#chlorothalonil

  • « Le nouveau #plan_Ecophyto constitue une authentique #fraude_démocratique »

    Après des semaines d’attente, le gouvernement a enfin clarifié sa position sur l’avenir du plan Ecophyto, mis en « pause », début février, en réponse à la colère du monde agricole. Lundi 6 mai, la publication du nouveau plan (Ecophyto 2030) a confirmé l’abandon de toute #ambition de réduction des usages de #pesticides, à la fois problème de #santé_publique et principale cause d’effondrement de la #biodiversité sous nos latitudes. Et ce, indépendamment des efforts des agriculteurs. Ces derniers jours, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, #Marc_Fesneau, et sa déléguée, #Agnès_Pannier-Runacher, ont fermement défendu l’idée que le cap d’une « réduction de 50 % des pesticides », à l’horizon 2030, était maintenu, au point d’accuser ceux qui en doutent de propager des « fausses informations ».

    Des propos d’une singulière légèreté qui reviennent à accuser d’affabulation le conseil scientifique et technique du plan Ecophyto – des chercheurs et des ingénieurs des organismes publics de recherche et des instituts techniques, nommés pour leur connaissance du sujet. Une prépublication rendue publique début mai, signée par la grande majorité des membres du conseil, montre en effet que le nouvel #indice européen chargé de suivre les usages et les risques des pesticides, dit « #HRI », pour #Harmonised_Risk_Indicator, ne rend compte en réalité ni de l’usage ni des risques de ces produits. Il est d’ailleurs très difficile de savoir de quoi il rend compte exactement. Une chose est sûre : c’est un thermomètre lourdement truqué.

    Mon collègue Romain Imbach a détaillé, dans un long et minutieux décryptage des travaux du conseil scientifique et technique, les moyens de ce trompe-l’œil. Quiconque en aura pris connaissance ne peut qu’être convaincu du caractère frauduleux du nouvel indicateur. Une expérience de pensée très simple permet à un enfant de cours élémentaire de le comprendre. Il faut malgré tout se concentrer un peu et rassembler toute son attention.

    Classement en quatre #catégories

    Avant tout, il faut savoir que le HRI classe les pesticides en quatre catégories. D’abord, il y a les produits à « faible risque », si rares qu’ils pèsent pour presque rien dans l’indice (groupe 1). Ensuite, viennent les produits autorisés qui ne sont pas classés cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (#CMR) ou #perturbateurs_endocriniens (groupe 2). Viennent après ceux autorisés, mais classés CMR et qui sortiront du marché à brève ou moyenne échéance (groupe 3). Enfin, il y a les produits interdits et utilisés à titre dérogatoire (groupe 4).

    Calculer le HRI est un jeu d’enfant. A chaque groupe son coefficient de risque : 1 pour le premier, 8 pour le deuxième, 16 pour le troisième et, enfin, 64 pour les produits interdits. Si vous avez suivi, vous savez désormais que 16 kilos d’un produit du groupe 1 comptent, dans le HRI, autant que 2 kilos de ceux du groupe 2, et 1 kilo de ceux du groupe 3, et 250 grammes des produits interdits.

    Nous pouvons maintenant procéder à notre expérience de pensée. En 2020, un agriculteur traite un champ de 1 hectare avec la dose réglementaire de 1 kilo d’un produit « A », appartenant au groupe 3. Le HRI correspondant à ce traitement est donc de 16. L’année suivante, en 2021, le produit « A » sort du marché et passe dans le groupe 4. L’exploitant utilise donc en remplacement le produit « B », appartenant également au groupe 3 et dont la dose réglementaire est identique, à savoir 1 kilo par hectare. Un esprit raisonnable ne peut que reconnaître que rien n’a changé entre 2020 et 2021. Et pourtant, entre 2020 et 2021, le HRI du traitement de ce même hectare a baissé de… 75 % !

    Comment une telle magie est-elle possible ? C’est simple : la décision réglementaire d’interdire le produit « A » en 2021 a un effet rétroactif sur l’année 2020, dont il faut recalculer le HRI. Celui-ci n’est plus de 16, mais de 64. Le HRI peut donc être réduit des trois quarts sans que rien n’ait en réalité changé. Imaginons maintenant que le produit « B » ait été plus efficace que le précédent, avec une dose réglementaire de 500 grammes à l’hectare pour un même résultat, la chute du HRI pour ce traitement entre 2020 et 2021 serait alors, sans aucun changement réel, de 87,5 %. Dans ces deux cas, l’indice historique de suivi du recours aux pesticides en place depuis quinze ans, le nombre de doses unités (NODU) serait resté identique d’une année sur l’autre.

    On comprend mieux que les calculs du conseil scientifique et technique montrent une baisse du HRI de quelque 33 % entre 2011-2013 et 2021, sans aucune politique volontariste du gouvernement. Ces calculs permettent d’ores et déjà d’anticiper une baisse supplémentaire de 10 points en 2022, grâce à l’#interdiction, cette année-là, d’un unique produit, le #mancozèbe. Qui sera remplacé à l’identique par des substances non encore interdites. Ce qu’il faut comprendre est que le classement CMR des pesticides est un processus dynamique : le point commun à tous les produits interdits est d’avoir été un jour autorisés. Le #chlorothalonil, le #chlorpyrifos, la #chloridazone, l’#imidaclopride ou le #S-métolachlore, par exemple : tous ces produits, récemment interdits ou en passe de l’être, ont passé des décennies, parfois plus d’un demi-siècle, sur le marché.

    L’inertie réglementaire est telle que bon nombre de produits aujourd’hui catégorisés 2 finiront par être interdits et remplacés, alimentant ainsi une baisse trompeuse et éternellement reconduite du HRI. On le voit, le plan Ecophyto 2030 ne repose pas seulement sur un choix technique controversé : il constitue une authentique #fraude démocratique. Il offrira aux prochains gouvernements, en France et en Europe, la possibilité de communiquer des chiffres spectaculaires de « réduction des pesticides », en l’absence de toute baisse réelle du recours à ces produits. Cela s’appelle tromper l’opinion.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/12/le-nouveau-plan-ecophyto-constitue-une-authentique-fraude-democratique_62326
    #Ecophyto #tromperie

  • https://www.lefigaro.fr/sciences/l-eau-du-robinet-ne-doit-plus-etre-consommee-affirme-le-directeur-de-l-ars-

    L’eau du robinet « ne doit plus être consommée », affirme le directeur de l’ARS Occitanie dans un mail confidentiel

    « Il faut privilégier l’eau en bouteille ». Le Canard enchaîné a révélé dans son édition de mercredi 18 octobre un mail envoyé par le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, Didier Jaffre, où il mettait en garde contre l’utilisation de l’eau potable dans la région. Le directeur de l’ARS a envoyé cet avertissement le 23 septembre dans un courriel adressé à ses cadres.

    (en mode lecture
    https://justpaste.it/ca72j)

    les confidences de Didier Jaffre, directeur de l’#ARS #Occitanie #PFAS #chlorothalonil

    • Il faut convenir qu’on ne cesse de tergiverser entre les différentes injonctions contradictoires :
      – L’eau en bouteille contient des microplastiques, nous empoisonne, et empoisonne la nature, et en plus, le plastique se recycle bien plus mal qu’annoncé
      – L’eau du robinet nous empoisonne, car les procédés actuels sont incapables de supprimer les molécules chimiques qu’on refuse d’interdire, et qui de toute façon ont été diffusées avec tant d’allégresse qu’on ne s’en débarrassera pas.

      Ici, pour éviter les dizaines de bouteilles chaque semaine, on boit de l’eau du robinet filtrée par charbon. Mais avec ce qu’on entend au sujet des PFAS sur la région lyonnaise... Groumpf. Envie de revenir à l’eau de source qu’on pompe en profondeur pour produire du coca ou remplir les mégabassines...

    • Mais l’eau en bouteille, elle vient bien de quelque part.

      Perrier c’est à Vergèze, tout près de Nîmes. C’est autant l’Occitanie que l’eau du robinet de Montpellier (tirée de la source du Lez).

      Mont Roucous, c’est dans le Tarn. Montcalm c’est les Pyrénées ariégeoises. Eau de la Reine (je connais pas) c’est le Tarn aussi. Ô9, la Haute-Ariège. La Vernière c’est près de Bézier. La Salvetat c’est le Haut Languedoc.

      Qu’est-ce qu’il différencie une eau minérale d’Occitanie d’une eau du robinet qui provient d’Occitanie ?

    • Pff, même au fin fond des Corbières (première épicerie à 30mn en voiture village de 90 habitants l’été) l’eau a été polluée par des pesticides (aux avants derniers relevés effectués) mais je trouve personne pour m’informer correctement et le maire me fuit. (Je gueule trop notamment parce qu’ils accordent des permis de construire … sans eau au village) Le village a bien fait un effort en remplaçant les pastilles de chlore par un traitement ultra violet. Et donc on boit de l’eau de la source ou ce qu’il en reste car ça se tarit doucement, il n’y a plus d’eau pour les potagers et les minis fontaines au coin des rues ont été fermées.
      Et il y a plein de citadins retraités ou jeunes qui s’installent joyeusement dans l’ivresse de cette belle nature où tout crève faute d’eau et qui n’ont pas encore compris leur douleur.

    • Merci pour la doc @monolecte.

      Maintenant, sans vouloir passer pour un pénible, je me dis que tout ça, ce n’est pas que le problème des humains. Il y aussi les végétaux, les bestioles en tout genre qui doivent morfler. Même si nous les filtrons, les poisons se retrouvent bien quelque part. Et finalement, faudrait-il avoir honte de se réjouir lorsque tous ces citadins (un peu CSP+ quand même) qui s’esbaudissent façon hédoniste chez les bouseux vont comprendre leurs douleurs ? La chimiothérapie (àskip), ça vous atomise la joie de vivre façon puzzle.

    • Bon, même si il y a les films d’Agnès Varda sur Arte en ce moment, je déprime, je fonds, je disloque et je loque. Je me suis échappée dans les Corbières comme tu auras compris, mais ce sentiment de monde factice et vain me poursuit avec ces fameux citadins venus remplacés ceux qui sont morts ou disparus. Les maisons abandonnées depuis des dizaines d’années ont toutes été reprises, souvent payées très chères, parfois restaurées en toc pour du RBNB avec boitier. Sinon on ne voit pas trop ces nouveaux habitants terrés dans leur home sweet home. Le long de la rivière on peut toutefois compter sur les déjections de leurs chiens, et la mairie a pété le mur en pierres sèches qui menait aux potagers parce qu’il leur faut des parkings, toujours plus de parkings. Des crottes, des chiens crados et des parkings avec des voitures à gogo, l’héritage de la ville avec sa triste solitude nous happe jusqu’ici.
      Le viticulteur à la retraite a passé la main pour les haut-parleurs qui crachotaient son aquecent du sud en annonçant l’arrivée du camion de la boucherie sur la place de la fontaine où l’eau ne coule plus, ce soir l’écho électrique annonce dans les ruelles vides : « La population est invitée a utiliser l’eau en petites quantités ». Et je me demande comment les chasseurs vont bien pouvoir nettoyer les boyaux des sangliers si l’eau du robinet manque au village, une dérogation, vite ?

  • Il va falloir boire de l’eau en bouteille, les amis ☹️.
    Rapport de l’Anses sur les polluants émergents dans l’eau potable :

    https://www.anses.fr/fr/system/files/LABORATOIRE2022AST0255Ra.pdf

    ça pu pour les habitants de Ch’Nord, la région Haut-de-France est sévèrement touchée :

    La totalité des eaux brutes et eaux traitées prélevées en Bretagne et dans les Hauts de France contiennent au moins un pesticide ou métabolite. Ces deux régions présentent également des fréquences de non-conformités élevées en eaux traitées : 92% en Bretagne et 76% en Hauts de France. " [...] "Les concentrations les plus élevées en somme de pesticides et métabolites dans l’eau traitée (Figure 9 a.) ont été observées dans les régions Hauts de France et Bourgogne-Franche-Comté avec respectivement 14,3 μg/L et 7,3 μg/L.

    Reste à avoir des données plus fines sur les zones les plus concernées.

    À noter que « Polluant émergent » ne veut pas dire « nouveau polluant », mais « Polluant que l’on ne testait pas avant ».

    #pollution_eau #chlorothalonil #R471811

  • L’eau potable en France contaminée à vaste échelle par les métabolites du chlorothalonil , un pesticide interdit depuis 2019
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/04/05/l-eau-potable-en-france-contaminee-a-vaste-echelle-par-les-metabolites-du-ch

    Environ un tiers de l’eau distribuée en France serait non conforme à la réglementation , selon un rapport qui doit être rendu public jeudi par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

    • « Contamination de l’eau. La catastrophe est prouvée. J’ai alerté sur les métabolites il y a 16 mois. »

      Vous reprendrez bien un peu de métabolites ?

      Une énième étude tire la sonnette d’alarme sur le glyphosate. On en trouve la trace dans 99,8% des urines des Français. Cette étude a été publiée le 13 janvier 2022. C’était le jour de la niche parlementaire du groupe insoumis. Nous l’avons donc utilisée comme preuve accablante supplémentaire pour exiger l’interdiction du glyphosate. Mais les macronistes n’ont rien voulu savoir. D’après le ministre Denormandie, tout est complexe et nous sommes trop « simplistes » !

      Une chose est très simple à comprendre : le désastre est total. Faute d’interdiction, les ventes de ce pesticide ont augmenté de 42% entre 2019 et 2020. Désormais, 90% des cours d’eau français sont pollués aux pesticides. Une autre étude de Santé Publique France, publiée le 16 décembre dernier, est passée inaperçue. Elle était pourtant tout aussi effrayante. Ainsi, des résidus de glyphosate sont détectés dans les urines de 93 %… des enfants ! Pourtant, les responsables de l’enquête ont conclu à une diminution des pesticides. Facile : ils ont analysé des insecticides interdits depuis plus de 10 ans et fait l’impasse sur les néonicotinoïdes tueurs d’abeilles !

      Mais la dissimulation ne s’arrête pas là. Je veux parler ici d’une pollution plus invisible encore que celle des pesticides. Connaissez-vous les métabolites ? Ce sont les descendants chimiques des pesticides. Des centaines de pesticides se transforment en dizaines de milliers de métabolites. Ceux-là ne sont pas moins toxiques. Certains d’entre eux ont même une durée de vie plus longue.

      Quand on prend la peine de les analyser, on découvre à quel point la pollution est sous-estimée. L’eau en est saturée à tel point qu’on en retrouve aujourd’hui dans celle que nous buvons. Par exemple, depuis 2018, dans 8 villages des Pays-de-Loire, l’eau « potable » est diluée avec une autre moins polluée pour rester dans les normes. Depuis, la situation s’est aggravée. Pour ne pas couper l’eau aux habitants, le préfet a fini par autoriser le dépassement du taux autorisé de pesticides dans l’eau. Bienvenue en absurdie !

      Pourtant, ces métabolites ne sont pas tous recherchés lors des contrôles de qualité des eaux. Mais pourquoi donc ? L’explication se trouve du côté des fabricants. Une longue et minutieuse enquête du média Bastamag nous offre des explications précieuses. Evidemment, faute d’y être obligés, les fabricants rechignent à communiquer les « signatures chimiques » des pesticides qu’ils produisent. Sans code, pas d’analyse ni de détection possible. Autrement dit : pas vu, pas pris. Heureusement, les associations anti-pesticides se cotisent pour financer des analyses de pointe.

      D’autant que certains élus et responsables peu scrupuleux se rendent complices de l’agro-industrie. Ils font pression pour que ces métabolites soient classés « non pertinents ». Non-pertinents signifie moins toxiques. C’est le moyen que le lobby des fabricants de pesticides a trouvé pour que le seuil de conformité, c’est-à-dire le taux autorisé de métabolites dans l’eau, soit revu à la hausse. Plus ce taux est important, moins l’eau analysée est jugée polluée. Cela amoindri l’exigence de qualité. Ce petit tour de passe-passe ne dupe personne.

      Dans cette affaire, la macronie s’illustre une fois de plus par son soutien actif aux marchands de pesticides. En effet, en France, c’est l’Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (Anses) qui définit quels sont les métabolites pertinents. Sous le contrôle du ministère de la Santé bien sûr. En 2019, sur huit métabolites étudiés, l’agence a décidé que seuls trois d’entre eux étaient pertinents. Elle a aussi placé la France dans la fourchette très haute de taux de métabolites « acceptés » par les pouvoirs publics. Merci qui ?

      On réalise à quel point le rôle des lanceurs d’alerte est précieux. Ils sont surtout courageux. J’adresse ici une pensée à Valérie Murat. Cette militante anti-pesticides a été sommée de payer une amende de 125 000 euros pour avoir dénoncé la présence de pesticides dans certains vins de Bordeaux. En représailles, les fabricants l’ont attaquée pour « dénigrement ». La justice a décidé qu’elle ne pourra pas faire appel de cette condamnation tant qu’elle n’aura pas réglé la totalité de l’amende.

      Personne n’est dupe. Cet acharnement vise bien sûr à la faire taire. Mais tous ceux que l’on cherchera à bâillonner pour avoir défendu l’intérêt général bénéficieront du soutien sans faille des Insoumis. Surtout, le moment venu, je serais implacable. Les pesticides les plus signalés seront interdits. Un plan national de dépollution générale sera engagé, dans les Outre-mer comme dans l’Hexagone. Le passage à une agriculture écologique s’appuiera sur des normes exigeantes. Enfin, les victimes seront indemnisées et les responsables seront châtiés. Si vous préférez l’inverse, votez Macron.

      https://melenchon.fr/2022/01/24/vous-reprendrez-bien-un-peu-de-metabolites

    • Dans la barre de recherche de SeenThis, en tapant « metolachlore », le dernier en date de la grande famille des « cides », j’ai fait remonter pas mal de trucs (de septembre 2012 à aujourd’hui avec une hausse de fréquence d’apparition sur les quatre dernières années).

  • Qualité de l’eau : la Suisse inquiète pour son or bleu

    La Suisse possède de grandes réserves d’eau. En tout temps, chaque ménage a accès à de l’eau potable propre. Du moins dans l’idéal… Car le « château d’eau de l’Europe » révèle des fissures.

    En Suisse, les matières premières sont peu abondantes, mais l’eau coule à flots. Ce n’est pas pour rien qu’on dit du pays qu’il est le château d’eau de l’Europe. Le Rhin et le Rhône, qui se jettent dans l’Atlantique et la mer Méditerranée, y prennent leur source et les torrents et rivières suisses alimentent aussi le Pô, le Danube et l’Adige. Les lacs et nappes phréatiques suisses contiennent d’énormes réserves d’or bleu. Certes, le changement climatique rend les étés plus secs, fait fondre les glaciers et tarit localement des sources. Mais la Suisse pourra toujours compter sur les précipitations, qui constituent sa principale ressource en eau. Les réservoirs aquifères sont essentiellement alimentés par les chutes de pluie pendant l’hiver. Chaque année, il tombe en Suisse en moyenne 60 milliards de km3 d’eau du ciel, ce qui correspond au volume des lacs de Constance et des Quatre-Cantons réunis. Du point de vue purement quantitatif, l’approvisionnement en eau ne semble pas en danger en Suisse. Mais sa qualité fait de plus en plus débat.

    Des traces de pesticides dans l’eau potable

    80 % de l’eau potable en Suisse provient des sources et des eaux souterraines, et 20 % des lacs. Les plus grands réservoirs aquifères se trouvent sous le sol des vallées et des plaines fertiles du Plateau suisse, là où l’on cultive légumes et céréales. Sur ces terres agricoles à l’exploitation intensive, on utilise depuis des décennies des pesticides controversés. Dernier exemple en date, le #chlorothalonil, un #fongicide présent dans les produits phytosanitaires qui sont pulvérisés sur les champs depuis les années 1970 pour lutter contre les infestations fongiques.

    Le chlorothalonil a été interdit en 2020, après que les autorités l’ont estimé potentiellement dangereux pour la santé. Son fabricant, #Syngenta, conteste vigoureusement qu’il est probablement cancérigène. Le groupe agrochimique a obtenu par voie judiciaire que l’Office fédéral de l’agriculture retire de son site web une mention dans ce sens jusqu’à la décision définitive du Tribunal fédéral dans cette affaire.

    Mais l’interdiction du chlorothalonil ne résout pas le problème pour l’approvisionnement en eau potable. Car les résidus issus de la décomposition de ce produit phytosanitaire – les #métabolites – continueront de polluer les #eaux_souterraines pendant des années encore. D’après les prescriptions fédérales, ce type de substances « pertinentes » ne doit pas dépasser la valeur de 0,1 microgramme par litre d’eau potable. C’est pourtant le cas dans les zones d’#agriculture_intensive du Plateau suisse, notamment dans le canton de #Soleure : « Dans les plaines de la vallée, ce seuil est dépassé dans presque tous les captages d’eau ; dans certains cas, on enregistre même des quantités 20 fois plus importantes », constate Martin Würsten. Depuis qu’il est à la retraite, l’ancien chef du département de l’environnement soleurois se bat aux côtés de la communauté d’intérêts « #4aqua », qui regroupe des dizaines d’experts de l’eau et de l’environnement bien décidés à donner à l’eau « une voix politique fondée sur des faits ».

    Un million d’habitants concernés

    Pour Martin Würsten, cette voix a été trop peu entendue ces dernières dizaines d’années.

    « Tandis que l’on a fait d’immenses progrès dans l’épuration des eaux usées, la pollution des eaux par l’agriculture ne s’est presque pas améliorée au cours de ces 20 dernières années. »

    Martin Würsten, ancien chef du département de l’environnement soleurois

    Martin Würsten désapprouve aussi le fait que tous les pesticides pulvérisés sur les champs ne font pas l’objet d’études aussi détaillées que le chlorothalonil récemment : « Or, ce qui n’est pas encore considéré comme pertinent pour la santé aujourd’hui le sera demain ». Les experts de « 4aqua » exigent par conséquent plus de transparence et de contrôle dans l’autorisation des pesticides synthétiques. Actuellement, on en utilise environ 370 en Suisse.

    Sur le Plateau, près d’un million de personnes sont actuellement approvisionnées en eau potable contenant des pesticides et ne satisfaisant pas aux exigences de la législation sur les denrées alimentaires. Les autorités ont donné un délai de deux ans aux fournisseurs d’eau potable pour abaisser les résidus de chlorothalonil au seuil autorisé. Il est possible de le faire par exemple en diluant l’eau, c’est-à-dire en lui ajoutant de l’eau non polluée. Un réseau de distribution d’eau du Seeland bernois entend éliminer les résidus par l’utilisation d’un nouveau filtre. D’après Martin Würsten, cela ne résout que partiellement ce grave problème. Car on s’écarte ainsi du principe qui veut que les eaux souterraines, en Suisse, ne doivent pas être traitées à grands frais.

    Deux #initiatives en votation

    Martin Würsten et ses camarades de lutte de « 4aqua » soutiennent ainsi l’initiative populaire pour une eau potable sur laquelle les Suisses voteront le 13 juin. Lancée par un comité de citoyens apolitiques, celle-ci réclame qu’à l’avenir, seuls les paysans qui renoncent à l’utilisation de pesticides et à l’administration régulière d’antibiotiques dans l’élevage puissent encore toucher des subventions publiques. À la même date, le peuple devra aussi se prononcer sur l’initiative « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse » qui vise, elle, à interdire complètement l’utilisation de tels pesticides. L’interdiction s’appliquerait également à l’importation de produits alimentaires fabriqués à l’aide de produits phytosanitaires synthétiques.

    Pour l’Union suisse des paysans, les deux initiatives vont beaucoup trop loin, car elles rendraient la production nationale et régionale plus difficile, voire impossible. Si l’agriculture devait renoncer aux pesticides, cela entraînerait une baisse d’au moins 30 % de la production, affirment les opposants. L’Union suisse des paysans prévient même que les pommes de terre, le colza ou les betteraves sucrières ne pourront plus guère être cultivés en Suisse. Mais tous les paysans ne partagent pas ces craintes. Ainsi Bio Suisse, l’association faîtière des producteurs suisses bio, soutient l’initiative sur les pesticides parce qu’elle correspond aux principes fondamentaux de l’agriculture biologique. Bio Suisse est plus sceptique quant à l’initiative sur l’eau potable, qui demande que les paysans ne puissent détenir que le cheptel qu’ils sont en mesure de nourrir avec leur propre fourrage. Pour les petites exploitations biologiques, cela pourrait être un problème.

    Le Conseil fédéral et la majorité du Parlement recommandent au peuple de rejeter les deux initiatives. De leur point de vue, elles font du tort à l’agriculture et mettent en péril la sécurité alimentaire en Suisse. En ce qui concerne les pesticides, le gouvernement a promis des améliorations dans le cadre de la Politique agricole à partir de 2022. Mais le Conseil des États a gelé ce projet, tout en se montrant prêt à adopter des mesures modérées pour une meilleure protection des eaux souterraines. Le Parlement entend ainsi couper l’herbe sous les pieds des initiatives dans une campagne de votation qui s’annonce très émotionnelle. Quoiqu’il en soit, la votation du 13 juin aura les contours d’un plébiscite sur l’avenir de l’agriculture suisse, allant bien au-delà des débats sur l’eau potable propre.

    https://www.swisscommunity.org/fr/nouvelles-et-medias/revue-suisse/article/ombres-sur-lor-bleu
    #Suisse #eau #eau_potable #pesticides #pollution #agriculture #industrie_agro-alimentaire

    ping @albertocampiphoto