• « Aujourd’hui mes #idéaux comptent plus que ma carrière » : #CRS depuis 12 ans, #Laurent_Nguyen préférerait renoncer à son métier qu’à son #humanité

    "Je m’appelle Laurent Nguyen, j’ai 44 ans, #gardien_de_la_paix et affecté en CRS depuis 12 ans. Moi, j’ai pris la décision d’entrer dans la #police quand j’avais 30 ans. J’avais des idées assez proches de l’#extrême_droite, et pour moi, la #sécurité était la première des #libertés qu’on devait garantir. On a tendance à considérer que les #manifestants sont complices des #casseurs. Et puis c’est une manière de se protéger psychologiquement, de se dire : ’De toutes façons, ils n’avaient qu’à pas être là, il y a un ordre de dispersion, il y a des casseurs. Donc, le #droit_de_manifester, bon, ça fait partie de la loi, effectivement, mais à un moment donné, on ne peut pas avoir des manifs tout le temps. Il y a des gens qui sont élus, bah si vous n’êtes pas contents, c’est comme ça’. J’étais dans ce logiciel-là, ça m’allait très bien.
    J’ai été vite déçu en CRS, déjà de ne pas trouver la cohésion que j’espérais trouver. Quand vous arrivez, que vous pensez sauver la France, que vous êtes confrontés aussi au désespoir de certains collègues dans des commissariats qui travaillent dans des conditions abominables. C’est difficile à vivre en tant que policier, ce sentiment d’#impuissance.
    J’ai le souvenir d’une mission à #Calais. On intervient un matin très tôt pour évacuer des migrants qui dorment dans la forêt. Et j’ai en face de moi un garçon qui a trois ans, qui a l’âge de mon fils. Et moi, je pense à mon fils, et que tu laisse ton humanité ressortir, tu te dis : ’Quelle #injustice pour cet enfant d’être là, dormir dans une forêt boueuse de #Dunkerque.' C’est pas normal qu’on en arrive là. Moi, j’en suis arrivé à vivre une très profonde #dépression. Je suis passé pas loin de me foutre en l’air. Et donc moi, après avoir vécu cette période, où je prends le choix que mon fils ait un père, bah, qu’est-ce que je peux lui transmettre ?
    Au départ du mouvement des #gilets_jaunes, j’ai tout de suite éprouvé de la sympathie pour ces gens, parce que c’étaient des revendications qui semblaient tout à fait légitimes. Je pense que beaucoup de policiers ont ressenti aussi cette sympathie, cette proximité. Il y avait une gêne chez beaucoup de mes collègues, et quand on a eu les premières scènes de violence, qui ont été diffusées dans les médias, moi, j’ai eu le sentiment qu’il y avait une forme de soulagement chez certains policiers, parce que ça leur permettait de régler un petit peu ce #problème_de_conscience en désignant un #ennemi. Moi, qui avait pris parti publiquement au sein de ma compagnie en faveur des gilets jaunes, parce que je défendais leurs revendications qui selon moi étaient justes, j’ai commencé à voir des collègues qui m’ont pris à partie, en me reprochant de soutenir les gilets jaunes, parce que si tu soutiens les gilets jaunes, tu soutiens les casseurs. Vous avez des gens qui ne peuvent même plus offrir des cadeaux de Noël à leurs enfants, qui ne peuvent pas les emmener en vacances, qui perdent leur boulot, qui ne savent pas comment ils vont s’en sortir, qui n’ont plus d’espoir. Est-ce qu’on peut comprendre aussi qu’à un moment donné ils puissent péter les plombs ? Alors il y en a qui disent que #réfléchir, c’est #désobéir, ou alors qu’il ne faut pas avoir d’états d’âme. Mais moi, je ne veux pas me priver de mon #âme, je ne veux pas me priver de ma #conscience, et moi, on m’a souvent reproché d’être un #idéaliste, comme si c’était une tare. Mais aujourd’hui je le revendique. Oui, j’ai des idéaux et aujourd’hui oui, mais idéaux comptent plus que ma #carrière et comptent plus que mon avenir personnel. Si je dois perdre mon boulot, bah, je perdrai mon boulot. C’est trop précieux pour moi de m’être trouvé, d’avoir trouvé mon humanité pour courir le risque de la perdre.

    https://twitter.com/ARTEfr/status/1684820991116185600

    Source : le #film_documentaire diffusé sur arte :
    Au nom du #maintien_de_l'ordre


    https://www.arte.tv/fr/videos/101352-000-A/au-nom-du-maintien-de-l-ordre-1-2
    ... qui n’est plus disponible sur le site web d’arte (et que je n’a pas trouvé ailleurs en ligne)

    #travail #forces_de_l'ordre #témoignage #France #liberté #déception #conditions_de_travail

    –—

    ajouté à la #métaliste de #témoignages de #forces_de_l'ordre, #CRS, #gardes-frontière, qui témoignent de leur métier. Pour dénoncer ce qu’ils/elles font et leurs collègues font, ou pas :
    https://seenthis.net/messages/723573

    • #flic, formellement il ne l’est plus depuis deux ans je crois, ex syndicaliste policier, son discours est rodé de manière à présenter les policiers comme victimes de l’administration policière et de leurs supérieurs.

      edit lorsque je ne savais rien de lui, j’avais trouvé son témoignage émouvant, tiens un facho dont le travail ignoble fait évoluer les vues ? là, je vois ces choses comme un marketing qui vise à humaniser la police et me souviens que ces animaux de plateaux sont occupé à faire mentir un dicton adapté au cas ( « flic suicidé à moitié pardonné », winch means : il n’y a pas de pardon qui tienne) en venant se faire aimer. leur pub, c’est un peu comme si il fallait publier du Cantat une fois par semaine. y a un moment où la prise de conscience c’est de fermer sa gueule.
      #hochet_de_gauche #ouin_ouin

  • A Paris, des #éboueurs écœurés par les « #casseurs_de_grève » venus du Sud
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/03/22/a-paris-des-eboueurs-ec-ures-par-les-casseurs-de-greve-venus-du-sud_6166450_

    Tous frais payés
    « Teuf Teuf », 55 ans, dont vingt-huit passés chez Pizzorno, à #Draguignan, a commencé à travailler à Paris lundi 13 mars, pour une mission ­inédite qui le comble. Son employeur lui a payé l’#avion pour venir et, dit-il, « nous a mis dans un confort, pour dormir, se restaurer ». « On est venus de notre plein gré, assure-t-il. On ne nous a pas mis le couteau sous la gorge. » « Teuf Teuf » est du genre hyperactif – son surnom vient du fait qu’il a longtemps préféré courir à côté du camion pendant les tournées, plutôt que de monter sur le marche-pied. Et ce jeune papy éboueur, au téléphone, se régale de l’accueil chaleureux des habitants : « Les commerçants et les enfants nous applaudissent, ça me touche beaucoup, ils sont reconnaissants. Comme j’ai dit à mon patron : tant qu’il y aura des déchets dans le 15e, je ne partirai pas de Paris. Je veux que les gens retrouvent la ville comme elle doit être. »

    « Teuf Teuf » préfère ne pas parler de la prime, évoquée par les grévistes, autour de 500 euros – ce que nie la direction –, pour inciter à faire le voyage – « pour l’instant, je ne suis pas venu pour ça ». Il n’a pas vraiment d’avis sur la réforme des retraites : « Chacun voit midi à sa porte. » Lui, un casseur de grève, comme le regrettent certains de ses collègues à Vitry ? « Ils pensent ce qu’ils pensent, c’est vrai que pour eux ce n’est pas évident, je le conçois. Mais, vous comprenez, on ne peut pas laisser les gens comme ça. » Alors il restera le temps qu’il faut pour tout nettoyer, même si « [s]a femme » lui manque.

    A Vitry, le ton à l’encontre des « sudistes » est dur. A 58 ans et malgré sa longue expérience chez Pizzorno, depuis 2009, Jean-Pierre Lascary, délégué syndical #CGT, déplore comme beaucoup un manque de solidarité. « Ils auraient dû être aussi mobilisés que nous, parce que ce que nous demandons, ça peut très bien les servir. La hausse de salaire, ça les concerne aussi. » La #réforme des #retraites a été la goutte d’eau, mais les grévistes de Vitry réclament aussi des augmentations et de meilleures conditions de travail. En octobre 2022, ils avaient déjà arrêté de travailler pendant six jours. Depuis, assurent-ils, la direction n’aurait pas respecté ses engagements. Pour l’instant, aidé par « Teuf Teuf » et les autres volontaires, Pizzorno ne semble pas vouloir discuter. Et peu importe le coût des primes pour les volontaires, estime Abdelkader Mekhti : « La direction, ils préfèrent payer plus que céder. »

  • Déboîter le corps social

    Dominer c’est martyriser, tailler, couper dans la chair et les graisses depuis toujours. Mais pour percevoir l’inventivité clinique de l’appareil d’État macronien, il faut se rendre sur le boulevard pour comprendre comment se déploie en ce moment sur des populations entières un art médical instruit des derniers progrès d’une chirurgie orthopédique des âmes. Ce savoir anatomique concerne tous les membres du corps social : avec ses os, tendons, jointures, articulations, et surtout... ses nerfs. Le projet de Macron c’est de déboîter tout un peuple. Écraser « ceux qui ne sont rien », "emmerder jusqu’au bout" la France entière et se venger des Gilet Jaunes sont maintenant les uniques obsessions du tyran loin de toute préoccupation d’ordre politique. À revers de ce supplice raffiné, l’implication des corps disloqués fait la solidarité des chairs impatientes. Emmerdons l’emmerdeur... jusqu’au bout.

    GREY BLOC

    La manifestation précédant celle du samedi 11 mars avait été un magnifique feu d’artifice sur l’avenue Daumesnil avec ses guirlandes de poubelles incendiées pour fêter la grève des éboueurs. C’est pour cela que pour la manifestation suivante, celle du mercredi 15 mars, le plus tout à fait nouveau préfet de police Laurent Nuñez avait fait annoncer par son grand ami, le directeur du très droitard Le Parisien, la présence de 1400 « casseurs » pour une occasion inespérée de venger l’affront.

    Et l’on allait voir ce qu’on allait voir, parce que Laurent Nuñez est au maintien de l’ordre ce que Chanel est à la haute-couture française : une exigence de raffinement jamais démentie. Laurent Nuñez, ce n’est pas ce rustre de Lallemant, ce kéké de sous-préfecture qui se prend pour Goebbels quand il chevauche sa Harley. Laurent Nuñez c’est la manière espagnole, à l’opposé d’une brutalité trop manifestement germanique (énorme bourde au pays de l’Occupation).

    Laurent Nuñez, c’est le doigté du flamenco, l’esprit de finesse du jésuite Baltasar Gracián allié à la rouerie du courtisan du siècle d’or. Nuñez-le débonnaire, à la bedaine stoïque de Sancho Panza est là pour faire oublier le futur projet d’« immigration-remigration » du triste sieur Darmanin. Avez-vous remarqué qu’invité au bal, l’ingénieux hidalgo de Tourcoing aiguise en ce moment sa petite moustache franquiste ? Conduite par ce triste attelage, la manifestation du 15 mars fit symptôme en terme d’exotisme et du point de vue de l’art des castagnettes.

    Arrivé sur place : « Surprise, surprise ! ». Les 1400 « casseurs » annoncés en Guests Stars du Parisien ne font pas cortège de tête. Que se passe-t-il ? La réalité c’est qu’à la place du Black Bloc, un immense GREY Bloc, cortège aux tempes grisonnantes, a remplacé la matière noire en tête de manif. Quel est ce prodige ? De pauvres cassos auraient-ils remplacé les authentiques « casseurs » ?

    Tout cette chair sent la douleur : l’épaule fatiguée côtoie les lombaires usées, la jambe qui flagelle négocie avec l’épicondylite du coude. Les doigts craquellent aux jointures non loin des poignets engourdis. L’arthrite du genou s’enflamme.

    Le Grey Bloc c’est un système de vases communicants : des milliers de gens en ont marre de la foire du Trône et des flonflon de l’arrière, ils sont venus chercher autre chose à l’avant, histoire de refaire corps ensemble quand la carcasse flanche. On avait promis de bloquer le pays, mais sans jamais appeler à la grève générale c’est peut-être ce qui rassembla ces corps cassés pour refaire solidarité.

    Pour la préfecture c’est une tuile, les invités VIP ne sont pas venus à la fête. Qu’allait on faire des pétards, des cotillons, des pandores frisés, lustrés, enrubannés, tout costumés pour la parade ? La maréchaussée arrive très excitée par la promesse d’une vengeance-spectacle. L’effroyable et vivante mêlée qui la nargue depuis des années doit mériter le Waterloo de ce jour. Mais là, que faire avec cette bande de bras cassés, cour des miracles en goguette qui traîne ses jointures usées sur le boulevard ?
    Port Royal, Port Royal, morne plaine

    Il est un fait que c’est en cet endroit funeste que le buffet a été servi, tout proche de l’entrée des urgences de l’hôpital Cochin, là où le boulevard du Port-Royal s’élargit. Les urgences de Cochin c’est le mur des fédérés de la Génération 2018, avec ses quatre-vingts Gilets Jaunes admis aux urgences chaque soir de manifestation.

    Mais ce jour ci, point de Black Bloc ni de Gilets d’or. La plus haute technologie policière a donc été convoquée pour rien. Fiasco. La maréchaussée trépigne. Rage, rage, pleurs de rage. Port Royal, Port Royal, morne plaine.

    Que faire ? Où trouver « casseur » à casser ? Impossible de battre retraite sans avoir déboîté du Black Bloc. Dans la tête du préfet c’est la danse mauresque l’obsession des « casseurs » tourne et retourne à toute vitesse. On avait bien précisé qu’à seize heures tapantes, c’était l’heure du goûter gendarmesque. C’est pourquoi, lui d’habitude si stoïque, si modéré, si distingué, si Todo su control, le voilà devenu Don Quichotte hallucinant des moulins à vents. Autant de bras battant des ailes dans sa cervelle en tourmente.

    C’est pourquoi à cette heure funeste le pauvre Grey Bloc fut pris à partie. Sur ordre du préfet, la maréchaussée se jette sur les crinières poivre et sel en une immense clameur : « -Faute de grive mangeons du merle ! ». Sous l’effet d’une gigantesque tenaille très clairement préméditée, des centaines de boucliers fondent sur une foule de paisibles préretraités. Innocentes victimes que l’idée de fuir ne traverse même pas.

    Est-ce par effet d’une fascination pour l’objet de leur perpétuel désir que les pandores chargent le retraité en essaim, façon Black Bloc ? Mais là où le Bloc charge en essaim c’est pour taper quelque banque - comme pique une abeille pour rappeler qu’elle existe - ; alors qu’ici, c’est l’attaque des frelons asiatiques, espèces invasives venues d’ailleurs, hordes qui ne connaissent d’autre loi que la leur.

    En un immense bourdonnement toute une colonie de frelons se précipite sur moi sans raison. Ils sont plus d’une centaine, la masse compacte et affamée se jette sur moi. Arthrose, arthrite, seul au milieu du boulevard, vont-il voir que je boîte ? Quand il s’approche, l’insecte aveugle est guidé par l’odeur du sang, seuls le guide les aboiements de sa hiérarchie. Les uniformes-carapaces font méga-thorax, mais derrière les hublots, je vois leur yeux-lucarnes comme dans un bocal. À moins qu’il ne porte talonnettes, l’insecte me dépasse d’une bonne toise. C’est lorsque je me retourne que le plat d’un bouclier s’abat lâchement sur l’épaule. Plat contre omoplate, l’effet de masse des corps blindés, caparaçonnés, soudés est tel que l’onde de choc destructrice se propage à toute vitesse dans mes organes. Omoplate, humérus et clavicule divorcent. Ma ceinture scapulaire ne tient plus mon corps Impression d’être fauché par une voiture sur le boulevard.

    Sensation de démembrement étrange.

    Ensuite, sensation de vol, puis effroyable choc : l’asphalte du sol me retombe lourdement sur le dos. Des médics m’entourent. L’intensité de la douleur me submerge. Je perds connaissance. Mes deux bras ne peuvent plus bouger, me voilà devenu pingouin. Je rampe jusqu’aux urgences sur le boulevard-banquise. Je cherche le « Service des fauchés sur le pavé ». Quelle est la nouvelle méthode du gouvernement Macron ? Planquer les blessés dans les statistiques des piétons écrasés ? J’y pense très fort tellement cela ressemble à un accident de la circulation.

    Je suis maintenant sur un lit, dans une chambre d’isolement. On me demande si je fume. La chicha me réconfortera m’assure-t-on. Un aide-soignant me tend une pipe. Je peux lire : « Penthrox ». Selon le dictionnaire Vidal :

    « Un nouvel antalgique non opioïde indiqué dans le soulagement d’urgence des douleurs sévères associées à un traumatisme chez des patients adultes conscients. Son utilisation est limitée à un usage professionnel, notamment au sein des services d’accueil des urgences, SAMU et SMUR. »

    Face aux violences d’État, les labos ont travaillé, tout est prévu. Ils font circuler dans les services un médicament qu’on utilisait dans les années 2000 en maternité. C’est devenu la chicha du manifestant, le produit phare du moment. Ce shoot à l’avantage de permettre une réduction de n’importe quelle fracture à chaud sans anesthésie.

    Caressante extase, au gré des fumées grises, une nuit sans rêve me submerge comme un brouillard.
    Balistique des corps

    La nuit donne à penser. À la réflexion, cent corps soudés comme de lourds wagons d’un convoi de marchandises visent un transfert de masse maximale (on n’arrête pas facilement un train). Toute cette pantomime n’était pas faite de gestes gesticulés, hasardeux. C’est de toute évidence une technique, précise, méditée, longuement répétée : martyriser est un métier. Le cohérence du dispositif vise à maximiser l’onde de choc pour faire le plus de dégâts possibles en interne.

    Le calcul balistique est simple : on charge à deux-cent sur un piéton-cible afin créer une onde de choc maximale. L’impact cause un choc piéton identique au capot d’une voiture lancée sur un corps humain à pleine vitesse. À cette différence près que le bouclier pare-buffles des condés démultiplie la force du coup porté en percussion frontale.

    Pour une course à une vitesse entre 10 et 15 km/h, avec un tel transfert de masse, les blessures graves sont inévitables. Les plus fréquentes sont des contusions, des déboîtements, des fractures de l’omoplate, de l’épaule et du bras, sans compter de multiples lésions invisibles en interne. S’ajoute la probabilité d’un traumatisme crânien en réception dorsale.

    Tout cela sent le bloc opératoire. Des médecins ont-il appris aux forces de l’ordre la manière d’opérer ? C’est donc cela le secret du docteur Nuñez, ce chirurgien orthopédique boulevardier ? On crée à grande échelle des traumatismes qui ressemblent à des accidents de la route, mais sans ouvrir les chairs ni faire couler le sang, et sans barbaque sur la chaussée. Voilà la trouvaille !

    C’est ainsi qu’on réchauffe d’anciennes recettes tout en faisant une mise à jour de l’appareil technique des violences d’État. D’un côté on retourne aux classiques : le coup de bottin de commissariat ce sont les films policiers des années cinquante, ils ne laissent aucune trace sur la victime. De l’autre on industrialise la besogne sur des foules entières en recrutant des milliers d’exécutants pour rendre le geste efficace à grande échelle.

    Le sang qui coule, le steak haché qui s’exhibe sur les écrans au vingt heures pendant le repas du soir, cela fait toujours mauvais genre à l’international, surtout devant les expert de l’ONU. Après ça, comment vendre le « pays des droits de l’homme », cette plus value des sacs de marque qu’achètent les touristes chinois ? C’est la raison pour laquelle, plutôt que de faire un exemple spectaculaire, mille contusions invisibles propagent une onde de choc beaucoup plus large sur les populations, ce qui permet aussi d’occuper les légions de gendarmes que ce gouvernement a embauché depuis les Gilets Jaunes.

    La nouvelle tactique c’est le coup de Bottin collectif informé des derniers progrès de la chirurgie orthopédique. Flash ball ou Tonfa, les armes utilisées contre les Gilets jaunes produisaient des blessures individualisantes et fabriquaient autant de martyrs identifiables dont tout le monde sait les noms. Ici, la peine est collective, la nouvelle arme de guerre c’est la collision sur le boulevard. Percutez tant que vous pouvez, il en restera toujours quelque chose.
    Fractures sociales (Châtiments sans peine)

    Comme un coup de crosse, la tonfa du temps des Gilets Jaunes ouvre le crâne des sourcils à la nuque, c’est une technique de guerre à part entière. Il s’agit d’inonder de son sang un adversaire afin de l’immobiliser dans son élan, ce qui démoralise simultanément ses camarades. L’objectif c’est l’écœurement : pendant l’hiver 2018, combien de médics ont vomi dans les douches les soirs de manifestations ?

    Ici rien de tel. Les « contusions », dans le milieu médical tout le monde sait ce que cela veut dire : rien de précis . Quand il s’agit de déboîter les membres, de contusionner des corps, de traumatiser en interne sans faire couler le sang ni ouvrir les chairs, l’agression doit être invisible à la caméra et ne laisser aucune trace sur les réseaux. Mais ce n’est pas le seul avantage de cette technique. Les chocs frontaux opérés à coup de boucliers permettent d’établir un catalogue raisonné de châtiments corporels infligés directement sur la victime. Le choix des victimes a lieu au juger, c’est à dire sans jugement.

    Pour preuve de la banalisation de ces pratiques, un policier propose sur une vidéo récente, face à la caméra, de casser le bras d’un manifestant qui ne facilite pas son arrestation.

    On est là largement en dehors du droit puisque c’est la police qui se fait juge d’une peine immédiate. Aucun tribunal d’aucun État de droit, aucune société dite « civilisée » ne peut prescrire ce genre de peine.

    Petit catalogue des châtiments :

    -- La moindre « contusion » c’est entre une et deux semaines de soins, cela peut aller jusqu’à six mois.
    -- Une clavicule cassée c’est 6 semaines d’immobilisation.
    -- Un humérus fracturé c’est 6 semaines d’immobilisation et deux mois de convalescence.
    -- Une omoplate cassée, c’est 6 à 9 semaines de soins.
    -- Une épaule cassée c’est deux ans de soins.
    -- Une atteinte de la coiffe des rotateurs c’est la condamnation à perpétuité.
    (L’atteinte est répertoriée comme invalidité de guerre sur les sites d’anciens combattants).

    L’objectif c’est la « rééducation ». Les frais de rééducation nécessitent plusieurs semaines, voire des mois de réadaptation, cela donne le temps de réfléchir. Les ostéopathes ne sont pas remboursés, tout cela se fera donc aux frais des victimes, c’est une nouvelle peine d’amende à part entière. La méthode est simple, discrète, efficace et permet d’appliquer directement peines et châtiments sans passer par d’interminables procédures ou juridictions complexes.

    À cela s ’ajoute que les services d’urgence, qui n’ont pas de temps à perdre, vous déclarent en bonne santé aussitôt passé le cap de la radio (qui ne voit que les fractures). Sans perte de connaissance, les blessés sont directement renvoyés chez eux, sans IRM, échographie ni Scanner. Pour ce qui est des lésions plus graves, il est demandé une « réévaluation par le médecin traitant si persistance des douleurs ». Là vous passez en appel et la plupart du temps c’est sans réduction de peine, mais plutôt pour un allongement de la durée de la sanction. Et là je ne parle pas des souffrances psychiques, des gens qui suite au choc de l’agression, tétanisés par la peur, voient leur existence bouleversée par les cauchemars ou la paranoïa.

    Quand la douleur est machinique, la sanction est automatique. Le but est de produire de manière invisible et immédiate une immobilisation de toute opposition. Pourquoi s’emmerder plus longtemps avec de la paperasse et des juges ? Pourquoi prendre la peine de fignoler un dossier de convocation judiciaire :

    « Le dénommé X est accusé d’avoir le 12/04 à Paris (XVI ème arrondissement), en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, seul et sans arme, opposé une résistance violente en portant des coups de pieds alors qu’il était au sol pour ne pas de laisser interpeller, causant notamment une fracture de la main chez l’un des agents interpellateurs X et Y (ITT 30 jours) dépositaire de l’autorité »

    Qui lit encore cela ? Au diable la paperasse ! La police c’est la justice, la justice c’est la police, pourquoi séparer les pouvoirs ? C’est là la simple logique des fusions-acquisitions : deux entreprises fusionnent pour regrouper deux entités commerciales et maximiser leurs gains. La politique de « Contusion-Confusion » c’est gagnant-gagnant pour tous les partenaires. C’est ainsi que l’État se transforme en auto-entreprise et en État policier.

    Le problème c’est qu’à aucun moment l’on ne se demande si de fil en aiguille, on n’en vient pas à créer une machine monstrueuse, vaste logiciel de gestion des corps menés à l’abattoir par un appareil d’État à la dérive. Quand à l’exhibition systématique de la troupe, piétinant la foule comme on marche sur Rome, c’est clairement la marque des régimes fascistes
    Le supplice de Damiens 2.0

    À l’époque où des Gilets Jaunes hagards erraient pendant plusieurs heures sur le boulevard, à la recherche d’un service d’urgences, leur œil dans une main, un sac dans l’autre, cela a marqué les esprits. Quand un œil éclatait et que cela faisait le bruit d’un œuf qu’on écrase, cela ne s’oublie pas. Quand on vise l’os malaire d’un visage et que la mâchoire s’enfonce, non seulement le choc post-traumatique est inévitable mais c’est la boucherie. Le problème c’est que cela donne une mauvaise image du « pays des Lumières », et de son despote éclairé.

    Si l’on se rappelle les gilets jaunes. À partir de l’acte III, Macron a dit à sa police « -Faites ce que vous voulez ». Ils se sont exécutés, et mécaniquement ces gens ont fait ce qu’ils ont voulu. Que voulez-vous qu’il se passe quand on distribue des viseurs holographiques à de jeunes chiens fous tout en sanctionnant disciplinairement ceux qui ne veulent pas aller au ball-trap ?

    Je rappelle pour ceux qui ne sont pas informés qu’un viseur holographique EOTech permet de tirer sur une cible en mouvement sans obligation de parallaxe. Ce viseur a été inventé pour l’invasion de l’Irak en 1990. Ce viseur a été ensuite monté sur des fusils LBD et utilisé systématiquement par les forces de l’ordre pendant l’hiver 2018. Celui-ci est livré en option, « afin discriminer les parties du corps à impacter » explique pudiquement le fabricant. Un simple point rouge permet effectivement d’ajuster le tir sur n’importe quel orbite de manière très précise. Inutile d’aligner laborieusement une mire et le guidon d’une arme. Avec ce confort de tir, à vingt mètres, n’importe qui se prend pour un tireur d’élite. Et comme c’est valorisant de faire partie de l’ « élite », certains ont osé parler de « bavures » à l’époque des Gilets Jaunes. Ce qui a fait ricaner certains dans les comicos.

    Les Gilets jaunes c’est le retour au Moyen-âge. Ce qui compte dans la justice médiévale, ainsi que l’indique l’évangile de Luc, c’est : « Malheur à l’homme par qui le scandale arrive ! Mieux vaut qu’on lui attache une grosse meule autour du cou et qu’on le jette dans la mer » » (Lc, 17,1-2). Ceci signifie que du point de vue du droit canonique, peu importe que le curé de Montaillou, -village Occitan- soit pédophile, violeur, adultère ou le dernier des meurtriers, tout cela relève finalement du for interne, c’est à dire de la conscience personnelle du point de vue des pratiques de confessionnal. Du point de vue de la vulgate canonique, ce qui compte avant tout, c’est de vénérer publiquement la très Sainte Trinité.

    Le pêcheur public c’est celui qui est susceptible de contaminer une communauté toute entière. Il donne le mauvais exemple et abîme la récolte comme une pomme pourrie contamine tout un panier. Dès que le scandale devient public, il faut donc l’éradiquer. C’est la raison pour laquelle, dans l’Ancien Régime, en régime de contamination virale, le scandale comme la justice sont affaire de spectacle. Quand on jette le présumé coupable à l’eau, une grosse pierre attachée au cou comme le propose l’évangéliste Luc, la justice c’est l’inverse du baptême. Le baptême intègre dans la communauté, la grosse pierre participe à un rite d’exclusion, d’excommunication, de désintégration puisqu’il faut savoir qu’à l’origine le baptême n’est pas un sacrement mais une épreuve de justice ordalique.

    Un exemple de cette justice-spectacle de l’Ancien-Régime c’est le supplice très célèbre de Robert François Damiens, condamné pour « parricide commis sur la personne du Roi Louis XV ». Il est racontée dans l’Histoire de Robert François Damiens, contenant les particularités de son parricide et de son supplice (1757) :

    « On amena dans l’enceinte quatre chevaux jeunes et vigoureux qui avaient été achetés la veille quatre cent trente-deux livres […] ils avaient obtenu la permission de dépecer le condamné. Voici comment ils s’y prirent. Les chevaux furent encore excités et lancés. Alors, quand les membres de Damiens furent tendus à point, les deux bourreaux coupèrent les nerfs aux jointures des cuisses. Cela ne se fit pas sans peine. Le sang jaillit en abondance. « Oh ! hurla Damiens ; ayez-pitié de moi, Seigneur ! Jésus, secourez-moi ! » Les couteaux fouillaient sa chair, ne s’arrêtant que devant les os. « Voyons maintenant », dit le bourreau. Les chevaux tirèrent. Cette fois une cuisse se détacha, la cuisse gauche. […] Damiens regarda encore cette douloureuse séparation , Il n’y avait plus de résistance de sa part. Après de nouvelles secousses des chevaux, l’autre cuisse partit. Restaient les bras. Les deux bourreaux recommencèrent le jeu de leurs couteaux à l’endroit des épaules et aux aisselles. On aurait dit deux bouchers travaillant dans la même viande. La cruauté a son ivresse, et ils étaient arrivés à cette ivresse-là. Ils n’épargnaient aucun nerf, aucun tendon. « Grâce ! grâce ! » criait toujours Damiens. Le bras droit tomba. Damiens ne perdit pas encore connaissance. « Ses cris continuaient, mais avec moins de bruit,et la tête continuait à aller. » Enfin, les chevaux emportèrent le dernier bras. Il n’y eut plus sur la table basse qu’un tronc qui vivait encore et une tête dont les cheveux venaient de blanchir tout à coup. Il vivait ! Pendant qu’on détachait les chevaux et qu’on ramassait ses quatre membres, les confesseurs se précipitèrent vers lui. Mais Henri Samson les arrêta en leur disant que Damiens venait de rendre le dernier soupir. La vérité est que je voyais encore l’estomac agité et la mâchoire inférieure aller et venir comme s’il parlait. Ce tronc respirait ! Ses yeux se tournèrent encore vers eux. On ne dit pas si la foule battit des mains une seconde fois.Ce qu’il y a de certain, c’est que, pendant une heure et demie que dura ce supplice, personne ne songea à quitter sa place, ni aux fenêtres ni sur le pavé. Un bûcher avait été préparé à quelque distance de l’échafaud, avec des fagots et de la paille. On y jeta d’abord les quatre membres du supplicié, et ensuite le tronc. Les débris palpitants furent recouverts d’autres fagots. On mit le feu au tout ! »

    On voit bien dans ce récit qu’il s’agit de démembrer quelqu’un pour lui arracher une malédiction qui déborde le corps social. Un individu est extrait de la société pour purifier le corps social tout entier, de la même manière qu’on pratique une saignée pour épurer le flux sanguin d’un malade dans le théâtre de Molière. Mais l’efficace du rituel n’est rendu possible qu’à la condition que ce démembrement ait lieu aux yeux de tous. La guérison du grand corps malade ne s’opère que par transsubstantiation [1]

    [1] En théologie dogmatique catholique, la...
    du sang versé dans un rituel qui implique toute la communauté. C’est pourquoi la justice médiévale est un spectacle, le rituel ne fonctionne pas s’il n’est pas accompli aux yeux de tous. Rappelons que les gens allaient encore avec leurs enfants assister aux exécutions capitales jusqu’au début de le seconde guerre mondiale.

    Aujourd’hui quand on veut déboîter tout un peuple, les corps sont démembrés à l’abri des regards, c’est à dire au plus intime des corps, c’est la raison pour laquelle la nouvelle technique du maintien de l’ordre n’assume plus la visibilisation des violences d’État. Pour preuve, le preux cavalier Macron ne plastronne plus :

    « Oyez, Oyez, boursemolles, ribaudes et puterelles, traversez ruisseau pour trouver boulot, en mon château me venez chercher ! ».

    L’époque a changé, la bête attaque maintenant systématiquement de dos. On le voit bien avec cette réforme des retraites qu’un gouvernement abject tente de faire passer par une loi sur la sécurité sociale. Le nouveau supplice de Damiens c’est la colonie pénitentiaire de Kafka. Dans ce récit une machine inscrit la peine dans l’intimité du corps du supplicié, ici cette intimité est largement distribuée tout en étant privatisé : miracle de la bio-logistique des corps !

    C’est au hasard des engagements d’un corps qu’un individu prend parfois la mesure que l’onde de choc qui le traverse fragmente le corps social tout entier. À cette heure, deux épaules immobilisées me laissent deux doigts libres pour taper ce texte sous analgésiques. Ce texte donc un texte écrit à l’horizontal : si le mouvement de lutte contre la réforme des retraites ne laisse personne indifférent c’est parce qu’il attaque les corps ; nous sommes tous mortels et du point de vue de notre finitude, les existences sont toutes égales. C’est la raison pour laquelle des plus jeunes aux plus vieux, le spectacle de l’ignominie présidentielle brûle d’une telle flagrance.

    Et foin des grands discours, c’est l’implication des corps disloqués qui fait la solidarité de nos chairs impatientes.

    [1] En théologie dogmatique catholique, la transsubstantiation est la doctrine selon laquelle au cours de l’eucharistie, au moment de la consécration, les espèces du pain et du vin deviennent le Corps réel et le Sang réel du Christ tout en conservant leurs caractéristiques physiques et leurs apparences originales.

    https://lundi.am/Deboiter-le-corps-social
    #domination #violences_policières #répression #France #macronisme #Laurent_Nuñez #Laurent_Nunez #maintien_de_l'ordre #grey_block #manifestation #15_mars_2023 #casseurs #contusions #invisibilité #invisibilisation #violences_d'Etat #immobilisation #viseur_holographique

  • Comment la police veut combattre les black blocs , Jean-Marc Leclerc
    https://www.lefigaro.fr/actualite-france/comment-la-police-veut-combattre-les-black-blocs-20201218

    Des black blocs marchant devant un scooter en feu, lors de la manifestation des « gilets jaunes », le 12 septembre à Paris. Xeuhma/Hans Lucas via AFP

    ENQUÊTE - Le combat qui s’engage pour tenter de contenir les #casseurs sera de longue haleine. Plusieurs options sont sur la table.

    « Force reste à la loi. Plusieurs centaines de casseurs étaient venues pour commettre des violences. La stratégie de fermeté anticasseurs - 142 interpellations et encadrement du cortège - a permis de les en empêcher, de protéger les commerçants ». Le tweet volontariste du ministre de l’Intérieur après la #manifestation parisienne du 12 décembre dernier contre la loi « sécurité globale » masque une autre réalité : pour parvenir à ce résultat, il a fallu mettre sur le terrain trois policiers ou gendarmes par casseur. Il y avait 500 casseurs sur le pavé parisien ce samedi-là et 3 000 membres de forces de l’ordre, dont une moitié mobilisée sur l’essaim des enragés venus en découdre.

    « Près de 150 interpellations dans un cortège de 5 000 manifestants, c’est bien, mais après les gardes à vue, l’essentiel des interpellés échappera à une peine effective, faute de preuves suffisantes, aux yeux des magistrats du siège », spécule un professionnel du #maintien_de_l’ordre.


    Comment l’épisode Notre-Dame-des-Landes sert de laboratoire à la Chancellerie, Paule Gonzalès
    https://www.lefigaro.fr/actualite-france/comment-l-episode-notre-dame-des-landes-sert-de-laboratoire-a-la-chanceller
    Des forces de l’ordre face à des zadistes, le 17 mai 2018. GUILLAUME SOUVANT/AFP

    DÉCRYPTAGE - À l’époque, les parquets de Nantes et de Saint-Nazaire étaient confrontés à des difficultés aujourd’hui récurrentes dans les manifestations.


    Classique : Au “Figaro”, un journaliste [Jean-Marc Leclerc] qui connaît très bien l’Intérieur, 28/11/11
    https://www.telerama.fr/medias/au-figaro-un-journaliste-qui-connait-tres-bien-l-interieur,75644.php
    ...désigné en 2011 par un ministre de l’intérieur comme "personnalité qualifiée" pour être membre d’un "groupe de travail sur l’amélioration du contrôle et de l’organisation des bases de données de la police [!]"...

    #police #renseignement_opérationnel #black_bloc #justice #Judiciarisation

    #paywall (il doit manquer des morceaux)

    • Clappings, fumigènes, « ACAB »... Dans les manifestations, l’influence des supporteurs « ultras » au sein du black bloc, Abel Mestre (...)
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/12/19/violences-pendant-les-manifestations-des-supporteurs-de-football-ultras-deso

      Les supporteurs de football radicaux sont de plus en plus présents dans le cortège de tête. Le phénomène s’est amplifié pendant le mouvement des « gilets jaunes », puis avec celui contre la loi « sécurité globale ».

      A première vue, la scène est classique. Le 28 novembre, lors de la manifestation parisienne contre la loi « sécurité globale », des manifestants affrontent les forces de l’ordre, comme c’est devenu la règle à chaque manifestation depuis le mouvement contre la loi travail, en 2016. Ils font partie du cortège de tête et sont adeptes de la stratégie du black bloc, où des militants radicaux se réclamant de l’antifascisme, de l’anarchisme ou de l’autonomie revêtent une tenue entièrement noire, masques ou cagoules compris, afin de ne pas être identifiables. Mais, si l’on s’attarde sur les détails, ce qu’il se passe ce jour-là semble incongru. La charge se fait derrière une banderole qui est bien particulière : elle représente un portrait de Diego Maradona, joueur de football argentin et idole d’une partie de la gauche, mort trois jours plus tôt.

      Cette irruption du football dans une manifestation politique n’est pas anecdotique. Elle marque les liens forts qui unissent depuis plusieurs années, notamment à Paris, une partie des supporteurs radicaux des tribunes, les ultras, et ceux du mouvement social. Les « ultras » – qui soutiennent de manière collective et organisée leur équipe avec des chants, des slogans et des scénographies, pour qui la violence est acceptée mais n’est pas une fin en soi, contrairement aux hooligans – étaient ainsi présents dans les cortèges contre la loi travail il y a un peu plus de quatre ans, pendant le mouvement des « gilets jaunes » en 2018-2019 et, donc, cette fois-ci contre la loi « sécurité globale ». Edouard (le prénom a été changé), la petite trentaine, supporteur du PSG et qui manifeste dans le cortège de tête, confirme : « Il y a pas mal d’ultras qui viennent des tribunes. Cette fois-ci, c’est dans de plus fortes proportions : il y en avait 30 à 50 en première ligne aux dernières manifs. »

      Plus encore que numériquement, l’influence ultra se note dans certains codes repris dans les cortèges : des chants rythmés par des clappings (comme le chant Siamo tutti antifascisti, « nous sommes tous antifascistes »), la généralisation des fumigènes (utilisés par les seuls cheminots dans les années 1990) et, surtout, le mot d’ordre « ACAB ». Cet acronyme signifie « All Cops Are Bastards » (« Tous les flics sont des bâtards »). On peut le retrouver dans sa déclinaison numérique (« 1312 », selon l’ordre des lettres dans l’alphabet), voire dans une version « horaire » avec, parfois, des rassemblements convoqués à 13 h 12. Il est peu à peu devenu un signe transversal de ralliement et de sentiment antipolice.

      Des codes « spectaculaires »

      Au départ, ACAB est une chanson d’un groupe skinhead londonien, The 4-Skins, sortie au début des années 1980. La première fois que des ultras le reprennent sur une banderole, c’est à Padoue, en Italie, dans les années 1990. Sa déclinaison numérique est quant à elle l’idée des supporteurs de Livourne. « Les ultras importent des codes, une nouvelle manière de faire. Ces codes sont repris car ils sont spectaculaires dans l’espace public, encore plus dans une manifestation, explique au Monde Sébastien Louis, docteur en histoire contemporaine, spécialiste du supportérisme radical. Chez les ultras, il y a une cohésion de groupe, où le collectif est mis en avant par rapport aux individualités. Il y a aussi des personnes prêtes à aller au contact, qui sont disposées à la violence. C’est quelque chose que les militants d’extrême gauche n’ont pas, à part dans les manifs. »

      Olivier Laval, ancien ultra parisien, qui collabore à Encré dans la tribune, revue spécialisée sur ce thème, détaille : « Les ultras ont une aptitude à faire face aux forces de l’ordre. Aucun segment de la population n’est autant confronté au maintien de l’ordre qu’eux. Quand, toutes les semaines, tu vois des CRS ou des gendarmes mobiles, ils ne t’impressionnent plus. Ils savent se fondre dans la masse pour ne pas se faire repérer, leur mode opératoire est fait de petits groupes mobiles. »

      Le sigle « ACAB » est, en tout cas, passé des tribunes aux cortèges. La multiplication des affaires de violences policières, aussi bien pendant les manifestations qu’en dehors, joue ainsi un rôle de ciment pour des contestations protéiformes qui dépassent les structures traditionnelles syndicales et partidaires. Les images d’affrontements avec les forces de l’ordre lors des manifestations peuvent également attirer des supporteurs au départ peu politisés, pour qui le réflexe « antiflic » reste une base de la culture ultra.

      Ce mélange des genres n’est pas nouveau. Il est même consubstantiel aux ultras. Cette mouvance est née dans l’Italie de la fin des années 1960. Pour la première fois, des jeunes tifosi s’organisent au sein de groupes aux noms provocateurs comme les Fedayn (AS Roma) ou les Brigate rossonere (« brigades rouges et noires ») du Milan AC. Certains d’entre eux reprennent même le geste mimant le pistolet P38, comme dans les cortèges de la gauche extraparlementaire de l’époque. « Il s’agit davantage d’une source d’inspiration et d’une récupération des noms et des symboles que de l’expression immédiate d’une culture politique. Les ultras ne sont pas des courroies de transmission des organisations extraparlementaires qu’ils parodient », nuance Sébastien Louis, dans son livre référence Ultras, les autres protagonistes du football (Mare et Martin, 2017).

      En près de cinquante ans, les interactions entre ultras et contestation politique ont cependant évolué, voire ont changé de nature : en Europe, les idées d’extrême droite ont peu à peu gagné les esprits, en particulier en Italie (Vérone, Lazio Rome, entre autres) ou encore en Grèce. Au Moyen-Orient, les ultras ont joué un rôle important lors de la révolution égyptienne de 2011 contre le régime d’Hosni Moubarak. Ces supporteurs deviennent, ici ou là (Turquie, Tunisie…), des acteurs politiques évoluant hors des structures institutionnelles.

      Une « porosité limitée »

      En France, dans la géographie des virages ultras, Paris est une exception. Pourquoi certains ultras viennent-ils aujourd’hui dans le cortège de tête ? La polarité entre les tribunes Auteuil du Parc des Princes (dont les abonnés sont souvent issus des quartiers populaires et ont, au fil du temps, assumé un discours antiraciste) et Boulogne (où de nombreux supporteurs, par le passé, étaient d’extrême droite) a joué il y a quelques années le rôle d’un catalyseur, d’un accélérateur de conscientisation politique.

      Pour comprendre ce phénomène, il faut revenir aux années 2005-2010 et à la « guerre des tribunes parisiennes ». Les ultras d’Auteuil prenant de plus en plus de poids, les incidents et les affrontements se multiplient et s’intensifient avec leurs rivaux de Boulogne, en particulier les hooligans. Jusqu’au 28 février 2010, où une bagarre entre les deux tribunes laisse un blessé grave, Yann Lorence, du kop de Boulogne. Il mourra après trois semaines de coma. A la suite de ces événements, le président du PSG de l’époque, Robin Leproux, met en place son plan de sécurisation du stade, les ultras se retrouvant « à la rue ». Edouard se souvient : « L’antagonisme avec Boulogne a radicalisé une minorité à Auteuil. C’est comme ça que j’ai rencontré des militants, en allant traîner à Ménilmontant [quartier parisien où les antifascistes sont implantés]. »

      Sébastien Louis confirme : « Paris est un cas spécifique en raison de l’opposition entre les Tigris Mystic [groupe de la tribune Auteuil, aujourd’hui dissous] et Boulogne, de la violence qui a continué autour du stade [en 2010]. » Il poursuit : « C’est vrai qu’il y a des signes de politisation, comme la banderole à Auteuil dénonçant la politique extrêmement répressive de la Chine contre les Ouïgours [en 2019], mais il faut rester prudents. Certains ultras fréquentent des activistes de gauche, ils se nourrissent. Mais la porosité est limitée. Peu d’ultras sont militants et peu de militants sont ultras. » En clair : si des ultras participent à certaines manifestations, la grande majorité se tient très éloignée de la politique. Certains préfèrent ainsi les actions caritatives, comme à Saint-Etienne où ils distribuent des colis alimentaires.

      « Rupture générationnelle »

      Il n’empêche. La situation des tribunes parisiennes a contribué à l’émergence d’une nouvelle génération de militants, dont l’Action antifasciste Paris-Banlieue (AFA) est la composante la plus connue. « Il y a eu une rupture générationnelle dans le mouvement antifasciste parisien, confirme Marco (le prénom a été changé), 33 ans, qui évolue dans ces milieux. Avant, c’était très influencé par le punk rock et les redskins [skinheads d’extrême gauche], la CNT [Confédération nationale du travail] était hégémonique. Le nouveau mouvement antifa naît avec une génération tournée vers le stade, notamment à Auteuil, qui est fortement implantée en banlieue et qui a plus une culture rap. Le lien se fait au moment de “la guerre des tribunes”, où des gens du stade sont venus avec les antifas pour aller trouver les mecs de Boulogne. » A en croire certains activistes du cortège de tête, il y a aujourd’hui une « agrégation » entre les militants « autonomes, des “gilets jaunes”, des gens qui viennent du stade. Et les antifascistes font le lien ».

      Il est vrai qu’une des particularités de l’AFA est d’être à la confluence de ces divers mouvements. Ses militants théorisent l’idée d’« autodéfense populaire », qui entend combattre, selon leur terminologie, « les aspects fascistes » du régime politique français, notamment, selon eux, les violences policières dans les quartiers populaires ou la « justice de classe ». Une répression qui s’exprime, toujours selon ces militants, d’abord dans les quartiers populaires mais aussi envers les supporteurs de football, avant de se généraliser à l’ensemble du mouvement social. En découle une convergence des objectifs contre un système qui s’incarne dans un adversaire commun : le policier.

    • « Le black bloc est difficile à cerner, il s’agrège et se défait au gré des événements » , Sylvain Boulouque, historien, 29 avril 2019
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/04/29/le-black-bloc-un-ensemble-heterogene-aux-traditions-politiques-bigarrees_545

      Plusieurs générations et traditions politiques cohabitent au sein de cette mouvance qui pratique l’émeute urbaine pour lutter contre le capitalisme, explique l’universitaire Sylvain Boulouque dans une tribune au « Monde ».

      Tribune. Depuis maintenant une vingtaine d’années, dans de nombreuses manifestations et partout dans les démocraties libérales, un nouveau groupe est apparu dans les cortèges : le black bloc, qui se présente comme une nouvelle pratique de l’anticapitalisme, en réplique aux nouveaux moyens de surveillance et de contrôle, et aux mutations de l’économie mondiale.

      Le black bloc est avant tout une pratique manifestante. Formés de plusieurs dizaines ou centaines de personnes qui se masquent le visage et se couvrent de vêtements noirs, ces groupes cherchent à faire reculer les barrages policiers et à ouvrir un trajet non officiel aux manifestations. Ils assument et s’efforcent de banaliser un niveau de violence urbaine impliquant des risques élevés, tant pour les membres des forces de l’ordre que pour eux-mêmes, et pour les manifestants de base pris dans les affrontements.

      De plus en plus souvent mixte – la présence de femmes y est en augmentation –, le black bloc est difficile à cerner, tant politiquement que socialement.
      Au-delà de l’aversion commune envers le « capitalisme », il recrute sur des bases plus affinitaires que strictement idéologiques. Il s’agrège et se défait au gré des événements. Défiant l’ordre public, il s’en prend à tout bien matériel susceptible de symboliser le libéralisme économique et laisse derrière lui, inscrits au fil des dégradations, des slogans souvent rédigés dans une veine sarcastique.

      Anonymat

      Le black bloc n’a pas pignon sur rue. Si des appels explicites à l’émeute urbaine circulent et peuvent être relayés, notamment sur certains sites et sur les réseaux sociaux, ils ne sont pas signés et, comme la tenue noire, renvoient à l’anonymat. Ses membres, sauf exception, ne revendiquent jamais ouvertement leur participation.
      Pour pouvoir se mettre en ordre de bataille, le black bloc bénéficie de la bienveillance des autres manifestants qui, sans prendre part aux affrontements, protègent sa formation. Le « cortège de tête », informel, avec lequel il n’a pas de démarcation claire, est à la fois son refuge et sa protection.

      Dans ces groupes, plusieurs générations et plusieurs factions politiques cohabitent. Les plus anciens ont transmis l’expérience acquise depuis les années 1970. Si dans les deux décennies suivantes, les actions violentes sont devenues moins fréquentes, la culture de l’émeute n’a pas pour autant disparu.

      Anarchisme

      En Europe, ces pratiques renaissent à Gênes (Italie) en 2001 puis à Evian (Haute-Savoie) en 2003. Une nouvelle vague d’émeutiers émerge à Strasbourg, puis à Poitiers en 2009, rejoints ensuite par une frange des participants aux « zones à défendre » de Notre-Dame-des-Landes (loire-Atlantique) et de Sivens (Tarn) entre 2014 et 2018.
      S’y mêlent certains manifestants contre la « loi travail » en 2016, des participants aux mouvements universitaires de 2018, jusqu’à la « casse » d’ampleur du 1er mai 2018. Il semble falloir compter aujourd’hui aussi avec le ralliement de « gilets jaunes ».

      Le black bloc forme donc un ensemble hétérogène aux traditions politiques bigarrées, comme le résume le slogan « Beau comme une insurrection impure », renvoyant au mélange des appartenances et des révoltes. Il bénéficie de la mansuétude voire du soutien tacite d’une partie de la gauche radicale anticapitaliste.

      Les groupes se réclamant de l’anarchisme sont une composante importante, comme l’indiquent les drapeaux noirs et noir et rouge ainsi que le « A » cerclé bombé sur les murs. A la frontière entre anarchisme et marxisme, les différents courants héritiers de « l’autonomie » des années 1980, refusant les formes traditionnelles de la contestation politique, sont très présents.

      De manière toujours informelle et déterminée par des choix individuels, des membres et des sympathisants de diverses déclinaisons du marxisme, se réclamant pour quelques-uns du maoïsme et pour d’autres du trotskisme, participent aussi aux affrontements. Cette porosité – impensable jusque dans les années 1990 – s’explique par l’affaiblissement des barrières idéologiques, les solidarités de terrain l’emportant sur les appartenances politiques.

      Patchwork idéologique

      L’explication est à chercher dans leurs engagements spécifiques et notamment dans la sociabilité associative.
      Toujours sans aucune généralisation possible, les émeutiers peuvent appartenir à des nébuleuses variées : antifascistes radicaux, membres de collectifs contre les violences policières, aide aux migrants, écologie radicale, collectifs féministes, groupes de « solidarité internationale » avec les Palestiniens et les Kurdes, par exemple. La pratique sportive joue aussi un rôle, des sports de combat jusqu’au football, notamment à travers les clubs de supporteurs des villes ouvrières ou des quartiers populaires.

      Loin du cliché sur les émeutiers issus prioritairement des milieux intellectuels, le black bloc actuel est beaucoup plus divers dans sa composition sociale. Si les premières analyses des participants au début des années 2000 montraient un haut niveau d’études, les différents éléments aujourd’hui recueillis soulignent une présence plus forte des milieux populaires.

      Cette « sédimentation » insurrectionnelle repose également sur des cultures musicales partagées. Si les plus anciens ont baigné dans l’atmosphère du punk rock anglais, les générations récentes ont de nouvelles références, où les paroles et les concerts soulignent la détestation de l’ordre social.

      Les références historiques mises en avant témoignent aussi de ce patchwork idéologique : la Révolution française, la Commune de Paris restent incontournables mais s’y ajoutent les révoltes contemporaines. Les slogans utilisés soulignent le caractère bigarré d’une mouvance où se mêlent le vocabulaire propre aux banlieues, les clins d’œil aux séries télévisés, mais aussi la reprise d’aphorismes de René Char, comme « Agir en primitif et prévoir en stratège ».

      Le black bloc souligne l’hétérogénéité des formes de l’anticapitalisme contemporain. Ses participants sont pour beaucoup des enfants de la démocratisation scolaire. Majoritairement issus des banlieues proches et plus marginalement des centres-villes, beaucoup se sont formés à la politique sur les bancs de l’université.
      Les métiers qu’ils exercent recoupent en grande partie les classes moyennes. Ils renouvellent une volonté de rupture avec le fonctionnement de la société actuelle et s’inscrivent dans une forme de continuité, comme si les « enragés » d’hier étaient devenus les « ingouvernables » d’aujourd’hui.

      #anticapitalisme #black_bloc #analyse #histoire

    • Black blocs : qu’est-ce que la « violence légitime » ?
      https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/05/09/black-blocs-qu-est-ce-que-la-violence-legitime_5296478_4401467.html

      La violence est un état de fait, elle est aussi un problème de droit, analyse le professeur de philosophie Thomas Schauder. Sans une certaine dose de violence, l’ordre peut-il être respecté ? Et sans violence, l’ordre pourrait-il être renversé ?

      #violence_politique #violence_légitime

    • Black bloc : « La multiplication des manifestations a offert à certains l’occasion d’apprendre le cycle provocation-répression », Sylvain Boulouque, Historien
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/21/black-bloc-la-multiplication-des-manifestations-a-offert-a-certains-l-occasi

      Tribune. Contrairement à ce qui est généralement affirmé, le black bloc n’est pas un mouvement politique, mais une pratique manifestante, apparue d’abord dans la mouvance autonome allemande et qui s’est depuis développée dans la gauche émeutière européenne. L’un des premiers Schwarzer Blocks est apparu à Frankfurt, le 1er mai 1980. Il s’agissait d’un groupe anarchiste manifestant le visage découvert.

      L’expression est ensuite reprise par la police allemande pour désigner les autonomes tentant d’empêcher les expulsions des squats. Elle connaît une réappropriation positive dans les années 1990 et se dessine sous sa forme actuelle. Le black bloc est aujourd’hui une pratique manifestante internationale qui se retrouve aussi bien à Hongkong, à Barcelone, à Santiago…

      Les émeutiers ne se revendiquent pas forcément de cette mouvance. Cette pratique prend une tonalité particulière en France parce qu’elle s’inscrit dans la continuité de deux siècles d’émeutes urbaines depuis la Révolution française. En France, actuellement, de l’observation du phénomène black bloc, quelques constantes se dégagent.

      Une force capable de défier l’Etat

      Le bloc se constitue en avant ou dans le cortège au début ou au cours des manifestations. Pour se développer, il doit bénéficier d’un effet de surprise, d’un terrain et d’un milieu favorables. Le bloc se forme au sein d’une foule plutôt bienveillante, parfois appelée, en fonction de sa place dans la manifestation, « cortège de tête ». Il lui sert de zone de protection et de refuge. Ses participants s’habillent de noir pour rester dans l’anonymat et éviter toute personnalisation, par refus du principe du chef et parfois même par romantisme révolutionnaire.

      Les émeutiers se pensent et se constituent comme une force capable de défier l’Etat. Ses membres affirment une forme de désobéissance civile. Ils rejettent les manifestations imposées par les pouvoirs publics et s’inscrivent dans une logique révolutionnaire visant à rompre avec les pratiques dites réformistes des manifestations pacifiques. Le recours à la violence est une de ses expressions possibles. Il est l’affaire de choix individuels ; tous les manifestants physiquement présents au sein du bloc ne participent pas à l’émeute ou à des actions violentes, mais se montrent solidaires ou refusent de condamner les choix des autres.

      Force est de constater que les actions du black bloc ne sont médiatisées que lorsque certains de ses participants ont recours à la violence. Ainsi, peu de commentateurs ont fait état de l’existence d’un « pink bloc » lors de la manifestation féministe du 23 novembre 2019 à Paris ; personne, ou presque, n’a relevé qu’à Hambourg, le 6 décembre dernier, un black bloc de plus de 3 000 personnes a manifesté pacifiquement pour afficher sa solidarité avec cinq manifestants incarcérés lors de précédentes manifestations pour des actions violentes.

      Des émeutiers pas tous issus de la catégorie des CSP +

      Inversement, les dégradations sont filmées en direct avec une forme de fascination, voire une certaine délectation. Elles sont ensuite reprises en boucle et font l’objet d’une avalanche de déclarations politiques, traduisant les discours sécuritaires qui viennent étayer des projets de lois ou des discours politiques dans les traditions des mouvements de droite conservatrice ou nationaliste, sur lesquels se greffe une pseudo-analyse du phénomène black bloc, souvent éloignée des réalités sociopolitiques.

      Les émeutiers appartiendraient tous à la catégorie des CSP +, seraient des enfants de bonnes familles, voire des enfants d’enseignants. Or, excepté quelques cas isolés, rien ne permet de valider ces hypothèses. Régulièrement brandi par une partie de la sphère politique de gauche et de droite, le thème des provocations policières – les « casseurs » seraient manipulés pour discréditer les mouvements revendicatifs, voire certains d’entre eux seraient des policiers – relève, pour l’essentiel, de la fantasmagorie.

      Cette fantasmagorie rejoint des thèses avancées principalement par le Parti communiste français pour qualifier les actions des autonomes dans les années 1970, sans qu’aucune preuve n’ait été apportée, hormis la réalité de certaines infiltrations à des fins de surveillance. Dans la même logique, une partie de la mouvance antifasciste est parfois incriminée par l’extrême droite, qui, par un procédé rhétorique, cherche à jeter l’opprobre sur le mot même.

      Un reflet de l’évolution d’une partie de la société

      Si les tenues et les pratiques manifestantes peuvent parfois être proches et si quelques manifestants participent à ces actions, rien ne prouve que la majorité des militants qui se revendiquent « antifas » participent aux violences. L’accusation de laxisme de la justice bute sur la réalité des faits. Des dizaines de personnes ont été condamnées à des peines de prison ferme et plusieurs centaines ont été frappées d’interdiction, avec des mises à l’épreuve, de manifester ou de se rendre dans les villes le jour des manifestations depuis 2016.

      Ces débats biaisés empêchent de comprendre la nature et la transformation du phénomène. En effet, si le black bloc est une pratique manifestante, cherchant à renvoyer l’Etat à ses propres contradictions, il est aussi un reflet de l’évolution d’une partie de la société, la renvoyant à sa propre violence. La forme du black bloc semble en mutation, un reflet et une conséquence de la déshumanisation et de la crise sociale, d’une part, et de l’augmentation des violences policières, d’autre part.

      Comme la pratique émeutière se diffuse in situ, par l’expérimentation de la rue, la multiplication des manifestations a offert à de nouvelles générations l’occasion d’apprendre le cycle provocation-répression. Les anciennes générations cohabitent avec de nouvelles, dont le profil évolue. On assiste à un élargissement générationnel – des mineurs aux cinquantenaires –, quantitatif, et à une diffusion géographique du nombre de personnes pouvant potentiellement participer aux émeutes.

      L’émergence d’une nouvelle forme de conflictualité

      Les blocs se formaient principalement dans quelques îlots (Paris, le Grand-Ouest). Aujourd’hui, dans toutes les grandes villes se produit ce type d’action. Socialement, une mutation s’opère. Les informations qui émergent suite aux différents procès et aux comparutions immédiates montrent que toutes les catégories sociales se retrouvent devant la justice. Aux profils majoritairement d’étudiants et d’ouvriers qui composaient les accusés auparavant succèdent, devant les tribunaux, des individus aux situations encore plus précaires.

      Ils viennent non des centres-villes mais des banlieues et, plus encore, des périphéries. La socialisation politique évolue. Les nouveaux émeutiers se sont forgé une opinion de manifestation en manifestation. Les slogans et graffitis qui accompagnent les émeutes se sont modifiés. L’anticapitalisme demeure, mais le caractère sarcastique et symbolique des attaques s’est réduit, sans avoir totalement disparu.

      Cette mutation traduit l’émergence d’une nouvelle forme de conflictualité, illustration d’une rupture interne dans la violence politique et sociale, subie comme exprimée. Le caractère jusque-là codifié des émeutes tend à disparaître. La tendance actuelle est bien plus inscrite comme une forme de révolte contemporaine qui, faute de perspectives, verse dans le nihilisme.

      #autonomes #anticapitalisme #précaires

    • Emmanuel Macron, le vertige autoritaire

      La décision de mobiliser la troupe, samedi, pour endiguer les manifestations à Paris est sans précédent depuis les grandes grèves de 1947-48. Année après année, le mouvement social est un peu plus criminalisé et les libertés bafouées. Homme sans limites et sans mémoire, le chef de l’État franchit un nouveau pas.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/210319/emmanuel-macron-le-vertige-autoritaire?onglet=full
      #autoritarisme

    • Dérive autoritaire

      Plus rien ni personne ne semble en mesure de freiner la dérive autocratique d’Emmanuel Macron. Ni l’escalade policière, et désormais militaire, s’abattant sur les gilets jaunes. Après l’adoption d’une nouvelle loi anticasseurs, des périmètres entiers, comme les Champs-Elysées à Paris, seront interdits de cortèges. Pour un mot de trop, les opposants politiques sont menacés de poursuites judiciaires. L’armée sera appelée en renfort ce samedi, pour l’acte XIX. Elle protégera certains établissements publics afin de permettre aux CRS de se déployer au contact des manifestants. Un véritable retour en arrière : ce n’était pas arrivé en métropole depuis la répression de la #grève_des_mineurs en 1947, et la #Guerre_d’Algérie.

      Dans la rue, ceux qui osent encore manifester, qui ne sont pas déjà amendés, en prison ou assignés à résidence, courent le risque de se faire gazer, tabasser, voire de perdre une main ou un œil. #Zineb_Redouane, une octogénaire victime d’un tir tendu de lacrymogène, est même décédée à Marseille, dans l’indifférence du gouvernement. D’autres morts devront-ils s’ajouter à la longue liste des victimes de #violences_policières en France ? Les centaines d’#Algériens en 1961, les communistes du #métro_Charonne un an plus tard, les manifestants de mai-juin 1968, #Vital_Michalon en 1977 à #Super-Phénix, #Malik_Oussekine en 1986, #Rémi_Fraisse en 2014…

      Enfermé dans ses certitudes et son mépris de classe, le gouvernement n’entend pas dialoguer. Sa seule réponse consiste à traiter le mouvement social par la #répression. #Nicolas_Sarkozy avait ouvert la voie pour mater les #banlieues. Une politique poursuivie par #Manuel_Valls lors des manifestations contre la #Loi_travail et #Nuit_debout. Rien sur le fond. Certes, il y a eu des débats. Un grand show, même. Mais d’inflexion de la politique menée, point. Des revendications des gilets jaunes (pouvoir d’achat, rétablissement de l’ISF, démocratisation de la vie politique, etc.), il ne restera rien, ou alors l’indexation des retraites. Et encore.

      Comme il paraît lointain le temps des rassemblements paisibles sur les ronds-points. Le mouvement était trop populaire. Il fallait le casser, le morceler, le discréditer, le pousser à la radicalisation. Instiller la #peur. Réduire le mouvement social à une bande de #casseurs. Les chaînes d’info en continu ont contribué à alimenter un climat de #guerre_civile. Histoire d’obliger tout le monde à rentrer chez soi. Reposer le couvercle sur la marmite. Jusqu’aux prochaines élections. Ça pourrait marcher. Espérons que non.

      https://lecourrier.ch/2019/03/21/derive-autoritaire

  • Dictionnaire amoureux du #cortège_de_tête
    https://grozeille.co/dictionnaire-amoureux-cortege-de-tete

    "On profite de ce beau samedi pour rappeler quelques réflexions sur la casse, glanées lors d’un vieux micro-trottoir : « la casse est un geste créatif et poétique qui produit de la joie et de la beauté à partir d’un monde triste et morne » (Jérôme, 32 ans, casseur et poète) ; « la #casse, c’est un début de réponse aux véritables ravageurs de notre planète » (Marie, 22 ans, casseuse et écolo) ; « par son caractère transgressif, la casse oblige à prendre soin les uns des autres » (Ahmed, 49 ans, casseur et psy) ; « la casse signe les retrouvailles avec une puissance politique perdue dans le droit de vote » (Caroline, 70 ans, retraitée qui aime les casseurs) ; « la casse, ça redonne de l’offensivité à des manifestations qui étaient parfaitement gérées et contrôlées par les autorités » (Julie, 27 ans, syndicaliste casseuse) ; « la casse : un outil de négociation avec qui ne veut plus négocier » (Maurice, 52 ans, chercheur et casseur) ; « la casse permet d’appliquer ce qu’on a appris en cours de philosophie et d’histoire géo » (Ilyna, 18 ans, lycéenne et casseuse) ; « quand on est assez de #casseurs on n’est plus des casseurs, on est un événement » (Jésus, un ancien de mai 68) ; etc., etc."

  • Un coup très dur au droit de manifester pacifiquement en France - Amnesty International France
    https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/un-coup-tres-dur-au-droit-de-manifester-pacifiquement

    Le #droit français existant permettait déjà largement de prévenir, interpeller, poursuivre et sanctionner lourdement des personnes commettant des actes de #violences lors de #manifestations.

    Contrairement à son intitulé, cette nouvelle loi n’apportera rien contre les « #casseurs », et ne protégera surtout pas les manifestants pacifiques. Au contraire, elle ouvre en grand la porte à l’#arbitraire des #pouvoirs exécutifs d’aujourd’hui et de demain.

  • Appel des Gilets Jaunes de Montreuil en réponse à Commercy - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=mfjcqj001Rc

    A Montreuil aussi, nous avons enfilé des #gilets_jaunes et nous nous sommes installés tous les jours en face du rond-point de Croix de Chavaux comme partout en France. Ça nous a permis de nous rencontrer autour d’une soupe, de débattre autour d’un brasero, de tisser des solidarités malgré des horizons très différents et de parvenir à sortir de l’isolement. Cela nous a aussi permis de rappeler que les #banlieues parisiennes, comme à Pantin, à Saint-Denis, à Ivry, à Aulnay, ont bien rejoint le mouvement.

    Le gilet jaune est le symbole d’une révolte.
    Il est bien trop tôt pour rentrer chez soi et il n’est pas trop tard pour en sortir !

    Nous sommes révoltés à cause de l’humiliation et du mépris. L’extrême richesse de certains, la soif de pouvoir des politiciens, le saccage de la planète par les plus riches et les violences de l’État sont allés trop loin.

    Les mains arrachées, les manifestants éborgnés, la jeunesse alignée à genoux, les milliers d’inculpés et les centaines d’incarcérés sont venus s’ajouter à la #répression policière quotidienne exercée à l’encontre des quartiers populaires depuis des années. Nous n’oublions aucune victime du « #maintien_de_l’ordre » et nous affirmons notre #solidarité aujourd’hui comme demain.

    On essaie comme toujours de séparer les « bons gilets jaunes » et les « #casseurs ». 300 personnes qui s’affrontent avec la #police pour défendre un rond point, c’est de l’autodéfense populaire et 3000 personnes qui attaquent des banques ou des ministères, c’est le soulèvement d’un peuple en colère !

    Pour obtenir ce que nous désirons, ne tombons pas dans le piège des #médias et du pouvoir en définissant des limites à notre mouvement.

    Ni les miettes que nous propose le gouvernement, ni un « débat national » dirigé par lui-même, ni l’obtention du RIC n’arrêteront le magnifique moment qui est en train de s’ouvrir.

    Certains doutent et ont peur de l’incertitude de l’après. Nous répondons que dans la façon dont s’organise la révolte des gilets jaunes nous avons déjà beaucoup de pistes pour vivre dans des territoires désirables.

    Face à la révolte, la plus vieille des techniques du pouvoir est de nous diviser. Nous ne devons pas tomber dans ce piège.

    Plutôt que le chacun pour soi, l’individualisme et la soif d’argent qui permettent le maintien de ce pouvoir, c’est la solidarité et le partage que nous avons à développer : Nous avons vu qu’ensemble nous sommes bien plus forts !

    Nous savons bien que ceux qui privent les habitants de ce pays d’une vie digne ne sont ni les #immigrés ni les #exilés mais bien l’insolente richesse de certains et ce système injuste

    Voilà pourquoi nous pensons que la différence ne doit pas constituer une frontière : ni la couleur de peau, ni le lieu de naissance, ni le genre, ni l’orientation sexuelle, ni la religion ne serviront de prétexte pour nous diviser. Nous devons être unis dans nos différence si nous voulons bâtir un monde plus juste et plus beau.

    En Irak, Tunisie, Belgique, Kurdistan, Syrie, Japon, Hongrie, Espagne, Burkina Faso, Égypte, Angleterre, Maroc, Italie et dans bien d’autres endroits des gens mettent des gilets jaunes pour montrer leur colère : Notre révolte n’a pas de frontière !

    Nous ne laisserons plus personne, qu’il soit président, maire ou « représentant » décider à notre place de nos conditions d’existence.

    L’organisation par rond point, par quartier, par village, par commune nous permet de reprendre le contrôle de nos territoires et donc de nos vies.
    C’est cela qu’il nous faut continuer et viser si nous voulons que les choses changent vraiment.

    A Montreuil, nous lançons un « club gilets jaunes » à l’image de ce qui se faisait durant la Révolution Française où l’on se rencontrait dans des clubs d’éducation populaire. Car se réapproprier le savoir permet de nous rendre moins manipulables et de faire émerger une #intelligence_collective au service d’actions concrètes pour améliorer notre quotidien.
    Nous appelons à la multiplication de ce genre de club sur tous les territoires.

    Sans pour autant effacer la diversité et l’autonomie de nos organisations et initiatives locales nous pensons qu’il est important de nous lier et de nous rencontrer pour renforcer le mouvement des gilets jaunes.

    C’est pour cela que nous serons présents à #Commercy et que nous appelons depuis Montreuil à ce que des gilets jaunes de partout participent à l’assemblée des assemblées.

    C’est le début d’une révolution qui veut construire une société plus digne et plus juste, pour nous et nos enfants. Nous nous arrêterons pas même si cela doit prendre 100 ans. Pour que le peuple décide lui-même de comment il veut vivre.

    Entendez cet appel : continuons le début, prenons le chemin de la révolution !

    #violence_d'État

  • Une France qui se tient sage

    Aveugles et hostiles à l’intelligence d’un mouvement qui retourne contre le néo-pouvoir les #valeurs qu’on lui inculque (#disruption, #mobilité, #agilité) et qui renvoie la #police à sa #violence archaïque (#blindés, #voltigeurs et #police_montée), les médias auront été les meilleurs #chiens_de_garde du #pouvoir et de la police, mais aussi les révélateurs du mépris des #élites et des journalistes pour les gilets jaunes, ces ploucs défavorisés : Cnews invitant #Patrick_Sébastien qui connaît ces gens-là, Le Monde les traitant d’« #invisibles » (mais aux yeux de qui ?), des philosophes contrits qui auraient préféré voir surgir un autre #peuple, plus jeune et plus mixte, congédiant ce peuple-ci comme beauf et FN. Et tous ces #experts nous expliquant que la #révolte a lieu grâce au changement d’#algorithme de #Facebook accentuant le rôle des « groupes », comme si les gens n’étaient pas capables de s’assembler tout seuls, et qu’il fallait bien une intelligence supérieure pour les sortir de leur bêtise. Merci M. Zuckerberg d’illuminer nos campagnes. Or le #mouvement est d’abord un mouvement de #rond-point, de #proximité et de #rencontres, qui provoque une extraordinaire redistribution des rôles.

    Le récit raconté par les médias était répugnant. La #TV s’est encore une fois ridiculisée face à #Internet. D’un côté cette image terrifiante présentée comme sécurisante au JT de 20 h, le 15 décembre, de manifestants devant l’Opéra qu’on empêche de rejoindre les Champs sous l’œil de la police montée prête à charger. De l’autre la profusion sauvage des « vidéos de #violences_policières », qui à force deviennent un genre en soi. Au Burger King à Paris, une femme est matraquée au sol, à Biarritz, en marge de tout mouvement de foule, une autre est frappée au visage par un tir de flash-ball. D’abord on empêche de manifester, puis on parque dans une fan zone, ensuite on gaze, et la semaine suivante on interdit les casques, masques et lunettes, indices de « radicalisation ». Des #CRS caparaçonnés en Robocop visent la tête nue de gilets jaunes auxquels on retire le droit de se protéger. Résultat : 170 personnes à l’hôpital à Paris le 8 décembre. 24 plaintes de photographes et journalistes. #Intimidation totale des manifestants. Et la honte : Paris se refermant sur lui-même comme un château-fort face aux hordes de manants.

    Les médias n’agissent pas que par obéissance, mais par perplexité et bêtise, parce qu’il leur manque une case : la case politique. Habitués à commenter des stratégies électorales, ils ne comprennent pas quand émerge un #fait_politique, ils ne le voient pas. Ils répètent que le mouvement n’est pas politique (alors qu’il n’est pas partisan, ce n’est pas la même chose). À la place, on le moralise (la violence, c’est mal !), on le judiciarise. On le scinde : les bons manifestants (qui se tiennent sages) et les mauvais (qui cassent). On parle de casseurs en mélangeant les pilleurs qui en profitent et les manifestants en colère qui se demandent jusqu’où ils sont prêts à aller. Pire encore : on militarise le conflit. Les médias ont parlé de scènes de guerre (quand parfois brûlaient juste une poubelle et un sapin de Noël), fantasmé la guerre civile, épouvantail agité par un État irresponsable qui comptait bien monter les uns contre les autres (« il va y avoir des morts ! »). La police a sorti les chiens, joué aux cow-boys avec ses LBD40, des flash-balls augmentés. Un quart de Paris a été transformé en ville morte, 46 stations de métro fermées le 15 décembre. Il fallait y être pour voir les gilets jaunes transformés en âmes errantes cherchant un endroit où se retrouver. Et on s’étonne de la colère du peuple alors qu’on le traite en ennemi ?

    Le contrechamp logique est la vidéo inouïe des lycéens de Saint-Exupéry à #Mantes-la-Jolie, qui dit l’ambition de ce pouvoir de plus en plus autoritaire. Une France qui se tient sage comme une image. La #banlieue ressemblait soudain aux pires fantasmes de BFM, TF1 ou LCI : à la Syrie. Une voix sinistre se félicitait en sifflotant : « Voilà une classe qui se tient sage, faudra balancer à leurs profs, je pense ils ont jamais vu ça. » Des #images « choquantes » ont dit les médias : ça n’engage à rien. Même ce planqué de Blanquer l’a dit. Alors qu’elles sont monstrueuses, inadmissibles, inexcusables. Les journalistes ont appris à l’école à ne pas donner leur avis, à recueillir les propos, citer les réseaux sociaux et réciter les éléments de langage. Des lycéens ont été agenouillés comme attendant une balle dans la tête, et jetés au milieu des poubelles, comme des détritus. Quelle leçon le petit coq français sur son fumier va-t-il encore vouloir donner au monde en matière de droits de l’homme ?


    https://www.cahiersducinema.com/produit/edito-n751-janvier-2019-une-france-qui-se-tient-sage

    #médias #gilets_jaunes #presse #journalisme #catégorisation #bons_manifestants #mauvais_manifestants #casseurs
    ping @davduf @reka @fil

  • #Gilets_jaunes : « On veut montrer que la #foule est hystérique, sauvage, barbare »

    Attention, ne pas confondre ! Il y aurait d’un côté les « vrais » Gilets jaunes, ceux des fins de mois impossibles et des problèmes de pouvoir d’achat, et de l’autre côté les #casseurs, les #pillards, les #incendiaires. Telle a été, tout au long des quatre premiers actes du #mouvement des Gilets jaunes le discours médiatique et politique dominant. Que vaut cette distinction en 2018, et que vaut-elle en regard de tous les mouvements insurrectionnels, petits et grands, dont notre Histoire est jalonnée, en remontant à mai 68 et pourquoi pas aussi à la Révolution française ? Questions posées à nos trois invités : #Isabelle_Sommier, sociologue spécialiste des mouvements sociaux et de la violence politique ; #Gérard_Bras, philosophe, auteur des « Voies du peuple » (Ed. Amsterdam, 2017) ; et #Ludivine_Bantigny, historienne spécialiste notamment de mai 68.

    https://www.arretsurimages.net/emissions/arret-sur-images/gilets-jaunes-on-veut-montrer-que-la-foule-est-hysterique-sauvage-ba
    #vrais_gilets_jaunes #catégorisation #distinction

    "LE PEUPLE" EN POLITIQUE DEPUIS LA REVOLUTION - GÉRARD BRAS
    https://www.youtube.com/watch?v=hl95yuyjEBU


    #peuple

  • « Le maintien de l’ordre à la française a explosé en vol » - Le Point
    https://www.lepoint.fr/societe/le-maintien-de-l-ordre-a-la-francaise-a-explose-en-vol-14-12-2018-2279276_23

    Le Point : Vous avez signalé sur Twitter plus de 120 potentiels abus de violence de la part des forces de l’ordre à la suite du mouvement des Gilets jaunes. Que souhaitez-vous montrer avec ces preuves ?

    David Dufresne : Cela fait 25 ans que je m’intéresse aux questions de police, et que j’écris des livres sur le maintien de l’ordre, sur l’affaire Tarnac, Tarnac, magasin général (Calmann-Lévy, prix des Assises du journalisme 2012). Quand j’ai commencé à voir apparaître des vidéos et photos sur Twitter, j’ai commencé à les pointer sans me douter que je rentrais dans un maelstrom de signalements. «  Allô Place Beauvau  » signifie «  chacun son rôle  ». Il y a les journalistes, les citoyens mais aussi la police, l’IGPN, le défenseur des droits, la justice. En ces temps troubles, je suis pour que chacun fasse son travail. Moi, je signale, recoupe, contextualise. C’est un travail de veille, de lanceur d’alerte, de citoyen. Pendant une semaine, il y a eu un déni politique et médiatique sur ces questions-là. Un déni qu’on a encore dans l’allocution d’Emmanuel Macron qui a dit « quand la violence se déchaîne, la liberté cesse. » Je ne sais pas de qui il parle, car la violence se déchaîne dans les deux sens. Il n’y a pas eu un mot sur les blessés, pas un mot sur ceux qui ont été mutilés, blessés à vie. Ce déni de démocratie est vraiment insupportable

    #Maintien_de_L'ordre #police #gilets_jaunes

    • Ce qui au départ était un bloc-note de réflexions et de liens devient en cette fin de journée un gros recoupement de vidéos pour comprendre comment un flic en est venu à sortir son flingue contre la foule, et, sans aucune surprise, constater que les motards ont balancé des grenades contre une foule qui passait ... sans les avoir calculés ! C’est encore plus flagrant grâce à la vidéo live de Remy Buisine qui était justement dans la foule à ce moment là.
      https://seenthis.net/messages/746539
      Effectivement le « maintient » de l’ordre a totalement explosé en vol...
      Cependant toutes ces vidéos me mettent très mal à l’aise car elle vont servir à inculper des gens alors qu’elles devraient servir à les disculper et à questionner les choix policiers...

    • Je crois que la séquence des motos de l’avenue Georges V est une indication forte que les tactiques agressives de maintien de l’ordre ont atteint leurs limites.

      L’emploi réglementaire des grenades dites de « désencerclement » ou du LBD, lanceur de balle dite de « défense » est censé être réservé à des situations critiques. Mais on voit bien que leur utilisation déborde de plus en plus largement de ce cadre, selon un principe qui veut que lorsqu’on dispose d’une arme, on s’en sert ; d’autant plus qu’à de très rares exceptions (cf. https://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKBN1JV1VY-OFRTP ) rien ne vient sanctionner l’usage disproportionné.

      Au fil des répétitions des confrontations hebdomadaires, les protestataires, et parmi eux des groupes déterminés, ont bien compris que leur mobilité couplée à la surprise tactique était leur meilleur atout face à une police en limite de capacité qui commence à ressentir une forme d’épuisement. Il est d’ailleurs probable que certains cadres commencent à douter très fortement des conditions de leur emploi tactique (cf. l’Arc de triomphe le 1er décembre ou la séquence de l’av. Georges V d’hier) et donc de leur commandement voire du bien-fondé des principes tactiques. Voire de la direction politique des opérations.

      Il serait grand temps qu’une logique « républicaine » reprenne le dessus (le maintien de l’ordre n’est pas la guerre !) et mettent enfin en place des méthodes de désescalade. Il y a peu de chances que ce soit dans ce sens que la situation évolue, d’une part parce que la base policière et, en particulier, sa composante « dure » est favorable à une option « musclée », que l’échelon politique n’est pas loin de ne plus la contrôler (les primes et augmentations ne sont pas du tout bon signe - ça a toujours été le réflexe des gouvernements non démocratiques face à des troubles) mais aussi parce que la répétition des affrontements fait qu’à chaque fois la barre est un peu plus haute (cf. toutes proportions gardées les manifestations de deuil tous les 40 jours en Iran en 1978).

      Enfin, avec un niveau politique qui, pataugeant dans les hésitations, commence à laisser percevoir les différends internes, dont la communication tourne à vide et, surtout, recourt à des habiletés de maquignon (les « 100 euros »…) propose une réponse véritablement indigente à la crise, l’exaspération des protestataires ne peut que croître.

      Au rythme où ça va, on peut s’attendre, sous peu, à des incidents dramatiques (des morts lors des affrontements, p. ex.)

    • Effectivement, leur comportement n’a aucun sens.
      Ne pas prévoir à ce point les conséquences de leurs actes me stupéfie.

      On se retrouve avec la bonne vieille question entre l’incompétence et la malhonnêteté. Et on sait qu’ils sont parfaitement malhonnêtes, puisqu’il ne se passe pas un jour sans qu’ils nous insultent ou nous mentent comme des arracheurs de dents, en nous prenant effectivement pour un ramassis de crétins.

      J’en déduis que c’est leur agenda qui leur dicte leurs actes, car personne n’est assez con pour penser qu’en tapant sur l’ennemi et en le traitant de nom d’oiseaux en permanence, il ne va rien se passer.

      Donc, ils nous provoquent depuis 18 mois à présent et je dirais plutôt qu’ils ont dû être terriblement dépités par notre absence de réaction en face. La colère qui éclate, elle couve depuis une trentaine d’années, mais ils l’excitent délibérément depuis l’élection de Macron, le candidat du capitalisme, un mec qui n’a pas une once de charisme et qui incarne tout ce qui est détestable dans ce pays → pourquoi ce choix de la caste des possédants… surtout d’un type qui n’est pas vraiment des leurs ?

      Je pense très sincèrement que la caste des possédants en a assez de nous faire les poches petit à petit, qu’elle s’impatiente, qu’elle a faim… de pouvoir absolu, de curée sans vergogne. Je pense qu’elle pousse à la roue pour que nous nous révoltions enfin d’une manière qui légitimera l’emploi de la force brute et absolue et la fin de la mascarade démocratique qui, même avec la séparation des pouvoirs aux chiottes comme nous le vivons depuis l’arrivée de Macron, ne va ni assez vite, ni assez loin à leurs yeux.

      Ils cherchent délibérément le fait émeutier suffisant pour déclencher la loi martiale. Je pense qu’à ce titre, Macron et ses élus sont totalement sacrifiables (même si, clairement, personne ne leur a dit en leur filant le job) et que les ordres donnés aux flics laissent penser que leurs commanditaires espèrent enfin avoir un lynchage.

      Si tu penses les derniers mois avec le filtre de la mise en place délibérée d’une dictature financière, alors, subitement, plus personne n’agit comme un con.
      Par défaut, c’est probablement l’explication la plus logique.

    • Un point pratique (y a pas que Macron dans la vie... de la police) : c’est depuis la mobilisation contre la loi Travaille en 2016 que les grenades « de désencerclement » sont utilisées de manière offensive, souvent par salve, complétant lacrymogènes propulsées et manuelles, LBD, tonfas, télescopiques et canon à eau pour tronçonner les cortèges et disperser les manifestants. En mars 2016, il y a eu tant de blessés à Paris que le gouvernement avait du craindre qu’il ya ait des tués, il y a même eu ensuite une manif et une seule, le 4 avril 206, ou les flics ont tout fait « à la main » (lacrymos, tonfa, télescopique, violente ratonnade d’un bout nassé du cortège de tête).

      Menace. L’une des différences c’est que entre le 1er et le 8 décembre 2018, généraux de gendarmerie, experts et médiatiques annonçaient tous qu’il pouvait, qu’il y aurait des morts.

    • Article du dimanche 16/12/2018 du Parisien, à relire après coup…

      Policiers armés à moto : les « voltigeurs » sont-ils de retour dans les rues ? - Le Parisien
      http://www.leparisien.fr/faits-divers/policiers-armes-a-moto-les-voltigeurs-sont-ils-de-retour-dans-les-rues-16

      Pour écarter tout risque de débordement ce week-end [15-16/12/2018], les autorités ont ratissé large et mobilisé presque autant d’effectifs que lors de l’acte 4, marqué par 1700 interpellations, soit pas loin de 90 000 policiers et gendarmes, dont 8000 à Paris.

      Cette mobilisation hors-norme a notamment eu pour effet d’affecter au maintien de l’ordre des unités habituellement chargées d’autres types de mission. Selon nos informations, c’est le cas des compagnies de sécurisation et d’intervention (CSI), les fonctionnaires filmés dans la vidéo incriminée.

      « Economie de moyens »
      Mises en place lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, en 2003, les CSI officient surtout dans l’anti-criminalité en zone sensible et interviennent par exemple dans le cadre de filatures, de flagrants délits ou de délits de fuite.

      Elles disposent pour cela d’armes létales et non-létales, comme des lanceurs de balle de défense, de tenues anti-émeutes similaires à celles des CRS mais aussi d’unités à moto, généralement des Yamaha TDM 900, le modèle vu samedi à Paris.

      « Economie de moyens oblige, les motos de la CSI 75 sont moins nombreuses que les motards susceptibles de les utiliser, explique au Parisien Philippe Capon, secrétaire général de l’Unsa Police. Les effectifs fonctionnant par roulement, une moto peut servir 20 heures sur 24, sur trois services. »

      Blessures
      Cette situation n’est ponctuellement plus tenable si les effectifs sont surmobilisés, comme c’était le cas samedi. D’où ces images, inhabituelles, de motos transportant deux fonctionnaires à la fois. « Mais jamais ces duos de policiers ne sont intervenus sur le maintien de l’ordre, assure-t-il. Ils ont seulement pu effectuer du ravitaillement de matériel, en apportant par exemple des grenades de désencerclement à des unités à court de munitions. »

      L’utilisation de lanceurs de balle de défense à l’arrière d’une moto, à l’arrêt et plus encore en mouvement, paraît improbable. Elle serait en outre extrêmement dangereuse.

      Malgré des restrictions d’utilisation, cette arme de dissuasion est à l’origine de blessures graves et parfois mortelles. Dans un rapport remis en 2017, le Défenseur des droits estimait que cette arme devait « s’utiliser horizontalement, un genou à terre » pour viser les membres inférieurs, ou « debout et portée à l’épaule » pour viser le torse.

    • Je bisse…

      L’utilisation de lanceurs de balle de défense à l’arrière d’une moto, à l’arrêt et plus encore en mouvement, paraît improbable. Elle serait en outre extrêmement dangereuse.

      Alors, pourquoi les en équiper ? Quant aux armes létales dont ils sont aussi équipés, on a bien vu le pistolet, pour l’instant (?) simplement brandi …

      c’était le 16 décembre…

    • Policiers agressés aux Champs-Elysées : les motos de tous les dangers - Libération
      https://www.liberation.fr/france/2018/12/24/policiers-agresses-aux-champs-elysees-les-motos-de-tous-les-dangers_16995

      L’évolution de cette doctrine est résumée par un acronyme à la préfecture de police de Paris : DAR, pour dispositif d’action rapide. Ces groupes plus légers que les unités spécialistes du maintien de l’ordre (CRS et gendarmes mobiles) ont pour consigne d’aller justement au contact des manifestants pour disperser le plus vite possible et interpeller. Parmi ces DAR, on retrouve le groupe moto de la compagnie de sécurisation et d’intervention de Paris. L’utilisation de ces policiers à moto rappelle forcément les « voltigeurs », dissous après la mort de Malik Oussekine. D’autant plus qu’ils ont pour mission, comme leurs ancêtres, de disperser la manifestation. Avec une différence cependant, au lieu d’un « bidule », ces policiers sont désormais équipés de fusils à balles en caoutchouc (LBD40) et de grenades explosives. Ils ne foncent donc pas dans la foule mais peuvent se positionner à proximité d’un cortège pour tirer. Les samedis 8 et 15 décembre, ils étaient ainsi une cinquantaine, « destinés à pouvoir se rendre rapidement en tout point de la capitale pour intervenir en cas de troubles » avait expliqué la préfecture à Libération.

      Samedi dernier, ce sont donc quatre policiers à moto de la compagnie de sécurisation et d’intervention de Paris qui sont envoyés face aux « gilets jaunes ». Ces agents, rompus aux interventions de lutte contre la criminalité, ne sont pas du tout des spécialistes de la gestion de foule, un savoir-faire bien spécifique dans la police et la gendarmerie. La scène, filmée et largement relayée depuis, est un parfait exemple du risque pris par les autorités dans l’utilisation de telles unités pour intervenir lors de manifestations.

      Seul rempart : leur arme à feu

      A l’aide de grenades - trois détonations correspondant à des grenades de désencerclement sont audibles sur la vidéo, une arme qui propulse 18 galets en caoutchouc à très forte vitesse et peut gravement blesser au visage - ces policiers tentent de disperser la foule. Le samedi 8 décembre, David Dufresne, journaliste et auteur d’un livre référence sur le maintien de l’ordre, avait assisté à une scène similaire, où les policiers avaient cette fois réussi leur manœuvre : « Trois motos dont une avec deux policiers s’étaient arrêtées, ils avaient lancé des grenades de désencerclement, puis étaient partis tout aussi vite qu’ils étaient arrivés. » Mais ce samedi, les policiers ne parviennent pas à se replier assez rapidement. Les explosions des grenades provoquent une réaction d’hostilité des manifestants, qui fondent sur les fonctionnaires, peu nombreux. Les « unités constituées », capables de faire face sans tirer à balle réelle sont trop éloignées. Les quatre motards sont en danger, avec pour seul rempart leur arme à feu. Une situation redoutée par les forces de l’ordre et qui apparaît en contradiction avec la tradition du maintien de l’ordre en France.

      Interrogée à propos de cet événement, la préfecture de police de Paris n’a pas répondu à nos questions. « On considère que l’on est face à des violences urbaines et non plus une manifestation traditionnelle », expliquait récemment à Libération un haut gradé de la préfecture pour justifier cette nouvelle méthode. La scène des Champs-Élysées résonne désormais comme un avertissement pour les autorités.

      #Maintien_de_L'ordre #Police #Voltigeurs

    • Grenadocratie, affiche collée près de la station Anvers, à Paris
      https://twitter.com/Humaginaire/status/1077173221898809344

      Pourquoi, mais pourquoi ? Parce que en terme de com #violences_urbaines, de #casseurs et de #séditieux, en terme pénal aussi ça ratisse large et flou pour renouveler/étendre la fonction de la #justice en tant que service rendu à la police (cf. Michel Foucault, quand même) qui sait pouvoir compter sur la loi son application, ses catégories pour une légitimation permanente : #bandes #association_de_malfaiteurs #attroupement_en_vue_de_commettre_des_violences...etc.

  • La violence en politique, par Aurélien Bellanger
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-conclusion/la-violence-en-politique


    C’est pas tous les jours qu’on entend aussi finement pensée la #violence à la radio, quoi qu’on en pense par ailleurs. La réaction à côté de la plaque du présentateur au terme de la chronique le prouve d’ailleurs.

    https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/18292-13.12.2018-ITEMA_21919802-0.mp3

    Vendredi soir dernier, alors qu’il n’était, même rétrospectivement, pas absolument certain que la République survive à la journée du lendemain, j’étais à Bordeaux, comme un gouvernement en exil. Et comme à chaque fois que je dors à l’hôtel, j’ai regardé Cyril Hanouna à la télévision : j’ai besoin, de temps en temps, de savoir ce qu’en pensent Isabelle Maurini-Bosc et Gilles Verdez. 

    Mais ce jour là, il y avait un dispositif spécial, les chroniqueurs n’étaient pas là et la chose aurait pu s’appeler Touche pas à ma France plutôt que Touche pas à mon poste. 

    Le public était intégralement composé de #gilets_jaunes, des gilets jaunes peut-être un peu défraîchis, trois semaines après le début du mouvement — à moins qu’on ait maintenant appris, en régie, à estomper un peu l’impact visuel de ces feu-follets fluo, en atténuant les éclairages directs et en limitant la luminosité des caméras. 

    C’était un peu l’idée de l’émission : un projet d’atténuation des gilets jaunes. Cyril Hanouna jouait un rôle presque inhabituel, un rôle de modérateur plutôt que d’animateur. 

    Et il avait clairement un objectif ce soir-là : obtenir que le mouvement des gilets jaunes se désolidarise des casseurs. Obtenir une condamnation de la violence. 

    J’ai eu cette discussion depuis, avec un fin observateur du mouvement : les gilets jaunes entretiennent une dialectique étonnante avec les #casseurs, et précisément avec les plus radicalisés d’entre eux, les black Blocks, qu’on pourrait qualifier de casseurs rationnels, de casseurs léninistes : des casseurs avec un agenda #politique, une pensée précise de la violence politique, des casseurs dont les dégradations sont comme des éléments de langage, et qui seraient la partie la plus consciente, la plus vivante, des mouvements sociaux, qu’ils auraient appris à parasiter — une queue de cortège qui rêverait en tout cas d’en être secrètement la tête : « vous voulez la revalorisation du SMIC, mais ne préféreriez-vous pas voir la mort du capitalisme ? »

    Et si c’était les gilets jaunes, cette fois, qui pensaient, et les casseurs qui obéissaient à leurs mots d’ordre implicite ? 

    C’était frappant vendredi soir : Hanouna voulait vraiment leur arracher une condamnation claire de la violence, et il n’y arrivait pas vraiment. Mais je me disais que même s’il avait adopté la manœuvre adverse, ardissonienne, et voulu jeter le discrédit sur le mouvement en obtenant un soutien explicite à la violence, il n’y serait pas parvenu : la faute tactique aurait été trop évidente. 

    Les gilets jaunes étaient là, sur des tribunes qui se faisaient face, étonnamment dignes et étonnamment habiles : ce n’était pas la caricature du peuple qu’on voit habituellement dans le public des émissions de télévision, qui applaudit n’importe quoi, qui se laisse prendre à tous les tours populistes des invités. 

    On aurait dit, par instant, une assemblée constituante. 

    Une assemblée constituante faussement neutre et excessivement habile — une assemblée constituante dont les débats empreints de la plus profonde rationalité ne reposaient que sur une seule chose, sans la nommer jamais : la présence, tout autour d’elle, d’une armée de sans-culottes. Et l’assemblée n’avait évidemment aucun intérêt à s’en dissocier, comme l’y invitait Hanouna de façon insistante. 

    Mais ce qui m’a le plus frappé était la teneur des débats, dans l’élite intellectuelle que la configuration bifrontale du studio, et les impératifs d’audience, avait malgré tout conservé, au milieu de la foule. 

    Il y avait là un syndicaliste policier, des polémistes en vue et un député de la France Insoumise. 

    Leurs échanges, très vite, se sont concentrés, sur le soutien plus ou moins affiché, du leader de la France Insoumise à un certain degré de violence politique. 

    La République, le sens de l’Etat, la responsabilité historique et les années noires ont été très vites invoquées, dans le désordre et de façon volontairement polémique — et en même temps médiatiquement efficace. 

    C’était cela, le monde dans lequel j’avais grandi : un monde sans violence politique, un monde où l’appel à la violence politique valait destitution. 

    Mais les polémistes qui guerroyaient ainsi, caparaçonnés d’arguments forgés dans des débats antérieurs, ressemblaient cette fois aux chevaliers condamnés d’Azincourt.

    Ils rataient, surtout, le véritable objet du débat, la présence invisible d’une violence terrible venue de la nuit des temps et qui ruisselait par dessus les épaules dorées du public.

    Ils avaient l’air de gladiateurs dont la mise à mort était déjà actée.

    Ou plutôt de chrétiens jetés dans l’arène : car ce que le dispositif mettait à mort à travers eux, c’était une certaine idée de la douceur du monde, un pacte ancien sur le refus de la violence politique.

    • L’ultra gauche, une violence ciblée, très politique (Thomas Legrand, France Inter, 19/03/2019)
      https://www.franceinter.fr/emissions/l-edito-politique/l-edito-politique-19-mars-2019

      Oui, à y regarder de près, les violences de samedi sont des dégradations ciblées, très politiques et lourdes de sens. D’abord remarquons que dans le combat interne (parfois violent) entre ultradroite et ultragauche qui, dès le début du mouvement, ont décidé de le parasiter, c’est l’ultragauche qui a gagné. Les utradroites, multiformes, identitaires, royalistes, soralienne, fascistes de tous poils, font figure d’amateurs désordonnés face à une ultragauche qui suit une procédure d’action très codifiée et ne connaît plus de divisions de chapelles rédhibitoires. Beaucoup moins nombreux, souvent plus vieux, l’ultradroite n’a pas la même agilité ni, paradoxalement, la même discipline. Elle a d’ailleurs quasiment disparu des cortèges parisiens et sur le fond des revendications, la question sociale l’a aussi emporté sur la question identitaire. L’ultra gauche, nihiliste, situationniste, anarchiste, zadiste, est devenue simplement extrémiste écolo. Là aussi l’écologie a gagné. C’est une petite armée d’activistes, avec son folklore, ses uniformes noirs destinés à déjouer toutes possibilités de reconnaissance par les caméras de la police, qui se regroupe dans un rêve d’insurrection verte. N’ayant aucune revendication négociable, ni aucune assise populaire, ils n’organisent pas eux-mêmes des manifestations mais décident de s’immiscer dans de vraies mobilisations. Généralement, ils sont mal accueillis par les services d’ordre syndicaux qui, à l’occasion, s’entendent même avec la police pour les contrer. La mobilisation des Gilets jaunes, hiératique, porteuse d’une profonde colère désaffiliée de toutes organisations politiques et syndicales, est le parfait véhicule pour l’ultra gauche. 

      Ils ont gagné une bataille.

      Les ratés du maintien de l’ordre, les dégâts occasionnés par le LDB ont exaspéré les Gilets jaunes chauffés à blanc par les réseaux sociaux. Les petits groupes de black-blocks n’avaient plus qu’à se donner rendez-vous à Paris le 16. Il en est venu de toute la France et aussi de l’est de l’Europe. Contrairement à ce qu’a pu dire le président, il ne s’agit pas de plusieurs dizaines de milliers d’ultragauchistes, mais seulement de 1500. Leur violence spectaculaire, théâtralisée, est plutôt matérielle. Ce sont surtout les rois de la com’. La devanture du #Fouquet’s en feu a fait le tour du monde ! Les Champs-Élysées, le Fouquet’s donc, les magasins de luxe ou de tourisme de masse, les kiosques à journaux sont, pour eux, le symbole de la collusion de l’Etat et du capitalisme. Déjà, ils avaient su à NDDL se faire accepter de quelques agriculteurs qui ne les avaient pas rejetés et qui, finalement, ont pu retrouver leur terre. NDDL, c’est leur Austerlitz ! Là encore, les Gilets jaunes font preuve, à l’égard de cette ultragauche, d’une étonnante mansuétude, comme si cette petite troupe de noire vêtue leur servait de bras armée. Mais l’action de samedi est quand même un échec pour les black-blocks parce que leur plan était de faire la jonction avec la manif pour le climat. La police les en a empêchés. Ils y auraient reçu certainement un accueil très hostile. Mais si leur action est politique, ils sont plus agiles dans l’art de la casse éclair et de la dissimulation que dans la théorisation de leur pensée.

  • « IL Y A LA VOLONTÉ QUE LES COLLÈGUES SE LÂCHENT »

    Le mouvement des gilets jaunes ébranle les forces de police. Certains fonctionnaires, comme Martin, #CRS, ont décidé de se mettre en #arrêt_maladie pour ne plus se sentir du mauvais côté de la barricade.

    Martin (1) est CRS depuis de nombreuses années. Des #manifestations et des interventions parfois violentes, il en a connu un nombre incalculable. Malgré des conditions de travail difficiles et des doutes occasionnels, il a toujours appliqué les directives avec #discipline et #obéissance, comme le veut la profession. Mais la réponse policière aux manifestations de ces dernières semaines ordonnée par le ministère de l’Intérieur l’a tellement écœuré qu’il a préféré se mettre en arrêt maladie pour ne plus cautionner cette #répression_aveugle. « Je ne me voyais pas taper sur des gens qui n’ont rien fait. L’usage de la #force est censé être proportionné. Même si ce terme est subjectif, ça veut dire qu’on n’a pas le droit de tout faire. Or, quand on nous dit de gazer sans sommation des #lycéens qui manifestent pacifiquement, c’est un #ordre_illégal. Dans le mouvement des gilets jaunes, ce ne sont plus des groupes de #casseurs bien identifiés qu’on a en face de nous, c’est le #peuple : des gens qui ont un réel #combat ou même qui se retrouvent en situation de #légitime_défense face à la police », s’insurge-t-il.

    « On se demande si notre devoir ne serait pas d’être avec le peuple. On subit la même #violence_sociale... »
    D’après lui, il y a une réelle volonté politique de jeter de l’huile sur le feu. « Quand on voit dans les comptes rendus opérationnels le nombre de lacrymos ou de #Flash-Ball utilisés, on est à des niveaux exceptionnels, alors qu’on a vécu des manifestations beaucoup plus dangereuses pour nous où on avait interdiction d’utiliser les lanceurs de balles de défense (nom officiel du Flash-Ball – NDLR) », affirme-t-il. « Et ça, ce sont des décisions qui viennent du #ministère_de_l’Intérieur », souligne-t-il. En parallèle, « aucune #consigne de mesure n’est donnée aux CRS, contrairement à d’autres manifestations où on nous met la pression. Là, il y a une volonté que les collègues se lâchent », estime-t-il. D’autant que l’état physique des fonctionnaires de police n’arrange pas vraiment les choses. « Quand on doit se lever à 2 heures du matin pour rejoindre sa compagnie à 3 heures et être sur les Champs-Élysées de 7 heures du matin à 22 heures, c’est sûr qu’on est épuisé et qu’on n’a plus le même discernement ni le même self-control », rappelle-t-il.

    Et ce n’est pas la prime promise par Emmanuel Macron qui suffira à apaiser les tensions. « Tous les collègues auxquels j’en ai parlé se sont sentis insultés. On l’a ressenti comme si c’était un susucre qu’on nous donnait pour qu’on ferme notre gueule et qu’on aille faire le #sale_boulot », lâche-t-il. D’après lui, le mouvement des gilets jaunes a fait naître des débats inédits dans sa compagnie. « Certains taperaient sur père et mère si on leur en donnait l’ordre. Mais il y a une vraie #crise_existentielle pour d’autres. On se demande si notre devoir ne serait pas d’être avec le peuple. On subit la même #violence sociale en termes de salaire, et on est doublement #victimes de l’#autoritarisme de l’État parce qu’en plus c’est notre patron et qu’on est muselés », souligne le fonctionnaire, qui a observé plusieurs arrêts maladie dans sa compagnie ces derniers jours. « Il ne manque pas grand-chose pour que les flics refusent de retourner en manif la prochaine fois », estime-t-il.

    Concernant le revirement annoncé dans la #stratégie_de_maintien_de_l’ordre mise en place par la préfecture de police de Paris – d’un dispositif plus statique samedi dernier à celui prévu comme plus mobile et offensif pour ce samedi –, Martin estime qu’il s’agit là d’une « décision politique habituelle ». « C’est ce qui a été fait lors des dernières manifestations contre la loi travail ou le 1er Mai : on nous donne l’ordre de laisser casser pour que le mouvement devienne impopulaire, et la fois d’après on y va fort parce que l’#opinion_publique attend une réaction de #répression_policière. »

    (1) Le prénom a été modifié.

    http://www.frontsyndical-classe.org/2018/12/un-crs-temoigne-on-nous-donne-l-ordre-de-laisser-casser-pour-q
    #CRS #gilets_jaunes #police #témoignage #résistance

  • Au tribunal de Paris : de la prison en veux-tu en voilà pour les « gilets jaunes » / Mediapart

    On attendait des « casseurs », des vrais de vrais. Les juges ont découvert des ouvriers, des techniciens, des artisans, des jeunes venus à Paris, souvent pour leur première manifestation....

    #giletsjaunes #gilets_jaunes #casseurs #GJ #répression #justice #police #paris

    Au tribunal de Paris : de la prison en veux-tu en voilà pour les « gilets jaunes » 4 DÉCEMBRE 2018 PAR RACHIDA EL AZZOUZI ET FRANÇOIS BONNE

    Après les affrontements de samedi, 70 personnes ont été jugées en comparution immédiate, lundi, au tribunal de Paris. On attendait des « casseurs », des vrais de vrais. Les juges ont découvert des ouvriers, des techniciens, des artisans, des jeunes venus à Paris, souvent pour leur première manifestation et emportés par les vagues de violence. Les peines de prison – ferme ou avec sursis – sont tombées comme à Gravelotte avec des procureurs décidés à en découdre.

    On allait découvrir les « casseurs », les « pillards », les « factieux » et les « séditieux » ; tous ceux qui ont mis à sac la capitale, samedi 1er décembre, allant même jusqu’à saccager l’Arc de triomphe et offenser la République en éteignant la flamme du soldat inconnu. Les juges du tribunal correctionnel de Paris n’ont pas vu de tels individus, lundi, lors des premières audiences de comparutions immédiates, cette procédure qui permet de juger au plus vite les prévenus.

    Pas de « vrais » casseurs donc, ce lundi, mais un peuple d’ouvriers, d’artisans, de techniciens, d’intérimaires montés à Paris de toute la France pour crier leur colère. « Bah, les vrais casseurs, ils ne se font jamais pincer ! », notait un avocat, tandis qu’un magistrat assurait que des « dossiers lourds » viendraient à l’audience mercredi.

    Soixante-dix personnes ont comparu lundi lors d’une mobilisation exceptionnelle du tribunal : cinq salles d’audience. Et l’exercice devait se poursuivre ces mardi et mercredi. Le ministère de la justice a promis « une réponse pénale ferme », suivant les consignes d’Emmanuel Macron. La plupart des manifestants sont poursuivis au titre de l’article 222-14-2 du code pénal : « Participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes et de dégradations de biens. » Né et appliqué pour la première fois en 2010 sous Sarkozy pour juguler la violence dans les stades de football, l’article 222-14-2 avait été dénoncé comme le moyen légal de criminaliser les manifestations.
    Plus rares sont ceux qui se retrouvent inculpés de port d’armes, rébellion, violence contre personnes dépositaires de l’autorité publique ou destruction et dégradations de biens. Mediapart a suivi lundi ces procès dans deux salles d’audience. Voici les portraits des manifestants poursuivis et presque toujours condamnés.

    Ryad, 41 ans, artisan, venu de Toulon (Var)

    Ryad n’aura pas eu le temps de manifester et pas même celui d’enfiler son gilet jaune. À 41 ans, cet artisan du bâtiment, ancien engagé dans la marine, ayant fait la guerre du Kosovo, décrit ses fins de mois difficiles, ses « revenus aléatoires » et la micro-entreprise de son père avec qui il travaille. Oui, il voulait manifester contre « les taxes » et est monté à Paris pour le premier défilé de sa vie.

    Dans la nuit de vendredi à samedi, il dort chez un cousin à Franconville (Val-d’Oise). Le matin, les deux hommes tentent de prendre le RER, qui ne marche pas ce jour-là (« Cela arrive souvent sur cette ligne », note la présidente). Ils se rendent en voiture à Paris et se garent vers la place des Ternes, non loin de l’avenue de Wagram. Une dizaine de policiers en civil portant des gilets jaunes les interpellent à peine sortis de voiture. Fouille du coffre : dans un sac, deux masques de ski, un casque de moto, des gants, des genouillères, un plastron… et un petit marteau.

    « Le marteau a toujours traîné dans le coffre de mon ami qui transporte régulièrement des outils pour son travail. Pour le reste, j’avais apporté ma tenue de moto-cross pour me protéger. C’est la première fois que je manifeste, j’ai vu les violences à la télé. J’avais peur, sincèrement, et je voulais me protéger si je me retrouvais coincé dans des affrontements. En plus, j’attends un enfant », explique-t-il.

    Pour la procureure, aucun doute : « Monsieur est venu pour en découdre et s’était équipé pour cela. » Elle demande six mois de prison avec sursis et une peine d’interdiction de séjour à Paris. Jugement : quatre mois de prison avec sursis, un an d’interdiction de Paris. « Je me suis trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. C’est la première et dernière fois que je manifeste », note Ryad.

    Steven, 24 ans, maçon-couvreur, venu de la Nièvre

    Steven travaille dans la petite entreprise de son père. 1 170 euros par mois, en CDD. « Une embauche, avec les taxes et tout, ça coûte cher », note-t-il, ajoutant qu’avec les crédits à la consommation et les loyers, il est en « difficulté financière ».

    Ce samedi, il est interpellé vers 20 h 45 faubourg Saint-Honoré. Non loin de là, le magasin Decathlon a été dévasté peu avant. « Des vélos, des trottinettes, du matériel traînaient partout dans la rue », raconte Steven. Et le voilà qui ramasse un casque de vélo dans le caniveau et se le met sur la tête. « Je l’ai pris pour me protéger. Ça partait de partout, des lacrymogènes, des grenades, des pavés, ça s’affrontait dans tous les sens », dit-il.

    Pourquoi n’être pas parti ? « Des batailles, il y en avait partout ! À ce point là, je n’aurais jamais pensé. J’étais coincé », répond-il. Vol caractérisé et participation à l’émeute, résume la procureure, qui demande trois mois de prison avec sursis. Jugement : trois mois de prison avec sursis.

    Jérémy, Billy, Geoffroy, Maxime et Frédéric, ouvriers et techniciens, venus de l’Essonne

    Voilà cinq copains et collègues de boulot. La plupart travaillent pour le grand groupe Safran, dans l’Essonne. Ils ont entre 27 et 35 ans, sont ouvrier-tourneur, soudeur, opérateur sur commandes numériques, cariste, inspecteur qualité. Quatre d’entre eux travaillent en 3 × 8 et les salaires tournent entre 1 300 et 2 500 euros par mois. Des loyers de 600 à 1 000 euros, des crédits pour payer la voiture, des pensions alimentaires parfois, et des parents ou des proches qu’il faut parfois aider : là encore, les fins de mois sont serrées.

    Pour eux, la manifestation n’aura pas lieu. Ce samedi matin, vers 10 h 30, ils garent leur voiture avenue des Ternes. L’un d’eux prend le soin de payer le stationnement. Est-ce le temps d’aller au parcmètre ? Des policiers leur tombent dessus. Fouille : des gants, des masques, quelques boîtes d’œufs, du liquide physiologique, des lunettes, des pétards (considérés comme « produit explosif et incendiaire »).

    « Ils avaient dit qu’on pouvait manifester sur les Champs, avec filtrage. On y allait pacifiquement. Bon, ben en fait, c’était interdit puisqu’on a été arrêtés en sortant de la voiture… », note Maxime. Peu ou prou, tous avancent les mêmes explications : il fallait se protéger vu les risques de violences. « Samedi dernier, j’avais déjà manifesté et j’ai été salement gazé, j’ai vu des personnes qui souffraient, raconte Geoffroy. J’ai acheté à Castorama une trentaine de masques légers, en tissu, pour moi et pour pouvoir les donner à d’autres manifestants si besoin. Et le liquide physiologique, c’est pareil : la semaine dernière, on m’en a donné et cela m’avait soulagé. »

    Pour Billy, ce devait être sa première manifestation (sa « première grève », dit-il). Lui aussi a un masque : « Je suis pas là pour mettre en danger ma santé. J’ai lu qu’il y avait du cyanure dans ces gaz, c’est dangereux tout de même », croit-il savoir. « Et les pétards, ce n’est pas dangereux ? », interroge la présidente. « C’est des petits pétards, comme pour le 14 Juillet, c’était pour mettre un peu d’ambiance, c’est pas des pétards genre à arracher les mains… », se défend-il. Ils ont été achetés au magasin « À la magie de Corbeil », et sont seulement « déconseillés » aux enfants de moins de 12 ans.

    « Je suis pacifiste, j’ai un boulot en or et trois gosses, vous croyez que je veux tout gâcher avec des conneries ? », insiste Frédéric. Des produits explosifs, insiste la procureure pour qui les cinq hommes voulaient en découdre, avaient le matériel pour cela et avaient choisi un endroit où les affrontements duraient déjà depuis deux heures… « Non, on manifeste là où il y a des gens, je ne vais pas aller où il n’y a personne ! », insiste Billy. Mais la procureure ne veut rien entendre qui pointe « la dangerosité manifeste des pétards » et la préparation méticuleuse. Elle demande des peines de trois mois de prison avec sursis à six mois ferme (pour ceux qui ont les pétards).

    Jugement : deux peines de quatre mois de prison avec sursis, deux peines de huit mois de prison avec sursis, une peine de trois mois de prison ferme (l’un des hommes était déjà sous le coup d’une légère condamnation avec sursis, qui est ainsi révoqué). Tous sont interdits de séjour à Paris pendant un an. L’homme condamné à la prison ferme s’écroule en larmes.

    « Si vous le condamnez, alors il faut condamner tous les manifestants »

    Florian, 37 ans, forgeron, venu des Ardennes

    Florian est un gros costaud, il travaille dans une entreprise de forge de 120 ouvriers, a trois enfants à charge, gagne 1 500 euros par mois, sa compagne est au chômage. « Quand on a des enfants, il faut se stabiliser », dit celui qui a visité l’Amérique latine et l’Afrique en sac à dos, vivant de petits boulots.

    Ce samedi, le voilà interpellé vers 17 heures, près des grilles du jardin des Tuileries. Dans son sac, des billes de peinture, un masque. Le procès-verbal d’interpellation signale qu’il a été vu jetant un morceau de bitume sur les forces de l’ordre. Il nie, assure même qu’il a rangé pavés et morceaux de goudron au fond d’une grosse poubelle et a prévenu la police, « parce que ça chauffait trop ». Florian demande à ne pas être jugé en comparution immédiate. Demande acceptée : il sera jugé en procédure normale au mois de janvier prochain. « Je serai là, dit-il au juge, mais sinon, je suis pas près de revenir à Paris ! »

    Florian, 21 ans, mécanicien, venu des Yvelines

    C’est sa première manifestation. Florian est venu avec un ami et devait rejoindre son père, ouvrier ajusteur, dans un autre endroit du cortège. Il est arrêté à 20 h 50, boulevard Malesherbes. Le P.-V. d’interpellation le décrit cagoulé, avec gants de motos, un masque, en train de jeter une barrière au milieu du boulevard, dans un groupe d’une quarantaine de casseurs.

    Le jeune homme nie énergiquement. Pas de gants de motos, mais de simples gants Nike, un masque donné par son père « qui avait été gazé la semaine dernière et était allé en acheter chez Leroy Merlin », et, non, il n’avait pas tiré sa capuche sur la tête et pas plus jeté des barrières. « Je venais pas pour mettre le bazar, je marchais avec mon ami et un groupe a couru sur le boulevard et s’est rapproché de nous, c’est tout. » Rien dans le dossier, assure son avocat : « Si vous le condamnez, alors il faut condamner tous les manifestants. » La procureure demande six mois de prison avec sursis. Jugement : relaxe.

    Alexandre, 36 ans, électricien, venu de l’Eure

    Alexandre a choisi ce samedi un des rares endroits calmes dans Paris : la place de la Bastille. Des gens ont pu manifester sans affrontements déchaînés en cet endroit. Cela ne l’empêche pas d’être interpellé vers 16 heures. La police trouve dans son sac un masque décrit comme de type NRBC. Un masque qui serait considéré comme une « arme de guerre ».

    « C’est un gilet jaune qui me l’a donné, je l’ai mis dans le sac au cas où et ne l’ai d’ailleurs jamais porté », dit Alexandre. « Mais comment voulez-vous que je sache que c’est une arme de guerre ? », insiste-t-il. La procureure demande six mois de prison ferme et un an d’interdiction de Paris. Jugement : huit mois de prison avec sursis et un an d’interdiction de séjour à Paris.

    Benoît, 34 ans, cariste, venu du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis)

    Benoît est devant le tribunal le visage éraflé, le nez cassé, un œil tuméfié. De cela, les juges ne disent mot. L’homme a été arrêté samedi à 17 h 40, rue du Havre, à l’issue d’une charge des CRS. Benoît dit s’être alors jeté par terre et mis en boule : pas suffisant pour le protéger des coups. Mais cela n’intéresse pas le tribunal qui prend seulement note d’un certificat médical de cinq jours d’interruption temporaire de travail.

    Le juge s’intéresse aux dégradations de bâtiments. Benoît le reconnaît aisément, il n’est pas à l’aise avec la parole, alors il aime bien les tags au pochoir. Ce jour-là, avec un ami, ils arpentent les cortèges et bombent sur les planches qui protègent les vitrines et quelques murs un dessin et un slogan : le visage de Macron et l’éternel « Marche ou crève ». « “Marche ou crève” et le visage du chef de l’État, voilà une menace manifeste ! », s’emporte la procureure.

    Benoît explique ne rien avoir contre les forces de l’ordre, lui-même a été militaire sous contrat jusqu’en 2006. Il assure n’avoir fait que cinq ou six tags. « Nos paroles, on les écoute pas, donc j’écris… Oui, sans doute, je recommencerai, mais sur les planches, pas sur les murs », dit-il, un peu perdu dans le box des prévenus. Pourquoi manifester ? « J’étais au RSA, maintenant je suis cariste, préparateur de commande chez Amazon. C’est des contrats à la semaine, ça fait pas lourd à la fin du mois. J’habite chez ma grand-mère, je m’occupe d’elle pour faire les courses et tout ça… », dit-il. La procureure demande six mois d’emprisonnement avec sursis et 500 euros d’amende. Jugement : six mois de prison et 500 euros d’amende, avec huit mois d’interdiction de se rendre à Paris.

    Lilian, 19 ans, sans emploi, venu du Maine-et-Loire

    C’est un jeune homme qui semble un gamin, se raconte parfois des histoires et se dit lui-même « un peu immature ». Pour sa première manifestation, Lilian a vu les choses en grand. Un casque rouge bien voyant, gants, lunettes et masque : le meilleur moyen d’être arrêté par des policiers, samedi, vers 11 h 50, avenue de Friedland, qui l’ont vu jeter un pétard. Et voilà que le jeune homme a en plus dans son sac une bombe de laque. « C’était comme un explosif de dernier recours, si mon pronostic vital était engagé, avec tout ce qu’on voit sur internet et toutes les violences… », dit-il au juge. Il n’a visiblement pas compris qu’une telle bombe de laque allumée avec un briquet l’aurait immédiatement gravement brûlé.

    Lilian a volontiers donné son téléphone aux policiers. Prévenant, il leur a même signalé un message susceptible de les intéresser. « Moi, je vais grailler du CRS », écrit-il par texto à une amie. « Grailler, ça veut dire quoi ? », interroge la présidente. « Ben oui, ça veut dire manger, j’ai écrit cela pour impressionner une copine », répond le jeune homme.

    Mais qu’est-il allé faire dans cette galère ? « J’ai pas de boulot, je suis parfois en saisonnier en pépinière, vous comprenez, j’habite à la campagne et j’ai aucun moyen de déplacement », dit Lilian, qui a arrêté sa scolarité à 16 ans et ne fait pas grand-chose de sa vie depuis. Le père est ouvrier chez un sous-traitant automobile, la mère travaille en 2 × 8 en intérim. La procureure s’emporte contre l’« immaturité » du jeune homme, sa « dangerosité et son inactivité sociale » et demande un an de prison ferme avec mandat de dépôt (ce qui signifie une incarcération immédiate). Jugement : six mois de prison ferme, six mois de prison avec sursis et un an d’interdiction de séjour à Paris.

    « Je voulais me protéger. C’est trop dangereux de manifester »

    Maxime, 27 ans, saisonnier, venu de Carcassonne (Aude)
    Ce samedi, vers 21 heures, Maxime est repéré dans le quartier de la Défense. Sur son sac à dos, un casque de skateboard. Voilà qui mérite contrôle d’identité, palpations et fouille du sac. Les policiers découvrent un gilet jaune, des protège-tibias, des lunettes de skis, un masque en papier et tout au fond du sac un cutter. Bonne pioche, direction garde à vue puis tribunal !

    « Vu les violences du week-end d’avant, je voulais me protéger. C’est trop dangereux de manifester, mais je voulais le faire pour défendre les droits gagnés par mes parents et mes grands-parents. Quant au cutter, je ne savais même pas, je l’ai oublié dans ce sac avec lequel je transporte régulièrement des outils. Qu’est-ce que vous voulez que je fasse avec un cutter ? », explique-t-il.

    Maxime raconte avoir manifesté vers la porte Maillot, avoir aidé une vieille dame qui était blessée, par terre, et l’avoir conduite dans un hall d’immeuble. Oui, il a shooté dans une grenade lacrymogène pour l’éloigner. « Les CRS, c’est pas mon problème, je suis pas venu pour eux. Le week-end prochain, je manifesterai chez moi, à Carcassonne, tout se passe bien là-bas », ajoute-t-il. Et puis, il ira faire la saison d’hiver à Avoriaz comme serveur. « Je travaille dans les restaurants d’Annie Famose [ancienne championne de ski – ndlr] », dit-il fièrement. La procureure demande quatre mois de prison ferme et un an d’interdiction de séjour à Paris. Jugement : huit mois de prison avec sursis et un an d’interdiction de se rendre à Paris.

    Stéphane, 45 ans, boucher-charcutier, venu des Hautes-Alpes

    Stéphane vient « de la campagne », « d’un milieu agricole où on a toujours un couteau sur soi », « pour bricoler, couper le saucisson, le fromage » et aussi une lampe-torche. Il a 45 ans, un CDI de boucher dans un abattoir, un emprunt à rembourser, une fille qui vit avec sa mère dont il est séparé et à laquelle il verse une pension alimentaire. Samedi 1er décembre, il était « tout content » de vivre sa « première manifestation d’envergure » dans la capitale contre ce gouvernement « qui a enlevé 100 euros de retraite à nos anciens, nos parents, nos retraités ». Il avait roulé la veille depuis ses Hautes-Alpes jusqu’à Lyon avec les copains, puis pris le TGV jusqu’à Paris.

    Vu les scènes de violence regardées à la télé, la bande avait prévu « de se protéger ». Stéphane avait un casque de chantier avec visière, un masque de peinture. Arrivés de nuit à Paris, ils ont attendu que la manif commence en picolant parce qu’ils sont bons vivants et que ce voyage, ils le voulaient festif. Stéphane le concède : à une époque, il a eu un problème avec l’alcool. Mais plus maintenant. Vers 8 heures, ils se sont dirigés vers les Champs-Élysées. Mais ils n’ont jamais réussi à y accéder à cause des barrages de CRS aux alentours.

    Stéphane s’est mis en tête de convaincre les CRS « de rejoindre le peuple ». Ils ont refusé, l’ont repoussé. Et c’est là que tout s’est envenimé. « Je suis devenu con, je les ai trouvés tellement froids, j’ai foncé dans le barrage pour montrer à Macron que le peuple est plus fort que les CRS. » Stéphane en a oublié de mettre son casque de chantier pour se protéger. Il est ressorti à 8 h 50 menottes aux mains et avec un énorme cocard à l’œil droit. Le voilà maintenant dans ce box vitré du TGI de Paris à tirer sur ses poils de barbe après des heures en garde à vue et deux nuits à Fresnes. Lui qui a un casier vierge doit justifier pourquoi on a trouvé sur lui un Opinel et une lampe-torche alors qu’il faisait plein jour.

    Il veut parler de politique, de cette France oubliée qui travaille dur, le président l’arrête : « Ici, ce n’est pas une tribune politique. » Stéphane baisse la tête, penaud. Il dit qu’il est « au bord du suicide », s’excuse « d’avoir été con ». La procureure requiert six mois de prison ferme avec mandat de dépôt.

    Stéphane écope de quatre mois de prison ferme. « Nous ne prononçons pas de mandat de dépôt. Vous serez convoqué par le juge des applications des peines de Gap et vous verrez ensemble comment aménager la peine », lui dit le président. Mais Stéphane ne l’écoute déjà plus, sidéré, ne retenant plus que le mot « prison ».

    Jérôme, 26 ans, intérimaire, venu de la Nièvre

    Jérôme a 26 ans. Intérimaire, sans contrat pour le moment, il vit dans la Nièvre chez sa mère. Il a été interpellé samedi 1er décembre avec un masque de ski, un casque de vélo, cinq fioles de sérum physiologique et un lance-pierres. Peu loquace, il assure que c’était « pour se protéger, se défendre des grenades lacrymogènes ». « Mais pourquoi une fronde ? », relance le président. « Au cas où je me prends une grenade lacrymo, répond Jérôme, je n’étais pas là pour casser. »

    Il survit avec 200 euros de RSA mais on n’en saura guère plus sur sa vie. Comme dans plusieurs dossiers, l’enquête sociale rapide, dispositif clé de la chaîne pénale qui éclaire le parcours du prévenu, fait défaut. « Il y a trop d’enquêtes en cours en un laps de temps pour en faire une sur tous », s’excuse le président. La procureure demande 210 jours amende à 5 euros, soit 1 050 euros. C’est 5,25 fois le demi-RSA de Jérôme. Jérôme écope trois mois de prison avec sursis.

    Mickael, 30 ans, chômeur, SDF, venu de Chambéry (Savoie)

    Mickael ne comprend pas ce qui lui arrive. Il accueille sa peine sans réaction quand son avocate est abasourdie : six mois de prison dont la moitié ferme avec maintien en détention et l’autre assortie d’un sursis et d’une mise à l’épreuve pendant deux ans avec obligation de fixer son domicile dans un lieu déterminé et de rechercher un travail. C’est un peu moins lourd que les huit mois ferme requis par le parquet.

    Mickael, 30 ans, fils de bourgeois passé baba sans domicile fixe et sans travail, « créchant dans les gares ou les forêts », a été arrêté jeudi 29 novembre au soir à la gare de Lyon. Repéré par son sweat à capuche noire marquée ACAB, « All cops are bastards » (« Tous les flics sont des… »), il arrivait de Chambéry. Dans son sac à dos : un plastron, un casque, une cagoule et un lance-pierres professionnel avec 87 balles en plomb de 1,5 centimètre de diamètre. L’attirail parfait du « black bloc » de l’ultra-gauche. Sauf qu’il n’en est pas un, assure son avocate.

    La preuve : l’exploitation de son téléphone et les messages via Messenger sur la page Facebook du black bloc qui démontre son grand amateurisme. « On se retrouve où les gars pour la manif ? », demande le jeune homme, qui a gardé quelques dreadlocks au sommet de son crâne rasé. « Très cher, nous ne fonctionnons pas comme cela et nous ne communiquons jamais sur les réseaux sociaux », lui répond l’administrateur de la page. « Vous estimez qu’il serait allé à la manifestation. Mais rien ne le prouve dans le dossier ! », plaide son avocate. En vain.

    « Je me suis laissé emporter par mes émotions »

    Étienne, 27 ans, technicien, venu de Lyon (Rhône)
    « Je suis désolé. Je vous demande la clémence. Je me suis laissé emporter par mes émotions. Mon travail est très important. Je suis prêt à faire des travaux d’intérêt général. Vous ne me reverrez jamais plus dans une manifestation. » Étienne implore le tribunal de ne pas le condamner. Sans succès. Le ciel lui tombe sur la tête : six mois de prison ferme, trois mois de plus que les réquisitions du parquet. Maigre consolation : le mandat de dépôt, requis par la procureure, n’est pas retenu, Étienne va être relâché, sa peine aménagée dans la mesure du possible.

    Et s’il perdait son CDI à 27 ans « à cause de tout ça » ? Technicien pour une société privée, il travaille sur le chantier de l’automatisation du métro lyonnais pour 1 500 euros par mois. Sa mère, retraitée, pleure depuis le début de l’audience, discrètement au premier rang, et s’écroule : « Que se serait-il passé s’il avait cassé la vitrine d’un magasin ? Il aurait pris un an ? » Quelques minutes plus tôt, son avocate tonnait : « Où sont les casseurs des Champs-Élysées, de Dior, Chanel, Zadig & Voltaire, de tous ces grands magasins pillés ? »

    Étienne a été interpellé samedi 1er décembre au matin après la découverte de fumigènes et de pétards dans son sac. « Je les ai achetés sur internet pour me défendre après avoir subi des gazages abusifs le week-end dernier, répond Étienne. Avec ma mère, nous manifestions pacifiquement près de l’Arc de triomphe quand nous avons été gazés par un cordon de CRS qui n’a fait aucune différence entre les casseurs et les familles. C’était très violent. »

    Un grand-père parisien, venu assister à l’audience « par solidarité avec les gilets jaunes », glisse ce qui lui apparaît une évidence : « C’est parce qu’il est le seul Noir qu’ils le condamnent à autant de prison pour des pétards même pas utilisés. »

    Bruno, 31 ans, chauffeur de poids lourds, venu de Seine-et-Marne

    Bruno ne veut pas être jugé aujourd’hui. Il demande un renvoi. C’est son premier tribunal comme ses premières nuits en prison et il a le vertige. Il jure qu’on ne le reverra plus jamais dans une manif, veut retrouver sa vie de bon père trentenaire dans le petit bourg de Seine-et-Marne où il vit avec sa femme et leur fille dans le pavillon hérité de ses parents qui lui coûte des charges et des taxes. On lui reproche d’avoir voulu manifester avec des lunettes de protection, un masque à gaz et un couteau.

    Chauffeur poids lourds en CDI, il gagne entre 1 500 et 2 000 euros selon les mois. La procureure requiert un contrôle judiciaire en attendant sa comparution avec cependant une interdiction : celle de paraître à Paris. Bruno panique. Et s’il a des livraisons à faire dans la capitale intra-muros ? Le tribunal tranche. Il a interdiction de venir à Paris, seulement les week-ends du samedi minuit au lundi minuit.

    Maxime, 33 ans, chauffeur-routier, venu de la Marne

    Maxime aussi veut un délai pour préparer sa défense. Il vient de la Marne où il loue une petite maison mais sa terre natale, c’est la Creuse. Il a deux enfants et une amende au casier parce qu’un jour, il a admonesté deux jeunes qui avaient cassé le pare-brise de la voiture de sa femme. Chauffeur-routier, il est responsable d’équipe, soit trois camions, gagne 4 000 euros net par mois et passera en CDI à la fin de l’année.

    Samedi, il devait vivre sa « première manif » mais il a été contrôlé avec, dans le sac, des lunettes de natation, des protège-tibias, des gants coqués, un masque d’aide respiratoire et des pierres. Il dit que tout cela c’était « pour se protéger » et qu’il n’allait bien « évidemment pas jeter des pierres contre les forces de l’ordre ». Il est placé sous contrôle judiciaire jusqu’à sa comparution en janvier, avec interdiction de venir sur Paris.

    Thomas, 20 ans, intérimaire, venu de l’Eure

    Ce samedi à 20 h 45, Thomas est interpellé rue du Faubourg-Saint-Honoré. Dans sa poche, six paires de lunettes de grandes marques pour une valeur d’environ 1 300 euros. Un magasin d’optique a été pillé. Mais la police note sur son P.-V. d’interpellation que le jeune homme n’a pas participé à la casse ; il s’est servi après coup. « Je suis rentré dans le magasin tout cassé. J’ai pris des lunettes. Je sais pas, j’ai pas réfléchi, j’étais pris avec les autres », dit-il.

    Thomas était venu manifester avec sa copine et deux amis. Dans les tourbillons de violence qui ont emporté le quartier Concorde-Rivoli, il les a perdus, s’est retrouvé coincé entre deux groupes de CRS, explique-t-il. Son sweat-shirt était taché du sang d’un autre manifestant, « les grenades tombaient de partout, j’allais pas me rapprocher seul des CRS et il n’y avait pas de fuite possible ». Thomas a donc suivi les casseurs et est entré dans le magasin.

    Vendeur empilant les CDD dans un magasin de décoration et aujourd’hui à Intermarché, Thomas vit chez ses parents et a été condamné il y a quelques mois pour avoir revendu de la cocaïne et du cannabis. « Ça finançait ma consommation personnelle, mais j’ai tout arrêté depuis, seul et sans médicament », dit-il. La procureure demande quatre mois de prison ferme et deux mois supplémentaires au titre de la révocation du sursis de la peine précédente. Le jugement va au-delà des réquisitions : dix mois de prison ferme.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/041218/au-tribunal-de-paris-de-la-prison-en-veux-tu-en-voila-pour-les-gilets-jaun

  • Paris : #émeutes inédites depuis 68 - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/12/02/paris-emeutes-inedites-depuis-68_1695615

    Annotations :

    Dès 9 heures, les premières grenades lacrymogènes étaient tirées autour de l’Arc de triomphe. Au cours de la journée, pas moins de 249 feux ont été pris en charge par les pompiers, dont 112 véhicules et 6 bâtiments incendiés. De nombreux commerces ont également été dégradés ou pillés. 133 blessés selon un décompte de la préfecture, dont 23 parmi les forces de l’ordre. Un homme était dans le coma après s’être fait écraser par un morceau de la lourde grille du parc des Tuileries, qui a fini par céder sous la pression des manifestants. pour les seules compagnies républicaines de sécurité (CRS) et les (...)

    #gilets_jaunes #-France #luttes #extrême_droite #casseurs #-2_decembre_2018 #polices #insurection

  • De quoi se compose l’émeute ?

    De quoi se compose l’émeute ? De rien et de tout. D’une électricité dégagée peu à peu, d’une flamme subitement jaillie, d’une force qui erre, d’un souffle qui passe. Ce souffle rencontre des têtes qui parlent, des cerveaux qui rêvent, des âmes qui souffrent, des passions qui brûlent, des misères qui hurlent, et les emporte.

    Où ?

    Au hasard. À travers l’État, à travers les lois, à travers la prospérité et l’insolence des autres.

    Les convictions irritées, les enthousiasmes aigris, les indignations émues, les instincts de guerre comprimés, les jeunes courages exaltés, les aveuglements généreux ; la curiosité, le goût du changement, la soif de l’inattendu, le sentiment qui fait qu’on se plaît à lire l’affiche d’un nouveau spectacle et qu’on aime au théâtre le coup de sifflet du machiniste ; les haines vagues, les rancunes, les désappointements, toute vanité qui croit que la destinée lui a fait faillite ; les malaises, les songes creux, les ambitions entourées d’escarpements ; quiconque espère d’un écroulement une issue ; enfin, au plus bas, la tourbe, cette boue qui prend feu, tels sont les éléments de l’émeute.

    Ce qu’il y a de plus grand et ce qu’il y a de plus infime ; les êtres qui rôdent en dehors de tout, attendant une occasion, bohèmes, gens sans aveu, vagabonds de carrefours, ceux qui dorment la nuit dans un désert de maisons sans autre toit que les froides nuées du ciel, ceux qui demandent chaque jour leur pain au hasard et non au travail, les inconnus de la misère et du néant, les bras nus, les pieds nus, appartiennent à l’émeute.

    Quiconque a dans l’âme une révolte secrète contre un fait quelconque de l’état, de la vie ou du sort, confine à l’émeute, et, dès qu’elle paraît, commence à frissonner et à se sentir soulevé par le tourbillon.

    (Victor Hugo, « Les misérables », « L’insurrection du 5 juin 1832 »)

    #émeute #insurrection #misère #feu #victor_hugo #paris #révolte #casseurs #vagabonds #giletsjaunes #inattendu #secrets #escarpements #languefrançaise #pain

    • trois sortes de violence

      Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés.
      La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.
      La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.
      Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue.

      (Hélder Pessoa Câmara (1909-1999), archevêque de Recife)

      #violence #émeute #insurrection #résistance #violence_révolutionnaire #répression

  • #casseurs_de_luxe #gilets_d_or

    Les « #gilets_jaunes » au tribunal : « J’aurais jamais dû mettre #les_pieds_à_Paris ! »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/11/27/j-aurais-jamais-du-mettre-les-pieds-a-paris_5389025_3224.html

    Le suivant portait, lui aussi, un couteau, un Opinel. Il a 26 ans, il vient de Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie. « Détenir une arme de catégorie D est une infraction », lui explique solennellement la procureure. Le prévenu hausse les épaules. « Vous savez, chez nous, tout le monde a un Opinel sur soi. Je vais pas me défendre de ça. » Il avait aussi une matraque dans son sac. « Je l’ai ramassée par terre, je voulais la ramener en souvenir. Je suis conseiller financier, je suis pas venu pour casser du policier ! Je voulais juste exprimer mon mécontentement.

    – Quels sont vos revenus ?

    – Je travaille en Suisse, je gagne environ 8 000 euros par mois.

    Son jeune avocat commis d’office écarquille les yeux.

    – Et votre compagne ?

    – Elle travaille aussi en Suisse. Elle gagne 3 500 euros. »

    Condamné à trois mois avec sursis pour port d’arme.

    [...]

    Le plus âgé des prévenus a 40 ans. Il a manifesté, dit-il, « contre la dégradation du service public ». Il a été arrêté avec une cagoule, des gants et un marteau. Ancien militaire, il est depuis plus de dix ans surveillant pénitentiaire.

  • https://www.youtube.com/watch?v=7W41yI5MMgg&feature=youtu.be

    Tout ce que vous devez savoir sur les compteurs communicants LINKY, Gazpar et cie, et sur les différentes façons de les refuser. Vidéo pour toutes et tous : elle est aussi interprétée en langue des signes, et sous-titrée. Conférence animée par Stéphane Lhomme, Conseiller municipal de Saint-Macaire (Gironde), qui intervient bénévolement et ne vend rien, et défend les valeurs du Service public, bafouées par les dirigeants d’Enedis. Voir aussi sur http://refus.linky.gazpar.free.fr

    #Linky #incendie #enédis #violence #agression #guerre-aux-pauvres #milice #casseurs #jugement #tribunal #Nécrotechnologies

  • CAMBLAIN-L’ABBÉ - Coup de chaud sur le compteur Linky
    http://www.lavoixdunord.fr/231101/article/2017-10-01/coup-de-chaud-sur-le-compteur

    Ce dimanche vers 11 h 15, les pompiers d’Aubigny ont été appelés pour un feu de compteur en limite de propriété, rue d’Arras à l’entrée du village. Des automobilistes qui passaient, voyant de la fumée sortir du coffret, ont alerté le propriétaire des lieux, qui avait pour sa part constaté de fortes baisses de tension et des microcoupures dans la matinée, et qui avait de ce fait déjà contacté les services d’Enédis.

    Surchauffe et fusibles fondus
    À leur arrivée sur place et après ouverture de la porte du coffret, les pompiers ont constaté que l’appareillage intérieur, boîtier de coupure et compteur Linky, avait fortement surchauffé, mais que ce début d’incendie s’était arrêté de lui-même après que les fusibles de protection aient fondu. Appelés à intervenir en urgence, les services d’Enédis ont changé le matériel et réalimenté l’habitation.


    #Linky #incendie #enédis #violence #agression #guerre-aux-pauvres #milice #casseurs #jugement #tribunal #Nécrotechnologies

  • PETITE-FORÊT - L’incendie d’un dépôt de pain pose pas mal de questions
    http://www.lavoixdunord.fr/112925/article/2017-02-02/l-incendie-d-un-depot-de-pain-pose-pas-mal-de-questions

    À l’extérieur, rien ne laisse supposer qu’un incendie est intervenu, la veille, au point chaud Les blés d’Or, avenue Mitterand à Petite- Forêt. À l’intérieur, le jeune gérant et son épouse sont complètement désabusés et inquiets.

    « En début d’après-midi un prestataire était intervenu pour installer un nouveau compteur type Linky, durant une petite demi-heure. Vers 18 heures, j’ai procédé au démarrage de la machine « chambre de pousse » permettant de cuire la pâte à pain destinée aux baguettes et autres viennoiseries du soir. Et quelques instants plus tard une importante fumée s’est dégagée au niveau de l’installation du compteur avec production d’intenses étincelles puis des flammes, dans le même temps l’ensemble de l’électricité s’est coupé  » relate le gérant.


    Après une première intervention faite par le gérant et son épouse, les pompiers sont rapidement arrivés et le départ de feu est resté cantonné au niveau de l’installation proche du compteur sans toucher le reste du bâtiment et du logement à l’étage où se trouvaient les deux enfants du couple.

    « La situation est très difficile à supporter car nous avions repris le fonds de commerce début janvier et nous avons contracté des emprunts pour démarrer cette activité, nous n’avons plus d’électricité pour produire du pain, le stock actuel va être perdu, nous allons être aussi en difficulté pour nous loger même si la mairie nous a proposé une solution provisoire d’hébergement en hôtel. Il faudrait que les expertises se fassent au plus vite ainsi que le rétablissement de l’électricité  », a confié le gérant.

    Qu’en sera-t-il également du matériel « chambre de pousse » qui il faut le souhaiter pourra reprendre également une activité normale, car dans ce cas les conséquences économiques seraient désastreuses pour ce jeune couple d’entrepreneurs bien malchanceux en attendant les résultats de l’expertise qui déterminera les raisons de ce départ de feu et le lien éventuel avec l’installation du nouveau compteur.

    #Linky #incendie #enédis #violence #agression #guerre-aux-pauvres #milice #casseurs #jugement #tribunal #Nécrotechnologies

  • Aux origines du terme « casseurs »
    http://theconversation.com/aux-origines-du-terme-casseurs-88612

    Malgré les manifestations, les grèves, les occupations, bon nombre de médias n’ont retenu du mouvement social de ces derniers mois qu’une image et qu’un mot : les « casseurs ». Est-ce une première fois ? Certainement pas : ces dernières années, bien des manifestations n’ont été couvertes médiatiquement qu’au prisme de leurs affrontements. Mais d’où la représentation vient-elle exactement ?

    Nous sommes en 1832. Les 5 et 6 juin ont lieu les journées insurrectionnelles qui inspireront Victor Hugo dans Les Misérables. Les obsèques du général républicain Lamarque se transforment en manifestations et en protestation contre un régime qui a déçu. La monarchie de Juillet n’a pas tenu ses promesses ; deux ans à peine après l’épisode révolutionnaire, le pouvoir de Louis-Philippe est déjà devenu autoritaire – l’insurrection est réprimée dans le sang. Mais le régime est aux abois. Il se sent menacé de toutes parts, et notamment dans la presse satirique qui le harcèle de sa critique. Le Figaro est alors de ces journaux-là, de ceux qui pratiquent l’insolence politique à l’égard du gouvernement et revendiquent allègrement la liberté de pensée sans laquelle, on le sait, « il n’est point d’éloge flatteur ».

    Pour contrer la fronde, le pouvoir n’y va pas par quatre chemins. Son moyen de faire taire l’impertinent est en effet bien évident : il rachète Le Figaro, purement et simplement. Ses confrères et frères d’hier l’accablent de sarcasmes : voilà un « Figaro préfet ». Rien n’y fait. Le journal trempe désormais sa plume à l’éloge des gens établis. Et pour défendre leurs intérêts, il lui faut changer de cibles et d’adversaires. Ils sont tout trouvés : ce sont ces républicains qui viennent de mettre le régime en danger.

    C’est ici que l’image du « casseur » intervient. On en voit très précisément surgir l’occurrence à l’automne 1832.

  • La justice existe encore parfois Comite Anti Linky Lille - 10 Mai 2017 ( Reçu par Mail)
    Communes et particuliers, nous pouvons refuser les compteurs Linky et Gazpar !

    Comme vous pouvez le voir sur ce document http://refus.linky.gazpar.free.fr/EXACTIONS-ENEDIS-LINKY.pdf (pages 5 et 6), le 19 juillet 2016, un habitant (pompier retraité) a été agressé à son domicile par les miliciens d’Enedis qui, pour lui imposer le compteur malfaisant Linky, ont entrepris de casser les protections que ce courageux citoyen avant installé devant son compteur ordinaire.

    Ne doutant de rien, les agresseurs ont carrément poursuivi en justice notre ami Jean-Claude. MAIS, le 20 juin 2017, le Tribunal de La Rochelle a rendu un jugement d’une très grande importance.

    Non seulement le tribunal a relaxé Jean-Claude qui avait parfaitement le droit d’expulser de sa propriété les fauteurs de trouble, mais le tribunal a aussi affirmé de façon parfaitement claire que les installateurs de Linky n’ont absolument pas le droit de casser les protections installées devant le compteur ordinaire par l’habitant.

    Qu’on se le dise et, si votre compteur est à l’extérieur de votre logement, n’hésitez pas à le protéger comme c’est le cas sur ces quelques exemples. http://refus.linky.gazpar.free.fr/compteurs-proteges.pdf

    Source : http://refus.linky.gazpar.free.fr/jugement-la-rochelle.htm

    Ecrivez à Stéphane pour qu’il vous ajoute à sa liste de diffusion ; vous serez informé de son combat, sur les autres instances de lutte, sur les jugements en cours, les frasques de Que Choisir,... Que du concret, et à jour.

    #Anti-Linky #Linky #violence #agression #guerre-aux-pauvres #milice #Enedis #casseurs #jugement #tribunal

  • Val-de-Marne : la police des polices saisie après la blessure d’une lycéenne à Cachan - Le Parisien
    http://www.leparisien.fr/fresnes-94260/cachan-la-police-des-polices-saisie-apres-la-blessure-de-la-lyceenne-24-1

    La lycéenne a été grièvement blessée à l’œil dans une manifestation ce jeudi.

    L’Inspection générale de la police nationale a été saisie ce vendredi par le parquet de Créteil pour en savoir plus sur la façon dont une lycéenne a été grièvement blessée à l’œil à Cachan (Val-de-Marne) ce jeudi.
    Une manifestation de près de 200 jeunes contre l’esclavagisme en Libye avait donné lieu à des actes de dégradation après le blocus du lycée Gustave-Eiffel de Cachan. Le Carrefour Market a du reste été fermé. Les policiers sont intervenus pour disperser les manifestants. Des heurts ont éclaté entre les forces de l’ordre et des jeunes. Il y a eu des tirs de Flash Ball et de grenades lacrymogènes.
    Des élèves assurent que la blessure à l’œil de la lycéenne, transportée à l’hôpital Cochin à Paris, provient d’un tir de Flash Ball. Pour un fonctionnaire, il pourrait s’agir d’une pierre. « Nous ne savons pas l’origine de la blessure, assure un autre policier. C’est justement ce que démontrera l’enquête. »

    #manifestation #police #flashball

    • Cachan : la lycéenne blessée pendant les heurts aurait perdu l’usage de son oeil
      http://www.leparisien.fr/val-de-marne-94/cachan-la-lyceenne-blessee-pendant-les-heurts-aurait-perdu-l-usage-de-son

      L’annonce a été faite aux policiers , (...).
      Que s’est-il passé précisément ? On ne sait pas. Des élèves affirment qu’elle a pris un tir de flash-ball. « J’ai un collègue qui a fait usage du flash-ball mais personne n’est tombé ou n’a appelé à l’aide », précise un policier. Un autre pense qu’il est plus probable que « la lycéenne ait pris une pierre » . Mais aucune certitude. « C’est précisément pour cette raison que la police des polices a été saisie », souligne une source proche de l’enquête.
      Ce n’est pas la première fois que des heurts éclatent devant cet établissement et d’un autre à Cachan. En mars dernier, des échauffourées avaient eu lieu durant plusieurs jours en marge de manifestations « contre les violences de l’Etat ».
      Il y a moins de deux semaines, un élève du lycée Frédéric-Mistral a, du reste, été condamné à une peine d’amende avec sursis pour ces violences. « Il ne faut pas pour autant faire d’amalgame entre les lycéens, qui sont très majoritairement contre ces #blocus, et les #casseurs qui profitent de ces rassemblements pour racketter ou taper des élèves », insiste un #policier.

    • Lycéenne blessée par un tir de flash ball à Cachan : un rassemblement (27 novembre 2017)
      http://www.leparisien.fr/cachan-94230/lyceenne-blessee-a-cachan-un-rassemblement-de-soutien-jeudi-27-11-2017-74

      Les lycéens de Maximilien-Sorre et Gustave-Eiffel se donnent rendez-vous via les réseaux sociaux. Ils envisagent un nouveau blocus, une semaine après la manifestation qui a dégénéré.

      Le message tourne sur Snapchat, l’application mobile de partage d’images éphémères. Les lycéens de Maximilien-Sorre et Gustave-Eiffel, à Cachan, se donnent rendez-vous ce jeudi pour une nouvelle manifestation. Une semaine jour pour jour après le rassemblement qui a dégénéré aux abords de ces établissements. Et c’est justement pour soutenir leur camarade blessée à l’œil lors du face-à-face avec la police que les élèves réitèrent. Il est à nouveau question d’un blocus.

      Munis de drapeaux africains, jeudi dernier, les lycéens s’étaient massés près de l’entrée de Gustave-Eiffel pour dénoncer l’esclavagisme en Libye. Et « montrer que ce qui se passe là-bas est inhumain ». Ils avaient bloqué l’accès au bâtiment dès 8 heures. Mais au-delà des revendications politiques, certains en avaient profité pour se livrer à des violences urbaines.

      Une source proche de l’enquête confirme, ce lundi, que la police a fait usage de deux grenades lacrymogènes et d’un tir de flash-ball. Des élèves assurent que c’est ce tir qui a atteint la jeune femme à l’œil. Les fonctionnaires, eux, estiment plus probable qu’elle ait reçu « une pierre ». L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) est chargée d’élucider la réalité des faits.
      Devant les deux lycées, avenue du Président-Wilson ce lundi midi, uniformes en nombre, « fumigènes » et départ de feu continuaient d’alimenter les discussions. Mais personne n’osait ouvertement parler de la lycéenne blessée, qui suit apparemment ses études supérieures à Maximilien-Sorre. Tout juste sait-on que son œil a « finalement pu être sauvé » par les médecins de l’hôpital Cochin. « On l’a vu en sang », jure une adolescente à qui l’on a mimé la scène. « Elle voyait d’abord tout jaune avec un point noir, poursuit une autre. Maintenant elle voit. Flou, mais elle voit. »