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  • Sociologie de Lille par le Collectif Degeyter (Radio)

    À Lille, le récit d’une agglomération reconvertie en métropole tertiaire, culturelle et créative semble avoir chassé les fantômes de la crise économique. Mais, cinquante ans après le début de sa désindustrialisation et sans nier les dynamiques économiques et culturelles nouvelles, la « bifurcation tertiaire » est loin d’avoir tenu ses promesses.

    Lille est aujourd’hui la grande agglomération régionale la plus ségrégée de France. Les politiques publiques nationales et locales se sont révélées impuissantes à réduire les inégalités sociospatiales héritées du développement industriel et à contrecarrer un chômage persistant. La reconversion tertiaire s’est accompagnée d’une précarisation accrue du marché du travail et de ségrégations renouvelées, tant sur le plan résidentiel que scolaire.

    Cet ouvrage rend compte de ces transformations, indissociablement politiques, économiques et sociales, qui font de l’agglomération lilloise un site privilégié pour comprendre les dynamiques inégalitaires des villes contemporaines.


    Le collectif Degeyter est composé de neuf enseignants-chercheurs sociologues, politistes et géographes des universités Lille 1, Lille 2, Lille 3 et Paris-Est-MLV : Antonio Delfini, Fabien Desage, Fabien Eloire, Remi Lefebvre, Yoan Miot, Frédéric Poulard, Stéphanie Pryen, Juliette Verdière et Cécile Vignal (coord.).
    http://www.campuslille.com/index.php/entry/sociologie-de-lille-editions-la-decouverte
    Emission « Angle d’ATTAC ». Troisième Samedi de chaque mois, 12h sur Radio Campus Lille.

    #Radio #Audio #Lille #Sociologie #Métropole #Métropolisation #ségrégation #précarisation #Ville_contemporaine #Politique_économique #Radio_Campus_Lille

  • Sociologie de Lille (Editions de La Découverte) - collectif Degeyter Ça vient de sortir

    À Lille, le récit d’une agglomération reconvertie en métropole tertiaire, culturelle et créative semble avoir chassé les fantômes de la crise économique. Mais, cinquante ans après le début de sa désindustrialisation et sans nier les dynamiques économiques et culturelles nouvelles, la « bifurcation tertiaire » est loin d’avoir tenu ses promesses.

    Lille est aujourd’hui la grande agglomération régionale la plus ségrégée de France. Les politiques publiques nationales et locales se sont révélées impuissantes à réduire les inégalités sociospatiales héritées du développement industriel et à contrecarrer un chômage persistant. La reconversion tertiaire s’est accompagnée d’une précarisation accrue du marché du travail et de ségrégations renouvelées, tant sur le plan résidentiel que scolaire.

    Cet ouvrage rend compte de ces transformations, indissociablement politiques, économiques et sociales, qui font de l’agglomération lilloise un site privilégié pour comprendre les dynamiques inégalitaires des villes contemporaines.

     COLLECTIF DEGEYTER
    Le collectif Degeyter est composé de neuf enseignants-chercheurs sociologues, politistes et géographes des universités Lille 1, Lille 2, Lille 3 et Paris-Est-MLV : Antonio Delfini, Fabien Desage, Fabien Eloire, Remi Lefebvre, Yoan Miot, Frédéric Poulard, Stéphanie Pryen, Juliette Verdière et Cécile Vignal (coord.).

    Introduction

    I / De la ville industrielle aux reconversions tertiaires

    
Une ville habitée par les ouvriers
    L’explosion de la production textile -
    La condition ouvrière - Les travailleurs migrants
    
 Une ville façonnée par la bourgeoisie 

    Les « maîtres du Nord » - Lille, ville « haussmannienne » ? - Les industriels et le logement ouvrier
    
Une ville remodelée par la reconversion

    Restructuration textile et conséquences sociales - Le pari de la tertiarisation

    II / La métropolisation comme salut ?
    
Conjurer la crise par la réforme du gouvernement local : aux origines de la « métropole du Nord »

    Une pensée d’État - Une réappropriation rapide par les élus locaux et le patronat
    
De quoi la métropolisation est-elle le nom ?

    L’attractivité et le rayonnement comme nouveaux mantras - L’approfondissement du consensus communautaire : l’union fait la force, mais la force de qui ?
    Atténuer les coûts sociaux du projet de métropolisation : de la Ville renouvelée aux politiques de peuplement _


    III / Sous la métropole, une ville populaire et inégalitaire
    
Les réalités contrastées de l’emploi et du chômage
    Une reconversion tertiaire en trompe-l’œil - La face cachée de la tertiarisation - Le chômage lillois ou la restructuration permanente
    Une agglomération populaire, marquée par la ségrégation sociospatiale
    La résistance des classes populaires face au rattrapage des cadres ? - Gentrification à la lilloise
    Vie quotidienne des classes populaires précarisées

    Discriminations et racialisation de la question sociale - La pauvreté comme quotidien

    IV / Des jeunesses confrontées à un espace scolaire segmenté
    
Le poids de l’enseignement privé : catholicisme patronal et encadrement du monde ouvrier
    La formation des enfants de la bourgeoisie patronale - Former les ouvriers
    _Réussite scolaire différenciée et polarisation sociale des établissements scolaires lillois


    Une ségrégation scolaire qui accentue la ségrégation sociale - Une mise en concurrence des établissements scolaires transversale aux secteurs public et privé
    
Lille et ses étudiants

    L’enseignement supérieur dans l’agglomération lilloise - La géographie lilloise des étudiants - Trouver un emploi ou la reproduction des inégalités _


    V / Un bastion socialiste ?
    Le modèle historique du socialisme municipal

    Une terre de guesdisme - La modernisation de l’hégémonie socialiste dans les années 1970 - Fragilités du bastion
    
L’érosion électorale du bastion

    La montée de l’abstention - La faiblesse des rivaux à gauche et à droite du PS
    
La rétraction du milieu partisan socialiste

    L’érosion de la base militante - Les réseaux participatifs et associatifs - L’équation personnelle de Martine Aubry

    VI / La culture, entre fiction politique et nouveau mythe urbain
    
L’avènement d’une politique artistique événementielle

    Impulsion patronale et leadership politique - Les ingrédients du consensus - Pérennisation de l’événement et désolidarisation territoriale
    Par-delà la fête, les controverses

    Le paradigme participatif en question - La culture, cheval de Troie de la gentrification ?

    Conclusion
    
Repères bibliographiques.

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Sociologie_de_Lille-9782707189233.html
    #Lille #sociologie #désindustrialisation #Métropole #ségrégation #inégalité #gentrification #pauvreté #discrimination #MEL #consensus #culture

  • Agrandissement du Grand Mix : début des travaux en décembre - Nord Eclair
    http://www.nordeclair.fr/25887/article/2017-01-06/agrandissement-du-grand-mix-debut-des-travaux-en-decembre

    C’est un beau cadeau d’anniversaire pour le Grand Mix qui va fêter ses vingt ans cette année. L’État vient d’accorder 500 000 € pour son agrandissement, ce qui entraîne la participation de la Région (pour également 500 000 €). Ils viennent s’ajouter à un million d’euros du Département.
    Par A. Cl | Publié le 06/01/2017

    À vingt ans, il est temps de grandir. C’est peut-être ce qu’a pensé la direction des affaires culturelles. Elle vient d’accorder à la ville de Tourcoing 500 000 € pour l’agrandissement du Grand Mix, dont elle est propriétaire des murs.

    C’est une belle reconnaissance de notre travail. Tout semble bien parti pour que les travaux voient le jour

    , commente sobrement Boris Colin, le directeur du Grand Mix.

    En octobre, le conseil municipal de Tourcoing avait inscrit sa volonté d’engager des travaux d’agrandissement avec la requalification du bâtiment Herrebeaux qui jouxte la salle de spectacle. Le coût n’est pas moindre : 3,2 millions d’euros (HT). Le Département a déjà annoncé le déblocage d’un million d’euros. L’État vient donc de signifier son soutien pour un demi-million d’euros dans le cadre du plan État-Région.

    Dans ce cadre, cela débloque automatiquement la subvention de la Région qui sera également de 500 000 €

    , se réjouit Gérald Darmanin, maire de Tourcoing.

    Nous attendons maintenant l’accord de la MEL pour 213 000 €. Quant à la ville, elle finance un tiers du projet.

    Un lieu ouvert sur la ville

    Le projet prévoit de créer un espace club baptisé le Petit Mix, avec une jauge de trois cents spectateurs qui pourrait être ouvert en journée. C’était le souhait de Boris Colin et de Rémi Lefebvre, président de la Passerelle qui anime le Grand Mix. « L’idée est aussi de désenclaver le Grand Mix car, aujourd’hui, la salle n’est pas assez ouverte sur la ville. L’idée est aussi de créer un bar ouvert le midi. »

    L’agrandissement devrait aussi permettre la création d’un studio son, la création de loges (actuellement elles sont très à l’étroit). Enfin cela permettra de rassembler les services du Grand Mix et de l’association La Passerelle sur un seul lieu (actuellement installées place Notre-Dame et rue Saint-Jacques)…

    Objectif affiché par la ville : faire du Grand Mix « un espace de référence métropolitain et un lieu de vie ».

    Il faut que le Grand Mix puisse fonctionner de manière modernisée. C’est une rénovation qu’il attend depuis dix ans

    , souligne le maire qui rappelle que l’équipement culturel bénéficie de la plus grosse subvention de la ville (240 000 €).

    Les travaux pourraient commencer en décembre. Pendant les quatorze mois de travaux, le Grand Mix devra programmer ses concerts dans d’autres salles et ce jusqu’en février 2019. Date prévue pour la réouverture.

    Une nouvelle salle dans un quartier rénové

    Il va y avoir de la poussière et des bruits de marteau-piqueur autour et dans le Grand Mix. La salle de concert sera agrandie grâce à l’aménagement du bâtiment Herrebeaux, vide depuis plus de quinze ans et le parking en schiste qui donne rue du Calvaire va être recouvert de macadam.

    Parallèlement les élus tourquennois ont voté la rénovation de la façade de l’église Notre-Dame des Anges. La place Notre-Dame va également subir un lifting, ce qui n’est pas un luxe. Enfin les voiries des rues adjacentes vont être refaites.

  • La professionnalisation des politiques, un verrou français, par Anne Chemin (« Le Monde », 10/03/2015)
    http://lemonde.fr/idees/article/2016/03/10/la-professionnalisation-des-politiques-un-verrou-francais_4880673_3232.html

    ft. Rémi Lefebvre : http://www.monde-diplomatique.fr/2009/10/LEFEBVRE/18193

    En ce jour d’automne 2015, Florent Hérouard affiche une barbe naissante et un sweat-shirt à capuche qui tranchent avec l’allure traditionnelle des hommes politiques. Invité de France Bleu Normandie, ce géographe qui a inventé un système d’attache pour les skateboards est tête de liste aux élections régionales dans le Calvados. Une position qu’il n’a pas conquise au terme d’un long parcours au sein des instances dirigeantes de son parti  : comme tous les candidats de Nouvelle donne, le mouvement de Pierre Larrouturou, Florent ­Hérouard a été désigné au terme d’un tirage au sort. Il est, affirme-t-il avec fierté, un «  candidat-citoyen  » qui rêve de «  faire de la politique autrement  ».

    Autrement  ? Comme un amateur éclairé qui croit en la chose publique sans vouloir pour autant en faire son métier. Une idée que les grands partis considèrent souvent avec un brin de condescendance, comme si elle relevait de l’aimable folklore de la ­démocratie participative. La contribution des profanes à la démocratie est pourtant une idée très ­ancienne  : dans l’Antiquité, les Grecs pratiquaient le tirage au sort et la rotation rapide des mandats afin, justement, de favoriser «  l’autogouvernement de tous par tous, chacun étant à tour de rôle gouvernant et gouverné  », souligne le politiste Yves Sintomer dans un texte publié en 2012 sur le site La Vie des idées.

    Cet usage a survécu dans la justice – les jurés d’assises sont, aujourd’hui encore, tirés au sort –, mais il a ­disparu dans le monde politique  : depuis le début du XXe siècle, et surtout depuis l’avènement de la ­Ve Répu­blique, la démocratie française est entrée dans l’ère de la professionnalisation. «  Aujourd’hui, la politique est un métier, constate Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po, le Cevipof. Les hommes politiques construisent des carrières longues  : ils occupent tour à tour des fonctions électives, des postes dans la haute fonction publique ou dans des cabinets, des responsabilités dans l’appareil des partis – et ce, parfois, pendant toute une vie. Le temps des néophytes issus de la société civile est terminé.  »

    Les chiffres sont sans ambiguïté  : à l’Assemblée ­nationale, l’entrée «  directe  » de citoyens dénués ­d’expérience politique est en voie de disparition. «  Les trajectoires menant au Palais-Bourbon impliquent un ­investissement professionnel précoce dans la politique et la détention préalable de plusieurs postes de pouvoir, ce qui implique un savoir-faire  », explique Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS (Cevipof), dans une étude sur le profil des députés élus en 2012. Un tiers des députés socialistes ont ainsi «  fait leurs premières armes au sein du PS, très souvent comme ­assistants parlementaires ou membres de cabinets municipaux ou régionaux  », poursuit-il, en soulignant une ­ «  certaine professionnalisation des députés  ».

    Des parcours qui se ressemblent

    Luc Rouban observe une même tendance chez les élus ­locaux des zones urbaines. «  La proportion d’hommes et de femmes d’appareil qui proviennent des entourages locaux (cabinets de maires, collaborateurs de conseils généraux ou régionaux ou d’intercommunalités) continue d’augmenter allègrement pour représenter, en 2014, le quart de tous les maires, constate-t-il dans une étude sur les villes de plus de 30 000 habitants. A cela, il faut ajouter la part croissante prise par les professions politiques dans lesquelles ont été ­intégrés les assistants parlementaires ou les collaborateurs d’élus au niveau national.  » Sa conclusion est sans appel  : «  La décentralisation a créé, en vingt-cinq ans, une élite ­urbaine fermée, professionnalisée et notabiliaire, qui a ­concentré le pouvoir local en accumulant les ressources ­partisanes et sociales.  »

    Avec la professionnalisation, les parcours des hommes politiques de ce début de XXIe siècle se ressemblent de plus en plus. «  Ils militent dans une organisation de jeunesse, ils intègrent un institut de sciences politiques, d’économie ou de droit, ils deviennent assistants d’élus, ils sont membres d’un cabinet, ils briguent un mandat, explique Rémi ­Lefebvre, professeur de sciences politiques à l’université Lille-II. C’est comme cela qu’ils apprennent les ficelles du métier – la capacité à faire campagne, à diviser ses adversaires et à acquérir le sens pratique dont parle Pierre Bourdieu. Le stade ultime de la professionnalisation, c’est l’absence ­totale de passage par une vie professionnelle autre que la politique. Ce phénomène touche tous les partis, à droite comme à gauche – y compris le Front national.  » Au risque, parfois, de créer un monde à part.

    Beaucoup de Français semblent en effet se lasser de cet «   #entre-soi professionnalisé  », selon le mot de Rémi ­Lefebvre. Sondage après sondage, ils plaident pour un ­renouvellement du personnel politique. Le spectre de la répétition du duel Hollande-Sarkozy de 2012 à la présidentielle de 2017  ? Le retour en fanfare de l’ancien secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé  ? La publication du nouveau livre de François Fillon, qui a commencé sa carrière politique comme assistant parlementaire, en 1976  ? Beaucoup de Français ont le sentiment que la vie politique fonctionne en vase clos. Une situation qui fait dire à l’humoriste de France Inter Charline Vanhoenacker qu’«  il y a autant de renouvellement dans la classe politique française que chez les invités de Michel Drucker  »

    Les partis, des « machines »

    Si la professionnalisation est aujourd’hui très marquée, elle ne date pas d’hier  : dès le lendemain de la Grande Guerre, le sociologue allemand Max Weber l’évoque dans une conférence prononcée en 1919 à Munich, «  Politik als beruf  » (la politique comme métier). Il définit alors les professionnels de la politique comme ceux qui vivent «  pour  » et «  de  » la politique. En ce début de XXe siècle, Max Weber ­insiste sur la fin de la domination des notables et l’importance croissante des partis, ces «  immenses appareils  » que les pays anglo-saxons surnomment des «  machines  ». L’élément «  décisif et nouveau  », souligne-t-il, est le fait que les professionnels de la politique que sont les responsables de l’organisation sont désormais à même «  d’imposer dans une mesure assez considérable leur propre volonté  ».

    En France, le mouvement s’amorce au début du XXe siècle. «  Jusqu’à la fin du XIXe, les dirigeants des institutions de l’Etat étaient souvent issus des cercles de notables, analyse le politiste Daniel Gaxie dans un article publié en 2001 dans la revue Mouvements. Ils ne vivaient pas que “pour” la politique puisque leur rang social leur commandait de se prêter à d’autres activités honorifiques et ils ne vivaient pas que “de”la politique puisqu’ils exerçaient souvent leurs fonctions à titre bénévole et que leur fortune leur permettait de vivre sans en attendre de revenus. L’activité politique ­professionnelle apparaît progressivement avec les premiers partis politiques, l’ascension politique d’hommes moins ­fortunés, en particulier dans le mouvement ouvrier, l’instauration d’indemnités versées aux élus et l’élargissement des interventions de l’Etat.  »

    #Expertise et engagement

    Ce mouvement de #professionnalisation s’accentue après la seconde guerre mondiale, et surtout sous la Ve République. «  A la fin des années 1970, on voit apparaître le professionnel de la #politique tel que nous le concevons aujourd’hui, explique Luc Rouban. Son parcours mêle expertise et engagement  : c’est, par exemple, le ­conseiller d’un ministre qui brigue un mandat local avant de repartir dans la haute fonction publique ou un responsable de parti qui s’engage dans un cabinet avant de devenir maire.  » A partir des années 1980, cette évolution est renforcée par la décentralisation. Les maires, les conseillers généraux et les conseillers régionaux, poursuit Luc ­Rouban, «  cessent d’être des amateurs éclairés ou des ­notables qui transmettaient leur mandat à leur fils pour ­devenir de vrais professionnels  ».

    Aujourd’hui, résumait Daniel Gaxie en 2001, la politique est devenue une «  activité différenciée, spécialisée, permanente et rémunérée  ». Faut-il s’inquiéter de cette évolution qui marque, après tout, la fin d’une ère bien peu démocratique, celle des notables  ? Dans un monde où la mise en œuvre des politiques publiques requiert de plus en plus de compétences, n’est-il pas sage de confier leur conception à des professionnels aguerris de la chose publique  ? Ne faudrait-il pas se féliciter que des personnels compétents passent des décennies à apprendre les rouages de l’action ­publique  ? Ne serait-ce pas, par ailleurs, la pente naturelle d’une société qui plaide constamment en faveur de l’élévation du niveau de qualification dans le monde du travail  ?

    «  La compétence est une forme de dépolitisation  »

    Tout dépend, répond Luc Rouban, de la conception que l’on a de la démocratie représentative. «  Si l’on considère que les élus sont censés porter la voix de leurs électeurs et représenter leurs intérêts, la professionnalisation est évidemment un problème. Si l’on considère en revanche que les élus sont de simples mandataires auxquels les citoyens ­confient leurs pouvoirs pendant un certain temps afin qu’ils prennent les décisions à leur place, on favorise naturellement l’émergence d’une classe d’experts. Dans cette conception libérale, le citoyen délègue sa parcelle de souveraineté  : il considère qu’il y a des professionnels pour gérer l’action ­publique et il les juge au résultat. Les universitaires américains John Hibbing et Elizabeth Theiss-Morse ont inventé un mot pour désigner ce système  : la démocratie “furtive”.  »

    Tout, cependant, n’est pas toujours rose dans le monde de la démocratie «  furtive  ». Ne serait-ce que parce que les fameuses compétences dont se réclament les hommes politiques peuvent masquer, voire effacer les clivages politiques. «  La compétence est souvent une forme de dépolitisation, estime Rémi Lefebvre. En intégrant les paramètres technocratiques, en réduisant la politique à un problème technique, le débat politique perd de vue les grands choix, les alternatives. Il est évidemment illusoire d’évacuer toute logique d’expertise des politiques publiques, mais le risque, c’est qu’elle ait la prétention de dire une forme de vérité, qu’elle ferme les possibles. La logique de l’expertise a dévoré la politique française comme elle a dévoré la construction européenne.  »

    En créant un monde à part, la professionnalisation a en outre l’inconvénient de renforcer les logiques «  corporatistes  ». «  Les sciences sociales ont souligné de longue date que la division du travail, la différenciation, la spécialisation et la professionnalisation favorisent l’apparition d’intérêts particuliers dans les nouveaux univers sociaux qu’elles constituent, constate Daniel Gaxie dans Mouvements. (…) En tant que professionnel, l’homme politique a des intérêts propres qu’il est tenté de privilégier. On pense bien sûr au souci des élites de conserver leur place dans l’univers politique, d’être réélus, de progresser dans le cursus honorum ou d’améliorer leur popularité. Plus largement, le milieu politique est le plus souvent tout entier affairé autour des enjeux spécifiques qui le structurent  » – les alliances, les candidatures, les remaniements…

    Enfin, en transformant un mandat de quelques années en un métier que l’on exerce parfois pendant toute une vie, la professionnalisation nourrit une très forte longévité politique – des carrières interminables, des candidatures à répétition, des come-back sans fin. «  La longévité est déjà une tendance forte de la démocratie car en France, le coût d’entrée dans la vie politique est très élevé, poursuit Rémi Lefebvre. Pour obtenir un mandat, il faut être patient, renoncer à sa vie personnelle et faire énormément de sacrifices. Lorsque le seuil de la professionnalisation est franchi, l’élu cherche donc à se maintenir dans le jeu le plus longtemps possible. Les mandats sont à durée limitée mais ­l’engagement politique est souvent appréhendé dans une forme d’irréversibilité.  »

    Le cumul des mandats, mère de toutes les batailles

    La professionnalisation renforce jusqu’à la caricature ce trait de la culture française – en posant, du même coup, des problèmes de légitimité démocratique. Comment, dans un monde aussi figé, accueillir les nouveaux venus de la scène politique que sont les femmes et les représentants de la ­diversité  ? Les portes du monde politique ont en effet un mal fou à s’entrouvrir  : malgré l’inscription, en 1999, du principe de parité dans la Constitution, les femmes représentent seulement 26,9 % des députés, 22,1 % des sénateurs, 13,9 % des conseillers généraux et 9,6 % des maires de villes de plus de 3 500 habitants. Les représentants de la diversité ne sont guère mieux lotis  : l’Assemblée nationale ne compte que huit députés d’origine africaine, maghrébine, asiatique ou brésilienne, soit… 1,4 %.

    Jour après jour, la professionnalisation éloigne donc les élus de la société dont ils sont issus – et pas seulement parce qu’elle manque de femmes ou de descendants d’immigrés. «  Si la professionnalisation consiste à dire que l’on peut, au titre de ses compétences, se maintenir autant de temps que l’on veut à plusieurs fonctions en même temps, cela renforce le fossé entre les règles qui régissent le monde politique et celles qui régissent la société civile, affirme le politiste Bruno Cautrès. Comment voulez-vous que les ­citoyens acceptent que plus de 80 % des députés aient au moins deux mandats alors qu’ils savent qu’il est impossible d’exercer deux métiers à temps plein  ? Comment voulez-vous qu’ils trouvent normal que 60 % des maires aient plus de 60 ans alors qu’à cet âge, la plupart des salariés s’apprêtent à partir à la retraite  ?  »

    Rebattre les cartes

    Comment insuffler du renouvellement dans ce monde à part qu’est la politique  ? Pour beaucoup d’intellectuels, la mère de toutes les batailles est la lutte contre le cumul des mandats. «  Il faut instaurer un mandat unique, comme dans l’immense majorité des pays européens, plaide Rémi Lefebvre. Un premier pas sera accompli en 2017 si la réforme interdisant aux députés et aux sénateurs d’être également président ou vice-président d’un conseil régional ou départemental n’est pas abrogée. C’est déjà une petite révolution, mais il faut aussi limiter les mandats dans le temps en autorisant deux, voire trois mandats maximum. Aujourd’hui, les carrières politiques sont tellement longues que les élus ne peuvent pas revenir en arrière. Il y a un effet cliquet  : ­comment voulez-vous qu’un enseignant qui a été député pendant quinze ou vingt ans revienne devant ses élèves  ?  »

    Pour Eric Keslassy, auteur, en 2009, d’un rapport sur la diversité pour l’Institut Montaigne et enseignant à Sciences Po, le mandat unique, et surtout sa limitation dans le temps, permettrait enfin de faire respirer la démocratie. «  Il faut absolument rebattre régulièrement les cartes car au bout d’un moment les habitudes priment et la motivation s’érode. Lors du premier mandat, l’élu s’installe, lors du deuxième, il donne sa pleine mesure, lors du troisième, il y a une chute de l’activité – la productivité est en recul, diraient les économistes  ! Les élus objectent qu’il serait dommage de se priver d’un élu qui a de l’expérience, mais de nouveaux venus peuvent, eux aussi, réussir leur apprentissage et ­devenir de bons élus. Il est sain, pour la démocratie, que de nouveaux profils parviennent à émerger.  »

    Une réforme du statut de l’élu

    Pour faciliter les allers et retours entre le monde politique et la société civile, beaucoup plaident également en faveur d’une réforme du statut de l’élu afin de susciter de nouvelles vocations, notamment dans le monde de l’entreprise. Si les fonctionnaires peuvent en effet s’engager en politique sans mettre en péril leur carrière professionnelle, les salariés du privé se montrent plus hésitants. Prévoir des congés temporaires, accorder des formations, simplifier le retour à l’emploi  : entré en vigueur en début d’année, le nouveau statut de l’élu local permettra, par exemple, aux maires des villes de plus de 100 000 habitants de réintégrer leur entreprise à la fin de leur mandat. Il fait cependant l’impasse sur les élus nationaux.

    Pour le politiste Bruno Cautrès, il faut aller beaucoup plus loin. «  Le débat sur la professionnalisation renvoie à un mal plus profond  : une gigantesque crise de défiance ­envers le monde politique. Pour en venir à bout, l’installation d’une énième commission proposant des réformes d’ingénierie institutionnelle ne suffira pas  : il faut créer dans ce pays un grand moment délibératif sur le modèle de ce que propose l’universitaire américain James Fishkin, l’un des théoriciens de la démocratie participative. Les Français sont attachés à la démocratie mais leur insatisfaction envers son fonctionnement est immense. C’est un grand chantier, mais il faut prendre au sérieux la parole des citoyens et répondre à cette demande concernant la qualité de la démocratie.  »

    #parti_politique #France #technocratie #entre_soi cc @xavsch

    • J’ai tenté plusieurs fois de jouer le jeu démocratique depuis les coulisses et j’en étais arrivé au même constat.

      Comme dans l’ensemble de la société, la caste politique, qu’elle soit locale ou nationale, tente de justifier sa mainmise sur l’appareil de gouvernement de nos vies par sa seule qualité d’expert. Ainsi, le personnage politique n’est plus celui qui, parmi nous, va prendre quelque temps la charge de la coordination des intérêts communs, mais c’est « celui qui sait », et qui fera ce qu’il doit faire, en dehors de tout contrôle réel et concret de ses actes par la population dont il est en charge. Évidemment, ce point de vue justifie l’hermétisme de l’accès aux fonctions décisionnelles de notre démocratie. Puisque gouverner ne peut être que l’action de ceux qui savent, la professionnalisation du personnel politique devient un horizon indépassable et du coup, l’aspect hiérarchique et conservateur du dispositif est renforcé, au détriment de toute idée de représentativité, ce qui est antinomique de l’intention d’origine.

      http://blog.monolecte.fr/post/2014/03/25/lobsolescence-contrariee-de-notre-systeme-politique

  • Tourcoing : le Grand Mix à la croisée des chemins ? - La Voix du Nord
    http://www.lavoixdunord.fr/region/tourcoing-le-grand-mix-a-la-croisee-des-chemins-ia26b58810n2715471?xtor

    À peine était-il entré dans ses murs, en 1997, place Notre-Dame que le Grand Mix s’était trouvé à l’étroit. Alors, depuis 2001, un projet d’extension existe, mais aujourd’hui, il pourrait aussi être question d’un déménagement sans pour autant quitter la ville… contrairement à ce que disent certaines rumeurs.

    1. Les besoins
    Derrière les fenêtres masquées du Grand Mix, l’équipe de la salle de concert, dont les bureaux se trouvent rue Saint-Jacques, joue des coudes pour accueillir les artistes. Quatre ans après leur arrivée, le bâtiment mitoyen s’est libéré et a été racheté par la Ville, déjà propriétaire de la salle de concerts. Un projet d’extension s’est peu à peu dessiné. « Le projet est de regrouper l’ensemble des activités de la salle et d’avoir un peu plus d’espace. », décrit Boris Colin, directeur (lire également ci-dessous).
    Mais ce n’est pas la seule ambition du Grand Mix. « L’idée est aussi de désenclaver le Grand Mix car aujourd’hui la salle n’est pas assez ouverte sur la ville. On a bien conscience, aujourd’hui, que le Grand Mix est un bunker », insiste Rémi Lefebvre, président de la Passerelle, l’association qui gère le Grand Mix. « On est à l’étroit pour fonctionner comme une salle de notre taille doit fonctionner. »
    2. Le projet
    La facture de la copie qui a été revue plusieurs fois s’élève à 3,7 millions d’euros. « Quelle que soit la municipalité, on a réussi à le faire financer à hauteur de 2 millions d’euros. Il faut souligner que l’ancienne équipe comme la nouvelle ont tout fait pour soutenir ce projet. » En juin dernier, le Grand Mix a présenté son projet au nouveau maire. « Il a été très positif vis-à-vis de nous. Il nous soutient dans nos projets et était partant pour l’extension. »
    Mais l’enveloppe reste de 2 millions d’euros. « Il faut voir ce que l’on peut faire dans ce cadre-là. Même si l’on sait que cela va être compliqué. » Car entre-temps, le bâtiment mitoyen, inoccupé depuis quinze ans, s’est dégradé et risque de nécessiter plus de travaux.
    3. La proposition
    Lorsque l’équipe du Grand Mix revoit le maire en janvier, pour faire le point sur le dossier, il leur propose d’étudier la construction d’une nouvelle salle dans le triangle des piscines, où il imagine son projet de centre-ville présenté lors des vœux. « Cela nous a vraiment surpris. On ne s’attendait pas à ça. » Le maire leur demande un cahier des charges et l’ensemble des besoins de la salle. Le conseil d’administration étudie la proposition mais souhaite que la philosophie de la salle ne change pas. « On ne veut pas un Zénith. On veut garder notre identité. Mais pour nous, cela peut être un moyen de résoudre nos problèmes. Un nouveau lieu nous permettrait de nous affranchir des contraintes. »
    L’équipe du Grand Mix a rendu sa copie et attend maintenant une réponse… qui devrait arriver vite. « D’ici un mois, les choses devraient bouger, mais si nous ne bougeons pas, nous continuerons comme maintenant. L’équipe sera toutefois déçue. »

    Un budget en difficulté

    Comme toutes les structures culturelles, le Grand Mix voit sa subvention baisser de 7,5 %, même si « le maire a dit qu’il était plutôt fier de notre travail », remarque Rémi Lefebvre, président de la Passerelle. Et aujourd’hui, les temps sont durs. « Nous travaillons depuis quatre-cinq ans sur des projets européens. Or, là, nous sommes entre deux projets, ce qui signifie que nous n’avons pas d’enveloppe. » Or, les fonds européens représentent quelque 20 % du budget.

    Le Grand Mix dispose cette année de 1,1 million d’euros et voit donc sa subvention municipale baisser. « Ce n’était pas la bonne année pour nous. On a déjà réduit l’activité. On a fait des économies à tous les étages en interne. Les treize salariés ont fait de gros efforts », souligne Boris Colin. « Il faut quand même se rappeler que le modèle économique culturel français coûte de l’argent. Donc, il y a un peu moins de concerts que l’an passé », regrette Rémi Lefebvre.

    Paradoxe : le Grand Mix attire de plus en plus de spectateurs, n’a jamais compté autant d’abonnés et n’a jamais eu autant de concerts complets. « C’est dommage de casser cette dynamique pour des raisons budgétaires. Nous comprenons aussi les difficultés de la Ville, mais cette décision intervient au très mauvais moment. On sait que l’année va être très difficile. »
    Le rêve d’un lieu plus adapté

    Depuis quatorze ans, le Grand Mix travaille sa copie d’extension. La salle de concerts aimerait regrouper ses bureaux (actuellement, rue Saint-Jacques) dans son enceinte. Mais elle voudrait également avoir un peu d’air. « Aujourd’hui, les artistes mangent dans les bureaux. Mais il y a aussi le problème du chargement à l’arrière de la salle, on manque de stockage. Aujourd’hui, la salle n’est pas satisfaisante sur beaucoup de points », remarque le directeur Boris Colin. « Tout se passe bien côté salle, mais le back office est compliqué. » L’équipe aimerait également avoir une salle plus grande « pour pouvoir répondre à la demande » et une deuxième salle de trois cents places. « Cela nous permettrait d’accueillir d’autres types de concerts avec des coûts d’exploitation plus modestes. »
    Autre volonté : être mieux identifiée dans la ville. « Aujourd’hui, la salle est fermée la journée… L’idée est de créer un lieu qui ait un bar ouvert le midi pour que le lieu soit ouvert. On souhaite aussi une autre salle plus petite, pour accueillir des artistes pour qui on a besoin d’une plus petite jauge, que l’on puisse faire de la résidence d’artiste, que l’on puisse avoir des appartements pour les accueillir et ne plus régler les notes d’hôtel. Nous voulons vraiment ouvrir le Grand Mix sur la ville. »

  • La démocratie participative absorbée par le système politique local | Rémi Lefebvre (Métropolitiques)
    http://www.metropolitiques.eu/La-democratie-participative.html

    Alors que les dispositifs participatifs ne cessent de se multiplier, l’abstention aux élections locales n’a jamais été aussi forte. Loin de renouveler la « démocratie locale », les expériences de participation tendent plutôt à renforcer des pouvoirs locaux de moins en moins proches de leurs citoyens. (...) Source : Métropolitiques