• Farine de teff : main-basse sur une tradition africaine

    Pendant plus de quinze ans, une société néerlandaise a fait prospérer un brevet qu’elle avait déposé en Europe sur la farine de teff, une céréale servant d’aliment de base en Éthiopie et en Érythrée depuis des siècles, en dépit des protestations de nombre d’ONG qui considèrent cette pratique comme un vol des cultures traditionnelles, notamment africaines. Enquête.

    C’est une crêpe épaisse couleur sable, sur laquelle les cuisinières dispersent les purées, les viandes mijotées, les ragoûts. Des lambeaux déchirés avec la pince des doigts servent à porter le repas à la bouche. Depuis des siècles, c’est ainsi que l’on mange en Éthiopie et en Érythrée : sur une injera, une grande galette spongieuse et acidulée fabriquée à base de teff, une graine minuscule aux propriétés nutritives exceptionnelles, riche en protéines et sans gluten. Depuis trois mille ans, on la récolte en épi dans des brassées de fines et hautes herbes vertes sur les hauts-plateaux abyssins.

    Mais une cargaison de teff expédiée en 2003 aux Pays-Bas a aussi fait la fortune d’une petite société privée néerlandaise. Dirigée par l’homme d’affaires Johannes « Hans » Turkensteen et le chercheur Jans Roosjen, cette structure baptisée à l’époque Soil & Crop Improvements (S&C) a en effet prospéré sur un brevet européen s’appropriant l’utilisation de cette « super céréale », alors que le marché du bio et des aliments sans gluten connaissait une expansion progressive.

    Un voyage d’affaires

    Tout avait commencé quelques mois plus tôt par un voyage de Hans Turkensteen à Addis-Abeba. Se prévalant du soutien de l’Université de sciences appliquées de Larenstein, l’homme d’affaires avait signé, en mars 2003, un mémorandum avec l’Organisation éthiopienne de la recherche agricole, l’EARO, accordant à sa société la livraison de 1 440 kg de graines de teff, prétendument destinées à l’expérimentation scientifique.

    « Turkensteen a fait croire à un accord mutuellement bénéfique pour toutes les parties : un meilleur rendement du teff pour les agriculteurs éthiopiens et un programme de lutte contre la pauvreté pour l’université, raconte le journaliste éthiopien Zecharias Zelalem, qui a mené sur le sujet une grande enquête pour le quotidien éthiopien Addis Standard. Il a même utilisé le prétexte de la grande famine de 1984 pour convaincre les signataires, affirmant que si les paysans éthiopiens avaient eu un meilleur teff à l’époque, le désastre n’aurait pas eu lieu. »

    Or, parallèlement, S&C a déposé auprès de l’agence néerlandaise des brevets une demande de protection des « méthodes de transformation » du teff ; un brevet finalement accordé le 25 janvier 2005, contraignant tous ceux qui souhaiteraient produire de la farine de teff ou des produits issus de la graine éthiopienne à obtenir une licence auprès d’eux, contre le paiement de royalties. Au bas du document figurait cette mention pour le moins étonnante pour une farine utilisée depuis des millénaires : « Inventeur : Jans Roosjen ».

    « Étonnement, les autorités éthiopiennes n’ont pas admis - ou n’ont pas voulu admettre - la supercherie, se désole Zecharias Zelalem. Même après que l’Université de Larenstein a exprimé des doutes et commandé un rapport d’enquête sur l’accord et même après que les Néerlandais ont reçu un "Captain Hook Award" [une récompense infamante baptisée d’après le pirate de dessin animé Capitaine Crochet et décernée chaque année par une coalition d’ONG, la Coalition contre la biopiratie, ndlr] en 2004, pour leur exploit en matière de biopiraterie. »

    Sans autres entraves que les protestations et la mauvaise publicité, les deux associés ont donc continué leur moisson de brevets. Les années suivantes, ils ont d’abord obtenu une licence auprès de l’Office européen des brevets, lui ouvrant le droit de faire des demandes auprès des agences de protection de la propriété intellectuelle d’Allemagne, d’Australie, d’Italie et du Royaume-Uni.

    « Les plus étonnant, explique l’avocat allemand Anton Horn, spécialiste de la propriété intellectuelle, est que le bureau européen des brevets leur aient accordé un brevet exactement tel qu’ils l’avaient demandé. C’est très rare. D’habitude, on fait une demande plutôt large au départ, afin que le périmètre puisse être réduit pendant son examen par le bureau des brevets. Là, non. Il a été accepté tel quel, alors que, pour ma part, il m’a suffi de trente minutes pour comprendre que quelque chose clochait dans ce brevet. » Du reste, ajoute-t-il, celui-ci a été refusé par les agences des États-Unis et du Japon.

    Treize années de bénéfices

    Pourtant, pendant les treize années suivantes, personne n’est venu s’opposer à ce que Zecharias Zelalem considère comme « un pillage des traditions éthiopiennes et un pur et simple vol des paysans éthiopiens ». C’est la curiosité de la presse éthiopienne qui a commencé à perturber des affaires alors florissantes.

    Toutefois, de faillites opportunes en changements de noms, la compagnie néerlandaise, rebaptisée entre-temps ProGrain International, a tout fait pour conserver les droits acquis par son tour de passe-passe juridique. Elle a continué à développer son activité, au point que Turkensteen a pu, par exemple, célébrer en grande pompe, en 2010, la production de sa millième tonne de farine de teff dans ses usines d’Espagne, de Roumanie et des Pays-Bas. À raison de 100 euros le kilo, selon le compte effectué en 2012 par l’hebdomadaire éthiopien Addis Fortune, son bénéfice a été considérable, alors que l’Éthiopie n’a touché, en tout en pour tout, qu’environ 4 000 euros de dividendes, selon l’enquête du journaliste Zecharias Zelalem.

    Mais l’aventure a fini par atteindre ses limites. Un jour de 2017, saisi par un ami éthiopien devenu directeur du Bureau éthiopien de la propriété intellectuelle, l’avocat Anton Horn a d’abord suggéré aux associés néerlandais de ProGrain International, par courrier, d’abandonner, au moins en Allemagne, leurs droits sur la farine de teff. Mais le duo néerlandais n’a pas répondu. Puis une société ayant acheté une licence à la société de Turkensteen et Roosjen a attaqué le brevet néerlandais devant un tribunal de La Haye, refusant dorénavant de lui payer des royalties. Pari gagné : le 7 décembre 2018, la justice lui a donné raison et « annulé » le brevet, estimant qu’il n’était ni « innovant » ni « inventif », tandis que, simultanément, sur ses propres deniers, Anton Horn a contesté le brevet en Allemagne devant les tribunaux et obtenu, là aussi, son annulation. Deux coups portés au cœur de la machine industrielle des Néerlandais, après quinze ans sans anicroche.

    Abandon progressif

    Sollicités par RFI, ni la société détentrice des brevets restants ni Hans Turkensteen n’ont souhaité donné leur version de l’histoire. Mais le duo néerlandais semble avoir abandonné la partie et renoncé à ses droits. Annulé aux Pays-Bas et en Allemagne, le brevet reste cependant valide aujourd’hui dans plusieurs pays européens. « Mais depuis août 2019, le non-paiement des frais de renouvellement du brevet devrait conduire logiquement, durant l’été 2020, à l’annulation de celui-ci dans tous les pays de l’espace européen », espère Anton Horn.

    Cette appropriation commerciale d’une tradition africaine par une société occidentale n’est pas un cas unique. En 1997, la société américaine RiceTec avait obtenu un brevet sur le riz basmati, interdisant de fait la vente aux États-Unis de riz basmati cultivé dans ses pays d’origine, l’Inde et le Pakistan. « En 2007, la société pharmaceutique allemande Schwabe Pharmaceuticals obtenait un brevet sur les vertus thérapeutiques de la fleur dite pélargonium du Cap, originaire d’Afrique du Sud et connue pour ses propriétés antimicrobiennes et expectorantes, ajoute François Meienberg, de l’ONG suisse ProSpecieRara, qui milite pour la protection de la diversité génétique et culturelle. Brevet finalement annulé en 2010 après une bataille judiciaire. Et c’est aujourd’hui le rooibos (un thé rouge, ndlr), lui aussi sud-africain, qui fait l’objet d’une bataille similaire. »

    Des négociations internationales ont bien été engagées pour tenter de définir un cadre normatif qui enrayerait la multiplication des scandales de vol de traditions ancestrales par des prédateurs industriels. Mais elles n’ont pour l’instant débouché sur rien de significatif. Le problème est que, d’une part, « tous les pays ne protègent pas les traditions autochtones de la même manière, explique François Meierberg. Les pays scandinaves ou la Bolivie, par exemple, prennent cette question au sérieux, mais ce sont des exemples rares. » L’autre problème est que nombre d’États industrialisés refusent d’attenter à la sainte loi de la « liberté du commerce ». Au prix, du coup, de la spoliation des plus démunis.

    http://www.rfi.fr/fr/afrique/20200212-farine-teff-main-basse-une-tradition-africaine
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    L’injera, plat cuisiné dans la #Corne_de_l'Afrique, notamment #Erythrée #Ethiopie :


    https://fr.wikipedia.org/wiki/Injera

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  • Des #pêcheurs pris dans un étau

    « La mer c’est la liberté. Aujourd’hui nous sommes emprisonnés à même l’eau » déplore Slah Eddine Mcharek, président de l’Association Le Pêcheur pour le développement et l’environnement[1] à #Zarzis. Leurs projets sont ambitieux : protection des ressources aquatiques, développement d’une pêche durable et responsable et défense de la pêche artisanale. Mais les obstacles sont de taille : pris entre la raréfaction des ressources halieutiques, les menaces à leur sécurité, la réduction de leur zone de pêche et la criminalisation du sauvetage des migrants en mer, les pêcheurs se retrouvent enserrés dans un véritable étau.

    Au-delà de la petite ville de Zarzis et de ses plages où se côtoient hôtels de luxe, corps de naufragés et pêcheurs en lutte, le récit de Slah Eddine rappelle l’importance de la justice migratoire et environnementale.

    La mer, déchetterie nationale

    Depuis quelques années, un phénomène prend de l’ampleur : les rejets de déchets plastiques envahissent les rives et encombrent les zones où travaillent les pêcheurs. Faute d’un système opérationnel de collecte des ordures ménagères et de sensibilisation aux risques liés à la pollution des eaux par le plastique, ces déchets s’entassent dans les canaux de la ville avant de se disperser dans la mer, au point que les pêcheurs réclament l’interdiction des sacs plastiques.

    Aux déchets ménagers s’ajoute le problème des rejets industriels. Slah Eddine déploie une carte du bassin méditerranéen et pointe du doigt le sebkhet el melah (marais salant) des côtes de Zarzis. Le salin appartient à Cotusal, vestige colonial d’une filiale française qui a exploité pendant longtemps les ressources salines de la Tunisie, dans le cadre de concessions avantageuses qui n’ont pas été renégociées depuis l’indépendance[2]. L’exploitation du sel dans cette région, en plus de saliniser les terres agricoles, rejette des produits de traitement du sel dans la mer. Surtout, les eaux zarzisiennes sont polluées par les rejets du Groupe Chimique Tunisien, notamment le phosphogypse, et par les eaux usées non traitées par l’ONAS (Office National de l’Assainissement). Cette dernière ne remplit pas sa mission de traitement des eaux industrielles et ménagères, notamment sur l’île de Djerba. Une partie des eaux est traitée de manière inefficace et insuffisante, l’autre non traitée du tout.

    Un équilibre écologique rompu

    Pour les êtres vivants qui habitent ces eaux, les rejets industriels mêlés aux déchets et eaux usées ne peuvent faire que mauvais mélange. « La mer est devenue des toilettes à ciel ouvert » s’indigne Slah Eddine, pointant cette fois du doigt deux poissons dessinés sur une affiche. L’un est le loup de mer et l’autre la dorade. « Là où les usines rejettent leurs eaux, ces poissons n’y vivent plus » explique-t-il. La contamination de ces eaux rompt un équilibre essentiel à la survie de la faune et la flore maritimes.

    Dans ces eaux, la reproduction marine est difficile sinon impossible, entraînant la disparition de plusieurs espèces de poissons et notamment les espèces cartilagineuses. Les éponges souffrent quant à elles du réchauffement climatique et présentent depuis quelques années des signes de maladies, au désespoir des familles qui vivent de leur commerce. Ainsi, en 2017, suite à la montée des températures (24°C à 67m de profondeur !), de nombreuses éponges sont mortes, par leur fragilité aux changements du milieu ou par une épidémie favorisée par cette augmentation de température[3].

    L’accumulation des pollutions a fini par asphyxier toute forme de vie dans les eaux proches de Djerba et Zarzis et notamment dans le golfe quasi fermé de Boughrara. Les pêcheurs estiment que 90 % des poissons et mollusques auraient disparu en dix ou vingt ans, privant beaucoup de personnes, notamment des jeunes et des femmes, d’un revenu stable. Mais alors que les pêcheurs de Gabès reçoivent des compensations à cause de la pollution et viennent pêcher sur les côtes de Zarzis, les pêcheurs zarzisiens ne reçoivent rien alors qu’ils sont aussi affectés.

    Plus au nord, sur les côtes sfaxiennes, c’est un autre phénomène qui s’est produit deux fois cette année, en juin puis en novembre, notamment à Jbeniana : la mer est devenue rouge, entrainant une forte mortalité de poissons. Le phénomène a été expliqué par la présence de microalgues eutrophisant la mer, c’est-à-dire la privant de son oxygène. Mais la version officielle s’arrête là[4], la prolifération de ces microalgues n’a pas été expliquée. Or, des phénomènes similaires sont connus à d’autres endroits de la planète, notamment dans le golfe du Mexique où la prolifération des algues est due à l’excès d’engrais phosphaté et azoté qui se retrouve dans la mer, ou du rejet d’eaux usées, qui produisent des concentrations trop importantes de matières organiques[5]. Il est donc fort probable que les rejets concentrés en phosphate du Groupe Chimique Tunisien à Gabès et Sfax, d’autres rejets industriels et ménagers et/ou des rejets d’engrais agricoles par les oueds soient à l’origine du phénomène.

    Le coût de Daesh

    Alors que certaines espèces disparaissent, d’autres se multiplient en trop grand nombre. Le crabe bleu, surnommé « Daesh » par les pêcheurs de la région du fait de son potentiel invasif et destructeur, en est le meilleur exemple. Cette espèce, apparue fin 2014 dans le golfe de Gabès[6], a rapidement proliféré au large des côtes, se nourrissant des poissons qui jusque-là constituaient le gagne-pain des pêcheurs du coin. « Daesh détruit tout : les dorades, les crevettes, les seiches …. Tous les bons poissons ! » s’exclame-t-il. La voracité du crabe bleu a aggravé les problèmes économiques de bien des pêcheurs. Si la chair de cette espèce invasive fait le bonheur de certains palais et qu’un marché à l’export est en plein développement en direction de l’Asie et du Golfe, les habitants de Zarzis qui vivent de la pêche artisanale, eux, ne s’y retrouvent pas. « Un kilo de loup ou de dorade se vend 40 dinars. Un kilo de crabe bleu, c’est seulement 2 dinars ! » affirme un pêcheur de l’association.

    Le calcul est vite fait, d’autant plus que les crabes bleus font assumer aux pêcheurs un coût du renouvellement du matériel beaucoup plus important, leurs pinces ayant tendance à cisailler les filets. « Avant l’arrivée de Daesh, nous changions les filets environ deux fois par an, maintenant c’est quatre à cinq fois par ans ! » se désole l’un d’entre eux.

    Bloqués dans un Sahara marin

    Comme le martèlent les pêcheurs, « la zone de pêche de Zarzis est devenue un Sahara, un véritable désert ». Suite au partage international de la Méditerranée, les pêcheurs zarzisiens sont cantonnés dans des eaux côtières, qui se vident de poisson suite aux désastres écologiques et à la surpêche.

    « Avant 2005 et le dialogue 5+5[7] on pouvait accéder à des zones de pêche intéressantes, mais depuis les autres pays ont agrandi leur territoire marin ». En effet, c’est en 2005 que la Libye met en place sa zone de pêche exclusive, interdisant ainsi l’accès aux pêcheurs tunisiens. La Tunisie met elle aussi en place sa zone économique exclusive[8], mais, à la différence de la zone libyenne[9], elle autorise des navires étrangers à y pêcher. Les chalutiers égyptiens sont particulièrement présents, et s’ajoutent aux chalutiers tunisiens (de Sfax notamment) qui ne peuvent plus pêcher dans les eaux poissonneuses libyennes. Il arrive même que ces chalutiers pénètrent dans les eaux territoriales, en toute impunité. En plus des désastres écologiques, les eaux du sud tunisien se vident ainsi de leurs poissons à cause de la surpêche.

    Limites des différentes zones maritimes tunisiennes[10] :

    Or, les frontières officielles ne semblent pas délimiter la zone où les pêcheurs tunisiens peuvent réellement travailler, cette dernière étant manifestement beaucoup plus restreinte et empiétée par la zone libyenne. Sur la carte maritime qu’il a déployée devant lui, Slah Eddine matérialise la zone où les pêcheurs de Zarzis peuvent pêcher de manière effective et montre en resserrant ses doigts l’évolution de la zone de pêche libyenne au détriment de la zone tunisienne. Mais alors, pourquoi ce déplacement de frontière maritime n’apparaît dans aucun texte ou accord international[11] ? Y a-t-il des accords cachés ? Les garde-côtes libyens s’arrogent-ils le droit de pénétrer les eaux tunisiennes ? Ou les pêcheurs tunisiens auraient-ils intégré l’obligation de ne pas pénétrer une zone tampon pour ne pas craindre pour leur sécurité ?

    Les pêcheurs sous les feux des groupes armés libyens

    Au-delà des problèmes économiques auxquels ils doivent faire face, les pêcheurs de Zarzis sont confrontés à de graves problèmes de sécurité dans les eaux où ils naviguent. Alors que les bateaux de pêche libyens ne se gênent pas, selon Slah Eddine, pour venir exploiter les eaux tunisiennes, il n’existe aucune tolérance pour les pêcheurs tunisiens qui s’aventurent en dehors de leur zone. Ces dernières années, le pêcheur ne compte plus les cas d’agressions, de saisies de bateaux, de menaces et prises d’otages, par les groupes armés, et parmi eux les gardes côtes officiels libyens, équipés par les programmes européens de lutte contre la migration non réglementaire.

    En 2012, un pêcheur tunisien mourrait ainsi sous les balles tirées d’une vedette côtière libyenne tandis que les 18 autres membres de l’équipage étaient faits prisonniers à Tripoli[12]. En 2015, quatre bateaux de pêche tunisiens qui avaient pénétré les eaux libyennes étaient également pris en otage par des groupes armés libyens et acheminés au port d’El Zaouira[13]. Les attaques ont eu lieu jusque dans les eaux tunisiennes, comme en février 2016 lorsque treize chalutiers tunisiens avec soixante-dix marins à bord ont été arraisonnés et emmenés dans le même port, la partie libyenne exigeant alors une rançon contre leur libération[14]. L’année suivante, en 2017, des pêcheurs libyens de Zaouira menaçaient de kidnapper tous les marins tunisiens qu’ils rencontreraient en mer en représailles au contrôle d’un chalutier libyen dans le port de Sfax par la garde maritime tunisienne. Depuis, les prises d’otage se multiplient. Enième épisode d’une saga sans fin, la dernière attaque libyenne date de septembre dernier.

    L’insécurité ne touche pas que les pêcheurs de Zarzis, mais tous les pêcheurs tunisiens qui naviguent à proximité des zones frontalières : au Sud-Est, ce sont les feux des groupes libyens qui les menacent ; au Nord-Ouest, ceux de la garde côtière algérienne. Le 31 janvier de cette année, un pêcheur originaire de Tabarka et âgé de 33 ans a été tué par les autorités algériennes alors que son bateau avait pénétré les eaux territoriales de l’Algérie[15]. « Le danger est partout ! », « on se fait tirer dessus ! », s’exclament les pêcheurs de l’Association. Entre deuil et colère, ils dénoncent l’absence de réponse ferme des autorités tunisiennes contre ces agressions et se font difficilement à l’idée qu’à chaque départ en mer leur vie puisse être menacée.

    Les autres damnés de la mer

    Comme tout marin, les pêcheurs de Zarzis doivent porter assistance aux bateaux en détresse qu’ils croisent sur leur chemin. Et des bateaux en détresse, ce n’est pas ce qui manque au large de Zarzis. Le hasard a fait que leur zone de pêche se trouve sur la route des migrants qui fuient la Libye sur des embarcations de fortune et les accidents sont fréquents dans ces eaux dangereuses. Porter secours aux survivants, prendre contact avec le Centre de Coordination des Sauvetages en Mer, ramener les corps de ceux pour lesquels ils arrivent trop tard afin de leur offrir une sépulture digne, c’est aussi cela, le quotidien des pêcheurs de Zarzis. L’effroi et la colère de l’impuissance lorsque des cadavres se prennent dans les filets pêche, l’inquiétude et le soulagement lorsque le pire est évité et que tout le monde arrive à bon port.

    Sauver des vies lorsqu’il est encore temps, c’est avant tout un devoir d’humanité pour ces hommes et ces femmes de la mer. La question ne se pose même pas, malgré les heures de travail et l’argent perdus. Pour être plus efficaces dans leurs gestes et secourir le plus grand nombre, plus d’une centaine de pêcheurs de Zarzis ont suivi en 2015 une formation de 6 jours sur le secours en mer organisée par Médecins sans frontières[16]. Alors que les politiques européennes de criminalisation des ONG menant des opérations de recherche et de secours en mer ont laissé un grand vide en Méditerranée, les pêcheurs tunisiens se retrouvent en première ligne pour les opérations de sauvetage. Aussi, quand ils partent en mer, prévoient-ils toujours de l’eau et de la nourriture en plus, des fois qu’un bateau à la dérive croise leur chemin.

    Des sauveurs que l’Europe veut faire passer pour des criminels

    Au-delà d’un devoir d’humanité, porter secours aux embarcations en détresse est une obligation inscrite dans le droit international maritime et en particulier dans la Convention internationale sur la Sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), qui s’applique à tous les navires. Le texte prévoit l’obligation pour tous les Etats de coordonner leurs secours et de coopérer pour acheminer les personnes dans un lieu sûr[17], où la vie des survivants n’est plus menacée et où l’on peut subvenir à leurs besoins fondamentaux.

    Aussi, lorsque l’équipage de Chameseddine Bourrasine croise lors l’été 2018 une embarcation avec 14 migrants à la dérive, c’est sans hésitation qu’il décide de leur porter secours. Mais alors que les rescapés menacent de se suicider s’ils sont ramenés en Tunisie et qu’il ne saurait être question de les livrer aux garde-côtes de Libye où c’est l’enfer des geôles qui les attend, le capitaine décide d’appeler la garde côtière du pays sûr le plus proche, à savoir l’Italie. Après plusieurs tentatives de contact restées sans réponse, il décide alors de remorquer le bateau vers l’Italie pour débarquer les migrants dans un lieu où ils seront en sécurité[18]. Accusé avec son équipage de s’être rendu coupable d’aide à l’immigration dite « clandestine », ce sauvetage coûtera aux 7 marins-pêcheurs 22 jours d’incarcération en Sicile.

    Si le procès s’est résolu par un non-lieu, les pêcheurs de Zarzis restent dans le collimateur des autorités italiennes. « Nous les pêcheurs tunisiens, l’Italie voudrait nous contrôler et encore limiter la zone dans laquelle nous pouvons pêcher » se désole Slah Eddine, « les Italiens nous surveillent ! ». Il évoque aussi la surveillance d’EUNAVFOR Med, également appelée Sophia, opération militaire lancée par l’Union européenne en 2015 en Méditerranée pour, selon les mots de la Commission « démanteler le modèle économique des passeurs et des trafiquants d’êtres humains »[19]. Si l’opération militaire les surveille de près lorsqu’il s’agit du secours en mer, lorsqu’il est question d’attaques par des milices libyennes, Sophia détourne le regard et abandonne les pêcheurs tunisiens à leur sort.

    Les harraga de demain ? [20]

    « On ne peut plus, ce n’est plus possible, il n’y a plus rien », répètent les pêcheurs, acquiesçant les paroles par lesquelles Slah Eddine vient de présenter leur situation. Entre les eaux polluées, les problèmes économiques, le fléau de Daesh, les poissons qui ne se reproduisent plus, les éponges malades, les attaques libyennes, les pressions italiennes et européennes, être un pêcheur en Tunisie, « ce n’est plus une vie ». Leurs fils à eux sont partis pour la plupart, en Europe, après avoir « brûlé » la mer. Ils savent que dans cette région qui vit surtout de la pêche, il n’y a pas d’avenir pour eux.

    Et puis il y a ceux qui, privés de toute autre source de revenus, sont contraints à se reconvertir dans des activités de passeurs. Nés dans des familles où la pêche se transmet de père en fils, ils connaissent la mer, ses vents, tempêtes, marées et courants. Ils savent où se procurer des bateaux. Lorsque ces loups de mer sont à la barre, le voyage est plus sûr pour celles et ceux risquent la traversée vers l’Europe à bord d’un rafiot. Alors que les harragas tunisiens sont de plus en plus systématiquement déportés lorsqu’ils sont arrêtés par les autorités italiennes[21], certains passeurs ont troqué leur clientèle tunisienne pour une clientèle subsaharienne, de plus en plus nombreuse à mesure que leur situation en Libye se dégrade. Faute de voies régulières pour les migrants, la demande de passage vers l’Europe augmente. Et faute de ressources alternatives pour les pêcheurs, l’offre se développe.

    Or ce n’est ni la « main invisible » ni une quelconque fatalité qui poussent ces pêcheurs au départ ou à la diversification de leurs activités, mais le mélange entre le modèle de développement polluant et incontrôlé, l’inaction des autorités tunisiennes en matière de protection de l’environnement, et le cynisme des politiques migratoires sécuritaires et meurtrières de l’Union européenne.

    https://ftdes.net/des-pecheurs-pris-dans-un-etau
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    #ressources_pédagogiques #dynamiques_des_suds

  • Pauvreté: la misère des indicateurs

    Alors que l’#ONU s’était félicitée de la diminution de l’#extrême_pauvreté de moitié, la pauvreté, elle, aurait au contraire augmenté depuis 1990. Tout dépend des critères retenus.

    Eradiquer l’extrême pauvreté et réduire de moitié la pauvreté dans le monde. Tels sont les deux premiers buts que se sont fixés les Nations Unies d’ici à 2030 dans le cadre des Objectifs du développement durable (#Agenda_2030). Est-ce réaliste ? Tout dépend de la façon dont seront calculés les résultats !

    En 2015, l’ONU avait annoncé avoir atteint sa cible fixée en l’an 2000 : l’extrême pauvreté avait été réduite de moitié. Pourtant, son mode de calcul est largement contesté aujourd’hui. Non seulement, il n’est pas aisé de mesurer la pauvreté, mais la méthode choisie peut répondre avant tout à des considérations idéologiques et politiques.

    Selon le multimilliardaire #Bill_Gates, s’appuyant sur les chiffres de l’ONU, le monde n’a jamais été meilleur qu’aujourd’hui. Selon d’autres voix critiques, la pauvreté a en réalité progressé depuis les années 1980. Où est la vérité ?

    Le Courrier a voulu en savoir davantage en interrogeant #Sabin_Bieri, chercheuse au Centre pour le développement et l’environnement de l’université de Berne. La spécialiste était invitée récemment à Genève dans le cadre d’une table ronde consacrée à la lutte contre la pauvreté, organisée par la Fédération genevoise de coopération.

    L’ONU s’était félicitée de la réduction de l’extrême pauvreté de moitié (Objectifs du millénaire). Est- ce que cela correspond à la réalité des faits ?

    Sabin Bieri : Si l’on prend le critère qu’elle a choisi pour l’évaluer (élaboré par la #Banque_mondiale), à savoir un revenu de 1,25 dollar par jour pour vivre (1,9 à partir de 2005), c’est effectivement le cas, en pourcentage de la population mondiale. Mais pour arriver à ce résultat, la Banque mondiale a dû modifier quelques critères, comme considérer la situation à partir de 1990 et pas de 2000.

    Ce critère de 1,9 dollar par jour pour évaluer l’extrême pauvreté est-il pertinent justement ?

    Ce chiffre est trop bas. Il a été choisi en fonction de quinze pays parmi les plus pauvres du monde, tout en étant pondéré dans une certaine mesure par le pouvoir d’achat dans chaque pays. Ce seuil n’est vraiment pas adapté à tous les pays.

    Et si une personne passe à trois dollars par jour, cela ne signifie pas que sa qualité de vie se soit vraiment améliorée. De surcroît, la majeure partie de cette réduction de l’extrême pauvreté a été réalisée en #Chine, surtout dans les années 1990. Si on enlève la Chine de l’équation, la réduction de l’extrême pauvreté a été beaucoup plus modeste, et très inégale selon les continents et les pays. On ne peut donc plus s’en prévaloir comme un succès de la politique internationale ! L’extrême pauvreté a beaucoup augmenté en #Afrique_sub-saharienne en particulier.

    Tout cela est-il vraiment utile alors ?

    Il est pertinent de parvenir à une comparaison globale de la pauvreté. Je vois surtout comme un progrès le discours public qui a émergé dans le cadre de ces Objectifs du millénaire. La réduction de l’extrême pauvreté est devenue une préoccupation centrale. La communauté internationale ne l’accepte plus. Un débat s’en est suivi. Accepte-t-on de calculer l’extrême pauvreté de cette manière ? Comment faire autrement ? C’est là que j’y vois un succès.

    Dans ses travaux, le chercheur britannique #Jason_Hickel considère que la Banque mondiale et l’ONU ont choisi ces chiffres à des fins idéologiques et politiques pour justifier les politiques néolibérales imposées aux pays du Sud depuis la fin des années 1980. Qu’en pensez-vous ?

    Ce n’est pas loin de la réalité. Ce sont des #choix_politiques qui ont présidé à la construction de cet #indice, et son évolution dans le temps. La Banque mondiale et le #Fonds_monétaire_international ont mené des politiques d’#austérité très dures qui ont été vertement critiquées. Si on avait montré que la pauvreté avait augmenté dans le même temps, cela aurait questionné l’efficacité de ces mesures. Au-delà, ces #chiffres sur l’extrême pauvreté sont utilisés par nombre de personnalités, comme le professeur de l’université d’Harvard #Steven_Pinker pour justifier l’#ordre_mondial actuel.

    Certains experts en #développement considèrent qu’il faudrait retenir le seuil de 7,4 dollars par jour pour mesurer la pauvreté. A cette aune, si l’on retire les performances de la Chine, non seulement la pauvreté aurait augmenté en chiffres absolus depuis 1981, mais elle serait restée stable en proportion de la population mondiale, à environ 60%, est-ce exact ?

    Oui, c’est juste. Nombre de pays ont fait en sorte que leurs citoyens puissent vivre avec un peu plus de 2 dollars par jour, mais cela ne signifie pas qu’ils aient vraiment augmenté leur #standard_de_vie. Et le plus grand souci est que les #inégalités ont augmenté depuis les années 1990.

    Une mesure plus correcte de la pauvreté existe : l’#Indice_de_la_pauvreté_multidimensionnelle (#IPM). Qui l’a développé et comment est-il utilisé aujourd’hui dans le monde ?

    Cet indice a été créé à l’université d’Oxford. Adapté par l’ONU en 2012, il est composé de trois dimensions, #santé, #éducation et #standard_de_vie, chacune représentée par plusieurs indicateurs : le niveau de #nutrition, la #mortalité_infantile, années d’#école et présence à l’école, et le #niveau_de_vie (qui prend en compte l’état du #logement, l’existence de #sanitaires, l’accès à l’#électricité, à l’#eau_potable, etc.). L’indice reste suffisamment simple pour permettre une #comparaison au niveau mondial et évaluer l’évolution dans le temps. Cela nous donne une meilleure idée de la réalité, notamment pour les pays les moins avancés. Cela permet en théorie de mieux orienter les politiques.

    https://lecourrier.ch/2019/06/13/pauvrete-la-misere-des-indicateurs
    #indicateurs #pauvreté #statistiques #chiffres #ressources_pédagogiques #dynamiques_des_suds

    ping @reka @simplicissimus

    • J’explique régulièrement que l’argument monétaire est globalement de la grosse merde pour évaluer la pauvreté. Ce qu’on évalue, en réalité, c’est la marchandisation de populations qui étaient jusqu’à présent épargnées et donc une réelle augmentation de la pauvreté inhérente au fonctionnement du capitalisme.

      Un exemple simple pour comprendre : une famille de petits paysans qui vivent plus ou moins en autosuffisance.

      Ils ont un toit sur la tête (mais pas forcément l’eau courante et l’électricité) et ils cultivent et élèvent une grande part de leur alimentation. Les excédents ou produits d’artisanat permettent éventuellement d’acquérir des merdes modernes sur le marché monétarisé, mais majoritairement, ils échangent avec des gens comme eux.
      Ils sont classés extrêmement pauvres par la BM, parce qu’ils n’ont pas 2$/jour.

      Maintenant, ils sont dépossédés de leur lopin de terre, expulsés par le proprio ou à la recherche d’une vie plus moderne en ville.
      En ville, ils n’ont plus de toit sur la tête et tous leurs besoins fondamentaux sont soumis à la nécessité d’avoir de l’argent. S’ils se prostituent ou louent leur bras pour les jobs pourris et dangereux que personne ne veut, ils pourront éventuellement gagner assez pour manger un jour de plus (pas pour se loger ou subvenir à leurs besoins vitaux), ils n’auront jamais été aussi démunis et proches de la mort, mais du point de vue de la BM, ils sont sortis de la grande pauvreté parce qu’ils se vendent pour plus de 2$/jour.

      L’IPM est mieux adapté, mais je doute qu’on l’utilise beaucoup pour se vanter du soit-disant recul de la pauvreté dans le monde !

    • En fait, si, en France, être pauvre prive de l’accès à beaucoup de choses.
      Prenons le RSA 559,74€ pour une personne seule, moins le forfait logement de 67,17 (en gros 12% du montant), soit, royalement 492,57€ → 16,42€/jour pour les mois à 30 jours.

      Ceci n’est pas de l’argent de poche. En admettant que l’on touche l’APL au taquet, ce qui n’est jamais évident, on peut ajouter 295,05€ max d’APL à Paris et 241,00 pour un bled quelconque de province. Comparez avec le montant des loyers pratiqués, le prix des factures (eau, énergie, au même prix pour tout le monde) et demandez-vous comment fait la personne pour seulement se nourrir correctement.

    • Être pauvre monétairement est surtout du au fait que seules les banques sont autorisées a créer la monnaie (€)
      Mais rien nous empêche de créer notre propre monnaie (sans banque ni état), une monnaie créée à égalité par les citoyens pour les citoyens. Un vrai Revenu Universel n’est pas compliqué a mettre en place, ce sont seulement des chiffres dans des ordinateurs (comme pour l’€).
      Une nouvelle monnaie pour un nouveau monde ;)
      https://www.youtube.com/watch?v=SjoYIz_3JLI

  • The dark side of the Italian tomatos
    http://webdoc.rfi.fr/dark_side_tomato

    Prince Bony n’aurait jamais imaginé avoir traversé le désert et la mer pour se retrouver à faire le même #travail que celui qu’il faisait dans son pays d’origine. Assis devant sa bicoque, un « casolare » abandonné, vestige de la réforme agraire, il repense à sa vie. Prince partage cette demeure de fortune avec une dizaine d’autres #saisonniers ghanéens. Faute de papiers, faute d’argent, ils ont trouvé refuge ici, au milieu de la campagne italienne, à #Borgo_Libertà.

    #tomates #migrations #Afrique #Italie #industrie_agro-alimentaire #ressources_pédagogiques #dynamiques_des_suds #migrations #prix #exportation #importation #Chine #concentré_de_tomates #produits_frais #purée_de_tomates #Ghana #exploitation
    #webdoc #documentaire
    cc @odilon