• Programme de retour volontaire (?) pas si volontaire que ça

    Le #Maroc figure au Top 5 des pays hôtes accueillant les migrants en retour en 2022. Il occupe la 3ème place avec l’assistance de 2457 migrants. Il est devancé par la Libye (11.200) et le Yémen (4.080). La Tunisie et l’Algérie arrivent respectivement en 4ème et 5ème positions avec 1.607 et 1.306 migrants assistés. Le Maroc fait partie également du Top 5 des pays d’origine avec 627 migrants assistés. Le Soudan arrive en tête avec 2.539 migrants assistés, suivi de l’Irak (1907). L’Algérie occupe la 4ème place (627) devant la Tunisie (232), précise un rapport sur le retour et la réintégration, publié récemment par l’OIM.

    Hausse

    En détail, 3.552 migrants (2.097 hommes, 916 femmes, 277 garçons et 262 filles) ont demandé une #assistance au retour volontaire à partir du Maroc vers 26 pays d’origine. Le rapport annuel 2022 sur l’assistance au retour volontaire et à la réintégration (https://morocco.iom.int/sites/g/files/tmzbdl936/files/documents/2023-03/Rapport_Annuel_FR_AVRR_20230310.pdf) précise que « la cadence des retours volontaires en 2022 a augmenté légèrement par rapport à 2021, et a triplé par rapport au nombre de migrants assistés en 2020. Cette hausse est due, principalement, à l’augmentation des fonds disponibles en 2022 pour répondre aux demandes de retour volontaire et au fait de compenser le retard cumulé suite aux restrictions de mobilité décrétées par les autorités compétentes pour endiguer la propagation de la pandémie de Covid-19 ».

    La majorité des migrants ayant bénéficié du retour volontaire étaient de jeunes hommes dont l’âge variait entre 19 et 35 ans et qui sont retournés seuls dans leur pays d’origine. Tandis que le ratio femmes/hommes est resté inchangé depuis 2017 (trois bénéficiaires sur quatre étaient des hommes), en 2022, le programme a connu une augmentation de 7% du nombre de femmes voulant retourner. 61% des migrants interrogés ont déclaré qu’ils sont rentrés en raison du manque de ressources financières, les empêchant de maintenir un niveau de subsistance suffisant au Maroc, tandis que 15% ont déclaré avoir choisi de rentrer car ils n’ont pas pu poursuivre leur parcours migratoire vers leur pays de destination.
    L’année 2022 a enregistré également le retour volontaire de 639 Marocains au pays.

    Sachant que le nombre de retours a considérablement augmenté cette année-là, en raison de la crise socioéconomique en Europe suite à la pandémie de Covid-19, d’événements tels que la guerre en Ukraine et la levée des restrictions de mobilité imposées pour endiguer la propagation de ladite pandémie.

    Les tendances de retour se sont progressivement étendues au-delà des pays de l’Union européenne, notamment avec l’augmentation du nombre de demandes d’aide au retour en provenance de la Turquie (+5229%) et de la Tunisie (+25%), par rapport aux chiffres de 2021. L’OIM s’attend à ce que cette tendance à la hausse se poursuive au cours des prochaines années.

    Changement

    Sur un autre registre, le rapport de l’OIM révèle que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont dépassé l’Espace économique européen (EEE) en tant que principale région d’accueil, représentant 33% du nombre total de cas. Le Niger était le principal pays d’accueil avec un nombre total de 15.097 migrants aidés à rentrer, confirmant la tendance des années précédentes avec une augmentation des retours depuis les pays de transit dans d’autres régions d’accueil en dehors de l’Espace économique européen.

    « Cela peut s’expliquer en partie par une hausse du nombre de retours humanitaires, facilités dans le cadre des programmes de retour humanitaire volontaire de l’OIM en Libye et au Yémen, en combinaison avec le nombre croissant de parties prenantes facilitant le retour et la réintégration, en particulier dans l’EEE. Malgré ce changement, certaines tendances sont restées les mêmes. Les trois principaux pays d’accueil à partir desquels le retour volontaire a été facilité en 2022 étaient le Niger, la Libye et l’Allemagne. De même, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale sont restées la principale région d’origine, représentant 47% du nombre total de migrants bénéficiant d’une aide au retour en 2022. Le Mali est devenu le premier pays d’origine des migrants en 2022, dépassant la Guinée, suivie de l’Ethiopie en troisième position », précise ledit rapport.

    Préoccupation

    Cependant, nombreux sont les ONG et les chercheurs qui doutent du caractère véritablement « volontaire » des programmes RVA (retour volontaire assisté). Tel est le cas de l’Ordre de Malte, qui estime qu’”en réalité, peu de personnes souhaitaient réellement repartir. Les déboutés du droit d’asile, en particulier, [ont] de multiples raisons pour ne pas vouloir rentrer (éventuelles menaces dans le pays d’origine, perte de l’accès aux soins en France, raisons économiques). Il y a aussi cette question paradoxale ou ambivalente du retour : repartir au pays d’origine est vécu comme l’échec d’un projet d’émigration (pas de régularisation, échec de projets personnels ou familiaux). Comment serait-il alors possible de transformer ce sentiment d’échec en projet de vie ?”.

    Dans son article, « Le retour volontaire assisté  : Ses implications sur les femmes et les enfants » datant de 2016, Monica Encinas affirme que « les programmes de rapatriement sont organisés en partenariat étroit avec les gouvernements nationaux qui ont un intérêt manifeste à limiter le nombre de migrants et de réfugiés qui tentent d’entrer sur leur territoire chaque année ». Elle ajoute que « certaines ONG ont le sentiment que de nombreux réfugiés participent uniquement à ces programmes parce qu’ils y sont poussés une fois que les gouvernements leur ont stratégiquement retiré l’accès aux services essentiels et les ont menacés d’expulsion ». Et « elles ne sont pas les seules à avoir cette impression », poursuivit-elle. Anne Koch, chargée de recherche, suggère que les programmes de RVA lancés par l’UNHCR et l’OIM doivent être considérés comme « provoqués par les Etats » dans la mesure où ils permettent aux gouvernements occidentaux d’externaliser l’expulsion et d’en confier la responsabilité à l’UNHCR et à l’OIM.

    Elle signale en outre que dès que « les retours forcés et les retours volontaires sont organisés de manière conjointe, la notion de volontariat n’est plus garantie ». En 2013, une autre étude a montré que des fonctionnaires gouvernementaux ont admis qu’ils utilisaient la menace de l’expulsion afin d’augmenter la participation aux programmes de RVA ».

    En outre, Monica Encinas explique que la majorité des demandeurs d’asile qui participent à des programmes de RVA retournent dans des zones où le conflit est encore actif (comme en Afghanistan et en Somalie) et où les chances de réintégration à long terme et en toute sécurité sont pratiquement inexistantes. « Un rapport de l’UNHCR datant de juillet 2013 sur l’autoévaluation de son programme de retour d’Afghans en Afghanistan – le programme le plus important de rapatriement jamais mis en œuvre par l’UNHCR – soulignait les difficultés auxquelles l’agence devait faire face en vue de parvenir à apporter un soutien à la réintégration sociale et économique en Afghanistan.

    Plus tard la même année, Human Rights Watch a recommandé à l’UNHCR et à l’OIM de cesser de se concentrer sur les programmes de RVA au vu de l’insécurité croissante et de l’incapacité des deux agences à fournir des services d’appui adéquats suite au retour des réfugiés », écrit-elle avant de noter que certaines implications juridiques, jugées potentiellement dangereuses, selon elle, accompagnent la participation à des programmes de RVA. « Tous ceux qui y participent doivent signer une « déclaration de retour volontaire ».

    Cette dernière raison suscite de vives préoccupations dans la mesure où une demande d’asile est axée sur un facteur principal : pouvoir faire la preuve d’une crainte légitime de persécution dans le pays que vous fuyez. Le fait de signer une déclaration de retour volontaire dans le cadre d’un RVA implique que vous n’avez plus de motifs de craindre des persécutions et il est probable qu’une demande subséquente – en cas de changement pour le pire des conditions dans le pays de retour – perde toute crédibilité au regard de la loi. Une nouvelle demande d’asile risque donc de se heurter à des obstacles juridiques sérieux parce que le requérant a déjà effectué un retour dans son pays par le passé », a-t-elle fait savoir.

    Disproportion

    Des considérations juridiques et humanistes qui ne semblent pas être prises en considération par les décideurs politiques à Bruxelles qui misent trop sur cette stratégie qui coûte moins cher que les expulsions. Le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (CERE) a déjà dénoncé une politique européenne “disproportionnément concentrée sur les retours et ne portant pas assez l’effort sur la politique d’accueil en elle-même ou sur l’amélioration du processus de traitement des demandes d’asile”. Autrement dit, l’UE s’occupe trop des conditions de retour des migrants irréguliers alors qu’elle devrait consacrer son énergie à améliorer l’accueil de ceux qui peuvent légitimement prétendre à l’asile. Pour l’UE, ces retours coûtent moins cher que les expulsions. Selon les estimations du service de recherche du Parlement européen, un retour forcé – qui nécessite bien souvent un passage en centre de rétention – coûte en moyenne 3.414 euros, contre seulement 560 pour un retour dit “volontaire”. A souligner, cependant, que les retours volontaires ne représentent que 27% des départs depuis le territoire de l’Union et sont aujourd’hui trop rarement effectifs.

    « La Commission européenne estime qu’en 2019, sur les 490.000 ordres de retour passés sur le territoire de l’Union, seuls 140.000 ont effectivement été appliqués. Soit un peu moins d’un tiers du total. Il n’est, en effet, pas rare qu’une personne ayant accepté la procédure de retour volontaire disparaisse peu avant de devoir prendre l’avion, pour différentes raisons : crainte pour son intégrité physique une fois rentrée dans son pays d’origine, honte de devoir assumer l’échec du processus migratoire aux yeux de ses proches… », observe le site Touteleurop.eu.

    Désenchantement

    Une enquête, menée en 2020 par la chaîne d’information européenne Euronews, a révélé que « des dizaines de migrants ayant participé au programme RVA ont déclaré qu’une fois rentrés chez eux, ils ne recevaient aucune aide. Et ceux qui ont reçu une aide financière ont déclaré qu’elle était insuffisante ». L’enquête a indiqué également que « nombreux sont ceux qui envisagent de tenter à nouveau de se rendre en Europe dès que l’occasion se présente ». Mais Kwaku Arhin-Sam, spécialiste des projets de développement et directeur de l’Institut d’évaluation Friedensau, estime de manière plus générale que la moitié des programmes de réintégration de l’OIM échouent.

    Les journalistes d’Euronews expliquent qu’« entre mai 2017 et février 2019, l’OIM a aidé plus de 12.000 personnes à rentrer au Nigeria. Parmi elles, 9.000 étaient "joignables" lorsqu’elles sont rentrées chez elles, 5.000 ont reçu une formation professionnelle et 4.300 ont bénéficié d’une "aide à la réintégration". Si l’on inclut l’accès aux services de conseil ou de santé, selon l’OIM Nigeria, un total de 7.000 sur 12.000 rapatriés – soit 58% – ont reçu une aide à la réintégration. Mais le nombre de personnes classées comme ayant terminé le programme d’aide à la réintégration n’était que de 1.289. De plus, les recherches de Jill Alpes, experte en migration et chercheuse associée au Centre de recherche sur les frontières de Nimègue, ont révélé que des enquêtes visant à vérifier l’efficacité de ces programmes n’ont été menées qu’auprès de 136 rapatriés ».

    Parallèlement, ajoute Euronews, une étude de Harvard sur les Nigérians de retour de Libye estime que 61,3% des personnes interrogées ne travaillaient pas après leur retour, et qu’environ 16,8% supplémentaires ne travaillaient que pendant une courte période, pas assez longue pour générer une source de revenus stable. A leur retour, la grande majorité des rapatriés, 98,3%, ne suivaient aucune forme d’enseignement régulier.

    Dans certains cas, l’argent que les migrants reçoivent est utilisé pour financer une nouvelle tentative de rejoindre l’Europe. « Dans un des cas, une douzaine de personnes qui avaient atteint l’Europe et avaient été renvoyées chez elles ont été découvertes parmi les survivants du naufrage d’un bateau en 2019 qui se dirigeait vers les Iles Canaries », rapportent les journalistes d’Euronews.

    Insuffisances

    Pour certains spécialistes, les programmes RVA renvoient à une autre problématique, celle du travail de l’OIM. Selon Loren Landau, professeur spécialiste des migrations et du développement au Département du développement international d’Oxford, interrogé par Euronews, ce travail de l’OIM souffre en plus d’un manque de supervision indépendante. "Il y a très peu de recherches indépendantes et beaucoup de rapports. Mais ce sont tous des rapports écrits par l’OIM. Ils commandent eux-mêmes leur propre évaluation, et ce depuis des années", détaille le professeur.

    Pour sa part, le Dr. Arhin-Sam, spécialiste de l’évaluation des programmes de développement, interrogé également par Euronews, remet en question la responsabilité et la redevabilité de l’ensemble de la structure, arguant que les institutions et agences locales dépendent financièrement de l’OIM. "Cela a créé un haut niveau de dépendance pour les agences nationales qui doivent évaluer le travail des agences internationales comme l’OIM : elles ne peuvent pas être critiques envers l’OIM. Alors que font-elles ? Elles continuent à dire dans leurs rapports que l’OIM fonctionne bien. De cette façon, l’OIM peut ensuite se tourner vers l’UE et dire que tout va bien".

    Pour M. Arhin-Sam, les ONG locales et les agences qui aident les rapatriés "sont dans une compétition très dangereuse entre elles" pour obtenir le plus de travail possible des agences des Nations unies et entrer dans leurs bonnes grâces. "Si l’OIM travaille avec une ONG locale, celle-ci ne peut plus travailler avec le HCR. Elle se considère alors chanceuse d’être financée par l’OIM et ne peut donc pas la critiquer", affirme-t-il. A noter, par ailleurs, que l’UE participe en tant qu’observateur aux organes de décision du HCR et de l’OIM, sans droit de vote, et tous les Etats membres de l’UE sont également membres de l’OIM. "Le principal bailleur de fonds de l’OIM est l’UE, et ils doivent se soumettre aux exigences de leur client. Cela rend le partenariat très suspect", souligne M. Arhin-Sam. Et de conclure : « [Lorsque les fonctionnaires européens] viennent évaluer les projets, ils vérifient si tout ce qui est écrit dans le contrat a été fourni. Mais que cela corresponde à la volonté des gens et aux complexités de la réalité sur le terrain, c’est une autre histoire ».

    https://www.libe.ma/Programme-de-retour-volontaire-pas-si-volontaire-que-ca_a141240.html
    #retour_volontaire #IOM #OIM #migrations #asile #réfugiés #statistiques #chiffres #réintégration

    • Quelque 900 migrants irréguliers marocains s’apprêteraient à regagner le pays

      Le Maroc s’apprête à accueillir 900 migrants marocains en situation irrégulière en Allemagne. La ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser, a obtenu, lors de sa récente visite au Maroc, l’aval des autorités marocaines concernant ce refoulement.
      Selon frankfurter allgemeine zeitung, le Royaume aurait consenti à reprendre les ressortissants marocains ayant fait l’objet de décisions d’expulsion. Une décision critiquée par l’Organisation démocratique du travail (ODT) qui rejette l’expulsion forcée des migrants marocains, sans que ces derniers ne puissent exprimer leur désir de retour volontaire dans leur pays, dans le plein respect des conditions de réintégration et d’insertion.
      En effet, nombreux sont les ONG et les chercheurs qui doutent du caractère véritablement « volontaire » des programmes de RVA (retour volontaire assisté). En réalité, peu de personnes souhaitaient réellement repartir. Les déboutés du droit d’asile, en particulier, ont de multiples raisons de ne pas vouloir rentrer (éventuelles menaces dans le pays d’origine, perte de l’accès aux soins, raisons économiques).
      Il y a aussi cette question paradoxale ou ambivalente du retour : repartir au pays d’origine est vécu comme l’échec d’un projet d’émigration (pas de régularisation, échec de projets personnels ou familiaux).
      A noter, cependant, que le Maroc figure au Top 5 des pays hôtes accueillant les migrants en retour en 2022. Il occupe la 3ème place avec l’assistance de 2.457 migrants. Il est devancé par la Libye (11.200) et le Yémen (4080). La Tunisie et l’Algérie arrivent respectivement en 4ème et 5ème positions avec 1.607 et 1.306 migrants assistés. Le Maroc fait partie également du Top 5 des pays d’origine avec 627 migrants assistés. Décryptage.

      L’Organisation démocratique du travail (ODT) dit non aux expulsions des migrants marocains en Allemagne. Elle rejette, en effet, l’expulsion forcée des migrants marocains, sans exprimer leur désir de retour volontaire dans leur pays et dans le plein respect des conditions de réintégration et d’insertion.

      Elle appelle également au respect des droits humains et fondamentaux des migrants et des réfugiés et demandeurs d’asile, à s’abstenir d’expulsions forcées et répressives pour des motifs politiques et électoralistes, et à ce que la priorité soit donnée aux solutions alternatives centrées sur les droits de l’Homme, fondées sur un règlement global de leur situation, accordant un statut légal aux immigrés marocains et mettant fin au phénomène de détention des enfants.

      Deux poids deux mesures

      Dans un communiqué publié récemment, cette organisation syndicale considère que « tous les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile doivent être protégés et traités avec dignité, en respectant pleinement leurs droits, quels que soient leurs statuts, conformément au droit international ».

      A ce propos, l’ODT critique la décision allemande visant à renvoyer 900 immigrés marocains irréguliers dans leur pays d’origine. Selon elle, Berlin et les autres pays européens poursuivent leur politique hypocrite de migration basée sur les expulsions des migrants irréguliers et l’accueil des compétences pour lesquelles « le Royaume du Maroc dépense chaque année des millions de dirhams pour leur formation pour ensuite les livrer sur un plateau d’or à l’Allemagne ou à d’autres pays européens, au Canada, aux Etats-Unis d’Amérique... »

      Le communiqué en question précise, en outre, que « le nouveau projet d’expulsions allemand cible particulièrement les Arabes, les musulmans et les Africains en général » en expliquant que « les migrants de ces pays sont souvent expulsés d’une manière qui viole les principes des droits de l’Homme et les normes internationales interdisant l’expulsion collective et le principe de non-refoulement sans motif valable ».

      En effet, ajoute le document, les expulsions se font selon le procédé de « recourir de plus en plus à la détention des migrants et à leur renvoi dans leur pays d’origine, sur la base de justifications avancées non fondées, voire même la conclusion d’accords bilatéraux avec leurs pays d’origine, moyennant une aide financière misérable notamment avec certains pays africains, du Maghreb, la Syrie, le Soudan, le Yémen et la Libye ».

      Mettre fin aux expulsions

      Pour l’ODT, il est temps d’abandonner « tout accord visant à expulser abusivement les Marocains en situation irrégulière contre leur gré, avec l’obligation de respect des droits des migrants et de leurs familles conformément aux conventions internationales, tout en envisageant un retour volontaire et sûr dans le cadre de la réintégration dans leur pays d’origine ».

      L’Organisation démocratique du travail exige aussi de « mettre fin aux violations des droits humains des migrants réguliers et irréguliers et à toutes les formes de discrimination et d’exclusion dans tous les domaines économiques et sociaux, en respectant les instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme et les conventions sur la migration et en mettant en œuvre la Charte de Marrakech pour des « migrations sûres, ordonnées et régulières » ainsi que la résolution adoptée par l’Assemblée générale le 19 décembre 2018.

      « Il faut garantir l’accès aux services de base, notamment la santé, l’éducation et le soutien social, sans discrimination ; éliminer la discrimination, combattre les discours de haine et la traite des êtres humains, interdire les expulsions collectives et les refoulements de tous les migrants, et garantir que le retour soit sûr, digne et que la réintégration soit durable », a conclu le bureau exécutif de l’ODT.

      Déclaration d’intention

      A rappeler que la ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser, a obtenu, lors de sa récente visite au Maroc, l’aval des autorités marocaines concernant le refoulement des migrants illégaux. Selon frankfurter allgemeine zeitung, le Royaume aurait consenti à reprendre les ressortissants marocains ayant fait l’objet de décisions d’expulsion. Il s’agit de près d’un millier de personnes qui ont déposé des demandes d’asile. La même source a révélé qu’au cours de l’année dernière, environ un millier de Marocains ont demandé l’asile en Allemagne, en ajoutant que le taux de reconnaissance reste faible.

      Lors de cette visite, il y a eu la signature d’une déclaration d’intention commune entre les ministères de l’Intérieur des deux pays visant à renforcer la coopération dans les domaines de la sécurité, de la migration, de la protection civile et de la lutte contre les différentes formes de crime transfrontalier, sur la base de l’égalité, du traitement d’égal à égal, de l’intérêt commun et de l’estime mutuelle. La ministre allemande n’a pas caché la volonté de son gouvernement de signer un accord migratoire bilatéral plus large.

      https://www.libe.ma/Quelque-900-migrants-irreguliers-marocains-s-appreteraient-a-regagner-le-pays_a
      #Allemagne #retour_volontaire_assisté

  • Migrants : les échecs d’un #programme_de_retour_volontaire financé par l’#UE

    Alors qu’il embarque sur un vol de la Libye vers le Nigeria à la fin 2018, James a déjà survécu à un naufrage en Méditerranée, traversé une demi-douzaine d’États africains, été la cible de coups de feu et passé deux ans à être maltraité et torturé dans les centres de détention libyens connus pour la brutalité qui y règne.

    En 2020, de retour dans sa ville de Benin City (Etat d’Edo au Nigéria), James se retrouve expulsé de sa maison après n’avoir pas pu payer son loyer. Il dort désormais à même le sol de son salon de coiffure.

    Sa famille et ses amis l’ont tous rejeté parce qu’il n’a pas réussi à rejoindre l’Europe.

    « Le fait que tu sois de retour n’est source de bonheur pour personne ici. Personne ne semble se soucier de toi [...]. Tu es revenu les #mains_vides », raconte-t-il à Euronews.

    James est l’un des quelque 81 000 migrants africains qui sont rentrés dans leur pays d’origine avec l’aide de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) des Nations unies et le #soutien_financier de l’Union européenne, dans le cadre d’une initiative conjointe de 357 millions d’euros (https://migrationjointinitiative.org). Outre une place sur un vol au départ de la Libye ou de plusieurs autres pays de transit, les migrants se voient promettre de l’argent, un #soutien et des #conseils pour leur permettre de se réintégrer dans leur pays d’origine une fois rentrés chez eux.

    Mais une enquête d’Euronews menée dans sept pays africains a révélé des lacunes importantes dans ce programme, considéré comme la réponse phare de l’UE pour empêcher les migrants d’essayer de se rendre en Europe.

    Des dizaines de migrants ayant participé au programme ont déclaré à Euronews qu’une fois rentrés chez eux, ils ne recevaient aucune aide. Et ceux qui ont reçu une aide financière, comme James, ont déclaré qu’elle était insuffisante.

    Nombreux sont ceux qui envisagent de tenter à nouveau de se rendre en Europe dès que l’occasion se présente.

    « Je ne me sens pas à ma place ici », confie James. « Si l’occasion se présente, je quitte le pays ».

    Sur les 81 000 migrants qui ont été rapatriés depuis 2017, près de 33 000 ont été renvoyés de Libye par avion. Parmi eux, beaucoup ont été victimes de détention, d’abus et de violences de la part de passeurs, de milices et de bandes criminelles. Les conditions sont si mauvaises dans le pays d’Afrique du Nord que le programme est appelé « retour humanitaire volontaire » (VHR), plutôt que programme de « retour volontaire assisté » (AVR) comme ailleurs en Afrique.

    Après trois ans passés en Libye, Mohi, 24 ans, a accepté l’offre d’un vol de retour en 2019. Mais, une fois de retour dans son pays, son programme de réintégration ne s’est jamais concrétisé. « Rien ne nous a été fourni ; ils continuent à nous dire ’demain’ », raconte-t-il à Euronews depuis le nord du Darfour, au Soudan.

    Mohi n’est pas seul. Les propres statistiques de l’OIM sur les rapatriés au Soudan révèlent que seuls 766 personnes sur plus de 2 600 ont reçu un soutien économique. L’OIM attribue cette situation à des taux d’inflation élevés et à une pénurie de biens et d’argent sur place.

    Mais M. Kwaku Arhin-Sam, spécialiste des projets de développement et directeur de l’Institut d’évaluation Friedensau, estime de manière plus générale que la moitié des programmes de réintégration de l’OIM échouent.

    « La plupart des gens sont perdus au bout de quelques jours », explique-t-il.
    Deux tiers des migrants ne terminent pas les programmes de réintégration

    L’OIM elle-même revoit cette estimation à la baisse : l’agence des Nations unies a déclaré à Euronews que jusqu’à présent, seul un tiers des migrants qui ont commencé à bénéficier d’une aide à la réintégration sont allés au bout du processus. Un porte-parole a déclaré que l’initiative conjointe OIM/EU étant un processus volontaire, « les migrants peuvent décider de se désister à tout moment, ou de ne pas s’engager du tout ».

    Un porte-parole de l’OIM ajoute que la réintégration des migrants une fois qu’ils sont rentrés chez eux va bien au-delà du mandat de l’organisation, et « nécessite un leadership fort de la part des autorités nationales », ainsi que « des contributions actives à tous les niveaux de la société ».

    Entre mai 2017 et février 2019, l’OIM a aidé plus de 12 000 personnes à rentrer au Nigeria. Parmi elles, 9 000 étaient « joignables » lorsqu’elles sont rentrées chez elles, 5 000 ont reçu une formation professionnelle et 4 300 ont bénéficié d’une « aide à la réintégration ». Si l’on inclut l’accès aux services de conseil ou de santé, selon l’OIM Nigéria, un total de 7 000 sur 12 000 rapatriés – soit 58 % – ont reçu une aide à la réintégration.

    Mais le nombre de personnes classées comme ayant terminé le programme d’aide à la réintégration n’était que de 1 289. De plus, les recherches de Jill Alpes, experte en migration et chercheuse associée au Centre de recherche sur les frontières de Nimègue, ont révélé que des enquêtes visant à vérifier l’efficacité de ces programmes n’ont été menées qu’auprès de 136 rapatriés.

    Parallèlement, une étude de Harvard sur les Nigérians de retour de Libye (https://cdn1.sph.harvard.edu/wp-content/uploads/sites/2464/2019/11/Harvard-FXB-Center-Returning-Home-FINAL.pdf) estime que 61,3 % des personnes interrogées ne travaillaient pas après leur retour, et que quelque 16,8 % supplémentaires ne travaillaient que pendant une courte période, pas assez longue pour générer une source de revenus stable. À leur retour, la grande majorité des rapatriés, 98,3 %, ne suivaient aucune forme d’enseignement régulier.

    La commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson, a admis à Euronews que « c’est un domaine dans lequel nous avons besoin d’améliorations ». Mme Johansson a déclaré qu’il était trop tôt pour dire quelles pourraient être ces améliorations, mais a maintenu que l’UE avait de bonnes relations avec l’OIM.

    Sandrine, Rachel et Berline, originaires du Cameroun, ont elles accepté de prendre un vol de l’OIM de Misrata, en Libye, à Yaoundé, la capitale camerounaise, en septembre 2018.

    En Libye, elles disent avoir subi des violences, des abus sexuels et avoir déjà risqué leur vie en tentant de traverser la Méditerranée. À cette occasion, elles ont été interceptées par les garde-côtes libyens et renvoyées en Libye.

    Une fois rentrées au Cameroun, Berline et Rachel disent n’avoir reçu ni argent ni soutien de l’OIM. Sandrine a reçu environ 900 000 fcfa (1 373,20 euros) pour payer l’éducation de ses enfants et lancer une petite entreprise – mais cela n’a pas duré longtemps.

    « Je vendais du poulet au bord de la route à Yaoundé, mais le projet ne s’est pas bien déroulé et je l’ai abandonné », confie-t-elle.

    Elle se souvient aussi d’avoir accouché dans un centre de détention de Tripoli avec des fusillades comme fond sonore.

    Toutes les trois ont affirmé qu’au moment de leur départ pour le Cameroun, elles n’avaient aucune idée de l’endroit où elles allaient dormir une fois arrivées et qu’elles n’avaient même pas d’argent pour appeler leur famille afin de les informer de leur retour.

    « Nous avons quitté le pays, et quand nous y sommes revenues, nous avons trouvé la même situation, parfois même pire. C’est pourquoi les gens décident de repartir », explique Berline.

    En novembre 2019, moins de la moitié des 3 514 migrants camerounais qui ont reçu une forme ou une autre de soutien de la part de l’OIM étaient considérés comme « véritablement intégrés » (https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/ENG_Press%20release%20COPIL_EUTF%20UE_IOM_Cameroon.pdf).

    Seydou, un rapatrié malien, a reçu de l’argent de l’OIM pour payer son loyer pendant trois mois et les factures médicales de sa femme malade. Il a également reçu une formation commerciale et un moto-taxi.

    Mais au Mali, il gagne environ 15 euros par jour, alors qu’en Algérie, où il travaillait illégalement, il avait été capable de renvoyer chez lui plus de 1 300 euros au total, ce qui a permis de financer la construction d’une maison pour son frère dans leur village.

    Il tente actuellement d’obtenir un visa qui lui permettrait de rejoindre un autre de ses frères en France.

    Seydou est cependant l’un des rares Maliens chanceux. Les recherches de Jill Alpes, publiées par Brot für die Welt et Medico (l’agence humanitaire des Églises protestantes en Allemagne), ont révélé que seuls 10 % des migrants retournés au Mali jusqu’en janvier 2019 avaient reçu un soutien quelconque de l’OIM.

    L’OIM, quant à elle, affirme que 14 879 Maliens ont entamé le processus de réintégration – mais ce chiffre ne révèle pas combien de personnes l’ont achevé.
    Les stigmates du retour

    Dans certains cas, l’argent que les migrants reçoivent est utilisé pour financer une nouvelle tentative pour rejoindre l’Europe.

    Dans un des cas, une douzaine de personnes qui avaient atteint l’Europe et avaient été renvoyées chez elles ont été découvertes parmi les survivants du naufrage d’un bateau en 2019 (https://www.infomigrants.net/en/post/21407/mauritanian-coast-guard-intercepts-boat-carrying-around-190-migrants-i se dirigeait vers les îles Canaries. « Ils étaient revenus et ils avaient décidé de reprendre la route », a déclaré Laura Lungarotti, chef de la mission de l’OIM en Mauritanie.

    Safa Msehli, porte-parole de l’OIM, a déclaré à Euronews que l’organisation ne pouvait pas empêcher des personnes de tenter de repartir vers l’Europe une fois revenues.

    « C’est aux gens de décider s’ils veulent ou non émigrer et dans aucun de ses différents programmes, l’OIM ne prévoit pas d’empêcher les gens de repartir », a-t-elle expliqué.

    Qu’est-ce que l’OIM ?

    A partir de 2016, l’OIM s’est redéfinie comme agence des Nations unies pour les migrations, et en parallèle son budget a augmenté rapidement (https://governingbodies.iom.int/system/files/en/council/110/C-110-10%20-%20Director%20General%27s%20report%20to%20the%20110). Il est passé de 242,2 millions de dollars US (213 millions d’euros) en 1998 à plus de 2 milliards de dollars US (1,7 milliard d’euros) à l’automne 2019, soit une multiplication par huit. Bien qu’elle ne fasse pas partie des Nations unies, l’OIM est désormais une « organisation apparentée », avec un statut similaire à celui d’un prestataire privé.

    L’UE et ses États membres sont collectivement les principaux contributeurs au budget de l’OIM (https://governingbodies.iom.int/system/files/en/council/110/Statements/EU%20coordinated%20statement%20-%20Point%2013%20-%20final%20IOM), leurs dons représentant près de la moitié de son financement opérationnel.

    De son côté, l’OIM tient à mettre en évidence sur son site web les cas où son programme de retour volontaire a été couronné de succès, notamment celui de Khadeejah Shaeban, une rapatriée soudanaise revenue de Libye qui a pu monter un atelier de couture.

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    Comment fonctionne le processus d’aide à la réintégration ?
    Les migrants embarquent dans un avion de l’OIM sur la base du volontariat et retournent dans leur pays ;
    Ils ont droit à des conseils avant et après le voyage ;
    Chaque « rapatrié » peut bénéficier de l’aide de bureaux locaux, en partenariat avec des ONG locales ;
    L’assistance à l’accueil après l’arrivée peut comprendre l’accueil à l’aéroport, l’hébergement pour la nuit, une allocation en espèces pour les besoins immédiats, une première assistance médicale, une aide pour le voyage suivant, une assistance matérielle ;
    Une fois arrivés, les migrants sont enregistrés et vont dans un centre d’hébergement temporaire où ils restent jusqu’à ce qu’ils puissent participer à des séances de conseil avec le personnel de l’OIM. Des entretiens individuels doivent aider les migrants à identifier leurs besoins. Les migrants en situation vulnérable reçoivent des conseils supplémentaires, adaptés à leur situation spécifique ;
    Cette assistance est généralement non monétaire et consiste en des cours de création d’entreprise, des formations professionnelles (de quelques jours à six mois/un an), des salons de l’emploi, des groupes de discussion ou des séances de conseil ; l’aide à la création de micro-entreprises. Toutefois, pour certains cas vulnérables, une assistance en espèces est fournie pour faire face aux dépenses quotidiennes et aux besoins médicaux ;
    Chaque module comprend des activités de suivi et d’évaluation afin de déterminer l’efficacité des programmes de réintégration.

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    Des migrants d’#Afghanistan et du #Yémen ont été renvoyés dans ces pays dans le cadre de ce programme, ainsi que vers la Somalie, l’Érythrée et le Sud-Soudan, malgré le fait que les pays de l’UE découragent tout voyage dans ces régions.

    En vertu du droit international relatif aux Droits de l’homme, le principe de « #non-refoulement » garantit que nul ne doit être renvoyé dans un pays où il risque d’être torturé, d’être soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants ou de subir d’autres préjudices irréparables. Ce principe s’applique à tous les migrants, à tout moment et quel que soit leur statut migratoire.

    L’OIM fait valoir que des procédures sont en place pour informer les migrants pendant toutes les phases précédant leur départ, y compris pour ceux qui sont vulnérables, en leur expliquant le soutien que l’organisation peut leur apporter une fois arrivés au pays.

    Mais même lorsque les migrants atterrissent dans des pays qui ne sont pas en proie à des conflits de longue durée, comme le Nigeria, certains risquent d’être confrontés à des dangers et des menaces bien réelles.

    Les principes directeurs du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) sur la protection internationale considèrent que les femmes ou les mineurs victimes de trafic ont le droit de demander le statut de réfugié. Ces populations vulnérables risquent d’être persécutées à leur retour, y compris au Nigeria, voire même d’être à nouveau victime de traite.
    Forcer la main ?

    Le caractère volontaire contestable des opérations de retour s’étend également au Niger voisin, pays qui compte le plus grand nombre de migrants assistés par l’OIM et qui est présenté comme la nouvelle frontière méridionale de l’Europe.

    En 2015, le Niger s’est montré disposé à lutter contre la migration en échange d’un dédommagement de l’UE, mais des centaines de milliers de migrants continuent de suivre les routes à travers le désert en direction du nord pendant que le business du trafic d’êtres humains est florissant.

    Selon le Conseil européen sur les réfugiés et les exilés, une moyenne de 500 personnes sont expulsées d’Algérie vers le Niger chaque semaine, au mépris du droit international.

    La police algérienne détient, identifie et achemine les migrants vers ce qu’ils appellent le « #point zéro », situé à 15 km de la frontière avec le Niger. De là, les hommes, femmes et enfants sont contraints de marcher dans le désert pendant environ 25 km pour atteindre le campement le plus proche.

    « Ils arrivent à un campement frontalier géré par l’OIM (Assamaka) dans des conditions épouvantables, notamment des femmes enceintes souffrant d’hémorragies et en état de choc complet », a constaté Felipe González Morales, le rapporteur spécial des Nations unies, après sa visite en octobre 2018 (https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23698%26LangID).

    Jill Alpes, au Centre de recherche sur les frontières de Nimègue, estime que ces expulsions sont la raison principale pour laquelle les migrants acceptent d’être renvoyés du Niger. Souvent repérés lors d’opérations de recherche et de sauvetage de l’OIM dans le désert, ces migrants n’ont guère d’autre choix que d’accepter l’aide de l’organisation et l’offre de rapatriement qui s’ensuit.

    Dans ses travaux de recherche, Mme Alpes écrit que « seuls les migrants qui acceptent de rentrer au pays peuvent devenir bénéficiaire du travail humanitaire de l’OIM. Bien que des exceptions existent, l’OIM offre en principe le transport d’Assamakka à Arlit uniquement aux personnes expulsées qui acceptent de retourner dans leur pays d’origine ».

    Les opérations de l’IOM au Niger

    M. Morales, le rapporteur spécial des Nations unies, semble être d’accord (https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23698%26LangID). Il a constaté que « de nombreux migrants qui ont souscrit à l’aide au retour volontaire sont victimes de multiples violations des droits de l’Homme et ont besoin d’une protection fondée sur le droit international », et qu’ils ne devraient donc pas être renvoyés dans leur pays. « Cependant, très peu d’entre eux sont orientés vers une procédure de détermination du statut de réfugié ou d’asile, et les autres cas sont traités en vue de leur retour ».

    « Le fait que le Fonds fiduciaire de l’Union européenne apporte un soutien financier à l’OIM en grande partie pour sensibiliser les migrants et les renvoyer dans leur pays d’origine, même lorsque le caractère volontaire est souvent douteux, compromet son approche de la coopération au développement fondée sur les droits », indique le rapporteur spécial des Nations unies.
    Des contrôles insuffisants

    Loren Landau, professeur spécialiste des migrations et du développement au Département du développement international d’Oxford, affirme que le travail de l’OIM souffre en plus d’un manque de supervision indépendante.

    « Il y a très peu de recherches indépendantes et beaucoup de rapports. Mais ce sont tous des rapports écrits par l’OIM. Ils commandent eux-même leur propre évaluation , et ce, depuis des années », détaille le professeur.

    Dans le même temps, le Dr. Arhin-Sam, spécialiste lui de l’évaluation des programmes de développement, remet en question la responsabilité et la redevabilité de l’ensemble de la structure, arguant que les institutions et agences locales dépendent financièrement de l’OIM.

    « Cela a créé un haut niveau de dépendance pour les agences nationales qui doivent évaluer le travail des agences internationales comme l’OIM : elles ne peuvent pas être critiques envers l’OIM. Alors que font-elles ? Elles continuent à dire dans leurs rapports que l’OIM fonctionne bien. De cette façon, l’OIM peut ensuite se tourner vers l’UE et dire que tout va bien ».

    Selon M. Arhin-Sam, les ONG locales et les agences qui aident les rapatriés « sont dans une compétition très dangereuse entre elles » pour obtenir le plus de travail possible des agences des Nations unies et entrer dans leurs bonnes grâces.

    « Si l’OIM travaille avec une ONG locale, celle-ci ne peut plus travailler avec le HCR. Elle se considère alors chanceuse d’être financée par l’OIM et ne peuvent donc pas la critiquer », affirme-t-il.

    Par ailleurs, l’UE participe en tant qu’observateur aux organes de décision du HCR et de l’OIM, sans droit de vote, et tous les États membres de l’UE sont également membres de l’OIM.

    « Le principal bailleur de fonds de l’OIM est l’UE, et ils doivent se soumettre aux exigences de leur client. Cela rend le partenariat très suspect », souligne M. Arhin-Sam. « [Lorsque les fonctionnaires européens] viennent évaluer les projets, ils vérifient si tout ce qui est écrit dans le contrat a été fourni. Mais que cela corresponde à la volonté des gens et aux complexités de la réalité sur le terrain, c’est une autre histoire ».
    Une relation abusive

    « Les États africains ne sont pas nécessairement eux-mêmes favorables aux migrants », estime le professeur Landau. « L’UE a convaincu ces États avec des accords bilatéraux. S’ils s’opposent à l’UE, ils perdront l’aide internationale dont ils bénéficient aujourd’hui. Malgré le langage du partenariat, il est évident que la relation entre l’UE et les États africains ressemble à une relation abusive, dans laquelle un partenaire est dépendant de l’autre ».

    Les chercheurs soulignent que si les retours de Libye offrent une voie de sortie essentielle pour les migrants en situation d’extrême danger, la question de savoir pourquoi les gens sont allés en Libye en premier lieu n’est jamais abordée.

    Une étude réalisée par l’activiste humanitaire libyenne Amera Markous (https://www.cerahgeneve.ch/files/6115/7235/2489/Amera_Markous_-_MAS_Dissertation_2019.pdf) affirme que les migrants et les réfugiés sont dans l’impossibilité d’évaluer en connaissance de cause s’ils doivent retourner dans leur pays quand ils se trouvent dans une situation de détresse, comme par exemple dans un centre de détention libyen.

    « Comment faites-vous en sorte qu’ils partent parce qu’ils le veulent, ou simplement parce qu’ils sont désespérés et que l’OIM leur offre cette seule alternative ? » souligne la chercheuse.

    En plus des abus, le stress et le manque de soins médicaux peuvent influencer la décision des migrants de rentrer chez eux. Jean-Pierre Gauci, chercheur principal à l’Institut britannique de droit international et comparé, estime, lui, que ceux qui gèrent les centres de détention peuvent faire pression sur un migrant emprisonné pour qu’il s’inscrive au programme.

    « Il existe une situation de pouvoir, perçu ou réel, qui peut entraver le consentement effectif et véritablement libre », explique-t-il.

    En réponse, l’OIM affirme que le programme Retour Humanitaire Volontaire est bien volontaire, que les migrants peuvent changer d’avis avant d’embarquer et décider de rester sur place.

    « Il n’est pas rare que des migrants qui soient prêts à voyager, avec des billets d’avion et des documents de voyage, changent d’avis et restent en Libye », déclare un porte-parole de l’OIM.

    Mais M. Landau affirme que l’initiative UE-OIM n’a pas été conçue dans le but d’améliorer la vie des migrants.

    « L’objectif n’est pas de rendre les migrants heureux ou de les réintégrer réellement, mais de s’en débarrasser d’une manière qui soit acceptable pour les Européens », affirme le chercheur.

    « Si par ’fonctionner’, nous entendons se débarrasser de ces personnes, alors le projet fonctionne pour l’UE. C’est une bonne affaire. Il ne vise pas à résoudre les causes profondes des migrations, mais crée une excuse pour ce genre d’expulsions ».

    https://fr.euronews.com/2020/06/22/migrants-les-echecs-d-un-programme-de-retour-volontaire-finance-par-l-u
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