• c’est de la récup, je n’ai pas mieux
      #paywall

      L’octogénaire qui a tué Mahamadou Cissé remis en liberté, Ration

      Après six mois de détention provisoire, le harki qui avait tué, en décembre 2022 à Charleville-Mézières, son ancien voisin, un jeune homme noir, « par exaspération », selon les mots du procureur, a été remis en liberté.

      Le 9 décembre 2022, dans la soirée, Hocine A., 82 ans, tuait d’une balle son ancien voisin Mahamadou Cissé, 21 ans, à Charleville-Mézières (Ardennes). Le vétéran de la guerre d’Algérie reprochait au jeune homme d’avoir occupé son hall, puis de l’avoir insulté, voire menacé de ses poings. Une ultime vexation selon cet habitant de la Ronde-Couture, exaspéré par la vie de ce quartier populaire. Comme pour justifier cet acte, le #procureur de la République de Reims parlait alors d’« homicide par exaspération ». Une déclaration reçue comme un « coup de massue » par la sœur de la victime. Assétou Cissé expliquait à Libération que les propos du parquetier ainsi que d’autres éléments du dossier soulevaient la « problématique du racisme » couvée par ce drame (cette coloration n’est pas pour l’heure retenue par l’autorité judiciaire). D’autant qu’Hocine A. recevait ensuite, depuis sa prison, le soutien d’une association très droitière d’anciens combattants, et des courriers de soutien aux relents xénophobes et racistes.

      Dans le cadre de l’information judiciaire, Hocine A. a été mis en examen pour homicide volontaire, détention d’arme de catégorie A sans autorisation, violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique avec arme (il a brièvement menacé de son 22 long rifle les policiers venus l’interpeller) et menace de mort sur un témoin et ami de Mahamadou Cissé (qui a porté plainte).

      « Atténuer le risque de représailles »

      Toutefois, et suivant les réquisitions du procureur de la République, la juge d’instruction a ordonné, le 21 juillet, la fin, au bout d’environ six mois, de la détention provisoire de Hocine A.. Son contrôle judiciaire lui interdit de paraître dans les Ardennes, de sortir du territoire national et lui impose de se présenter régulièrement au service pénitentiaire d’insertion et de probation du département d’Occitanie où il sera désormais hébergé, à des centaines de kilomètres de son ancien domicile. La juge d’instruction considère d’ailleurs « que cette proposition d’hébergement permet d’atténuer le risque de trouble à l’ordre public ainsi que le risque de représailles de la part du mis en examen [et de] garantir la sécurité de ce dernier afin que la procédure d’information judiciaire puisse être menée à son terme ». De plus, la magistrate estime que le retraité « dispose de l’ensemble de ses attaches sur le territoire français, dont plusieurs de ses enfants qui se sont mobilisés pour l’assister au cours de sa détention [et] qu’il n’a jamais fait état d’une volonté de fuir ses responsabilités, quand bien même il minimise la portée des gestes qu’il a pu avoir ».

      « Décision incompréhensible »

      Dans un communiqué de presse daté du même jour, Saïd Harir, l’avocat de la famille de Mahamadou Cissé (qui s’est constituée partie civile), déplorait une décision judiciaire « incompréhensible », entre autres car elle « ne contraint pas le mis en examen au port d’un bracelet électronique » : « Le sentiment d’abandon de désespoir et de colère de la famille de M. Cissé ne peut qu’être compris et partagé par l’ensemble des justiciables. »

    • Remise en liberté du meurtrier de Mahamadou Cissé : « C’est une manière de nous tuer une seconde fois »
      Placé en détention provisoire depuis le meurtre « par exaspération » de Mahamadou Cissé, à Charleville-Mézières, en décembre 2022, un octogénaire, ancien militaire pendant la guerre d’Algérie, a été remis en liberté par les autorités judiciaires. Une décision inadmissible pour les proches de la victime, rassemblés mardi devant le palais de justice.
      Publié le
      Mercredi 26 juillet 2023
      Thomas Lemahieu

      Les proches de Mahamadou Cissé ont organisé un rassemblement le 25 juillet à Reims devant le palais de justice. Ils dénoncent la libération de Hocine A., mis en examen pour avoir tué Mahamadou.

      Reims (Marne), envoyé spécial.
      Mahamadou Cissé ne se voyait pas forcément en haut de l’affiche. Il voulait déjà imposer sa chance. Du cinéma, le jeune homme de 21 ans en parlait avec des étoiles dans les yeux, puis – ses amis en témoignent – avec ce sourire éclatant, gourmand, ravageur presque. Il voulait voir sa tête à l’écran ou, simplement, son nom au générique.
      Après avoir participé, en 2021, comme figurant au tournage de Tirailleurs, un film avec Omar Sy , il rêvait de pousser plus loin. Devenir acteur, vraiment. C’était à la fois un bonheur et un risque, son but, et le chemin pouvait peut-être passer par l’école Kourtrajmé, lancée par le réalisateur Ladj Ly et ses copains (Kim Chapiron, Romain Gavras, Toumani Sangaré).
      D’ailleurs, à la mi-décembre 2022, Mahamadou devait quitter le quartier, la Ronde-Couture, à Charleville-Mézières (Ardennes), pour un premier rendez-vous à Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Assétou, sa grande sœur, se préparait à l’accueillir en région parisienne…
      Mahamadou Cissé n’est plus : une ou deux balles dans le thorax tirées par un voisin octogénaire, harki et ancien militaire
      Mahamadou Cissé n’est jamais arrivé chez Kourtrajmé. Il n’a pas vu Tirailleurs, sorti en salles en janvier dernier. Ses rêves, son élan, sa vie, tout a été volé, le soir du 9 décembre 2022. Une ou deux balles dans le thorax tirées par un voisin octogénaire, harki et ancien militaire. Mahamadou Cissé n’est plus. Ni figurant, ni vedette. Rien, ou presque, quantité négligeable : son assassinat est, selon sa famille et ses amis qui le dénoncent entre amertume et colère, traité comme celui d’un personnage secondaire. Comme le meurtre d’un citoyen de seconde zone, à toutes les étapes.

      Après la remise en liberté, vendredi dernier, par ordonnance de la juge d’instruction de Reims, de Hocine A., mis en examen pour homicide volontaire, détention d’armes de catégorie A sans autorisation, menaces de mort à l’encontre d’un témoin et violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique – retranché dans son appartement à la Ronde-Couture, il a un temps mis en joue les policiers venus l’arrêter –, les proches et une centaine des soutiens de Mahamadou Cissé sont venus, mardi 25 juillet, protester devant le palais de justice.
      L’incompréhension et l’indignation sont totales sur les marches : après six mois de détention provisoire, l’octogénaire, présumé innocent et soutenu crânement par un groupuscule d’anciens militaires d’extrême droite, bénéficie d’une libération conditionnelle. Il a juste interdiction de se rendre dans les Ardennes ou de quitter la France ; il est également obligé de se présenter régulièrement au service pénitentiaire de probation et d’insertion en Occitanie où il a reçu une proposition d’hébergement qui a manifestement convaincu l’autorité judiciaire. Selon la magistrate rémoise, Hocine A. « n’a jamais fait état d’une volonté de fuir ses responsabilités, quand bien même il minimise la portée des gestes qu’il a pu avoir ». Contacté par l’Humanité, Me Pascal Ammoura, avocat du mis en examen, n’a pas donné suite .
      Membre du cabinet de Me Saïd Harir, le défenseur de la famille de Mahamadou Cissé, Me Katia Agher, présente à Reims pour une rencontre impromptue avec la juge d’instruction et pour le rassemblement, n’en revient pas. « Nous ne comprenons vraiment pas cette ordonnance, glisse-t-elle. La détention provisoire sert à protéger l’ordre public, mais aussi l’instruction du dossier. Or, à ce stade, il n’y a eu ni reconstitution, ni confrontation avec les principaux témoins. On n’a pas le retour de l’expertise balistique, si bien qu’on ne sait pas combien de coups ont été tirés… C’est encore plus surprenant dans le contexte que nous connaissons aujourd’hui, avec des jeunes qui sont condamnés à un an de prison ferme pour avoir ramassé une canette pendant les émeutes et incarcérés du coup bien plus longtemps que le mis en examen poursuivi pour avoir donné la mort à Mahamadou Cissé. »
      L’une des gifles les plus spectaculaires a été adressée par l’institution judiciaire
      Grande sœur de Mahamadou, Assétou Cissé sort, elle aussi, en colère et déterminée, après l’entrevue avec la magistrate en charge de l’instruction, une heure avant le rassemblement public. « C’est elle qui a demandé à nous voir, confie-t-elle à l’Humanité. On sent bien qu’il y a une forme d’embarras, mais quand elle a pris sa décision de remettre l’assassin en liberté, elle l’a prise sans nous, sans nous consulter ! Le mal est fait, en l’occurrence. L’homme qui a tué mon frère est libre. Et nous, on a pris perpétuité déjà, Mahamadou est six pieds sous terre. C’est un jeune Noir qui est mort, on dira… Son corps n’était pas encore froid qu’on cherchait déjà à en faire un voyou. Mais non, c’est un enfant de la République qui est mort et c’est tout le quartier de la Ronde-Couture, tout Charleville qui ont été meurtris : tout le monde a entendu ses cris, vu son corps par terre. Même le maire LR de la ville dénonce cette décision de la juge d’instruction… Nous en appelons à Gérald Darmanin, Éric Dupond-Moretti et au gouvernement, ce mépris ne peut pas perdurer. »
      Porte-parole du collectif Justice pour Mahamadou – « Cela m’est tombé dessus car je suis un peu la grande gueule de la famille », confesse-t-elle –, la trentenaire accuse : « Remettre cet homme en liberté, c’est nous placer en insécurité, nous abandonner une fois de plus… Est-ce qu’on peut imaginer ce que c’est de le voir, lui, qui est allé charger son fusil avec 15 balles et qui est revenu vers Mahamadou et ses amis pour leur tirer dessus, qui a prémédité et planifié son acte – il en avait parlé à un proche qui a alerté la police municipale –, débarquer tranquillement, sans menottes, à la reconstitution quand elle aura lieu ? Ou de le voir arriver libre aux assises ? C’est une manière, après nous avoir pris notre frère, de nous tuer tous, une seconde fois…”
      À travers les prises de parole, toute la violence renvoyée à la famille et aux proches de Mahamadou remonte à la surface. L’une des gifles les plus spectaculaires a été adressée par l’institution judiciaire elle-même quand le procureur de la République de Reims a parlé de »meurtre par exaspération« , avec »perte de contrôle« , mais ça n’est pas tout…
      Bakary Cissé, un des petits frères, témoigne de comment, à l’hôpital, on a voulu lui faire croire que la victime était toujours au bloc opératoire, alors que la presse locale avait déjà annoncé son décès. Arrivé à Charleville, le lendemain au petit matin, Djibril raconte qu’à la police on ne lui parle pas de son jeune frère, mais du risque d’avoir des » poubelles brûlées« . » Mais, enfin, vous vous rendez compte ? s’exclame-t-il. Mon frère est mort, et vous cherchez des circonstances pour expliquer un meurtre… On est une famille noire, certes, je suis désolé, mais c’est comme ça. On n’est pas des animaux, et nos vies ne valent pas moins que celles des autres…« 

      « Mais si les prisons sont dangereuses, alors il faut faire sortir beaucoup de gens, non ? » 
      Alors que, quelques minutes plus tôt, Assétou Cissé laisse entendre que, pour la juge d’instruction, il s’agit en fait de ne pas laisser »mourir en prison« celui que tous appellent »l’assassin« – » Mais si les prisons sont dangereuses, alors il faut faire sortir beaucoup de gens, non ?« interroge-t-elle – Hatouma, la tante de la victime, fait remarquer, avec les mots et l’expérience de la génération des parents de Mahamadou.
       »Vous savez, moi, le père de mon père et le père de ma mère, ils ont combattu pour la France, on les a pris, on ne leur a pas laissé le choix, ils sont venus sans passeport, sans visa, sans hébergement pour participer à la guerre de 14-18... Des tirailleurs, oui, qui ont combattu pour ce pays. L’homme qui a abattu Mahamadou, lui, il s’est engagé par intérêt dans l’armée, il avait tout à gagner à l’Algérie française, puis à la France, et quelque part, on en voit encore les effets aujourd’hui dans le traitement d’exception qu’il reçoit.« 
      Hatouma se redresse, s’excusant de » maladresses« , qui n’en sont manifestement pas, et reprend. »Il paraît que cet homme, qui a pris la vie de Mahamadou, souffrait en prison. Il fallait lui rendre sa liberté pour ne pas qu’il meure derrière les barreaux ! Mais Mahamadou aussi avait une vie à vivre…« 

  • « La mort de Nahel M. s’inscrit dans la continuité historique des crimes racistes commis à l’encontre des Noirs et des Arabes de ce pays »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/15/la-mort-de-nahel-m-s-inscrit-dans-la-continuite-historique-des-crimes-racist

    « La mort de Nahel M. s’inscrit dans la continuité historique des crimes racistes commis à l’encontre des Noirs et des Arabes de ce pays »
    TRIBUNE – Hicham Benaissa – Sociologue
    Le sociologue Hicham Benaissa rappelle, dans une tribune au «  Monde* », qu’il est vain de croire que le calme revenu après les émeutes en banlieue est durable. La colère se manifestera tant que nos institutions ne regarderont pas notre passé colonial en face*

    Un fait devient social et historique, nous enseigne Emile Durkheim, lorsqu’il est régulier, objectif, général. C’est d’ailleurs à ce titre que le sociologue s’est intéressé au crime en tant qu’objet qui répond aux critères d’un phénomène social. Indépendamment de la volonté des uns et des autres, un fait social s’impose à nous de l’extérieur, à tel point que nous pouvons en donner des prévisions.

    La sociologue Rachida Brahim a fourni un travail de recherche précieux qui a consisté à recenser le nombre de crimes racistes commis entre 1970 et 1997. Elle a listé, au total, 731 actes, soit une moyenne de 27 cas par an. Dans le cadre d’un débat critique et universitaire, on peut, si on le souhaite, débattre des chiffres et des concepts, mais il sera difficile de contester la constance et la régularité de ce phénomène. Et, au-delà de la statistique froide, il faut rappeler à la conscience publique la nature précise de quelques événements marquants.

    #paywall

  • Emmanuel Blanchard : « La France a une histoire longue de racialisation de l’emprise policière »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/02/emmanuel-blanchard-la-france-a-une-histoire-longue-de-la-racialisation-de-l-

    Depuis 2017, les sociologues et les journalistes ont documenté une hausse importante des tirs mortels liés à des refus d’obtempérer. Cet assouplissement des conditions d’usage des armes n’a pas conduit à une augmentation aléatoire des tirs : ils se concentrent sur les populations les plus contrôlées, en particulier les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes. L’emploi de l’arme à feu s’inscrit alors dans un continuum de violences qui visent une petite partie de la population. Le législateur aurait dû anticiper les biais ethno-raciaux d’un tel durcissement sécuritaire : cela fait maintenant plus de quarante ans que les crimes racistes et les violences policières sont dénoncés comme générateur d’une citoyenneté de seconde zone par des descendants d’immigrés particulièrement mobilisés sur ces questions.

    […]

    La France a une histoire longue de racialisation de l’emprise policière. Si l’on ne prend pas en compte l’histoire coloniale, on ne comprend pas pourquoi le nombre de personnes trouvant la mort dans des interactions avec des policiers est, en France, beaucoup plus élevé – de deux à cinq fois – que dans des pays européens comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni. La France a été une capitale impériale dont les indigènes étaient aussi des nationaux qui venaient par centaines de milliers chercher de l’emploi en métropole, où ils étaient largement considérés comme indésirables, en particulier dans le cas de l’immigration algérienne.

  • Emission de #radio du avec des membres du réseau « Entraide, Vérité et Justice » |
    https://laparoleerrantedemain.org/index.php/2022/12/05/emission-de-radio-avec-des-membres-du-reseau-entraide-verite-

    Les 12, 13 et 14 décembre 2022, aura lieu le procès [en cour d’assises !] du policier accusé d’avoir mutilé Laurent Théron lors d’une manifestation du mouvement contre « la Loi-Travail ». Pour soutenir Laurent et les autres victimes de la #police, un procès populaire de la police, de la #justice et de l’#Etat sera également organisé avant les audiences au tribunal, le 11 décembre de 14h à 18h.

    A cette occasion, une émission de radio a été réalisé le 27/10/2022 avec des membres du réseau d’Entraide, Vérité et justice, Christian, Fatou, Mélanie et Isaac, au studio son de la #Parole_errante. L’entretien revient sur l’histoire des mobilisations contre les crimes racistes et sécuritaires, l’importance d’articuler combats judiciaires et luttes sociales et de faire exister le récit de celles et ceux qui font face aux #violences_d’Etat.

    Bonne écoute et venons nombreux le 11 décembre à la Parole errante, puis les 12, 13 et 14 décembre au procès du policier-tireur pour soutenir Laurent et toutes celles et ceux qui font face à la violence d’Etat.

    #Laurent_Théron #maintien_de_l'ordre #crimes_racistes_et_sécuritaires #violences_d'État

  • BALLAST | Rachida Brahim : « Mettre en lumière les crimes racistes, c’est nettoyer nos maisons »
    https://www.revue-ballast.fr/rachida-brahim-mettre-en-lumiere-les-crimes-racistes-cest-nettoyer-nos

    Durant sept ans, #Rachida_Brahim, doc­teure en socio­lo­gie, a exa­mi­né 731 #crimes_racistes — des attaques ou des meurtres com­mis de 1970 à 1997, en France conti­nen­tale. Ce minu­tieux tra­vail d’en­quête est deve­nu un livre, La Race tue deux fois : il vient de paraître aux édi­tions Syllepse. La notion de « #classe » révèle l’ordre hié­rar­chique socio-éco­no­mique qui archi­tec­ture l’en­semble de la socié­té ; celle de « genre » met au jour les rap­ports sociaux à l’œuvre entre les sexes ; celle de « race » explique, en tant que construc­tion his­to­rique, les #inéga­li­tés, #dis­cri­mi­na­tions et pro­cé­dés déshu­ma­ni­sants qui frappent les groupes mino­ri­taires. Penser la façon dont les trois s’en­tre­lacent porte un nom bien connu dans les mondes mili­tants et aca­dé­miques : l’#in­ter­sec­tion­na­li­té — un nom que le ministre de l’Éducation natio­nale, Jean-Michel Blanquer, a, tout à son intel­li­gence, récem­ment assi­mi­lé aux « inté­rêts des isla­mistes ». Pour com­prendre l’his­toire des crimes racistes et l’im­pu­ni­té dont leurs auteurs conti­nuent de béné­fi­cier, Rachida Brahim est for­melle : il faut ques­tion­ner les logiques raciales propres à notre ordre social. Nous l’a­vons rencontrée.

    #racisme

    • Plein de choses intéressantes dans cet article, mais entre autres à rajouter au dossier sur les #statistiques sur les assassinats policiers, principalement en #France mais aussi dans d’autres pays :
      https://seenthis.net/messages/601177

      #Violence_policière #Violences_policières #brutalité_policière #Assassinats_policiers #racisme #racisme_d_Etat #justice #impunité
      –------------------------------
      Aussi sur le racisme à l’ #Université

      Cette mise en abyme, je l’ai vécue lors de ma soutenance de thèse : mon directeur de thèse et le président du jury m’ont expliqué que j’étais « hors-sujet ». D’après eux, le fait que je sois moi-même d’origine algérienne m’aurait empêchée de prendre de la distance avec le sujet. Car, si j’y étais parvenue, j’aurais compris que toute ces histoires de crimes n’étaient qu’une affaire de classe… Ce qu’on me demandait, en somme, c’était de nier les données d’archives, la parole des enquêtés et ma propre pensée pour demeurer, comme eux, aveugle à la race. Nous serions pourtant un certain nombre à être sincèrement ravis d’apprendre que c’en est vraiment fini de la race… Mais c’est intéressant, parce que ça confirme ce que Bourdieu, Passeron ou Foucault ont démontré il y a bien 50 ans maintenant, à savoir que l’Université, c’est l’École. Et c’est d’abord une institution étatique au même titre que la Police ou la Justice. Elle fait ce que l’État attend d’elle. Son but n’est pas de produire du savoir pour améliorer radicalement la société mais de maintenir une pensée dominante qui profite à l’ordre établi. Ce que l’Université évalue, ce n’est pas votre capacité à penser depuis votre propre densité mais votre capacité à vous soumettre.

      Puisqu’elle en parle, son directeur de thèse était #Laurent_Mucchielli et son jury de thèse en 2017 était composé de #Stéphane_Beaud (président du jury, qui refuse de croire au racisme et pense que ce ne sont que des histoires de classe...), #Françoise_Lorcerie, #Patrick_Simon, #Christian_Rinaudo, #Nacira_Guénif_Souilamas
      https://www.theses.fr/2017AIXM0163

      En France, entre les années 70 et fin 90, alors que la notion de crime raciste occupait fréquemment la sphère militante et médiatique, elle ne constituait pas une catégorie juridique dans la sphère judiciaire. La mésentente concernant le traitement des crimes racistes semble trouver son origine dans le fait que deux conceptions d’une même réalité ont pu coexister pendant une trentaine d’années : la réalité du groupe concerné par ces violences d’une part et celle émanant du droit étatique d’autre part. Alors que pour les premiers, le caractère raciste des violences ne faisait aucun doute, pour les parlementaires l’idée même d’un mobile raciste a régulièrement été rejetée. D’un point de vue législatif, il a fallu attendre l’année 2003 pour que la France adopte une loi permettant de prendre en compte l’intention raciste d’un crime. Depuis cette date, sous certaines conditions, le mobile raciste peut constituer une circonstance aggravante dans les infractions de type criminel. Cette thèse s’intéresse à ces deux vérités et aux circonstances qui ont déterminé leur existence. Elle vise notamment à interroger le rôle joué par le droit étatique dans la production et le maintien des catégories ethnoraciales par delà la politisation des violences qui en résultent. D’un point de vue empirique, l’enquête a consisté à confronter la parole des militants ayant dénoncé une double violence, celle provoquée par les agressions d’une part et celle induite par leur traitement pénal d’autre part, à un ensemble de sources archivistiques émanant des services du ministère de l’Intérieur et du Parlement. D’un point de vue théorique, les apports de la sociologie et de l’histoire de l’immigration ont été complétés en intégrant les réflexions des théories de l’ethnicité et de la Critical Race Theory. En définitive, cette recherche met en évidence le fait que l’universalisme républicain fait partie intégrante du processus de racialisation. En revenant sur les dispositions majeures de la politique d’immigration et sur la figure stigmatique de l’homme arabe, un premier axe s’intéresse à la manière dont le droit étatique a particularisé une catégorie d’individus en participant à la production des catégories ethnoraciales. Un deuxième axe vise à caractériser les crimes racistes qui ont été dénoncés entre les années 70 et fin 90. Un dernier axe enfin étudie la carrière juridique du mobile raciste durant cette même période. Il expose la manière dont la législation antiraciste a invisibilisé la question des crimes racistes et maintenu les catégories ethnoraciales en appliquant des règles universelles à des groupes qui ont auparavant été différenciés.

    • La race tue deux fois

      « De telles listes sont dressées depuis les années 1970. Compilées par plusieurs générations de militants, elles sont enfouies dans les caves des archives associatives et présentent toutes le même format, à la fois sec et funeste. On y trouve la date du crime, le nom de la victime, suivis d’une ou deux phrases laconiques. Elles frappent par leur rudesse, leur longueur et leur nombre. Poser une liste conduit inexorablement à en trouver une autre quelques jours plus tard. Ces listes expriment l’idée d’une #injustice. Elles dénoncent le racisme et l’#impunité du racisme. Elles pointent du doigt les crimes, mais également la grande majorité des #procès qui ont fini par des peines légères avec sursis ou des acquittements, quand ce n’est pas un non-lieu qui est venu clore l’affaire.

      Elles disent en substance que la #racialisation, autrement dit le fait de placer des personnes dans une catégorie raciale afin d’asseoir un #rapport_de_pouvoir et d’en tirer profit, tue deux fois. La première #violence touche à l’#intégrité_physique de la personne. La seconde violence a lieu à l’échelle institutionnelle. Elle est une conséquence du #traitement_pénal qui ignore la nature raciste des crimes jugés. »

      De la grande vague de violence de #1973 dans le sud de la #France aux #crimes_policiers des années 1990 en passant par les crimes racistes jalonnant les années 1980, cet ouvrage, issu d’une #base_de_données de plus de 700 cas, nous invite à prendre la mesure de cette histoire à l’heure où le #racisme_institutionnel et l’action de la #police continuent chaque année à être à l’origine de nombreux #morts.

      https://www.syllepse.net/la-race-tue-deux-fois-_r_65_i_821.html
      #livre #histoire

  • La race tue deux fois : une histoire des crimes racistes en France, Rachida Brahim
    De 1970 à 1997, plus de 700 crimes et attentats racistes en France | StreetPress
    https://www.streetpress.com/sujet/1607707781-1970-1997-700-crimes-attentats-racistes-france-rachida-brahi

    De l’été rouge de 1973 dans le Sud de la France aux attentats à la bombe dans des cités et des foyers pour travailleurs, la sociologue Rachida Brahim a déterré plus de 700 crimes racistes en France entre 1970 et fin 1990.

    En 2012, Rachida Brahim a 26 ans et cherche son sujet de thèse. Elle veut travailler sur quelque chose qui la « prenne au ventre, qui ne soit pas juste pour avoir un titre de docteur ». Au sein du milieu associatif marseillais, où elle travaille, des militants lui parlent de l’été raciste de 1973, où un fait divers dans la cité phocéenne entraîne une vague d’assassinats contre des Arabes. L’histoire l’interpelle, le sujet de thèse est trouvé. Pendant cinq ans, elle fouille les archives de différentes associations qui ont compilé des listes d’actes racistes entre 1970 et 1997. Pour la première décennie, il y a celles du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP). Pour 1980-1990, elle peut compter sur celles de l’association Générique, fondée par des membres du Mouvement des travailleurs arabes (MTA). Elle explore également les journaux et accède à des archives de police et des Renseignements généraux.

    C’est depuis devenu un livre, La race tue deux fois : une histoire des crimes racistes en France , qui sort le 7 janvier 2021 aux éditions Syllepse. Sur cette période, Rachida Brahim recense et étudie 731 crimes racistes. Parmi eux, il y a 610 blessés et 353 morts. Soit environ 35 victimes par an. La liste n’est pas exhaustive car les informations manquent.

    Juridiquement, la notion de crime en France est la plus grave du Code pénal. On peut y retrouver le meurtre, le viol, la torture… Mais la notion de crime raciste n’existe pas dans le droit français. Dès lors, comment le définir ? « Ça a été la grande difficulté », témoigne Rachida Brahim. La sociologue retient la définition suivante : « C’est une violence spécifiquement dirigée vers une personne en raison de son appartenance à un groupe racialisé. » Elle correspond à celle du crime de haine, juridiquement reconnu depuis 2003 et partagée par les militants qui dénoncent ces actes. Dans son ouvrage, les crimes racistes concernent aussi bien des attentats à la bombe, des destructions de biens, des refus de soigner qui ont des conséquences graves ou des attaques contre des personnes, qui aboutissent à des meurtres.

    Loin de n’être qu’un recueil de tragédies xénophobes, son ouvrage s’intéresse aux causes, au traitement et aux conséquences de ces actes. Il documente une histoire trop méconnue du racisme en France.

    #histoire #crimes_racistes #racisme #livre

  • « La race tue deux fois »

    Socio-histoire des crimes racistes et de leur traitement.
    Entretien avec Rachida Brahim

    Propos recueillis par Mickaël Correia et le collectif Angles Morts.

    http://jefklak.org/?p=3531

    10 à 15 morts. C’est le nombre moyen de décès (connus publiquement) causés dans le cadre d’une intervention de police en France chaque année. Un profil-type des individus victimes de la répression policière se dégage sans appel : un jeune homme des quartiers populaires, d’origine maghrébine ou subsaharienne. L’actuelle affaire Adama Traoré, mort cet été dans un commissariat, ou la relaxe en juin 2016 des policiers inculpés dans la mort de Zyed Benna et de Bouna Traoré ont démontré que les forces de police bénéficient d’une injustifiable impunité judiciaire. Pour comprendre la production et le maintien de ces violences, Rachida Brahim, sociologue au Lames (Laboratoire méditerranéen de sociologie de l’université d’Aix-Marseille), a étudié la dénonciation et le traitement des crimes racistes entre les années 1970 et fin 1990.

  • Le vrai visage de l’Aube dorée, parti néonazi grec | La Cité
    http://www.lacite.info/le-vrai-visage-de-laube-doree-parti-neonazi-grec

    Le vrai visage de l’Aube dorée, parti néonazi grec

    Keystone / AP Photo / Nikolas Giakoumidis / Athènes / 6 avril 2012

    Incurie judiciaire et collusion policière. C’est le terreau où prospère la formation politique qui défraye régulièrement la chronique en Grèce, pays en proie aux démons de l’extrémisme nationaliste.

    Texte Cristina del Biaggio Photos Alberto Campi

    Petrou Ralli, un mot grec devenu synonyme d’espoir pour des centaines de candidats à l’asile. Mais aussi d’appréhension et d’humiliation. Petrou Ralli, c’est le nom d’une grande avenue à quelques kilomètres du centre d’Athènes où se situe le Département de police des étrangers. Dans une rue parallèle, les requérants campent des heures durant avant d’être autorisés à déposer une demande d’asile. Nous sommes dans la zone industrielle d’Athènes, un jour de fin juillet 2012. Du mercredi au vendredi, chaque semaine, le rituel de la sélection des candidats est immuable. à quelques exceptions près.