Procès 1312 : L’éborgneur Mathieu, acquitté pour ne pas émasculer la police (et l’État)

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  • Manifestant éborgné par un tir de LBD : l’État condamné à lui verser plus de 100.000 euros
    https://www.tf1info.fr/justice-faits-divers/manifestant-eborgne-par-un-tir-de-lbd-policier-en-2009-a-montreuil-la-justic

    Jeudi, le tribunal administratif de Montreuil a condamné l’État français à verser plus de 100.000 euros en réparation à un ancien manifestant.
    Ce dernier a été éborgné en 2009 par le tir de #LBD (lanceur de balles de défense) d’un policier.

    Une affaire qui avait, à l’époque, fait grand bruit. L’État a été condamné, jeudi 16 février, par le tribunal administratif de Montreuil à verser "105.350 euros en réparation des préjudices subis" à Joachim Gatti, un manifestant ayant été éborgné par un LBD en 2009.

    La justice administrative a admis l’existence des préjudices patrimoniaux liés à une perte de revenus. "Le requérant justifie de ce que son état de santé ne lui permet pas désormais d’espérer un déroulement normal de sa vie professionnelle, en ce que sa blessure l’empêche d’exercer les métiers de caméraman et de monteur qu’il occupait auparavant, ainsi que toute activité professionnelle nécessitant une acuité visuelle normale, limitant ainsi ses possibilités de reconversion professionnelle", indique la décision consultée par l’AFP. Dans les faits, depuis l’incident, l’ancien cameraman a essentiellement travaillé par intermittence en tant que cuisinier ou éducateur. De même, les juges ont reconnu un "déficit fonctionnel permanent", c’est-à-dire l’incapacité de retrouver une vie normale, un préjudice esthétique et des souffrances.

    Le préjudice minimisé par « l’imprudence fautive »

    Néanmoins, la juridiction a revu à la baisse le montant du préjudice, le faisant passer d’une estimation initiale de 150.500 euros à 105.350 euros. "L’imprudence fautive de la victime", qui a pris part à un "regroupement ayant montré une attitude agressive puis ayant été à l’origine de violences à l’encontre des forces de l’ordre", a conduit à cette révision.

    En complément, les autorités vont également devoir verser 10.106 euros à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Seine-Saint-Denis, qui a engrangé plusieurs dépenses de santé liées aux hospitalisations et soins de la victime.

    Ce jugement est satisfaisant

    Ce dénouement semble convenir au requérant [...]. "Le tribunal a imputé à la victime une part de responsabilité à hauteur de 30%, inférieure à d’autres décisions rendues dans des situations analogues donc ce jugement est satisfaisant", a réagi auprès de l’AFP Me Etienne Noël, avocat du principal intéressé. Toutefois, "ce taux de 30% reste trop élevé surtout si l’on considère que M. Gatti n’a commis aucune violence à l’encontre des forces de police. Peut-on y voir une remise en cause du droit de manifester ?", interroge-t-il.

    Pour rappel, les faits remontent au 8 juillet 2009. Des policiers étaient alors intervenus pour repousser des manifestants rassemblés devant un squat à Montreuil, en Seine-Saint-Denis. L’utilisation trop musclée du LBD sur l’un d’entre eux [en fait, quatre manifestants avaient été flashballés] était devenue un symbole des violences des forces de l’ordre. Le policier impliqué a été reconnu coupable du tir et condamné en appel en 2018 à 18 mois de prison avec sursis et 24 mois d’interdiction de port d’arme.

    « L’arme la plus génératrice de dommages est sans conteste le LBD » : les détails du rapport annuel de l’IGPN
    https://www.tf1info.fr/justice-faits-divers/l-arme-la-plus-generatrice-de-dommages-est-sans-conteste-le-lanceur-de-balle

    Où l’on vérifie qu’attaquer la responsabilité de l’État au T.A peut déboucher sur une sanction plus substantielle que ce qui est obtenu au pénal ou au civil, non sans que son attribue aux cibles humaines une part de responsabilité, du fait d’avoir été présents...
    Et, à cette occasion, on constate une étonnante politique de communication du T.A. : la décision a été communiquée à l’AFP et à la presse avant de l’être au requérant et à son défenseur, histoire de redonner un longueur d’avance aux voix officielles sans aucun souci des droits du justiciable, dont celui de se livrer à une analyse de la décision et de la communiquer publiquement.

    #flashball #énucléation #police #tribunal_administratif #montreuil #violences_policières #violence_d'État
    #manifestation #défense_militante

  • Procès 1312 : L’éborgneur Mathieu, acquitté pour ne pas émasculer la police (et l’État) | Désarmons-les !
    https://desarmons.net/2022/12/26/proces-1312-leborgneur-mathieu-acquitte-pour-ne-pas-emasculer-la-police

    Alexandre Mathieu est le nom du CRS qui a éborgné Laurent Théron le 15 septembre 2016 à Paris, Place de la République, en lançant dans une foule éparse une grenade à main de désencerclement (GMD). Il comparaissait aux Assises de Paris du 12 au 14 décembre 2022 pour « blessures volontaires ayant entraîné une infirmité permanente » (lire notre appel). Dans cet article, nous l’appellerons l’éborgneur, puisque sa responsabilité dans la mutilation de Laurent n’est pas mise en doute.
    MAJ du 26/12/2022 – Le Parquet Général avait 10 jours pour faire appel de la décision. Il semble avoir préféré céder au chantage permanent des syndicats de police et aux logiques d’impunité qui gouvernent “l’Etat de droit”. La police peut donc continuer de lancer des bombes dans la foule.

    Caliméro parmi les CRS : le CV de l’éborgneur

    Au cours de la première journée d’audience, la juge procède au tirage au sort des jurés. Le seul juré au nom arabe est immédiatement récusé par l’avocat de l’éborgneur, Laurent-Franck Liénard. Puis la juge expose les faits, avant de donner la parole à l’accusé.

    Debout à la barre, se tenant les mains dans le dos, le grand dadais au physique de contrôleur de gestion cache mal sa rigidité émotionnelle. Il est le portrait craché de Felonius Gru, le personnage du demi-méchant dans « Moi, moche et méchant ». Froissant son nez pour remettre en place ses lunettes, il jette régulièrement des regards sans lueur vers les bancs de la partie civile. Tentant maladroitement d’exprimer de la compassion, l’éborgneur formule des excuses hâtives et peu convaincantes, probablement motivées par la seule volonté d’attendrir la cour, dans la continuité de la lettre qu’il avait stratégiquement adressé à Laurent en octobre 2018.

    Une assistante sociale et deux psychologues se succéderont d’ailleurs à la barre pour renforcer le trait, en présentant l’éborgneur comme un tendre humaniste, volant au secours de son prochain, ayant même sauvé une collègue du suicide et recueilli chez lui un enfant handicapé.

    On sait avec qui roulent les experts judiciaires. Avec ce cynisme qui lui est propre, l’avocat Liénard commentera même :
    « À vous entendre, on dirait que vous parlez d’une victime » – Laurent-Franck Liénard, avocat d’Alexandre Mathieu

    Dans la salle derrière l’éborgneur, toute la partie droite de l’auditoire est constituée de ses proches, ainsi que de ses collègues, alignés comme autant de cubes de béton, avec mines patibulaires et mâchoires serrées. L’un d’eux, celui qui ressemble le plus à un taureau gonflé aux protéines, porte un gros tatouage Viking sur le cou. Autant dire que cette moitié du public respire davantage la testostérone et l’esprit de corps que la sensibilité et l’empathie, qui caractérise plutôt le reste de l’auditoire venu en soutien à Laurent. Parmi les flics, on identifie rapidement Linda Kebbab et Grégory Joron, délégués syndicaux de Unité SGP, ce même syndicat qui s’est choisi comme délégué syndical l’assassin d’Amine Bentounsi suite à sa condamnation, mais aussi Fabien Vanhemelryck, secrétaire général d’Alliance. L’acteur Samuel Le Bihan passe aussi s’asseoir parmi les policiers : à force de trop jouer des flics au cinéma, on peut se demander s’il n’aurait pas raté une vocation…

    En 1995, qui est aussi l’année où la grenade à main « de désencerclement » DMP/95 est inventée, l’éborgneur Mathieu passe une première fois le concours de police, cherchant « un peu plus d’action dans sa vie » tout en souhaitant « contribuer au vivre ensemble ». « J’aime le contact avec les gens”, dit-il, et « dans la police, on est des acteurs sociaux » (sic). Il obtient la note médiocre de 4,25/20 à l’oral, ce qui lui vaut d’être recalé au concours, qu’il obtient néanmoins l’année suivante. Sa vivacité intellectuelle ayant semble-t-il été reconnue, il servira ensuite 19 ans dans la BAC, unité à la réputation peu reluisante dont il ne prononcera jamais le sigle, préfèrant parler de « brigade nuit » et de « police secours ».