« Que voulons-nous faire de l’Europe ? »

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  • BALLAST Yanis Varoufakis : « Que voulons-nous faire de l’Europe ? »
    http://www.revue-ballast.fr/yanis-varoufakis

    Je ne crois pas que la sortie représente une voie optimale pour les progressistes. La sortie pourrait être envisagée en tout dernier ressort. Mais si vous êtes poussé dans une impasse, comme nous l’avons été, quand on vous dit « La bourse ou la vie », « L’accord (non-viable) ou dehors », ma tentation serait de dire : « Je ne sors pas, poussez-moi dehors ! » Et alors, s’ils sont prêts à faire cela, sachant qu’il n’y a aucune base légale qui le prévoit, aucun cadre juridique pour pousser un État vers la sortie, on aura démontré que c’était une menace vide de sens. Mais dès lors que l’on commence à croire à la menace, elle n’est plus vide, elle est auto-réalisatrice. Décrire, comme vous l’avez fait, la manière dont fonctionne l’Union européenne, avec l’unanimité, etc., c’est décrire une organisation foncièrement conservatrice. En économie, pour ceux qui l’ont un peu pratiquée, c’est ce que l’on appellerait une sorte de principe de Pareto. Ce principe, ou optimum, dit que toute nouvelle mesure qui améliore la situation d’au moins un acteur, sans pour autant dégrader celle d’un autre, est bonne à prendre. Et ça paraît assez décent et logique, n’est-ce pas ? Si nous pouvons faire quelque chose et améliorer la vie des uns sans dégrader celle des autres, pourquoi ne pas le faire ? Pourtant, si vous n’agissez que selon ce principe de Pareto, vous découvrez qu’il est extrêmement conservateur, parce qu’il y a le revers de la médaille : si vous ne voulez rien faire qui dégrade la situation d’un seul acteur, alors en pratique vous ne faites… rien ! Parce qu’il y aura toujours quelqu’un qui sera dérangé, il y aura toujours des gens dont les intérêts seront remis en cause par les avancées progressistes. Alors oui, l’Europe a été construite volontairement sur la base d’un principe de Pareto conservateur, avec des décisions prises en réalité par un ou deux. Ce que ces gens décident est adopté, et quand nous voulons changer quelque chose pour le bénéfice d’une vaste majorité, on nous oppose ce principe de Pareto, et nous sommes ligotés. C’est pour cela qu’il est indispensable de pousser dans la direction d’une décentralisation qui doit aller de pair avec l’européanisation. Cela paraît un peu… complexe, mais j’aime les contradictions — car ce n’est qu’à travers elles qu’on peut avancer. Mais il faut qu’il s’agisse de contradictions rationnelles, progressistes.

    #varoufakis #grece #crise #troika

  • BALLAST Yanis Varoufakis : « Que voulons-nous faire de l’Europe ? »
    http://www.revue-ballast.fr/yanis-varoufakis

    Nous sommes devenus ce stupide continent, et nous avons un euro très mal adapté à nos besoins. En attendant de le rendre viable, peut-être aurons-nous besoin de devises parallèles. Peut-être avons-nous besoin, d’ailleurs, non pas tant de devises que d’un système de paiement parallèle, d’une sorte de version locale de liquidité, libellée en euros. Je pense que nous en aurons besoin. Et j’ai publié récemment, dans le Financial Times, un article1 dans lequel j’explique ce qui se passerait dans ce cas, ce qui se passerait en France. Rendre quelques degrés de liberté aux gouvernements nationaux sans sortir de l’euro ni même créer d’autres devises, créer plutôt un système parallèle de paiement utilisant l’euro comme unité de compte — c’est possible. Pour moi, c’est ce qu’il faut faire, dans le même temps que l’on essaie de créer une coalition européenne pour réparer les dégâts politiques et économiques, et notre monnaie elle-même.

    #euro #Europe #monnaie