Dénoncer des violences policières à la justice à 15 ans est généralement impensable quand on vit dans un quartier populaire. Le juge, cet homme qui condamne et éloigne quelques mois, parfois plus, un frère, un voisin, est rarement considéré comme un allié. Dix-huit garçons et filles du XIIe arrondissement à Paris ont pourtant franchi le pas. Jeudi 17 décembre, avec le soutien de leurs éducateurs, ces lycéens ont signalé des faits de « violences volontaires aggravées », d’« agression sexuelle aggravée », de « discrimination » et d’« abus d’autorité » de la part de policiers au procureur de la République de Paris. Leur quotidien était devenu invivable. La plainte est déposée contre X mais dans toutes les têtes « X » a un nom : « les Tigres », comme se surnomment les policiers de la BSQ, la brigade de soutien de quartier.
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« On pisse sur le ramadan », « espèce de libanais de merde », « connards, sales noirs ». A chaque contrôle, les insultes pleuvent. Le conflit jeunes-policiers, dalle Rozanoff, dure depuis des années. Les grands frères disent avoir connu les mêmes brimades. « Mais maintenant, ils s’en prennent aux petits, dès 12 ans », déplore un presque trentenaire. De la musique écoutée sur un téléphone, en fin d’après-midi ? « Contravention pour tapage nocturne ». Une balade entre copains le long de la promenade plantée ? Une invitation ferme à rentrer chez-soi. Qu’ils osent répondre avoir l’autorisation de leurs parents, c’est une clé de bras. Les jeunes d’autres quartiers n’ont rien à faire ici. S’ils ne comprennent pas, c’est la gazeuse.