Silvia Federici : « Le capitalisme est structurellement sexiste » par Olivier Doubre | Politis
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Silvia Federici : Non, je ne peux pas dire cela ! J’ai beaucoup lu Marx et je considère qu’il est l’auteur absolument fondamental pour comprendre le #capitalisme jusqu’à aujourd’hui, ce système fondé sur l’exploitation du travail humain, le travail aliéné et le travail non payé. Je reconnais également sa contribution à la théorie féministe, avec sa conception de la nature humaine comme produit social et historique. J’admets tout cela, mais je demeure en désaccord avec lui sur bien des points. En particulier, le fait qu’il considère le capitalisme comme un mal nécessaire et que celui-ci aurait même une mission historique (par rapport aux périodes précédentes) de libération de l’humanité, avec le développement de l’industrie et de la productivité du travail. Mais je crois que cette conception s’est révélée ensuite tout à fait aveugle, puisqu’on sait aujourd’hui que l’industrialisation est en train de détruire la richesse sociale et non de produire la base matérielle d’une société plus juste.
De même, la croyance de Marx dans le développement du capitalisme comme un facteur d’unification de la population mondiale et de nivellement des inégalités sociales est erronée : il n’a pas été capable de comprendre que le capitalisme est structurellement raciste et sexiste. Car il ne s’agit pas d’une anomalie ou d’une période temporaire lors d’une phase de son développement. Le capitalisme, ou plutôt l’accumulation capitaliste, est une accumulation de hiérarchies et d’inégalités intrinsèquement nécessaires à l’organisation et à la division du travail dans la production. Et celles-ci sont nécessaires au capitaliste pour son accumulation du travail non payé, qui n’existe pas seulement durant la journée de travail rémunérée. Car, au moyen du salaire qui fait vivre tout un foyer, le capitalisme parvient à mobiliser et à exploiter les non-salariés (dont les femmes sont une grande part) dans toute l’économie productive. Pour toutes ces raisons, je ne peux pas me définir comme marxiste !