une autre vision de l’avenir. Si nous devions en rester là et donner, par inertie, avantage au probable sur le possible, nous le payerions au prix fort. Je sais que vous savez. Et si je vous écris cette lettre, c’est que je nourris l’espoir de vous voir pleinement engagé.e.s à nos côtés et, ensemble, de participer à ce mouvement général de construction d’un #monde_meilleur. J’aimerais, enfin, donner une bonne raison à ma mère d’ouvrir une bouteille de champagne digne de ce nom.

      Rennes, le 17 février 2020.
      Mona R.

      https://www.revolutionpermanente.fr/Lettre-ouverte-a-mes-enseignant-e-s-de-l-Universite-Rennes-2

    • « Les universités n’utilisent pas encore assez de contractuels » : une lecture du dernier rapport des inspections générales sur l’emploi universitaire

      Le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) (https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2019/58/6/IGAENR-IGF_Pliotage_maitrise_masse_salariale_universitespdf_1245586.pdf), rendu en avril, 2019, vient enfin d’être publié. Academia, en espérant pouvoir en faire rapidement sa propre lecture, propose celle que vient de lui faire parvenir Pierre Ouzoulias, archéologue et sénateur communiste des Hauts-de-Seine, en vous invitant à prendre connaissance du rapport lui-même, mis en ligne à une date inconnue, postérieure au 14 février 2020.

      Le plan de « modernisation » de l’université est déjà en place !

      Voici, ci-dessous, quelques citations choisies du rapport rendu par les deux inspections, il y a presque un an. J’ai ajouté des rapides commentaires en italique.

      Dans le contexte actuel de mobilisation, le MESRI va nous expliquer que c’est un rapport qui ne l’engage absolument pas et que tout peut être discuté. À sa lecture, on comprend bien que le Gouvernement, qui écoute plutôt Bercy que le MESRI, n’a pas besoin de la LPPR. Tout est déjà en place pour poursuivre la transformation des établissements en « universités entrepreneuriales » qui trouveront, sous la contrainte, des marges de gestion. Les universités ne manquent pas de moyens, elles sont seulement mal gérées.

      Le projet de budget pour l’année 2021 mettra en place l’étape décisive demandée par Bercy : la non compensation du GVT.

      Pierre Ouzoulias
      24 février 2020
      Le budget de l’ESR est suffisant au regard de la réduction de la dépense publique

      Bien que se situant, tout financement confondu, juste au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE les universités

      sont à ce jour globalement correctement dotées par le budget de l’État pour couvrir leur masse salariale au regard de la situation des finances publiques. Les situations peuvent toutefois varier selon les établissements en raison soit des défaillances du mode d’allocation des ressources, soit de choix de gestion individuels. [p. 3]

      La solution : les ressources propres ; les mauvais élèves : les SHS

      La part des ressources propres dans les recettes des universités, toutes universités confondues, n’a pas évolué entre 2011 et 2017. Les universités fusionnées, les universités scientifiques ou médicales (USM) et les universités de droit, économie, gestion DEG ont un taux de ressources propres 2017 proche de 20%, en augmentation d’un point depuis 2012. Les universités pluridisciplinaires, avec ou sans santé, connaissent un taux de ressources propres supérieur à 16%, stable depuis 2013. Les universités de lettres et de sciences humaines (LSH) ont le plus faible taux de ressources propres, proche de 13% depuis 2011. [p. 16]

      Un constat partagé : la masse salariale augmente grâce à la précarisation

      Le nombre d’équivalent temps plein travaillé (ETPT) de l’enseignement supérieur a augmenté de + 3,6% de 2010 à 2017. En retranchant le « hors plafond », l’évolution est de – 3,22% ; jusqu’en 2013 la réduction est significative (les effectifs représentant à cette date 95,71% de ce qu’ils étaient en 2010), puis l’augmentation est constante, les effectifs revenant en 2017 à 96,78% de ce qu’ils étaient en 2010. [p. 18]

      Les élu-e-s : un obstacle à une gestion efficiente des ressources humaines

      Un principe participatif est au fondement du fonctionnement des universités. Les élus qui représentent le corps enseignant, les personnels et les étudiants participent à la gestion et à l’organisation des activités des établissements. Le conseil d’administration ne compte que huit personnalités extérieures à l’établissement pour 24 à 36 membres. Il détermine la politique de l’établissement, approuve le contrat d’établissement, vote le budget et fixe la répartition des emplois.

      Les unités de formation et de recherche (UFR) sont dirigées par un directeur élu par un conseil de gestion, lui-même élu, dans lequel le poids des personnels reste important. [p. 6]

      Dès lors, les mesures correctives en matière de gestion de masse salariale, qui conduisent nécessairement à remettre en cause des situations acquises sont difficiles à prendre pour un élu et interviennent trop souvent tardivement. La mission a constaté qu’elles s’imposent plus facilement en situation de crise que dans le cadre d’une gestion prévisionnelle visant à construire un modèle économique stable. [p. 20]

      Le modèle : les « universités entrepreneuriales »

      Trois comportements universitaires types en matière de maîtrise de la masse salariale :

      Une partie des universités a recours à une régulation, plus qu’à une optimisation, de la masse salariale. […] Elles mobilisent leurs ressources propres afin de ne pas avoir à engager des actions de recherche d’efficience jugées déstabilisantes.
      D’autres établissements se caractérisent par une volonté d’optimiser la masse salariale, condition nécessaire au déploiement du projet d’établissement. […] Les universités associées à ce deuxième comportement type sont en constante recherche d’efficience.
      Enfin, certaines universités privilégient une recherche de la structure d’emploi conforme aux modèles économiques choisis. […] Ce troisième comportement type est celui d’universités que l’on peut qualifier « d’entrepreneuriales » avec des taux d’encadrement relativement élevés et des modèles économiques atypiques. [p. 21]

      Le recours aux précaires : un instrument de gestion efficace

      Le lien entre masse salariale et stratégie doit passer par une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences se traduisant dans un schéma directeur pluriannuel des emplois. Celui-ci requiert de s’adosser à une réflexion interne pour établir une doctrine en matière de choix des statuts adaptés aux activités et à leurs évolutions anticipées, compatibles avec la situation financière et sociale d’ensemble de l’établissement et cohérents avec le projet d’établissement. [p. 10]

      Le non remplacement des retraités : un moyen efficace d’augmenter la part des non-statutaires

      Les prévisions de départs en retraite des titulaires montrent que les universités ne sont pas dépourvues de possibilités en termes de gel, d’annulation ou/et de redéploiements d’emplois par statut et catégorie. [3.1, p. 11]

      Pour conserver un rapport raisonnable, il faudrait combiner l’absence de remplacement d’un poste pour trois départs d’enseignants et d’un poste pour quatre départs de BIATSS. Cela reviendrait à la suppression de 2 497 emplois de BIATSS et 992 emplois d’enseignants pour un impact de masse salariale hors charges patronales respectivement de 76M€ et 41M€.

      Ces chiffres ne sauraient constituer une cible ; ils n’ont d’autre objet que de montrer que les départs en retraite offrent des possibilités de redéploiement et de repyramidage sous réserve de conserver une structure d’emploi cohérente et de ne pas affaiblir les activités de formation et de recherche qui constituent les points forts de chaque établissement.[p. 11]

      Éviter la titularisation des contractuels financés par les Programme des Investissements d’Avenir (PIA)

      Les universités ne pilotent cependant pas toujours de manière suffisamment précise cette évolution de structure. En effet, les emplois sous plafond et hors plafond sont suivis de manière distincte. Ils relèvent d’une logique différente pour les seconds qui sont rapportés aux ressources propres et non à l’équilibre économique d’ensemble de l’université. Le nombre d’enseignants contractuels lié aux PIA s’inscrit notamment dans une logique particulière et augmente de manière significative. À terme, une partie de ces emplois sera inévitablement pérennisée dans la masse salariale de l’université. [p. 26]

      Les universités n’utilisent pas encore assez les contractuels

      Par ailleurs, le recours aux contractuels reste pour l’essentiel fondé sur les articles 4 et suivants de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Les universités n’ont que marginalement utilisé l’article L-954 du code de l’éducation qui offre des possibilités plus souples de recrutement de contractuels (contrat dits « LRU »). En 2016, la moitié des universités comptait moins de trois ETP en contrat LRU, au moins une sur quatre n’en employant aucun.

      Le recours aux contractuels peut permettre une meilleure adaptation des effectifs aux besoins. Les personnels recrutés peuvent en effet être permanents ou temporaires, être enseignants-chercheurs, chercheurs ou enseignants ; ou bien cadres administratifs ou techniques. En outre, les universités ont une plus grande maîtrise de leurs situations salariales et de carrière que pour les titulaires dans la mesure où c’est le conseil d’administration qui statue sur les dispositions qui leur sont applicables.

      Dès lors que la plupart des besoins peuvent être indifféremment couverts par des contractuels ou des titulaires, compte tenu de la similitude de leurs profils, l’augmentation de la proportion d’emplois contractuels dans les effectifs d’une université a pour conséquence de lui donner davantage de leviers pour piloter ses ressources humaines, sa masse salariale et son GVT.

      Ensuite, la transformation des CDD en CDI doit être maîtrisée pour ne pas résulter uniquement de la règle de consolidation des contrats au bout de six ans. Par exemple, dans certaines universités rencontrées par la mission, la transformation d’un contrat temporaire en CDI est réalisée après examen par une commission vérifiant notamment que le contrat permanent correspond à des besoins structurels. [p. 27]

      Un autre levier : le temps de travail des enseignants

      Ces chiffres montrent que les choix des établissements en matière de charge d’enseignement ont un impact significatif sur les effectifs enseignants et donc sur la masse salariale et justifient un pilotage du temps de travail des enseignants. La responsabilité doit en être partagée entre les composantes de l’université en charge de l’organisation des enseignements et l’échelon central responsable du pilotage économique et de la conformité des choix aux projets de l’établissement. Le pilotage trouve naturellement sa place dans le cadre du dialogue de gestion interne dont la nécessité a été décrite ci-dessus au paragraphe 2. [p. 19]

      Le non compensation du GVT : un outil efficace pour obliger les universités à s’adapter

      Compte tenu de ses effets contre-productifs, la mission considère que la compensation du GVT n’a plus lieu d’être s’agissant d’opérateurs autonomes, qui sont libres de leurs choix de structure d’emploi ; qu’il revient aux pouvoirs publics de limiter la compensation sur l’impact de la déformation de la masse salariale des titulaires à la seule compensation des mesures fonction publique relatives au point d’indice ou se traduisant par une déformation des grilles (PPCR par exemple), et, pour les universités disposant d’un secteur santé, à la compensation des PUPH en surnombre ; que la maîtrise des universités en matière de recrutement, de promotion et de gestion individuelle des carrières devrait être renforcée ; que le dialogue de gestion doit permettre à chaque établissement de faire valoir sa trajectoire de masse salariale.

      La loi de programmation des finances publiques est la seule référence

      Il serait préférable d’en revenir au respect de la trajectoire LPFP, et de ne s’en écarter, en plus ou moins, qu’au vu de variations significatives constatées (et non anticipées) sur les dépenses ou les recettes des établissements. Cela semble une condition de la pluri annualité et de l’autonomie des opérateurs. [p. 37]

      Où l’on retrouve l’évaluation !

      Proposition n° 9 : connecter la modulation des moyens à l’évaluation de l’activité et de la performance universitaires ; [p. 42]

      Conclusion : c’est mieux, mais il faut accélérer !

      La mission constate également que les universités visitées ont fait des progrès dans leurs modalités de gestion depuis le passage aux RCE et qu’une marche supplémentaire peut désormais être franchie sous réserve que les outils, notamment informatiques, à disposition soient améliorés.

      Elles disposent de réelles marges de manœuvre leur permettant de gérer leurs effectifs de manière plus efficiente. Ces marges de manœuvre s’inscrivent cependant dans des logiques de pilotage à moyen et long terme compte tenu de la faible plasticité naturelle des effectifs. Pour pouvoir être mises en œuvre, elles supposent une capacité à construire des schémas d’effectifs cibles à trois ou quatre ans.

      En conséquence, la mission préconise, d’une part d’entamer une refonte du système actuel de répartition des crédits largement fondé sur la reconduction des enveloppes acquises lors du passage aux RCE, d’autre part, de mettre en place une contractualisation État/université dans le cadre de contrats de performance, d’objectifs et de moyens pluriannuels, enfin, de développer une architecture d’information permettant d’instaurer une véritable transparence entre les acteurs et en leur sein. [p. 45]

      https://academia.hypotheses.org/17154

    • Docteur·e·s sans poste : de la vocation à la vacation

      Le projet de Loi de programmation pluriannuelle de la Recherche organise la « précarisation galopante » des universitaires et « menace la qualité de nos recherches » fustigent des collectifs de docteur·e·s sans poste mobilisés contre la loi. « Et si nous cessions de faire vivre vos établissements au prix de notre exploitation, qu’en serait-il, Madame la ministre, de l’excellence de l’enseignement, de l’attractivité de la recherche française que vous vantez tant ? »

      Depuis décembre 2019, les personnels de l’Université se mobilisent contre les réformes des retraites et de l’assurance-chômage, mais aussi contre le projet de loi réformant nos universités publiques (Loi de programmation pluriannuelle de la Recherche– LPPR). Si nous – docteur·e·s sans poste –, nous nous engageons dans la grève et multiplions les actions symboliques, c’est aussi pour dénoncer la précarisation galopante de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR), qui menace la qualité de nos recherches ainsi que la transmission des savoirs aux étudiant·e·s, toujours plus nombreux·ses à l’Université.

      De nos jours, le plus haut des diplômes universitaires ne protège ni du mal-emploi, ni du chômage, bien au contraire. Cinq ans après leur doctorat, 14 % des docteur·e·s sont au chômage, contre 13 % pour les titulaires d’un master, et moins de 10 % pour les diplômé·e·s des écoles d’ingénieurs et de commerce. Pour celles et ceux qui ont trouvé un emploi, il s’agit d’un contrat à durée déterminée dans 45 % des cas, et même dans 55 % des cas pour les docteur·e·s travaillant au sein de l’ESR.

      Une mise en concurrence permanente

      Une fois docteur·e·s, c’est un véritable parcours du combattant qui commence, jalonné de multiples procédures de sélection encore trop souvent opaques, et parfois discriminatoires !

      Depuis la fin des années 1990, le nombre de postes de maîtres de conférences (MCF) publiés chaque année par les universités a chuté de manière drastique (- 65%) alors que le nombre d’étudiant·e·s a augmenté de 15 %. Les perspectives dans les organismes publics de recherche ne sont guère plus réjouissantes. Ainsi, le CNRS, qui proposait plus de 550 postes de chargé·e·s de recherche au concours en 2000, n’en publiait plus que 240 en 2020, soit une diminution de 56 % en 20 ans !

      La réduction des postes renforce mécaniquement une mise en concurrence exacerbée. Pour étoffer notre dossier, nous devons multiplier les tâches à l’infini : communiquer dans des colloques et journées d’études ; s’intégrer à des réseaux de recherche ; organiser des événements académiques ; publier nos recherches ; et enseigner. En décembre dernier, le PDG du CNRS, Antoine Petit, se félicitait du caractère « darwinien » de la future LPPR, mais pour nous, docteur·e·s sans poste et enseignant·e·s-chercheur·e·s précaires, ce darwinisme scientifique est déjà à l’œuvre dans notre quotidien.

      Une précarité qui s’immisce dans nos vies

      À défaut de postes pérennes, nos possibilités d’obtenir des contrats à durée déterminée sont rares. Quand nous ne l’avons pas déjà été pendant nos thèses, nous pouvons candidater à des postes d’Attachés Temporaires d’Enseignement et de Recherche(ATER), mais ces CDD d’un an ne sont renouvelables qu’entre une et trois fois selon nos statuts et tendent eux aussi à diminuer (-27 % entre 2005 et 2013). Nous candidatons également à des post-doctorats, c’est-à-dire des contrats de recherche qui durent généralement de six mois à un an et demi. Mais ces derniers sont rares, et très inégalement distribués, souvent au gré de procédures opaques. Faute de mieux, beaucoup continuent donc à faire de la recherche dans des conditions indignes (travail bénévole, missions courtes, parfois sans contrat, rémunération en nature ou en maigres indemnités journalières…).

      Pour continuer à enseigner, la difficulté est tout aussi grande. Le ministère estime que l’Université emploie plus de 20 000 enseignant·e·s non-permanent·e·s, auxquels il faut ajouter plus de 130 000 chargés d’enseignement vacataires. Ces vacataires sont des enseignant·e·s qui travaillent dans des conditions révoltantes : non accès aux congés payés, aux allocations chômage et à l’assurance maladie ; « contrats » - qui s’avèrent être de simples fiches de renseignements - souvent signés après les heures de cours effectuées ; absence de mensualisation des paiements ; non-prise en charge des frais de transports, etc. Payé·e·s 41,41 euros bruts de l’heure de cours, ces vacations sont en réalité rémunéré·e·s... 26 centimes en dessous du SMIC horaire, si l’on considère le temps de travail réel (réunions pédagogiques, préparation des cours, correction des copies, etc.). Si ces situations indignent, elles deviennent pourtant la norme : les vacataires assurent l’équivalent du volume d’enseignement de 13 000 postes de MCF et représentent aujourd’hui en moyenne plus du quart des personnels enseignants.

      Dans ces conditions, il nous faut parfois recourir à des emplois alimentaires, transformer nos allocations chômage en mode de financement routinier de nos recherches et, pour ne pas prendre de retard dans cette compétition constante, travailler sans arrêt. Ce sur-travail, généralement invisible, souvent gratuit ou mal rémunéré, entraîne des maux physiques et mentaux importants - trop souvent occultés - et impacte directement nos vies. Selon les disciplines, l’âge moyen d’obtention du doctorat varie entre 30 et 34 ans, et le temps écoulé entre la soutenance et le recrutement (quand il a lieu !) s’accroît inexorablement, à des âges de la vie supposés être ceux de la stabilisation professionnelle, résidentielle et familiale.

      Dans cet océan de précarité, certain·e·s sont en première ligne. Face à un système universitaire qui ne prête qu’aux riches, les femmes, les étranger·e·s, les diplomé·e·s issu·e·s des classes populaires et les docteur·e·s des universités non-franciliennes sont déjà les grand·e·s perdant·e·s de cette précarisation croissante.

      La précarité pour seul horizon ?

      Ainsi, pour les docteur·e·s sans poste, les réformes actuelles ne font qu’aggraver une situation déjà catastrophique. La réforme de l’assurance-chômage réduit nos droits aux allocations alors que Pôle Emploi est souvent notre principale ressource. Ensuite, nos cotisations en pointillés induites par l’enchaînement des contrats précaires ne nous donneront droit qu’à une retraite dérisoire avec la mise en œuvre de cette retraite par points. Enfin, la casse de l’Université publique de qualité se fait toujours plus impitoyable avec le projet de la LPPR qui institutionnalise la précarité. En créant des « contrats de projet », calqués sur les « CDI de mission » du secteur du BTP, la LPPR proposera des contrats de 5 à 6 ans, le temps d’une recherche, sans certitude sur leur prolongation. La construction d’une Université privatisée, qui ne finance que « l’excellence » - non plus définie par la communauté scientifique mais par les décideurs politiques et les financeurs privés - et qui délaisse les savoirs jugés improductifs, va de fait précariser ses personnels, et fragiliser toutes et tous les étudiant·e·s !

      Nous, docteur·e·s sans poste, nous demandons au Gouvernement, au-delà du retrait et de l’abandon de ces réformes en cours :

      la titularisation de celles et ceux qui font fonction d’enseignant·e·s-chercheur·e·s au quotidien, mais sans jouir de conditions de travail décentes, et qui travaillent même souvent dans une illégalité entretenue par l’institution universitaire.
      la création massive de postes d’enseignant·e·s-chercheur·e·s pour pouvoir proposer une formation de qualité et encadrer décemment les étudiant·e·s toujours plus nombreux·ses à s’inscrire à l’Université.

      Les racines de cette précarité sont structurelles ; elles dépendent de choix politiques, et non de notre hypothétique illégitimité ! L’excellence que les ministres successifs appellent de leurs vœux, nous la mettons en œuvre à chaque instant. Et pourtant, ils nous privent des moyens d’une excellence pérenne et sereine ! Certes, les connaissances sont produites, les savoirs sont transmis, les diplômes sont obtenus. Mais au prix de quels sacrifices ? Et si nous cessions de faire vivre vos établissements au prix de notre exploitation, qu’en serait-il aujourd’hui, Madame la ministre, de l’excellence de l’enseignement et de l’attractivité de la recherche française que vous vantez tant ?

      Une version longue de la tribune est accessible ici.

      Signataires :

      Tribune des docteur·e·s sans poste, membres des collectifs universitaires suivants :

      Précaires de l’ESR de Rouen ;
      Collectif Marcel Mauss – Association des doctorant.e.s en sciences sociales de Bordeaux ;
      Précaires de l’Université de Caen Normandie ;
      Doctorant-es et non titulaires de Lyon 2 ;
      Précaires de l’Université de Picardie Jules Verne à Amiens ;
      Précaires de l’ESR de Bordeaux ;
      Précaires de l’Université Paris 13 (Seine Saint Denis) ;
      Précaires de l’enseignement de la recherche Ile-de-France ;
      Mobdoc/Les Doctorant.e.s Mobilisé.e.s pour l’Université Paris 1 ;
      Groupe de Défense et d’Information des Chercheurs et Enseignants Non-Statutaires de l’Université de Strasbourg (Dicensus) ;
      Non-Titulaires de Paris 3 en lutte ;
      Précaires du Mirail-Université Toulouse Jean Jaurès ;
      Précaires mobilisé-e-s de Paris 8 ;
      Précaires de l’Université de Poitiers ;
      Collectif Docteur.e.s sans poste ;
      A’Doc - Association des Jeunes Chercheur·es de Franche Comté ;
      Travailleur·e·s précaires de l’ESR d’Aix-Marseille ;
      Précaires de l’ESR d’Évry.

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/020320/docteur-e-s-sans-poste-de-la-vocation-la-vacation

    • Strasbourg : pour “gagner 13 millions d’euros” et financer la recherche, des universitaires jouent au #loto

      Ce vendredi 6 mars, des universitaires de Strasbourg vont acheter collectivement des tickets de loto. Pour, éventuellement, gagner de quoi payer leurs travaux de recherches. Et surtout, dénoncer de manière symbolique le nouveau modèle du financement de la recherche par appel à projets.

      « Contre l’autonomie des universités, vive la ’lotonomie’ de la recherche ! » "Au tant vanté autofinancement des universités, nous répondons par le ’lotofinancement’." Les jeux de mots sont peut-être faciles, mais explicites. Et dans le communiqué publié ce mercredi 4 mars, les membres du collectif d’enseignants et de chercheurs de l’Université de Strasbourg (Unistra) à l’origine de cette initiative ’lotofinancement’ s’en donnent à cœur joie. Car quoi de mieux que l’humour pour dénoncer ce qui fâche ?

      Au cœur des griefs, le projet au nom barbare de LPPR (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche), qui vise « à développer et renforcer le financement de la recherche par appels à projet. »

      Ces appels à projet sont très chronophages, et avec beaucoup de perdants. Le loto, c’est pareil, mais il est beaucoup moins chronophage."
      - Arthur, l’un des instigateurs de l’initiative Lotofinancement

      Selon Arthur (nom d’emprunt), l’un des universitaires à l’origine de l’initiative, monter des dossiers en vue d’obtenir d’hypothétiques financements « est une double perte de temps : pour ceux qui les montent et ceux qui les évaluent. » Et au final, il y a peu de gagnants. Alors, en tant qu’universitaires, « on préfère prendre ce temps pour faire notre métier, c’est-à-dire de l’enseignement et de la recherche », explique-t-il.

      Dans son communiqué, le collectif d’universitaires détaille ses craintes quant à ce type de financement par projet, qui risque de concentrer « les moyens sur quelques équipes au détriment de la diversité des travaux » et détourner « les scientifiques de leur cœur de métier – l’enseignement et la recherche. »

      Nous nous en remettons à la loi d’une véritable loterie, plus égalitaire et finalement bien plus efficace que ce que l’on nous propose.
      - communiqué du collectif Lotofinancement

      Le collectif revendique « une vraie politique de financement pérenne », seule garante selon lui d’une « recherche de qualité et indépendante », et dénonce ce qu’il appelle un risque de « marchandisation de l’université ». Pour bien se faire entendre, il a donc décidé de prendre le taureau par les cornes : « s’en remettre aux jeux de hasard pour financer (ses) travaux ». Une décision annoncée pompeusement comme une grande première « de l’histoire de l’Université française ».

      L’action, symbolique, « satirique », et bien sûr ouverte au grand public, aura lieu ce vendredi 6 mars à 14h30, au tabac de la Musau, 1 rue de Rathsamhausen à Strasbourg. Le collectif s’y rendra pour convertir 1000 euros en tickets de loto. Cette somme a été récoltée depuis quatre semaines auprès de 200 donateurs, collègues, étudiants et autres, dont… un ancien président d’université.

      « On espère fortement gagner 13 millions d’euros, afin de pouvoir créer une grande fondation qui permettra de financer la recherche », sourit Arthur. En cas de gain plus modeste – hypothèse peut-être plus réaliste, mais qui sait ? - le collectif a très sérieusement réfléchi à la manière de se partager le gâteau : 49% seront attribués aux missions d’enseignement et de recherche. 49% serviront à renflouer des caisses de la grève des universités (une grève reconductible, débutée à l’Unistra ce jeudi 5 mars pour demander, entre autres, le retrait de la fameuse LPPR et dénoncer la précarisation des étudiants).

      Et les 2% restants ? Ils serviront à mener quelques « actions de convivialité, car la mobilisation doit être festive » précise Arthur.

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/insolite-strasbourg-gagner-13-millions-euros-financer-r
      #lotofinancement #lotonomie

    • Je copie-colle ici un commentaire que j’ai fait à ce message :
      https://seenthis.net/messages/829489

      –----

      Voir aussi ces autres #témoignages très parlant, plutôt en lien avec l’enseignement et moins avec la recherche, mais vu qu’il y a grand nombre de fonctionnaires de l’#ESR qui sont à la fois chercheur·es et enseignant·es... ça touche souvent les mêmes personnes et des questions proches.
      Cela explique très bien la situation dans laquelle se trouve les facs françaises en ce moment (avec ou sans LPPR (https://seenthis.net/messages/820330#message820388) :

      Pourquoi je démissionne de toutes mes fonctions (administratives) à #Nantes
      https://blogs.mediapart.fr/olivier-ertzscheid/blog/150220/pourquoi-je-demissionne-de-toutes-mes-fonctions-administratives-nant
      #démissions

      La licence d’informatique de Paris-8 n’ouvrira pas l’an prochain
      https://seenthis.net/messages/820393#message827354
      –-> Et une interview de #Pablo_Rauzy qui enseigne en #informatique à #Paris-8 :
      https://podtail.com/podcast/podcast-libre-a-vous/interview-de-pablo-rauzy-maitre-de-conferences-a-l
      #Paris_8

    • La LPPR s’invite aux 10 ans de l’ICM !

      Le 10 mars 2020, La Part Précaire de la Recherche (LPPR) s’est invitée à inauguration de l’exposition des 10 ans de l’ICM (Institut du Cerveau et de la Moelle épinière).
      Nous reproduisons ici le texte qui a été lu à cette occasion et mettons à disposition une vidéo et des photos.

      https://www.youtube.com/watch?v=xvjhFvIYQ-Q&feature=emb_logo

      Mesdames, Messieurs, et les autres, bonjour !

      C’est la LPPR qui vient ici vous saluer !
      Oui nous sommes la LPPR ! Pas celle chère à Chimérique Vidal et Antoine Le Tout Petit, non.
      Nous sommes La Part Précaire de la Recherche, les petites mains et les cerveaux qui font tourner la boutique, et que les médiocres manageur·ses du public et du privé voudraient voire corvéables et exploitables à merci.

      Vous vous demandez pourquoi nous nous invitons à cette petite sauterie faite de discours pompeux et creux, de petits fours et de bulles.
      C’est un peu le fruit du hasard : nous voulions d’abord apporter notre soutien aux membres du personnel hospitalier de la Pitié Salpêtrière : ces femmes et ces hommes qui, malgré un sous-financement chronique de l’hôpital public, accomplissent leur métier avec professionnalisme et épuisement.

      Mais ielles nous ont dit que malheureusement ce n’était pas le bon moment, au seuil d’une épidémie virale. Ielles nous ont suggéré d’aller jeter un coup d’œil sur ce beau et jeune bâtiment.

      En bons chercheurs et chercheuses précaires, c’est ce que nous avons fait. Et ce n’est pas l’espoir que nous avons découvert, comme nous le faisait miroiter votre récente campagne de pub, mais un mélange d’effroi, de sidération – mais aussi beaucoup de ridicule.
      L’ICM, l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière, pardon “sans moelle à partir d’aujourd’hui” est une idée magnifique, créée par des Hommes Magnifiques, oui des Hommes, seulement des Hommes !

      Comme :
      – Jean Todt : Président de la Fédération Internationale de l’Automobile, ami intime de l’Industrie du Tabac
      – Maurice Lévy : Ancien PDG de Publicis, que nous remercions pour la beauté et la pertinence de publicités en oubliant sa fortune et la manière dont l’entreprise traite ses salarié·es.
      – Jean Glavany : politicien de renom, ami intime de Mitterrand et du déchu Cahuzac.
      – Luc Besson : grand cinéaste français, avec quelques casseroles au cul pour accusation de viol et harcèlement sexuel.

      J’en passe et des meilleurs !

      Nous n’allons pas jouer les coupeur·ses de cheveux en quatre et analyser les intérêts financiers d’une telle initiative, nous sourions de l’intérêt de ces Messieurs pour la recherche de remèdes aux maladies neurodégénératives qui pourraient les affecter et les empêcher d’exercer leur nuisance de manière lucide.

      Ce que nous dirons c’est que le modèle de partenariat public/privé de l’ICM est à nos yeux un cauchemar :

      Que vienne l’argent des riches pour la recherche publique, mais sous forme de l’impôt, pas de donations et legs auxquels il faudrait même dire “merci”. Nous ne voulons pas de votre philanthropie, car nous ne voulons pas que les domaines de recherche soient orientés en fonction du bon vouloir des plus fortuné·es. Si vous êtes soucieux d’aider la recherche fondamentale : payez vos impôts, exigez que vos ami·es payent leurs impôts, exigez la fin du Crédit Impôt Recherche (CIR) qui coûtent à la recherche publique 6 milliards d’euros par an !
      6 milliards soit 2 fois le budget du CNRS !

      Qu’on arrête de tout mélanger sous couvert d’efficacité et de cohérence pour se retrouver avec les mêmes dirigeant·es à la tête de la Fondation privée ICM et de L’Unité de Recherche Publique.

      Qu’on arrête de nous faire miroiter les bienfaits de la Start-Up Nation, et des incubateurs où la recherche publique se met au service de la rentabilité et du “faire du fric” avec des conflits d’intérêt qui n’offusquent plus personne.

      Qu’on arrête de nous parler d’excellence et de flexibilité, qui sont souvent des cache-sexes de Lobbying Éditorial et Souffrance au Travail.

      Au ruissellement on y croit pas, aux premiers de cordée non plus :

      Nous sommes convaincu·es que, parmi vous, travailleuses et travailleurs de ce beau Monolithe “Bling Bling”, il y en a qui ne se retrouvent pas dans ce que les dirigeant·es veulent faire de la recherche publique. Leur modèle est perdant tant pour les conditions de travail imposées, mais aussi pour la qualité de la recherche. Le sous-financement de la recherche publique, le pilotage par appels d’offre, les ANRs, les ERCs, vous pourrissent la vie et vous empêchent d’exercer votre métier.

      Ce modèle c’est celui qui a fait que les collègues travaillant sur les coronavirus, parce que cela n’était plus jugé assez sexy et tendance, se sont vu sucrer leurs financements. La science ne marche pas dans l’urgence et la réponse immédiate. Elle ne doit pas marcher non plus selon le flair des investisseurs privés.

      Nous vous invitons à lever les yeux de vos expériences,
      à vous organiser,
      à débattre,
      à lutter !

      Après le succès de la manifestation du 5 mars, où l’université et la recherche se sont arrêtées, nous réitérons nos revendications :

      Nous exigeons que soit mis en œuvre dès 2020 un plan d’urgence pour l’université et la recherche.

      Nous exigeons des titularisations et des recrutements massifs, à la hauteur des besoins ; des financements pérennes pour assurer à tou·tes de bonnes conditions de travail, d’étude et de vie ; des garanties sur la sécurité juridique des étrangèr·es.

      Ainsi seulement nous pourrons créer une université démocratique, gratuite, antisexiste, antiraciste, émancipatrice et ouverte à toutes et tous.
      L’université doit être un service public, qui ne doit ni sélectionner, ni accroître ou légitimer les inégalités.
      La recherche doit être un service public, en capacité de produire des savoirs d’intérêt général.
      Nous allons les refonder, avec vous !

      Après cette dernière envolée, je vous souhaite, au noms de La Part Précaire de la Recherche un bon cocktail !

      Nous : on se lève et on se casse !

      A bientôt dans la lutte.


      https://universiteouverte.org/2020/03/10/la-lppr-sinvite-aux-10-ans-de-licm

    • Pourquoi l’université s’arrête ? Billet participatif

      En ce 5 mars 2020 les facs et labos en lutte contre la Loi de précarisation et de privatisation de la recherche (LPPR) ont décidé de s’arrêter. Proposition d’un billet participatif pour en expliquer les raisons.

      Le présent billet formule une série de 10 premières propositions sur le modèle syntaxique de l’opposition entre un « Ils » et un « Nous » :

      L’Université s’arrête parce qu’ils…… . Nous

      J’invite chaque membre de la communauté d’enseignement et de recherche qui se sentirait impliqué dans ce « Nous » à formuler dans les commentaires de nouvelles propositions. Je les remonterai progressivement dans le billet. Je rappelle sous l’affiche d’Olivier Long deux extraits du discours de Simon Leys.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont fermé les portes de l’enseignement supérieur aux enfants des classes sociales les plus pauvres. Nous sommes l’Université Ouverte et nous demandons la suppression du dispositif Parcoursup.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont créé 30% d’emplois précaires dans le supérieur et que la LPPR va encore les multiplier. Nous exigeons des postes de fonctionnaires titulaires et un plan de titularisation de tous les précaires.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont fait de l’excellence un concept vide. Nous travaillons à inventer et définir les concepts.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont tué la démocratie universitaire. Nous demandons l’abrogation de la loi LRU de 2007 et de la loi Fioraso de 2013 et une nouvelle loi électorale qui assure une représentation effective des personnels et des étudiants, sans membres extérieurs à la botte des présidents.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils veulent financer les laboratoires uniquement sur appels à projets alors que 85% de nos dossiers sont refusés. Nous exigeons des crédits récurrents pour les laboratoires et nous refusons de passer plus de temps à chercher de l’argent qu’à faire de la recherche.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ne cessent de nous mettre en concurrence et de nous évaluer. Nous refusons la compétition permanente dont toutes les études démontrent qu’elle ne favorise pas la recherche et qu’elle brise les équipes et la collégialité.

      – L’Université s’arrête parce le management autoritaire dans tous les établissements a provoqué burn-out, harcèlements et suicides. Nous ne sommes pas des robots, ni des « ressources humaines », nous sommes des individus et exigeons le respect et les conditions de travail décentes qui sont dus à tous les salariés.

      – L’Université s’arrête parce que la planète brûle. Nous demandons une liberté totale de recherche et tous les moyens nécessaires pour inventer les solutions scientifiques et techniques afin de lutter contre la crise écologique et le réchauffement climatique.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils veulent faire de l’université une entreprise comme les autres. Nous sommes un Service public qui œuvre pour le bien commun.

      - L’université s’arrête parce qu’ils ne sont pas l’université. Nous sommes l’université.

      –------

      Contributions formulées dans les commentaires (sans sélection aucune). Elles n’engagent pas le blogueur. Elles peuvent être débattues dans le fil des commentaires.

      De Blaz :

      L’université s’arrête puisque les facultés de sciences sociales entassent les publics populaires qui récolteront - s’ils vont jusqu’au bout du cursus- des diplômes dévalorisés. Nous voulons que les facultés dites à "pouvoir" (y compris les grandes écoles) soient plus représentatives de la diversité, quitte à passer par des politiques de "discrimination positive".

      L’université s’arrête lorsque des séminaires doctoraux regroupent des chercheurs calculateurs, parcimonieux, disposés à entendre les idées des autres mais jamais à partager leur réflexion. Nous voulons des chercheurs universitaires qui nous grandissent, qui grandissent avec nous lors d’’échanges réflexifs

      L’université s’arrête parce qu’une horde d’étudiants étrangers s’inscrivent en troisième cycle, contribuent par leurs efforts à développer des savoirs (dont certains seront commercialisés) avant de se retrouver sur le tarmac. Nous voulons des universités qui ne profitent pas de la misère du monde (prolongation du titre de séjour) pour exploiter la matière grise des pays dits "sous-développés"

      L’université s’arrête puisque la réflexion intellectuelle a été substituée par "une économie du savoir" contraignant le chercheur à multiplier des publications pour exister. Résultat des courses : y’a rien à lire ! Nous voulons des chercheurs au service de la « clarté ».

      L’université s’arrête dès lors qu’elle exerce volontiers la censure à l’endroit de savoirs non consacrés. Nous voulons une université moins conformiste, ouverte aux études postcoloniales.

      De NOID :

      L’université s’arrête parce qu’ils croient que nous n’avons pas le temps pour l’éthique, que l’art ne se vit pas mais se consomme, que le temps de la philosophie est perdu. Nous savons qu’il est dangereux d’enrichir "ils" par de nouvelles connaissances, de nouvelles technologies, de nouveaux savoirs qui renforceraient encore leurs pouvoirs.

      L’université s’arrête parce qu’ils croient qu’on peut amender les lois de la physique. Nous ne voulons plus donner de confiture aux cochons.

      De LAURENTGOLON :

      L’Université s’arrête parce qu’ils pensent qu’elle est inutile. Nous savons qu’elle donne à penser et nous exigeons du temps pour le faire.

      L’université s’arrête parce qu’ils souhaitent la piloter et la museler par la multiplication des appels à projet. Nous sommes l’université libre qui cherche là où elle pressent qu’une question se pose et nous exigeons les moyens et le temps de mettre en œuvre notre liberté académique.

      L’université s’arrête parce qu’ils souhaitent orienter nos projets vers la rentabilité. Nous sommes la recherche pour et avec tou·te·s et nous exigeons que le statut d’auditeur libre ne fasse plus l’objet d’aucune restriction.

      De Bertrand Rouziès :

      L’université s’arrête aussi parce que de nouveaux mandarins, cumulards de hautes responsabilités administratives, en doctes excroissances de la servilité politique, du trafic d’influence et de la police de la pensée, profitent de la paupérisation croissante des chercheurs pour en vampiriser les travaux et les vassaliser.

      Quand l’université ne s’arrête pas d’elle-même pour reprendre ses esprits, se redonner du souffle et du coffre, elle offre le spectacle, dans son (dys)fonctionnement ordinaire, d’un idéal à l’arrêt.

      L’université s’arrête quand la cooptation et les clauses tacites biaisent le recrutement et fabriquent un « nous » de corps de garde ou de corps de ferme.

      L’université s’arrête quand les maîtres n’apprennent plus à leurs disciples à se passer d’un maître.

      L’université s’arrête où l’universalité se contraint.

      L’université s’arrête où l’entreprise commence.

      Deux extraits du discours prononcé par Simon Leys le 18 novembre 2005 à l’Université catholique de Louvain lors de la remise du doctorat honoris causa

      UNE IDÉE DE L’UNIVERSITÉ

      « Il y a quelques années, en Angleterre, un brillant et fringant jeune ministre de l’Éducation était venu visiter une grande et ancienne université ; il prononça un discours adressé à l’ensemble du corps professoral, pour leur exposer de nouvelles mesures gouvernementales en matière d’éducation, et commença par ces mots : « Messieurs, comme vous êtes tous ici des employés de l’université… », mais un universitaire l’interrompit aussitôt : « Excusez-moi, Monsieur le Ministre, nous ne sommes pas les employés de l’université, nous sommes l’université. » On ne saurait mieux dire. Les seuls employés de l’université sont les administrateurs professionnels, et ceux-ci ne « dirigent » pas les universitaires – ils sont à leur service. »

      « Un recteur d’université nous a engagés un jour à considérer nos étudiants non comme des étudiants, mais bien comme des clients. J’ai compris ce jour-là qu’il était temps de s’en aller. »

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/050320/pourquoi-l-universite-s-arrete-billet-participatif

    • Avis du COMETS : « Contribution du Comité d’Ethique du CNRS (COMETS) aux discussions préparatoires à la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche »

      Séance plénière du COMETS du 24/02/2020.

      Le gouvernement promet une loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui devrait s’accompagner d’un accroissement substantiel de la part du budget de l’État consacrée à la recherche. Le COMETS considère cette annonce comme très encourageante. Toutefois, au vu des rapports de préfiguration à la loi et des premières déclarations de décideurs ou responsables, le COMETS tient à les examiner à la lumière de l’intégrité et de l’éthique. Ces dimensions lui paraissent essentielles à la fois pour conduire la science et pour assurer la confiance que les citoyens accordent aux chercheurs. Dans la perspective de la rédaction finale du projet de loi, le COMETS exprime ici ses inquiétudes et formule quelques recommandations qui découlent de ses précédents avis (voir https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-publies).

      Un équilibre entre ressources récurrentes et contractuelles est nécessaire pour garantir l’indépendance des chercheurs, stimuler la découverte de nouveaux objets d’étude et favoriser la recherche fondamentale sur le long terme.

      La domination de priorités thématiques dans le financement de la recherche a des conséquences négatives sur la diversité et la créativité de la production scientifique.

      L’instauration de la compétition comme dynamique de la recherche est propice au développement de méconduites et fraudes telles que le plagiat et la falsification des résultats. Par ailleurs, la pression s’exerçant sur le chercheur peut générer diverses formes de harcèlement.

      De tels manquements à l’intégrité et à la déontologie risquent d’être favorisés par la précarité programmée des personnels de la recherche touchant notamment les femmes. Une vigilance est requise pour accompagner l’ensemble du personnel et le former à une recherche intègre et responsable.

      L’incitation au recrutement et à l’évaluation des personnels principalement selon des critères bibliométriques ne garantit pas le développement d’une recherche de qualité, pas plus que l’embauche de « stars » selon ces mêmes critères.

      L’extension annoncée des effectifs de professeurs associés et la création de directeurs de recherche associés exerçant une activité en dehors de l’organisme peut être source de conflits d’intérêts. Des procédures claires de déclaration de liens d’intérêts devront donc être mises en place.

      La réduction des postes de fonctionnaires ne peut qu’amplifier le manque d’attractivité des filières des métiers de la recherche, menaçant ainsi les viviers tant pour la recherche publique que pour la recherche privée françaises.

      L’incitation à des activités contractuelles directes ou via des institutions, si elle peut aider à pallier au manque d’attractivité des métiers de la recherche et répondre à un objectif économique, génèrera une multiplication des liens d’intérêts qui pourrait exposer les chercheurs à des conflits d’intérêts. Elle devrait s’accompagner d’un renforcement de la sensibilisation des personnels à ces risques.

      https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-comets-lppr

    • Contre la pandémie : des moyens durables pour nos services publics !

      Communiqué du 14 mars 2020 du comité de mobilisation des facs et labos en lutte.

      Depuis le 5 décembre, travailleur·ses et étudiant·es de tous statuts luttent dans les facs et les labos – et auprès des travailleur·ses de tous les secteurs – contre la destruction du système de retraite par répartition. Depuis le 5 mars, nous avons appelé à la mise à l’arrêt des universités et de la recherche pour protester contre les conditions de travail et d’étude désastreuses, et la pénurie de postes statutaires et de moyens pérennes, que viendrait aggraver la future Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche (LPPR) : système universitaire à deux vitesses, compétition accrue pour les crédits de recherche, précarité de l’emploi intensifiée, conditions d’étude détériorées. Depuis des années, nous sommes nombreux·ses à alerter sur les conséquences dramatiques de la destruction des services publics et des politiques d’austérité.

      Jeudi 12 mars, dans une allocution présidentielle suscitée par la crise sanitaire majeure à laquelle est confronté le pays, Emmanuel Macron a annoncé la fermeture aux usagèr·es, jusqu’à nouvel ordre, des crèches, des écoles, des collèges, des lycées et des universités. Cette décision est nécessaire mais tardive, car des cas étaient déjà comptabilisés notamment dans les universités et que la fermeture proactive des écoles dès l’arrivée des premiers cas sauve des vies en cas de pandémie. Et bien d’autres lieux de travail ne devraient-ils pas être fermés, si nos vies comptaient plus que le CAC 40 ?
      Santé et recherche publiques au rabais

      Macron a prétendu porter « la reconnaissance de la nation » aux « héros en blouse blanche ». Pour mieux ignorer ces mêmes héros, lorsqu’ils sonnent l’alerte sur les effets catastrophiques des années de politiques d’austérité dans la santé et la recherche publiques ? Face à la crise hospitalière, le gouvernement ne propose que des heures supplémentaires et une inquiétante réforme de la formation des internes. Comme le rappellent les soignant·es en lutte, les hôpitaux ne disposent pas aujourd’hui des moyens humains et matériels suffisants pour faire face à une crise sanitaire majeure. Protéger la santé de tou·tes autrement que dans l’urgence implique un vrai plan de financement public et de recrutement de fonctionnaires à l’hôpital, la suppression du jour de carence et de tout frein à l’accès aux soins, y compris pour tou·tes les étrangèr·es, ou encore l’attribution de postes pérennes et de moyens suffisants pour la propreté, l’hygiène et la sécurité de tous les lieux de travail.

      De la même façon, Macron affirme sa confiance dans la recherche française pour trouver en urgence des issues à la crise sanitaire, quand notre recherche publique a pris du retard du fait d’un manque structurel de crédits à long terme pour les laboratoires, soumis à l’idéologie de la compétition sur projets : plus de dix années perdues pour la recherche fondamentale sur le coronavirus ! Des mesures immédiates doivent être prises pour inverser cette tendance. L’État doit par exemple cesser d’offrir aux grandes entreprises l’équivalent de deux fois le budget du CNRS (sous la forme du « Crédit Impôt Recherche »), et redistribuer cet argent aux laboratoires de recherche publics. Notre pays a plus que jamais besoin de rétablir une recherche diversifiée et fondamentale, une université et des services publics dotés de moyens humains et financiers à la hauteur des défis écologiques, sanitaires et sociaux que nous devons relever, à l’opposé de politiques « d’innovation » de court-terme, partielles et marchandes.
      Qui paiera la crise sanitaire et sociale ?

      Des « plans de continuité de l’activité » sont en cours d’élaboration précipitée dans les universités. Comme à l’hôpital, les circonstances exceptionnelles exacerbent les tensions dans des universités déjà au bord du burn-out collectif. Le gouvernement doit se rendre à l’évidence : la fermeture des facs aux étudiant·es et à une large part des travailleur·ses est incompatible avec la poursuite des cours et des évaluations. Prétendre le contraire est un nouveau signe de mépris des bonnes conditions de travail, d’études et de vie. Le service public de l’enseignement nécessite l’accès à de vrais cours, mais aussi à des bibliothèques et autres lieux et outils de travail, actuellement impossible. Les BIAT·O·SS ne sont pas des variables d’ajustement ni des pions à déplacer de force : face au risque sanitaire, il ne saurait être question de les obliger à être présent·es sur leur lieu de travail, ni à travailler à distance. Les enseignant·es doivent garder le contrôle de leur travail et de ses fruits, y compris sur le plan de la propriété intellectuelle. La protection des données personnelles doit être préservée. Quant aux considérables obstacles techniques à l’enseignement à distance, ils sont autant d’obstacles sociaux, qui aggraveraient les inégalités déjà en forte augmentation avec les politiques universitaires actuelles. Et quid des étudiant·es et membres du personnel qui devront s’occuper toute la journée de leurs enfants scolarisés en temps normal ? La généralisation des cours en ligne n’est une solution ni pour les enseignant·es, ni pour le personnel BIAT·O·SS, ni pour les étudiant·es.

      Nous refusons de payer le prix des fermetures. Toutes les heures de travail prévues doivent être payées normalement, y compris les vacations empêchées par les fermetures, quels que soient les statuts et les situations sanitaires ou familiales des travailleur·ses. La poursuite des études doit être envisagée en assumant qu’il y a rupture avec les conditions normales et que ni les membres du personnel ni les étudiant·es ne doivent en faire les frais. Nous demandons à notre ministre d’accéder enfin à nos revendications, et de titulariser les vacataires auxquel·les l’université a massivement recours et qui assurent des fonctions pérennes, pour une rémunération différée et très souvent en-dessous du SMIC horaire. Nous demandons pour la rentrée 2020 et les suivantes, les milliers de postes statutaires qui manquent et le dégel total des postes existants. Nous demandons une université gratuite, non sélective et dotée de moyens financiers, humains et techniques à la hauteur des besoins de formation, et des revenus étudiants sans lesquels il n’y a pas d’égalité d’accès aux études.

      Macron prétend vouloir « protéger » les salarié·es et la population d’une crise sanitaire, économique et sociale. Chômage technique partiel indemnisé par l’État ? Rien de rassurant pour grand nombre de précaires parmi nos collègues et étudiant·es, et dans l’ensemble de la société, qui risquent tout simplement de perdre emplois et revenus. La réforme de l’indemnité chômage censée s’appliquer aux personnes ouvrant des droits à partir du mois prochain ne doit pas être aménagée, mais annulée. Et comment les vagues mesures « protectrices » seraient-elles financées ? Les seules mesures concrètes annoncées sur le plan économique et social concernent les cotisations patronales reportées, et la préparation d’un « plan de relance ». Pour les grandes entreprises privées, Macron redécouvre que « l’argent magique » existe, ce même argent qu’il refuse aux services publics et au financement de nos solidarités.
      Pour la solidarité, nous restons mobilisé·es !

      Enfin, combien de postes… de télévision ont manqué d’être fracassés lorsque Macron a prononcé les mots de « solidarité entre générations » ? Comme la majorité de la population, nous savons ce que vaut sa novlangue. C’est le même Macron qui tente depuis des mois de détruire un système de retraites qui est le meilleur exemple de cette solidarité, fondé sur la cotisation des actif·ves reversée aux retraité·es. Le retrait de la contre-réforme « par points » demeure une nécessité absolue.

      Depuis des décennies, c’est l’ensemble des dispositifs de solidarité sociale qui sont fragilisés par des mesures gouvernementales. Dans le domaine universitaire, le projet de LPPR prolonge les lois LRU, ORE (« ParcourSup ») et de la hausse des frais d’inscription pour les étudiant·es extra-européen·nes (« Bienvenue en France »), menaçant de briser toute solidarité dans les facs et labos.

      Nous ne nous laisserons pas abuser par un discours qui glorifie en façade la « mobilisation générale de la recherche » et la « solidarité », mais ne débloque de l’argent public que pour rassurer les grandes entreprises. Notre défiance reste entière envers un gouvernement qui s’est mis à dos la majorité de la population par la violence de ses politiques inégalitaires. Nous appelons à l’amplification des mesures exceptionnelles de santé publique tant qu’il le faudra, mais aussi au rétablissement durable du système public de santé et de recherche. Travailleur·ses et étudiant·es refusent de payer la crise sanitaire, économique, sociale.

      Et nous ne laisserons pas le gouvernement en profiter pour accélérer ses réformes impopulaires. La crise sanitaire révèle les conséquences dramatiques de ces réformes, autant que l’absolue nécessité de se battre pour nos services publics et nos solidarités.
      Les universités ferment, nos luttes continuent !

      https://universiteouverte.org/2020/03/14/contre-la-pandemie-des-moyens-durables-pour-nos-services-publics

    • 5 mars : des salarié·e·s de #Mediapart soutiennent enseignant·e·s, chercheur·e·s et étudiant·e·s

      Salarié·e·s de Mediapart, nous soutenons la mobilisation de l’Université du 5 mars. La réforme qui menace les chercheurs, vouée à accélérer leur précarisation et à détériorer leurs conditions de travail, met en péril l’élaboration de savoirs si précieux pour un journal numérique et participatif comme le nôtre. Pour défendre le débat public, il est indispensable que les travailleur·e·s du numérique, du journalisme et de la recherche soient solidaires.

      Ce 5 mars, « l’Université et la recherche s’arrêtent ». De nombreux personnels, laboratoires, unités et revues cessent le travail, en réaction au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), et contre la réforme des retraites qui les concerne au même titre que les autres actifs.

      La mobilisation, qui couve depuis de nombreux mois, s’exprime de manière plus spectaculaire aujourd’hui. Elle est le fruit d’au moins une décennie de frustrations accumulées par les agents titulaires comme par les travailleurs précaires, ceux-ci constituant une véritable armée de réserve de l’enseignement supérieur. À des degrés divers, toutes et tous souffrent du sous-financement chronique du secteur, et de son basculement dans un modèle centralisateur, managérial et concurrentiel, en décalage avec ses missions initiales de formation et de recherche indépendante.

      Nous, salarié·e·s de Mediapart, exprimons notre solidarité à l’égard de tous les personnels engagés contre une loi qui aggravera leur précarité et leurs conditions de travail (déjà dégradées). Si leur situation sociale suffirait à légitimer la contestation, la portée de celle-ci se révèle bien plus large. Travaillant pour un média d’information générale, mobilisant régulièrement les savoirs acquis sur la marche de nos sociétés, nous mesurons l’importance cruciale des chercheurs, chercheuses, enseignantes et enseignants pour la qualité du débat public.

      Dans notre pratique professionnelle, nous avons en effet recours à leur regard et leur savoir pour donner du sens aux faits dont nous rendons compte. Afin de s’y retrouver dans le chaos des informations brutes dont nous sommes inondés chaque jour, citoyens comme journalistes, il est nécessaire d’avoir de la mémoire et de se doter de grilles de lecture multiples. Pour qui se préoccupe des comportements et décisions qui déterminent notre destin collectif, cet éclairage se révèle indispensable, y compris lorsqu’il est polémique.

      À côté des acteurs partisans, syndicaux et associatifs, les enseignants et les chercheurs, qui sont aussi des citoyens, assument parfois un rôle d’intervention qui contribue à la conversation nationale. Nous en faisons régulièrement l’expérience grâce aux contributeurs du Club — l’espace participatif de Mediapart. Les affinités entre la recherche, et le journalisme comme producteur d’informations et animateur du débat public, sont donc évidentes.

      Or, en dehors de quelques think tanks aux effectifs réduits, l’université publique est un lieu privilégié, quasi-unique, pour accomplir un travail intellectuel de fond. Celui-ci exige du temps et de la méthode pour collecter des données, les interpréter, les mettre en perspective avec les connaissances déjà accumulées, et enfin les discuter avec des pairs. Si l’université continue à se paupériser et à violenter ses personnels, ceux-ci risquent d’être à la fois moins nombreux et moins disposés à remplir cette fonction d’« #intellectuel_public » qui est pourtant l’une des dimensions possibles, et nécessaires, de leur métier.

      Cela ne veut pas dire que ce travail ne peut se faire et ne se fera pas ailleurs — mais à court et moyen terme, aucune autre institution que celles de l’enseignement supérieur et de la recherche ne peut s’y substituer. Au-delà de l’enjeu social, il y a donc un enjeu démocratique à empêcher la casse de l’université.

      Alors que de nombreux salariés de Mediapart se sont mobilisés depuis le 5 décembre contre la réforme des retraites, l’expérience de la grève nous a aussi appris les nombreux points communs de nos métiers avec ceux de l’enseignement et de la recherche, notamment parmi les travailleurs·ses du numérique. Nous éditons des sites de revues, de médias, des applications et des plateformes en ligne, nous animons quotidiennement des réseaux sociaux, nous gérons le développement et la maintenance des infrastructures web.

      Depuis le mois de décembre, nous nous sommes même coordonnés pour mettre en place des actions collectives originales, rédiger des textes communs et bien sûr manifester ensemble, notamment avec le collectif onestla.tech. Parmi ces actions, les salariés de OpenEditions ont joué un rôle pionnier de la lutte en bloquant de façon inédite l’accès à leur plateforme de publications scientifiques (qui compte 6 millions de visiteurs uniques mensuels) ; les community managers de Mediapart ont à plusieurs reprises occupé leurs réseaux sociaux, une grande partie des salariés s’est mise en grève le 24 janvier et a décidé d’occuper la Une du journal. L’ensemble de ces acteurs a rejoint de nombreux travailleurs du numérique ainsi que le collectif des « revues en luttes » pour réaliser une opération coordonnée de blocage ce même jour (24 janvier).

      Cette grève n’aurait pas eu le même poids sans cette convergence et coordination des acteurs du numérique. Aujourd’hui, dans la continuité de la mobilisation contre la loi LPPR, cette journée du 5 mars s’inscrit comme une étape supérieure de la lutte.

      Le numérique, le web, le digital doivent être des vecteurs du savoir, du partage de connaissance et de l’émancipation humaine. Il ne doit pas être cantonné à un rôle de simple espace abandonné aux règles du marché, à l’exploitation des données personnelles des utilisateurs, ni d’exploitation des travailleurs, souvent invisibles, qui portent les infrastructures à bout de bras. Ce constat vaut pour la recherche, puissant carburant de nos médias et de notre débat public, dont les agents doivent pouvoir rester indépendants et bénéficier d’un cadre de travail protecteur.

      Un collectif de salarié·e·s de Mediapart

      Guillaume Chaudet-Foglia
      Joseph Confavreux
      Chrystelle Coupat
      Renaud Creus
      Géraldine Delacroix
      Lucie Delaporte
      Claire Denis
      Cécile Dony
      Fabien Escalona
      Ana Ferrer
      Maria Frih
      Livia Garrigue
      Mathilde Goanec
      Romaric Godin
      Dan Israel
      Manuel Jardinaud
      Sabrina Kassa
      Karl Laske
      Jade Lindgaard
      Maxime Lefébure
      Gaëtan Le Feuvre
      Mathieu Magnaudeix
      Laurent Mauduit
      Lorraine Melin
      Edwy Plenel
      Alexandre Raguet
      Ellen Salvi
      Laura Seigneur

      https://blogs.mediapart.fr/en-soutien-aux-chercheurs-en-lutte/blog/050320/5-mars-des-salarie-e-s-de-mediapart-soutiennent-enseignants-chercheu

    • "Allô Précaires ?" Écoutez le premier #podcast

      ALLO PRECAIRES ? Ecoutez le premier recueil de témoignages de #précaires de l’ESR ! On est encore tout.e.s ému.e.s…

      Ces témoignages racontent les conditions concrètes de travail à l’Université, mais aussi et surtout leurs répercussions sur le quotidien et la vie familiale et affective. Le #répondeur permet visiblement l’expression des #émotions : parole libre et anonyme, absence de regard extérieur direct.

      En raison du nombre important de demandes de relectures, nous avons choisi de modifier les voix pour garantir l’anonymat (la relecture aurait demandé un lourd travail de retranscription). De plus, il nous a semblé important de conserver l’émotion qui se dégage des différents témoignages.

      Merci d’avoir partagé votre expérience. Tenez bon, le panda reste à votre écoute !
      >> 07.49.07.15.34 << NB : Toutes les voix ont été modifiées pour garantir l’anonymat des témoignages

      https://precairesesrrouen.wordpress.com/2020/03/10/allo-precaires-ecoutez-le-premier-podcast

      Et sur soundcloud :
      https://soundcloud.com/user-10605953-422618281/allo-precaires-podcast1

      #témoignage #témoignages #audio #précarité

    • University community in France mobilizes against proposed research law

      The new multi-annual research programming law (LPPR) proposed by the French government calls for converting permanent researcher posts to contract vacancies based on the tenure of research projects.

      Researchers in France have initiated a massive protest against the new multi-annual research programming law (LPPR) proposed by the French government. The national coordination of “faculties and labs in struggle” started a research strike from March 9, Monday. More than 100 universities and schools, nearly 300 laboratories and 145 scientific journals in the humanities and social sciences have expressed support for the protests called by the national coordination committee of researchers.

      LPPR calls for the conversion of research vacancies in the country into limited period posts based on the tenure of projects carried out by research institutions. Such a move is likely to affect those who work in regular posts and has also created widespread discontent among tens of thousands of researchers and students who currently work in contract/ temporary vacancies, for whom there will be no possibility of regular/permanent jobs in the future.

      On March 5, tens of thousands of researchers had joined the mobilization against the LPPR across the country, with over 20,000 people participating in the protest in Paris alone.

      The ministerial consultations for the new law, announced by French prime minister Édouard Philippe last year, have reportedly concluded and the draft is expected to be introduced by government soon.

      Secretary of the Union of the Communist Students (UEC) Anais Fley told Peoples Dispatch, “The LPPR (Multi-annual research programming law) is a bill that aims to reform the university in the same neoliberal approach. If this bill is adopted, it will deepen inequalities at university, increase competition between researchers and degrade the working conditions of the teacher-researchers as well as the students.”

      “One of the main pivots of this law is to transform research contracts on the basis of projects, without further funding public research, or allowing these projects to be structured over the long term. The consequence of this bill is to make public research even more precarious,” she added.

      Fley also said that faced with this social and scientific regression, the French university community is mobilizing, with university staff, doctoral students and professors on the front line. “Of course, this mobilization resonates with the strikes against the pension reform,” she further stated.

      https://peoplesdispatch.org/2020/03/09/university-community-in-france-mobilizes-against-proposed-research-

    • Le 5 mars l’Université et la recherche s’arrêtent. #10_chiffres pour comprendre

      Grâce au mouvement contre la réforme des retraites, initié par les travailleurs·ses de la RATP et de la SNCF, les facs et les labos sont entrés en lutte dès le mois de décembre 2019, sur cette bataille interprofessionnelle mais aussi sur deux sujets propres au secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche : la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), nouvelle attaque néolibérale (https://www.contretemps.eu/neoliberalisme-universite-dix-citations), et la précarité massive qui touche d’ores et déjà les universités et la recherche, étudiant·e·s et personnels.

      L’économiste #Hugo_Harari-Kermadec, spécialiste de l’enseignement supérieur (https://www.contretemps.eu/universite-marchandisee-entretien-harari-kermadec), rappelle en dix chiffres – et quelques autres – pourquoi l’Université et la recherche s’arrêteront le 5 mars, et pourquoi la lutte va continuer ensuite. Cette liste a été constituée à partir de l’intervention de Marie Sonnette sur France Culture, que l’on pourra (ré)écouter ici (https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/la-recherche-francaise-en-quete-de-modele

      ).

      On pourra également consulter notre dossier : « L’Université saisie par le néolibéralisme, entre marchandisation et résistances » (https://www.contretemps.eu/universite-capitalisme-marchandisation-resistances).

      *

      108 facs et 268 labos en lutte (https://universiteouverte.org/2020/01/14/liste-des-facs-et-labos-en-lutte).

      130 000 vacataires (https://ancmsp.com/lppr-2-smic-pour-les-titulaires-des-cacahuetes-pour) assurent ensemble plus du tiers des cours à l’université, payé·e·s 26 centimes d’euro sous le SMIC.

      300 000 étudiant·e·s supplémentaires en dix ans mais 0€ en plus pour les accueillir. Plus de 40% travaillent en parallèle de leurs études.

      Parcoursup a introduit la sélection en L1 pour au moins 30% des étudiant·e·s (http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/02/27/parcoursup-fin-du-game-cour-des-comptes), et 99% de l’algorithme est opaque selon la cour des comptes.

      1 600% d’augmentation des frais d’inscription (https://universiteouverte.org/2019/04/28/officialisation-de-la-hausse-des-frais-que-retenir-des-decrets) pour les étudiant·es non européen·ne·s en Licence (à 2 770 € /an) et Master (à 3 770 € /an) depuis le décret « Bienvenue en France » (sic) en 2019.

      34 ans en moyenne, c’est l’âge de recrutement des enseignant·es-chercheu·ses.

      3 heures par semaine, soit 9% d’augmentation en moyenne du temps de travail des personnel·les BIATSS des universités, c’est ce qu’exige la Cour des comptes et que promet le gouvernement dans la LPPR.

      57 milliards versés à 10 facs d’élite (#Programme_Investissement_d’Avenir) (https://www.gouvernement.fr/le-programme-d-investissements-d-avenir), c’est la politique « d’excellence » qui produit une université à deux vitesses.

      5 milliards (http://www.groupejeanpierrevernant.info/#FAQLPPR) de moins en cotisations retraites de l’État pour les personnel·les de l’enseignement supérieur et la recherche, c’est ce que la réforme des retraites nous prend sur notre salaire socialisé.

      60 000 postes de titulaires (https://www.c3n-cn.fr/sites/www.c3n-cn.fr/files/u88/Propositions_Comite-national_Juillet-2019.pdf) et 18 milliards d’euros manquants pour l’université et la recherche.

      *
      Lutte généralisée

      108 facs et 268 labos, 30 collectifs de précaires, 134 revues, 16 sociétés savantes, 46 séminaires, 35 sections CNU, 54 évaluateur·trices de l’HCERES, etc., mobilisé·es (décompte du 1er mars) contre la précarité, contre la LPPR et contre la casse des retraites au 22 février. Une lettre contre la LPPR a été signée par plus de 700 directeurs et directrices de laboratoire ont signé une lettre commune.

      Cet argent qui manque

      70 milliards d’euros, c’est-à-dire 3% du PIB, c’est l’engagement des gouvernements successifs pour l’enseignement supérieur et la recherche (2/3 pour l’enseignement supérieur, 1/3 pour la recherche). Mais la dépense publique réelle est loin de cette annonce : au compte au mieux 32 milliards pour l’enseignement supérieur et 20 milliards pour la recherche publique. Il manque donc au moins 18 milliards d’euros par an pour les facs et les labos. Les syndicats demandent une hausse cumulative de 3 milliards par an pendant 10 ans.

      Des moyens concentrés pour les facs d’élite

      Et encore, en 2019, un milliard d’euros de l’ESR relève du Programme Investissements d’Avenir (PIA) qui a attribué en tout 57 milliards d’euros depuis son lancement par Sarkozy en 2010, c’est-à-dire certaines années presque autant que tout le budget de l’ESR, de façon extrêmement inégalitaire en concentrant les moyens dans les établissements déjà les mieux dotés financièrement, les plus réputés et avec la population étudiante la plus favorisée socialement, souvent passée par les classes préparatoires.

      Moins d’une dizaine de regroupements (rassemblant une ou deux universités et des très grandes écoles) ont remporté un Idex dans le cadre de ces investissements d’avenir, soit 800 millions d’euros pour chacun de ces regroupements.

      Une dégradation des conditions d’étude

      A l’autre bout de la hiérarchie universitaire, la majorité des universités, situées en banlieue ou dans des villes moyennes, ont vu leur moyen au mieux stagner depuis une dizaine d’années, alors qu’elles ont pris en charge l’essentiel de la massification du supérieur, le nombre d’étudiant·es augmentant de 300 000, dont 220 000 dans les universités.

      On a donc une baisse du budget par étudiant·e d’au moins 10% dans ces universités[1], alors qu’avec les Sections de techniciens supérieurs (STS) elles prennent en charge l’essentiel de l’accès des classes populaires au supérieur : bacheliers professionnels et surtout technologiques, enfants d’ouvriers ou d’immigrés accèdent plus nombreux au supérieur depuis les années 2000, mais pour une bonne partie d’entre eux·elles dans ces universités qui ne bénéficient pas des politiques d’excellence, et presqu’exclusivement en cycle licence.

      Pour financer une allocation d’autonomie ou un salaire étudiant pour toutes et tous, à 1 000 € par mois et 12 mois par an, 21 milliards d’euros seraient nécessaires. Cela pourrait se traduire par la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale ou par l’intégration de son financement à l’une des branches actuelles. Par exemple, au sein de la branche famille, le financement des 21 milliards d’euros représenterait une hausse d’un peu plus de 3 points des cotisations patronales (voir le dernier chapitre du livre Arrêtons les frais).

      Précarité

      Les facs d’élite comme celles de la massification font face à leur nouvelle mission avec la même stratégie, à savoir la précarisation des personnels : dans les facs d’élite, parce que les financements d’excellence sont des financements à court ou moyens termes, qui ne permettent de recruter qu’en CDD ; dans les autres facs, pour faire face à la hausse du nombre d’étudiant·e·s, donc des besoins d’enseignement, et au manque de moyens, les présidences remplacent les postes de titulaires par des contractuels et surtout des vacataires, payés à l’heure, pour qui reviennent

      130 000 vacataires assurent ainsi ensemble plus du tiers des cours à l’université. Au moins 17 000 d’entre elles et eux font plus de 96 heures équivalent TD, c’est-à-dire un mi-temps d’enseignant·e-chercheu·se, et c’est donc sans doute leur emploi principal. 26 centimes d’euro sous le SMIC, c’est le salaire horaire des vacataires : 9,89 euros brut l’heure de travail effectif.

      Un assèchement de l’emploi public

      4 millions d’heures complémentaires sont assurées par les enseignant·e·s et/ou chercheurs·ses titulaires, soit l’équivalent de 20 000 postes.

      Au CNRS, par exemple, les effectifs de personnels permanents ont diminué de 1 350 en 10 ans, entre 2007 et 2016 ! Dont une majorité de perte d’ingénieur·es et technicien·nes (-900), les emplois de chercheurs·ses reculant de 450 environ. 20% des personnels de la recherche sont précaires (un peu plus chez les IT que chez les chercheu·ses), en particulier employé·e·s sur des CDD liés à des contrats ANR.

      Les effectifs d’enseignant·e·s-chercheurs·ses sont identiques en 2017 (56 700 PR et MCF titulaires) à ce qu’ils étaient en 2012 (56 500), en dépit des 5000 « emplois Fioraso » (Source : MESRI-DGRH, 2018). Sur la même période, les effectifs étudiants dans les universités publiques ont augmenté de 16 %, passant de 1, 41 à 1,64 millions (source : MESRI-SIES, 2018).

      34 ans en moyenne, c’est l’âge de recrutement des enseignant·e·s-chercheurs·ses. Davantage de précaires, moins de postes de titulaires (alors qu’il y avait 2 600 MCF et CR recruté·e·s en 2009, il n’y en avait plus que 1 700 en 2016, et les choses ont empiré depuis), il y a embouteillage dans les concours de maître·sse·s de conférences et de chargé·e·s de recherche et l’âge de recrutement sur un poste permanent ne fait que reculer.

      60 000 postes de titulaires, c’est donc ce qui permettrait de résorber la précarité et de rétablir des conditions de travail et d’étude de qualité pour toutes et tous à l’université.

      730 millions d’euros, c’est ce qui manque pour financer les thèses de doctorant·e·s en LSHS (estimation de la CJC). En effet, dans ces disciplines, c’est 60% de thèses qui débutent sans financement. Elles terminent également très souvent grâce aux allocations chômage. Avec 730 millions, on pourrait financer les 3875 contrats manquants en LSHS. Il en manque sans doute aussi un peu en sciences fondamentales et expérimentales.

      Genre

      Seulement 5% des présidents de regroupement d’établissements, 17% des présidents d’université, 25% des professeurs, 34% des chercheurs sont des femmes. Tous les mécanismes concurrentiels, type appels à projets ou prime, de même que la précarité, renforcent les inégalités de genre.

      LPPR

      3 heures par semaine, soit 9% d’augmentation en moyenne du temps de travail des personnels BIATSS des universités, c’est ce qu’exige la Cour des comptes. Elle regrette d’ailleurs qu’à l’occasion de fusion entre établissements, ce soit parfois le meilleur accord sur le temps de travail qui se généralise ! Le gouvernement a promis de profiter de la LPPR pour réaligner tout le monde vers plus de temps de travail (mais pas vers plus de salaire).

      6 milliards, c’est le coût de préparation et de rédaction des 130 000 projets soumis en pure perte à la Commission européenne dans l’espoir, déçu, d’obtenir un financement européen de la recherche (ERC). Il faudrait ajouter le coût des projets rejetés au niveau national, comme l’ANR français mais aussi les appels à projets d’excellence (IDEX, Equipex, LABEX, etc), et au niveau local avec tous les appels internes aux nombreuses structures universitaires et scientifiques.

      6 milliards c’est aussi le coût du Crédit Impôt Recherche que le gouvernement offre chaque année aux entreprises sans presque aucun contrôle et sans effet notable sur l’emploi scientifique ou l’effort de recherche des entreprises privées).

      Retraites

      42 milliards, c’est ce que l’Etat compte économiser à terme sur le salaire socialisé des fonctionnaires en passant le niveau de cotisation retraite, actuellement à 74,3% dans la fonction publique, à 16,9% dans le futur système « universel » de Macron. Rien que dans l’enseignement supérieur et la recherche, cela représente à terme 5 milliards d’euros de cotisation retraite en moins à verser pour l’Etat, une économie évidement sans commune mesure avec les faibles hausses de revenus promises (essentiellement sous forme de prime, donc inégalitaires).

      Notes

      [1] En euros constant, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est passé de 12,4 milliards en 2008 à 13,4 milliards en 2018, alors que les effectifs étudiants passaient de 2,2 millions à près de 2,7 millions sur la même période. On obtient donc une chute du financement par étudiant·e de pratiquement 10%. https://www.lemonde.fr/blog/piketty/2017/10/12/budget-2018-la-jeunesse-sacrifiee

      https://www.contretemps.eu/10-chiffres-lutte-universite-recherche

    • La Galère de l’ESR - Numéro 2

      Ce journal est écrit par un collectif de précaires de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Il vise à informer nos collègues titulaires et à fournir à tous des éléments factuels pour débattre sereinement des conditions de travail et de l’évolution de la recherche publique française. Ces dix dernières années, d’excellentes initiatives comme Science en Marche ont permis d’établir un diagnostique très complet. C’est à partir de celui-ci, et à l’aide des nombreux rapports gouvernementaux et d’articles de presse, que nous tentons ici, de dresser un constat honnête de nos laboratoires. Cet exposé factuel ne saurait être isolé d’une critique incarnée, tant le rapport au travail pour nos collègues jeunes chercheur(ses) est viscéralement lié à leur vie extra-profesionnelle. Combien aussi le fossé est immense avec certains de nos anciens, qui connurent la titularisation avant même la fin de leur thèse de doctorat. Ceux-là doivent nous entendre, car dans nos murs tout a changé. Cette forme de gazette vise à être facilement diffusée de boîte mail en boîte mail. Mieux, elle se mariera parfaitement aux tâches de cafés de la table de votre salle commune.


      https://seenthis.net/messages/834159

    • Le 8 juillet, tandis que le projet de la LPPR était censé passer devant le conseil des ministres, nous étions à nouveau dans la rue, aux côtés de représentant·es d’autres secteurs en lutte, pour dénoncer une fois de plus la précarisation et la privatisation de l’université et de la recherche publiques.
      Des rassemblements ont eu lieu simultanément dans plusieurs villes en France, notamment à Lyon, à Nice, à Montpellier, à Angers ou à Nantes. A Paris, nous étions plus de 300 à nous retrouver à l’esplanade Pierre Vidal-Naquet.

      Toutes les vidéos des interventions de cette journée festive et revendicative sont à retrouver ici : https://universiteouverte.org/2020/07/09/le-8-juillet-des-facs-et-labos-en-lutte

      En voici quelques extraits :

      « On se bat depuis des mois contre la précarité étudiante, et on pourrait même dire la pauvreté étudiante. Parce que le confinement nous l’a bien fait voir : ce n’est plus de précarité qu’il s’agit, c’est de pauvreté, c’est de gens qui ne peuvent pas manger. » - Sophie, Solidaires Étudiant·es : https://www.youtube.com/watch?time_continue=2&v=X0AKNOETmhU&feature=emb_logo



      « Cette LPPR elle est monstrueuse, c’est l’aboutissement d’un projet ultralibéral de privatisation » - Cendrine Berger, CGT FERC Sup : https://www.youtube.com/watch?v=cGpwIn4OfL4&feature=emb_logo


      « Décidons que nous disons ensemble non à cette précarisation de l’enseignement supérieur, non à cette transformation capitaliste de l’enseignement supérieur, non à ce néolibéralisme qui est là pour détruire tous les espoirs que les intellectuel·les français·es et étrangèr·es ont contribué à construire ensemble et à inscrire dans la constitution. Il faut lutter ensemble, pour que demain soit meilleur pour tout le monde. » - Juan Prosper, membre du syndicat des avocats de France : https://www.youtube.com/watch?v=2xlWAZ-tz28&feature=emb_logo


      « On n’a pas d’autre choix actuellement que de lutter, et de lutter ensemble, parce que nos luttes s’articulent toutes, parce que notre problème c’est le même, c’est toujours ce même paradigme qui cherche à gérer tout ça, c’est le néolibéralisme qui est là partout, et la privatisation de tout ce qui a fait le fondement de notre nation » - Cherine Benzouid, cardiopédiatre à l’hôpital Robert-Debré et membre du collectif inter-hôpitaux : https://www.youtube.com/watch?v=EZT_U51rCgc&feature=emb_logo


      « Ce que je vous propose là, c’est que nous soyons uni·es, que nous soyons vraiment des combattant·es pour éclaircir notre avenir. » - Monique Pinçon-Charlot, sociologue, ancienne directrice de recherche au CNRS : https://www.youtube.com/watch?v=iiZ--aR3IiY&feature=emb_logo

      Reçu via la mailing-list Facs et labos en lutte, le 17.07.2020

  • Une #relève académique en #souffrance

    Il est urgent que le Conseil fédéral, le FNS, les universités et HES prennent au sérieux le #mal-être profond des doctorants, post-doctorants, enseignants et chercheurs, et qu’ils en tirent les conséquences en matière de #politique_de_la_recherche, écrivent cinq post-doctorants en sociologie de l’Université de Neuchâtel.

    Le monde académique est devenu un environnement de #travail toxique. L’article de la Tribune de Genève intitulé « Burn-out en série chez les chercheurs genevois » (https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/burnout-serie-chercheurs-genevois/story/10365762) (8.1.2020) offre un témoignage éclairant sur une réalité méconnue. Il souligne que les #conditions_de_travail très précaires sont le lot commun des doctorant-e-s, post-doctorant-e-s et autres enseignant-e-s et chercheurs-euses réuni-e-s sous l’appellation de « #corps_intermédiaire » – et ce pendant de longues années : contrats à durée déterminée et à temps partiel, salaires insuffisants, dépendance personnelle aux professeur-e-s, problèmes de management, inégalités de traitement, harcèlement, multiplication des #burn-out. Mais comment en est-on arrivé là ? Cette réalité relève d’un #problème_structurel qu’il est nécessaire de prendre à la racine afin d’y apporter des réponses.

    L’#effet_Bologne

    Le système académique international a connu une restructuration profonde avec la mise en place du #processus_de_Bologne. Celui-ci a permis de créer un espace européen de l’enseignement supérieur en mettant en #concurrence les universités. Dans ce contexte, le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) se donne pour mission d’encourager la #compétitivité et la mise en réseau de la recherche scientifique suisse au niveau international (art. 1 de ses statuts). Au sein des universités et hautes écoles spécialisées (HES), dont la marge de manœuvre se réduit, cela s’est traduit par une mise en concurrence extrême des chercheurs-euses à l’échelle internationale. Pour espérer trouver une stabilité professionnelle après le doctorat, il est désormais indispensable de disposer d’articles dans des revues prestigieuses, évalués de façon anonyme, suivant un processus long et pénible. Sans compter que l’#anglais (et la forme d’#écriture_scientifique_standardisée) a pris le dessus sur les langues nationales. Individualisée, la #performance est mesurée d’après des critères précis, qui imposent à chaque chercheur-euse d’indiquer explicitement dans son CV sa « #productivité_scientifique » (sic). L’#impact_factor (citations des travaux par les pairs) détermine toujours les chances d’obtention d’une chaire, peu importe s’il conduit à l’auto-référentialité ou à la multiplication d’articles sans plus-value pour la science.

    Les effets de cette #mise_en_concurrence sont néfastes tant pour la #santé des chercheurs-euses que pour la qualité des connaissances produites. Les #rapports_de_travail se dégradent fortement. Il n’est pas rare qu’un-e collègue de bureau soit vu-e comme un-e concurrent-e direct-e. Pour répondre aux critères d’éligibilité, il faut travailler régulièrement le soir et le week-end. L’injonction d’une #mobilité_internationale favorise des profils conjugaux particuliers, au risque d’impliquer le renoncement à une #vie_familiale et d’accroître les #inégalités_de_genre. Les burn-out en série – qui connaissent une forte hausse généralisée (NZZaS, 12.1.2020) – témoignent de la #solitude dans laquelle les #souffrances sont vécues. Une situation renforcée à l’#université par l’absence d’organisations de défense collective de type syndical.

    Les mécanismes de concurrence

    Pour ces différentes raisons, il nous semble de plus en plus urgent que le Conseil fédéral, le FNS, les universités et HES prennent au sérieux ce mal-être profond et qu’ils en tirent les conséquences en matière de politique de la recherche. Un premier pas vers des mesures concrètes pouvant éviter que le travail académique ne porte atteinte à la santé et à la vie familiale consisterait à réduire les mécanismes de mise en concurrence des chercheurs-euses. Le développement d’un statut intermédiaire stable et la limitation des #financements_par_projet doivent être sérieusement envisagés. La réflexion devrait également questionner l’impératif d’une mobilité internationale (lorsqu’elle se fait contre la volonté des chercheurs-euses) et une course à la #productivité à tout prix.

    Daniel Burnier, Nicola Cianferoni, Jacinto Cuvi, Thomas Jammet, Miriam Odoni (post-doctorant-e-s en sociologie, Université de Neuchâtel)

    https://www.letemps.ch/opinions/une-releve-academique-souffrance
    #Suisse #université #science

    –-

    ajouté à cette métaliste sur la #précarisation de la #carrière des enseignant·es-chercheur·es dans les universités suisses.
    https://seenthis.net/messages/945135

    • « Burn-out » en série chez les chercheurs genevois

      Il arrive que l’Université se transforme en machine à broyer. Doctorants et chercheurs témoignent.

      Yvan* aurait aimé terminer son doctorat « par une invitation à lecture publique ». Las. Alors qu’il lui restait encore un an pour achever une thèse en sciences politiques entamée en 2016, ce Genevois de 31 ans a dit « stop » il y a quelques semaines. Il s’en explique dans un long message sur Facebook, suscitant une avalanche de commentaires. Il y dénonce la condition « très précaire » des chercheurs et la « culture de travail toxique » à l’œuvre selon lui au sein de l’Université de Genève (UNIGE).

      En trois ans, Yvan a découvert « les coulisses du monde académique ». Du moins celles de la Faculté des sciences de la société. « Et ce n’est pas beau à voir, écrit-il. Des collègues surexploités et surmenés dont on peut voir dans leur regard qu’ils ne dorment pas assez la nuit. Une anxiété insidieuse et une dépression présente partout, à quoi s’ajoutent des burn-out en série. »

      Jungle de contrats

      Les départs « abrupts » font toutefois figure d’exception, tient à préciser l’UNIGE. Brigitte Galliot, la vice-rectrice en charge des relations humaines, explique qu’elle demande à voir toutes les lettres de démission. « Nous cherchons à déterminer si l’encadrement n’a pas été satisfaisant », assure-t-elle.

      Dans son appartement de la Servette, Yvan se souvient de son premier jour en tant que doctorant. « Je n’avais pas de bureau, pas d’assignation, aucune personne de contact. Je ne savais pas quoi faire. J’ai fini par m’asseoir à la place d’une personne qui était absente. » Son contrat de recherche mentionne un 70% rémunéré 3920 francs brut par mois. « Comme premier salaire, on se dit que 4000 francs, c’est bien. Mais quand on soustrait les charges et avec le coût de la vie à Genève, il ne reste pas grand-chose. » Exemple de cette précarité : il est rare que les étudiants vivent seuls. La plupart sont en colocation ou emménagent avec leur copain ou copine.

      Débute la quête de financements complémentaires. Un sport national à l’université. « On te dit : ne t’en fais pas, signe déjà ce contrat à temps partiel, et ensuite on trouvera quelque chose », explique Yvan. De fait, les 2300 doctorants évoluent dans une « véritable jungle de contrats ». Durant un semestre, Yvan a même hérité d’un 5%. Le pourcentage varie, le type de contrat également. Certains sont financés par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), d’autres par le Département de l’instruction publique (DIP). Ces derniers donnent droit à une annuité, qu’il est conseillé de négocier habilement.

      Finir sa thèse au chômage

      Yvan poursuit : « Tu es toujours en train de chercher un bout de contrat pour boucher le prochain trou. Quand tu ajoutes à cela le manque de suivi et de reconnaissance inhérente au milieu universitaire, ça devient infernal. » Un premier burn-out survient en 2017. « Je ne l’ai pas fait parce que je bossais trop mais en raison de cet environnement toxique. »

      Yvan retrouve son bureau six mois plus tard. La perspective de devoir effectuer la dernière année de sa thèse au chômage semble inéluctable. « C’est très fréquent. On t’engage pour trois ou quatre ans et si tu n’as pas fini ton doctorat, on te dit que tu le peux terminer au chômage. » Le chômage devient un « outil pour pallier le manque de financement », dénonce Yvan. Qui raccroche définitivement en novembre.

      Ce tableau très noir est le propre de très nombreuses universités en Suisse et à l’étranger. Dans l’ultracompétitif monde académique, c’est « up or out » : soit on progresse, soit on sort. Mais certains mettent des années à s’en extraire, guettant le prochain contrat dans l’espoir de décrocher ensuite un poste de professeur. À y regarder de plus près, les doctorants sont encore les mieux lotis. La situation peut devenir « catastrophique » pour ceux qui restent dans le giron universitaire par la suite : les postdoctorants, les assistants, les chargés de cours et les maîtres d’enseignement. On appelle cela le corps intermédiaire. À l’UNIGE, il dénombre 3760 personnes, contre seulement 766 professeurs, les seuls à disposer d’un contrat fixe et à temps plein.

      « Système seigneurial »

      Pour accéder à ce « Graal », Cristina Del Biaggio a dû se résoudre à quitter Genève. Cette Tessinoise de 42 ans y avait fait son doctorat, puis enchaîné les contrats. « Vingt au total entre 2007 et 2017 », détaille celle qui officie désormais comme maîtresse de conférence à l’Université de Grenoble, en montrant son attestation. On y remarque qu’elle est passée une fois de la classe23 à la 19. « J’ai donc reculé de classe salariale. Était-ce bien légal ? » s’interroge-t-elle.

      Les étudiants dépendent de leurs professeurs, relais inévitables pour obtenir un nouveau financement ou soumettre un projet de recherche. Un « système seigneurial », selon Yvan. « Quoi que tu fasses, tu dois passer par ton seigneur », dit-il. Il vaut donc mieux s’entendre avec lui, même si son pouvoir s’avère souvent limité.

      Pour « joindre les deux bouts », mais aussi parce qu’elle n’a jamais vu le monde universitaire comme « une fin en soi », Cristina Del Biaggio s’engage en parallèle pour l’association Vivre Ensemble. La crise des politiques migratoires bat alors son plein et la géographe s’exprime régulièrement dans les médias. « J’y étais plus utile. Je n’ai jamais été dans cette logique de course à la publication pour des revues inaccessibles qu’imposent les universités. »

      Liberté académique

      Les « inégalités de statut » et l’opacité ambiante font partie des défis de l’Agrass, l’Association pour la relève académique de la Faculté des sciences de la société. « Il y a énormément de disparités, relève d’emblée Davy-Kim Lascombes, de l’Agrass. Entre les facultés mais aussi entre les différents départements. » Les cahiers des charges peuvent varier sensiblement d’un assistant à l’autre.

      Ces inégalités, le rectorat les déplore, tout en rappelant que les neuf facultés jouissent de « beaucoup d’autonomie ». « C’est à elles de faire le ménage chez elles », relève la vice-rectrice Brigitte Galliot. En vertu de la notion de la liberté académique, les étudiants ont en principe le droit de faire un doctorat sans être payés. Il revient toutefois au directeur de thèse de veiller aux conditions de financement. « Nous nous bagarrons contre les professeurs qui prennent douze étudiants et ne peuvent pas les payer. Certaines facultés, comme les sciences et la médecine, refusent d’inscrire des doctorants non financés », insiste Brigitte Galliot.

      Entre 2007 et 2011, Simon Anderfuhren a rédigé une thèse sur les questions de motivation au travail. Il aborde la gestion des ressources humaines et le burn-out. « J’ai consacré une bonne partie de mon temps à enquêter sur des choses dont, par ailleurs, j’ai été témoin », constate ce quadragénaire. Pour lui, l’aventure universitaire s’achève en 2016 par deux ans de chômage et six mois sans salaire. En « valorisant » ses charges de cours, Simon Anderfuhren est aujourd’hui en passe de réussir sa reconversion dans l’enseignement. « L’université est un milieu qui n’est pas habitué à la souffrance au travail », dit-il.

      Problèmes de harcèlement

      Cristina Del Biaggio va plus loin. Selon elle, la précarité devient un « terrain fertile » pour le harcèlement. Des affaires qui n’ont pas épargné l’UNIGE ces dernières années. « Cela tombe toujours sur des personnes précaires. Car elles ont souvent peur de parler et de ne pas voir leur contrat renouvelé », avance Cristina Del Biaggio. Elle regrette le manque de formation des professeurs. « Ils se retrouvent à gérer des carrières universitaires, sans pour autant avoir des compétences managériales avérées », complète Simon Anderfuhren.

      Le rectorat rappelle que la « cellule confiance » est à la disposition de ceux qui veulent faire part, en toute confidentialité, d’un problème de harcèlement ou de sexisme. « Un soutien psychologique et non juridique », regrette Davy-Kim Lascombes. Une charte universitaire du doctorat est par ailleurs en préparation. « C’est une période où les étudiants peuvent être vulnérables s’ils se retrouvent avec un seul superviseur, reconnaît Brigitte Galliot. L’objectif, c’est qu’ils soient évalués par trois personnes à la fin de la première année. » La vice-rectrice ajoute que depuis deux ans, les nouveaux professeurs doivent suivre une formation de management en milieu académique.

      Plus de contrats stables

      En septembre, les représentants du corps intermédiaire ont présenté au rectorat le rapport 2018 « Next Gen » de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales. Parmi ses recommandations, la hausse du nombre de contrats stables. « Tout ce qu’a proposé le rectorat, c’est la création d’un groupe de travail », regrette Davy-Kim Lascombes. Brigitte Galliot : « Si l’on veut que l’Université crée des postes d’enseignements en CDI, il faut revoir son organisation et que les moyens alloués augmentent en conséquence. »

      De leurs années à l’UNIGE, Cristina Del Biaggo et Simon Anderfuhren gardent quand même un bon souvenir. « On sait pertinemment que tout le monde ne peut pas faire carrière. On connaît les règles du jeu. Mais on continue à y jouer », médite Simon Anderfuhren. Cristina Del Biaggio se remémore son dernier jour : « Cela faisait dix ans que j’y travaillais et je ne savais pas à qui donner la clé de mon bureau. J’ai fini par la laisser dans un casier. » D’une moue, elle ajoute : « Ce jour-là, personne ne m’a dit au revoir, ni merci. »

      *Identité connue de la rédaction

      https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/burnout-serie-chercheurs-genevois/story/10365762
      #santé_mentale

      –-> vous allez voir mon nom apparaître dans cet article dans lequel j’ai témoigné...

    • Malaise dans la recherche

      En ce mois de janvier, les langues se délient sur les conditions des chercheur-e-s en Suisse. Le Temps publie le 23 janvier le constat d’une équipe de post-doctorant-e-s de l’Université de Neuchâtel qui enjoint les instances responsables de la recherche de revoir leur politique, ou du moins de prendre conscience des conséquences qu’elle provoque (“Une relève académique en souffrance“). Quelques jours avant (08.01.2020), La Tribune de Genève informait sur les burn-out qui touchent les chercheur-e-s genevois-e-s (“Burn-out en série chez les chercheurs genevois“).

      Oui, le #malaise est là et les causes sont connues de toutes et tous, surtout de celles et ceux qui les vivent ! Pourtant, il n’est pas si aisé de faire part de son malaise, de peur des conséquences, c’est-à-dire de péjorer encore plus sa propre situation !

      Pour l’étudiant-e qui souhaite entreprendre un doctorat, le système suisse est performant et encadrant : écoles doctorales, ateliers divers aidant à entrer dans les métiers de la recherche, soutien financier pour se rendre à des colloques internationaux, aller se former un semestre à l’étranger ou effectuer des recherches de terrain, aides à la publication, etc. Durant ces années de formation, on apprend à devenir chercheur-e dans toutes ses dimensions, y compris celle de l’enseignement. Le travail intense (qui comprend régulièrement vacances et week-ends) fait déjà partie du jeu…Mais il faut bien admettre qu’il est impossible d’achever une thèse si, à un moment donné, on ne vit pas uniquement pour son travail de recherche…

      Les vrais ennuis surviennent après l’obtention du doctorat. Votre contrat ou votre bourse sont terminés, vous n’êtes plus affilié-e à aucune institution, mais il vous faut redoubler d’effort, car la vraie #compétition commence ! Ou vous vous retirez du jeu et essayez d’intégrer le monde professionnel, ce qui, quoi qu’on en dise, est très compliqué si vous vous êtes construit un profil de chercheur-e durant la thèse et implique souvent une formation complémentaire (nombreux sont ceux et celles qui se tournent vers la Haute école pédagogique par exemple…ce qui est, à juste titre, très mal vécu après des années d’étude !). Soit vous restez dans le jeu. Et c’est à ce moment-là qu’il faut devenir une bête de concours et être en mesure de cocher le plus de cases possible : prix, mobilité, publication de la thèse, articles dans des revues prestigieuses, réseau international, participation à des congrès internationaux, organisation de colloques, etc., etc., la liste est longue et augmente à chaque nouvelle demande et au fur et à mesure des années. Puisqu’il est un élément important à prendre en considération, la date de soutien de la thèse qui devient votre an zéro. A partir de là, votre cv doit obligatoirement s’allonger, c’est indispensable pour rester dans la course. Actuellement, il doit même comporter une dimension “utile à la société”, c’est-à-dire que vous devez être à même de justifier d’activités mettant en lien votre recherche et la société dans son ensemble : activités de vulgarisation, organisation d’expositions ou d’événements culturels, participation à des concours, etc. (voir un précédent article sur ce blog : https://blogs.letemps.ch/nadia-cattoni/2019/06/05/le-metier-de-chercheuse-en-etudes-indiennes).

      Toutes ces activités post-doctorat peuvent être menées soit par le biais de bourses du FNS (Fonds national suisse pour la recherche scientifique), soit en étant engagé-e par une université pour un poste appartenant au corps intermédiaire, souvent à temps partiel et généralement pour une durée déterminée. Et c’est bien là que le bas blesse, dans le cumul de contrats précaires sur une longue durée et parfois pour toute la carrière, lorsque l’accès au statut de professeur-e n’a pu être possible (pour des raisons qu’il serait trop long d’expliciter ici).

      A l’entrée dans le monde de la recherche académique, le-la chercheur-e est tout à fait conscient-e que ce qui est recherché est l’#excellence. Il faut travailler dur, il faut être passionné-e, il faut donner de son temps et dans certaines périodes, tout son temps, il faut répondre à un certain nombre de critères, qui ne sont pas inutiles, mais qui permettent de faire avancer la recherche. En prenant cette voie, tout-e chercheur-e est d’accord avec cela, pour une simple raison qui est la #passion. La passion pour ce que l’on fait. On est aussi le plus souvent d’accord de passer par la case mobilité, car on sait pertinemment combien notre recherche est susceptible de profiter de cette mobilité. A noter cependant que dans cette mobilité, aucun soutien logistique n’est fourni par les institutions suisses.

      Mais ce qui mène au burn-out, à la dépression ou à un profond #mal-être, ce n’est pas tant la #surcharge_de_travail, mais c’est surtout le statut précaire de chercheur-e et le fait de pouvoir à tout moment se voir complètement exclu du champ pour lequel on a tant travaillé. Dans quel autre domaine reste-t-on sur le carreau après tant de compétences accumulées et reconnues (puisque financées et récompensées) ?

      Le problème relève bien du politique. Veut-on vraiment financer des chercheur-e-s pour qu’ils-elles fassent des doctorats, des post-doctorats à l’étranger, des publications en open-access, puis leur dire au bout de dix ans, alors qu’ils-elles sont ultra-spécialisé-e-s et ultra-formé-e-s, que la recherche scientifique suisse n’a pas besoin d’eux ? Où doivent-ils-elles aller ? A l’étranger ? Au chômage ? Doivent-ils-elles se contenter d’un emploi à temps partiel sous-évalué, lorsqu’ils-elles en ont un ?

      Les chercheur-e-s de l’Université de Neuchâtel pointent du doigt la mise en concurrence : “Un premier pas vers des mesures concrètes pouvant éviter que le travail académique ne porte atteinte à la santé et à la vie familiale consisterait à réduire les mécanismes de mise en concurrence des chercheurs-euses. Le développement d’un statut intermédiaire stable et la limitation des financements par projet doivent être sérieusement envisagés.”

      La #mise_en_concurrence en vue de l’excellence est un mécanisme largement utilisé, dans d’autres domaines également : musique, danse, sport. Je pense qu’elle est bénéfique en début de carrière car elle permet une implication totale et fait ressortir le meilleur des potentialités. Mais elle est destructrice sur le long terme et comporte de nombreux effets pervers (voir l’article pré-cité) ! Un-e danseur-se qui gagne des concours se voit offrir une place dans une compagnie de ballet. Il-elle ne sera peut-être jamais danseur-se étoile, mais il-elle pourra travailler et si ses performances seront toujours évaluées, il lui faudra une grande baisse de performance pour être rejeté-e. Le chercheur-e quant à lui-elle, passe des concours à intervalles réguliers, parfois sur une carrière entière et avec des périodes sans financement aucun. Comment travailler avec cette #pression et cette #instabilité dans un domaine où le temps long nourrit la réflexion et est indispensable à une recherche de qualité ? Veut-on réellement faire de la précarité le lot des chercheur-e-s suisses ?

      https://blogs.letemps.ch/nadia-cattoni/2020/02/02/malaise-dans-la-recherche

    • J’ai demandé à des chercheurs étrangers pourquoi ils étaient venus en France. Ils viennent chercher la stabilité de l’emploi et la liberté académique. Ils veulent un cadre stable pour pouvoir prendre des risques. C’est quelque chose que le système anglo-saxon ne permet pas car tout est remis en cause tous les cinq ans pour chercher de nouveaux financements. Ce qui rend la France attractive, ce n’est pas le salaire, c’est le cadre.

      https://www.liberation.fr/france/2020/01/31/on-ne-peut-pas-reformer-la-recherche-sans-les-chercheurs_1776027

    • #Actionuni der Schweizer Mittelbau. Representing scientific staff in Switzerland

      actionuni der Schweizer Mittelbau / actionuni le corps intermédiaire académique suisse / actionuni il collegio intermediario academico svizzero represents young researchers as well as the associations of non-professorial academic staff of the Swiss cantonal universities, the Federal Institutes of Technology, the Swiss Universities of Applied Sciences, and the Swiss Universities of Teacher Education on the Swiss national as well as the international level. actionuni’s objectives are to improve the academic career tracks and to coordinate the activities of the Swiss associations of non-professorial academic staff.

      http://www.actionuni.ch
      #jeunes_chercheurs #jeune_recherche

    • Des doctorants suisses réclament de meilleures conditions de travail

      En publiant dimanche dernier, “Prise de Positions concernant L’Encouragement de la Relève Académique dans les Hautes Écoles Suisses“ (http://www.actionuni.ch/wp-content/uploads/2019/02/PP_FRE_V1.pdf), Actionuni, organisation représentante de jeunes chercheurs en Suisse, appelle à de meilleures conditions de travail pour les doctorants.

      Leur position paper liste 8 revendications :

      Diversification des Parcours Professionnels au sein des Hautes Écoles et Carrières Alternatives, avec des profils alternatifs, à durée indéterminée, et ne dépendant pas d’une chaire.
      Gestion Professionnelle du Personnel.
      Profil double „Recherche/Pratique“, pour dépasser le dogme du « up or out ».
      Transparence des Parcours Professionnel.
      Renforcement des hiérarchies horizontales et des modèles de travail inclusif.
      Temps Minimal de Recherche : la recherche doit être considérée comme une activité professionnelle donnant droit à une rémunération au même titre que n’importe quelle autre prestation. La recherche devrait représenter au moins 60% de temps absolu des doctorants, qui devraient également se voir accorder des semestres de recherche rémunérés.
      Des carrières Compatibles avec la Vie de Famille et autres Obligations.
      Droits de Participation aux choix des établissements en matière de stratégie et de règlements.

      Ce qui ressort principalement de cet appel, c’est une critique de la précarité des doctorants et la centralité de la recherche dans leur pratique. Pour la rectrice de l’Université de Lausanne, l’université n’a pas vocation à faire de la recherche, ni les moyens de contenter en postes stables tous les appétits de recherche, et doit se concentrer sur la formation (https://www.rts.ch/info/suisse/10244473-les-doctorants-de-suisse-reclament-de-meilleures-conditions-de-travail. ).


      https://academia.hypotheses.org/5087

    • Les doctorants de Suisse réclament de meilleures conditions de travail

      Les doctorants de Suisse se plaignent de leurs conditions de travail, qu’ils estiment néfastes pour la recherche et l’innovation. Dans un papier de position publié dimanche, ils demandent davantage de contrats à durée indéterminée.

      Dans son article, Actionuni, la faîtière des associations de chercheurs des hautes écoles suisses, revendique également une organisation compatible avec la vie de famille.

      « C’est difficile de se lancer dans un boulot si vous savez que, potentiellement, dans un an, ou même dans trois ans, il sera terminé. Ce sont des postes instables et souvent mouvants. Il faut tout le temps déménager, on vous pousse à le faire pour des critères d’excellence. C’est compliqué à gérer », explique Maximilien Stauber, secrétaire général de l’association ACIDUL à l’Université de Lausanne.

      Pour lui, un réel problème de précarité financière et de l’emploi subsiste : « Nous voulons que davantage de postes avec des durées indéterminées soient ouverts et qu’un temps minimal soit réservé pour la recherche. Dans ces emplois, il y a aussi souvent des tâches administratives et d’enseignement. A Lausanne, le temps minimal pour la recherche est de 50%, la faîtière propose maintenant 60%. »
      Mission de formation

      « Je comprends ces revendications. Le métier de la recherche est extrêmement dur, mais il me semble que la mission de l’université est avant tout de former les gens et pas de les employer pour faire de la recherche », estime la rectrice de l’Université de Lausanne Nouria Hernandez.

      « Il faut se rendre compte qu’il y a beaucoup plus de chercheurs et d’étudiants qui veulent faire de la recherche que de postes stables. Même si nous doublons ou triplons ce type de postes, cela va toujours être le cas », assure la biologiste.

      https://www.rts.ch/info/suisse/10244473-les-doctorants-de-suisse-reclament-de-meilleures-conditions-de-travail.

    • Dans les universités suisses, huit chercheurs sur dix n’ont pas de contrat fixe

      Dans le système académique suisse, seuls les professeurs bénéficient de postes fixes, à quelques exceptions près. Après l’obtention d’un doctorat, ceux qui veulent poursuivre une carrière dans la recherche et gravir les échelons vers ce statut tant convoité cumulent souvent pendant de longues années des contrats à durée déterminée. Ils forment une armée de chercheurs qui enseignent et publient, sans qui la « machine universitaire » ne tournerait pas, mais qui se battent avec des conditions de travail difficiles et des perspectives incertaines

      Pourquoi on en parle. Les incertitudes liées aux carrières dans la recherche universitaire ne sont pas nouvelles, ni propres à la Suisse. Mais le nombre de doctorants en Suisse augmente, ce qui accroît la pression sur le système et accentue la précarité. En 2018, les universités suisses ont décerné 4164 doctorats, contre 3100 en 2005. Les Académies suisses des sciences ont consacré l’an dernier un important rapport à ce sujet sensible. Et la pression est montée d’un cran ce printemps, avec la publication d’une série de revendications de la faîtière des associations de chercheurs, Actionuni.

      https://www.heidi.news/articles/dans-les-universites-suisses-huit-chercheurs-sur-dix-n-ont-pas-de-contrat-fi

    • Ein Königreich für einen Lehrstuhl

      Sie sind die neunzig Prozent, die den akademischen Betrieb aufrechterhalten: Berichte aus dem Inneren eines Systems, das aus der Perspektive des wissenschaftlichen Nachwuchses so nicht länger funktionieren darf.

      «Das hätte auch bei uns passieren können» – ein Satz, der immer wieder fällt. Gemeint sind die eskalierenden Konflikte an der ETH Zürich, die mit Mobbingvorwürfen von Doktorierenden am Astronomielehrstuhl begannen.

      Geäussert haben den Satz Mittelbauangehörige verschiedener Deutschschweizer Universitäten. Denn dieselben Probleme wie an der ETH dräuen auch an den Unis in Basel, Bern, Zürich, Luzern und St. Gallen. Das geht aus internen Dokumenten und zahlreichen Gesprächen mit Doktorierenden, Postdocs und wissenschaftlichen MitarbeiterInnen dieser Universitäten hervor. Sie waren nur unter Zusicherung absoluter Anonymität überhaupt bereit zu reden (Mittelbauangehörige werden hier als MBAs zitiert), weil ihre akademische Karriere andernfalls ein abruptes Ende nehmen könnte.

      Dabei stellt niemand von ihnen eine Einzelperson an den Pranger – die Probleme, unter denen primär der akademische Nachwuchs leidet, haben strukturelle Wurzeln. Und auch für die ProfessorInnen, das betonen viele aus dem Mittelbau, funktioniere dieses System immer weniger. Gemeint ist das Deutschschweizer Universitätsmodell mit seinen «Grossordinariaten», das im internationalen Vergleich anachronistisch, ja feudalistisch anmutet: Wenige, üppig ausgestattete Lehrstühle vereinen sämtliche Macht auf sich; die ProfessorInnen, die sie besetzen, sind auf Lebenszeit gewählt und gebieten über ein Heer von Nachwuchsforschenden – sie stellen neunzig Prozent des wissenschaftlichen Personals –, das unter höchst prekären Arbeitsbedingungen den universitären Betrieb aufrechterhält. Prekär bedeutet erst einmal: befristet angestellt, meist zu fünfzig Prozent bezahlt, aber hundert Prozent arbeitend, oft auch abends und am Wochenende.
      Das akademische Prekariat

      «Wer ein akademisches Karriereziel vor Augen hat, der kommt mit einer 42-Stunden-Woche nicht weit», so Thomas Grob, Vizerektor der Uni Basel, im hausinternen Magazin vom April 2019. Er reagierte auf eine breit angelegte Umfrage unter Doktorierenden und Postdocs, in der vierzig Prozent angeben, während ihres bezahlten Arbeitspensums keine Zeit für die eigene Forschung zu haben, mit der sie sich für die nächste Karrierestufe qualifizieren müssen. Im Schnitt wenden die Befragten über das bezahlte Pensum hinaus sogar noch einen Arbeitstag zusätzlich pro Woche zur Bewältigung von Arbeiten für den Lehrstuhl auf: Sie erledigen administrative Aufgaben, betreuen Studierende, unterrichten, korrigieren Prüfungen und helfen in anderen Projekten mit.

      Ähnliche Umfragen zur Arbeitssituation von Doktorierenden und Postdocs organisierte der Mittelbau in den letzten Monaten und Jahren auch an den anderen Deutschschweizer Unis. Mit praktisch deckungsgleichen Resultaten – obwohl sich die Rahmenbedingungen zwischen den Fakultäten, Instituten und einzelnen Lehrstühlen zum Teil stark unterscheiden. Sie zeigen: Prekär bedeutet auch, dass die befristete Anstellungsdauer oft zu kurz ist, um erfolgreich zu doktorieren oder sich zu habilitieren. Meist ist man auf drei Jahre hinaus angestellt, mit der Option auf Verlängerung um maximal drei weitere Jahre. In Basel erhalten Doktorierende sogar bloss einen einjährigen, Postdocs einen zweijährigen Vertrag, den sie um drei respektive vier Jahre verlängern können. Vier von fünf bekommen allerdings, wenn überhaupt, eine Verlängerung von einem Jahr oder weniger.

      Prekär bedeutet darüber hinaus: Der Lohn reicht kaum zum Leben – zumal, wenn man in der Stadt wohnt oder bereits eine Familie gegründet hat. In Luzern etwa hatte zum Zeitpunkt der Umfrage jedeR zweite Oberassistierende Kinder, der Bruttojahreslohn von 50 000 Franken genügte indes niemandem, um die Familie zu ernähren. Und familiäre Betreuungspflichten lassen sich, das betonte über die Hälfte aller Befragten mit Kindern, kaum mit einer wissenschaftlichen Qualifikation vereinbaren.

      Zunehmend prekär – namentlich mit Blick auf eine alternative Berufskarriere – wirkt sich auch die biografisch späte Selektion aus. «Über viele Jahre wissen bestens qualifizierte Akademikerinnen und Akademiker im Alter von 35–45 Jahren nicht, ob sie eine gesicherte Existenz an einer Hochschule oder im Wissenschaftssystem im Allgemeinen erreichen werden», hält der Report «Next Generation: Für eine wirksame Nachwuchsförderung» (2018) der Akademien der Wissenschaften Schweiz fest. Denn an Deutschschweizer Universitäten gibt es nur einen einzigen Karriereweg: «up or out» – rauf oder raus. Drei von vier Postdocs streben eine Professur an, aber nur jedeR zehnte unter ihnen schafft es tatsächlich, einen Lehrstuhl zu ergattern.

      Vor diesem Hintergrund bezeichnen MBAs den Rekrutierungspool, in dem sie selber schwimmen, als «Haifischbecken». In der Selektion sei die viel beschworene wissenschaftliche «Exzellenz» kein entscheidendes Kriterium – andere Kompetenzen seien gefragt: die Bereitschaft, sich auf prekäre Arbeitsbedingungen einzulassen, sich finanziell einzuschränken, sich selbst auszubeuten und unsichere Zukunftsperspektiven auszuhalten. «Wer im System überlebt, entspricht einem gewissen Typus Mensch: Haie, die ellbögeln, sich nur um sich selbst kümmern und gleichzeitig kuschen und das System nicht hinterfragen», bilanziert eine MBA.
      Alles QuerulantInnen

      Wer sich wehrt, auch darin sind sich MBAs verschiedener Unis einig, gilt rasch als QuerulantIn. Mitunter genüge bereits ein «kritisches Nachfragen», um dieses Label zu erhalten, sagt einer. Und seit an einem Kollegen «ein Exempel statuiert» worden sei, herrsche im Mittelbau seiner Uni ein «Klima der Angst». «Dieses System bietet viel Platz für Willkür. Und dieser Willkür werden keine Grenzen gesetzt von denjenigen, die es könnten: den Professoren. Sie haben alle Macht, aber eine verschwindend geringe Zivilcourage.» Auch an anderen Unis lautet die Diagnose ähnlich: Die ProfessorInnen getrauten sich nicht, einander auf die Finger zu klopfen – sei es «aus Angst, als Nestbeschmutzer zu gelten», sei es im Wissen darum, sich so selbst zur Zielscheibe zu machen.

      Im universitären Feudalsystem ist die Macht der ProfessorInnen quasi absolut. Jeder Lehrstuhl, jedes Institut, jede Fakultät ist ein kleines Königreich für sich, über das die ProfessorInnen im Rahmen der universitären Selbstverwaltung uneingeschränkt herrschen. Sie verfügen nicht nur über die Mittel, aus denen sie das wissenschaftliche Personal finanzieren, sondern bestimmen auch über die Pflichten und Rechte der damit Angestellten. Der Institutsleiter, die Fakultätsdekanin sowie der Unirektor sind bloss auf Zeit gewählt und werden aus den eigenen Reihen rekrutiert.

      Ähnlich absolut ist umgekehrt die Machtlosigkeit der Assistenten, Oberassistentinnen und wissenschaftlichen MitarbeiterInnen respektive ihre Abhängigkeit von einzelnen ProfessorInnen – eine Art Leibeigenschaft, um im Bild des Feudalsystems zu bleiben. Dieser Professor – in weit selteneren Fällen ist es eine Professorin – ist nämlich zugleich Arbeitgeber, Betreuer und Beurteiler der wissenschaftlichen Qualifikation. Konkret bedeutet das: Er bestimmt nicht nur über Dauer, Umfang, Lohn und Inhalt der Arbeit, er hält auch alle Fäden in der Hand, wenn es um die Chancen auf eine akademische Karriere geht, waltet er doch nicht nur als Förderer und Mentor, sondern beurteilt auch die wissenschaftliche Leistung.
      Macht und Missbrauch

      Der Förderung von «Exzellenz» ist diese Machtkonzentration in keiner Weise zuträglich, wie sämtliche Mittelbauumfragen zeigen. Im Gegenteil: Die Missstände sind deutlich und so weitverbreitet, dass von einem systembedingten Machtmissbrauch gesprochen werden kann. Eine Ausdrucksform davon ist Vernachlässigung. In den Umfragen beklagen sich je nach Uni 25, 35 oder gar über 40 Prozent aller Befragten über eine mangelnde oder völlig fehlende Betreuung und Unterstützung in Bezug auf ihre wissenschaftliche Qualifizierung. An der ETH hatten 60 Prozent der Doktorierenden nie ein Feedback- und Laufbahngespräch mit dem Professor. An der Universität Zürich schreiben viele von «Desinteresse vonseiten des Profs»: Er habe «keine Zeit, antwortet auf keine Mails», «nimmt sich keine Zeit, meine Beiträge / Kapitel der Diss zu lesen, und kommt unvorbereitet in eine Besprechung. Jedes Mal anderes Feedback.»

      Vielen ist bewusst, dass die ProfessorInnen selbst völlig überlastet sind: Die Zahl der Studierenden und Doktorierenden wächst ebenso wie der Aufwand, Drittmittel einzuwerben, und sie werden im Rahmen der universitären Selbstverwaltung mit immer mehr Administrationsaufgaben betreut. Vernachlässigen sie darob ihre Betreuungsfunktion zu stark, kann das für den Nachwuchs akademisch fatale Folgen haben. Eine MBA erzählt im Gespräch von mehreren ihr bekannten Fällen, in denen der Professor respektive die Professorin nach drei Jahren eine Dissertation oder sogar Habilitation abgelehnt habe – etwa mit der Begründung, es sei halt das «falsche Thema».

      Sowohl an der ETH wie an der Uni Zürich wird der Vorwurf des Machtmissbrauchs von jeder vierten Person in den Umfragen explizit erhoben – die persönlichen Erfahrungen sind die immer gleichen: Man wird gezwungen, auch am Wochenende zu arbeiten, stets erreichbar zu sein, selbst in den Ferien, die mitunter sogar verweigert werden. Vertragsverlängerungen werden an Bedingungen geknüpft. «Die Leute werden auf drei bis sechs Monate hinaus angestellt, Verträge als Druckmittel eingesetzt», sagt auch ein MBA einer anderen Uni.

      Zu den häufig und überall genannten Fällen von Machtmissbrauch gehört wissenschaftliches Fehlverhalten aufseiten von ProfessorInnen. So kommt es an einzelnen Unis offenbar immer wieder vor, dass sie Doktorierende Publikationen für Fachzeitschriften schreiben lassen, ohne sie auch nur als MitautorInnen zu nennen. Oder der Professor setze einfach seinen Namen drauf, obwohl er gar nichts zur eigentlichen Forschung beigetragen habe. Ein MBA berichtet, die Professorin habe ihn vor die Wahl gestellt, das zu akzeptieren oder sich einen neuen Job zu suchen.

      «Moralisch verwerfliches Verhalten im Umgang mit Angestellten ist häufig legal», sagt ein anderer MBA. Auch wenn an den einzelnen Unis unterschiedlichste Reglemente den Anstellungsrahmen definieren – das Reglement zu den Rechten und Pflichten von Assistierenden und Oberassistierenden der Uni Luzern gibt ihm recht: «Die Autorschaft und die Koautorschaft werden von der vorgesetzten Person (…) ermöglicht.» Oder, so der Tenor aus dem Mittelbau aller Unis: «Man ist dem Goodwill des Profs komplett ausgeliefert.»
      Bitte recht unverbindlich

      Wissenschaftliche Publikationen wie auch ausgewiesene Lehrerfahrung sind zentrale Meilensteine auf dem akademischen Karriereweg. Doch obwohl besonders in den philosophisch-historischen Fakultäten Assistierende und Oberassistierende extrem stark in die Lehre involviert sind, können sie das kaum je als eigene wissenschaftliche Leistung ausweisen. Zwar gibt es an den meisten Universitäten mittlerweile Reglemente, die den maximalen Umfang der Lehrverpflichtung festlegen – sie reichen von 20 Prozent der bezahlten Anstellung in Basel bis zu 66 Prozent in Luzern –, «das reicht aber nirgends hin», so eine MBA. «Einfordern kann die Beschränkung sowieso niemand», sagt eine andere: «Aufgrund der Machtverhältnisse getraut sich das keiner.»

      Das extreme und einseitige Abhängigkeitsverhältnis von Doktorierenden und Postdocs haben die Universitätsleitungen mittlerweile als Problem anerkannt. Man ist bemüht, die Abhängigkeit von einer einzigen Betreuungsperson zu reduzieren. Reglemente und Doktoratsvereinbarungen halten fest, dass eine zweite Betreuungsperson entweder als fachliche Zweitgutachterin oder besser noch als Förderin und Mentorin eingesetzt werden soll. An der Uni Zürich versucht man es seit 2010 mit Doktoratskomitees und seit Anfang des Jahres mit einer Graduiertenschule in der Philosophischen Fakultät, in der die Betreuung und Förderung aller Doktorierenden auf eine Leitungskommission, verschiedene KoordinatorInnen sowie Fachausschüsse verteilt ist. Auch gestehen die Reglemente dem wissenschaftlichen Nachwuchs ein Mindestmass an Zeit für die eigene Forschung sowie das Recht auf Unterstützungs- und Fördermassnahmen und regelmässige Laufbahngespräche zu.

      Bloss: Die Umsetzung all dieser Massnahmen ist freiwillig und bleibt den Fakultäten, Instituten und damit letztlich den einzelnen ProfessorInnen überlassen. Es gibt keine Zahlen darüber, ob und wie es tatsächlich geschieht. Oft wissen Doktorierende und Postdocs nicht einmal um ihre Rechte. «Wenn ich eine einjährige Assistenzstelle antreten will, muss ich mich selber um die Reglemente kümmern», sagt ein MBA. In den meisten Fakultäten kommt eine Mehrheit aller Doktorierenden und Postdocs aus dem Ausland und ist weder mit den hiesigen Gepflogenheiten noch mit der Sprache vertraut, in der Reglemente fast immer verfasst sind. Das verschärfe die Machtlosigkeit noch, empört sich eine andere MBA: «Es kann doch nicht sein, dass Doktorierende ihnen zustehende Rechte selber einfordern müssen!» Tatsache sei, so eine MBA einer dritten Uni, dass gerade Doktoratsvereinbarungen von den ProfessorInnen häufig ignoriert würden. Und die Umfrage an der Uni Zürich zeigt: Vier von fünf Befragten, die eine Doktoratsvereinbarung unterzeichnet haben, halten diese für «nicht hilfreich». Kein Wunder, fordern mehr als die Hälfte, es müssten Massnahmen zur Einhaltung der Reglemente und Vereinbarungen ergriffen werden.

      Als Reaktion hat die Uni Zürich einen «Best-Practice-Leitfaden» für die Doktoratsstufe erstellt, der genau darauf pocht. Allein, verbindlich ist auch dieser nicht. «Wir legen viel Wert auf akademische Selbstverwaltung», lautet die Begründung von Michael Schaepman, Prorektor Forschung, im «UZH Journal». «Es besteht immer ein Abhängigkeitsverhältnis zwischen Doktorierenden und ihren Professorinnen und Professoren und damit ein Potenzial für Konflikte», hält er fest. «Aber angesichts der speziellen Situation von Doktorierenden, die sich von den meisten anderen Arbeitsverhältnissen unterscheidet, ist die Zahl der Konflikte klein.»
      Deckel drauf

      Wohin sollten sie sich auch wenden? Aus der Perspektive des Mittelbaus bedeutet «akademische Selbstverwaltung» nichts anderes als innerbetriebliche Kontrolle und Unterdrückung. Zwar gibt es an allen Unis eine wachsende Zahl interner Beratungs- und Anlaufstellen personalrechtlicher, psychologischer und konfessioneller Natur sowie Ombudspersonen. In Basel und Zürich dürfen sich Doktorierende und Postdocs seit kurzem in jeder Fakultät an eine designierte «Vertrauensperson» wenden. Bloss handelt es sich bei ihnen um ProfessorInnen aus derselben Fakultät. Schlimmstenfalls landet also, wer Knatsch mit seiner Betreuungsperson hat, bei ebendieser.

      Die Rolle sämtlicher Stellen beschränkt sich darauf, zu beraten, zu vermitteln oder allenfalls zu schlichten. Im Zentrum stehen «Deeskalation, Krisenbewältigung, Kooperation und das Erreichen von Win-win-Situationen», wie es bei der neu eingerichteten Beratungs- und Schlichtungsstelle der Uni Zürich heisst. Auch die Ombudsperson kann nur Empfehlungen aussprechen, die «niemanden zu etwas verpflichten» (Bern), sie ist «kein Richter und trifft keine Entscheide» (Basel). Letztinstanzlich entscheidet immer das Rektorat.

      «Grundsätzlich will die Uni alle Konflikte intern regeln», sagt ein MBA, der selber erfahren hat, wie aussichtslos es ist, sich zu wehren. Sämtliche Stellen hätten sich im Verlauf der Schlichtungsgepräche auf die Seite der Uni geschlagen. «Mir sind keine Verfahren bekannt, die weitergegangen wären oder in Disziplinarverfahren gemündet hätten.» Und wer sich zu stark wehrt, dem bleibt im System des «up or out» nur die eine Option: out.

      Jüngst hat Actionuni, der Dachverband der Mittelbauorganisationen, ein Positionspapier zur Nachwuchsförderung veröffentlicht, das mit dem Dogma des «up or out» brechen will und einen radikalen Strukturwandel fordert. Im Zentrum steht eine Diversifizierung der Karrierewege ab Doktoratsstufe. Die Hälfte der Anstellungen soll unbefristet sein und alternative Karriereprofile in Forschungsmanagement, Lehre oder wissenschaftlicher Verwaltung eröffnen. Der Report «Next Generation» stärkt dieser Forderung den Rücken und zeigt sogar im Detail auf, wie sie sich praktisch umsetzen liesse – unter anderem mit einer Verlagerung der finanziellen Mittel weg von den «Grossordinariaten» hin zu unbefristeten Mittelbaustellen. «Da steckt viel Utopie drin», meint ein MBA, «so beharrlich, wie die Machtverhältnisse an den Universitäten sind.»

      https://www.woz.ch/-9ce8

    • Forschende der Universität Zürich fühlen sich ausgebeutet

      Eine Umfrage zeigt: An einem Zürcher Institut ist Gratisarbeit normal. Es ist kein Einzelfall.

      Am Historischen Institut der Universität Zürich müssten wissenschaftliche Angestellte weit mehr arbeiten, als in ihrem Vertrag steht. Zu diesem Ergebnis kommt eine Umfrage des Studierendenmagazins «etü» (http://www.etue.ch/die-mittelbau-umfrage). Von den gut 90 Doktoranden, Postdocs und Assistenten hat die Hälfte geantwortet. Zwei Drittel geben an, dass sie mehr als das vereinbarte Pensum arbeiten würden. Die Hälfte kommt sich ausgebeutet vor, wie aus den Zahlen hervorgeht, die der «NZZ am Sonntag» vorliegen.

      «Tatsächlich sind die Anstellungsbedingungen des Mittelbaus teils problematisch, teils – um es nett zu sagen – kreativ», schreiben die Autoren im Magazin, das am 15. Februar online erschien und am Montag, 17. Februar, zum Semesterbeginn verteilt wird.

      Wie die Autoren schreiben, müssen die Befragten bei einem vertraglichen Arbeitspensum von meist 50 bis 60 Prozent im Durchschnitt knapp einen Tag pro Woche zusätzlich unentgeltlich für den Lehrstuhl arbeiten. Oft betreiben sie ihre Forschung in der Freizeit, obwohl ihnen dafür ein Teil der Arbeitszeit zur Verfügung stehen sollte.
      Gut für die Wissenschaft

      Das Historische Seminar steht diesbezüglich nicht allein da in der Schweiz. Das Missverhältnis zwischen vereinbartem Pensum und effektivem Aufwand ist im Mittelbau allgegenwärtig. Das bestätigen nicht nur Vertreter der Standesorganisationen: «Es ist ein gesamtschweizerisches Phänomen», sagt auch Antonio Loprieno, ein Kenner der akademischen Welt. Loprieno war Präsident der Akademien der Wissenschaften, sitzt im Zürcher Universitätsrat und präsidierte einst die Uni-Rektorenkonferenz.

      Dazu muss man wissen, dass ein grosser Teil der Forschung und Lehre an den Universitäten von ebendiesem Mittelbau geleistet wird. Schweizweit sind dies 32 000 Personen, davon allein an der Uni Zürich 5300. Es sind Doktorierende, Postdocs und Assistierende, die den Wissenschaftsbetrieb am Laufen halten.

      Gleichzeitig arbeiten sie an ihrer akademischen Karriere, indem sie ihre Forschungsprojekte vorantreiben – viele mit dem Ziel einer Professur. Diese Stellen seien rar, entsprechend gross sei die Konkurrenz, sagt Loprieno: «Für die Wissenschaft ist das gut, für die Wissenschafter ist es schlecht.» Vor diesem Hintergrund sind fast alle bereit, ein Teilpensum anzunehmen und mehr zu arbeiten.

      Wie eine Auswertung von Zahlen des Bundesamtes für Statistik zeigt, sind die Mittelbauangehörigen je nach Universität im Durchschnitt zwischen 45 und 93 Prozent angestellt. Hohe Werte weisen die ETH Zürich und Lausanne auf, tiefe die Unis St. Gallen und Luzern.

      In den Geisteswissenschaften sind kleine Pensen weiter verbreitet als in den Naturwissenschaften. An der Universität Zürich ist das Problem schon länger bekannt: Bereits 2013 ergab eine Umfrage der Vereinigung akademischer Mittelbau, dass 64 Prozent mehr arbeiten, als im Vertrag steht.

      Dass sich seither wenig geändert hat, zeigt nun die Umfrage am Historischen Institut. Konkret heisst das, dass ein Assistent auf einen Lohn von rund 3500 Franken kommt für ein 50-Prozent-Pensum. Gemäss Umfrage von «etü» liegt der Median der Löhne der Befragten bei 4200 Franken im Monat. Ein Zusatzverdienst ist für viele nicht möglich, da sie mehr als das Pensum arbeiten und forschen müssen. «Es braucht einen Kulturwechsel an den Universitäten», fordert darum eine Sprecherin von Actionuni, der Vereinigung des Schweizer Mittelbaus. «Es geht nicht an, dass wir unser Privatleben aufgeben müssen für unsere Arbeit.»
      Uni erwartet Engagement

      Erstaunt ob der Umfrageergebnisse am Historischen Institut ist Co-Seminarvorstand Simon Teuscher: «Wir werden diesen Zahlen nachgehen», sagt der Professor. Sollte sich die Umfrage bestätigen, wäre er dafür, die Pensen der Angestellten zu erhöhen. Das Budget müsste aber gleich bleiben, das heisst: «Weniger Angestellte mit höheren Pensen und dafür bessere Förderung.»

      Übers Knie brechen liessen sich solche Massnahmen nicht. Die Uni selber sieht kaum Handlungsbedarf: «Bei den Doktoratsanstellungen handelt es sich um ein langjährig bewährtes Modell», schreibt die Pressestelle. Sie verweist auf die Rahmenpflichtenhefte, die den Angestellten einen Anteil der Arbeitszeit für die eigene Forschungszeit zur Verfügung stellen. Zudem sei ein «hohes, auch privates Engagement selbstverständlich», heisst es. «Es handelt sich ja auch um eine persönliche Weiterqualifizierung.»

      Auch Antonio Loprieno sieht kaum einen Ausweg. «Das System ist zwar für den Einzelnen brutal, aber es lässt sich nicht leicht verbessern.» Die Budgets der Universitäten blieben beschränkt und der Druck auf den wissenschaftlichen Output gross.

      https://nzzas.nzz.ch/schweiz/problematische-arbeitsbedingungen-uni-forschende-fuehlen-sich-ausgebeutet-

      #Zurich #université_de_Zurich #travail_gratuit

    • Le débat - La Suisse forme-t-elle trop de chercheurs ?

      Débat entre Yves Flückiger, recteur de l’UNIGE, président de swissuniversities, Ola Söderström, président de la division Sciences humaines et sociales du FNS, Verity Elston, responsable conseil en carrières, doctorat et postdoctorat au Graduate Campus de l’UNIL, et Céline Guérin, docteur en neurosciences.


      https://www.rts.ch/play/radio/forum/audio/le-debat-la-suisse-forme-t-elle-trop-de-chercheurs?id=11080302

      –-> Le journaliste fait référence à l’article de la Tribune de Genève (https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/burnout-serie-chercheurs-genevois/story/10365762) et demande au recteur de l’Université de Genève invité sur le plateau de réagir...
      Et il ne répond pas du tout, mais alors pas du tout !!!!!!

      Ola Söderström, lui, parle en tant que représentant du Fonds national suisse de la recherche scientifique... et commence par « les situations sont singulières »... évidemment, rien de structurel, tout est « individuel et singulier »... Et puis, eh voilà... il défend bec et ongles le « propre » du FNS : compétition, faut que les meilleurs restent, sélection précoce... et il faut plus de #tenure_track et de profs assistants qui sont évalués de manière « fine » pour pouvoir obtenir un poste de prof ordinaire...

    • Un environnement de travail toxique ? Débat sur les conditions de travail du corps intermédiaire

      Quel est votre degré de satisfaction ? C’est ce que le magazine zurichois d’étudiant·e·s « etü » a voulu savoir auprès des quelque 90 membres du corps intermédiaire du département d’histoire. La moitié d’entre eux ont répondu à l’enquête en ligne. Le magazine a publié les résultats à la mi-février. Deux tiers des participant·e·s ont déclaré travailler plus que la charge de travail convenue, la moitié a même affirmé se sentir parfois exploité·e·s. Le comité du département a mis les résultats en perspective dans une prise de position. Le co-directeur du département, Simon Teuscher, s’est quant à lui exprimé dans une interview en faveur de salaires et, surtout, de taux d’occupation plus élevés dans le corps intermédiaire.

      Les conditions de travail du corps intermédiaire académique, que beaucoup de personnes concernées considèrent comme précaires, font depuis longtemps l’objet d’une attention particulière dans les médias : le monde universitaire serait devenu un « environnement de travail toxique », selon un article d’opinion rédigé par cinq post-doctorant·e·s en sociologie de l’Université de Neuchâtel dans le journal « Le Temps ».

      Le Conseil fédéral, le Fonds national et les hautes écoles devraient de toute urgence prendre au sérieux le malaise des doctorant·e·s, des post-doctorant·e·s ainsi que des chercheurs et chercheuses afin d’en tirer les conséquences pour leur politique de recherche. Cette contribution a été précédée par un article publié en janvier dans la « Tribune de Genève » sur les conditions de travail précaires à l’Université de Genève.
      La Suisse forme-t-elle trop de chercheurs ?

      En 2018, les universités suisses ont décerné un total de 4164 doctorats, contre 3100 en 2005. Un nouveau rapport de l’Association suisse de science politique a examiné la situation dans son domaine et a recommandé un débat plus ouvert sur le nombre et les possibilités de carrière des doctorant·e·s. Un débat radiophonique diffusé par la Radio Télévision Suisse réunissant des acteurs du paysage de la recherche en Suisse a posé la même question sur les structures de promotion de la relève dans le système universitaire, mais en la formulant de manière plus provocante : « La Suisse forme-t-elle trop de chercheurs ? » En 2018, l’ASSH avait déjà esquissé une vision structurelle pour le nombre croissant de chercheurs et chercheuses de la relève en Suisse dans son rapport « Next Generation », qui envisageait des parcours de carrière diversifiés et davantage de postes bénéficiant d’un contrat de durée indéterminée.

      https://sagw.ch/fr/assh/offre/publications/newsletter/details-newsletter/news/ein-toxisches-arbeitsumfeld-debatte-zu-den-arbeitsbedingungen-des-mittelbaus

    • Parliamentary resolutions

      Thanks to the outreach of the petition, the Petition Committee and mid-level staff associations have been in touch with local and national politicians. This led to several parliamentary resolutions that support better working conditions and open-ended contracts for PhD Students and Post-docs in Swiss universities. All resolutions and responses can be downloaded in the links below.

      Federal Council

      - Interpellation 20.4622 de Christian Dandrès : "Lorsque la faim est à la porte, les chercheurs et chercheuses s’en vont par la fenêtre"
      https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20204622

      - Question 20.5974 de Christian Dandrès : "Conditions de travail du “corps intermédiaire” dans les universités et les hautes écoles"
      https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20205974

      – Interpellation 20.3121 de Fabien Fivaz : "Statut précaire du corps intermédiaire dans les hautes écoles"
      https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20203121

      Canton of Neuchâtel

      - Interpellation Sera Pantillon 21.140 : "Quelle est la précarité du corps intermédiaire à l’UniNE ?"
      https://www.ne.ch/autorites/GC/objets/Documents/Interpellations/2021/21140_RepEcr.pdf

      Canton of Geneva

      - Question écrite urgente de Mme Amanda Gavilanes QUE 1429-A : "Fonctions et rémunérations à l’Université de Genève"
      https://ge.ch/grandconseil/data/texte/QUE01429A.pdf

      - Question écrite urgente de Mme Amanda Gavilanes QUE 1430-A : "Typologie des contrats et taux d’activité des membres du corps intermédiaire à l’Université de Genève"
      https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjBo_nS2_rvAhXN4KQKHRxoBcw

      - Question écrite urgente de Mme Amanda Gavilanes QUE 1431-A : "Origine des financements des postes à l’Université de Genève"
      https://ge.ch/grandconseil/data/texte/QUE01431A.pdf

      https://info.petition-academia.ch/parlamentary-resolutions

    • Les hautes écoles universitaires s’emploient à promouvoir des conditions de travail, d’enseignement et de recherche optimales en faveur de la relève scientifique

      La pétition nationale pour mettre fin à la précarité dans les hautes écoles suisses exige de meilleures conditions de travail pour le personnel scientifique, notamment la création d’emplois permanents dans le monde académique après l’obtention du doctorat. Les hautes écoles universitaires sont sensibles aux demandes formulées dans la pétition. Elles offrent aux jeunes chercheur·se·s un encadrement et un environnement aussi favorables que possible, tout en mettant l’accent sur les plus hautes exigences de qualité selon les standards internationaux.

      Les associations du corps intermédiaire de différentes hautes écoles suisses ont lancé en octobre 2020, en concertation avec des syndicats, une pétition adressée à l’Assemblée fédérale. Cette pétition exige des mesures concrètes visant à améliorer les conditions de travail du personnel scientifique. Conscientes des préoccupations des pétitionnaires, les hautes écoles universitaires poursuivent leurs efforts visant à renforcer la promotion de la relève au cours de ces prochaines années.

      Les profils et les carrières académiques sont différents suivant les domaines d’études et le cadre institutionnel. Aussi les hautes écoles universitaires plaident-elles en faveur d’une compréhension globale des carrières académiques présentant des options au sein et en dehors des hautes écoles. Pour que les carrières puissent être planifiées, il faut que les procédures de sélection soient claires et transparentes et que les personnes concernées sachent à quel moment les décisions importantes sont prises. Il s’agit là d’une condition sine qua non pour que les membres du corps intermédiaire puissent participer activement à la gestion de leur carrière.

      Les hautes écoles universitaires ont pour mission de mener des recherches de haute qualité et d’offrir un enseignement exigeant. La meilleure promotion de la relève consiste à former de jeunes chercheur·se·s à même de réussir une carrière scientifique internationale. Par conséquent, les hautes écoles universitaires souhaitent leur offrir un environnement propice au plein développement de leur potentiel.

      Différents instruments déjà existants permettent de répondre aux objectifs visés par la pétition. En effet, les hautes écoles universitaires ont pris de nombreuses mesures au cours de ces dernières années en vue d’améliorer la situation du personnel scientifique et poursuivront leurs efforts dans ce sens. Elles ont notamment augmenté le nombre de postes de professeur·e·s assistant·e·s en tenure track et créé de nouvelles positions et de nouveaux emplois permanents au-dessous des postes de professeur·e·s. Grâce à ces mesures, elles seront à même d’offrir à la relève différentes options de carrière aux objectifs et aux possibilités de développement clairement définis. Outre les carrières académiques classiques, les profils du troisième espace (« third space ») peuvent également offrir de nouveaux débouchés au sein de la haute école. Par ailleurs, elles entendent structurer davantage la phase post-doctorale. Cette mesure va de pair avec une sélection précoce, des objectifs précis et une orientation de carrière personnelle. Enfin, les doctorant·e·s et les post-doctorant·e·s disposent d’instruments efficaces qui les soutiennent dans leur carrière académique ou en vue d’une activité hors de la haute école : attribution de temps protégé (« protected time »), possibilités d’allègement, mesures et offres permettant de renforcer l’égalité des chances, mentorats, consultations et cours pratiques.

      Les hautes écoles universitaires sont sensibles à l’argumentation des pétitionnaires selon lesquels les conditions de travail et d’emploi des chercheur·se·s et des enseignant·e·s devraient être améliorées afin qu’il·elle·s disposent d’un cadre optimal pour compléter leur formation et planifier leurs prochaines étapes de carrière. A cet égard, il faut tenir compte du fait que les postes de qualification après l’obtention du doctorat revêtent aussi un caractère formatif. Par ailleurs, il ne faudrait pas que la mise en place d’emplois fixes entrave la mobilité des jeunes chercheur·e·s censé·e·s se perfectionner et se qualifier dans d’autres universités. Enfin, la flexibilité du système ne devrait pas subir de restriction au détriment des futur·e·s chercheur·se·s.

      Du point de vue des hautes écoles universitaires, la création de postes stables constitue une mesure parmi d’autres. Pour que leur mise en œuvre soit efficace et garantie durablement, ces mesures doivent être réalisées par chaque haute école en fonction de son cadre institutionnel respectif. La création de postes stables pour les chercheur·se·s et les enseignant·e·s ayant obtenu un doctorat requiert des moyens financiers correspondants. Le financement de base des hautes écoles doit pouvoir suivre le rythme de croissance de l’encouragement à la recherche. En l’occurrence, swissuniversities a demandé une augmentation des contributions de base dans sa planification stratégique 2021-2024 afin de pouvoir poursuivre la concrétisation ciblée de mesures visant à améliorer la situation de la relève scientifique.

      https://www.swissuniversities.ch/fr/actualite/les-hautes-ecoles-universitaires-semploient-a-promouvoir-des-condi

    • Das Bild der Exzellenz hängt schief in der Akademie

      Über die Arbeitsbedingungen im akademischen Mittelbau wird lebhaft diskutiert. Ein neuer Bericht des Wissenschaftsrats analysiert die Situation der Postdocs.

      Diskussionen über akademische Karrierewege und den sogenannten «Mittelbau» im Hochschulsystem sind ein wissenschaftspolitischer Dauerbrenner. Schon 1962 forderte der damals 35-jährige Astronom Uli Steinlin in seiner Streitschrift «Hochschule wohin?» in Anlehnung an das amerikanische Modell eine flachere Hierarchie an den Universitäten, einen Abbau von Lehrstühlen und dafür mehr Assistenzprofessuren. 60 Jahre später sind die Universitäten zwar nicht mehr dieselben (die Zahl der Studierendaen hat sich seither fast verzehnfacht), das Grundproblem einer steilen Pyramide mit höchst unsicheren Karriereperspektiven ist aber noch immer da.
      Wird die Postdoc-Blase überschätzt?

      In den letzten zwei Jahren hat die Mittelbau-Debatte wieder Fahrt aufgenommen. Nun legt auch der Schweizerische Wissenschaftsrat, ein Beratungsorgan des Bundes, einen Bericht dazu vor. Anhand quantitativer und qualitativer Daten untersucht er darin die Situation der Postdocs an den Schweizer Hochschulen und formuliert Empfehlungen.

      Erfreulich ist: Der quantitative Teil des Berichts, der zusammen mit dem Bundesamt für Statistik (BfS) erarbeitet wurde, legt erstmals belastbare Zahlen über Zahl und Karriereverläufe der Postdocs vor. Das BfS schätzt, dass gegenwärtig rund 7000 Postdoktorierende an einer Schweizer Hochschule angestellt sind, 62 Prozent davon in den Mint-Disziplinen, 18 Prozent in den Bereichen Medizin und Pharmazie und ebenfalls 18 Prozent in den Geistes- und Sozialwissenschaften. Seit 2014 ist die Zahl der Postdocs nur leicht angestiegen. Daraus könnte man ableiten, dass das Bild einer «Postdoc-Blase», wie es unter anderem der SAGW-Bericht «Next Generation» von 2018 zeichnete, hinterfragt werden muss. Allerdings muss die Aussagekraft des kurzen Untersuchungszeitraums 2014–2020 ebenfalls hinterfragt werden. Wenn man zum Beispiel den Zeitraum seit der Jahrtausendwende in den Blick nimmt, zeigt sich ein ganz anderes Bild der Mengenausweitung punkto Zahl der Studierenden, der Doktoranden, der Postdocs, der Projekte, der Publikationen.

      „Heute sind schätzungsweise rund 7000 Postdoktorierende an einer Schweizer Hochschule angestellt“

      Aufhorchen lässt aber vor allem eine andere Zahl: Von den Forscherinnen und Forschern, die 2015 ihr erstes Postdoktorat antraten, haben nach vier Jahren lediglich rund 16 Prozent eine feste Anstellung in der Schweiz gefunden, die ihren Qualifikationen entspricht und mit Wissenschaft und Forschung zu tun hat. Gerade einmal ein Prozent der Kohorte erreichte in diesem Zeitraum eine Professur.
      Zurück auf Feld eins der Mittelbau-Debatte

      Die SAGW, die Mittelbauvereinigung Actionuni oder die Petition Academia haben in den letzten Jahren eine ganze Reihe von Berichten, Studien und Empfehlungen publiziert. Im Grundsatz sind sie sich einig: Das derzeitige Postdoc-System ist dysfunktional und muss grundlegend restrukturiert werden. Eine der wichtigsten Änderungen, die sie vorschlagen, ist die Einführung von mehr unbefristeten Stellen, im Mittelbau oder im sogenannten Third Space, beispielsweise als Lecturer, Data Stewards oder Forschungsmanager. Sie stehen damit weitgehend in Einklang mit den Schlussfolgerungen des 2021 veröffentlichten OECD-Berichts «Reducing the precarity of academic research careers».

      Die Empfehlungen des Wissenschaftsrats gehen in die entgegengesetzte Richtung. Sie stehen in einem losen Verhältnis zu den empirisch-analytischen Teilen des Berichts und beruhen teilweise auf «den kollektiven Erfahrungen» der Ratsmitglieder, wie SWR-Präsidentin Sabine Süsstrunk auf einem zur Publikation organisierten Podium sagte.

      Für ein auf Exzellenz ausgerichtetes System sei eine grosse «Postdoc-Population» eine flexible, kostengünstige und letztlich «unverzichtbare Ressource». Dass nur eine kleine Minderheit davon langfristig Chancen auf eine akademische Karriere hat, sei «an sich nicht problematisch, da ein Postdoc als die letzte Phase der wissenschaftlichen (und nicht nur akademischen) Ausbildung betrachtet werden sollte.» Der Wissenschaftsrat empfiehlt den universitären Hochschulen zwar, mehr Tenure-Track-Positionen zu schaffen, von unbefristeten Stellen unterhalb der Professur hingegen rät er aus ökonomischen Überlegungen ab.

      Postdocs, so ein Lösungsansatz des Berichts, sollten nach ihren Lehr- und Wanderjahren vielmehr dazu ermutigt werden, sich nach Stellen ausserhalb der akademischen Wissenschaft umzusehen oder unternehmerisch tätig werden und Start-ups gründen.

      Wer die Mittelbau-Debatte in den letzten Jahren verfolgt hat, reibt sich verwundert die Augen über dieses, nun ja, traditionelle Verständnis der Rahmenbedingungen für akademische Selektion, Kompetivität und Exzellenz, bei der jede unbefristete Stelle unterhalb der Professur die Universität in einen mediokren Ponyhof zu verwandeln droht.
      Dann heisst es «Pech gehabt» – für Forschende, Unis und Steuerzahler

      Weshalb sollten die besten Köpfe überhaupt mitmachen in einem System, das theoretisch für Exzellenz sorgt, in der Praxis aber erwiesenermassen anfällig für Fehler und Missbrauch ist? Ein aus dem Leben gegriffenes Beispiel für einen Karriereweg im heutigen System: Eine frisch habilitierte Politologin, Schweizerin, Promotion in England mit Auszeichnung, Forschungsaufenthalte in den USA und anderswo auf dem Erdball, wirbt mit 36 Jahren einen der angesehenen und in einem höchst kompetitiven Verfahren vergebenen Eccellenza-Fellowships des Nationalfonds ein. Sie wird schulterbeklopft und darf nun als Assistenzprofessorin an einer Schweizer Uni selbstständig forschen und lehren. Aber nur fünf Jahre lang, dann ist Schluss. Zu einer Tenure-Track-Position mit Entfristung bei guter Leistung kann oder will sich ihre Uni nicht entscheiden. Und die unbefristeten Professuren in ganz Europa in ihrem Spezialgebiet kann die Assistenzprofessorin an einer Hand abzählen. Wenn in dieser Zeit zufällig keine frei wird, gilt: Pech gehabt.

      „Man kann es drehen, wie man will, dieses traditionelle Verständnis von Exzellenz hängt schief und nur noch an einem Nagel in der Akademie“

      Aber wer hat hier eigentlich Pech? Die gut vernetzte Politologin, die sich nebenbei vielleicht längst ein zweites Standbein ausserhalb der Akademie als Beraterin aufgebaut hat? Oder die auf Exzellenz ausgerichtete Uni, die nun eine vom SNF als – eben – exzellent ausgewiesene Forscherin und Hochschullehrerin verliert? Oder die Steuerzahler, die jahrelang eine Karriere mitfinanzierten, die systembedingt in die Sackgasse führte?
      Hinkende Vergleiche mit dem Spitzensport

      Man kann es drehen, wie man will, dieses traditionelle Verständnis von Exzellenz hängt schief und nur noch an einem Nagel in der Akademie. Ins Bild passen die hinkenden Vergleiche mit dem Spitzensport, wie sie neulich auch am Podium des Wissenschaftsrats zu hören waren. Klar: Nur die wenigsten, die gerne und gut Fussball spielen, schaffen es auch in den Profi-Fussball oder gar in die Nationalmannschaft. Und wer zu wenig Leistung bringt, der fliegt aus dem Kader. Aber: Im Fussball gilt die laufende Evaluation nicht nur für die Spieler, sondern auch für die Trainer und die Sportdirektoren. Genauso klar: Nur wer herausragende Leistungen bringt, schafft es in die Top 10 der Tennisweltrangliste. Aber: Roger Federer ist mit 41 Jahren nach einer «Geschichte anhaltender Exzellenz», wie eine Sponsorin seine Karriere in einem Werbespot bezeichnete, als Tennis-Methusalem in einem Alter zurückgetreten, mit dem man im Wissenschaftsbetrieb gut und gerne noch als Nachwuchs durchgeht.
      Auf die Disziplin kommt es an

      Der Bericht des Wissenschaftsrats ist bewusst aus einer Makroperspektive verfasst. Das ist nachvollziehbar. Gleichzeitig scheint es sinnvoll, die Spezifika der einzelnen Fachbereiche stärker in den Vordergrund zu rücken. In den Geistes- und Sozialwissenschaften beispielsweise zeigen sich einige Probleme ausgeprägter als in den Natur- oder Technikwissenschaften: Geistes- und Sozialwissenschaftler sind im Durchschnitt etwas älter, wenn sie ihre erste Postdoc-Stelle antreten als Personen aus anderen Fächern (34 Jahre, Durchschnitt 32 Jahre) und sie sind früher wissenschaftlich unabhängig, weil Gruppen- und Laborarbeit weniger verbreitet sind als in den Mint-Disziplinen. Gleichzeitig sind sie viel häufiger in Teilzeitpensen angestellt.1 Zudem scheint in den Geistes- und Sozialwissenschaften ein Postdoc für den ausserakademischen Arbeitsmarkt tendenziell keinen Vorteil zu bringen, was für eine frühere Selektion und eine berufliche Weichenstellung nicht erst auf Postdoc-Stufe spricht. Eine Analyse der BfS-Daten spezifisch für die Geistes- und Sozialwissenschaften wäre aufschlussreich.

      «Die akademische Welt muss sich an die Anforderungen des heutigen Arbeitsmarktes anpassen, insbesondere an die Erwartungen der neuen Generationen, was ihre Unabhängigkeit und ihre Perspektiven betrifft», liess sich SNF-Direktorin Angelika Kalt kürzlich zitieren. Der Bericht des Wissenschaftsrats hat in seinen empirisch-analytischen Teilen die Grundlagen, auf denen diese Anpassungen gemacht werden müssen, erweitert. Die Schlüsse, die er daraus zieht – und an denen die SWR-Präsidentin in der Podiumsdiskussion eisern-orthodox festhielt – stimmen aber wenig zuversichtlich, dass sich in absehbarer Zeit ein produktives Gleichgewicht einstellen könnte. Die Mittelbau-Debatte bleibt so vorerst ein Dauerbrenner – zuungunsten vieler junger Forscherinnen und Forschern und zum Nachteil der Attraktivität der Universitäten und letztlich der Gesellschaft.
      Fussnoten

      1 2020 waren ein Viertel der Postdocs in den Geistes- und Sozialwissenschaften in einem Pensum von weniger als 60 Prozent angestellt. Gleichzeitig ist die Zahl der Studierenden in den Geistes- und Sozialwissenschaften deutlich höher als in anderen Fachbereichen und das Betreuungsverhältnis entsprechend schlechter. Im Jahr 2021/22 gab es rund 48 000 Studierende in den Geistes- und Sozialwissenschaften, rund 33 000 in den Naturwissenschaften, und je 21 000 in der Medizin und den technischen Wissenschaften.
      Referenzen

      Actionuni (2017): Positionspapier zur Nachwuchsförderung an Schweizer Hochschulen.

      Hildbrand, Thomas (2018): Next Generation: Für eine wirksame Nachwuchsförderung (Swiss Academies Reports 13,1). https://doi.org/10.5281/zenodo.1216424

      OECD (2021). Reducing the precarity of academic research careers (OECD Science, Technology and Industry Policy Papers 113).

      Pétition Academia (2021) : Pétition adressée à l’Assemblée Fédérale: Pour la création d’emplois permanents dans le monde académique: de meilleures conditions de recherche, d’enseignement et de travail.

      Schmidlin, Sabina, Eva Bühlmann und Fitore Muharremi (2020): Next Generation und Third Space: neue Karriereprofile im Wissenschaftssystem. Studie im Auftrag der Schweizerischen Akademie der Geistes- und Sozialwissenschaften (Swiss Academies Reports 15,3). https://doi.org/10.5281/zenodo.3923494

      Schweizerischer Wissenschaftsrat (2022): Postdoktorierende an Schweizer Hochschulen.
      Erkenntnisse und Empfehlungen des Schweizerischen Wissenschaftsrates SWR.

      Zürcher, Markus und Marlene Iseli (2018): Zur Diskussion: Qualität vor Quantität (Swiss Academies Communications 13,5). https://doi.org/10.5281/zenodo.1409674

      Zürcher, Markus: Vier Handlungsoptionen zur Stärkung des akademischen Mittelbaus (SAGW-Blog décodage), 14. Oktober 2021. https://www.sagw.ch/sagw/aktuell/blog/details/news/vier-handlungsoptionen-zur-staerkung-des-akademischen-mittelbaus

      https://www.sagw.ch/sagw/aktuell/blog/details/news/das-bild-der-exzellenz-haengt-schief-in-der-akademie

  • Plusieurs millions de nouveaux réfugiés et déplacés climatiques en 2019

    Un porte-parole du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU a déclaré mercredi que des millions de nouveaux déplacés et réfugiés climatiques étaient apparus en 2019, dont près de 750 000 personnes pour la seule Somalie, en proie à d’intenses aléas climatiques.

    “Le bruit du vent nous a réveillés en pleine nuit. Quelques instants plus tard, de l’eau a commencé à entrer chez nous. Nous avons seulement réussi à attraper nos enfants avant de nous enfuir vers une zone surélevée.” Rafael Domingo, un père de quatre enfants, a tout perdu lors du passage du cyclone Idaien mars dernier au Mozambique. Comme lui, 73 000 personnes se sont retrouvées sans-abri, ne laissant d’autre choix que de fuir les zones sinistrées, ont raconté de nombreux témoins à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

    Qu’ils changent simplement de région ou qu’ils quittent leur pays après une catastrophe naturelle, ces hommes et ces femmes incarnent une catégorie de migrants dont on parle peu : les déplacés et les réfugiés climatiques. Selon le Conseiller spécial sur l’action pour le climat du HCR, Andrew Harper, “rien que sur la première moitié de l’année, les tempêtes, les inondations et autres catastrophes ont provoqué plusieurs millions de nouveaux déplacements”.

    Dans un discours alarmant prononcé à la COP 25 de Madrid, mercredi 11 décembre, le porte-parole onusien explique que “les changements climatiques amplifient la fréquence et l’intensité des catastrophes naturelles et qu’ils contribuent à fragiliser les populations et à déclencher des conflits”. Il estime par conséquent que “davantage de personnes seront menacées de déplacement à moins qu’une action urgente ne soit prise.”

    Outre les catastrophes naturelles, Andrew Harper s’est dit “particulièrement préoccupé” par l’épuisement des ressources naturelles, la diminution des rendements agricoles ou encore la pénurie de bétail qui deviennent “des multiplicateurs de menaces de conflit et d’instabilité pouvant conduire à des crises humanitaires et à de nouveaux déplacements, à la fois en interne et au-delà des frontières.”

    En première ligne de ces menaces climatiques, la région du Sahel voit déjà des effets dévastateurs. “En Somalie, un pays hautement vulnérable aux changements climatiques, plus de 746 000 personnes ont été déplacées au sein du pays cette année à cause de l’intensification de la sécheresse, mais aussi des inondations monstres et des conflits”, souligne Andrew Harper.

    Dans les régions fragiles, souvent frappées par les catastrophes naturelles, les déplacés parviennent rarement à retrouver leur ancienne vie. “Beaucoup d’entre nous ne pourrons jamais rentrer chez eux. La sécheresse en Somalie revient tout le temps. Les habitants n’ont pas assez de temps ou de moyens pour se remettre sur pieds à chaque fois”, a expliqué à l’OIM Halima, une mère de trois enfants déplacée en Somalie à cause de la sécheresse.
    Plus de 250 millions de réfugiés climatiques en 2050
    Dans son dernier rapport sur la paix dans le monde paru en juin, l’Institute for Economics and Peace, un think tank australien, estimait à 18 millions le nombre de personnes forcées à quitter leur foyer à cause d’une catastrophe naturelle. Cela correspond à plus de 60% de l’intégralité des déplacements dans le monde en 2017.
    Les auteurs du même rapport notent également qu’actuellement, près d’un milliard de personnes vivent dans des zones “hautement à très hautement” exposées aux aléas climatiques. Ainsi, des millions de personnes risquent de se déplacer ou migrer dans un futur proche. La Banque mondiale estime que d’ici 2050, on dénombrera 143 millions de migrants climatiques originaires d’Afrique sub-saharienne, d’Asie du sud-est et d’Amérique latine. Au total, ils pourraient même dépasser les 250 millions à l’échelle de la planète, selon les prévisions de l’ONU.

    Depuis la COP 25 Madrid, le HCR a appelé à “une action urgente” notamment en mettant en place des systèmes de prévision et d’alerte précoce améliorés ainsi que des stratégies de réduction des risques. Il s’agit également “d’intensifier les efforts d’adaptation et de résilience” en diversifiant, par exemple, les sources de revenus des populations fragiles qui dépendent souvent entièrement de l’agriculture ou de la pêche, par exemple.

    L’agence onusienne appelle également les pays accueillant des réfugiés à instaurer un véritable cadre de protection pour les populations déplacées par le climat. À ce jour, les catastrophes naturelles et autres événements dus au réchauffement de la planète ne constituent pas un argument permettant de demander l’asile, les déplacés environnementaux n’ont d’ailleurs aucun statut juridique défini comme c’est le cas pour les réfugiés. La Suède fait toutefois figure de pionnière en la matière en reconnaissant depuis 2005, le droit à la protection pour les personnes victimes de catastrophes environnementales. Depuis 2009, une quarantaine de pays africains a également ratifié la Convention de Kampala sur la protection et l’assistance des déplacés environnementaux inter-Afrique.

    Les questions climatiques occuperont une place de choix à l’occasion du tout premier Forum mondial sur les réfugiés, les 17 et 18 décembre prochains à Genève, puisqu’il s’agira de l’un des six thèmes fondamentaux discutés et pouvant, comme l’espère Andrew Harper du HCR, donner lieu à des actions concrètes dès 2020.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/21507/plusieurs-millions-de-nouveaux-refugies-et-deplaces-climatiques-en-201
    #IDPs #réfugiés_climatiques #réfugiés_environnmentaux #déplacés_internes #asile #migrations #réfugiés #climat #prévisions #Somalie #sans-abri #catastrophe_naturelle #changements_climatiques #Sahel #COP_25 #risques #protection #statut #Convention_de_Kampala

    Lien entre changements climatiques et #conflits :

    Outre les catastrophes naturelles, #Andrew_Harper s’est dit “particulièrement préoccupé” par l’épuisement des ressources naturelles, la diminution des rendements agricoles ou encore la pénurie de bétail qui deviennent “des multiplicateurs de menaces de conflit et d’#instabilité pouvant conduire à des #crises_humanitaires et à de nouveaux déplacements, à la fois en interne et au-delà des frontières.”

    #guerre

    • Asile : réfugié climatique, un statut non reconnu mais qui compte

      L’ONU prévoit 250 millions de réfugiés climatiques d’ici à 2050 dont une grande partie sera issue d’une Afrique sub-saharienne pas assez résiliente face à l’intensification des catastrophes naturelles. Le phénomène pourrait amplifier les départs de migrants vers l’Europe, sauf que le statut de réfugié climatique n’y est pas reconnu.

      Sécheresses, inondations, ouragans : les épisodes météorologiques dévastateurs sont de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses sous l’effet du changement climatique. Si aucune région du monde n’est épargnée, toutes n’ont pas la même propension à la résilience ni les mêmes capacités de reconstruction.

      En Afrique sub-saharienne, au Moyen-Orient ou en Asie, des pans entiers de population sont déjà contraints de quitter leur région ou même leur pays d’origine pour tenter de tout recommencer ailleurs. Ce sont des “réfugiés climatiques”.

      Si le terme est apparu pour la première fois en 1985 dans un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), il n’existe à ce jour dans le monde aucun statut juridique pour ces déplacés environnementaux. La Suède fait toutefois figure de pionnière en la matière en reconnaissant depuis 2005, le droit à la protection pour les personnes victimes de catastrophes environnementales. Depuis 2009, une quarantaine de pays africains a également ratifié la Convention de Kampala sur la protection et l’assistance des déplacés environnementaux inter-Afrique. Et plus récemment, début novembre, la Nouvelle-Zélande a annoncé se pencher sur la création d’un visa spécial pour les réfugiés climatiques du Pacifique.

      Reste que pour la plupart des pays de la planète, le changement climatique ne peut justifier une demande d’asile. En France, notamment, “ce n’est pas un argument recevable en tant que tel, mais il peut être pris en compte et ajouté au dossier dans certains cas”, indique une porte-parole de France Terre d’Asile, contactée par InfoMigrants. “Si le changement climatique vous force, par exemple, à partir de chez vous pour une région où votre ethnie est mal acceptée ou menacée, l’argument pourra être entendu. Mais on ne reconnaît que ce qui est de la main de l’Homme. Le climat ne peut être utilisé que comme un élément de compréhension au dossier”, précise l’ONG.

      “Une crise migratoire en Europe ? Attendez de voir dans 20 ans...”

      Selon les estimations de l’ONU, le monde comptera au moins 250 millions de réfugiés climatiques d’ici 2050. En moins de 10 ans, les dangers liés au climat “déplacent en moyenne 21,7 millions de personnes par an, soit 59 600 par jour”, souligne Steve Trent, directeur exécutif de la Fondation pour la justice environnementale (EJF), dans un rapport publié début novembre. “Si l’Europe pense avoir un problème avec la crise migratoire actuelle, attendez de voir dans 20 ans quand les conséquences du changement climatique forcera des millions de personnes à quitter l’Afrique”, enchérit le général Stephen Cheney, retraité de l’armée américaine, cité par le rapport.

      “Il faut regarder les choses en face : l’Afrique a une population jeune et de plus en plus éduquée. L’enseignement est dispensé dans des langues comme l’anglais, le français, l’espagnol, le portugais… alors bien sûr, l’Europe est une meilleure destination aux yeux de ces jeunes [...] Et il est impossible d’arrêter cette migration”, explique Ibrahim Thiaw, directeur exécutif de l’agence pour l’environnement de l’ONU, joint à Nairobi par InfoMigrants.

      Parmi les régions les plus vulnérables : le Sahel, jusqu’à la Somalie, affirme-t-il, des régions où la production agricole est cruciale. Elle représente par exemple 30% du produit intérieur brut en Sierra Leone, au Liberia ou en Centrafrique. Dix-sept des vingt pays les plus dépendants à l’agriculture au monde se trouvent en Afrique sub-saharienne.

      Le changement climatique, un amplificateur des conflits

      “En combinant l’accroissement démographique -l’Afrique comptera 2 milliards d’habitants en 2050- à la dégradation des ressources naturelles et leur mauvaise gestion, la seule issue possible c’est la migration, poursuit Ibrahim Thiaw. Les déplacés climatiques sont un phénomène déjà présent, qui s’accentue de jour en jour sans que l’on puisse véritablement le quantifier car beaucoup de paramètres entrent en jeu et nous n’avons même pas de définition claire de ce qu’est un réfugié climatique.”

      Un statut qui pourrait ne jamais être reconnu internationalement, bien que le rôle du changement climatique dans les conflits actuels soit démontrable. “En Syrie, on comptait déjà 1,3 et 1,5 million de personnes fuyant la sécheresse avant même que la guerre ne commence. Personne ne dit que le changement climatique est la raison du conflit syrien, mais il est à ne pas en douter un ‘amplificateur des menaces’ pouvant mener à des violences”, argue Steve Trent de l’EJF.

      Si Ibrahim Thiaw de l’ONU ne croit pas, pour l’heure, à une convention mondiale sur les réfugiés climatiques, il exhorte la communauté internationale mettre en place et appliquer des accords régionaux sur le modèle de la Convention de Kampala encore trop méconnue. Il encourage aussi les potentiels migrants à bien réfléchir à leur projet migratoire avant de se lancer aveuglément sur des routes souvent dangereuses à travers le désert, les forêts tropicales ou la Méditerranée. “Un pays comme l’Ouganda est très accueillant. Il n’y a pas de camp de réfugiés et ils sont exemplaires sur l’intégration”, conclut-il.

      https://www.infomigrants.net/fr/post/6031/asile-refugie-climatique-un-statut-non-reconnu-mais-qui-compte

    • Groundswell : Preparing for Internal Climate Migration

      This report, which focuses on three regions—Sub-Saharan Africa, South Asia, and Latin America that together represent 55 percent of the developing world’s population—finds that climate change will push tens of millions of people to migrate within their countries by 2050. It projects that without concrete climate and development action, just over 143 million people—or around 2.8 percent of the population of these three regions—could be forced to move within their own countries to escape the slow-onset impacts of climate change. They will migrate from less viable areas with lower water availability and crop productivity and from areas affected by rising sea level and storm surges. The poorest and most climate vulnerable areas will be hardest hit. These trends, alongside the emergence of “hotspots” of climate in- and out-migration, will have major implications for climate-sensitive sectors and for the adequacy of infrastructure and social support systems. The report finds that internal climate migration will likely rise through 2050 and then accelerate unless there are significant cuts in greenhouse gas emissions and robust development action.


      https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/29461
      #rapport

  • Niger : 100 000 nouveaux réfugiés et déplacés

    L’ONU tire à nouveau la sonnette d’alarme au Niger, pays en proie à l’#insécurité où les activités des #groupes_armés, notamment #Boko_Haram, sont à l’origine de nombreux déplacements de populations. L’ONU estime ainsi que cette année, quelque 2,3 millions de personnes, soit 10,4% de la population, auront besoin d’une assistance humanitaire. Un constat établi jeudi lors d’une réunion entre agences de l’ONU, des représentants d’ONG et des partenaires.

    Depuis le mois de janvier, plus de 100 000 nouveaux #réfugiés et déplacés ont été recensés au Niger, alors que le pays en abritait déjà quelque 300 000. Et les inquiétudes sont localisées. À #Diffa notamment, dans le sud-est, région frontalière de l’État nigérian de #Borno, les groupes armés tels que Boko Haram ont provoqué le mouvement d’environ 25 000 personnes.

    Toujours près de cette frontière nigériane, mais plus à l’ouest, dans la région de #Maradi, ce sont ici environ 20 000 Nigérians qui ont fui les #violences de leur pays.

    Il y a aussi les zones proches des #frontières maliennes et burkinabè, dans les régions de #Tahoua et #Tillabéry. Des zones très instables selon l’ONU qui ont vu l’arrivée de 70 000 personnes.

    Pour faire face à cette situation, il faut de l’argent. Pourtant, les Nations unies déplorent un manque de ressources. Pour 2019, les besoins humanitaires sont chiffrés à 383 millions de dollars, mais sur cette somme, seuls 15% ont pu être mobilisés à l’heure actuelle.


    https://www.infomigrants.net/fr/post/17401/niger-100-000-nouveaux-refugies-et-deplaces?ref=tw_i
    #Niger #migrations #IDPs #déplacés_internes #instabilité

    ping @karine4 @isskein

  • #Hyman_Minsky : un économiste visionnaire

    L’économiste américain d’origine russe Hyman Minsky accordait une place centrale à la #finance dans le fonctionnement des économies capitalistes. Cent ans après sa naissance, la crise de 2008-2009 remet en avant ses analyses de l’#instabilité_financière et ses pistes de réflexion sur les mécanismes qui pourraient la contenir.

    Dans la conception minskyenne, les #marchés ne sont pas auto-régulateurs. Au contraire, ils participent à l’aveuglement général qui empêche de voir venir la crise financière.

    https://laviedesidees.fr/Hyman-Minsky-un-economiste-visionnaire.html
    #économie #capitalisme #auto-régulation #autorégulation

  • Libya Is on the Brink of Civil War and a U.S. Citizen Is Responsible. Here’s What to Know
    https://news.yahoo.com/libya-brink-civil-war-u-145012004.html

    Who are Haftar’s international backers?

    Officially, they are few and far between. Every major state condoned the U.N.-backed Government of National Accord (GNA), and Prime Minister Fayez al-Serraj. But in reality, some “were also having parallel conversations with different actors and that enabled those actors to disregard the legal process and go with the military process,” says Elham Saudi, co-founder of London-based NGO Lawyers for Justice in Libya (LFJL).

    Those states include Egypt and the United Arab Emirates, which want to curb the influence of the Muslim Brotherhood in Libya; Russia, which has treated wounded soldiers and reportedly printed money on behalf of Haftar; and France, which views him as key to stabilizing Libya and slowing the flow of migrants into Europe. Italy, which also wants to prevent migration through Libya, has fallen out with France over its tacit support of Haftar. “Nominally, of course, they’re on the same side, that of the U.N.-backed government,” says Joost Hiltermann, director of the Middle East and North Africa program at the International Crisis Group. “But in reality Italy and France are on opposite sides of this.”

    [...]

    ... no state has threatened sanctions or acted to affirm the legitimacy of the internationally-backed government in Tripoli. As such, Haftar has interpreted their warnings as an amber, rather than a red light, according to International Crisis Group. For LFJL’s Saudi, the current crisis is the “natural culmination” of the international community’s inconsistency and failure to affirm the rule of law in Libya. “The international agenda has been pure carrot and no stick,” she says. “What is the incentive now to play by the rules?”

    #Libye#communauté_internationale#droit_international

  • A Century of U.S. Intervention Created the #Immigration Crisis
    https://medium.com/s/story/timeline-us-intervention-central-america-a9bea9ebc148

    The #liberal rhetoric of inclusion and common humanity is insufficient: we must also acknowledge the role that a century of U.S.-backed military coups, corporate plundering, and #neoliberal sapping of resources has played in the poverty, instability, and #violence that now drives people from Guatemala, El Salvador, and Honduras toward Mexico and the United States. For decades, U.S. policies of military intervention and economic neoliberalism have undermined democracy and stability in the region, creating vacuums of power in which drug #cartels and paramilitary alliances have risen.

    #pauvreté #instabilité #amerique_latine #etats-unis

  • Aux États-Unis, les chercheurs protègent les #données climatiques contre les menaces de l’équipe Trump
    https://reporterre.net/Aux-Etats-Unis-les-chercheurs-protegent-les-donnees-climatiques-contre-l

    La première chose à comprendre, c’est que tous les matériaux disponibles sur #Internet sont vulnérables par nature. Les liens hypertextes vers des études scientifiques peuvent facilement être brisés. C’est un phénomène très documenté. Cette #instabilité naturelle est renforcée dans un environnement #politique où les #climatosceptiques s’assurent que le changement climatique est présenté comme un sujet ouvert au débat.
    Scott Pruitt, qui est en train d’être auditionné au Congrès [pour diriger l’Agence états-unienne de protection de l’environnement, l’EPA], ne croit pas au changement climatique. Cet ex-procureur général de l’Oklahoma est connu pour avoir défendu les industriels gaziers et pétroliers adeptes de la fracturation hydraulique, au lieu d’avoir réglementé cette pratique qui cause des niveaux sans précédent de microtremblements de terre. Donc, nous avons toutes les chances de croire que les données contenues sur le site #web de l’EPA seront encore plus vulnérables.
    Mais l’EPA est juste un exemple. Il y a de multiples agences publiques et ministères dont les données sur le #climat sont menacées. En décembre, l’équipe de transition de Trump voulait que le ministre sortant de l’Énergie lui fournisse une liste de noms des personnes ayant travaillé sur l’Accord de Paris. Heureusement, il a dit non et a même autorisé les membres de son ministère à utiliser les réseaux sociaux comme ils le souhaitent, sans être punis.

  • #Insurrections, #corruption et #pauvreté jettent les Afghans sur les routes de l’exil

    INTERNATIONALES reçoit l’ambassadeur d’#Afghanistan en France Abdel-Ellah Sediqi et Chekeba Hashemi, fondatrice de l’ONG Afghanistan Libre. La guerre n’est pas finie en Afghanistan. Le départ des forces étrangères a remisé ce #conflit au second plan de l’actualité internationale, mais les Afghans fuient en masse, les #attentats, la #violence et la pauvreté.
    L’#instabilité_politique et la mauvaise gouvernance enrayent la reconstruction économique de même qu’une insécurité nourrie par des mouvements insurrectionnels qui rivalisent entre eux, sur le dos des populations.

    http://scd.rfi.fr/sites/filesrfi/dynimagecache/0/0/3500/1971/600/338/sites/images.rfi.fr/files/aef_image/fronti%C3%A8re%20gr%C3%A8ce%20mac%C3%A9doine%20migrants%20r%C3%A9fugi%C3%A9s
    http://www.rfi.fr/emission/20161002-afghanistan-sediqi-hashemi-populations-exil-insurrections-corruption-pa
    #asile #migrations #réfugiés

  • Terres Communes : Sécuriser les droits fonciers et protéger la planète | Landportal
    https://landportal.info/library/resources/terrescommunes/terres-communes-s%C3%A9curiser-les-droits-fonciers-et-prot%C3%A9ger-la?

    Près de 2,5 milliards de personnes dépendent de terres autochtones et communautaires représentant plus de la moitié des #terres de la planète ; elles n’en détiennent pourtant légalement qu’un cinquième. Les cinq milliards d’hectares restants ne sont pas protégés et sont donc exposés à l’#accaparement des terres par des entités plus puissantes, telles que les États et les grandes entreprises.

    Il apparaît de plus en plus clairement que la propriété foncière de plein droit des #peuples_autochtones et communautés locales joue un rôle essentiel pour préserver la diversité culturelle et lutter contre la #pauvreté et la #faim, l’#instabilité_politique et le changement climatique. L’importance de la protection et du développement de la propriété foncière des communautés et des populations autochtones fut un élément essentiel des négociations sur les objectifs de développement durable et l’Accord de Paris sur le changement climatique ; elle est cruciale pour la réussite de leur mise en œuvre.

    Le présent rapport lance un appel mondial à l’action sur les droits fonciers autochtones et communautaires, soutenu par plus de 300 organisations à travers le monde. Il s’agit d’un manifeste de solidarité avec le combat des peuples autochtones et des communautés locales pour la sécurisation définitive de leurs #droits_fonciers.

  • Moyen-Orient : géographie du chaos
    http://visionscarto.net/moyen-orient-geographie-du-chaos

    Titre : Moyen-Orient : géographie du chaos Mots-clés : #Moyen-Orient #Proche-Orient #Syrie #Irak #Golfe #Israël #Palestine #Yémen #Afrique_de_l_est #Corne #Conflits #Guerre Apparition : Dans plusieurs revues mensuelles. Carte présentée à la conférence Planetary Security à La Haye (Pays-Bas), les 2 et 3 novembre 2015 Auteur : Philippe Rekacewicz Date de création : 2009 mise à jour en 2010, 2013 et (...)

    #Collection_cartographique

  • Protection in Crisis: Forced Migration and Protection in a Global Era

    More than 51 million people worldwide are forcibly displaced today as refugees, asylum seekers, or internally displaced persons. According to the 1951 Geneva Convention Relating to the Status of Refugees, to be recognized legally as a refugee, an individual must be fleeing persecution on the basis of religion, race, political opinion, nationality, or membership in a particular social group, and must be outside the country of nationality. However, the contemporary drivers of displacement are complex and multilayered, making protection based on a strict definition of persecution increasingly problematic and challenging to implement.
    Many forced migrants now fall outside the recognized refugee and asylum apparatus. Much displacement today is driven by a combination of intrastate conflict, poor governance and political instability, environmental change, and resource scarcity. These conditions, while falling outside traditionally defined persecution, leave individuals highly vulnerable to danger and uncertain of the future, compelling them to leave their homes in search of greater security. In addition, the blurring of lines between voluntary and forced migration, as seen in mixed migration flows, together with the expansion of irregular migration, further complicates today’s global displacement picture.

    This report details the increasing mismatch between the legal and normative frameworks that define the existing protection regime and the contemporary patterns of forced displacement. It analyzes contemporary drivers and emerging trends of population displacement, noting that the majority of forcibly displaced people—some 33.3 million—remain within their own countries, and that more than 50 percent of the displaced live in urban areas. The author then outlines and assesses key areas where the international protection system is under the most pressure, and finally examines the key implications of these trends for policymakers and the international community, outlining some possible policy directions for reform.

    http://migrationpolicy.org/research/protection-crisis-forced-migration-and-protection-global-era
    #réfugiés #migration #migration_forcée #instabilité_politique #environnement #réfugiés_environnementaux #réfugiés_climatiques #définition_du_réfugiés
    cc @reka

  • The Pentagon plan to ‘divide and rule’ the Muslim world
    http://www.middleeasteye.net/columns/pentagon-plan-divide-and-rule-muslim-world-1690265165

    Davidson points out that there is precedent for this: “There have been repeated references in the Reagan era to the usefulness of sectarian conflict in the region to US interests.”

    One post-Reagan reiteration of this vision was published by the Jerusalem-based Institute for Strategic and Political Advanced Studies for Benjamin Netanyahu. The 1996 paper, A Clean Break, by Douglas Feith, David Wurmser and Richard Perle – all of whom went on to join the Bush administration – advocated regime-change in Iraq as a precursor to forging an Israel-Jordan-Turkey axis that would “roll back” Syria, Lebanon and Iran. The scenario is surprisingly similar to US policy today under Obama.

    Twelve years later, the US Army commissioned a further RAND report suggesting that the US “could choose to capitalise on the Shia-Sunni conflict by taking the side of the conservative Sunni regimes in a decisive fashion and working with them against all Shiite empowerment movements in the Muslim world… to split the jihadist movement between Shiites and Sunnis.” The US would need to contain “Iranian power and influence” in the Gulf by “shoring up the traditional Sunni regimes in Saudi Arabia, Egypt, and Pakistan”. Simultaneously, the US must maintain “a strong strategic relationship with the Iraqi Shiite government” despite its Iran alliance.

    Around the same time as this RAND report was released, the US was covertly coordinating Saudi-led Gulf state financing to Sunni jihadist groups, many affiliated to al-Qaeda, from Iraq to Syria to Lebanon. That secret strategy accelerated under Obama in the context of the anti-Assad drive.

    The widening Sunni-Shia sectarian conflict would “reduce the al-Qaeda threat to US interests in the short term,” the report concluded, by diverting Salafi-jihadist resources toward “targeting Iranian interests throughout the Middle East,” especially in Iraq and Lebanon, hence “cutting back… anti-Western operations”.

    By backing the Iraqi Shiite regime and seeking an accommodation with Iran, while propping up al-Qaeda sponsoring Gulf states and empowering local anti-Shia Islamists across the region, this covert US strategy would calibrate levels of violence to debilitate both sides, and sustain “Western dominance”.

    Le rapport de la Rand : Unfolding the Future of the Long War, 2008 :
    http://www.rand.org/content/dam/rand/pubs/monographs/2008/RAND_MG738.pdf

    Nafeez Ahmed avait déjà cité longuement ce document en août 2013 dans le Guardian (repris à l’époque sur Seenthis par Kassem) :
    http://www.theguardian.com/environment/earth-insight/2013/aug/30/syria-chemical-attack-war-intervention-oil-gas-energy-pipelines

    (via Angry Arab)

    • Ca, que les Etats-Unis aient aidé l’Arabie et les autres émirats à financer des groupes djihadistes, y a-t-il de véritables preuves ?

      “Around the same time as this RAND report was released, the US was covertly coordinating Saudi-led Gulf state financing to Sunni jihadist groups, many affiliated to al-Qaeda, from Iraq to Syria to Lebanon. That secret strategy accelerated under Obama in the context of the anti-Assad drive.”

    • #Israël – Palestine – Liban : Le chemin le plus long vers la paix-
      Auteur(s) :
      Pailhe Caroline
      08 Août 2006
      http://www.grip.org/fr/node/296

      Cette nouvelle guerre contre le Liban [2006] correspond en effet à la deuxième phase d’ un plan stratégique rédigé en 1996 au sein de l’ Institute for Advanced Strategic and Political Studies de Jérusalem, par un groupe d’ experts sous la direction de #Richard_Perle, qui deviendra conseiller du Pentagone dans la présente Administration et jouera un rôle majeur dans la conception de la guerre en Irak.

      Soumis à l’ époque au Premier ministre israélien Benjamin #Netanyahu, le document, intitulé « A Clean Break : A New Strategy for Securing the Realm » (Un changement radical : Une nouvelle stratégie pour sécuriser le territoire), préconise un revirement de la stratégie israélienne[28].

      Au niveau des concepts, le plan prône l’ abandon de la stratégie « terre contre paix » poursuivie jusqu’ alors et plaide pour « #la_paix_par_la_force », une politique fondée sur le rapport de force (balance of power). Il recommande également l’ instauration du principe de #préemption, à côté de celui de #punition, dans la doctrine stratégique israélienne.

      Plus concrètement, le changement de stratégie visait à rompre avec le processus de paix d’ Oslo et fournir à Israël la possibilité d’ étendre une fois pour toutes son empire au-delà des frontières actuelles. Certaines des recommandations sont déjà des faits acquis : changement de régime en Irak, durcissement vis-à-vis des Palestiniens et affaiblissement d’ Arafat. Pour assurer la sécurité d’ Israël à sa frontière nord, le rapport recommande de « prendre l’ initiative stratégique » afin de combattre le Hezbollah, la Syrie et l’ Iran. C’ est ce qui se joue actuellement.

      A la base de ce document, le groupe d’ experts chargé d’ étudier la « Nouvelle stratégie israélienne pour 2000 » n’ était pratiquement constitué que d’ Américains qui, depuis, ont occupé des positions clés dans l’ Administration Bush et singulièrement dans la définition de sa politique étrangère au Moyen-Orient.

      Plus récemment, #Robert_Satloff, directeur d’ un autre think tank néoconservateur influent sur la politique moyen-orientale de Washington, louait la stratégie américaine d’ « #instabilité_constructive » au Liban et en Syrie[29].

      Il constate que, si la recherche de la #stabilité a été un trait caractéristique de la politique des #Etats-Unis dans la région, « George W. Bush a été le premier président à considérer que la stabilité en tant que telle était un obstacle à l’ avancement des intérêts américains au Moyen-Orient. (...) A cet effet, les Etats-Unis ont employé un éventail de mesures coercitives ou non coercitives, allant de l’ usage de la force militaire pour changer les régimes en Afghanistan et en Irak, en passant par une politique de la carotte et du bâton (...) pour isoler Yasser Arafat et encourager une nouvelle et pacifique direction palestinienne, jusqu’ aux encouragements courtois à l’ Egypte et à l’ Arabie saoudite pour les engager sur la voie des réformes. » Sur cet échiquier, le Liban et la Syrie seraient, pour M. Satloff, « un premier test » de cette politique d’ ’ instabilité constructive car « Israël et l’ Iran, l’ Europe et les Etats-Unis, la Syrie et les Palestiniens, tous ces chemins convergent à Beyrouth ». Il reconnaît que les Etats-Unis et leurs alliés locaux devront certes subir « quelques défaites tactiques » mais « avec de la persévérance, des changements positifs continus ne manqueront pas de se produire ».

    • The Redirection - Seymour Hersh, 2007
      http://www.newyorker.com/magazine/2007/03/05/the-redirection

      In the past few months, as the situation in Iraq has deteriorated, the Bush Administration, in both its public diplomacy and its covert operations, has significantly shifted its Middle East strategy. The “redirection,” as some inside the White House have called the new strategy, has brought the United States closer to an open confrontation with Iran and, in parts of the region, propelled it into a widening sectarian conflict between Shiite and Sunni Muslims.

      To undermine Iran, which is predominantly Shiite, the Bush Administration has decided, in effect, to reconfigure its priorities in the Middle East. In Lebanon, the Administration has cooperated with Saudi Arabia’s government, which is Sunni, in clandestine operations that are intended to weaken Hezbollah, the Shiite organization that is backed by Iran. The U.S. has also taken part in clandestine operations aimed at Iran and its ally Syria. A by-product of these activities has been the bolstering of Sunni extremist groups that espouse a militant vision of Islam and are hostile to America and sympathetic to Al Qaeda

  • L’arc sunnite de l’#instabilité
    http://www.zamanfrance.fr/article/larc-sunnite-linstabilite-13226.html

    Alors que les observateurs internationaux se concentrent sur le rôle de la rivalité entre Sunnites et Chiites pour structurer la #géopolitique du monde islamique, des fissures profondes dans l’arc sunnite (qui s’étend de la région du Maghreb-Sahel de l’Afrique du Nord à la ceinture de l’Afghanistan et du Pakistan) sont de plus en plus évidentes. En outre, ce sont les communautés sunnites qui produisent les djihadistes transnationaux, qui sont devenus une menace efficace contre les États laïques et démocratiques proches et lointains. Quel est le moteur de cette fragmentation et de cette radicalisation dans les rangs de l’Islam sunnite ? Comment peut-on les contrôler ?