• Gilets Jaunes : « c’est le plus gros corpus d’expression citoyenne qu’on ait analysé en France et peut-être dans le monde », que sont devenus les cahiers de doléances ?
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/paris/gilets-jaunes-c-est-le-plus-gros-corpus-d-expression-ci

    (...)

    La mission du grand débat national a par la suite disparu et le gouvernement a demandé à l’entreprise chargée de traiter les cahiers de doléances de supprimer purement et simplement toutes les données récupérées jusqu’alors sur les ordinateurs. Des centaines de milliers de doléances perdues à jamais.

    • Marie Ranquet
      https://mastodon.zaclys.com/@Marie_Ranquet/112019267160958568

      Ce que je vois passer sur la soit-disant « destruction » des « cahiers de #doléance » (leur vrai petit nom est « cahiers citoyens ») de 2019 me rend furieuse à un point qu’on ne peut pas imaginer. 🤬

      Je suppose qu’il faut tout reprendre dans l’ordre. Je vais essayer 🧵

      1) Des données perdues à jamais ? c’est ce que certains articles alarmistes claironnent. Déjà rappelons que les cahiers papier sont archivés aux Archives départementales ; et que leur version numérisée est conservée aux Archives nationales.

      Ce qui déjà devrait rassurer un peu. Ce qui a « disparu à jamais », si je comprends bien, c’est la version qui avait été confiée à des prestataires informatiques.

      Et je ne sais pas, mais moi ça me rassure plutôt de savoir que les prestataires qui traitent des données à caractère personnel confiées par le secteur public aient l’obligation de les effacer une fois la prestation terminée 🙄 (à moins qu’on préfère qu’elles aillent nourrir l’IA ou soient vendues au plus offrant, ou stockées sur du cloud quelque part ?) #RGPD
      #CahiersCitoyens

      2) Des données inaccessibles ? on entend tout et n’importe quoi sur ça. Les informations sont accessibles dans les services publics d’archives qui les conservent : Archives départementales pour les cahiers originaux, Archives nationales pour la version numérisée.

      (...)

    • Marie Ranquet, le simple fait qu’un travail ait été commandé, réalisé, payé (avec nos impôts) mais jamais restitué par le prestataire, ni utilisé par le gouvernement (ou alors faut m’expliquer au regard des decisions prises depuis) ni rendu public est en soi un énorme problème.
      Que la matière brute existe encore, disséminée dans des dizaines d’endroits, soit, mais qui va la récupérer et l’analyser maintenant ? Est-ce à la portée d’un citoyen ? Faut-il attendre un thésard ou un Piquety de 2050 ?
      Comme la convention climat, tout cela est le vent que le gouvernement met dans sa comm pour donner l’illusion que le peuple a son mot à dire

  • Apprendre avec les énigmes. La résolution collective d’énigmes comme levier pédagogique - Les Cahiers pédagogiques
    https://www.cahiers-pedagogiques.com/apprendre-avec-les-enigmes-la-resolution-collective-denigmes-c

    Éric Bruillard (dir.), Apprendre avec les énigmes. La résolution collective d’énigmes comme levier pédagogique, C&F éditions, coll. Éducations, 2023

    Apprendre avec les énigmes est un ouvrage collectif, coordonné par Éric Bruillard, professeur en éducation à l’université Paris-Cité et directeur du laboratoire EDA. Le sujet de ce livre est d’étudier des énigmes diffusées sur une plateforme en ligne. Chaque énigme est d’abord présentée : la consigne, les indices, la solution. Ensuite, les auteurs proposent une analyse structurée et détaillée, en étudiant l’attractivité de l’énigme, les propositions de solutions (dont les erreurs), les discussions entre les participants. 23 énigmes sont ainsi objets de réflexion. La multiplicité des types et des formes d’énigmes, associée à la rédaction collective de l’ouvrage, permet de développer progressivement dans l’esprit du lecteur un regard plus expert, avec des axes et des focales qu’il ignorait peut-être auparavant.

    Le but de ce livre n’est pas une étude des objectifs pédagogiques ou didactiques d’énigmes en classe. L’introduction interroge l’énigme comme outil d’apprentissage, dans une perspective éducative générale, et l’ensemble permet de questionner les différents éléments constitutifs des énigmes pour les rendre efficaces et utiles.
    Claire Lommé

    #Enigmes #Eric_Bruillard #Cahiers_pédagogiques

  • Spartacus n’est pas mort ! - CQFD, mensuel de critique et d’expérimentation sociales
    https://cqfd-journal.org/Spartacus-n-est-pas-mort

    La doyenne des maisons d’édition militantes disparaît… pour mieux perdurer. Ce 1er janvier, les éditions Spartacus sont devenues une collection chez Syllepse. Une transmission rare et réjouissante.

    #cahiers_spartacus
    https://www.syllepse.net/cahiers-spartacus-_r_88.html

    Les éditions Spartacus redeviennent ainsi en ce mois de janvier les « Cahiers Spartacus », une toute nouvelle collection chez Syllepse. Une maison d’édition elle aussi associative, « ayant des liens organiques avec le mouvement social, et dans laquelle nous avons confiance », explique Daniel. Qui précise que des conditions ont tout de même été posées : « Qu’ils fassent réellement vivre Spartacus ! Qu’ils poursuivent la diffusion des quelque 8 000 volumes que nous leur cédons, qu’ils rééditent les ouvrages épuisés qui le méritent. Et qu’ils continuent à enrichir la collection si d’aventure ils repèrent des textes qui y auraient leur place. » Une transaction à zéro euro : « On donne tout, cadeau ! Nous sommes une structure non commerciale qui a toujours été animée par des bénévoles, et de toute façon, on arrête. Le plus important est d’assurer la pérennisation de Spartacus. Mais c’était assez drôle de voir ces anticapitalistes notoires l’accepter difficilement. En bons marxistes pour qui tout a une valeur, ils souhaitaient nous payer un minimum ! »

    https://librairie-quilombo.org/Spartacus
    https://maitron.fr/spip.php?article107794
    #René_Lefeuvre #livres #cqfd

    • Spartacus a représenté une source inestimable m’ayant permis d’acquérir une culture militante autodidacte à l’époque où internet n’existait pas. Je n’ai jamais été dans une orga et il était rare de trouver sous une même enseigne éditoriale une telle ouverture politique où l’on trouvait aussi bien des livres sur le marxisme, le luxemburgisme, le conseillisme, l’anarchosyndicalisme, l’autonomie, l’anarchisme...

  • Clichy pour l’exemple

    De #Clichy-sous-Bois tout est parti. La mort de deux adolescents, puis la révolte, la colère et l’#indignation. D’ici est parti le brasier qui enflamma comme une traînée de poudre l’ensemble des villes limitrophes avant de se propager au reste de la France. En prenant Clichy pour exemple, ce film tente de sonder les raisons de la colère. J’ai voulu regarder d’ici l’ensemble des #violences invisibles, celles qui font rarement la une des journaux, mais qui portent pourtant les germes de la révolte de novembre 2005. De la cité à l’école, de l’école à la mission locale, en passant par le cabinet du maire, chacun essaie chaque jour de lutter contre les #injustices sociales qui empoisonnent toujours un peu plus la vie dans les banlieues. Un an après les émeutes, le constat est amer : « Rien de nouveau sous le soleil » à Clichy-sous-Bois.

    https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/18203_0
    #film #documentaire #film_documentaire

    #banlieue #France #révolte #ras-le-bol #émeutes #ACLEFEU #discriminations #travail #logement #transports #cité_de_la_forestière #cahier_des_doléances #colère #cités #chômage #mission_locale #violence #bâti #inégalités_sociales #sentiment_d'exclusion

  • Qu’est-ce qu’intervenir ? Une prise de parole de Stéphane Zygart, philosophe, lors des Rencontres internationales autour des pratiques brutes de la musique – Sonic Protest 6 & 7 mars 2020 - Les Voûtes, Paris, publié dans les Cahiers pour la folie n°11

    « Chasser la norme en faisant attention à l’autre, elle revient tout de suite par la fenêtre ! »

    « Alors voilà, voilà ce qui c’est passé. Je suis philosophe de formation, je travaille autour des normes, de la question du normal/de l’anormal, de la normativité, en particulier autour de quelques trucs qui ont trait au handicap : les rapports entre institutions et pratiques quotidiennes – je vais essayer d’en parler un peu aujourd’hui –, la question des rapports entre travail et handicap qui longtemps m’a servi de fil conducteur, et des questions du type : étrangeté, singularité ou monstruosité. C’est comme ça donc qu’on s’est rencontrés avec le collectif Encore heureux..., autour de ces questions-là, institutionnelles, professionnelles, jusqu’à aujourd’hui. Les questions que je me pose donc en fait ici, je peux les décliner en trois grands problèmes que je vais vous donner dès le départ. Et dans l’arrière-cuisine, par rapport à tout ça, il y a deux auteurs : Foucault qui est connu maintenant et Canguilhem qui l’est un peu moins, dont les idées que je vais vous présenter viennent également, même si je ne vais pas le signaler sur le moment.

    Les trois problèmes se nouent autour de la notion d’ intervention : qu’est-ce que c’est intervenir aux côtés ou avec les personnes handicapées, qu’est-ce que c’est intervenir sur elles ?

    Le premier problème – c’est le plus massif – c’est : comment est-ce qu’on peut intervenir dans un cadre institutionnel ? Il y a trois grandes pistes que je vais détailler plus tard mais que je peux d’abord présenter rapidement pour clarifier les choses. La première piste évidemment, c’est : quand on est avec des personnes handicapées en institution, il s’agit de les soigner, et la question est : est- ce que le soin médical en institution doit être plus ou moins médicalisé ? La deuxième grande option, c’est : on ne peut pas tout à fait les soigner, donc on va les faire bosser, on va les faire travailler. Là, la question ce n’est pas : est-ce que c’est plus ou moins médical, mais est-ce qu’il faut les faire travailler de manière plus ou moins productive ? Faire travailler une personne handicapée, est-ce que c’est lui faire faire du théâtre ou de la musique, ou est-ce que c’est lui faire faire du jardinage ou du pliage d’enveloppes, est-ce qu’il y a une différence là-dedans ? La troisième option enfin, c’est : soigner en faisant travailler C’est la dimension, non pas médicale, non pas professionnelle des interventions institutionnelles, mais ergothérapeutique ; et l’articulation à faire alors est celle entre soin et travail. C’est là que se pose pleinement la question de la différence entre faire faire des enveloppes et faire faire du théâtre, avec le problème de la rémunération. Mais dans tous les cas, vous le voyez, les problèmes des rapports institutions/pratiques de soin passent toujours par des questions de combinaison : soin plus ou moins médicalisé, travail plus ou moins productif, place du travail dans le soin.

    Le deuxième groupe de problèmes est lié à la question de savoir si on peut réellement accompagner et se livrer à une co-construction avec les personnes handicapées – qu’il s’agisse d’handicapés physiques ou d’handicapés psychiques ou mentaux, d’ailleurs. La question, brutalement, ce serait celle-là : est-ce qu’il y a un rapport et éventuellement une différence entre faire quelque chose à quelqu’un et faire quelque chose avec quelqu’un ? Et est-ce qu’on peut séparer ces deux dimensions- là ou est-ce qu’elles sont tout le temps liées ? Est-ce que quand on agit sur quelqu’un, est-ce que quand on administre un traitement ou une prise en charge, on est encore avec la personne, ou est-ce que quand on est avec la personne, il y a une dimension de neutralité ou de passivité qui peut s’instaurer ? C’est-à-dire, pour le dire autrement, est-ce qu’on peut vraiment saisir l’anormal, est-ce qu’on peut vraiment saisir les gens dits différents dans leur singularité, comme si on les contemplait, ou est-ce qu’on est obligé de les transformer en étant avec eux ? Voilà, c’est le deuxième groupe de questions, plus abstrait.

    Le troisième et dernier ensemble de questions, c’est le rapport entre égalité, identité et intervention. C’est le problème le plus général, ce n’est peut-être pas le plus abstrait par rapport au précédent parce qu’il s’agit là de penser l’expérience vécue de la coexistence entre des valides et des personnes handicapées. Est-ce qu’il est possible au niveau du vécu, au niveau du quotidien, d’effacer les notions de différence , les notions d’ identité , est-ce qu’il est possible à un moment de parvenir à une égalité – j’allais dire réelle , mais en tout cas une égalité quelconque – entre les personnes handicapées et les personnes valides, sans relations asymétriques ? La question alors vaut vraiment le coup d’être posée ici dans ces lieux : comment présenter ou comment faire se représenter le handicap ? Dans une représentation de théâtre, de musique, de cinéma, il y a à la fois collectif parce qu’il y a collectif de travail, il y a collectif d’élaboration du spectacle, etc., il y a activité, mais aussi spectacle , et qui dit spectacle, dit différenciation ; alors comment est-ce qu’on articule le fait que le spectacle redouble la différence entre les handicapés et les valides, et qu’en même temps le fait d’élaborer un spectacle fabrique un collectif où il y a identité de praticiens et identité de personnes qui se livrent à une pratique artistique ? Vous voyez le truc ?
    Je vais parcourir rapidement les trois questions... et mes vertèbres dorsales... J’espère que ça va lancer des discussions.

    Premièrement donc, comment on fait dans les institutions entre la possibilité de soigner, de travailler, etc. Historiquement dans les textes de lois – je vais partir d’abord d’un historique pour vous montrer que le problème se pose vraiment, que ce n’est pas un truc qui sort du ciel. Le handicap dans les textes de lois et dans les institutions n’est pas une question qui est en priorité médicale, il n’y a pas tellement de médecine dans le domaine du handicap ; depuis longtemps et avant tout, le handicap, c’est une question de travail, c’est le rapport au travail qui pose problème. Jevous donne quatre repères juridiques, et il y en a un qui mériterait peut-être discussion – celui de 2005 à cause des bizarreries de sa mise en application, si vous voulez y revenir dans la discussion n’hésitez pas.
    Le premier repère juridique, c’est en 1957, la loi sur le reclassement des travailleurs handicapés ; c’est la première loi générale en France à utiliser le terme de handicap et à considérer ensemble tous les types de handicap indépendamment de leur origine – de naissance ou acquis. Cette loi ne porte donc pas sur le soin des personnes handicapées mais sur le reclassement professionnel des travailleurs handicapés. C’est elle qui officialise les établissements comme les AP (Ateliers Protégés) et les CAT (Centres d’aide par le Travail), qui existaient déjà avant mais en très petit nombre et sans statut clair. La deuxième grande loi – vous la connaissez tous – c’est la loi de 75, ses innovations sont également liées au travail, puisque c’est la loi de 75 qui met en place l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) qui dépend des capacités de travail. Cette loi de 75 met aussi en place l’accessibilité des lieux publics en zone urbaine – je le précise parce que cette prudence initiale sur l’accessibilité montre à quel point le rapport entre égalité des droits et moyens matériels de cette égalité est tendu. Ce sont les deux principales évolutions de cette loi. Vous avez ensuite un espèce de truc bizarre qui est la loi de 2005, qui a pour caractéristique de faire passer le professionnel au second plan, mais qui a aussi pour caractéristique – en dehors du handicap psychique – de ne pas avoir été mise en œuvre, en particulier sur l’accessibilité (encore) et sur l’évaluation médico-légale des causes sociales des handicaps. On pourra revenir sur ce qui a rendu cette loi possible dans sa formulation et ce qui en même temps l’a rendue inopérante – c’est-à-dire qu’elle n’est pas appliquée. Les dernières lois, j’en dirais un mot, ça se passe en ce moment en 2020 : il y un retour du problème entre l’AAH et la mise en place du Revenu Universel d’Activité (RUA), c’est-à-dire qu’on se met à parler au sujet des personnes handicapées – de tout type et de tout degrés – d’ employabilité , ce qui est tout autre chose que de parler de difficultés d’emploi. Tout le monde est employable si vous voulez, par contre une personne handicapée l’est théoriquement moins que d’autres ; c’est cette différence-là qui est en jeu actuellement et qui décide pour beaucoup des dispositifs. Donc il y a ces quatre lois-là.

    Concrètement ça donne quoi, je vous donne un exemple : les établissements pour personnes handicapées adultes portent la marque de cette importance du travail. Vous avez deux grands types d’établissements : les établissements purement médicaux pour les handicaps les plus graves, ce sont les maisons d’accueil médicalisé, et puis les établissements dédiés au travail que sont les Entreprises adaptées qui correspondent aux anciens Ateliers protégés – où il n’y a aucune aide de l’État et une obligation de rentabilité pure – et les ESAT (Établissements et Service d’Aide par le Travail) qui sont les anciens CAT (Centres d’aide par le Travail). Or, pour rentrer en ESAT, il faut une réduction énorme des capacités de travail puisqu’il faut avoir moins de 30% des capacités de travail normales – donc 70% de capacités de travail en moins sur le papier. Les revenus liés à l’ESAT sont entre 50 et 110% du SMIC, et les 110% du SMIC sont rarement atteints, à cause du cumul de l’AAH. Ce qui est important là, c’est que les ESAT ont officiellement un but médical : l’entrée dans les ESAT se fait sur critère médical et le but d’un ESAT, c’est le soin. C’est tellement un enjeu qu’une circulaire est réapparue en 2008 pour le rappeler.

    Les textes de lois dont je vous ai parlé ont un impact sur vos pratiques, parce que sinon vous pourriez me dire : « oui ? ce sont des textes de lois donc quel rapport cela a-t-il exactement avec la réalité ? ». Cela a un rapport avec la réalité pour au moins trois raisons. Première raison : le handicap est défini comme incurable, il se soigne par d’autres moyens que la médecine – on ne peut pas guérir d’un handicap – c’est pourquoi depuis le début, le problème du traitement des personnes handicapées, c’est leur mise en activité, et en particulier leur travail. C’est exactement ce qui est en train de se questionner dans ce lieu et dans d’autres. Deuxième raison pour laquelle le travail et l’activité sont importants : parce que le travail a une utilité sociale, le travail justifie les frais de soin pour les personnes handicapées, il permet de s’occuper d’eux – il permet de payer leur traitement. C’est l’idée depuis la Première Guerre mondiale et ça n’avait pas été le cas depuis la fin du Moyen- Âge, c’est-à-dire qu’avant, les personnes handicapées étaient définies par l’incapacité d’activité ou de travail. Jusqu’en 1905, vous ne pouviez pas être aidé si vous aviez des ressources, vous n’étiez aidé que si vous étiez incapable de travailler et sans ressources. Ce qu’a changé la guerre 14-18, c’est qu’il est désormais possible de dire à une personne handicapée : « tu as des ressources, en même temps tu peux toucher l’AAH, et en même temps tu peux bosser. » La troisième raison pour laquelle le travail est très important, c’est par trois de ses effets, qui ne sont pas financiers. Il a une utilité thérapeutique, il développe des capacités psychiques, physiques et cognitives, il a des effets de reconnaissance sociale – travailler c’est être l’égal de l’autre dans son travail. Vous allez me dire que je parle des personnes handicapées, je ne parle pas des personnes qui ont des troubles mentaux. En fait, historiquement, c’est exactement pareil : la folie a longtemps été considérée comme incurable, c’est d’ailleurs pour cela que les fous n’étaient pas mis en hôpital mais en asile ; on considérait qu’il fallait juste les accueillir et les protéger, mais certainement pas les soigner puisqu’on y arrivait pas. La mise en place des asiles nécessitait d’avoir des finances, donc depuis le 18ème siècle, il y a eu des colonies agricoles, des moyens de faire payer les soins aux personnes folles, ou dites folles. Mise au travail des personnes donc, quand ce n’était pas physiquement impossible. Enfin, ça fait longtemps que dans les asiles, l’appartenance au collectif passe par le travail, ça date au moins de Pinel, et si vous remontez au 19ème siècle, il y avait une obligation de travail pour réapprendre aux gens un principe de réalité – travailler c’est se confronter à la réalité. Vous retrouvez également cette idée dans la psychothérapie institutionnelle puisque le travail a une grande importance par exemple chez Tosquelles. Alors vous allez me dire « qu’est-ce qu’on fait de tout ça ? »

    Après avoir parlé des lois, après avoir essayé de vous dire que je pense que c’est réellement central, qu’est-ce qu’on peut proposer comme pistes de réflexion ou de recherche ? Il apparaît que le travail est considéré comme une panacée : l’activité et en particulier l’activité professionnelle, ça résout tous les problèmes – je vous le signale parce c’est toujours pareil en matière de handicap, c’est pareil pour les valides et pour les invalides – c’est-à-dire quand quelqu’un a un problème, on lui dit : « ben tu devrais travailler, ça te remettrait les pieds sur terre, et en plus t’aurais un peu d’argent... » C’est le même principe pour les personnes handicapées. Le travail est une panacée économique, sociale, institutionnelle, thérapeutique, et il nous est très difficile de concevoir que l’on puisse avoir une activité sans travailler. Est-ce que vous arrivez à concevoir, est-ce que j’arrive à concevoir que je fais quelque chose qui n’est pas un travail ? C’est tout le problème... Ce qui est difficile à concevoir en général est également difficile à concevoir pour les personnes invalides.
    Le caractère universel du travail est d’autant plus problématique qu’entre le travail de prof, le travail de plieur d’enveloppes ou le travail d’acteur de théâtre, ce sont trois formes d’activité qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Est-ce que l’on peut réussir à démêler là-dedans quelque chose qui donne sa vraie valeur pour les personnes handicapées à l’activité professionnelle, c’est quoi le nœud du truc, qu’est-ce qui est vraiment important dans le travail des personnes handicapées ? L’économie, le social, le thérapeutique, le psychologique, le tout ce que vous voulez, c’est quoi le cœur du noyau ?

    L’autre question qu’on peut se poser à partir de là, c’est que le travail correspond à une demande sociale, il y a une forme de contrainte dans les demandes de mise au travail. C’est très concret. Comment échapper à la question du travail quand on est handicapé ? D’accord, les valides n’échappent pas non plus à la pression du travail mais ils ne sont pas tenus de répondre de manière décisive, et pour de longues années, à la question : « est-ce que tu veux aller travailler en ESAT, ou pas ? » Une personne handicapée est obligée de répondre à la question professionnelle et d’y répondre sur le long terme, ce qui n’est pas le cas pour les personnes valides. Les personnes handicapées se retrouvent à certains moments à des embranchements où elles sont obligées de faire des choix : aller bosser en CAT ou pas, demander l’AAH ou pas, accepter un boulot pourri ou pas, parce que l’accès au marché de l’emploi est plus difficile, ce qui n’est pas du tout pareil pour les valides et qu’il faut absolument prendre en compte parce que cela a un caractère extrêmement contraignant, y compris au niveau des vécus.

    Je vous disais – et ce sera mon dernier mot sur le travail, enfin directement sur lui – tout cela est étroitement lié aux institutions et aux lois. En 2020, les lois françaises – je ne vais pas rentrer dans le détail, on pourra en discuter après si voulez – consistent à mettre en avant l’ employabilité des personnes handicapées. Je vais essayer d’être très clair sur ce point et très rapide : tout le monde est employable ou quasiment. Il n’y a que les handicapés les plus graves qui ne sont pas employables. L’employabilité, c’est une simple possibilité d’exercer un emploi et on trouve dans les textes historiques – pour donner des exemples qui ne soient pas polémiques – des établissements de travail pour les femmes qui viennent d’accoucher ou pour les vieillards, au 17ème ou au 18ème siècle... Donc vous pouvez faire travailler à peu près n’importe qui ! En mettant en avant cette notion d’ employabilité , il s’agit de faire sauter les dispositifs d’aide à l’emploi, et il s’agit actuellement de dire que les personnes handicapées n’ont pas besoin de prestations supplémentaires parce qu’elles peuvent travailler comme tout le monde, donc elles peuvent avoir le même revenu que tout le monde, et si elles veulent en avoir un peu plus, elles n’ont qu’à travailler comme tout le monde ! C’est en ce moment que cela se joue avec pas mal de péripéties politiques effectivement, mais c’est une tendance que l’on retrouve en Angleterre, en Italie. Pour pouvoir y arriver et pour pouvoir affirmer que la plupart des personnes handicapées peuvent travailler comme tout le monde quand elles le veulent, le dispositif joue sur une médicalisation du handicap, c’est-à-dire qu’on va être amené à vous confronter à des avis médicaux standardisés par des médecins d’État – encore une fois pour aller très vite – sur tout le territoire français. Le but étant de discriminer les handicapés les plus graves des autres. D’autres procédés sont aussi essayés, comme la mise sous pression financière des familles pour qu’ils poussent au travail leurs proches invalides. Il y a dans tout ça quelque chose de très important qui se joue en ce moment, surtout pour les handicapés psychiques qui sont en première ligne. Dans le rapport de la Cour des comptes – je pense que c’est le moment d’en parler maintenant – ils attaquent en effet, en première ligne, le handicap psychique. Pourquoi ? Parce que le handicap psychique, ça coûte cher et parce que ce n’est pas médicalisable au sens classique du terme – vous ne pouvez pas démontrer l’étendue d’un trouble schizophrénique par un scanner. Du coup, l’argument du Conseil d’État c’est simple : si ce n’est pas médical, c’est que ce n’est pas un gros handicap, et du coup ça ne mérite pas d’avoir une prestation supplémentaire – vous voyez le système ? C’est l’universalité scientifique de la médecine qui est évoquée au nom d’une exigence de vérité et d’égalité pour réduire le nombre d’handicapés et appauvrir l’évaluation comme les traitements des handicaps – par exemple, vous savez très bien que les MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées) varient leurs jugements selon les régions, à cause des bassins d’emploi, etc. Le Conseil d’État dit que ça porte atteinte à l’égalité républicaine, qu’il faut que les critères soient les mêmes dans toutes les régions, et que le meilleur critère c’est la médecine, donc qu’il faut se limiter au corps des individus ; et quelques pages plus tard, il disent en plus qu’on s’aperçoit avec le modèle social du handicap que le handicap psychique explose les comptes et donc coûte très très cher, donc qu’il faut absolument re-médicaliser tout ça... Le rapport se termine comment ? Ça termine en disant qu’il y aura toujours un vote au CDAPH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées) pour les attributions d’invalidité, mais qu’il faut que l’État soit majoritaire au nombre de votants, je vous laisse deviner... Les textes se trouvent sur internet. Donc centralité des questions de travail et de finances pour le handicap, je vais m’arrêter là sur ce sujet.

    Un point rapide sur l’articulation entre médecine et travail avant de passer au second problème dont je voulais parler. Je ne suis pas en train de dire du tout – je pense que cela donne cette impression-là mais ce n’est pas du tout le cas – qu’il ne faudrait pas faire travailler les personnes handicapées, je ne pense pas que la réflexion doive se placer sur ce plan-là. Si j’insiste autant là-dessus c’est pour une raison bien particulière : la question de la normalisation . Est-ce qu’on normalise plus par la médecine ou est-ce qu’on normalise plus par le travail ? En fait, ce sont deux normalisations complètement différentes : la médecine est potentiellement beaucoup plus normalisatrice que le travail puisque vous avez la neurologie, les neuroleptiques, les techniques de rééducation, la méthode ABA pour les personnes porteuses d’autisme, etc. Mais en même temps, les normalisations médicales permettent aux personnes handicapées, d’une, de garder leurs spécificités, c’est-à-dire de garder une singularité sociale, et de pointer la singularité du problème. Oui les techniques médicales sont lourdes mais c’est aussi parce que les problèmes sont lourds ou singuliers. Le travail, c’est beaucoup plus insidieux, le travail, c’est beaucoup moins normalisateur, c’est très ordinaire et ça fournit une identité sociale. Le souci, c’est que ça efface les problèmes et ça efface la spécificité des acteurs du soin. Il y a un risque en mettant l’accent sur l’activité, et en particulier l’activité professionnelle – et en disant qu’il n’y a donc plus besoin d’acteurs du soin – d’aboutir à une invisibilisation sociale du handicap qui à mon sens est l’objectif des politiques actuelles, sous couvert d’ inclusion . Je n’ai aucune solution. On peut passer par le travail comme opérateur social avec tous ses défauts. On peut aussi essayer de maintenir la singularité des personnes handicapées – ce qui les protège –, singulariser les personnes handicapées, ça leur donne une visibilité, le principal risque actuellement étant de rendre les personnes handicapées invisibles, c’est-à-dire que quoiqu’elles deviennent, personne ne le saura. Le problème des valides si vous voulez, c’est de se rendre invisible par rapport aux techniques de contrôle social ; le problème des personnes vulnérables et en particulier des personnes handicapées, c’est un peu l’inverse, il ne faut pas chercher l’invisibilité sociale, il faut au contraire essayer d’être vu le plus possible, ce qui garantit une protection. Je ne suis ni pro-médecine, ni pro-travail, j’essaie de voir.
    Par exemple, en matière de handicap psychique, vous êtes obligé, tout le monde est obligé de jouer sur les deux tableaux – c’est-à-dire que la reconnaissance du « handicap psychique » a permis des choses assez bonnes : une dé-institutionnalisation avec les GEM, l’entrée dans les dispositifs de handicap, la folie est devenue « ordinaire », « c’est un handicap comme les autres », etc. Ça a aussi mis l’accent sur la neurologie, les neuroleptiques, le fonctionnalisme... donc vous voyez à chaque fois, il y a à prendre et à laisser. Voilà, c’était le plus long parce que c’est là où je peux être le plus concret et me baser sur des lois, etc.

    Le deuxième groupe de problèmes dont je voulais parler tourne autour de la neutralisation : est-ce qu’on peut être neutre par rapport à une personne handicapée ? – au sens de l’accompagnement. Est- ce qu’on peut faire quelque chose uniquement avec les personnes handicapées ? Pour répondre à cette question, il faut absolument se décaler. Il s’agit d’articuler l’ordinaire et le singulier, l’activité de travail et l’activité quotidienne. Je pense à quelques lieux emblématiques qui ont réussi à articuler ou donner une idée de l’articulation entre faire avec et faire à quelqu’un. Il y a quelques GEM (Groupe d’Entraide Mutuelle), il y a par exemple ici – même si ce n’est pas un GEM, il me semble que c’est typiquement ce genre de lieu : faire à et faire avec , ça se fait ici, ou à la Fonderie à Encore heureux c’était pareil, à La Borde il me semble que c’est et que c’était pareil, ou chez Deligny vous trouvez le même genre de dispositifs et d’autres choses moins connues comme la colonie de Gheel en Belgique qui remonte au Moyen-Âge, c’est une colonie de soin chez l’habitant – il y a de plus en plus de travaux là-dessus – on rouvre des villes et des villages aux personnes atteintes de troubles mentaux ou psychiques pour les faire soigner chez l’habitant. C’est une solution qui était pratiquée depuis le Moyen-Âge et qui revient en grâce. Vous allez dire « alors super ces lieux-là, il n’y a plus qu’à suivre la recette, secouer et à mettre dans un bol !... » Mais il faut faire attention à plusieurs choses : la temporalité, la spatialité, et la pluralité qu’il y a dans ces institutions et leurs manières d’articuler les normes extérieures à l’institution et les normes intérieures. Je dis bien non pas simplement en terme de topologie l’ extérieur et l’ intérieur , mais les normes extérieures et les normes intérieures.

    Du point de vue du temps , qu’est-ce que je veux dire ? Il s’agit de respecter les normes temporelles des individus. À Namur par exemple, un soignant m’a raconté qu’ils avaient mis deux ans pour faire planter un arbre à un autiste et que ça lui avait fait beaucoup de bien. Deux ans en termes médicaux et en terme de nomenclature médicale, c’est complètement insensé. Donc comment respecter les normes internes temporelles des individus ? Un des éléments de réponse, c’est qu’il faut privilégier l’ œuvre au travail – je ne sais pas si cette distinction célèbre et un peu bourrin vous dit quelque chose – l’œuvre c’est le résultat, c’est-à-dire : quelqu’un met trois ans ou cinq ans à faire un tableau, et à la fin, sa propre norme rentre en contact avec la société : il présente son œuvre, il y a un deal, il y a des échanges, il y a une présentation, une représentation. Alors, la temporalité vient d’abord de l’individu et du fait d’avoir fait quelque chose. La temporalité du travail ce n’est pas du tout ça, ce n’est pas la temporalité de l’œuvre, la temporalité du travail c’est d’abord celle de la productivité et c’est la temporalité de la cadence. Si par exemple vous dites à quelqu’un « dans trois jours je veux un dessin et sur un mois je veux que tu m’en fasses dix », ça c’est du travail. Si par contre vous donnez des crayons et des feutres et vous dites « quand tu veux me donner un truc tu me le donnes », le jugement sur l’œuvre ne porte pas du tout sur la cadence mais sur le résultat et vous avez même tout à fait le droit de dire que c’est pourri. Vous voyez ce n’est pas du tout le même rapport au temps.

    En terme d’ espace , il y aurait deux choses. La première c’est qu’il faut être extrêmement attentifs à l’implantation géographique des institutions. Les institutions quand elles sont éloignées des centres, elles permettent la tranquillité des lieux – typiquement c’est Deligny dans les Cévennes –, mais il y a aussi un avantage à être dans les milieux urbains pour qu’il y ait une confrontation par proximité. Actuellement il faut faire très attention aux endroits où sont installés les nouveaux logements ou les nouvelles institutions, c’est-à-dire éviter à tout prix les zones artisanales et commerciales, les trucs de ce type, sous prétexte que c’est tranquille : en fait, c’est mort... et personne ne voit personne. Ça c’est le problème de l’implantation, il y a des études là-dessus, il y a des gens ou des organismes qui font de la géographie du handicap et qui dressent des cartes qu’on trouve sur le net.
    L’autre aspect en terme de lieu, c’est l’agencement – typiquement c’est le cas ici, et c’est le cas à la Fonderie – l’agencement intérieur des lieux qui accueillent les personnes handicapées doit être en rapport avec les dynamiques qui font passer de l’intérieur à l’extérieur. L’exemple type de ça, c’est hier, quand les gens de la Pépinière parlaient du grand parc. Qu’est-ce que c’est un parc ? C’est une zone de détente mais c’est aussi une zone qui permet de s’approprier l’extérieur. Les institutions les plus efficaces et les plus dynamiques pour les personnes handicapées, ce sont celles qui permettent ça. Vous savez, Foucault a forgé une notion qui a beaucoup de succès qui s’appelle l’ hétérotopie . Qu’est-ce que c’est une hétérotopie ? C’est un lieu qui est en décrochage, qui possède des règles sans rapport avec le reste de l’espace social. C’est le cas ici par exemple. Ce n’est pas un lieu sans règles , c’est un lieu sans règles en rapport avec le reste de l’espace social . Je crois qu’il faut ajouter à cette définition de l’hétérotopie que ces lieux sont des lieux de passage et de transformation, c’est-à-dire qu’un lieu de soin ne doit ni être un parc où on parque les gens, ni une frontière. Dans un lieu de soin on y passe, ça veut dire qu’on y séjourne et qu’on s’y transforme.

    La troisième question sur ce qu’est faire sur ou avec les gens, celle de la multiplicité , est très importante puisque le soin lui-même est normatif. Il est très difficile d’accueillir la multitude des rencontres et de gérer toutes leurs durées. Être avec des personnes handicapées – et pour les personnes handicapées, être avec des valides ! – cela demande des efforts réciproques, et donc cela provoque des conflits. Vous voulez chasser la norme en faisant attention à l’autre, elle revient tout de suite par la fenêtre puisque même si vous ne voulez pas être normatif, vous finissez au quotidien par vouloir quand même une part de décision, par vouloir avoir quelque chose à dire dans le mode de vie. Et des modes de vie qui se combinent au quotidien, ce sont forcément des modes de vie qui interviennent l’un sur l’autre. Chez Canguilhem, on trouve cette leçon où il dit que le soin, d’une part, ça n’a pas pour but de faire du bien aux autres, le soin ça a d’abord pour but de remettre les autres en activité. D’autre part, le problème du soin c’est comment faire pour saisir la singularité des personnes et leur permettre de déployer cette singularité-là – c’est hyper compliqué parce que cela ne peut pas être contemplatif. Vous ne pouvez le faire qu’en vivant avec les gens.

    J’en arrive au troisième gros groupe de problèmes que j’avais annoncé au tout début et qui va me permettre de développer ça, au rapport entre coexistence et intervention : comment est-ce qu’on peut penser les rapports entre identité, égalité et différence entre les handicapés et les valides ? Je crois que ce n’est pas plus abstrait que ce que je viens de dire juste avant, c’est même plus proche de ce que l’on vit.

    Alors le but du jeu, c’est qu’il y ait une indifférence qui s’installe entre les valides et les invalides – mais c’est très difficile pour deux raisons. La première, c’est que les rapports de soin et de prise en charge sont dissymétriques : il y en a un qui soigne et l’autre qui est soigné, il y en a un qui prend en charge et l’autre qui est la charge – au moins c’est clair... même si c’est brutal. La première difficulté donc c’est le caractère dissymétrique, la deuxième c’est que même quand il n’y a pas de soin et que vous ne prétendez pas soigner la personne handicapée, il y a ce qu’on appelle le stigmate ou le caractère liminaire des personnes handicapées. Alors ça, ça a rempli des bibliothèques entières de socio ! Qu’est-ce ça veut dire ? Ça veut dire que la personne handicapée ne doit pas choquer et le soignant non plus – c’est la théorie d’Erving Goffman dans Stigmate (à l’époque, dans les années 60, pour Goffman, les handicapés, les prostituées, les homosexuels sont exposés au même « stigmate »). Par exemple, quand quelqu’un arrive dans un restaurant et que vous devez l’accueillir et que vous êtes handicapé, par exemple comme moi, vous vous arrangez pour ne pas vous lever de votre chaise, pour ne pas le gêner. Par contre, à un moment vous allez être obligé de lui faire comprendre que vous avez un problème. C’est du tact, c’est de la négociation sociale, c’est du stigmate, c’est-à-dire que ça consiste à effacer faussement les éventuelles différences.

    La deuxième idée à ce sujet de la différence permanente entre handicapés et valides, même quand il n’y a pas de soins, beaucoup plus complexe, c’est le caractère liminaire , c’est-à-dire qu’une personne handicapée est à la fois identique et différente, et on ne s’en sort pas – elle reste sur le seuil. Ce n’est pas un monstre, mais ce n’est pas non plus quelqu’un qui est identique à une personne valide.

    Donc il est très difficile pour ces deux raisons-là de prétendre à être indifférent aux personnes handicapées. Est-ce que pour autant il faut dire qu’il n’y a pas de solutions ? Très franchement je vous réponds, je ne crois pas que ces deux notions de stigmate et de liminarité soient réellement valides – c’est le cas de le dire, il faut bien se détendre un peu... Pourquoi elles ne sont pas parfaitement valables ? Les rapports entre valides et invalides sont des rapports pratiques, et ça dépend de ce que l’on fait. Du coup, ils se transforment en fonction des pratiques. Je vais faire un petit détour historique avant d’achever mon propos. Ce qui le montre très clairement c’est l’exemple du freak show. Une des questions qui a été discutée hier, c’était : remplacer les personnes handicapées par des personnes valides ou inversement, est-ce que cela ne reste pas une dynamique de freak show, en particulier dans les dispositifs théâtraux ? Mais en fait, c’est sans doute un problème qui s’est considérablement déplacé et transformé depuis l’époque des freak shows. C’était les expositions de monstres : la femme à barbe, l’homme sans cou, le pied sans tête, etc. Vous aviez deux grandes techniques qui faisaient que les gens venaient et aimaient bien voir les freak show. La première technique c’était de dire : « Oui c’est vraiment un monstre mais regardez il est loin, c’est un monstre asiatique, c’est un monstre indien ! » ; la deuxième technique, c’était de dire : « oui oui c’est un monstre mais il a vraiment dépassé ses différences par des capacités extraordinaires pour finalement réussir à faire comme nous ! » – non pas le dispositif de l’Haïtienne à barbe mais le dispositif de Tom Pouce, qui est un nain et qui se marie, etc. Dans tous les cas, vous avez un mouvement qui vise à rassurer, vous avez un jeu entre l’extraordinaire et l’ordinaire. Ce jeu consistait dans les freak shows à effacer les monstres tout en les montrant – près, mais loin, différents mais pareils, à juxtaposer leur présence et leur absence, l’identité et la différence. C’est ça, le show . Ce type de jeu était déjà incertain, un jeu ça se joue toujours à deux ou sur deux plans, c’est-à-dire que les personnes handicapées jouent également – les valides jouent mais les personnes handicapées jouent aussi. Je développe.

    Si vous avez vu Freaks de Tod Browning, c’est une des grandes idées du film – Browning, lui- même entrepreneur de freak show, raconte avec d’autres que la dimension d’arnaque était connue par les monstres et les handicapés. Il y avait tout un jeu qui consistait à arnaquer le plus possible les valides, tandis que le plaisir du dimanche des valides était aussi d’aller se faire arnaquer. C’est un jeu théâtral qui se joue à deux : vous avez des personnes qui font semblant d’arnaquer les autres, et d’autres qui font semblant de se faire arnaquer. Mais de temps en temps ça tourne mal et on arrête de faire semblant, et c’est le sujet de Freaks ...

    Bon, qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Pour ceux d’entre vous qui ont pu assister hier au concert des Turbulents avec Fantasio... quelque chose alors m’a frappé : c’est des moments difficiles à voir dans les spectacles. Il y a eu à un moment donné une identité entre les spectateurs et la scène, identité au sens où dans l’activité commune, les spectateurs sont devenus de vrais spectateurs de concert de rock et les musiciens sont devenus de vrais musiciens, et non plus des personnes handicapées vues par des personnes valides ou inversement. Il ne s’agissait plus de parcourir une distance ; dans l’activité commune, de l’identique a été créé, et de l’égal. Il faudrait expliquer ça plus longuement...

    En tous cas, les jeux restent ouverts, au quotidien comme sur scène. Ce qui m’a frappé principalement hier et aujourd’hui, en autres : les personnes handicapées sont habituées à être visibles – être handicapé c’est être visible , il n’y a pas de handicap invisible, un handicap invisible finit toujours par apparaître parce qu’un handicap, par définition, dure et touche à ce qu’on fait, alors qu’il peut y avoir, c’est vrai, des maladies invisibles. Si vous avez un handicap, même dit invisible, au bout de quelque temps, ça va se voir. Qui dit handicap dit visibilité, et les personnes handicapées savent qu’elles sont visibles. Si elles sont moins visibles que d’autres, par exemple en étant placées dans certains bâtiments fermés, elles savent qu’elles sont surveillées. Et si les surveillances se relâchent, elles ont conscience des troubles qu’elles provoquent en arrivant – c’est la question du stigmate et de la liminarité.

    La question que je me pose, c’est qu’est-ce qui se passe du coup pour une personne qui a l’habitude de toujours être exposée quand elle passe sur une scène ? Comment penser la surexposition des personnes handicapées ? Ce ne sont pas des personnes qui sont cachées habituellement, ce sont des personnes qui sont déjà soumises au spectacle, et donc il y a un redoublement du spectacle. Il y a énormément de possibilités de subversion qu’il m’a semblé voir sur scène et en particulier, une dynamique d’exagération. Qu’est-ce que c’est une personne handicapée qui exagère sur scène ? C’est quelqu’un qui est d’ordinaire sur une scène et qui se retrouve sur une scène où elle sait que les règles sont assouplies parce que ce sont des règles artistiques, et donc elle peut en faire plus que d’habitude.

    Si je dis ça, c’est parce que pour penser ce rapport entre identité et égalité , on est toujours piégé si on met la personne en face dans une situation de passivité. On ne l’est pas à partir du moment où on part du principe que la personne, en fait, elle joue aussi, et c’est là que l’égalité peut réellement s’instaurer.
    Voilà, je vous remercie. »

    Les 6 premiers n° des Cahiers pour la folie sont publiés en ligne
    des https://www.epel-edition.com/lire.html

    #Cahiers_pour_la_folie #soin #intervenir #handicap #folie #travail #employabilité #oeuvrer #égalité #normalisation #singularité #contrôle_social #médecine #collectif #institution #établissements #histoire #psychothérapie_institutionnelle #GEM #hétèrotopie #MDPH #Conseil_d'État #revenu #AAH

  • #Arrêté du 27 janvier 2020 relatif au #cahier_des_charges des #grades_universitaires de #licence et de #master

    https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041623431&dateTexte=&categorieLie
    #France #université #ESR #enseignement_supérieur #France

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    Commentaire de Yann Bisiou, Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles :

    Ce texte est, une nouvelle fois, bien mal nommé puisque sa finalité principale est de permettre aux établissements qui ne sont pas des universités, en particulier les #établissements_privés, de délivrer les grades de Licence et de master pour leurs « Bachelors » ou leurs diplômes « Grande École ». Et oui, la pseudo « excellence » à la française n’est pas reconnue dans le monde entier où seuls les diplômes d’universités publiques, Licence, Maîtrise ou maintenant Master, et Doctorat, sont légitimes. Avec le « #grade » qui se superpose au « #diplôme » le #lobby des Écoles sauve son fonds de commerce.

    https://lesupenmaintenance.blogspot.com/2020/03/en-marche-vers-le-sup-deux-vitesses.html
    #grandes_écoles

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    J’ajoute à cette métaliste des réformes à venir (ou pas, espérons-le) qui intéressent l’#enseignement_supérieur :
    https://seenthis.net/messages/820330

  • VIDEO. Grand débat national : un an après, le contenu introuvable des cahiers de doléances
    https://www.francetvinfo.fr/politique/gouvernement-d-edouard-philippe/grand-debat-national-le-contenu-introuvable-des-cahiers-de-doleances_37

    Il y a un an, les citoyens ont rempli plus de 16 000 cahiers de doléances, en mairies, dans le cadre du Grand débat national. Des cahiers transmis ensuite aux préfectures pour que l’État les analyse. Comme en Corrèze où une équipe de France 2 s’était rendue en février 2019. Mais le contenu de ces cahiers n’a jamais été mis en ligne.

    Sur le site du Grand débat, le gouvernement publie bien une synthèse issue, entre autres, des cahiers citoyens mais pas l’intégralité des contributions comme il s’y engage toujours sur la plateforme : “Les cahiers citoyens ouverts dans les mairies seront mis en ligne sous licence libre.”
    Des problèmes techniques en cause ?

    Alors que s’est-il passé ? Les préfectures, après avoir récupéré les cahiers, les ont transmis à la Bibliothèque nationale de France (BNF) pour qu’ils soient numérisés. Puis ces documents ont été transformés en texte informatique pour être analysés par des spécialistes. On appelle cela “l’océrisation”.

    Ces données, l’État les a gardées pour lui et ne les a jamais publiées sur Internet. Le cabinet de Sébastien Lecornu, ministre qui coanimait le Grand débat, avance des problèmes techniques. “Les cahiers citoyens représentent des téraoctets de données, les héberger en permanence sur le site aurait été trop lourd à mettre en place.”

    Hum, des teraoctets (beaucoup, n’est-ce pas ? pour empêcher une mise en ligne quand on a pour rien des disques de 2 à 10 To) pour du texte après OCR... bidon.

    Une explication qui ne convainc pas ceux qui ont analysé ces données. “On ne nous a jamais parlé de cette raison-là à l’époque, réplique Gilles Proriol, gérant de Cognito Consulting, l’une des trois entreprises mandatées par le gouvernement pour traiter les contributions. Je ne pense pas qu’elle soit pertinente puisque l’ensemble de nos données tenaient sur nos ordinateurs. Le problème c’est qu’on ne peut plus faire d’analyses sur ce corpus, qui est un trésor national. On n’a jamais collecté autant d’expressions citoyennes en France. C’est dommage.”

    #Transparence #Grand_débat #Gilets_jaunes #Cahiers_doléances

  • Privatisations : la République en marché - #DATAGUEULE 88
    https://www.youtube.com/watch?v=1hYR2o1--8s

    Tout doit disparaître... surtout les limites ! Depuis 30 ans, les privatisations, à défaut d’inverser la spirale de la dette, déséquilibrent le rapport de force entre Etat et grandes entreprises à la table des négociations. Infrastructures, télécoms, BTP, eau ... les géants des marchés voient leur empire s’élargir dans un nombre croissant de secteurs vitaux. Cédant le pas et ses actifs au nom de la performance ou de l’efficacité, sans autre preuve qu’un dogme bien appris, la collectivité publique voit se dissoudre l’intérêt général dans une somme d’intérêts privés ... dont elle s’oblige à payer les pots cassés par des contrats où elle se prive de ses prérogatives. Mais comment donc les agents de l’Etat ont-ils fini par se convaincre qu’il ne servait à rien ?

  • Bruno Latour, où atterir ? : Comment s’orienter en politique | Agora des savoirs 2017-2018 - Ville de Montpellier

    https://www.montpellier.fr/video/IIltiQWncN4/list/PLgkdVZJAvQ1N6R3b56ZoxWab1f_kPlssc/chaine/UCl8XXEKOg3r9du5Xb8zFcYQ/4300-agora-des-savoirs-2017-2018.htm

    Cette conférence voudrait relier trois phénomènes que les commentateurs ont déjà repérés mais dont ils ne voient pas toujours le lien — et par conséquent dont ils ne voient pas l’immense énergie politique qu’on pourrait tirer de leur rapprochement : d’abord la « #dérégulation » qui va donner au mot de « #globalisation » un sens de plus en plus péjoratif ; ensuite, l’explosion de plus en plus vertigineuse des #inégalités ; enfin, l’entreprise systématique pour nier l’existence de la mutation climatique.

    L’hypothèse est qu’on ne comprend rien aux positions politiques depuis cinquante ans, si l’on ne donne pas une place centrale à la question du #climat et à sa dénégation. Tout se passe en effet comme si une partie importante des classes dirigeantes était arrivée à la conclusion qu’il n’y aurait plus assez de place sur terre pour elles et pour le reste de ses habitants. C’est ce qui expliquerait l’explosion des inégalités, l’étendue des dérégulations, la critique de la mondialisation, et, surtout, le désir panique de revenir aux anciennes protections de l’État national.

    Pour contrer une telle politique, il va falloir atterrir quelque part. D’où l’importance de savoir comment s’orienter. Et donc dessiner quelque chose comme une carte des positions imposées par ce nouveau paysage au sein duquel se redéfinissent non seulement les affects de la vie publique mais aussi ses enjeux

    #Bruno_Latour, philosophe et sociologue des sciences, est professeur à Sciences-Po Paris. Il a écrit de nombreux ouvrages et articles sur l’anthropologie du monde moderne et notamment : Face à Gaïa : Huit conférences sur le nouveau régime climatique, (La Découverte, 2015.)

    Spoiler : Voir le débat de la fin dans une perspective de genre donne quelques idées de pourquoi rien n’a changé jusqu’ici (la majorité des hommes qui interviennent, refusent de répondre au questionnaire et blablatent) et pour quoi #les_femmes_sont_l'avenir_de_la_planète (elles répondent aux questions plus pragmatiquement)

    #climatosceptisme #déroissance #cahiers_de_doléances

  • La #découverte de l’ #Australie et de la #Nouvelle-Zélande - #Persée
    https://www.persee.fr/doc/caoum_0373-5834_1970_num_23_90_2553

    Cet #article extrait des #Cahiers_d'Outre-Mer de #Christian_Huetz_de_Lemps en #1970 nous informe de l’importance #géographique des #découvertes de #Tasman dans le #Pacifique_Sud. Ainsi l’ #explorateur est envoyé à la recherche de la séparation entre la #Nouvelle_Guinée et l’Australie, mais en même temps chargé de nouvelles découvertes à la recherche d’ #or et d’ #argent sur ces #territoires inexplorés.

    Tasman décida alors de remonter un peu au Nord et de suivre en gros le 44’ parallèle. Le 24 novembre apparut une terre élevée que l’on contourna, observa et dénomma Terre de Van Diemen : il s’agissait du Sud-Ouest de la #Tasmanie. Continuant vers l’Est, le 13 décembre 1642 les #Hollandais virent une haute terre qu’ils entreprirent de longer vers le Nord : c’était l’île Sud de la Nouvelle-Zélande qu’ils nommèrent île des Etats. Dans la baie Golden, Tasman essaya de prendre contact avec les indigènes dont les nombreuses pirogues suivaient les évolutions des Européens, mais le seul résultat fut la perte de quatre hommes et d’une chaloupe, attaqués par surprise dans cette « baie des Assassins ». L’expédition suivit ensuite la côte de l’île Nord de la Nouvelle-Zélande, toucha aux #Tonga, aux #Fidji et gagna la côte Est de la Nouvelle-Guinée avant de rentrer à #Batavia. Le résultat de l’entreprise fut jugé médiocre dans la mesure où elle n’ouvrait guère de perspectives commerciales.

    Cependant cette entreprise peut être considérée comme fructueuse pour le #géographe car les explorations de Tasman consignées dans son journal de bord sont celles d’un grand #découvreur. L’intérêt géographique de ses découvertes a bien été reconnu plus tard par ses concitoyens hollandais qui ont reconnu l’apport d’ #informations que leur a fourni l’explorateur en incorporant dans leurs #cartes ses découvertes.

  • #André_S._Labarthe, l’impertinence du hasard
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/060318/andre-s-labarthe-l-impertinence-du-hasard

    Labarthe était cinéaste. Il était critique de #Cinéma. Il était écrivain. Il était joueur de pétanque. Il était bien d’autres choses. En particulier et peut-être avant tout, il était un personnage. Ou disons plutôt une création, la sienne. Il est mort lundi 5 mars à 86 ans.

    #Culture-Idées #Cahiers_du_Cinéma #Cinéastes_de_notre_temps #de_notre_temps #Janine_Bazin #Jean-Luc_Godard #John_Cassavetes

  • Au détour des livres (6). Histoire(s) du #tennis.
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/010817/au-detour-des-livres-6-histoires-du-tennis

    L’Amateur de tennis recueille dix ans de chroniques écrites pour #libération par #Serge_Daney. Le critique de cinéma analyse les jeux de McEnroe, Wilander ou Lendl pour mieux creuser deux ou trois notions qui lui sont chères : le dialogue, le récit, le temps.

    #Culture-Idées #Cahiers_du_Cinéma #Ivan_Lendl #Jean_Hatzfeld #John_McEnroe #P.O.L. #sport

  • Frédéric Pajak est éditeur et artiste. Il a ressemblé auprès de lui d’autres artistes aux sensibilités diverses, ils ont tissé ensemble les fils invisibles de leurs mondes et une exposition est née : « Grand trouble » à la Halle Saint Pierre à #Paris, dictée uniquement par l’envie de liberté...

    https://www.franceculture.fr/emissions/paso-doble-le-grand-entretien-de-lactualite-culturelle/frederic-pajak-nous-sommes-domines

    À Paris de nos jours, je trouve que les expositions sont dictées par les mécènes et les collectionneurs. Nous ne sommes plus dans une liberté de création mais dans des intérêts marchands. Nous voulions faire quelque chose libre des modes, des contingences.

    Né d’une suite de rencontres et d’échanges entre quarante-sept artistes, ‘Grand Trouble’ s’expose pour la première fois à la #Halle_Saint-Pierre et présente des œuvres aussi variées qu’étranges, aussi différentes les unes des autres que déroutantes en elles-mêmes. C’est donc le hasard et l’amitié qui ont réuni en ce lieu les dessins en noir et blanc de #Frédéric_Pajak et ceux de Joël Person, les jeux de texture d’Alain Frentzel et ceux de Jérôme Cognet, les photographies funèbres de Jean-Michel Fauquet et celles d’Edith Dufaux…

    Quelque part hors du temps, loin des objets familiers et de l’actualité, les œuvres de l’exposition questionnent le monde qui nous entoure sans le pointer du doigt. Le visiteur, inquiété, suit un parcours sinueux dans le clair-obscur de la première salle et plonge dans un spectacle métaphorique.

    http://www.hallesaintpierre.org/2017/05/03/grand-trouble-2

    Deux invités et des frontières. A déranger avec l’astrophysicien et poète Aurélien Barrau qui place les #trous_noirs, ces sphères dont rien ne peut s’échapper, sous le signe de Jean Genet et avec le dessinateur écrivain et éditeur Frédéric Pajak qui plaide pour une autre #histoire_de_l’art.
    L’artiste et écrivain Frédéric Pajak, éditeur aux
    #Cahiers_dessinés, qui plaide pour une autre histoire de l’art et l’astrophysicien Aurélien Barrau , astrophysicien spécialisé dans la #physique_des_astroparticules, des trous noirs et en #cosmologie, qui est aussi membre du comité de rédaction de la revue de poésie Hors Sol13, de la revue culturelle Diacritik 14, ainsi que président d’honneur de Formes élémentaires, association qui a pour but l’élaboration d’expositions d’art contemporain en dialogue avec les sciences .

    https://www.franceculture.fr/emissions/poesie-et-ainsi-de-suite/poesie-et-trous-noirs


    #France_culture #exposition_art_contemporain

    En mathématiques, on utilise souvent ce qu’on nomme un développement limité. Cela consiste à approximer une fonction suffisamment régulière par une série de termes dont chacun fait intervenir une dérivé d’ordre plus élevée que le précédent (la dérivé renseigne sur la vitesse de variation de la fonction).

    Si l’on considère le facteur d’échelle de l’Univers – que l’on peut intuitivement penser comme sa taille si la courbure est positive – et son évolution en fonction du temps, on peut là aussi mener un développement limité de cette fonction.
    Le terme d’ordre zéro de ce développement est connu depuis toujours : c’est l’existence de l’Univers.
    Le terme d’ordre un de ce développement est la grande découverte du début du vingtième siècle : l’Univers est en expansion.
    Le terme d’ordre deux de ce développement est la grande découverte de la fin du vingtième siècle : l’expansion de l’Univers est accélérée.

    http://blogs.futura-sciences.com/barrau/2017/05/31/probleme-immense-de-lacceleration-de-lunivers-enfin-resolu/#comments

  • Stop au bourrage de crâne : Le mode de vie #végan n’est ni écologique, ni éthique !
    http://m.jfdumas.fr/Stop-au-bourrage-de-crane-Le-mode-de-vie-vegan-n-est-ni-ecologique-ni-ethi

    Le véganisme est considéré par les végans, leurs théoriciens et leurs propagandistes comme le summum de la civilisation. Les adeptes du mode de vie végan seraient des personnes ayant atteint la perfection morale suprême alors que les végétaliens s’en rapprocheraient et que les végétariens seraient sur la bonne voie. Aux yeux des végans, les gens ordinaires, les omnivores, qualifiés de carnéistes seraient des personnes moralement médiocres qui se considéreraient suffisamment bonnes pour ne pas avoir à faire d’efforts supplémentaires pour devenir végétariens. Le véganisme serait une condition sine qua non de l’écologisme, l’élevage étant une des causes de la perte de la biodiversité, du réchauffement climatique, de la pollution et des pénuries en eau. Il serait le seul mode de vie qui permettrait de résoudre le problème de la faim dans le monde face à la croissance démographique.

    C’est à une #critique de la justification du véganisme par ces considérations écologiques que cet article est consacré. Pour l’essentiel je souhaite montrer que ces considérations sont spécieuses. Elles reposent sur la réduction de l’élevage à l’élevage industriel dans le cadre d’une agriculture productiviste et elles s’appuient sur un bilan mondial en faisant fi de situations régionales ou locales pourtant très contrastées, sur des confusions voulues ou non notamment en ce qui concerne l’usage de l’eau.
     Le véganisme généralisé aurait pour effet immédiat la fermeture des milieux et la disparition des prairies en France et en Europe au-dessous de limite altitudinale des arbres. C’est à partir de la mise en évidence des conséquences fâcheuses de cette disparition pour la biodiversité que je construirai cette contribution à la critique du véganisme.

    • #carnisme #vegan_bashing #réactionnaires

      Imaginons qu’on abolisse la peine de mort.
      L’abolitionnisme généralisé aurait pour effet immédiat la fermeture des milieux et la disparition des places d’execution en France et en Europe au-dessous de limite altitudinale des arbres. C’est à partir de la mise en évidence des conséquences fâcheuses de cette disparition pour la diversité que je construirai cette contribution à la critique de l’abolition de la peine de mort.

      1- Il n’y aurai plus de place d’exécution publique au-dessous de limite altitudinale des arbres et on se demande ce que va devenir cet espace perdu dans nos villes. Toutes ces places livrées à la sauvagerie des passants oisifs privés du beau spectacle de la mise à mort serait une perte terrible pour le plaisir des yeux. Nous aurions le spectacle désastreux d’un espace qui ne serais pas marqué par la civilisation.

      2 - Il n’y aurai plus de couloir de la mort et tous ces couloirs vont se trouvé livrés eux aussi à la sauvagerie. Ca serait une grave disparition de la variété des couloirs. Et l’abandon d’une belle réalisation paysagère humaine, sans parlé de la perte d’emploi pour le personnel chargé de l’entretiens de ces couloirs. Couloirs que nous serons incapables d’utilisé à autre chose car notre espèce manque d’imagination et de ressources d’adaptation.

      3 - Il n’y aurais plus de fabricants de guillotines, plus de fabricants de paniers pour les têtes coupés, plus de couturiers pour faire de belles tenues pour les condamnés et c’est une perte inéluctable de savoir faire traditionnel. Un artisanat qui disparaîtrait c’est un appauvrissement de la diversité culturelle humaine. Et encore le chômage. N’oulions pas le chantage au chômage c’est toujours un argument qui paye.

      4 - Il n’y aurais plus de bourreaux et là c’est encore une grosse perte pour l’emploi, et surtout on se demande ce que vont devenir tous ses tueurs, peut être vont ils tués n’importe qui par désœuvrement. Allez savoir !

      5 - Il n’y aurais plus de pain retourné chez le boulanger ce qui serait une grave atteinte à l’exception culturelle française et à notre fière patrimoine. Un sujet de moins pour Pernault sur TF1, c’est peut être ce qui est le plus tragique.

      6 - L’hymne national devrait être changé car on se demande bien quel sang abreuvera nos sillons si on aboli la peine de mort. Là on est carrément dans l’atteinte à l’identité nationale et en plus on ne pourra plus mettre à mort les auteurs de ce terrible blasphème.

      7 - D’ailleurs la République ne s’est elle pas construite à grand coup de couperets ? Supprimer la peine de mort c’est une atteinte à la République dans ses fondement historique les plus profonds. Sans guillotine nous n’aurions pas le droit de vote. Les abolitionnistes sont donc anti-démocrates et anti-républicains.

      8 - Il n’y aurais plus de corps à disséqué pour les étudiants en médecine et ca serait une régression irréversible pour la science et la santé publique. Ca serait peut être même la disparition de la médecine elle-même qui serait obligé de retourné à l’obscurantisme n’ayant plus d’approvisionnement en cadavres excommuniés il faudrais revenir à la lecture des urines.

      9 - La disparition de la peine de mort c’est aussi un appauvrissement de la diversité des peines.

      10 - Enfin il n’y aurais plus le spectacle de la mise à mort et ca serait aussi la perte de toute notion de moral pour l’humanité.

      En conclusion, l’abolition de la peine de mort ce n’est pas éthique du tout. Les abolitionnistes se croient des parangons de la perfection morale suprême alors qu’ils sont les fossoyeurs de l’emploi, du paysage, du savoir faire traditionnel, de la diversité et même de la république, des sciences, de la santé publique et de toute moral. En somme les abolitionnistes sont ennemis de toute civilisation et de tout progrès humain.

      Je vous le dit franchement, bravo, et vive la mort !
      https://www.youtube.com/watch?v=aIXW8I_j3yE

    • Je trouve au contraire courageux et intelligent d’oser s’attaquer aux poncifs du véganisme, tarte à la crème du moment... Amusant d’ailleurs de voir que - dans les pays occidentaux - ce sont ceux dans lesquels on commet les pires excès carnivores où l’on trouve le plus de végans. La précédente critique « élaborée » que j’ai lue du véganisme était rédigée par un végétarien ! Je trouve essentiel de préserver le monde vivant qui nous entoure, mais j’aimerais rappeler à certains extrémistes que les humains font aussi partie de ce milieu... Désolé de ne pas toujours aller dans le sens du vent, mais ça fait de longues années que ça dure !

    • C’est vrai, les vegans sont de grands persécuteurs assoiffés de sang (de navet) et il y a urgence à s’en prendre à leurs tarte à la crème (de coco) qui menacent dangereusement le terroirs tellement animal friendly. Je reconnais qu’on a du mal à cause d’elleux à trouver de la viande aujourd’hui au XXIeme. A cause des vegans la terre, la civilisation, l’humanité dans son intégralité sont en péril. Et en plus illes font tellement peur les vegans qu’on ose même plus s’en prendre à eux.

      #courage

    • @la_feuille

      Le fait qu’une personne se permette d’exposer publiquement son ignorance et ses préjugés, ou, au mieux, sa connaissance des plus superficielles d’un sujet, d’un mouvement, d’une lutte, d’une théorie critique - ici, « les vegans »... pour jouer ensuite les matamores et présenter avec les rodomontades d’usage pareil étalage d’incompétence comme une critique décisive dudit sujet me semble quant à moi avant tout significatif d’un rapport de force en sa faveur, d’une position dominante ou plus ou moins hégémonique : sachant que du fait de son adéquation avec le consensus majoritaire naturaliste - c’est à dire, qui élabore sa pensée sur une croyance en l’existence d’une « Nature », même si certains imagineront ensuite de devoir se faire transhumanistes contre cette même Nature - notre auteur rencontrera sans peine un public tout disposé à se bercer des fables qu’il lui servira, et à colporter n’importe quoi, pourvu que ce soit infamant et effrayant à l’encontre d’un mouvement minoritaire qui porte une critique radicale du naturalisme, comme ici le véganisme ou l’antispécisme.
      Ah oui, un détail : il se murmure dans bien des milieux que les positions dominantes et les privilèges qu’elles confèrent ne stimulent ni ne requièrent, chez qui les occupe et en jouit, ni intelligence, ni courage, bien au contraire. Que l’excès de mépris et d’arrogance envers ce qu’ellils ignorent - leur position de force les dispensant, un temps au moins, de devoir se donner la peine de connaître - mène plus souvent qu’à leur tour dominant-e-s et privilégié-e-s à se comporter stupidement et imprudemment.

    • Faute de parvenir à commenter sur la page de l’article, je poste le mien ci-dessous :

      Quelques éléments pour une critique du #point_de_vue_écocentré

      « Les végans ont une haute considération pour eux-mêmes. »

      Il semble assez peu audacieux de constater que tout militant pour une cause a une bonne, sinon haute, considération pour lui-même, à minima en tant qu’agent actif pour cette cause.

      « Ils pratiquent la culpabilisation et la stigmatisation de ceux qui n’adoptent pas leur mode de vie ou osent le critiquer. »

      Il est indéniable que des vegans ont recours à cela. Mais ces pratiques, que l’on retrouve plus ou moins parmi les militant-e-s de toutes les causes possibles et imaginables, ne sont pas le fond du veganisme : on ne s’intéresse pas au veganisme, on ne s’intéresse pas au mouvement vegan dans le simple but de culpabiliser et stigmatiser autrui. On le devient pour des raisons éthiques.

      « Le véganisme est considéré par les végans, leurs théoriciens et leurs propagandistes comme le summum de la civilisation. Les adeptes du mode de vie végan seraient des personnes ayant atteint la perfection morale suprême alors que les végétaliens s’en rapprocheraient et que les végétariens seraient sur la bonne voie. »

      Vous nous faites part d’une conception des vegans que vous semblez avoir fabriqué de toute pièce. L’exigence éthique spécifique qui est à la base du veganisme se métamorphose sous votre clavier en une vague et boursouflée prétention à un « summum de la civilisation ». En fait de « critique », il s’agit là surtout d’une distorsion et d’une caricature de la figure du vegan , qui nie que sa pensée puisse receler le moindre contenu théorique digne d’examen.

      « Aux yeux des végans, les gens ordinaires, les omnivores, qualifiés de carnéistes seraient des personnes moralement médiocres qui se considéreraient suffisamment bonnes pour ne pas avoir à faire d’efforts supplémentaires pour devenir végétariens. »

      Je ne sais pas où vous avez trouvé cela. En fait, dès ce premier paragraphe, l’on aimerait que ces allégations soient à minima sourcées.
      Votre incompréhension manifeste du concept de « carnisme » vous fait écrire un amusant « carnéisme », et projeter des questions étroitement moralistes sur un terme forgé pour permettre de penser et déconstruire l’ensemble des dispositifs existant au sein de la culture dominante actuelle qui permettent, autorisent, justifient et promeuvent le fait de réduire chaque année des milliards d’êtres vivants sentients au statut de viande, à n’être que la promesse sur pied (ou aile, ou nageoire) d’un ou plusieurs repas à venir.
      La question du veganisme et de ses rapports à l’écologie est bien trop complexe pour être réduite à la présentation que vous vous en autorisez – si le veganisme comporte en puissance, pour le moins, une critique radicale du naturalisme et donc de l’écologie qui en est issue, les vegans ne sont pas pour autant favorables au ravage de la planète tout azimut, en particulier tel qu’il a cours. Leur approche des conséquences des actions humaines ne repose pas sur une idéologie de la nature, mais insiste sur une #éthique_de_responsabilité.
      Le fait de justifier et promouvoir le veganisme par des considérations écologiques me semble donc, d’un point de vue pro-vegan, pour le moins sujette à caution. Une critique de ces justifications lorsqu’elles ont lieu me semble quant à moi nécessaire et bienvenue. Il est d’autant plus regrettable qu’après l’avoir annoncée, vous vous livriez ici à tout autre chose.
      Ainsi, les considérations écologistes sur l’élevage sont incommensurables avec les considérations véganes sur l’élevage. L’écologie, appuyée sur son dogme naturaliste et un carnisme impensé, est complètement aveugle à la question éthique de la #sentience et de nos rapports avec les animaux non-humains. Tandis que la taille de l’#élevage ou le fait qu’il soit traditionnel, artisanal ou industriel n’ont qu’une très faible pertinence du point de vue de l’éthique vegane – puisque celle-ci mène à remettre en question le rapport même qu’instaure l’élevage entre l’éleveur et « ses » « bêtes ». Il ne s’agit pas d’une « réduction » de l’élevage à l’élevage industriel – il faut un point de vue écologiste pour imaginer cela – mais d’ une critique de l’appropriation de certains animaux par les animaux humains, de son histoire et de ses conséquences.
      Le paragraphe suivant est intéressant : on voit comment l’idéalisme naturaliste de l’écologie mobilise l’argument de la « #biodiversité » pour dés-historiciser la question des cultures et des paysages qu’elles façonnent. Les prairies de montagne sont un produit de l’activité humaine. Ce sont des objets historiques. Elles peuvent avoir leurs qualités et leurs défauts, elles ne sont en rien indispensables ou immuables en soi. Avec l’évolution des modes de vie humains, ces prairies ont remplacé progressivement des écosystèmes qui les avaient précédées. D’autres les remplaceront un jour. Comme toute chose sous le soleil, elles sont nécessairement amenées à évoluer. Elles évoluent déjà, et bien plus sûrement sous le coup de la marche forcée du capitalisme industriel. Les vegans actuels ne pèsent à peu près rien dans cette évolution telle qu’elle a cours aujourd’hui.
      Il est bien certain que notre société devenant soudain végane se trouverait confrontée à nombre de questions de cet ordre. Pour ma part, considérant la profondeur du bouleversement éthique et l’égalitarisme que supposerait une telle société, devoir nous confronter enfin à de telles questions serait la meilleure des nouvelles. Mais nous n’en sommes pas là.

      « il n’est pas question de donner un blanc-seing à la profession qui trop souvent s’assoie sur les bonnes pratiques »

      Je passe rapidement sur l’ineptie de l’idée des « bonnes pratiques » - puisqu’il s’agit ici des « bonnes pratiques » de l‘exploitation, des mauvais traitements et de la mise à mort à discrétion des animaux d’élevage. L’implicite laisse entendre qu’il s’agit pour vous dans ce texte avant tout de défendre l’élevage, conçu comme condition nécessaire d’une lutte écologique attachée à défendre les choses de la nature comme elles vous apparaissent, plus ou moins comme elles se trouvaient appropriées par les humains avant l’ère industrielle. En tant qu’ils récusent le paradigme naturaliste et pointent du doigt la culture de l’appropriation d’autrui – humain ou non humain – de laquelle il participe pleinement, appropriation qui est au cœur de la civilisation humaine présente, les vegans et la critique antispéciste sont effectivement souvent considérés par les amis de l’appropriation animale, y compris et surtout artisanale ou traditionnelle , comme des ennemis à combattre par n’importe quel moyen. Et comme les vegans sont très minoritaires et perçus par beaucoup comme marginaux, la falsification, la technique de l’homme de paille deviennent des armes sinon moralement légitimes, du moins qu’il est loisible d’employer à leur encontre sans courir trop de risques. Mais les paradigmes changent.

      « Enfin, cette critique du véganisme n’est nullement incompatible avec un combat pour le bien-être animal et contre la chasse loisir »

      Chasser le mythe des « bonnes pratiques » de l’élevage par la porte, et vous ramenez le slogan creux du « #bien_être_animal » par la fenêtre…

      Mais voici que vous nous proposez un catéchisme :

      « nous sommes naturellement omnivores »

      , écrivez-vous.
      Que signifie ici « naturellement » ?
      Que signifie « #omnivore » ? Une essence et une nécessité ? Ou un éventail de possibilité ? Pour un individu, le fait qu’il se conçoive comme omnivore implique-t-il une obligation alimentaire ou plutôt la possibilité de faire des choix ? Si l’on renonce à la possibilité de choisir de ne pas tuer pour se nourrir au nom de ce que nous serions « naturels » et « naturellement omnivores », ce faisant, à quelle place mettons-nous l’idée de Nature ?
      Je passe sur le caractère spécieux de la distinction entre les aliments qui seraient « naturels » et ceux qui ne le seraient pas, contingent du paradigme naturaliste. Car enfin : si la nature existe, et si elle est cette chose à laquelle nous appartenons, dont nous relevons, d’où provient tout ce que nous sommes, comment quoi que nous puissions faire pourrait-il être dit hors de la nature, ou même contraire à elle ? Où commence l’artifice ? Où s’arrête la nature ? Quand un animal non-humain fabrique et utilise un outil, où sont nature et artifice ? Quand des animaux non-humains éprouvent compassion et émotions, s’entraident, se transmettent des techniques, où sont nature et culture ?

      « Tout bien considéré, il y a au moins un point commun entre les végans et les transhumanistes : les uns comme les autres refusent leur condition humaine, soit qu’ils n’acceptent pas les « imperfections » et les limitations de leur corps biologique, soit qu’ils n’acceptent pas leur statut d’organisme hétérotrophe. Purs esprits, immortels, se nourrissant de l’air du temps, voici leur idéal. »

      Nous atteignons ici le point godwin : le mouvement antispéciste fournit une critique radicale de l’idéologie humaniste, en tant qu’elle instaure, conforte, constitue, justifie une hiérarchie entre les êtres vivants, qu’elle trace une ligne en deçà de laquelle une vie ne vaudra jamais celles qui se trouvent au dessus, en deçà de laquelle un être pourra être approprié, maltraité, exploité, mutilé, martyrisé, tué et mangé pour le bon plaisir de qui se trouve au-dessus. – Comme Franz Fanon, à propos du colonialisme et du racisme, forgea la notion de ligne de vie, de ligne de couleur en deçà de laquelle la vie d’un être humain ne vaudra jamais aucune de celles qui se trouvent au-dessus. Pour le naturalisme humaniste et écologiste, une telle critique semble tout aussi incompréhensible qu’ inacceptable. Heureusement, il existe un mouvement technolâtre qui lui n’a rien à redire à la notion spécieuse de nature et à celle, tout aussi spécieuse, d’artifice, qui l’accompagne : simplement, si, dans ce duo de concept opposés appuyés l’un à l’autre, construits l’un par l’autre, l’écologiste choisit la chimère idéaliste de la Nature et pense réaliser sa condition humaine en se revendiquant d’une pensée "écocentrée", le transhumaniste lui cherche à se réaliser contre la nature : et s’enfuit dans une tout aussi chimérique tentative d’ « artificialisation ».
      Face au vegan ou à l’antispéciste qui récuse la prétendue distinction fondatrice entre ces deux termes, vous ne trouvez rien de plus pertinent que de laisser entendre sans l’ombre du moindre début d’une preuve – sinon celles que vous suggèrent vos propres fantasmes quant aux motivations des vegans - qu’ils doivent en fait se trouver aux côtés du croquemitaine transhumaniste.

      « soit qu’ils n’acceptent pas leur statut d’organisme hétérotrophe. Purs esprits, immortels, se nourrissant de l’air du temps, voici leur idéal. »

      On voit à quels excès mène le refus de se plier aux injonctions de mère nature – qui a fait notre condition humaine, et nous a fait omnivores ! Hors de la soumission à son ordre, point de salut !
      Oser seulement - parce que nous avons conscience des souffrances que cela implique pour d’autres êtres et que nous nous refusons à les infliger ou à les faire infliger en notre nom - refuser de se nourrir en recouvrant l’ensemble de la palette des possibles pour un omnivore, considérer cette propriété « omnivore » comme un champ de possibles au sein du quel un choix éthique est possible - voilà qui devient « ne pas accepter son statut d’organisme hétérotrophe » ?
      Est-il encore temps, face à cet emballement, de vous rappeler que, comme celui d’organisme hétérotrophe, le concept de "nature" est une production humaine ? Que, comme dirait l’autre, ce sont toujours les hommes qui font leurs dieux, et non l’inverse ? Il ne s’agit pas de nier que le monde existe, et que nous en participons tous. Il s’agit de rappeler que le finalisme n’est pas de mise dans la pensée critique .

      « Ce qu’ils aiment, c’est une vie édulcorée et une nature aseptisée, la seule que, citadins pour la plupart, ils fréquentent quotidiennement. Pour aimer et défendre la vie, il faut accepter la mort, la sienne comme celle des autres qu’ils soient humains ou d’une autre espèce. Tel est le paradoxe de la vie sur Terre qui ne peut se perpétuer qu’ainsi. A défaut de le comprendre, il faut humblement l’admettre, sans vouloir rien y changer, car « La Nature en sait plus ». »

      En confirmant ce que l’on pouvait attendre de vous quant à la Nature, vous nous exposez de plus éculé des clichés sur les vegans – des citadins, forcément. Et une curieuse conception de la mort. Car enfin, que signifie ici « accepter la mort » ? S’il s’agit d’accepter que toute vie ait une fin, que ma vie ait une fin, que la mort en fasse partie, je n’ai jamais rien lu qui aille contre cela chez aucun vegan.
      Par contre, les vegans s’intéressent de très près à autre chose. Ils parlent beaucoup de la question de mettre à mort , de tuer délibérément, pour son propre intérêt, un animal qui sinon aurait vécu, qui avait un intérêt propre, le sien, à vivre ; et de la question de considérer des animaux comme voués à connaître un sort semblable, de les faire naître dans ce seul but. Et si l’idée de ma propre mort peut être angoissante, celle de me trouver responsable de la mise à mort d’un ou plusieurs êtres vivants est problématique, a fortiori lorsque cela doit se reproduire de manière systématique, répétée. C’est un cas exemplaire de #dissonance_cognitive : comment juxtaposer mon empathie pour un ou plusieurs animaux domestiques et mon indifférence au sort de ceux que je mange, dont je me vêts ? Et c’est un problème crucial, même pour les carnistes ; qui ne cessent de l’esquiver, de préserver et conforter une attitude de déni, ou qui cherchent à le rendre impensable par les pires des expédients (Une Jocelyne Porcher s’est particulièrement illustrée dans ce domaine, avec le lamentable soutien du MAUSS).
      Contrairement à vos accusations, les vegans savent bien que les carnistes sont elleux aussi dotés d’empathie. Qu’ellils ont des émotions. Et que la mise à mort d’un être vivant n’est pas quelque chose qui les laisse indifférents. Qu’il leur faut donc recourir à toute une batterie d’expédients, de justifications, de rationalisations, pour parvenir à ne jamais se confronter aux innombrables mises à mort quotidienne nécessaire pour remplir les assiettes, produire lait, fromage, laine, cuir, fourrure, duvet, et j’en passe… pour oublier, n’avoir jamais à l’esprit, l’invraisemblable déchaînement de mort et de souffrance sur lequel repose notre mode de vie. Et c’est vraisemblablement pour préserver ce point aveugle qui leur est crucial – car c’est lorsque le regard se dessille sur ce point là que l’on commence à ne plus pouvoir traiter par le mépris les vegans - que les carnistes sont obligé-e-s de venir prétendre, contre toute honnêteté intellectuelle et au-delà de toute vraisemblance, que le refus d’ignorer la réalité insoutenable des milliards de mises à mort annuelles socialement organisées, planifiées, perpétrées de sang-froid dans des lieux spécialement dédiés à cela à l’écart du regard de tous, relèverait d’une soi-disant « peur de la mort qui ferait partie de la nature et de la vie » !
      On voit donc que derrière les ridicules accusations de #thanatophobie à l’encontre des vegans, se cache la nécessité pour les carnistes de rendre innommable et impensable leur propre responsabilité dans le carnage permanent organisé et perpétré en leur nom. Permettez que je torde encore une fois le cou, donc, à cette calomnie grotesque : le problème n’est pas le fait de la mort, mais l’appropriation, qui comporte le privilège de maltraiter et mettre à mort.

      « A défaut de le comprendre, il faut humblement l’admettre, sans vouloir rien y changer, car « La Nature en sait plus ». »

      Je ne sais pas ce que « la nature » sait ou ignore. Mais je sais que les concepts de nature et d’humanité, le spécisme, le carnisme, l’élevage des animaux, et leur réduction à l’état de moyens pour nos fins sont des productions humaines , et que nous sommes responsables de nos productions et de ce que nous faisons, même lorsque nous essayons de nous convaincre que nous le faisons en leur nom .

      Je ne juge pas utile de poursuivre cette critique plus avant. Aucune accumulation de chiffres, données techniques, graphiques et autres statistiques, aussi rigoureux soient-ils considérés indépendamment, ne saurait compenser la méconnaissance, pour le moins, de ce qui fait le cœur du véganisme, que vous nous avez donné à lire. Au mieux peuvent-ils vous servir ici d’argument d’autorité. Le fait que vous ayez systématiquement (comme d’autres avant vous) recours à des attaques ad hominem – contre des vegans imaginaires à qui vous attribuez les motivations qu’il vous plaît, des origines ad hoc, et une incapacité à penser des plus remarquables – plutôt que de vous risquer à une tentative de réfutation explicite de leurs théories réelles me donne à penser que, sur le plan des idées au moins, la bataille est probablement déjà gagnée, et que les tenants de la Nature, bien que très majoritaires et quasi-hégémoniques, en sont d’ors et déjà réduits à retarder l’échéance.

    • @Nicolas Rassure-toi, je ne me trompe pas sur les rapports de force ! Je trouve simplement gonflants les credos quasi-religieux, les dogmes et le comportement « garde-rouge » de certains végans. En écrivant ce commentaire, je me suis dis que je ferais mieux de fermer ma gueule et que j’allais me faire étriller encore une fois pour rien du tout. Mais je trouve aussi que le nombre de sujets « tabous » qu’il est impossible d’aborder de façon sereine augmente dangereusement, y compris dans des champs thématiques qui ne sont pas forcément essentiels. Dans la bouche de certains, « permaculture » aussi devient un terme sacré. Sur Seenthis on peut discuter de façon relativement détendue de la Palestine. Essayez, en certains lieux, d’employer l’expression « territoire occupé » !
      Histoire de présenter la tête aux bourreaux de service, je maintiens quand même que le véganisme est une position essentiellement philosophique, que je respecte tout à fait. Inutile de vouloir fabriquer des justifications « écologiques », « scientifiques » ou « historiques » à tout va. On a parfaitement le droit d’avoir l’opinion qu’on veut. Les opinions ça se discute et ça évolue aussi.
      Pour moi, une tarte à la crème c’est une opinion que l’on pose sur la table et qui ne se discute pas. Les futurs « gardes rouges » de la pensée me donnent des angoisses, surtout quand ils se battent pour des idées qui, bien souvent, sont proches des miennes.

    • @Nicolas

      Pour ce qui est d’étriller du vegan bashing, je n’ai pas besoin d’aller chercher bien loin ma cible préférée : j’ai souvent l’occasion de repenser à ma propre attitude lors de mes premières rencontres avec des militants antispécistes dans des squats, il y a de cela presque vingt ans.

      Mais parvenir à m’asseoir devant un clavier suffisamment longtemps pour écrire quelque chose, et ensuite, pour me décider à le poster... outre un sujet propice, il faut pour cela que soient réuni un ensemble de conditions que je ne maîtrise pas du tout.
      Par hasard ; cela a été le cas face à cet article... ç’aurait pu l’être face à tant d’autres avant lui ! Si le Monolecte et seenthis ne l’avaient pas mis sous mon nez, je ne serais certainement pas allé le chercher.

      @La_feuille

      Cela faisait quelques temps déjà qu’on ne m’avait plus gratifié d’un suranné « maoïste ! » sur seenthis ( ces derniers temps, je n’ai eu que de fadasses « pomo ! » à me mettre sous la dent), alors, si vous le permettez, ce « garde rouge », si délicieusement 70’s, je veux bien en faire mon souper.

      Pour le reste, je suis enclin à penser qu’hélas, « le diable est dans les détails ». Le fait que tant de personnes, apparemment raisonnables et politiquement proches de prime abord, semblent littéralement et soudainement perdre l’esprit lorqu’elles se retrouvent face au véganisme, à l’antispécisme, ou à une critique argumentée de l’idéologie naturaliste, ou à quelques autres critiques encore, me paraît constituer un solide argument en faveur de cette appréciation.

    • @aude_v - Merci pour cette intervention intéressante. Là je suis preneur et je reconnais que le débat devient plus constructif qu’à coup de jugements de valeur et d’anathèmes. Dans le dernier numéro de la revue « Nature&Progrès » (agriculture bio), il y a un article intitulé « vers une régionalisation des régimes sains et durables » qui développe un certain nombre d’arguments intéressants et rappelle qu’en matière d’alimentation il faut aussi tenir compte du lieu de vie et des habitudes locales. Pour schématiser, on ne propose pas aux Inuits d’adopter le régime crétois. Habitant au pied des Alpes, en zone rurale, je ne vois pas l’intérêt d’aller chercher des compléments vitaminiques dans des algues marines ! Bref tout cela est complexe. Il y a quand même un élément qui me parait essentiel : tendre à réduire la consommation carnée et être attentif à l’origine des produits consommés. C’est, pour une bonne part, ce que nous faisons à la maison, après avoir arrêté d’élever volaille et moutons. C’est plus facile qu’il y a 20 ans car le nombre de lieux d’élevages écologiques a augmenté. Il faut se résoudre par contre à payer un surcoût nécessaire à la survie de ces élevages. C’est sensible pour le porc par exemple : le kilo de porc élevé en liberté et bien nourri coûte 2 fois (et parfois même 3 fois) plus cher que la viande issue d’élevage industriel. Mais si l’on en consomme que peu...

    • @phalene - Le passage à l’acte n’est pas évident du tout. Pour ma grand-mère qui vivait en milieu rural, ce n’était pas un problème. Elle tuait ses lapins sans état d’âme et sans violence inutile non plus. La génération suivante, ne vivant plus de la terre, a sauté le pas. En ce qui me concerne, je tuais la volaille, mais je n’ai jamais tué les moutons. On faisait appel à un boucher qui travaillait à domicile (maintenant c’est interdit par la loi) et l’animal était tué au percuteur et saigné dans la minute. Le moment n’avait rien de plaisant. Idem pour le cochon mais on l’achetait à la ferme voisine sans l’avoir élevé. Je n’ai jamais apprécié les séances d’abattage ; ce qui me répugnait le plus ce n’était pas tant la mise à mort que le « nettoyage ». Cela ne m’a pas empêché de continuer à manger de la viande, en quantité de plus en plus limitée. Je pense qu’il vaut mieux que ce soient des professionnels qui fassent ce travail (abattage et découpe). Par contre, il faut trouver des techniques autres que les abattoirs de masse actuels. Vu dans des reportages, en Autriche, un abattoir installé à la ferme d’élevage, en Norvège un camion abattoir itinérant... Des pistes à creuser. Cela ne fera pas baisser le prix de la viande, mais comme il faut impérativement réduire la consommation ce n’est pas un problème majeur tant que ce ne sont pas les intermédiaires qui se remplissent les poches.
      Les remarques sur les problèmes d’éthique sont intéressantes et ouvrent la porte à bien d’autres débats. Je ne pense pas que les végétariens interdisent à leurs chats de manger de la viande ; quant aux végans, comme il me semble qu’ils sont hostiles à tout forme d’élevage et de domestication, cela ne doit pas leur poser de problème. Ils n’ont pas besoin d’acheter de filets de poulet pour leur matou à la santé fragile comme le fait ma voisine (végétarienne... mais qui consomme quand même du poisson car elle estime que ceux-ci ne ressentent pas la douleur de la même manière que les mammifères...)
      Amusant de savoir que ce cher Elisée Reclus (pour lequel j’ai une grande admiration), anarchiste et végétarien, souhaitait voir disparaître les supers prédateurs tant cela le dégoûtait de voir les vautours ou les loups se repaître de viande et de charogne. Les rapports de l’espèce humaine avec les autres espèces animales ne sont pas simples. Les découvertes que l’on fait actuellement sur le comportement des végétaux ne simplifieront pas le problème dans les années à venir...

    • Si l’humain est un animal comme un autre, il faut donc convenir qu’il a tout autant le droit que les autres animaux de les tuer (ce n’est d’ailleurs pas par un progrès général de « l’éthique animale » qu’il a lui-même cessé d’être au menu d’autres espèces), s’il est au contraire un animal spécial pour qui ne vaut pas ce qui vaudrait pour les autres animaux, il faut alors admettre qu’il n’y a aucune raison objective pour qu’il traite ceux-ci avec les mêmes exigences que vis-à-vis de ses semblables.

      J’avoue ne pas comprendre.
      Il me semble établi que les questions d’éthique ont longtemps été la prérogative exclusive d’hommes occidentaux, bourgeois, adultes, valides, hétérosexuels, qui s’estimaient pleinement justifiés de jouir du privilège d’approprier à leurs fins, de façons diverses, tous les autres êtres vivants. Il leur arrivait de disputer entre eux, en les termes de leur temps, de leur caractère spécial ou non – étaient-ils les seuls dotés d’une âme ? – mais même en envisageant que d’autres qu’eux le soient aussi, il n’y voyaient aucune raison objective à devoir les traiter avec les mêmes exigences que celles qu’ils avaient vis-à-vis de leurs semblables.
      Aujourd’hui encore, nombre d’entre eux n’en voient toujours pas.

      Peut-on vraiment envisager de trouver dans pareil argument « la pierre d’achoppement de la philosophie anti-spéciste » ?

    • Simplement, observer que depuis la nuit des temps l’être humain est omnivore et décider qu’il est à un niveau de civilisation matérielle et éthique tellement avancé qu’il va arrêter de tuer les autres animaux (les tuer directement, s’entend, parce qu’il continue à détruire ses habitats) parce que les animaux sont comme les humains mais les humains sont des créatures supérieures aux animaux et ont une éthique qu’ils n’ont pas...

      Ce discours ouvertement intenable sur l’éthique n’est certainement pas le mien, ni celui de nombre d’antispécistes : c’est le discours habituel que les promoteurs de l’appropriation animale sortent sitôt qu’on commence à remarquer avec un peu d’insistance qu’une telle appropriation n’est pas innocente, qu’aucune appropriation d’êtres sentients ne saurait l’être. Ce pseudo raisonnement est effectivement circulaire : il est conçu par elleux pour esquiver le problème soulevé tout en réduisant toute remise question à un propos incohérent nécessairement excessif.

      Il parle confortablement à la place de celleux qui osent dire qu’il y a là un problème, en mettant dans leur bouche les incohérences qui lui conviennent. Il fait son carnaval avec l’ antispécisme de paille qu’il se plaît à construire. Et bien sûr qu’il ne manquera pas de trouver des vegans et des antispécistes pour se montrer incohérents ou excessifs !

      Ces quelques lignes contiennent assez d’affirmations problématiques pour écrire des pages contre elles, mais je vais être plus bref.

      La question n’est pas ici de parler ou non « à la place des animaux » - les humains qui les approprient ne se sont jamais privé et ne se privent jamais de le faire à leur convenance et je m’inclus dans ces humains là - mais, ce faisant, de ce qu’on leur prête, des conclusions qu’on en tire, de la position depuis laquelle on le fait, des intérêts que l’on a à le faire.

      La question n’est pas de renoncer immédiatement à l’appropriation animale - chose assurément infaisable, en effet - et de prétendre que nous devrions tous le faire parce que nous serions « à un niveau de civilisation et d’éthique tellement avancés ». C’est mettre les choses cul par dessus tête, ou la charrue avant les bœufs.
      Je défends que nous n’avons d’autre choix que de d’abord accepter de penser sérieusement cette appropriation comme telle : un rapport de domination, un pouvoir qui n’a d’autre caution qu’un rapport de force favorable, et sa promotion, comme le discours apologétique tenu par celleux qui en bénéficient - et partant de là, pour « avancer », de chercher comment y renoncer. Je défends que l’apologie d’un rapport de domination contient à minima la matrice de celle de tous les autres.
      Et que le principal obstacle à une telle démarche ne se trouve nulle part ailleurs que dans notre conscience de dominants sempiternellement occupés à nier ou se justifier vis à vis d’elle même les méfaits que nous commettons pour nos fins, qui ne cesse de chercher des faux-fuyants par tous les moyens. Je défends donc qu’une telle démarche est évidemment difficile et coûteuse.

      Quant à la destruction des animaux par la destruction de leurs habitats, elle relève de la même logique d’appropriation au nom d’une prévalence humaine. Opposer, mettre en concurrence ’’destruction indirecte’’ et destruction directe, discréditer la critique de l’une au nom de celle de l’autre est irrecevable : les deux participent également de la même violence spéciste.

      Enfin, la prétention à une éthique spéciale et à la prétendue ’’supériorité’’ de cette éthique n’est pas non plus un argument recevable. C’est ici une simple reformulation du discours spéciste, qui constitue l’humain comme supérieur.
      De fait, l’éthologie et les neurosciences ne cessent de nous montrer à quel point nos prétentions à l’exclusivité, au divin privilège, en matière de conscience de soi, d’empathie, de capacité à ressentir l’injustice, etc, qui nous servent encore à nous dissimuler les conséquences de nos propres actes, ne reposent sur rien. Si effectivement nous en parlons ici entre nous, nous ne pouvons plus prétendre en être les exclusifs propriétaires, et faire fond là-dessus pour nous distinguer radicalement des animaux non-humains.

    • Merci @martin5
      Je fait remarquer que les musulman.ne.s pratiquant ne mangent pas de porc et si tout le monde se mettait à etre musulman.ne.pratiquant subitement du jour au lendemain Ca serait pas top pour les éleveur.euse.s de porc et Ca serait fini pour la biodiversité des porcs et pour la culture porcine et tout. Pourtant je ne vous voie pas enjoindre les musulman.ne.s a bouffer de la saucisse de cochon du terroire de petits producteur.ices, pour montrer leur non complicité avec l’industrie. je ne vous lie pas les accuser de s’en prendre aux petits producteurs en boycottants leur charcuterie et de tuer la tradition paysanne porcine. J’ai déjà lu des gros racistes avoir peur de Ca et faire leurs apéro-saucisses et franchement votre acharnement à vouloir que les vegans bénissent vos boudins aoc est du même niveau.

      Aussi vos reproches fait aux vegans d’être pas assez anti-industrielle me semblent injuste et infondé. Les vegans s’attaquent en priorité à l’industrie parceque c’est la qu’il y a lè plus d’urgence. Est-ce qu’il y a autant d’action vegan contre les petits producteur ices pour que vous soyez si inquiètes. Les asso vegans tel L214 ou Sea Sheperd s’attaquent aux industriels et cela avec grand courage. Si votre probleme c’est Peta nommez l’asso au lieu de parler des vegans en général. Et tous les vegans que j’ai rencontrer son par ailleurs anti-industrie, anti-capitaliste mais j’imagine qu’il y a des vegans qui peuvent être pro industrie (on peu tout imaginer). Je ne sais où vous avez vu ces vegans anti petit producteurs mais Ca serait pas mal de documenter ce genre d’accusations imaginaires. Vous accusez les vegans de tout et de rien (destruction du terroir, attaque des petits producteurs, extinction d’espèces, pro-industrie, stupidité métaphysique, sentimentalisme bisounours...), vous dénoncez leurs sois disants abus sans rien documenter de précis et vous pretendez leur dicter leur agenda des luttes (pas assez anti-industriel à vos yeux) ainsi que decider de ce qu’illes doivent manger(du boudin local sinon on est complice du méchant capitalisme).

      Perso je demande a les voire ces sois disant actions vegans anti petits producteurs locaux qui vous pourrissent tant la vie. De mon côté j’ai jamais vu de luttes anti-industrielle plus éclatante que celles menées par les vegans.

    • Aussi vos reproches fait aux vegans d’être pas assez anti-industrielle me semblent injuste et infondé.

      Si j’ai bien compris, ce n’est pas ça qu’on leur reproche, mais plutôt le fait de ne pas être seulement anti-industriel et donc d’être anti-viande/produit animal par principe, quel que soit la façon de produire ces aliments/produits.

      À lire les arguments pro-vegan ici (notamment ceux de Martin), j’ai l’impression qu’il y a une remise en cause de l’agriculture tout court (pourquoi pas hein, mais je ne vois pas quel système viable on peut avoir en remplacement).

    • @phalène

      La prédation et l’appropriation ne sont pas la même chose. Très peu d’humains se comportent en prédateurs. Une infime partie d’entre eux en a besoin. Par contre le plus doux et inoffensif d’entre nous participe malgré lui dès son plus jeune âge de la plus implacable des appropriations. Oh, sans avoir besoin de recourir personnellement à la moindre cruauté, rassurez vous.

      Avez-vous remarqué que soumettre un éventuel renoncement à approprier, dominer, exploiter, à une ou des conditions que l’on décide d’imposer aux dit-e-s approprié-e-s, dominé-e-s, exploité-e-s constitue un tristement banal exercice de pouvoir ?

      Je m’occupe de la société dont je participe. Je me trouve participer de celle qui au nom de son humanité, extermine les lions comme les antilopes et tant d’autres moins emblématiques, et qui fonde son organisation, entre autres sur la réduction massive d’animaux au statut de viande sur pied, de moyens qu’elle fait naître et croître dans le seul but de les faire mourir pour ses propres fins. Je ne participe pas de celle des lions, qui n’a à ma connaissance pas d’autre choix que de chasser pour se nourrir.
      Ne vous déplaise, j’ai quelques choses a dire contre cette société où je me trouve. Et je ne vais pas me chercher des excuses fantaisistes - comme : les lions ne mangent pas de tofu, les chats sont cruels- pour ne pas penser contre ce qu’est cette société et ce qu’elle nous fait à tou-te-s.

      @alexcorp
      à ce sujet, je vous invite à lire mon commentaire sur le blog de Nicolas. (lien plus haut dans ce fil)

    • @Aude

      Merci d’avoir pris la peine de me répondre comme cela.

      Je n’ai rien contre la plupart des combats écologistes - j’en ai mené moi aussi plus d’un.
      Je suis un animal qui ne mange plus d’animaux depuis quelques années déjà, et qui aime depuis toujours vivre en leur présence. Je ne pense pas le monde vivable sans le partager avec les animaux non-humains

      En dépit de ce que j’en pense et que j’ai bien assez argumenté, je n’ai d’autre choix que d’en cuisiner quand même encore pour mes proches... parce qu’elleux n’ont pas renoncé à en manger, et que je me trouve être le seul d’entre nous en mesure de cuisiner.

      Je crois que l’on avance :-)

    • @Aude

      ça n’est pas tant un « effort » que le fait que je sais trop bien quelles résistances j’ai rencontré en moi-même à me confronter à mes habitudes culinaires, et le temps que cela a pu me prendre pour parvenir à faire ce pas.
      La femme avec qui je vis et notre fils connaissent et partagent pour l’essentiel mon point de vue sur la question, mais ellils sont aussi confrontés à leurs propres histoires personnelles et leur rapport avec l’alimentation, bien plus complexes que ne l’était le mien : cela n’aurait aucun sens de ma part de chercher à faire pression sur elleux. Ellils évoluent dans cette direction, et si ellils deviennent végétariens ou vegans, ce sera à leur rythme.
      C’est aussi pourquoi, sur ce sujet, je ne m’exprime guère que pour défendre l’importance de la pensée critique antispéciste et ses liens étroits avec d’autres pensées critiques, et pour essayer de contribuer à mettre en lumière les résistances acharnées et les dénis invraisemblables que de telles remises en question ne manquent pas de susciter en nous : surtout, évidemment, lorsque dénis et résistances sont conçus, présentés et perçus comme des critiques qui seraient encore plus radicales ou des limites indépassables.
      Une poignée de militants antispécistes des années 90-2000 particulièrement... maladroits, misant tout sur une culpabilisation spectaculaire, ont en leur temps réussi à braquer contre toute réflexion sur la question animale, pour plusieurs années, le presque végétarien que j’étais alors déjà (et pas mal d’autres personnes aussi) - alors que les fondements théoriques de cette critique qui me paraissent aujourd’hui les plus féconds étaient élaborés - par d’autres qu’eux, sans doute, - depuis quelques années, notamment dans les (excellents) #cahiers_antispécistes.
      En cette matière comme dans d’autres, comment ne pas penser que nous n’avons bien souvent pas d’autre choix que d’argumenter et miser sur l’intelligence et la sensibilité d’autrui... en sachant que les deux s’expriment toujours dans un contexte personnel, une histoire, un environnement conditionnant engagements et changements radicaux ?
      Et surtout, pour ce qui me revient, que l’intelligence et la sensibilité d’autrui devront se confronter à ma propre expression d’homme blanc cis hétéro et valide et à sa bonne grosse part de points aveugles, de privilèges écrasants et d’habitudes bien sclérosées.

  • « Bambi a froid » : Réponse à la « radicale mise au point » de la #fédération_anarchiste sur l’anti-spécisme
    https://coutoentrelesdents.noblogs.org/bambi-a-froid-reponse-a-la-radicale-mise-au-point-de-la-

    J’ai été déçu d’apprendre que le texte anti-antispéciste publié dans Zoop n°11 émanait d’un groupe de la Fédération Anarchiste. Camarades ! un peu de discipline ! Faut-il vous rappeler la décision prise, après un débat houleux mais n’en doutons pas franc et … Continue reading →

    #ANTISPECISME #animaux #antispécisme #aristote #cahiers_antispécistes #contradiction #oppressions #veganisme #viande

  • “Bambi a froid” : Réponse à la « radicale mise au point » de la #fédération_anarchiste sur l’anti-spécisme
    https://coutoentrelesdents.noblogs.org/post/2016/11/29/bambi-a-froid-reponse-a-la-radicale-mise-au-point-de-la-

    J’ai été déçu d’apprendre que le texte anti-antispéciste publié dans Zoop n°11 émanait d’un groupe de la Fédération Anarchiste. Camarades ! un peu de discipline ! Faut-il vous rappeler la décision prise, après un débat houleux mais n’en doutons pas franc et … Continue reading →

    #ANTISPECISME #animaux #antispécisme #aristote #cahiers_antispécistes #contradiction #oppressions #veganisme #viande

  • Philip K. Dick : Lettre au sujet de #Blade_Runner
    http://www.larevuedesressources.org/philip-k-dick-lettre-au-sujet-de-blade-runner,2523.html

    Philip K. Dick admirait le film qu’en #1981 #Ridley_Scott avait adapté de son roman Do Androids Dream of Electric Sheep ? (1968) — que lui-même considérait comme une ébauche, mais qui d’emblée intéressa le cinéma. Dès la parution du livre, un cinéaste prometteur comme Martin Scorcese avait pensé à l’adapter (mais son projet était resté sans suite). Voici un des documents de référence resté longtemps inédit, tandis que son information circulait par conséquent comme une rumeur. Puis, la lettre étant parue, la (...)

    #Cahier_de_musique

    / #Correspondance, #Science-fiction, #États-Unis, #1982, Philip K. Dick, #Jeff_Walker, Ridley Scott, #Frank_Spotnitz, Blade Runner, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, #Le_maître_du_haut_château, 1981, #Robot_blues, #Serge_Quadruppani, (...)

    #_Philip_K._Dick #Les_androïdes_rêvent-ils_de_moutons_électriques_ ? #Androïde
    http://www.larevuedesressources.org/IMG/pdf/dadoes.pdf

  • Il quaderno degli orrori e della memoria

    Con un documentario toccante e necessario, la regista svizzera Heidi Specogna racconta le ferite recenti della Repubblica centroafricana, attraverso i volti e le storie di due giovani donne. Girato sull’arco di sette anni, “#Cahier_Africain” è stato presentato in prima mondiale al Festival di Locarno, nella sezione “Semaine de la critique”.


    http://www.swissinfo.ch/ita/-cahier-africain---di-heidi-specogna_il-quaderno-degli-orrori-e-della-memoria/42361796
    #film #République_Centrafricaine #Centrafrique #femmes

  • Cahier de vacances : un succès d’édition qui suscite toujours le débat (LeFigaro.fr)
    http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/06/30/01016-20150630ARTFIG00007-cahier-de-vacances-un-succes-d-edition-qui-suscit

    Très vendus mais aussi très critiqués, les cahiers de vacances ne seraient-ils finalement qu’un paratonnerre de la culpalité parentale ?

    #éducation #école #cahier_de_vacances #école_famille #édition

  • #PMO
    #Alexis_Escudero
    #La_Reproduction_Artificielle_De_L_humain
    #Féminisme_Radical
    #Critique_Anti_Industrielle
    #Procréation
    #Genre
    #Honte_Prométhéenne
    #PMA
    #Pièces_Et_main_D_Oeuvre
    #Mythe_de_la_Nature
    #Cahiers_du_Genre
    #Agustin_Garcia_Calvo
    #Gunther_Anders
    #Theodor_Kaczinski
    #Edn
    #Ilana_Löwy
    #La_nef_des_fous

    Les balourdises masculinistes d’Alexis Escudero
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=495
    et le mépris suffisant affiché par Pièces et Main d’Oeuvre ("PMO") envers ce qui relève de la critique féministe des rapports de domination de genre ont pu en étonner et en troubler plus d’un-e ces derniers mois.
    La reproduction était naturelle, les couples homosexuels sont stériles, et la critique du genre s’inscrit pleinement et seulement dans une stratégie d’artificialisation et de conquète du vivant - et j’en passe et des héneaurmes.
    Le fait est que la critique anti-industrielle s’appuie certes sur un corpus théorique et une histoire jusqu’à ce jour plus qu’indifférente, sinon pire, aux questions des inégalités sociales de genre ou de sexe. Et, pour ne citer que ceux-là, je lis certes moi aussi avec intérêt des auteurs comme Jacques Ellul ou Georges Bernanos, ("La France contre les Robots", contrairement à ce que son titre laisse croire, n’a pas été conçu par Marcel Gotlib et Edward P. Jacob en recourant aux Nouvelles Technologies de la Reproduction : c’est un recueil de textes de Bernanos des plus stimulant) : mais quand je les lis, je n’oublie pas d’où ils parlent, et quel banal hétérosexisme masculin impensé mais pleinement assumé traverse jusqu’au meilleur de leur écrits. Quant aux auteurs pro ou post-situs plus proches de nous, dans la veine de l’EdN, ils sont à même enseigne : la plupart du temps ils ne font pas mention des questions féministes (et peu d’autres inégalités, comme les inégalités de race) ; et quand ils daignent le faire, dans le meilleur des cas, à ma connaissance, c’est toujours pour les subordonner à l’universalité supposée de leur propre grille de lecture.
    Mais quelques aspects théoriques de la critique anti-industrielle me semblent plus particulièrement de nature à conforter cet aveuglement masculiniste.
    Il me semble que l’incapacité des anti-industriels à connaître la critique féministe du genre (puisque c’est de cela qu’il s’agit, in fine) trouve, à l’appui de ce banal aveuglement congénital, un appui théorique certes bien bancal, mais très ,opportun dans une idée développée il y a plus d’un demi siècle par Gunther Anders ( reprise dans « L’obsolescence de l’homme, réédité par l’EdN il y a une dizaine d’années) : celle de « honte prométhéenne » - le fait que, confronté à la perfection des machines, les humains auraient honte d’être nés, plutôt que d’être fabriqués. Une honte, pour faire très court, de la « nature » et de la biologie. Mon propos ici n’est pas de disputer cette idée, qui me paraît fondée, mais la façon dont elle me semble ressurgir hors de propos lorsque PMO écrit :
    « L’auteur, Alexis Escudero, participe depuis plusieurs années au mouvement de critique des technologies. Peut-être est-il de la dernière génération d’enfants nés, et non pas produits. »
    Le fait est que le questionnement du caractère de production sociale du genre et donc du sexe comme du caractère socialisé, socialement organisé de la reproduction, devient assurément incompréhensible lorsqu’on ne sait l’envisager que sous la forme du confusionnisme libéral-réactionnaire dont on nous rebat les oreille. Et cette incompréhension se voit redoublée lorsque ce questionnement est vu au travers du prisme de la « honte prométhéenne » : du point de vue de PMO, la seule attitude égalitariste concevable vis-à-vis d’une différence sexuelle forcément naturelle se réduit à un seul inepte égalitarisme technolâtre, et mène nécessairement plus ou moins vite au cauchemar transhumaniste.
    Ce prisme déformant et réducteur me semble pouvoir expliquer en partie l’aplomb déroutant avec lequel PMO et Escudero se disent libertaires tout en brandissent fièrement des contresens sur le genre qui ne dépareraient pas entre deux pancartes de la Manif pour tous. Leur confusion est des plus grossières, mais je les soupçonne de ne jamais être trop allé se plonger dans les riches disputes entre féministes radicales pour y prendre la mesure de l’histoire de la prise de conscience d’un système de rapports de domination de genre où eux se trouvent privilégiés, de sa critique, et des implications de la position où chacun-e s’y trouve situé, quant à sa propre conscience « spontanée » de ces rapports. Ce d’autant plus que le monde politico-médiatique nous sert à profusion, sous le label « féminisme », l’ornière intellectuelle de considérations naturalistes/essentialistes, et les tentatives, de fait nécessairement technolâtres, qui en découlent d’en finir avec la malédiction d’une féminité infériorisante, une fois celle ci pensée comme fondée en nature.
    Je pense que le propos des Escudero et PMO sont cohérents avec les présupposés plus ou moins profondément essentialistes qui sous tendent les propos des Agacinski ou Badinter, comme avec une grande partie au moins du très spectacliste mouvement queer, lesquelles ont plus facilement les faveurs des média que les féministes radicales qui argumentent contre le naturalisme. Mais il me semble avéré que, du point de vue d’une partie de la critique féministe radicale, matérialiste, ces propos sont au mieux purement et simplement ineptes. Il serait donc pour le moins appréciable que, sur les questions du genre, des sexes, et de la reproduction, les anti-industriels s’avèrent capables de cibler leur critique : c’est à dire qu’ils aient pris la peine de connaître un peu plus ce dont ils prétendent juger.

    Mais ça n’est pas le cas : le fait est que c’est très vraisemblablement du seul fait de la position masculine hétérosexiste qui est la leur, dont la critique leur paraît superflue, qu’ils peuvent se permettre de prendre à leur convenance cette partie tout de même très particulière du féminisme pour le tout. Le fait est aussi que cette curieuse facilité intellectuelle ne les empêche pas de dormir, et que quiconque ose le leur faire remarquer se heurte de leur part à un déni massif, accompagné des accusations de libéralisme et de progressisme technolâtres de rigueur.
    Et, par exemple, sur les nouvelles techniques reproductives, ils se fichent comme d’une guigne des réflexions critiques publiées dans des revues comme Les cahiers du genre, pour n’en citer qu’une… (par exemple : http://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2003-1.htm ) Il me semble que l’on gagnerait pourtant beaucoup en intelligence de la situation dans laquelle nous nous trouvons si nous parvenions à articuler entre elles les critiques féministes du genre et les critiques anti-industrielles ! (et quelques autres…)
    Hélas, chez PMO, on sait déjà que le féminisme est irrémédiablement un progressisme technolâtre, et on s’exprime donc en conséquence.

    Mais, d’une manière plus large (qui excède ses rapports avec la critique féministe), il y a dans la forme de la critique anti-industrielle une forme d’arrogance méprisante qui me paraît liée à sa trop grande proximité avec un prophétisme catastrophique : il y a quinze ans déjà, il me semblait par exemple que la lutte contre les OGM gagnait à être formulée en fonction de ce qu’ils constituaient et disaient déjà du présent où ils étaient envisagés, conçus, produits, et non en fonction de l’avenir plus sombre qui résulterait de leur développement. Il me semblait qu’il ne fallait pas tomber dans l’erreur d’en parler en recourant à la peur d’un inconnu à venir, mais au contraire en insistant sur le fait qu’une critique et une lutte trouvaient amplement à se fonder dans le refus de ce que nous connaissions déjà trop bien : et, par exemple, de ce que nous connaissions déjà à propos du recours à des solutions scientistes ou technolâtres aux problèmes politiques, ou de ce qu’impliquait, et d’où provenait, le choix politique de poser en termes scientifiques et techniques les questions sociales.
    Comme le disait il y a 20 ans je crois Agustin Garcia Calvo (dans « Contre la paix, contre la démocratie » : http://www.theyliewedie.org/ressources/biblio/fr/Agustin_Garcia_Calvo_-_Contre_la_paix,_contre_la_democratie.html ), « le futur est une idée réactionnaire, » au nom de laquelle nous sommes toujours invités à renoncer au présent : et cela, y compris chez les amateurs de « critique radicale » .

    Un texte comme « La nef des fous » de Théodore Kaczinski paru en 2001 (https://infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=435 ) m’avait de ce point de vue semblé de très mauvais augure (même si j’étais loin alors de comprendre ce que recouvrait la notion de genre et de m’être intéressé avec conséquence à la critique féministe… il me faudra pour cela plusieurs années de lecture, de discussions et de réflexions) : l’auteur y met benoîtement en scène d’un point de vue des plus surplombant et universaliste, la nécessité selon lui de faire passer toutes les luttes particulières contre des inégalités qu’il se trouve ne pas avoir connu, au sein desquelles il se trouve privilégié, après la question qui selon lui les dépasse toutes : la catastrophe à venir (le bateau continue d’aller vers le nord au milieu des iceberg toujours plus nombreux, et il est voué à continuer ainsi jusqu’à l’inévitable collision). Il y a d’un côté « ce qui ne va vraiment pas » : ce que lui a identifié, en dehors de toute considération sur les inégalités sociales – et de l’autre les « petits problèmes mesquins » qu’il n’a pas à subir, pour lesquels il ne profère donc pas de « réclamations dérisoires Le mensonge résidant ici dans le fait que la lutte contre les inégalité de genre, race, classe etc. qui règnent à bord serait, d’après Kaczinski, irrémédiablement incompatible avec un infléchissement de sa trajectoire, ou un arrêt des machines, qu’il y ferait obstacle : stupidement, les infériorisé-e-s qu’il met en scène se fichent sur la margoulette, chacun-e égoïstement, très libéralement focalisé-e sur ses seuls griefs individuels, chacun-e très libéralement identifié-e aussi au caractère particulier qu’ellil se trouve incarner – tandis que, par la voix du mousse, l’universel, c’est à dire l’homme blanc hétérosexiste, lui, sait déjà ce qu’il convient de faire pour les sauver tous - mais du seul naufrage, qui arrivera plus tard. Après seulement – une fois tous rendus à sa raison, une fois que toutes et tous auront admis que leurs luttes étaient mesquines et dérisoires, gageons que le temps sera venu d’en perdre pour le mesquin et le dérisoire. Ou pas.
    Pour un milieu qui se prétend volontiers libertaire, le milieu anti-industriel qui a diffusé alors largement et sans critiquer le cœur de ce texte a eu un peu vite fait de se torcher avec la pensée de Bakounine, sur le fait que la liberté - et donc la fin de l’infériorisation - était une exigence, un besoin immédiat, qui ne saurait se différer : et donc que l’existence de systèmes de rapports de domination étaient pour celleux qui y étaient infériorisé-e-s une cause suffisante de révolte. A lire kaczinski, au nom de la collision à venir du navire de la fable contre l’iceberg, de la catastrophe industrielle qui résoudra définitivement tous les différents, il convient au mieux de renoncer à lutter contre les inégalités présentes, de les mettre de côté en attendant, plus tard, une fois la révo – pardon, une fois la catastrophe évitée, de voir ce qu’on pourrait y faire. En attendant, les dominé-e-s seraient bienvenus de cesser de jouer les égoïstes, vu que ça ne fait que les mener à contribuer au progrès, et de se mettre à penser un peu à l’intérêt supérieur de tout le monde, _c’est-à-dire, de fait, au seul intérêt que les dominants connaissent. Je me rappelle avoir entendu, en d’autre temps, des staliniens seriner un air semblable aux libertaires sur l’Etat, sans parler de tous les révolutionnaires, qui expliquent encore aux féministes que pour l’égalité entre hommes et femmes, il faut d’abord faire la révolution.
    Je tiens pour ma part pour l’exact contraire : et qu’il y aurait beaucoup à creuser, sur le rôle que les inégalités sociales comme le genre, lorsqu’on se refuse à chercher à les connaître et les penser avec conséquences, ou dans la mesure ou les dominants y sont prêts à tout ou presque pour empêcher qu’il y soit mis fin, sont amenées à jouer, comme moteur toujours renouvelé pour une quête permanente de solutions techniciennes et scientistes aux maux qu’elles génèrent.
    Mais pour cela, il faut que ceux, majoritairement hommes, blancs, hétérosexistes, et j’en passe et d’autres privilèges, qui produisent, promeuvent et diffusent la critique anti-industrielle admettent qu’ils sont quand même pleinement partie prenante au sein de rapports de domination qui structurent de part en part cette même société, que leur critique n’est pas indemne des positions relativement privilégiée qu’ils y occupent : et que les critiques des rapports de domination existant, formulées par celleux qui les subissent, font partie de la critique de cette société au même titre que la critique anti-industrielle.
    Qu’en conséquence de quoi, avant de prétendre disputer très virilement de « la reproduction artificielle de l’humain », ou de la « nature de la filiation » (http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=427 ) , la première des choses à faire pour le mouvement anti-industriel est de cesser d’envisager la critique du genre avec une honnêteté intellectuelle jusqu’ici proche de celle de la manif pour tous.

    • @Aude V

      merci de ton encouragement.

      J’ai relu ce matin à tête reposée le début du 4ème chapitre, si joliment intitulé Les crimes de l’égalité (il fallait oser), de ce qui m’apparaît désormais beaucoup plus clairement de la part d’Alexis Escudero et de PMO comme une entreprise délibérée et très intéressée de falsification d’une partie au moins de la critique féministe radicale, de la critique féministe matérialiste.

      (A vrai dire, le début de travail de remise sur pied du propos de l’auteur occasionné par la rencontre et la confrontation avec votre approche critique de son oeuvre me la rendue du coup beaucoup plus lisible, et a conforté ce premier ressenti à son endroit qui me l’avait rendu inabordable : lorsqu’on cesse de chercher à réagir à des « maladresses d’alliés » face à ce qui est en fait une agression commise par quelqu’un qui traite une pensée que vous partagez et respectez avec hostilité et malhonnêteté, qui vous traite en ennemi, lorsque l’on se décide de nommer l’hostilité, lorsqu’on attend plus de son auteur autre chose que de l’hostilité, ses désarmantes « maladresses » deviennent de très éloquentes agressions, des attaques auxquelles il devient enfin possible de répondre...)

      Je n’y avais pas prêté attention à la première lecture, mais au début de ce chapitre, lorsqu’il se hasarde à préciser ce qu’il entend par égalité, Escudero cite bien Christine Delphy, et à propos du genre qui précède le sexe. On ne peut donc lui reprocher d’ignorer l’existence de cette critique. Seulement, il la cite en la falsifiant, en prétendant y lire le contraire de ce qu’elle dit, et se fait ensuite un devoir de la corriger à sa façon, et à son avantage. Une telle pratique n’est pas maladroite, mais malhonnête, et un tel texte constitue bien une forme d’agression anti-féministe caractérisée.

      Je prépare un billet plus complet à ce propos, parce que la prose d’Escudero est véritablement déroutante et demande d’être décortiquée, et parce que cette falsification me semble particulièrement significative, non seulement parce qu’elle porte sur un désaccord fondamental sur les questions de nature et d’égalité, mais encore pour ce qu’elle manifeste des « intersections » entre les oppressions - tant que des hommes ne reconnaissent pas la validité de la critique féministe du système de domination de genre, ils continuent de défendre leurs privilèges comme ce système le leur a appris. il me semble qu’il faudrait défendre face au discours arrogant et si masculin de PMO/Escudero qu’aucune « critique radicale » à prétention universelle ne peut être formulée à partir d’une seule et unique position infériorisée, aliénée ou dominée particulière (à croire que l’histoire du discours ouvriériste sur la mission historique du prolétariat et de la catastrophe stalinienne ne leur sont d’aucune utilité !). Et qu’au contraire, toute critique qui se veut radicale se doit de prendre la peine d’examiner en quoi la position depuis laquelle elle est formulée la conditionne, et la rend elle-même critiquable ; que les auteur-e-s de n’importe quelle critique qui se veulent radical-e-s n’ont d’autre choix que de questionner les quelques privilèges qui peuvent être les leurs, que de prendre au sérieux les critiques formulées à l’encontre de cette position, et des privilèges qui la caractérisent.

    • Attention toutefois que le fait de questionner nos propres privilèges (être précaire mais homme, être femme mais blanche, être racisé⋅e mais de classe moyenne, etc) ne fasse pas oublier nos propres points de vue et donc nos propres critiques de départ.

      Que par exemple, je dois prendre en compte le point de vue féministe (que je ne peux pas avoir moi), mais je n’oublie pas ma critique anti-industrielle de départ, et j’essaye de transiger le moins possible dessus (quand bien même on doit accepter de « céder du terrain » comme m’a dit @aude_v l’autre jour, afin d’aboutir à une voie qui convienne à plus de monde que tel ou tel groupe radical). Cela vaut aussi pour les autres groupes bien sûr. :)

    • @Aude V

      je n’ai pas eu l’occasion de lire les explications d’Escudero dans La Décroissance, mais je veux bien admettre qu’il ait pu y revenir sur ses propos, ou entendre quelques critiques : ça n’est pas la matière qui manque. Il aura eu l’embarras du choix !
      Mais il me semble que pour l’essentiel, le mal est fait : son livre est publié, et PMO continue de lui faire la même promotion résolument orientée, reprise telle quelle par plusieurs sites anti-indus ou de critique « radicale ». Aucun des référencements que j’ai pu en lire sur le net ne fait mention du moindre trouble vis-à-vis de son contenu comme de sa présentation - si ce n’est ceux de rares blogueuses féministes comme toi.

      Il me semble qu’une vraie remise en question de sa part appellerait pour le moins un désaveu cinglant (que je n’ai lu nulle part à ce jour) des présentations de PMO (Pour ma part, à chaque fois qu’il m’est arrivé de publier quelque chose - j’ai eu quelques brochures et revues photocopiées à mon actif, sans parler de textes mis en circulation sur le net - je me suis efforcé autant que je le pouvais de ne laisser personne dire n’importe quoi dessus, et se permettre d’en faire sur mon dos une présentation fallacieuse, même dithyrambique. Il me semble que c’est là la moindre des choses lorsqu’on prend le risque de dire quelque chose publiquement, et de le faire par écrit.).
      Et surtout, et plus encore, de conséquents amendements à son texte - à même de le rendre méconnaissable.

      Je ne dis pas que ce serait facile, je m’efforce seulement de tirer le minimum de conséquences qu’un tel mea culpa impliquerait. (Et si les critiques qu’il reçoit de vive voix devaient l’y inciter, tant mieux : mais je ne suis pas optimiste).

      A la lecture, Escudero ne me paraît hélas guère trahi ou falsifié par les viriles rodomontades des chapeaux de PMO.
      Il ne manquait pas d’occasions d’écrire tout autre chose que ce qu’il a écrit, de donner par exemple de la place aux rapports de domination de genre, et à la manière dont ils se manifestent et s’inscrivent dans la technolâtrie dominante, à la manière dont le libéralisme, la technolâtrie, le patriarcat et le racisme se renforcent, s’appuient les uns sur les autres pour se perpétrer : il est tellement plus facile pour un homme anti-industriel de tomber, en accord avec le reste du patriarcat, sur le râble des inconséquentes féministes et des inconscient-e-s LGBT que de s’interroger sur sa propre position dans les rapports de domination de genre... - mais cette attitude de par sa facilité me paraît garantir à la critique anti-indus’ de piétiner au mieux dans une impasse, ou de se retrouver très vite égarée en très mauvaise compagnie ; qui plus est, nécessiter un très handicapant renoncement à critiquer l’idée religieuse de Nature.

      Je trouve que sa critique de la reproduction, sous une étourdissante profusion de références et de citations de ce que la technolâtrie produit de pire, manque de fait singulièrement de fond conceptuel. Cette abondance de documentation peine à dissimuler ce qui me paraît être une confusion certaine : il n’était pas nécessaire d’aller chercher autant de références pour produire un résultat aussi calamiteux.

      Pour ce que je suis arrivé à m’infliger (ce fameux chapitre 4, pour l’essentiel), à chaque fois qu’Escudero y a le choix entre citer une auteure peu crédible, un homme encore moins sur pareil sujet, ou plutôt, de se plonger dans les critiques élaborées par quelques auteures féministes radicales, il commet la même malencontreuse bourde - et présente les propos de l’une ou l’autre des deux premiers comme la substance des thèses des troisièmes. Une fois ou deux, à la rigueur... Effectivement, les maladresses existent, mais dans pareil texte au ton pamphlétaire, ça ne fait pas sérieux, au mieux cela décrédibilise la charge de l’auteur.
      Et chez lui, c’est quasi systématique !

      Mon projet de billet avance bien.

    • Le problème c’est que parfois c’est le cas… et parfois pas. :(
      Donc pas forcément aussi simple que ça de dire « tous les oppresseurs dans le même camps ».

      On sait très bien qu’il y a aussi de nombreux cas où le libéralisme se sert de l’anti-patriarcat pour avancer sur la marchandisation du monde, ou ceux où le patriarcat se sert de l’anti-libéralisme (parfois très justifié) de certaines catégories sociales pour revenir sur des avancées des droits des femmes, etc.

      Pas toujours facile de formuler des opinions complexes quand on veut reste concis et de pas développer toutes les exceptions et cas possibles.

    • @Rastapopoulos
      @Aude

      Ok, il est risqué de vouloir synthétiser quelque chose d’aussi complexe que la façon dont les rapports de domination et les aliénations diverses et avariées, et les critiques et luttes se croisent, se mêlent et tutti quanti.

      Plus précisément, @Rastapopoulos, mon propos n’était pas de prétendre que "tous les oppresseurs sont dans le même camp" (je crois que vous l’aviez très bien saisi - et en même temps que vous avez probablement raison, cela va sans doute mieux en le disant), mais plutôt de faire remarquer que face aux critiques et aux luttes les plus vigoureuses, radicales et estimables, l’oppression a une fichue tendance à réussir à retomber sur ses pattes [astérisque] (quitte à devoir en sacrifier une), et à prendre de court pas mal de gen-te-s, voire à faire d’elleux ses agent-e-s en trouvant à se rééquilibrer autrement à son avantage - du point de vue des êtres humains et de la vie en général, peu importe que l’oppression doive s’appuyer plus sur le patriarcat, le racisme, le nationalisme, le marché, la démocratie ou la fuite en avant technicienne ou autre chose.

      [astérisque] [Oups. Me voilà à nouveau pris en flagrant délit de synthèse à l’emporte-pièce et de personnalisation métaphorique pas forcément des plus parlantes pour tout le monde... (à me relire, je me demande si l’oppression n’aurait pas des pattes velues) ]

      Je pense par exemple à la manière dont, à la faveur d’une "libération sexuelle" obtenue dans un contexte patriarcal et marchand, il me semble que l’on peut dire que l’hédonisme pornographique et la communication ont très bien su prendre le relais de l’église et de la famille, pour ce qui est de continuer, en dépit du recul de celles-ci, à maintenir intact - quoique sur des bases en apparence radicalement opposées -, l’essentiel de la hiérarchie de genre.
      Ah oui, les images ont changé et défrisent certes désormais les plus vieux ou archaïques des patriarches, mais l’ordre reste le même : et les hommes en bénéficient toujours.

      Je pense aussi à la façon dont les techniques de PMA et les prétentions à artificialiser le vivant me semblent constituer pleinement une réponse de la part de l’ordre social patriarcal/libéral/technicien/colonial... (liste non exhaustive !) à une part au moins de la critique du genre : à la critique de la conception genrée de la procréation
      Cette conception qui prétend relier naturellement (et donc définitivement) sexe, couple, procréation et filiation, fonder en nature sur cette base la place plus ou moins étroite socialement réservée aux uns et aux unes, cette conception qui de fait ne patauge jamais aussi sûrement dans le social et la production humaine que quand elle brandit la Nature
      Pour rentrer un peu dans le sujet, je renvoie à la lecture d’articles sur l’histoire de la PMA et de la fabrication du naturel, comme ceux d’Ilana Löwy par exemple, qui me semblent exposer combien les hiérarchies de genre se perpétuent avec le progrès technique :
      « Nouvelles techniques reproductives, nouvelle production du genre » http://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2014-1-page-5.htm

      « La fabrication du naturel : l’assistance médicale à la procréation dans une perspective comparée »
      http://www.cairn.info/revue-tumultes-2006-1-page-35.htm
      Il faut que l’aveuglement masculiniste de PMO/Escudero soit considérable pour que pareils titres et pareils sujets ne les aient jamais intéressés - « L’invention du naturel » est d’ailleurs le titre d’un livre paru en 2000, sous la direction de Delphine Gardey et Ilana Löwy, qui propose de très stimulantes réflexions sur « les sciences et la fabrication du féminin et du masculin » : mais il est vrai que pour les hommes de Pièces et Main d’Oeuvre qui produisent une critique exclusivement anti-industrielle, le féminin et le masculin ne sauraient être fabriqués ni produits, puisqu’ils sont évidemment, c’est le bon sens même, naturels… A consulter leurs notes de bas de page, à une critique féministe radicale de la procréation et de la manière dont se fabrique le sexe à partir du genre, ou la notion de Nature... ils préfèrent de loin accorder toute leur attention à ce qu’écrivent de plus ou moins virils technolâtres, et de plus ou moins technolâtres auteurs masculins - comme Testard ou Habermas, - ou à des femmes au propos, sinon essentialiste et confusionniste au point de celui d’une Peggy Sastre, pour le moins très éloigné de la critique féministe radicale. ).

      Il me paraît pourtant assez peu crédible de prétendre chercher à formuler une pensée critique radicale sur les enjeux que recouvre aujourd’hui la question de la procréation sans donner aux considérations féministes sur le genre (ainsi qu’à quelques autres) une place conséquente : en aucun cas on ne saurait les tenir pour négligeables devant, par exemple, les seuls et uniques méfaits stérilisants de l’artificialisation technicienne.
      C’est bien pour cela qu’il me semble important de mener une critique des positions rigides et étroites telles que celles des PMO/Escudero : tout en se prétendant radicalement émancipatrices avec de grands effets de manches, elles sont déjà, de par leur caractère lourdement monolithique et résolument hostile à tout point de vue qui ne se puisse inféoder au leur, pleinement au service du maintien d’oppressions dont leurs auteurs, en tant qu’hommes, se trouvent justement être les bénéficiaires.

      A quel moment passe-ton d’allié gentil mais vachement maladroit et ignorant mais allié quand même, même si c’est rudement pénible de devoir supporter autant de maladresse et d’ignorance crasse - à ennemi déclaré, même s’il s’entête à prétendre le contraire, ou à prétendre qu’en fait c’est pas lui : lui veut être notre allié, et nous explique comment nous devons faire, à quelle critique radicale nous devons renoncer pour qu’il puisse l’être, parce que pour l’instant, au contraire, c’est nous, l’ennemi ?
      C’est pour moi une question qui ne se pose plus à leur sujet.

      En ce début de XXIème siècle, la promotion d’une PMA des plus technolâtre, libérale et toujours genrée, (bien que tôt ou tard vraisemblablement ouverte aux couples de même sexe), me semble tout de même déjà constituer, pour le système de rapports de domination de genre et sa hiérarchie, une réponse rudement plus efficace et prometteuse aux menaces que représente pour lui la critique et la lutte féministe une réponse qui doit être pensée comme telle si l’on entend s’en prendre avec un minimum de conséquence au genre comme à la technolâtrie. (cela demande aussi de se montrer capable de comprendre pourquoi se contenter d’être vachement et virilement "plus-radical-que-moi-Le-Meur" sur un seul sujet et donc se faire un devoir de traiter en chienne enragée toute critique qui ne soit pas au moins aussi étroitement focalisée sur ce même sujet revient alors, du point de vue des dominé-e-s, à faire pire que n’avoir rien critiqué - et a mettre au service de l’ordre existant les armes critiques que l’on a forgé, à son bénéfice, contre les autres critiques et luttes qui pourraient l’affaiblir ou menacer sa perpétuation)
      Une réponse assurément plus efficace et prometteuse que celle, par exemple, très spectaculaire, du ridicule barnum folklorique de la manif pour tous, qui a le gros défaut, face à la critique des rapports de genre, de s’exprimer sur le sujet non pas comme on l’aurait fait effectivement il y a un ou deux ou huit ou dix siècles, mais de façon caricaturale, comme ses animateurs s’imaginent niaisement aujourd’hui, depuis leur conception actuelle de ce passé, qu’on devait nécessairement le faire toujours et partout avant le recul de l’église. (et sur ce tout dernier point, je renvoie par exemple les curieux qui ne l’auraient jamais lue aux écrits d’une historienne féministe comme Michèle Perrot – mais c’est loin d’être la seule)

    • Je pense par exemple à la manière dont, à la faveur d’une « libération sexuelle » obtenue dans un contexte patriarcal et marchand, il me semble que l’on peut dire que l’hédonisme pornographique et la communication ont très bien su prendre le relais de l’église et de la famille, pour ce qui est de continuer, en dépit du recul de celles-ci, à maintenir intact - quoique sur des bases en apparence radicalement opposées -, l’essentiel de la hiérarchie de genre.

      Oui je pensais, entre autre, à ce genre de choses.

      A quel moment passe-ton d’allié gentil mais vachement maladroit et ignorant mais allié quand même, même si c’est rudement pénible de devoir supporter autant de maladresse et d’ignorance crasse - à ennemi déclaré, même s’il s’entête à prétendre le contraire, ou à prétendre qu’en fait c’est pas lui : lui veut être notre allié, et nous explique comment nous devons faire, à quelle critique radicale nous devons renoncer pour qu’il puisse l’être, parce que pour l’instant, au contraire, c’est nous, l’ennemi ?
      C’est pour moi une question qui ne se pose plus à leur sujet.

      Tout dépend de qui on parle… et si on connaît personnellement les gens en face à face, IRL comme on dit sur le net… et depuis combien de temps on les connaît, etc.

      Ce n’est pas toujours qu’une question purement théorique. L’amitié ne se joue pas que sur les idées politiques, même si c’est un des points qui entre en ligne de compte.

      Et sinon une citation de la première revue :

      Les nouvelles techniques reproductives, utilisées au niveau local et international, auraient donc à leur tour des impacts de genre, mais aussi en fonction de la classe ou de l’origine, particulièrement complexes : elles protègent les femmes et les couples des stigmates de l’infertilité, créent de nouvelles parentalités indépendantes de l’hétéroparentalité normative tout en reconduisant des inégalités préexistantes et comportant d’importants risques d’exploitation.

    • @Aude

      Tant mieux si l’auteur entreprend sous la pression de la critique de revoir quelques unes de ses positions.

      Mais son livre n’en demeure pas moins non seulement une critique ratée, parce qu’outrageusement partielle et aveugle sur ses propres manques, de la reproduction médicalement assistée (ce qui en soit, serait dommage, mais sans conséquences trop néfastes), et surtout une attaque confusionniste réussie contre la critique radicale, et pas seulement féministe (ce qui est nettement plus gênant).

      Entre le naturalisme confus des arguments et l’étroite masculinité du point de vue, mon écoeurement balance.

      Pour ce qui est de la pensée de Delphy, et du répugnant procédé auquel il a eu recours pour la dénigrer, l’auteur a une importante remise en question à faire.
      Faire le choix de falsifier une pensée (dont le propos est assurément incompatible avec celui de « La reproduction artificielle de l’humain » : mais pour des raisons dont Escudero, dans le cadre de son pamphlet, ne peut que nier l’existence - ne serait ce que ce que sa critique du genre implique quant au naturalisme), ponctuer la calomnie par l’insulte en l’associant à un vieux machin aussi répulsif que Mao c’est là une démonstration d’hostilité qu’il lui faut assumer.
      Le pamphlet et son style casseur d’assiette (La démolition jubilatoire, qui peut se teinter de mauvaise foi, dans ce registre, est le traitement habituellement réservé aux ennemis) n’excusent pas tout.
      Pour le coup, cela dépasse la seule question du rapport à la critique féministe.

      Si une dénonciation de la manière dont la politique politicienne a posé le débat en termes de pour ou contre les droits des homosexuels était parfaitement justifiée, je pense qu’il est plus urgent de défendre la critique féministe radicale et la critique du naturalisme comme possible fondement d’une critique radicale de la société technicienne et de sa technolâtrie, que de se précipiter dans une spectacliste critique de la PMA.

    • @Aude V

      Je te prie de m’en excuser, j’avais manqué ta réponse, ainsi que ton edit. Je ne les découvre qu’à l’instant.

      Il y a quelque chose que je peine à saisir dans ta position vis à vis d’Escudero et de son bouquin. Je ne parviens pas à savoir de quoi il retourne.

      Je crois que pour Escudero, j’en suis encore à prendre conscience de la position dans laquelle il se trouve. Pour que j’aille à sa rencontre en sachant vers quoi j’irais, il faudrait que j’ai d’abord fini d’estimer la distance qui nous sépare.

      Je crois que je juge de loin plus important de défendre les critiques qu’il a falsifié ou ignoré que le contenu d’une enquête dont la complaisante prétention à la radicale originalité tient tout de même beaucoup trop, à mon avis, à tout ce que son auteur falsifie, ignore ou passe sous silence : plus encore qu’à ce qu’il prétend révéler.

      Peut-être que quelque chose m’échappe ?
      Et peut-être bien que je jargonne, en effet ?

      Je n’en sais rien.

      Je n’ai pas écouté l’émission en question.

      Mais c’est de t’avoir lue que je dois d’être parvenu à enfin recommencer à écrire à propos de la critique anti-industrielle.

  • #Sade antispéciste ?
    http://www.larevuedesressources.org/sade-antispeciste,2444.html

    « Trop longtemps l’homme a considéré ses penchants naturels d’un "mauvais œil", si bien qu’ils ont fini par se lier intimement en lui avec la "mauvaise conscience". On pourrait tenter l’essai inverse, en soi rien ne s’y oppose – mais qui serait assez fort pour cela ? – assez fort pour marier avec la mauvaise conscience tous les penchants contre nature, toutes ces aspirations à l’au-delà, toutes les aspirations contraires aux sens, aux instincts, à la nature, à l’animalité, les idéaux qui ont existé (...)

    #D.A.F._de_Sade

    / #Littérature_française, Sade, #Philosophie_et_Sciences_de_l'homme, #Buffon, #Matérialisme, #Cahiers_antispécistes, #Éthique_animale, #Utilitarisme, #Nicolas_Fréret, (...)

    #D'Holbach

  • Tout ce qui tremble est vrai
    http://www.larevuedesressources.org/tout-ce-qui-tremble-est-vrai,2674.html

    Idéalement dirait-on, la saisissante et déroutante discographie d’Arlt s’ouvre par la bouche et par la rouille, à peine une brèche en vérité, une amertume, un léger trouble arraché au goût de l’amour, une sidération pourtant d’où surgiront bientôt quantités d’éboulements, d’épiphanies, de morts et d’avalanches. Il y a là sur ta bouche un je ne sais quoi qui sent la rouille Nous sommes un éboulis de pierres Tombons Allez savoir ce que le désir cache, et comme le langage est miné. Le pistolet qui ouvre lui FEU (...)

    #Cahier_de_musique