• La fausse promesse économique des métropoles - La Tribune
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/104394250828

    Dans La Tribune, les économistes Olivier Bouba-Olga et Michel Grossetti mettent en garde les politiques contre la promesse économique liée à la création des métropoles en démontant les thèses de Laurent Davezies sur la surproductivité de l’Ile-de-France. “Pour eux il faut regarder la réalité et sortir du schéma de territoires en compétition qu’induisent les travaux de Laurent Davezies comme, surtout, les utilisations politiques qui en sont faites.” Comprendre l’interdépendance des territoires à l’heure où les fonds publics se réorientent vers les métropoles est essentiel. “Il y a peu de différences de productivité entre les territoires, et je ne suis même pas sûr qu’il soit très futé de donner plus à ceux qui ont déjà beaucoup tant le gain marginal risque d’être faible”, conclut Olivier Bouba-Olga. 

    #économie #métropole

  • Les mots et techniques de communication du pouvoir pour imposer les projets inutiles - Reporterre
    http://www.reporterre.net/spip.php?article6600

    Surtout, ce qui est censé « compenser » le scandale va en fait dans le même sens. Car la destruction comme la préservation des territoires par l’Etat, ces deux moments de leur aménagement, se font au détriment de leur usage commun par les populations locales qui s’en servent encore de garde-manger et de pharmacie. C’est notamment ainsi que les voient les vieilles paysannes et les jeunes « zadistes » qui n’ont pas intégralement délégué leur (sur)vie aux industries agro-alimentaires et pharmaceutiques.

    Ce que désigne l’aménagement du territoire apparaît ici clairement. Dans la plupart des cultures, les terroirs et les paysages étaient le produit de celles et ceux qui y vivaient ; tout cela est désormais « géré » d’en haut et de loin, par l’Etat central dépositaire de « l’intérêt général », lequel se mesure à la croissance du PIB, saupoudrée de « mesures écologiques ».

    Le territoire est ainsi soustrait aux gens qui y vivent et mis au service de l’accroissement du capital. Ce qui implique de faire la guerre aux usages vernaculaires et, si nécessaire, de déménager sans ménagement les populations locales.

    Construire l’acceptation sociale

    Toutes ces expropriations se sont faites sans trop d’opposition dans l’après-guerre, tant qu’il y eut un large consensus des communistes et des gaullistes en faveur du Progrès. Les choses se sont ensuite gâtées, notamment avec le « grand projet » de nucléarisation de l’Hexagone qui aboutit en 1977 au même crime que celui du 26 octobre 2014 : Vital Michalon est tué par une grenade offensive.

    Dans les années 1980, l’Etat crie alors à l’aide : comment donner un vernis démocratique aux projets mûrement imposés par les élites ? Et les sociologues de proposer un nouvel outil, la « démocratie technique » : au-delà de la propagande, il s’agit d’aménager la contestation, de l’intégrer au processus de décision pour mieux la gérer, la cantonner à un rôle de contre-expertise technique et anéantir en elle toute opposition politique.

    Il faut organiser des « forums hybrides » (Michel Callon) associant les représentants de l’Etat aux délégués des associations et autres organisations paragouvernementales, afin que la « société civile » puisse discuter et par là même valider démocratiquement les décisions prises par la technocratie.

    Il faut « cartographier les controverses » (Bruno Latour) et, si besoin, créer de toutes pièces des associations afin que, lors de ces débats, il y ait des acteurs de la « société civile » favorables aux projets des élites. Chacun verra alors qu’« en bas », il y a des « pour » et des « contre », que les choses sont « complexes » et qu’il vaut mieux laisser l’Etat savant s’en charger.

    #gpii #aménagement_du_territoire #administration_du_désastre #ruralité #déracinement
    lien avec http://seenthis.net/messages/273520

  • Simuler les évolutions de l’utilisation du sol pour anticiper le futur d’un territoire

    http://cybergeo.revues.org/26483

    L’article propose l’analyse critique d’une démarche de géoprospective qui s’est déroulée dans le bassin versant de l’Yzeron, en périphérie lyonnaise. Cette expérience a consisté à intégrer dans une démarche de prospective territoriale, menée dans le cadre d’un atelier participatif, la discussion de scénarios d’évolution de l’utilisation du sol à l’horizon 2030. Ces scénarios ont été construits à partir de méthodes et d’outils numériques de modélisation et de simulation. Après une mise au point conceptuelle sur les questions de prospective, prospective territoriale et géoprospective, l’article détaille la démarche mise en œuvre : mode d’organisation de l’atelier, élaboration des modèles, discussion des résultats. Enfin, la compatibilité des méthodes de modélisation et de simulation spatiales avec les principes de la prospective territoriale est discutée à partir des observations des participants et des constatations des auteurs.

    #cartographie #cartographie_anticipative #visualisation #territoire #aménagement_du_territoire

  • Comment les #paysans du #corridor_forestier de #Fianarantsoa (#Madagascar) dessinent-ils leur #territoire ? Des #cartes individuelles pour confronter les points de vue

    La délimitation des zones de #forêt à conserver est une préoccupation majeure des responsables de l’#aménagement_du_territoire à Madagascar. Depuis la politique de transfert de la gestion des forêts aux #communautés_locales, les paysans sont consultés pour les #bornages mais participent peu à l’élaboration des cartes par les organisations non gouvernementales. Ils rencontrent des difficultés à se situer sur ces cartes et à les relier aux #paysages qu’ils connaissent. Notre objectif est précisément de savoir comment construire une carte compréhensible par tous. Nous nous inscrivons pour cela dans une approche empirique, qui s’appuie sur les méthodes de la #cartographie_participative. Un protocole d’enquête en deux étapes est appliqué dans trois villages du corridor forestier de Fianarantsoa (Madagascar). Dans la première, chaque paysan dessine une carte de son territoire à main levée sur une feuille blanche, en justifiant son tracé ; dans la seconde, il corrige des schémas graphiques, cartes, photos aériennes et images satellitaires traitant de ce territoire. Le résultat espéré est double : comprendre comment sont perçus des #documents_cartographiques et mettre au point une méthode de confrontation des points de vue exprimés dans des cartes individuelles sur un même territoire. Nous présentons et discutons les observations empiriques issues de ces enquêtes, en particulier les différentes manières dont les paysans malgaches représentent leur territoire.

    http://cybergeo.revues.org/26387

    cc @reka @odilon

  • Le Jardin de Babylone - Bernard Charbonneau (Encyclopédie des nuisances, 2002)
    http://biosphere.ouvaton.org/de-1182-a-1999/1780-1969-le-jardin-de-babylone-de-bernard-charbonneau-encycloped
    Texte écrit en 1969, extrêmement visionnaire et complet

    « La #nature est à la fois la mère qui nous a engendrés, et la fille que nous avons conçue. A l’origine, il n’y avait pas encore de nature. L’homme ne s’était pas encore distingué d’elle pour la considérer. Individus et société étaient englobés dans le #cosmos. C’est en Judée que naquit la nature, avec la Création : Jahvé a profané le cosmos et l’homme peut y porter la main. Même provisoirement écrasée, la révolte de la liberté humaine était à tout jamais déchaînée. Alors grandirent parallèlement la maîtrise et le #sentiment_de_la_nature. La science pénétra le mécanisme du cosmos, et ainsi la #technique permit de la transformer. Le sentiment de la nature apparaît là où le lien avec le cosmos est rompu, quand la terre se couvre de maisons et le ciel de fumées ; là où est l’#industrie, ou bien l’#Etat. La #campagne s’urbanise, et l’Europe devient une seule banlieue. Mais quand la nature vient à disparaître, c’est l’homme qui retourne au chaos.

    1/5) Reconstruction de la nature, fin de la nature
    L’intervention puissante et aveugle de l’homme risque de rompre l’équilibre fragile dont l’homme est issu. Le souci de la #productivité s’attache trop au présent, pas assez à l’avenir ; alors vient un jour où le #rendement baisse. Si la production continue d’augmenter indéfiniment, alors se posera un autre problème, celui de l’élimination des déchets. Trop souvent, au constat de l’épuisement du milieu naturel, les fidèles du progrès opposent un acte de foi : « On trouvera bien un moyen. » Or il y a de fortes chances que nous soyons obligés de reconstituer à grand frais les biens qui nous étaient fournis par la nature ; et ceci au prix de discipline autant que d’efforts. L’homme naît de la nature comme au sein d’une mère. Là où elle disparaît, la société moderne est obligée de fabriquer une surnature, l’homme devra réempoissonner l’océan comme il empoissonne un étang. Mais alors l’homme doit imposer à l’homme toute la rigueur de l’ordre que le Créateur s’est imposé à lui-même. En substituant dans cette recréation l’inhumanité d’une police totalitaire à celle d’une nature totale.

    Si l’homme dépasse la nature, il en est aussi le fruit. Aussi voit-on se développer dans les sociétés industrielles et urbaines un « sentiment » de nature qui reflète la gravité de la rupture avec le cosmos. Ainsi au siècle de l’artifice, nous avons la passion de cette nature que nous détruisons. Le sentiment de la nature est à la fois profond et extérieur à la vie des individus ; il se nourrit d’apparences, son domaine est celui de la peinture et du spectacle. Sauf exception, nous aimons la nature, mais nous craignons d’y vivre.

    2/5) La fin des paysans
    « Là où il existe, le #paysan est l’homme du pays, il est englobé dans la pulsation du cosmos. L’Eden terrestre n’est pas un don de Dieu, mais le fruit de la peine, moissonneurs des plaines courbés sur l’horizon. Au siècle de la division du travail le paysan est l’homme des cultures et des travaux multiples. Jusqu’en 1914, il fallait prendre la carriole à la gare pour gagner le village, et parfois du village c’est à pied qu’il fallait gagner l’encart. Jusqu’en 1945 l’industrie agricole n’existait vraiment qu’aux USA et dans quelques pays neufs. Maintenant des machines toujours plus puissantes ébranlent son univers. La campagne doit se dépeupler pour accueillir le peuple des tracteurs. Il n’y a plus de nature ni d’homme qui puisse tenir devant l’impitoyable tracé des raisons de l’Etat ou de la Production. Des lois déracinent les peuples comme le bulldozer les haies.

    L’instruction primaire obligatoire fut une sorte de #colonisation bourgeoise de la campagne. En même temps qu’il apprenait à lire et à écrire, le jeune paysan devait désapprendre : sa langue et son folklore. Les instituteurs de la IIIe République participèrent d’autant plus à cette entreprise de colonisation qu’ils étaient fils de paysans, pour lesquels devenir bourgeois était une promotion sociale. On peut imaginer une évolution différente où l’école eût continué l’Eglise dans le village, s’insérant dans la nature et la tradition en leur ajoutant, avec l’instruction, la dimension de la conscience. Mais les manuels scolaires, qui se lamentaient de la « dépopulation » des campagnes, se mirent à déplorer leur surpopulation.

    Le plan Monnet a déraciné les paysans que 1789 avait enracinés en leur donnant la terre. Comment des ingénieurs auraient-ils pu concevoir la campagne autrement que comme une industrie ? Dans cette optique, la campagne française était évidemment « sous-développée ». Le plan prévoyait le passage d’une agriculture de subsistance à une agriculture de marché qui intégrait le paysan dans le cycle de l’argent et de la machine. Le paysan vivait sur la propriété de polyculture familiale, maintenant il se spécialise. La monoculture le fait dépendre du marché. Désormais il lui faut acheter pour vendre, et vendre pour acheter, le superflu dont il commence à prendre l’habitude, et le nécessaire : les machines, les engrais, et même la nourriture. Les critères du plan furent exclusivement techniques : rendements à l’hectare, consommation d’énergie, possession d’une auto ou d’un téléphone. Certains facteurs ne furent pas pris en compte : la conservation des sols, la saveur des produits, l’espace, la pureté de l’air ou de l’eau. A plus forte raison certains facteurs humains comme le fait d’être son propre maître. La vie à la campagne comportait un relatif isolement, la participation à un groupe retreint mais aux liens solides ; et voici que l’organisation administrative et syndicale, la diffusion de l’instruction et de la presse, de la TV, absorbent les paysans dans la société globale.

    La seconde révolution industrielle, celle des hydrocarbures et de la chimie, va s’imposer aux campagnes européennes. La machine va trop vite pour la pensée : son usage précède toujours la conscience de ses effets. La tronçonneuse ne laisse plus le temps de la réflexion comme la hache. Si on peut abattre un chêne en quelques secondes, il faut toujours un siècle pour le faire. Le tracteur n’est plus le monopole du très grand propriétaire, les produits chimiques diminuent le travail du paysan, mais comme il faut les payer, il faut d’autant plus travailler. La petite exploitation n’était pas rentable. Le progrès technique signifie la concentration, la mécanisation engendre la grande exploitation. Le ruisseau n’est plus que l’effluent d’un terrain saturé de chimie et il suffit de quelques pompes-canons pour le tarir. Qu’est devenue la vie secrète des vallons ? Il n’y a plus que l’eau morte des retenues collinaires. Le travail devient vraiment du travail, c’est-à-dire du travail d’usine. Avant peu, les paysans réclameront à leur tour le droit de passer leurs vacances à la campagne.

    L’électrification et l’adduction d’eau multiplient les tâches en intégrant le paysan dans le système urbain. L’#aménagement_du_territoire, ou plutôt le déménagement, étendit ses méthodes à la campagne. La grande presse, et surtout la TV, achèvent d’entraîner la campagne dans le circuit des villes. Avant la dernière guerre, la ville gagnait dans la campagne, maintenant elle la submerge. C’est ainsi qu’à la France des paysages succède celle des terrains vagues. Et bientôt la France rurale ne sera plus que la banlieue de Paris. La campagne n’est plus qu’un élément d’une seule économie dont la ville est le quartier général. Le reste n’est plus que terrain industriel, aérodromes, autostrades, terrain de jeu pour les citadins. Partout pénètrent les autos, et avec elles les masses, les murs : la ville.

    3/5) Le cancer de l’urbanisation
    Les villes anciennes étaient beaucoup moins nombreuses et beaucoup plus petites que les nôtres. Elles étaient perdues dans la nature. En hiver, la nuit, les loups venaient flairer leurs portes, et à l’aube le chant des coqs résonnait dans leurs cours. Puis un jour, avec le progrès de l’industrie, elles explosèrent, devenant un chaos. Le signe le plus voyant de la montée du chaos urbain c’est la montée des ordures. Partout où la population s’accumule, inexorablement l’air s’épaissit d’arômes, l’eau se charge de débris. La rançon du robinet, c’est l’égout. Sans cesse nous nous lavons, ce n’est plus une cuvette qui mousse, mais la Seine.

    Les villes sont une nébuleuse en expansion dont le rythme dépasse l’homme, une sorte de débâcle géologique, un raz de marée social, que la pensée ou l’action humaine n’arrive plus à dominer. Depuis 1960, il n’est plus question de limiter la croissance de Paris, mais de se préparer au Paris de vingt millions d’habitants dont les Champs-Élysées iront jusqu’au Havre. Les tentacules des nouveaux faubourgs évoquent irrésistiblement la prolifération d’un tissu cancéreux. La ville augmente parce qu’elle augmente, plus que jamais elle se définit comme une agglomération. La ville augmente parce que les hommes sont des êtres sociaux, heureux d’être nombreux et d’être ensemble. Il est bien évident qu’elle n’est pas le fruit d’un projet.

    Les hommes se sont rassemblés dans les villes pour se soustraire aux forces de la nature. Ils n’y ont que trop bien réussi ; le citadin moderne tend à être complètement pris dans un milieu artificiel. Non seulement dans la foule, mais parce que tout ce qu’il atteint est fabriqué par l’homme, pour l’utilité humaine. Au milieu des maisons, les hommes ont amené de la terre, construit un décor. Les usagers des jardins publics sont trop nombreux : regardez, mais ne touchez pas. Les coûts de Mégalopolis grandissent encore plus vite que sa taille. Il faut faire venir plus d’énergie, plus d’eau. Il faut assurer le transport des vivants, se débarrasser des cadavres et autres résidus. Il boit une eau qui n’est plus que celle, « recyclée » de ses égouts, la ville en est réduite à boire sa propre urine. Je propose en plus d’estimer en francs le mètre carré ou le mètre cube d’air pur, comme le kilowatt. Le XIXe siècle avait ses bagnes industriels, le nôtre a l’enfer quotidien du transport. Mégalopolis ne peut être sauvée que par le sacrifice, chaque jour plus poussé, de ses libertés.

    Après le style primitif, après l’ordre monarchique, le désordre de la période individualiste, la ruche monolithique d’une collectivité totalitaire. Si nous n’y prenons garde, en supposant un meilleur des mondes sans crise ni guerre, nous finirons dans une caverne climatisée, isolée dans ses propres résidus ; où nous aurons le nécessaire : la TV en couleur et en relief, et où il nous manquera seulement le superflu : l’air pur, l’eau claire et le silence. La ville pourrait bien devenir le lieu de l’inhumanité par excellence, une inhumanité sociale. Peut-être que si la science réussit à rendre l’individu aussi indifférencié qu’une goutte d’eau, la ville pourra grandir jusqu’à submerger la terre. Peut-être que le seul moyen de mettre un terme à la croissance inhumaine de certaines agglomérations est de laisser la pénurie atteindre un seuil qui, en manifestant avec éclat l’inconvénient d’y vivre, découragera les hommes d’y affluer.

    Le citadin s’est libéré en s’isolant du cosmos ; mais c’est ainsi qu’il a perdu sa liberté. Aujourd’hui, pour être libre, prendre des vacances, c’est sortir de la ville.

    4/5) Le tourisme, produit de l’industrie
    Pour les primitifs et les paysans, rien n’est plus étranger que l’idée de voyager. Ceux qui ont traversé les pays ignorés du tourisme savent à quel point leurs habitants sont surpris de voir un homme qui se déplace pour son plaisir. A l’origine, l’homme ne change de lieu que contraint par une nécessité supérieure : pour fuir un ennemi, s’enrichir, ou obéir à l’ordre d’un dieu. Pour le Moyen Age, le voyageur, c’est le pèlerin ou le trafiquant. Le voyage généralisé apparaît lorsque les conditions économiques et sociales permettent à l’individu de rompre avec son milieu. Il naît avec la richesse, la sécurité des routes, la curiosité et l’ennui. Le premier touriste, ce fut peut-être l’empereur Hadrien. Au contraire, le goût des voyages décroît avec la misère et l’insécurité. Le temps des invasions n’est jamais celui du tourisme ; alors l’individu se cramponne au sol pour subsister. Comme autrefois, il n’est pas assez d’une existence pour connaître vraiment son canton, parce qu’il lui faut avancer pas à pas. Et le quitter pour un autre, c’est le perdre.

    Le #tourisme commence au XVIIIe siècle, et d’Angleterre il gagne l’Europe. Le voyage n’est plus le fait d’une aristocratie, il devient celui d’une classe sociale tout entière : la bourgeoisie, et finalement les masses populaires. Pour un homme des villes, vivre physiquement et spirituellement, c’est retourner à la nature. Accablés de vêtements et d’artifices, nous nous étendons nus sur le sable. Ce sont les hommes de l’auto et de l’avion qui escaladent à pied les montagnes. La sympathie pour les sociétés indigènes aboutira tout au plus à un folklore pour touristes plaqué sur un abîme d’uniformité. On enfermera les derniers hommes sauvages, comme les derniers grands mammifères, dans des réserves soigneusement protégées, où ils joueront le rôle du primitif devant un public de civilisés. Le parc national n’est pas la nature, mais un parc, un produit de l’organisation sociale : le jardin public de la ville totale. C’est la terre entière qui devrait devenir un parc national ; tandis que la masse humaine irait vivre sous cloche dans quelque autre planète.

    La nature reste l’indispensable superflu de la société industrielle. La nature est photogénique ; notre civilisation de l’image est portée à l’exploiter pour compenser la rationalité de son infrastructure mathématique. Les mass media diffusent quotidiennement les mythes de la Mer, de la Montagne ou de la Neige. Le touriste n’est qu’un voyeur pour lequel le voyage se réduit au monument ou au site classé. Partout l’artifice cherche à nous restituer la nature. Isolé de la nature dans son auto, le touriste considère d’un œil de plus en plus blasé le plat documentaire qui se déroule derrière le miroir. Admirer les glaciers à travers les vitres d’un palace n’empêche pas de se plaindre de la faiblesse du chauffage. Un touriste ne vit pas, il voyage ; à peine a-t-il mis pied à terre que le klaxon du car le rappelle à l’ordre ; le tourisme et la vraie vie ne se mélangent pas plus que l’huile et l’eau. Avec la société capitaliste, le tourisme est devenu une industrie lourde. L’agence de tourisme fabrique à la chaîne quelques produits standard, dont la valeur est cotée en bourse. Il n’y aura plus de nature dans la France de cent millions d’habitants, mais des autoroutes qui mèneront de l’usine à l’usine – chimique ou touristique.

    L’auto, qui nous permet de nous déplacer aisément, par ailleurs nous enferme. Certains massifs de Pyrénées dépourvus de routes sont moins fréquentés qu’à l’époque de Russel et de Chausenque. Mais demain, le bulldozer permettra aux modernes centaures d’envahir partout la montagne, sans risque d’abîmer leurs délicats sabots de caoutchouc. Il faut du nouveau à l’individu moderne, n’en fût-il plus au monde. Le touriste change de lieu chaque fois plus vite – jusqu’au moment où le voyageur n’est plus qu’un passager affalé qui ronfle dans le fauteuil d’un avion lancé à mille à l’heure. Ce qui rend les voyages si faciles les rend inutiles. L’avion fait de Papeete un autre Nice, c’est-à-dire un autre Neuilly. Les temps sont proches où l’avion pour Honolulu n’aura pas plus de signification que le métro de midi. Tourisme ? Exactement un circuit fermé qui ramène le touriste exactement à son point de départ. A quoi bon l’auto qui permet de sortir de la ville, si elle nous mène au bord d’un autre égout ? Sur deux cents kilomètres de plage landaise, il n’est pas un feston de la frange des vagues qui ne soient ourlé par les perles noires du mazout. Et le soir, à la villa, le bain d’essence devient le rite complémentaire du bain de mer. On pouvait voir les bancs de perche évoluer dans les algues par trois mètres de fond dans l’étang de Biscarosse ; selon un rapport du Muséum il est aujourd’hui classé dans la quatrième catégorie, le maximum de pollution. La paix de l’hiver est rompue par les skieurs, le blanc des neiges, piétiné et balafré, n’est plus qu’un terrain vague maculé de débris et de traces. La montagne est mise à la portée des masses payantes. Mais est-elle encore la montagne ? Il n’y a plus de montagne ; il ne reste qu’un terrain de jeu. Le domaine du loisir étant celui de la liberté, pourquoi dépenser des milliards à couvrir les montagnes de téléphériques pour hisser le bétail humain sur les crêtes ? Aujourd’hui sites et monuments sont plus menacés par l’admiration des masses que par les ravages du temps. On voit venir le moment où les lieux les plus célèbres se reconnaîtront au fait que la visite en est interdite.

    Rien n’empêche la société industrielle d’enfermer la momie de Thoreau dans la vitrine de la littérature bucolique. Si nous voulons retrouver la nature, nous devons d’abord apprendre que nous l’avons perdue.

    5/5) Conclusion : échec et résurrection du sentiment de la nature
    Il n’est pas de lieu plus artificiel que ceux où la nature est vendue. Si un jour elle est détruite, ce sera d’abord par les industries de la mer et de la montagne. Si un « aménagement du territoire » désintéressé et intelligent s’efforce d’empêcher le désastre, il ne pourra le faire qu’au prix d’une organisation raffinée et implacable. Or l’organisation est l’exacte antithèse de la nature. Le « sentiment de la nature » s’est laissé refouler dans le domaine du loisir, du superflu et du frivole. La révolte naturiste n’a engendré qu’une littérature et non une révolution. Le scoutisme n’a pas dépassé l’enfance.

    Les passionnés de la nature sont à l’avant-garde de sa destruction : dans la mesure où leurs explorations préparent le tracé de l’autostrade, et où ensuite pour sauver la nature ils l’organisent. Ils écrivent un livre ou font des conférences pour convier l’univers à partager leur solitude : rien de tel qu’un navigateur solitaire pour rassembler les masses. L’amoureux du désert fonde une société pour la mise en valeur du Sahara. Cousteau, pour faire connaître le « monde du silence », tourna un film qui fit beaucoup de bruit. Le campeur passionné par les plages désertes fonde un village de toile. Ainsi, réaction contre l’organisation, le sentiment de la nature aboutit à l’organisation.

    En réalité il n’y a probablement pas de solution au sein de la société industrielle telle qu’elle nous est donnée. L’organisation moderne nous assure le superflu en nous privant du nécessaire. En dehors de l’équilibre naturel dont nous sommes issus, nous n’avons qu’un autre avenir, un univers résolument artificiel, purement social. L’homme vivra de la substance de l’homme, dans une sorte d’univers souterrain. Si l’espèce humaine s’enfonçait ainsi dans les ténèbres, elle n’aurait fait qu’aboutir à la même impasse obscure que les insectes. A moins qu’on ne s’adapte pour grouiller comme des rats dans quelque grand collecteur. Que faire ?

    La nature n’est pas une mère au sens sentimental du terme, elle est la Mère : l’origine de l’homme. L’homme doit péniblement se maintenir entre ces deux abîmes : la totalité cosmique et la totalité sociale ; et c’est ce terme même de nature qui lui indique où est son étroit chemin. Il faudra dominer l’industrie comme on a dominé la nature. Il nous faut réviser nos notions de nécessaire et de superflu. Il faut affronter le standard de vie, les investissements, les fusées et la bombe atomique pour choisir l’air pur. Ce n’est que si l’homme est capable de se dominer qu’il pourra continuer de dominer la terre. La solution suppose un renversement des valeurs. Il faut que la fin : la nature pour les hommes, commande les moyens : la science, l’industrie, l’Etat. Pour nous et surtout pour nos descendants, il n’y a pas d’autres voies qu’une véritable défense de la nature. Désormais toute entreprise devrait être envisagée en tenant compte de la totalité de l’équilibre qu’elle perturbe. Les hommes qui se voueraient à une telle révolution pourraient constituer une institution, indépendante des partis ou des Etats, consacrée à la défense de la nature. Elle se considérerait comme une sorte d’ordre, imposant à ses membres un certain style de vie, qui les aiderait à prendre leurs distances vis-à-vis de la société actuelle. Ils pratiqueraient une sorte d’objection de conscience. La merveille de Babylone est ce jardin terrestre qu’il nous faut maintenant défendre contre les puissances de mort.

    #ruralité #paysannerie #urbain_diffus #banlieue_totale #administration_du_désastre #wilderness #écoumène #critique_techno #système_technicien #déracinement #effet_rebond #hors_sol #soleil_vert #contre-productivité

    • A relire ici Charbonneau, il me semble y trouver bien plus de raisons qu’il ne m’a été nécessaire d’en réunir pour chercher à cesser de penser nos existences en fétichisant comme lui la Nature - mère ou non, peu importe - et en se mettant en travers de la pensée un dualisme aussi sclérosant que nature vs culture.

      Si je fais volontiers mien ses constats historiques quant à la dévastation à laquelle il assiste, je ne suis pas du tout en accord avec la manière dont il prétend trancher -

      l’origine de l’homme. L’homme doit péniblement se maintenir entre ces deux abîmes : la totalité cosmique et la totalité sociale ; et c’est ce terme même de nature qui lui indique où est son étroit chemin.

      , etc ;
      ou des perspectives aussi clairement exprimées que celles-ci (c’est moi qui graisse ) :

      Ce n’est que si l’homme est capable de se dominer qu’il pourra continuer de dominer la terre. La solution suppose un renversement des valeurs. Il faut que la fin : la nature pour les hommes ,

      [...]

      Les hommes qui se voueraient à une telle révolution pourraient constituer une institution , indépendante des partis ou des Etats, consacrée à la défense de la nature. Elle se considérerait comme une sorte d’ordre ,

      Voilà qui me semblent quant à moi tout aussi sinistres (il y a dans un tel propos naturaliste quelque chose qui sonne banalement chrétien -

      dominer la terre, la nature pour l’homme

      - voir fasciste à mes oreilles : le naturalisme s’y donne assez vite à voir se prenant les pieds dans son propre tapis culturel) - et participer de - cela même que l’auteur croit critiquer et combattre.

      Lisant cela, l’innocence naturalisme des hétérosexistes anti-industriels (ou l’hétérosexisme innocent des naturalistes anti-industriels) dont Aude cite un morceau de choix me surprends finalement assez peu ; il procède assez clairement de vieilles carences critiques qu’il partage avec ceux dont il se réclame.

      (autres morceaux de bravoure hétérosexiste issu du même site - là encore, je graisse :

      Sur ce blog, nous n’avons aucune préférence religieuse et une seule éthique, la volonté d’être à l’écoute d’une nature … qui nous a fait homme ou femme . La volonté des gays et lesbiennes de se marier et d’avoir un enfant est une forme de discrimination envers l’autre sexe [tiens donc : mais lequel ?] : un couple hétéro est naturellement dédié à une relation sexuelle et seul capable d’assurer la reproduction nécessaire à l’espèce. L’homosexualité, c’est donc la volonté de transcender les limites naturelles et sociales en s’accaparant du mariage [sic] , une institution jusque là réservé à l’union d’un homme et d’une femme

      http://biosphere.blog.lemonde.fr/2012/11/23/mariage-des-homosexuels-lois-de-la-nature-et-socialisme
      et en commentaire, cet accès de délirium :

      la revendication d’une ultra-minorité d’activistes qui parlent le langage de l’égalitarisme idéologique, synonyme de dé-différenciation.

      - où l’on retrouve notre vieil ami Escudero dans le texte...

      .
      C’est ballot pour eux, mais je préfère de loin consacrer du temps... aux écrits des féministes matérialistes, par exemple, qu’à grenouiller en compagnie de pareil tissu d’imbécilité béate).

    • Oui il y a certains trucs qui ont mal vieilli dans le texte de Charbonneau, notamment dans les pistes qu’il propose. Aussi un autre terme que « dominer » aurait sûrement été choisi s’il avait écrit son texte aujourd’hui.
      Pour ma part sur ces questions je reste sur la grille #écoumène vs #wilderness, qui a l’avantage de trancher la fausse dichotomie nature/culture et de rappeler que l’humain et ses milieux se co-créent (partout, localement et sans avoir recours à des institutions) et que le souci est là où cette co-creation n’a plus lieu.

    • @koldobika

      Je me suis attelé depuis plusieurs mois à la découverte (passionnante) des travaux de A. Berque.
      malgré quelques limites évidentes (un ton facilement universaliste abstrait), je dois dire que j’en trouve la lecture des plus stimulantes. Son érudition est parfois à double tranchant : autant je me régale à le suivre dans ses références, ses rapprochements et ses comparaisons... et parfois, il me semble qu’il se complaît dans ce qui ressemble tout de même à du jargon. Et, par exemple, ses références à Heidegger ne sont pas de mon goût.

      Heureusement, il y a bien d’autres choses chez lui, et il a le bon goût d’en laisser plus qu’assez en libre accès.

      je disputerai volontiers un de ces jours de ce qu’il me semble apporter au débat (entre autres, il m’a fait penser à Gunther Anders comme à l’historien d’art Gombricht) mais je pense que l’originalité de son approche exige, de ma part au moins, un temps de digestion conséquent avant de prétendre commencer d’en faire quelque chose.

      Quoi qu’il en soit, merci encore de me l’avoir fait connaître !

    • Ce n’est pas de la Nature avec un grand N qu’il s’agit, cette dame est très recommandable et bien des professeurs lui font la cour. Cette « Nature » n’existe pas, nous avons vu les Landes, les Pyrénées, suivi les chemins de montagne où des générations de paysans sont allés apporter des provisions à des générations de bergers. La « Nature » nous laisse froids, mais nous connaissons ces grands caps de bois qui s’avancent dans les landes vides, les derniers tisons qui luisent pendant que dans le ciel étoilé de l’été monte de plus en plus strident le chant des grillons. Avez-vous brisé contre une roche un de ces cailloux creux remplis de cristaux violets ? Alors vous avez connu le sentiment de la nature

      Le sentiment de la nature, force révolutionnaire, 1937, Bernard Charbonneau
      ça reste assez peu défini dans les pages suivantes, il y parle de Rousseau, de la déclinaison en littérature du sentiment de la nature, ce que j’y perçois surtout c’est une aspiration à sortir de la rationalité totale et de l’industrialisation de tout, mais les catégories dont il cause ne sont pas très claires.
      J’y trouve une résonance avec Retrouver l’Océan, d’Henri Raynal http://www.peripheries.net/article3.html et avec La mystique sauvage, de Michel Hulin http://www.peripheries.net/article53.html

  • La carte de la pauvreté dans le Sud-Ouest : la prise en compte de la rurbanité ?
    http://bearniaiseries.blogspot.fr/2014/06/la-carte-de-la-pauvrete-dans-le-sud.html

    La carte de la #pauvreté, officialisée par le Gouvernement, basée sur des critères économiques objectifs, vient d’être publiée. Le constat est évident : sont désormais prises en compte tout un tas de petites villes et moyennes en complète déliquescence depuis des années, villes profondément acculturées, où le pire de la #mondialisation côtoie souvent les restes aliénés des cultures autochtones populaires. C’est la France où se développe le vote #FN depuis deux décennies.


    Contrairement à ce qu’affirment des sociologues, pour critiquer cette nouvelle carte, il est assez faux de dire qu’elle serait un signe donné aux « petits blancs » des campagnes. Ce n’est pas que ça. L’affirmer, c’est faire montre d’une vraie méconnaissance de la réalité démographique de nombreuses villes petites et moyennes, dont les thématiques rejoignent souvent celles des villes périurbaines des plus grandes agglomérations.

    Le Lot-et-Garonne est un symbole avec l’inclusion de 4 villes qui complètent Agen : Marmande, Sainte-Livrade, Tonneins, Villeneuve-sur-Lot. Tout se cumule en Lot-et-Garonne : une économie en perte de vitesse (fermeture de la manufacture des tabacs de Tonneins, dépendance à la PAC de l’agriculture locale, ...), l’autoritarisme de l’État qui a fixé arbitrairement des populations (depuis les Italiens des années 30 jusqu’aux populations nord-africaines dans la seconde partie du XXème siècle), la vocation de lieu de passage entre métropoles (effet A62, pavillonarisation extrême), ...

    Cependant, le Lot-et-Garonne, parce qu’il a été le jouet de l’État qui y a testé une politique d’aménagement depuis 100 ans sans cohérence, est un peu particulier. Les villes où ce phénomène de #paupérisation s’installe de manière naturelle sont plus intéressantes, comme c’est le cas de Saint-Gaudens ou Pamiers. Les causes sont les mêmes, mais il est impossible de blâmer l’État véritablement : les dynamiques démographiques sont le seul produit du marché #immobilier. Les #classes_moyennes paupérisées de l’agglomération toulousaine ont migré dans de lointaines villes-satellites reliées à la métropole par l’#autoroute, où elles retrouvent une population locale qui a souvent perdu son activité industrielle traditionnelle.

    La prise en compte de la réalité économique de ces villes, loin des clichés sur les pays de cocagne, est une bonne chose, mais elle ne semble pas apporter de nos élites les solutions nécessaires. En effet, la carte de la pauvreté, outre l’aspect « subvention par tête de pipe », n’ouvre au fond qu’à des programmes de réhabilitation urbaine, or le problème de ces nouvelles villes pauvres, c’est moins le délabrement du bâti que l’absence de concertation en matière d’#aménagement_du_territoire avec les métropoles.

    On en vient - toujours - à la question de la #réforme_territoriale : en favorisant la construction de #régions centrées autour de #métropoles, qui auront pour but premier de finaliser la liaison entre ces dernières, nos élites vont accélérer le caractère d’hinterland de ces villes petites et moyennes, et conforter leur vocation de déversoir de tout ce que les métropoles boboïsées ne désirent plus, par les seules règles du marché. Au #RSA, on vit mieux à Pamiers qu’à Toulouse.

    Notre pays fonctionne tout entier pour le bien-être de ses seules grandes villes, dans l’espoir naïf qu’elles sont les uniques vectrices de la croissance économique. D’une certaine manière, le schéma français se généralise : une grande métropole accumule les richesses qu’elle daigne redistribuer sous la forme d’assistanat à ses périphéries moins dynamiques dont elle absorbe les forces vives. Ce fut longtemps Paris et la province. Ce sont désormais nos métropoles et leur région. Il est temps de briser ce modèle.

    écho à ce commentaire de @monolecte http://seenthis.net/messages/264639#message264670 sur la paupérisation
    #urbain_diffus #transports #banlieue_totale #culture_vernaculaire
    #déracinement #extrême-droite #centralisme

    • Voilà, c’est exactement ce que j’observe sur place : notre statut grandissant de colonies pénitentiaires des métropoles. Parce que les campagnes sont effectivement les nouveaux lieux de bannissement de ceux dont les villes n’ont plus besoin, avec l’idée sous-jacente qu’on pourra les forcer à bosser à vil prix dans les secteurs qui s’épanouissent sur la misère humaine : le tourisme, les services aux personnes, les travaux agricoles saisonniers.
      J’ai remarqué aussi que ces dernières années, on revient un peu à quelque chose de très semblable à la nourrice rurale de la période monarchique et de la période bourgeoise. Les enfants à problème des villes sont envoyés au vert, c’est à dire placés dans des familles d’accueil d’agriculteurs ou de ruraux propriétaires en perte de vitesse financière. De complément de revenu, cette activité est en passe de devenir le revenu principal dans beaucoup de familles du coin. Nos écoles rurales accueillent ainsi de plus en plus d’enfants déplacés, au moment même où la logique colonisatrice incite à fermer de plus en plus de postes d’enseignants chez nous pour les transférer dans les zones périurbaines de forte densité où s’entassent les jeunes actifs avec enfants (repoussés des centres-villes quand la naissance d’un enfant fait que la pression immobilière devient insupportable du fait du besoin d’espace supplémentaire !).
      De la même manière, les vieux et les handicapés urbains sont déplacés vers les zones rurales où la main d’œuvre captive et le mètre carré sont moins chers, mais où l’encadrement médical disparait à toute allure.

      En fait, tout se passe comme si la ville n’était plus qu’un immense organisme cannibale qui a le contrôle et absorbe toutes les matières premières que nous produisons à vil prix (parce que les prix sont fixés par les villes !) et rejette vers nous ce qu’elle considère comme des déchets, ce dont elle n’a plus besoin et qui l’encombre. Tout en refusant de plus en plus de jouer le jeu de la péréquation et de la redistribution.
      Ce qui se passe actuellement avec la redéfinition des niveaux de gouvernance et de compétence, c’est bien l’appropriation de toutes nos ressources financières et du pouvoir de décision sur et contre les ruraux, considérés eux-mêmes que comme des ressources primitives à consommer ou à se débarrasser. Des matières premières.

      Mais cela ne s’arrête pas là, parce que dans le même temps, nous héritons des mêmes problèmes que les villes : devant l’afflux de cassos’ des villes, les ruraux modestes, mais néanmoins propriétaires (nous avons énormément de propriétaires pauvres en zone rurale) se transforment en marchands de sommeil, retapant avec trois coups de peinture des granges ou des garages qu’ils peuvent ensuite louer bien confortablement à des gens qui n’ont pas ensuite les moyens de chauffer correctement des habitats qui s’avèrent souvent indignes à l’usage. Tout en leur crachant à la gueule, le cassos’ devenant le nouvel exutoire des frustrations de toute une petite classe populaire rurale qui cumule les sous-boulots pour garder un certain standing... comme une voiture en état de rouler pour aller bosser ou simplement acheter du pain...

      Bref, merci pour ce partage, @koldobika

    • @monolecte

      tout se passe comme si la ville n’était plus qu’un immense organisme cannibale qui a le contrôle et absorbe toutes les matières premières que nous produisons à vil prix (parce que les prix sont fixés par les villes !) et rejette vers nous ce qu’elle considère comme des déchets, ce dont elle n’a plus besoin et qui l’encombre. Tout en refusant de plus en plus de jouer le jeu de la péréquation et de la redistribution.
      Ce qui se passe actuellement avec la redéfinition des niveaux de gouvernance et de compétence, c’est bien l’appropriation de toutes nos ressources financières et du pouvoir de décision sur et contre les ruraux, considérés eux-mêmes que comme des ressources primitives à consommer ou à se débarrasser. Des matières premières.

      écho avec http://seenthis.net/messages/173394

      La ville-métropole n’a pu émerger qu’avec le développement du capitalisme et de l’État : par l’établissement de grands marchés urbains aux nœuds de circulation des flux d’êtres humains et de #marchandises, permettant aussi la centralisation des capitaux, et en parallèle par la centralisation du pouvoir qui était auparavant dispersé dans les innombrables fiefs, seigneuries ou républiques villageoises. Ainsi, de même que la grande économie n’a pu se constituer comme sphère autonome que lorsqu’elle s’est « désencastrée » des autres rapports sociaux, la #ville moderne n’a pu se constituer en tant que monde qu’à partir du moment où elle a rompu avec la #ruralité qui était en elle.

      #métropolisation

    • Campagnes à vendre Le miroir aux illusions
      http://www.infokiosques.net/spip.php?article961

      « Dans le passé, la France a été l’État le plus centralisé d’Europe, dont la grande majorité de la population était composée de paysans parcellaires. Mais, n’en déplaise aux nostalgiques, le capitalisme a depuis longtemps modifié la structure de la société campagnarde. Elle n’a plus grand-chose à voir, sauf parfois dans quelque vallée enclavée de haute montagne, avec les images d’Epinal. Deux guerres mondiales, puis l’accumulation forcenée du capital dès les années 50, sous l’égide de l’Etat et par le biais des plans d’aménagement du territoire national, l’ont labourée en profondeur. »

  • Proposition pour une vraie réforme ferroviaire - Medium
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/89258632423

    Jean-Daniel Guyot, cofondateur de Capitain #train, publie sur Medium une longue et passionnante analyse du rail français et de son ouverture à la concurrence. Après avoir longuement et clairement expliqué les enjeux de la réforme ferroviaire, il détaille les opportunités de créer un service public fort sur l’infrastructure (qui assure sécurité, ponctualité, diversité des dessertes et stratégie) et une concurrence ouverte au profit du client. Long mais passionnant !

    #politiques_publiques #transport

    • Le gouvernement répète alors à qui veut l’entendre que fusionner RFF et SNCF leur permettrait de fonctionner mieux ensemble. Quand on dit ça, on sous-entend aussi de facto que les concurrents de la SNCF seront pénalisés dans leur relation avec RFF, puisque leur relation fonctionnera moins bien. Le gouvernement dit clairement qu’il est en train de donner un accès privilégié à une facilité essentielle au marché.

      La solution poussée dans le projet de Réforme Ferroviaire s’inspire ouvertement de la situation allemande, où DB Netz est filiale à 100% de Deutsche Bahn AG. Comme la concurrence existe en Allemagne (elle représente 16% du marché et a même permis de rouvrir des lignes abandonnées), la #SNCF peut dire que ce système fonctionne. C’est oublier que ce système a été mis en place en 1994 et que les recours des opérateurs auprès des juridictions compétentes se multiplient année après année. Un accès neutre aux gares, par exemple, est loin d’être gagné.

      Au final quand on parle des relations SNCF/RFF, c’est surtout le manque de pouvoir et de poids de RFF qui pose un problème. Il y aurait moins de débats si RFF était capable d’imposer sa vision à long terme du rail français et européen.

      La conclusion devrait donc être : Il faut créer une entité publique neutre et puissante capable d’attirer efficacement des transporteurs performants pour bien desservir le territoire français.

      https://medium.com/@jdguyot/propositions-pour-une-vraie-reforme-ferroviaire-849812ebbd86

      #infrastructure

      complément vu sur le twitter de l’auteur : « 30 fiches pour comprendre les enjeux de la #réforme_ferroviaire » (avril 2014, Yves Crozet)
      http://www.mobilettre.com/wp-content/uploads/2014/05/30-fiches-pour-comprendre-les-enjeux-de-la-r%C3%A9forme-ferroviaire.pdf

    • Merci pour cette mine d’or.
      En particulier l’historique synthétique, figurant au début (pas encore lu la suite), même si l’on voit déjà apparaître quelques orientations idéologiques.

      J’épingle ici quelques infos à ne pas oublier notre culture personnelle..

      Si on prend l’exemple de la France, le schéma en étoile centré sur Paris a été conçu en 1838 par Legrand et la première loi sur les chemins de fer promulguée en 1842, sous Louis-Philippe. Cette “Charte des chemins de fer” définissait un cadre public-privé où l’État était propriétaire des terrains et des bâtiments tandis que les différentes compagnies privées avaient la responsabilité de construire et gérer le reste de l’infrastructure, un peu sur le modèle des concessions d’autoroute toujours en place.

      #parigocentrisme

      Le but de cette loi était de rattraper l’Allemagne, la Belgique ou encore les États-Unis, bien en avance sur leurs réseaux respectifs. Le moins que l’on puisse dire est que cela a bien fonctionné. Si bien que l’État est allé trop loin, en voulant relier absolument toutes les sous-préfectures, poussant ainsi les compagnies ferroviaires à exploiter des lignes non rentables.

      #aménagement_du_territoire
      #service-public vs #rentabilité

      Le 31 août 1937, l’État crée la Société Nationale des Chemins de Fer pour sauver les différents acteurs du système, qui font face à la concurrence de la voiture et du camion, inexistante auparavant, sur un réseau beaucoup trop large. Les grandes compagnies ferroviaires sont alors réunies au sein d’une entreprise public-privée détenue à 51 % par l’État et à 49% par les anciennes compagnies. L’accord est le suivant : les anciennes compagnies donnent tout à la SNCF et celle-ci les rembourse pendant 45 ans, avec un taux d’intérêt de 6%. Ce système a ainsi perduré jusqu’en 1982, année à laquelle l’État est devenue actionnaire à 100% de la SNCF.

      correctif : les anciennes compagnies vendent tout à la SNCF et celle-ci les rembourse pendant 45 ans :-)

      À partir de 1938, la SNCF devient l’instrument de « l’État stratège ». Il l’était déjà car l’État définissait les lignes à réaliser et leurs tracés. L’exploitation des trains va aussi devenir un outil pour réaliser telle ou telle politique. Et quand on parle de stratégie étatique, on ne parle plus forcément de rentabilité financière : alors que les anciennes compagnies ferroviaires pouvaient se prévaloir de dividendes en cas de bénéfice, la SNCF nouvellement créée n’en verra jamais la couleur (il faudra attendre 2000 pour voir le premier résultat net comptable positif de la SNCF).

      Et Sarkozy en 2007 pour verser des dividendes à l’Etat alors que RFF était plus endetté que jamais...
      http://www.challenges.fr/entreprise/20080318.CHA0755/sncf-la-fnaut-inquiete-du-versement-d-un-dividende-a-l-etat.html

    • La concurrence est inévitable, elle apportera du dynamisme au marché, une offre plus riche, donc plus d’emplois et des avantages pour les clients. C’est l’histoire européenne.

      C’est beau le lyrisme libéral (l’article est tout à fait intéressant hein mais clairement situé)

    • oui, article qui montre clairement la couleur libérale de l’auteure, plein de lyrisme et d’entrain, mais qui montre aussi que la SNCF ne se prive pas du « faite ce que je dis pas ce que je fais » en jouant le jeu de la concurrence dans d’autres pays européeens.

  • Des chercheurs chinois s’inquiètent de la transformation des montagnes en villes
    http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/environnement/2014/06/04/001-villes-chinoises-aplanir-montages-pollution-environnement.shtml

    Des dizaines de sommets pouvant atteindre 150 mètres de haut ont été aplanis pour combler des vallées et créer des dizaines de kilomètres carrés de terrain au cours de la dernière décennie. On s’est toutefois peu intéressé aux coûts et à l’impact environnemental de ces projets, déplorent des chercheurs de l’Université Chang’an dans un commentaire publié par le prestigieux journal scientifique Nature.
    [...]
    En plus de la pollution de l’air et de l’eau, de l’érosion, des glissements de terrain et des inondations, les projets ont détruit des terres agricoles et l’habitat d’animaux et de plantes sauvages, poursuit le groupe.

    Satellite images of western Shiyan, China, in 2010 (left) and 2012 (right) after several peaks have been flattened.

    http://www.nature.com/news/environment-accelerate-research-on-land-creation-1.15327

    #Chine #sols #anthropocene #simcity

  • Les plans de Paris
    http://www.vacarme.org/article2389.html

    Les plans de Paris avec index alphabétique des rues, dont on possède tous un exemplaire, ont d’abord été conçus pour la Préfecture de Police. Les Éditions l’Indispensable (filiale des Éditions Massin), qui publient ces petits livres – ils étaient d’abord rouge et dorés, ils sont maintenant bleu marine – sont en effet fournisseur officiel de la police parisienne. Les plans sont d’abord réalisés pour la Préfecture, puis réédités et vendus au grand public. (...) Source : Vacarme

  • Courrier des lecteurs : que veut dire « trop cher » pour un billet de train à grande vitesse ? | Classe éco | Francetv info
    http://blog.francetvinfo.fr/classe-eco/2014/02/07/courrier-des-lecteurs-que-veut-dire-trop-cher-pour-un-billet-de-tr

    « L’amour des industriels en place pour les consommateurs embrouillés n’a d’égal que celui des politiques pour les électeurs ignorants. » Tags : #chef

    • Sans compter que les lignes grande vitesse concernent en fait que 12% des voyageurs et que les autres doivent se démerder avec le reste du réseau qui, à cause des lignes à grande vitesse, se retrouve souffrir de manque d’entretien et d’investissement chronique et de fermeture de gares et de liaisons pourtant utiles pour le maillage du territoire. sans compter que d’un point de vue purement économique et écologique, c’est un choix aberrant.

    • Je plussoie, si j’ai encore une voiture c’est pour des raisons d’économie ! le train est trop cher et ne dessert que des grandes gares, je dois donc covoiturer, risquer des vies, nourrir le racket des péages d’autoroutes et me fader une guimbarde qui occupe l’espace public 80% du temps pour rien, et cerise de l’#aberration qui évidemment pollue, comme tout ces trucs d’individualismes de merde que les politiques ont beau jeu de nous faire confondre avec la liberté. #transports #tgv #trains #covoiturage #pas_le_choix

    • Oui, bien sur il y a des raisons économiques, mais pas que, il faut se souvenir que sous Pasqua le ministère de l’#aménagement_du_territoire dépendait du #ministère_de_l'intérieur. Le voyage est une chose dangereuse pour l’Etat, quoi bouger, changer, mais vous n’y pensez pas ! on est pas aux US ! sus aux gens du voyage et à toutes celles qui voudraient qu’on respecte la constitution et le droit d’aller et venir !! Il y a de mauvaises têtes qui soutiennent qu’une telle politique a été mise en place pour garder le contrôle sur les flux inter-migratoires en les diminuant : coût élevé des trains, axes autoroutiers balisés, vidéosurveillance des lignes droites et des péages, voire en les ralentissant (Délire du rond-point) ce qui garanti au final d’éviter les échanges et rencontres entre gens spoliés et révoltés.

      #logique_de_guerre

    • Ils ont une drôle de façon de gérer leur trésorerie à la SNCF…

      Pourquoi les comptes de la SNCF ont viré au rouge en 2013
      http://www.boursier.com/actualites/economie/pourquoi-les-comptes-de-la-sncf-ont-vire-au-rouge-en-2013-23009.html

      Plongeon du TGV

      Concernant le TGV, la SNCF explique que le plongeon de l’activité, en France et en Europe, s’est aggravé en 2013. L’augmentation des péages ferroviaires, la faiblesse des trafics liée à la crise économique et à la concurrence des avions low-cost et du co-voiturage ont notamment pesé.

  • Quand « #développement_économique local » rime avec régressions sociales
    http://terrainsdeluttes.ouvaton.org/?p=2783

    En marge des fermetures d’usines, de nombreuses collectivités territoriales se sont engagées dans des politiques de développement économique local. Or, sous couvert de favoriser l’emploi, elles tentent également de satisfaire les exigences des chefs d’entreprise. Nous revenons ici sur l’exemple d’une politique d’aménagement menée dans l’intérêt du #Patronat local, des …

    #Abus_patronaux #Rural_ ! #aménagement_du_territoire #délocalisation #élus_locaux #industrialisation #paix_sociale #répression

  • Territoire Durable 2030 - Ministère de l’Energie, du Développement durable et de l’Energie

    http://www.territoire-durable-2030.developpement-durable.gouv.fr

    Un cadre de réflexion pour des territoires durables à l’horizon 2030

    Comment vont évoluer les comportements, l’activité, la nature du développement et l’action publique à toutes les échelles territoriales ? Comment les territoires vont-ils répondre à ces mutations ? les formes d’organisation, de gouvernance des territoires seront-elles identiques à l’horizon 2030 ? Quelles sont les pistes d’évolution durable des territoires du point de vue environnemental, énergétique et, plus largement, sociétal ?

    Pour tenter de répondre à ces questions, la Mission Prospective a conduit un exercice de prospective « Territoire durable 2030 » afin d’explorer quatre scénarios d’évolution possible dans les 20 prochaines années se rapportant à la France Métropolitaine.
    Il ne s’agit pas ici de fournir des visions exhaustives de ce que nous réserve l’avenir mais d’identifier les ruptures, les incertitudes et les tendances lourdes à l’échelle nationale, afin de se préparer au mieux à l’évolution des territoires.

    Le site « Territoire durable 2030 » permet d’explorer ces quatre scénarios selon différentes approches :

    une navigation par scénario et deux focus sur l’environnement via la barre de menu du haut ;

    un module de data visualisation pour explorer les indicateurs des scénarios ;

    un module de comparaison des données des scénarios (cartes et indicateurs) ;

    des vidéos pour chacun des quatre scénarios « Territoire durable 2030 » afin de comprendre les processus spatiaux à l’œuvre sur les territoires via la modélisation graphique (chorèmes) ;

    Cette première ministérielle met en avant à la fois le processus prospectif des scénarios mais aussi - et surtout - une manière originale et méthodologique de les représenter et de les visualiser.

    La Mission Prospective du Commissariat général au développement durable (Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie) a le plaisir de vous inviter à naviguer sur le site du programme « Territoire durable 2030 »

    #développement_durable #france #datar #aménagement_du_territoire

  • L’apprentissage de la coopération intercommunale : modalités et instruments

    http://espacepolitique.revues.org/2454

    Signalé par Bénédicte Tratnjek

    Le développement de l’intercommunalité donne lieu à des recompositions territoriales et gouvernementales majeures. Les élus se confrontent alors à l’exercice complexe de la coopération et à la définition d’un projet territorial. Il s’agira d’étudier la coopération intercommunale au regard des apprentissages (techniques, politiques et territoriaux) opérés par les maires et de concentrer l’analyse sur les « instruments » de ce processus. Ce propos est illustré par l’étude de l’agglomération toulousaine qui, fragmentée en trois communautés d’agglomérations ou urbaine, donne à voir des territoires plus ou moins avancés dans le mouvement d’intégration communautaire. A cette occasion, plus de 80 maires, ainsi que des responsables techniques, ont été interrogés1.

    #aménagement_du_territoire #france #visualisation #cartographie

  • Une série d’entretiens avec Augustin Berque, que j’ai découvert il y a quelques années grâce à @Mona http://www.peripheries.net/article184.html, et qui approfondit bien les choses concernant l’#empreinte_écologique dans sa dimension humaine (aspect qui reste dans un angle mort de la plupart des discours écolos).
    Résumé de ce que j’en retiens :

    1. Il ne faut pas réduire le problème à sa dimension écologique http://www.dailymotion.com/video/xfvyhz_il-ne-faut-pas-reduire-le-probleme-a-sa-dimension-ecologique_web


    Les écologistes ne se posent pas le problème de l’#écoumène, cela reste dans un angle mort du mouvement écolo actuel. Or notre relation à la Terre n’est pas uniquement écologique, elle est également écouménale, elle implique aussi des systèmes techniques et des systèmes symboliques. C’est cette dimension technique et symbolique qui fait notre rapport au monde en tant qu’humains. Notre monde humain repose sur les écosystèmes mais il les dépasse également, il nous faut comprendre en quoi notre monde est + que des écosystèmes.

    La technique est bel et bien une extériorisation, qui prolonge notre corporéité hors de notre corps jusqu’au bout du monde ; mais le symbole est au contraire une intériorisation, qui rapatrie le monde au sein de notre corps. Quand le robot Sojourner saisit cette pierre, là-bas sur Mars, il prolonge, grâce à la technique, le geste ancestral de l’Homo habilis, qui, voici deux millions d’années, investit dans un galet aménagé, tenu à bout de bras, une fonction jusque-là uniquement exercée par les incisives au-dedans de la bouche. Mais inversement, c’est avec ma bouche, ici et maintenant, que je parle de Mars et de Sojourner, qui sont loin dans l’espace, et d’Homo habilis, qui est loin dans le temps. Je peux le faire grâce à la fonction symbolique, laquelle, sous ce rapport, consiste donc à rendre présentes au-dedans de mon corps des choses qui en sont physiquement éloignées. Cela, ce n’est pas une projection ; c’est, tout au contraire, une introjection. La trajection, c’est ce double processus de projection technique et d’introjection symbolique. C’est le va-et-vient, la pulsation existentielle qui, animant la médiance, fait que le monde nous importe. Il nous importe charnellement, parce qu’il est issu de notre chair sous forme de techniques et qu’il y revient sous forme de symboles. C’est en cela que nous sommes humains, en cela qu’existe l’écoumène, et c’est pour cela que le monde fait sens

    extrait de « Ecoumène, introduction à l’étude des milieux humains »

    2. « Ce monde là court à la catastrophe... » http://www.dailymotion.com/video/xgp64m_ce-monde-la-court-a-la-catastrophe_webcam


    On n’a pas qu’un corps animal, on a aussi un #corps_médial, fait de projections et d’introjections. Ce corps n’existe qu’en lien avec le monde. L’humain et le monde que construit l’émergence de l’espèce humaine sont co-dépendants. C’est le rapport entre ces systèmes (techniques et symboliques) extérieurs à notre corps et leur effet en retour sur le corps animal qui explique l’émergence de l’espèce humaine. On humanise l’environnement par nos systèmes symboliques, on l’anthropise par nos systèmes techniques. C’est l’effet retour des symboles et des techniques sur notre corps qui nous fait humains.
    Cette notion de co-dépendance (ou co-suscitation) a été beaucoup plus creusée dans les traditions asiatiques que dans les traditions européennes. On pourrait avoir tendance à les rejeter car ces réflexions (dans les civilisations asiatiques) font aussi appel à des éléments religieux et mystiques, mais on aurait tort de se priver de ces sources-là car elles peuvent être des inspirations utiles pour pouvoir changer de rails.

    3. La pulsion de retour à la « nature » détruit la « nature » http://www.dailymotion.com/video/xgp786_la-pulsion-de-retour-a-la-nature-detruit-la-nature_webcam


    Une des pires façons actuelles d’habiter le monde est ce qu’il appelle « l’#urbain_diffus », ou que d’autres appellent « suburbia », soit vivre loin des centres urbains tout en continuant à avoir avoir un mode de vie urbain, sur le modèle pavillon + #voiture qui est l’idéal de beaucoup de gens. En arrière plan de cet idéal se trouve l’aspiration à vivre près de la « #nature » (même si cette « nature » se traduit factuellement par du gazon et des thuyas). C’est en partie un mode de vie de riches qui s’est plus moins démocratisé avec la société de consommation, qui chez certaines élites anciennes incluait l’observation de la nature, mais excluait (ou forcluait, pour reprendre son terme) le travail #paysan, le travail qui consiste à obtenir une production alimentaire par aménagement de la nature.
    Outre cette « démocratisation », cette aspiration à vivre près de la « nature » provient d’une pulsion très ancienne qui est celle du retour à la matrice originelle (ou nostalgie du sein maternel). Cette pulsion, dans la façon dont elle s’exprime aujourd’hui, a des résultats destructeurs tant au niveau écosystémique qu’humain.

    4. Nous assistons à la transformation de l’humain en cyborg http://www.dailymotion.com/video/xgpcuz_nous-assistons-a-la-transformation-de-l-humain-en-cyborg_webcam


    Le mode de vie campagnard et son rapport particulier à la terre subsistent aujourd’hui à l’état relictuel dans l’occident. Le développement de la société de consommation à partir des années 1950 a engendré l’extinction de la culture paysanne, laissant place à des entrepreneurs agricoles fonctionnant sur un mode civilisationnel urbain.
    L’urbain diffus défait la ville et défait la campagne, par un système mécanique qui se développe selon sa propre logique. Tout se construit en fonction de l’usage de la voiture, qui tue pourtant 1.5 millions de gens par an dans le monde. On adapte nos espaces à l’#automobile plutôt que l’inverse.
    Au-delà de cette omniprésence et ces dégâts humains causés par la voiture, les systèmes mécaniques transforment l’humain en cyborg (être ne pouvant pas vivre sans machine), dans la mesure où on pense le monde en terme de machine (pensée mécaniciste moderne issue entre autres de Descartes).

    5. « Il n’est pas certain que je veuille laisser une épitaphe » http://www.dailymotion.com/video/xgpcyt_il-n-est-pas-certain-que-je-veuille-laisser-une-epitaphe_webcam


    D’après lui il faudra sûrement une catastrophe pour servir de déclic au dépassement de l’idéal pavillon + voiture, au changement de notre rapport au monde.

    Fukushima n’a visiblement pas suffi. Ce serait peut-être bien également de chercher à rendre plus désirable, dans l’imaginaire collectif, l’urbain compact (libéré autant que possible de la voiture), et de cultiver (ou recréer là où il a disparu) le rapport particulier à la terre du mode de vie campagnard.

    EDIT du 08/09/2013 : lien avec http://seenthis.net/messages/173393 et http://seenthis.net/messages/173394

  • Transformations du Sénat à surveiller. Interview de Jean-Pierre #Bel

    http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2011/11/24/jean-pierre-bel-la-periode-exige-de-nous-de-la-decence_1608719_1471069.html

    Deux groupes de travail ont été mis en place : sur les #conflits_d'intérêts et le statut des sénateurs, et un deuxième sur les économies à réaliser, le fonctionnement et le #train_de_vie du Sénat

    Par ailleurs, nous avions pensé pouvoir créer deux commissions permanentes pour nous mettre au diapason de l’Assemblée. Nous allons créer une seule commission, du #développement_durable et de l’ #aménagement_du_territoire, en scindant l’ancienne commission des affaires économiques. Le surcoût sur une année peut être estimé autour de 1 million d’euros.

    Nous créons aussi une commission sénatoriale sur le contrôle de l’ #application_des_lois. C’est un sujet essentiel. On a à s’interroger sur cette boulimie législative qui nourrit l’incompréhension. Cette commission aura des pouvoirs d’investigation en matière de contrôle du gouvernement. Cela se fera à coût constant, avec un redéploiement des fonctionnaires. Nous avons aussi décidé de créer une délégation sénatoriale à l’outre-mer, composée à parité de tous les sénateurs de l’outre-mer et de sénateurs de métropole.