Ivan Illich - Le renoncement à la santé

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  • Ivan Illich - Le renoncement à la santé
    http://olivier.hammam.free.fr/imports/auteurs/illich/renoncement-sante.htm

    Je soupçonne Illich de partir d’un principe catho-libéral et je suis sûr qu’il a malmené beaucoup de jeunes esprits innocents par ses écrits. Pourtant son analyse des institutions et de leur pouvoir est toujours un puissant outil de critique. Je continue donc à lui chercher la bonne place au milieu de mon bric-a-brac intellectuel.

    Sa critique de l’hôpital (qu’il rapproche de l’école, de l’armée et de la prison) et de la profession médicale, de son idéologie, sa terminologie et son pouvoir tellement hypocrites est incontournable depuis qu’on a pris connaissance des docteurs Mengele et Shirō Ishii / 石井 四郎 .

    Ces monstres nous ont révélé l’essence de leur profession en poussant la praxis médicale à l’extrême sans se soucier des excuses habituelles pour l’exercice du pouvoir médical . Par eux nous avons identifié le patient-marchandise soumis à l’autorité médicale par la force et la mystification.

    Illich nous fournit l’analyse structurelle et étihque de l’organisation qui sert de cadre pour l’excercice du pouvoir sur nous.

    Unit 731 /731部隊 / Nana-san-ichi Butai
    https://en.m.wikipedia.org/wiki/Unit_731

    Repris du site Sorceresses Reborn / Le Cercle des Sorcières Disparues (site web disparu)

    Voici vingt ans, j’ai publié un ouvrage intitulé Némésis médicale. Il s’ouvrait sur cette phrase, « l’entreprise médicale est devenue un danger majeur pour la santé ». A l’époque, cette formulation était puissamment chargée de sens. La lirais-je chez un auteur d’aujourd’hui que je riposterais : « Et puis après ? ». En effet, le danger majeur ne réside plus dans l’entreprise médicale, mais dans la quête de la santé.

    Dans la discussion universelle actuelle sur les systèmes de santé, deux mots reviennent très fréquemment : santé et responsabilité. Ces termes entrent dans deux types de discours. D’un côté les soins de santé sont considérés comme une responsabilité incombant à l’état, aux professionnels ou aux gestionnaires ; de l’autre, on estime que chacun doit être responsable de sa santé. « Prendre en main la responsabilité de sa santé », tel est actuellement le slogan qui a la préférence, et est en passe d’être annexé par le sens commun. Le fait que je parle au Québec, dans une communauté politique qui s’efforce de distancier ses principes directeurs des modes internationales, m’encourage à critiquer ces positions. Voilà pourquoi je veux argumenter le bien-fondé d’opposer un « NON » catégorique à l’idée de rendre publiquement les citoyens comptables de leur santé. Et aujourd’hui, en 1994, je suis loin d’être le seul à adopter cette attitude.

    Mais il y a un risque. Notre « non merci ! » devant la perspective d’une nouvelle politique sanitaire peut être interprétée et exploitée de cinq façons différentes pour faire exactement l’inverse de ce à quoi nous visons.

    1. En premier lieu, certains comprennent que le « non » à la santé sous la responsabilité personnelle de chacun implique qu’une mise en tutelle du citoyen s’impose. La santé, prétend-on, est trop précieuse pour être laissée à la discrétion des profanes. Je rejette catégoriquement cette arrogante imputation d’incapacité. Depuis trente ans, j’ai défendu publiquement la décriminalisation totale des pratiques d’auto-intoxication, ce qui n’implique nullement que je leur donne une caution morale. Et je persiste à prôner l’abolition de toutes les dispositions légales à l’encontre de la consommation de drogues et des méthodes curatives non classiques ou non homologuées. Dans le sillage de Paul Goodman, je fonde mon insistance sur le respect que nous devons à la dignité des plus faibles.

    2. Deuxièmement, mon « non » fondamental n’a aucun rapport avec la rareté présumée des agents curatifs. Aujourd’hui, des populations succombent en masse à la famine et non par manque d’interventions médicales ou chirurgicales. Et plus les gens sont pauvres, plus ils sont susceptibles d’être les victimes impuissantes d’une médecine au rabais. Pendant vingt ans, j’ai défendu l’idée que la consommation médicale, au-delà d’un seuil très bas, devrait être frappée de taxes de luxe comme le sont l’alcool. le tabac et les loteries. En taxant les dialyses, les pontages et les ACT, on obtiendrait les moyens de financer pour tous — même à Sumatra — des interventions telle que l’appendicectomie.

    3. En élevant mon « non », je ne me pose pas en penseur planétaire s’efforçant de frayer la voie à une dictature écologique. Je n’imagine pas qu’il puisse exister un quelconque système de régulation capable de nous sauver du déluge de poisons, de radiations de biens et de services qui rendent plus malades que jamais les hommes et les animaux. Ce monde ne comporte pas d’issues de secours. Je vis dans une réalité fabriquée, constamment plus éloignée de la création. Je sais aujourd’hui ce que cela signifie et quelles horreurs menacent chacun de nous. Il y a quelques décennies, je l’ignorais. Il me semblait alors possible de prendre ma part de responsabilité dans le monde. « Être bien portant » ou « être bien soigné » se ramène à une combinaison de trois facteurs : prestations techniques, protection de l’environnement et adaptation aux conséquences de la technologie, facteurs qui constituent inévitablement des privilèges.

    Dans la vallée mexicaine qui m’est familière, le village continue de dénommer ses fêtes populaires d’après le cycle de plantation et de croissance du maïs bleu mais il y a déjà quinze ans que cette céréale elle-même n’est plus qu’un souvenir. Et l’argent manque pour financer les techniques de culture d’hybrides, par ailleurs destructrices. Et il n’y a aucune protection contre les nuages délétères que répand la grande exploitation agro-alimentaire du lieu. Mais on ouvre de nouveaux centres voués à la pédagogie sanitaire, ce qui permet de jeter quelques rognures à la piétaille enthousiaste des verts. C’est pourquoi mon « non » n’est pas assurément un « oui » à la pédagogie de la santé qui implique la gestion de systèmes toxiques.

    4. Si je dis « NON » , ce n’est pas pour défendre une nouvelle éthique de la souffrance SOUS la direction de conseillers des endeuillés et d’accompagnateurs des moribonds qui trouvent dans la maladie et la mort modernes un moyen de se révéler à eux-mêmes. Je ne me range pas non plus dans le camp de ces gnostiques et philosophes qui gèrent le remodelage de ce monde artificiel. Aujourd’hui, j’ai appris ce qu’est l’impuissance. La « responsabilité » est désormais une illusion. Ils nous proposent d’admettre les inéluctables épidémies de l’âge postindustriel comme une sorte de santé sublimée. Je ne réserve nul « oui » au monde de la sujétion totale, à la médiatisation de l’impudence, tellement en vogue chez les philosophes du postmodernisme. Moi, je m’applique à cultiver l’indignation. L’air moderne de souffrir exige d’affronter une angoisse sans précédent. Il ne peut être enseigné mais seulement appris dans une amitié toujours renforcée. Ce qui nous accable aujourd’hui est entièrement nouveau. Ce qui détermine notre époque depuis Rachel Carson c’est l’acceptation réaliste croissante d’une perniciosité sans fin qui est aujourd’hui le thème de pompeux débats sur les orientations et les besoins en matière d’atome, de gènes et d’interventions neurologiques. Voilà les maux qui nous laissent sans voix. Contrairement à la mort, à la pestilence et aux démons, ces maux-là n’ont aucun sens. Bien que dus à l’homme, ils révèlent d’un ordre non humain. Ils nous réduisent à l’impuissance, à l’incapacité, à l’aboulie. Ces maux, nous pouvons les subir, en pâtir, mais non leur donner un sens, les interpréter. Seul celui qui trouve sa joie dans ses amis est capable de leur résister. Aussi y a-t-il un univers entre notre « non » et toutes les acceptations dociles des retombées secondaires du progrès.

    5. Enfin, il serait stupide ou malveillant de taxer d’indifférence cynique le « NON » à la pénalisation des comportements antihygiéniques. Au contraire ! Dans mes réflexions, la première place est occupée par la multitude par des gens innombrables dont quatre décennies de développement ont détruit l’espace architectural, technique et culturel d’où les arts traditionnels de souffrir et de mourir tiraient leur sève. Aujourd’hui, la vaste majorité des hommes est pauvre, et les sous-développés deviennent encore plus pauvres. Lorsque nous disons « non » à l’implantation de systèmes qui promeuvent la quête de la « santé », chez nous ou à l’extérieur, nous parlons avant tout de quelque chose qui m’apparaît impensable : quatre milliards d’hommes plongés dans la misère neuve du développement. Nous ne pourrons tenter d’être à côté d’eux que si nous disons d’abord « Non merci ». Les motifs de mon « non » éthique ne me mettent donc pas au service de ces cinq réalités actuelles que sont : le paternalisme professionnel, l’idéologie de la rareté, l’esprit de système, la psychologie de la libération et ce « sens commun » désormais à la mode qui affirme que l’auto-assistance, l’autonomie, ou même la responsabilité de soi-même sont, pour les pauvres, les seules chances de survivre en supportant les conséquences de l’enrichissement du reste du monde. Je formule mon « non » éthique à la poursuite de ma santé sous ma propre responsabilité parce que moi je veux chercher mon équilibre dans l’apprentissage de l’art de souffrir et de l’autolimitation dans la recherche du soulagement. La poursuite de la santé normative (conforme aux normes) ne pourrait qu’entraîner l’intériorisation des systèmes mondiaux dans le moi, à la manière d’un impératif catégorique. Le renoncement à la « santé » que j’oppose à cette autolimitation réaliste me semble être le point de départ d’une conduite éthiquement esthétiquement et eudémoniquement adaptée à notre temps. Mais, pour suivre cette argumentation, il nous faut d’abord remonter à la sociogenèse historique de ce à quoi nous voulons renoncer.

    La conception moderne de la santé

    La conception de la santé dans la modernité européenne représente une rupture par rapport à la tradition d’Hippocrate et de Galien familière à l’historien. Pour les philosophes grecs, la « santé » se concevait comme une combinaison harmonieuse, un ordre équilibré, un jeu réciproque des éléments fondamentaux. Etait en bonne santé celui qui s’intégrait dans l’harmonie de la totalité de son monde selon le temps et le lieu où il voyait le jour. Pour Platon, la santé était une vertu somatique. Mais depuis le XVIIe siècle, la volonté de maîtriser la nature a remplacé l’idéal de « la santé » par la conception d’une condition humaine dont on peut régir les paramètres. Dans la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis est affirmé le droit à la recherche du bonheur. Le droit à la santé se matérialisa de façon parallèle en France. Dès lors, on s’estimait aussi fond à dire « ma santé » qu’à dire « mon corps ». A l’instar de l’idée voulant que l’Etat garantisse la recherche du bonheur, la quête moderne de la santé est le fruit d’un individualisme possessif.

    Il ne pouvait y avoir moyen plus brutal, et en même temps plus convaincant, de légitimer une société fondée sur l’avidité personnelle. De façon parallèle, la notion de responsabilité de l’individu fut admise dans les sociétés gouvernées démocratiquement. La responsabilité revêtit alors la forme d’un pouvoir éthique sur des régions toujours plus lointaines de la société et sur des formes toujours plus spécialisées de prestations par des services « générateurs-de-bonheur ».

    De nos jours, la santé et la responsabilité sont des concepts normatifs qui n’indiquent plus aucune voie à suivre. Si j’essaie de structurer ma vie en fonction de tels idéaux irrécouvrables, ils deviennent pernicieux — je me rends malade. Pour vivre convenablement aujourd’hui, il me faut renoncer de façon décisive à la santé et à la responsabilité. Je dis renoncer et non point ignorer, et je n’emploie pas ce terme pour connoter l’indifférence. Je dois accepter l’impuissance, déplorer ce qui a disparu, renoncer à l’irrécouvrable. Je dois assumer l’impuissance qui peut même me priver de mon conscient, de mes sens.

    Je crois profondément à la possibilité de renoncement. Et ce n’est pas par calcul. Le renoncement signifie et exige plus que le [fait de] pleurer l’irrécouvrable. Il peut vous libérer de l’impuissance. Il n’a aucun rapport avec la résignation , l’incapacité ou même le refoulement. Mais, de nos jours, le renoncement n’est pas un concept familier. Nous n’avons plus de mot pour désigner le renoncement courageux discipliné, lucide sur soi-même qui s’accomplit en commun — or c’est ce que j’évoque ici. Je l’appellerai l’ascèse. J’aurais préféré un autre terme, car l’ascèse nous fait songer à Flaubert et à son saint Antoine au désert, qui repousse la tentation du vin, de la chair et des parfums. En effet, le renoncement dont je parle n’a pas grand-chose à voir avec cette attitude.

    Une époque abstraite

    Nous vivons dans une époque abstraite et désincarnée. Les certitudes sur lesquelles elle repose sont largement dépourvues de sens. Mais leur acceptation mondiale leur confère une apparence d’indépendance par rapport à la culture et à l’histoire. Ce que j’appellerai l’ascèse épistémologique ouvre la voie à l’abandon de ces certitudes axiomatiques sur lesquelles se fonde en notre temps la vision du monde. J’évoque ici une discipline conviviale et pratiquée de façon critique. Les prétendues valeurs de la santé et de la responsabilité font partie des certitudes que je viens d’évoquer. Quand on les examine en profondeur, on constate que ce sont des phénomènes puissamment morbides et des facteurs de désorientation. Voilà pourquoi je considère l’incitation à assumer la responsabilité de ma santé dénuée de sens, fallacieuse, indécente et, d’une façon très particulière, blasphématoire.

    Ce qu’on appelle la « santé » est aujourd’hui une source de confusion pour bien des gens. Les experts dissertent savamment sur les « systèmes de santé ». Certaines personnes croient qu’à défaut d’un accès à des traitements élaborés et coûteux, les maladies séviraient. Chacun s’inquiète de l’augmentation des « dépenses de santé ». On s’entend même parler d’une « crise des soins de santé ». Je souhaite donner mon sentiment sur ces questions.

    Tout d’abord, je crois nécessaire de réaffirmer la vérité de la condition humaine : j’ai mal. Je souffre de certains troubles. Il est certain que je mourrai. Certains éprouvent plus intensément la douleur, d’autres sont atteints de troubles plus débilitants, mais nous affrontons tous pareillement la mort.

    En regardant autour de moi, je constate que nous avons une grande capacité de nous porter mutuellement assistance, particulièrement lors des naissances, des accidents et des trépas — et ainsi en va-t-il ailleurs dans le temps et l’espace. A moins d’être désaxées par des nouveautés historiques, nos maisonnées, en étroite coopération avec la communauté environnante, ont été admirablement accueillantes, c’est-à-dire, de manière générale, aptes à répondre positivement aux véritables besoins humains : vivre, célébrer et mourir.

    En opposition avec ce vécu, certains d’entre nous en sont venus à croire aujourd’hui que nous avons un besoin désespéré de fournitures marchandes standardisées, entrant toutes sous le label de la « santé », conçues et fournies par un système de services professionnels. Certains s’efforcent de nous convaincre que le nouveau-né arrive en ce monde non seulement sans forces ni capacités, nécessitant donc les tendres soins de la maisonnée — mais aussi malade, exigeant un traitement spécifique administré par des experts autocertifiés. D’autres croient qu’il faut constamment aux adultes des médicaments et des interventions pour qu’ils atteignent la vieillesse, tandis que les mourants ont besoin de soins médicaux dits palliatifs.

    L’asservissement au mythe technique

    Nombreux sont ceux qui ont oublié — ou ne sont plus capables d’en jouir — ces façons de vivre régies par le bon sens, qui contribuent au bien-être des personnes et à leur capacité de guérir d’une maladie. Beaucoup se sont laissés asservir à un mythe technique qui s’autoglorifie, et dont cependant ils se plaignent parce que, de manière impersonnelle, il appauvrit le plus grand nombre et enrichit une minorité.

    Je constate, pour le déplorer, que beaucoup d’entre nous entretiennent l’étrange illusion que tout un chacun a « droit » à quelque chose qui s’appelle les « soins de santé ». Ainsi se trouve-t-on légitimé à recevoir le plus récent assortiment de thérapies techniques, fondé sur le diagnostic d’un professionnel quelconque, afin de survivre plus longtemps dans un état qui est souvent affreux, douloureux ou simplement fastidieux.

    J’estime le temps venu d’énoncer clairement que ces conditions et ces situations spécifiques sont des facteurs de morbidité, bien plus que ne le sont les maladies elles-mêmes. Les symptômes que la médecine moderne s’efforce de traiter n’ont guère de rapport avec l’état de notre corps ; ils sont, bien davantage, les signes des préjugés et des désordres propres aux façons modernes de travailler, de se distraire, de vivre.

    Pourtant, beaucoup d’entre nous sont fascinés par l’éclat des « solutions » high-tech. Nous croyons pathétiquement aux remèdes miracles, nous croyons faussement que toute douleur est un mal qu’il faut supprimer, nous voulons retarder la mort à n’importe quel prix.

    J’en appelle à l’expérience personnelle de chacun, à la sensibilité des gens ordinaires, par opposition au diagnostic et aux décisions des professionnels. J’en appelle à la mémoire populaire, par opposition aux illusions du progrès. Prenons en considération les conditions de vie dans notre cercle familial et dans notre communauté, et non pas la qualité des prestations de « soins de santé » ; la santé n’est pas une marchandise qu’on distribue, et les soins ne peuvent être prodigués par un système.

    Oui, nous avons mal, nous tombons malade, nous mourons, mais également nous espérons, nous rions, nous célébrons ; nous connaissons les joies de prendre soin les uns des autres ; souvent nous sommes rétablis et guéris par divers moyens. Nous n’avons pas à suivre un chemin uniformisé et banalisé de notre vécu.

    J’invite chacun à détourner son regard, ses pensées, de la poursuite de la santé, et à cultiver l’art de vivre. Et, tout aussi importants aujourd’hui, l’art de souffrir, l’art de mourir.

    Les droits et libertés des malades

    Je revendique certaines libertés pour ceux qui préfèrent célébrer l’existence plus que de préserver la « vie » :

    la liberté de juger moi-même si je suis malade ;
    la liberté de refuser à tout moment un traitement médical ;
    la liberté de choisir moi-même un remède ou un traitement ;
    la liberté d’être soigné par une personne de mon choix, c’est-à-dire par quiconque dans la communauté s’estime apte à guérir, qu’il s’agisse d’un acupuncteur, d’un homéopathe, d’un neurochirurgien, d’un astrologue, d’un sorcier, ou de toute autre personne ;
    la liberté de mourir sans diagnostic.

    Il ne m’apparaît pas qu’il soit nécessaire aux Etats d’avoir une politique nationale de « santé », cette chose qu’ils accordent à leurs citoyens. Ce dont ces derniers ont besoin, c’est de la courageuse faculté de regarder en face certaines vérités :

    nous n’éliminerons jamais la douleur ;
    nous ne guérirons jamais toutes les affections ;
    nous mourrons certainement.

    Voilà pourquoi, en tant que créatures pensantes, nous devons bien voir que la quête de la santé peut être source de morbidité. Il n’y a pas de solutions scientifiques ou techniques. Il y a l’obligation quotidienne d’accepter la contingence et la fragilité de la condition humaine. Il convient de fixer des limites raisonnées aux soins de santé classiques. L’urgence s’impose de définir les devoirs qui nous incombent en tant qu’individus, ceux qui reviennent à notre communauté, et ceux que nous laissons à l’État.

    Ivan Illich
    L’Agora, Juillet/Août 1994

    • Grave :
      https://agora.qc.ca/documents/le_renoncement_a_la_sante

      ... le texte de la conférence qu’il a prononcé, au milieu de la décennie 1990, à un congrès de l’Association des directeurs généraux des services de santé et des services sociaux du Québec.

      Ces messieurs n’ont pu comprendre les réflexions d’Illich que dans le sens d’une justification de mesures d’austérité.

      Ivan Illich décrit très bien l’alinéation du malade/patient de sa maladie et de da vie en général. Il ne voit par contre pas que ce ne sont pas les prouesses du progrès technique, il mentionne la dialyse, qui éloignent l’homme de sa propre existence. Il aurait pu nous faire comprendre les raisons et conséquences de phénomènes qu’il décrit en situant les soignants et patients dans le système économique qui les fait marcher, en analysant la repartition du pouvior et des gains entre les membres du système médical.

      I.I. est une source d’inspiration toujours surprenante. Pour mettre ses trouvailles au service de tous la plus gande part du travail reste à faire.

      Parfois j’ai l’impression qu’Illich voit le monde de la perspective du magicien (jésuite) qui est en train de perdre le contrôle de ses brebis au profit des nouveaux sorciers biochimistes et médecins.

      #privatisation #aliénation #lutte_des_classes #capitalisme #iatrocratie

    • Je ne sais pas trop ce que c’est que catho-libéral, mais que Ivan Illich ait un soubassement mystique dans son approche de la maladie (et de la guérison) semble logique et probable. Moi ce que j’aime beaucoup chez lui, c’est que sous une apparence radicale (stop à l’école), il y a beaucoup de nuance dans sa pensée qui échappe résolument aux raccourcis (il vaudrait mieux dire par ex si on veut raccourcir : trop d’école tue l’école, trop de vitesse tue la vitesse, etc.). L’arbitrage intime « à quel moment je continue les soins, à quel moment je les arrête ? » est tellement intime, à la confluence de notre instinct de survie, de notre quête de sens (ou perte), de notre appétit social (ou désappétit), de l’arbitrage personnel entre qualité et quantité de vie... J’ai bien peur que la réflexion théorique prenne peu de temps à interroger en profondeur les motivations subtiles de celleux qui à un moment donné choisissent de ne plus se soigner. La dernière fois que je suis passé à l’hosto, on m’a mis un code barre au poignet et la suite ressemblait joliment à un parfait process industriel. Pour un petit passage en ambulatoire, j’ai fait le dos rond, mais pour ceux qui sont abonnés, je peux comprendre qu’on aspire à une autre dimension de vie, fut-elle plus courte.
      Pas sûr qu’Illich ait été jésuite. Mais attaché à l’exercice de la liberté par le discernement intérieur, c’est sûr. Et puis on ne peut pas lui reprocher de ne pas s’être appliqué à lui-même ses idées, ça change de pas mal d’autres. Je l’admire pas mal pour ça. En tous cas merci pour ce partage d’un texte que je ne connaissais pas.

  • BBC News - Jimmy Savile NHS hospital abuse reports to be published
    http://www.bbc.co.uk/news/uk-28027244

    Cette histoire est ahurissante par sa taille, sa durée et la manière systématique avec laquelle une seule personne a su créer un environnement d’omerta, d’impunité et de complaisance. Ses complices exercent toujours leurs fonctions ou profitent tranquillement de leur retraites.

    On trouve un élément commun à toutes les histoires d’abus sexuel dans les institutions : Il s’agit de l’absence ou de l’inefficacité de mécanismes démocratiques.

    The 28 hospital reports are expected to identify opportunities that were missed for Savile’s offending to be confronted over a period of more than 50 years.

    A key report into his activities at Stoke Mandeville Hospital has been delayed after new information recently came to light.

    Savile had a bedroom at Stoke Mandeville, where his now-defunct charitable trust was based, as well as an office and living quarters at Broadmoor.

    The revelations prompted more than a hundred people to come forward, giving accounts of how they were sexually assaulted by Savile on NHS premises.

    The Metropolitan Police passed the material to the Department of Health, which gave it to the hospital trusts to investigate.

    The Department of Health appointed Kate Lampard QC to oversee the individual independent hospital investigations to make sure they were properly carried out.

    In total, the Department of Health investigated the links 35 hospitals or homes had with Savile.

    Reports will also be issued on: St Catherine’s Hospital (Birkenhead); Saxondale Mental Health Hospital; Portsmouth Royal Hospital; Dewsbury and District Hospital (including Pinderfields Hospital); High Royds Psychiatric Hospital; Cardiff Royal Infirmary; Great Ormond Street Hospital; Exeter Hospital; Ashworth Hospital; Barnet General Hospital; Booth Hall; De La Pole Hospital; Dryburn Hospital; Hammersmith Hospital; Leavesden Secure Mental Health Hospital; Marsden Hospital; Maudsley Hospital; Odstock Hospital; Prestwich Psychiatric Hospital; Queen Victoria Hospital, East Grinstead; Royal Victoria Infirmary; Queen Mary’s Hospital, Carshalton; Whitby Memorial Hospital; Wythenshawe Hospital, and Woodhouse Eaves Children’s Convalescent Homes in Leicester.

    ‘Giving Victims a Voice’
    A joint MPS and NSPCC report into allegations of sexual abuse made against Jimmy Savile under Operation Yewtree
    January 2013
    http://www.nspcc.org.uk/news-and-views/our-news/child-protection-news/13-01-11-yewtree-report/yewtree-report-pdf_wdf93652.pdf

    Lecture conseillée au sujet du malfonctionnement des institutions médicales et d’éducation :

    Ivan Illich - Le renoncement à la santé
    http://olivier.hammam.free.fr/imports/auteurs/illich/renoncement-sante.htm

    Ivan Illich - Deschooling Society
    http://olivier.hammam.free.fr/imports/auteurs/illich/deschool.htm

    Résumé en Francais
    http://www.alamemeetoile.net/une-societe-sans-ecole.html

    A propos d’Ivan Illich
    http://www.juanasensio.com/archive/2011/01/08/ivan-illich-infrequentable-frederic-dufoing.html

    #viol #pédophilie #victimes #santé #école