• Une version mise à jour de la brochure « L’oppression des femmes... » - La Hutte des Classes
    http://www.lahuttedesclasses.net/2023/07/une-version-mise-jour-de-la-brochure.html

    Le texte de ma brochure « L’#oppression_des_femmes... » n’avait pas été révisé depuis 2016. Je viens de procéder à un petit toilettage, avec quelques modifications cosmétiques mais surtout l’ajout d’une partie qui lui faisait défaut, sur la manière dont on peut reconstituer le passé à partir des indices disponibles. La brochure a ainsi grossi de deux ou trois pages, mais elle reste un moyen rapide de prendre connaissance du raisonnement que je défends, et qui est exposé avec beaucoup plus de détails dans mon #Communisme_primitif.

    Et tant que j’y étais, j’en ai profité pour donner un petit coups de peps à la maquette. #marxisme

    C’est donc cette version 2023 qui est dorénavant téléchargeable sur ce blog en version pdf ou en version epub (avec une mise en page aléatoire), au moins dans sa version française - la mise à jour des traductions se fera peu à peu.

    Et, pour information, je recopie ici la partie qui a été rajoutée (en omettant les quelques références en notes de bas de page) :

    Remonter le temps…

    Les faits qui viennent d’être présentés concernent uniquement des sociétés sur lesquelles nous disposons d’observations directes, et qui étaient donc encore vivantes dans les derniers siècles. Dans quelle mesure peut-on considérer qu’ils donnent une image fidèle du passé, comme si ces sociétés étaient en quelque sorte restées figées à un stade antérieur ? C’est précisément cette démarche qu’appliquaient #Morgan et Engels, en supposant de surcroît que le cas iroquois était généralisable et qu’il représentait le modèle universel de « l’économie communiste domestique » typique de la « Barbarie inférieure ». Mais il est clair que les choses ne sont pas aussi simples, d’autant plus que l’ethnologie a montré que sur une même base technique et économique, certains #rapports_sociaux sont susceptibles de varier considérablement – c’est le cas de ceux qui prévalent entre les sexes. Inversement, il serait absurde de rejeter par principe tout raisonnement par analogie entre les sociétés observées en ethnologie et celles qui ont pu exister dans le passé. On ne peut donc qu’adopter une attitude prudente, en s’efforçant de cerner au plus près quels sont les éléments que l’on peut extrapoler, et avec quelle confiance.

    En ce qui concerne la domination masculine, répétons-le, sa présence, à des degrés divers, dans une très grande majorité de ces sociétés remet clairement en cause l’idée selon laquelle elle serait incompatible avec l’égalitarisme économique et qu’elle serait nécessairement apparue tardivement, avec l’émergence des classes sociales. Mais si l’on peut donc affirmer que cette domination pouvait fort bien exister dans le passé néolithique ou paléolithique, il est beaucoup plus difficile de démontrer formellement que tel était bien le cas. Trois arguments plaident néanmoins en ce sens.

    Le premier est que si l’on rejette l’idée que la domination masculine plonge ses racines loin dans le passé, il faut expliquer quand et pourquoi elle serait apparue dans ces sociétés un peu partout sur la planète, à une époque nécessairement récente et par conséquent de manière indépendante. Pour ne parler que des chasseurs-cueilleurs, à quelle période et pour quelles raisons les hommes se seraient-ils mis à dominer les femmes chez les Inuits, en Terre de Feu, en Australie, etc. alors qu’ils ne le faisaient pas il y a quelques millénaires ? Personne ne s’est aventuré à répondre à cette question, et pour cause : une telle réponse, quelle qu’elle soit, nécessiterait des hypothèses très lourdes et hasardeuses – bien plus, en tout cas, que d’admettre tout simplement que les mêmes causes produisant les mêmes effets, la domination masculine, dans ses mille nuances, existait déjà dans la plupart des sociétés préhistoriques depuis des temps très reculés.

    Le second argument concerne la division sexuée du travail qui, comme on le verra dans la partie suivante, constitue une dimension fondamentale de l’inégalité des rapports entre les sexes. Sous certaines conditions, cette division sexuée du travail peut imprimer sa marque sur les corps des individus et être identifiée par les traces archéologiques. Pour le #Néolithique, toutes les études confirment son existence et sa conformité avec les observations ethnologiques – en particulier, l’association étroite entre les hommes et les armes. Le #Paléolithique, malheureusement, est beaucoup plus avare en vestiges. Les sépultures sont très rares et les squelettes souvent en mauvais état, ce qui fait qu’il est très difficile d’avoir des certitudes. Le seul indice disponible, récemment découvert, révèle une marque sur certains coudes droits d’individus masculins – et d’eux seuls – qui serait compatible avec la répétition du geste du lancer et dont la plus ancienne remonte à 25 000 ans. Ajoutons sur ce point que même si ces dernières années, les annonces tonitruantes à propos de femmes chasseuses se sont multipliées, l’écho donné à ces travaux est inversement proportionnel à leur solidité ; c’est notamment le cas d’une étude emblématique publiée en 2020 à propos d’un squelette péruvien en particulier et de l’Amérique paléolithique en général. En fait, au-delà de tel ou tel cas archéologique, c’est aujourd’hui l’idée d’une absence de division sexuée du travail au Paléolithique qui fascine les milieux progressistes, comme si cette idée constituait en quoi que ce soit un appui pour les aspirations féministes actuelles.

    Enfin, ces dernières années, une troisième catégorie d’indices a été apportée par le renouveau des approches dans l’étude des mythes. Certains chercheurs ont en effet appliqué à leurs éléments constitutifs (les « mythèmes ») les méthodes forgées pour reconstituer l’arbre généalogique des espèces vivantes à partir de leur ADN. Les arbres que l’on peut bâtir ainsi pour les mythes s’avèrent remarquablement cohérents avec ce que l’on sait des migrations humaines. Ils permettent de situer l’époque et le lieu de la naissance de certains récits ; par exemple, celui selon lequel l’humanité est apparue sur Terre en émergeant d’un monde souterrain, ou celui qui raconte comment elle fut jadis presque entièrement exterminée par un déluge. En ce qui concerne les rapports hommes-femmes, un ensemble de mythes font état d’un matriarcat primitif qui mena au chaos et qui fut renversé, instaurant et justifiant ainsi l’ordre actuel du monde, dirigé par les hommes. Si de tels récits ne permettent nullement de conclure à la réalité de ces matriarcats révolus dont ils font état, ils sont en revanche les indicateurs fiables d’une domination masculine dans les sociétés qui les racontent et qui les transmettent. Or la reconstitution opérée par les chercheurs montre que de tels narratifs remontent probablement au moins à l’époque où sapiens est sorti d’Afrique, il y a plus de 60 000 ans.

    La domination masculine – avec toutes ses variations locales – constitue donc probablement un phénomène extrêmement ancien, bien qu’il soit très difficile de se prononcer de manière plus précise sur cette ancienneté. Au demeurant, rien ne permet d’exclure la possibilité qu’elle plonge ses racines dans la biologie et que l’humanité en ait hérité de la branche des primates de laquelle elle descend : nos cousins chimpanzés robustes, à la différence de nos autres cousins chimpanzés bonobo, sont marqués par une domination des mâles très prononcée. Est-il besoin de préciser que même si cette hypothèse était avérée, le programme féministe n’en serait nullement affaibli ? #Homo_sapiens se caractérise par son évolution culturelle, c’est-à-dire par sa capacité à produire des formes d’#organisation_sociale (et des valeurs morales) indépendantes de son héritage biologique. Dans un autre ordre d’idées, si les marxistes œuvrent pour la réorganisation de la société humaine sur une base collectiviste et internationaliste, c’est parce qu’ils la considèrent comme une nécessité eu égard au développement économique et social, et non parce qu’elle correspondrait à on ne sait quelle nature humaine. Il en va exactement de même pour les rapports entre les sexes.

    Quoi qu’il en soit, et de manière symétrique, l’idée avancée par #Bachofen et reprise par #Engels d’une « défaite historique du sexe féminin » qui serait intervenue à l’aube de la formation des classes sociales et de l’Etat apparaît très discutable, pour au moins deux raisons. La première est que la #domination_masculine, comme on l’a vu, a été observée dans des sociétés encore très éloignées de ce stade, et qu’elle était donc manifestement d’ores et déjà présente bien avant lui. La seconde est qu’il n’est pas si certain que la situation des femmes se soit systématiquement dégradée avec l’apparition de la richesse, puis des classes sociales. Une telle dégradation, en tout cas, est loin de se dégager clairement de l’examen des données disponibles. Dans certains cas, comme en Nouvelle-Guinée, le mouvement semble même inverse : c’est dans les sociétés les plus égalitaires sur le plan économique (comme celle des Baruya) que les #femmes sont les plus directement et les plus cruellement opprimées par les hommes. Quant aux évolutions défavorables aux femmes qui seraient intervenues avec l’émergence de la « civilisation », elles sont probablement moins dues à l’approfondissement des inégalités économiques en général qu’à un ensemble de facteurs dont, par exemple, l’introduction de la culture attelée. Dans l’Antiquité, les rapports entre les sexes variaient ainsi significativement d’un État à l’autre et, pour autant qu’on puisse le savoir, la situation des femmes égyptiennes paraît avoir été beaucoup moins défavorable que celles des Grecques, des Romaines ou des Chinoises.

  • “L’espèce humaine pourrait être qualifiée de ‘super invasive’”
    https://www.telerama.fr/debats-reportages/l-espece-humaine-pourrait-etre-qualifiee-de-super-invasive-7011433.php

    La particularité de notre espèce tient à sa faculté d’externaliser dans le monde technique un certain nombre de fonctions essentielles : se vêtir pour réchauffer son corps, s’outiller pour chasser, construire un habitat pour s’abriter… Encore une fois encore, ces comportements de plus en plus sophistiqués ont été rendus possibles par l’évolution de notre cerveau. Désormais, la technologie joue un rôle dominant dans notre adaptation. Cela nous dit quelque chose de nos problèmes contemporains, car cette évolution s’est caractérisée par des besoins énergétiques croissants, qui nous ont conduits à modifier l’environnement à une échelle de plus en plus importante, devenue aujourd’hui planétaire. Cette faculté de transformer ce qui nous entoure a permis notre survie dans des milieux de plus en plus hostiles, y compris dans l’espace. Au lieu de s’adapter à l’environnement, l’espèce humaine adapte l’environnement à elle. La paléoanthropologie nous enseigne que la crise écologique s’enracine loin dans notre évolution.

    https://justpaste.it/4lfil

    #espèces_invasives #paléontologie #anthropologie #homo_sapiens

  • Tous chasseurs cueilleurs !
    https://www.franceinter.fr/emissions/comme-un-bruit-qui-court/comme-un-bruit-qui-court-08-juin-2019

    Quand la civilisation menace l’#environnement... retour à la chasse et la cueillette. Entretien avec James C. Scott autour de son livre "#HomoDomesticus, une histoire profonde des premiers Etats".

    On a tous en tête des souvenirs d’école sur les débuts de l’Histoire avec un grand H. Quelque part entre le Tigre et l’Euphrate il y a 10 000 ans, des chasseurs-cueilleurs se sont peu à peu sédentarisés en domestiquant les plantes et les animaux, inventant dans la foulée l’#agriculture, l’écriture et les premiers Etats. C’était l’aube de la #civilisation et le début de la marche forcée vers le #progrès.

    Cette histoire, #JamesScott, anthropologue anarchiste et professeur de sciences politiques, l’a enseignée pendant des années à ses élèves de l’Université de Yale. Mais les découvertes archéologiques dans l’actuel Irak des dernières années l’ont amené à réviser complètement ce « storytelling » du commencement des sociétés humaines, et par là même remettre en question notre rapport au monde dans son dernier livre : Homo Domesticus, une histoire profonde des premiers Etats (Ed. La Découverte).

    Alors même que climat et biodiversité sont aujourd’hui plus que jamais menacés par les activités humaines, James C. Scott propose de réévaluer l’intérêt des sociétés d’avant l’Etat et l’agriculture. Car ces chasseurs-cueilleurs semi-nomades ont longtemps résisté face aux civilisations agraires, basées sur les céréales et qui, en domestiquant le monde, se sont domestiqués eux-mêmes, en appauvrissant leur connaissance du monde.

    Un reportage de Giv Anquetil.
    Les liens

    James C. Scott : « Le monde des chasseurs-cueilleurs était un monde enchanté » (Le grand entretien) par Jean-Christophe Cavallin, Diakritik

    Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce, Réflexions sur l’effondrement, Corinne Morel Darleux, Editions Libertalia

    "Amador Rojas invite Karime Amaya" Chapiteau du Cirque Romanès - Paris 16, Paris. Prochaine séance le vendredi 14 juin à 20h.

    Homo Domesticus, une histoire profonde des premiers Etats, James C. Scott (Editions La Découverte)

    Eloge des chasseurs-cueilleurs, revue Books (mai 2019).

    HOMO DOMESTICUS - JAMES C. SCOTT Une Histoire profonde des premiers États [Fiche de lecture], Lundi matin

    Bibliographie de l’association Deep Green Resistance
    Programmation musicale

    "Mesopotamia"- B52’s

    "Cholera" - El Rego et ses commandos

    #podcast @cdb_77

    • Homo Domesticus. Une histoire profonde des premiers États

      Aucun ouvrage n’avait jusqu’à présent réussi à restituer toute la profondeur et l’extension universelle des dynamiques indissociablement écologiques et anthropologiques qui se sont déployées au cours des dix millénaires ayant précédé notre ère, de l’émergence de l’agriculture à la formation des premiers centres urbains, puis des premiers États.
      C’est ce tour de force que réalise avec un brio extraordinaire #Homo_domesticus. Servi par une érudition étourdissante, une plume agile et un sens aigu de la formule, ce livre démonte implacablement le grand récit de la naissance de l’#État antique comme étape cruciale de la « #civilisation » humaine.
      Ce faisant, il nous offre une véritable #écologie_politique des formes primitives d’#aménagement_du_territoire, de l’« #autodomestication » paradoxale de l’animal humain, des dynamiques démographiques et épidémiologiques de la #sédentarisation et des logiques de la #servitude et de la #guerre dans le monde antique.
      Cette fresque omnivore et iconoclaste révolutionne nos connaissances sur l’évolution de l’humanité et sur ce que Rousseau appelait « l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes ».


      https://www.editionsladecouverte.fr/homo_domesticus-9782707199232

      #James_Scott #livre #démographie #épidémiologie #évolution #humanité #histoire #inégalité #inégalités #Etat #écologie #anthropologie #ressources_pédagogiques #auto-domestication

    • Fiche de lecture: Homo Domesticus - James C. Scott

      Un fidèle lecteur de lundimatin nous a transmis cette fiche de lecture du dernier ouvrage de James C. Scott, (on peut la retrouver sur le blog de la bibliothèque fahrenheit) qui peut s’avérer utile au moment l’institution étatique semble si forte et fragile à la fois.
      « L’État est à l’origine un racket de protection mis en œuvre par une bande de voleurs qui l’a emporté sur les autres »
      À la recherche de l’origine des États antiques, James C. Scott, professeur de science politique et d’anthropologie, bouleverse les grands #récits_civilisationnels. Contrairement à bien des idées reçues, la #domestication des plantes et des animaux n’a pas entraîné la fin du #nomadisme ni engendré l’#agriculture_sédentaire. Et jusqu’il y a environ quatre siècles un tiers du globe était occupé par des #chasseurs-cueilleurs tandis que la majorité de la population mondiale vivait « hors d’atteinte des entités étatiques et de leur appareil fiscal ».
      Dans la continuité de #Pierre_Clastres et de #David_Graeber, James C. Scott contribue à mettre à mal les récits civilisationnels dominants. Avec cette étude, il démontre que l’apparition de l’État est une anomalie et une contrainte, présentant plus d’inconvénients que d’avantages, raison pour laquelle ses sujets le fuyait. Comprendre la véritable origine de l’État c’est découvrir qu’une toute autre voie était possible et sans doute encore aujourd’hui.

      La première domestication, celle du #feu, est responsable de la première #concentration_de_population. La construction de niche de #biodiversité par le biais d’une #horticulture assistée par le feu a permis de relocaliser la faune et la flore désirable à l’intérieur d’un cercle restreint autour des #campements. La #cuisson des aliments a externalisé une partie du processus de #digestion. Entre 8000 et 6000 avant notre ère, Homo sapiens a commencé à planter toute la gamme des #céréales et des #légumineuses, à domestiquer des #chèvres, des #moutons, des #porcs, des #bovins, c’est-à-dire bien avant l’émergence de sociétés étatiques de type agraire. Les premiers grands établissements sédentaires sont apparus en #zones_humides et non en milieu aride comme l’affirment les récits traditionnels, dans des plaines alluviales à la lisière de plusieurs écosystèmes (#Mésopotamie, #vallée_du_Nil, #fleuve_Indus, #baie_de_Hangzhou, #lac_Titicata, site de #Teotihuacan) reposant sur des modes de subsistance hautement diversifiés (sauvages, semi-apprivoisés et entièrement domestiqués) défiant toute forme de comptabilité centralisée. Des sous-groupes pouvaient se consacrer plus spécifiquement à une stratégie au sein d’un économie unifiée et des variations climatiques entraînaient mobilité et adaptation « technologique ». La #sécurité_alimentaire était donc incompatible avec une #spécialisation étroite sur une seule forme de #culture ou d’#élevage, requérant qui plus est un travail intensif. L’#agriculture_de_décrue fut la première à apparaître, n’impliquant que peu d’efforts humains.
      Les #plantes complètement domestiquées sont des « anomalies hyperspécialisées » puisque le cultivateur doit contre-sélectionner les traits sélectionnés à l’état sauvage (petite taille des graines, nombreux appendices, etc). De même les #animaux_domestiqués échappent à de nombreuses pressions sélectives (prédation, rivalité alimentaire ou sexuelle) tout en étant soumis à de nouvelles contraintes, par exemple leur moins grande réactivité aux stimuli externes va entraîner une évolution comportementale et provoquer la #sélection des plus dociles. On peut dire que l’espèce humaine elle-même a été domestiquée, enchaînée à un ensemble de routines. Les chasseurs-cueilleurs maîtrisaient une immense variété de techniques, basées sur une connaissance encyclopédique conservée dans la mémoire collective et transmise par #tradition_orale. « Une fois qu’#Homo_sapiens a franchi le Rubicon de l’agriculture, notre espèce s’est retrouvée prisonnière d’une austère discipline monacale rythmée essentiellement par le tic-tac contraignant de l’horloge génétique d’une poignée d’espèces cultivées. » James C. Scott considère la #révolution_néolithique récente comme « un cas de #déqualification massive », suscitant un #appauvrissement du #régime_alimentaire, une contraction de l’espace vital.
      Les humains se sont abstenus le plus longtemps possible de faire de l’agriculture et de l’élevage les pratiques de subsistance dominantes en raison des efforts qu’elles exigeaient. Ils ont peut-être été contraints d’essayer d’extraire plus de #ressources de leur environnement, au prix d’efforts plus intenses, à cause d’une pénurie de #gros_gibier.
      La population mondiale en 10 000 avant notre ère était sans doute de quatre millions de personnes. En 5 000, elle avait augmenté de cinq millions. Au cours des cinq mille ans qui suivront, elle sera multipliée par vingt pour atteindre cent millions. La stagnation démographique du #néolithique, contrastant avec le progrès apparent des #techniques_de_subsistance, permet de supposer que cette période fut la plus meurtrière de l’histoire de l’humanité sur le plan épidémiologique. La sédentarisation créa des conditions de #concentration_démographique agissant comme de véritables « parcs d’engraissement » d’#agents_pathogènes affectant aussi bien les animaux, les plantes que les humains. Nombre de #maladies_infectieuses constituent un « #effet_civilisationnel » et un premier franchissement massif de la barrière des espèces par un groupe pathogènes.
      Le #régime_alimentaire_céréalier, déficient en #acides_gras essentiels, inhibe l’assimilation du #fer et affecte en premier lieu les #femmes. Malgré une #santé fragile, une #mortalité infantile et maternelle élevée par rapport aux chasseurs-cueilleurs, les agriculteurs sédentaires connaissaient des #taux_de_reproduction sans précédent, du fait de la combinaison d’une activité physique intense avec un régime riche en #glucides, provoquant une #puberté plus précoce, une #ovulation plus régulière et une #ménopause plus tardive.

      Les populations sédentaires cultivant des #céréales domestiquées, pratiquant le commerce par voie fluviale ou maritime, organisées en « #complexe_proto-urbain », étaient en place au néolithique, deux millénaires avant l’apparition des premiers États. Cette « plateforme » pouvait alors être « capturée », « parasitée » pour constituer une solide base de #pouvoir et de #privilèges politiques. Un #impôt sur les céréales, sans doute pas inférieur au cinquième de la récolte, fournissait une rente aux élites. « L’État archaïque était comme les aléas climatiques : une menace supplémentaire plus qu’un bienfaiteur. » Seules les céréales peuvent servir de base à l’impôt, de part leur visibilité, leur divisibilité, leur « évaluabilité », leur « stockabilité », leur transportabilité et leur « rationabilité ». Au détour d’un note James C. Scott réfute l’hypothèse selon laquelle des élites bienveillantes ont créé l’État essentiellement pour défendre les #stocks_de_céréales et affirme au contraire que « l’État est à l’origine un racket de protection mis en œuvre par une bande de voleurs qui l’a emporté sur les autres ». La majeure partie du monde et de sa population a longtemps existé en dehors du périmètre des premiers États céréaliers qui n’occupaient que des niches écologiques étroites favorisant l’#agriculture_intensive, les #plaines_alluviales. Les populations non-céréalières n’étaient pas isolées et autarciques mais s’adonnaient à l’#échange et au #commerce entre elles.
      Nombre de #villes de #Basse_Mésopotamie du milieu du troisième millénaire avant notre ère, étaient entourées de murailles, indicateurs infaillibles de la présence d’une agriculture sédentaire et de stocks d’aliments. De même que les grandes #murailles en Chine, ces #murs d’enceinte étaient érigés autant dans un but défensif que dans le but de confiner les paysans contribuables et de les empêcher de se soustraire.
      L’apparition des premiers systèmes scripturaux coïncide avec l’émergence des premiers États. Comme l’expliquait #Proudhon, « être gouverné, c’est être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé ». L’#administration_étatique s’occupait de l’#inventaire des ressources disponibles, de #statistiques et de l’#uniformisation des #monnaies et des #unités_de_poids, de distance et de volume. En Mésopotamie l’#écriture a été utilisée à des fins de #comptabilité pendant cinq siècle avant de commencer à refléter les gloires civilisationnelles. Ces efforts de façonnage radical de la société ont entraîné la perte des États les plus ambitieux : la Troisième Dynastie d’#Ur (vers 2100 avant J.-C.) ne dura qu’à peine un siècle et la fameuse dynastie #Qin (221-206 avant J.-C.) seulement quinze ans. Les populations de la périphérie auraient rejeté l’usage de l’écriture, associée à l’État et à l’#impôt.

      La #paysannerie ne produisait pas automatiquement un excédent susceptible d’être approprié par les élites non productrices et devait être contrainte par le biais de #travail_forcé (#corvées, réquisitions de céréales, #servitude pour dettes, #servage, #asservissement_collectif ou paiement d’un tribu, #esclavage). L’État devait respecter un équilibre entre maximisation de l’excédent et risque de provoquer un exode massif. Les premiers codes juridiques témoignent des efforts en vue de décourager et punir l’#immigration même si l’État archaïque n’avait pas les moyens d’empêcher un certain degré de déperdition démographique. Comme pour la sédentarité et la domestication des céréales, il n’a cependant fait que développer et consolider l’esclavage, pratiqué antérieurement par les peuples sans État. Égypte, Mésopotamie, Grèce, Sparte, Rome impériale, Chine, « sans esclavage, pas d’État. » L’asservissement des #prisonniers_de_guerre constituait un prélèvement sauvage de main d’œuvre immédiatement productive et compétente. Disposer d’un #prolétariat corvéable épargnait aux sujets les travaux les plus dégradants et prévenait les tensions insurrectionnelles tout en satisfaisant les ambitions militaires et monumentales.

      La disparition périodique de la plupart de ces entités politiques était « surdéterminée » en raison de leur dépendance à une seule récolte annuelle d’une ou deux céréales de base, de la concentration démographique qui rendait la population et le bétail vulnérables aux maladies infectieuses. La vaste expansion de la sphère commerciale eut pour effet d’étendre le domaine des maladies transmissibles. L’appétit dévorant de #bois des États archaïques pour le #chauffage, la cuisson et la #construction, est responsable de la #déforestation et de la #salinisation_des_sols. Des #conflits incessants et la rivalité autour du contrôle de la #main-d’œuvre locale ont également contribué à la fragilité des premiers États. Ce que l’histoire interprète comme un « effondrement » pouvait aussi être provoqué par une fuite des sujets de la région centrale et vécu comme une #émancipation. James C. Scott conteste le #préjugé selon lequel « la concentration de la population au cœur des centres étatiques constituerait une grande conquête de la civilisation, tandis que la décentralisation à travers des unités politiques de taille inférieure traduirait une rupture ou un échec de l’ordre politique ». De même, les « âges sombres » qui suivaient, peuvent être interprétés comme des moments de résistance, de retours à des #économies_mixtes, plus à même de composer avec son environnement, préservé des effets négatifs de la concentration et des fardeaux imposés par l’État.

      Jusqu’en 1600 de notre ère, en dehors de quelques centres étatiques, la population mondiale occupait en majorité des territoires non gouvernés, constituant soit des « #barbares », c’est-à-dire des « populations pastorales hostiles qui constituaient une menace militaire » pour l’État, soit des « #sauvages », impropres à servir de matière première à la #civilisation. La menace des barbares limitait la croissance des États et ceux-ci constituaient des cibles de pillages et de prélèvement de tribut. James C. Scott considère la période qui s’étend entre l’émergence initiale de l’État jusqu’à sa conquête de l’hégémonie sur les peuples sans État, comme une sorte d’ « âge d’or des barbares ». Les notions de #tribu ou de peuple sont des « #fictions_administratives » inventées en tant qu’instrument de #domination, pour désigner des #réfugiés politiques ou économiques ayant fuit vers la périphérie. « Avec le recul, on peut percevoir les relations entre les barbares et l’État comme une compétition pour le droit de s’approprier l’excédent du module sédentaire « céréales/main-d’œuvre ». » Si les chasseurs-cueilleurs itinérants grappillaient quelques miettes de la richesse étatique, de grandes confédérations politiques, notamment les peuples équestres, véritables « proto-États » ou « Empires fantômes » comme l’État itinérant de #Gengis_Kahn ou l’#Empire_Comanche, constituaient des concurrents redoutables. Les milices barbares, en reconstituant les réserves de main d’œuvre de l’État et en mettant leur savoir faire militaire au service de sa protection et de son expansion, ont creusé leur propre tombe.

      Dans la continuité de Pierre Clastres et de David Graeber, James C. Scott contribue à mettre à mal les récits civilisationnels dominants. Avec cette étude, il démontre que l’apparition de l’État est une #anomalie et une #contrainte, présentant plus d’inconvénients que d’avantages, raison pour laquelle ses sujets le fuyait. Comprendre la véritable origine de l’État c’est découvrir qu’une toute autre voie était possible et sans doute encore aujourd’hui.

      https://lundi.am/HOMO-DOMESTICUS-Une-Histoire-profonde-des-premiers-Etats
      #historicisation

  • Qui est Homo Sapiens ? D’où vient-il et comment a-t-il survécu jusqu’à aujourd’hui ? Quel est son avenir ?
    #homosapiens #préhistoire #archéologie

    https://sms.hypotheses.org/23770

    Qui est Homo sapiens ? Pourquoi et comment ce contemporain de Neandertal a-t-il survécu jusqu’à aujourd’hui ? François Bon tente d’y répondre en reconstituant le parcours de Sapiens, de son apparition en Afrique il y a environ 300 000 ans aux différentes vagues de migration qui l’ont amené à peupler l’ensemble du globe. Il aborde la question de la rencontre entre Sapiens et Neandertal en s’appuyant sur la récente découverte de gènes néandertaliens chez certaines populations européennes.

    Descendant d’Homo Erectus, né en Afrique, Homo sapiens a migré vers le Proche-Orient il y a plus de 100 000 ans puis essaimé vers l’Europe et l’Asie, jusqu’à atteindre l’Australie vers – 50 000 ans. Plongée en ces temps préhistoriques pour mieux saisir la spécificité de l’espèce Sapiens au sein de la lignée des hominidés ainsi que les raisons de son succès.

  • L’#Homo_sapiens est bien sûr africain, mais il n’est pas celui que vous croyez…
    https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/culture-africaine/lhomo-sapiens-est-bien-sur-africain-mais-il-nest-pas-celui-que-vous-cro

    L’Homo sapiens, l’#être_humain actuel, est apparu en Afrique. Mais des découvertes faites à Djebel Ihroud (ouest du Maroc) par le paléoanthropologue français Jean-Jacques Hublin et son collègue marocain Abdelouahed Ben-Ncer montrent que notre ancêtre direct n’est pas né dans l’est de l’Afrique. Et qu’il a 100.000 ans de plus que prévu… Entretien avec le professeur Hublin.

    #humanité #paléontologie

    • Je trouve ça bien d’apporter des conclusions disruptives. Mais abusé de parler d’une origine unique sachant le nombre de croisement d’espèces de pré-humains qui nous composent. C’est sur que la vieille théorie du TGV arbre-iphone ne tient pas la route.

  • The Invaders — Pat Shipman | Harvard University Press
    http://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674975415

    With their large brains, sturdy physique, sophisticated tools, and hunting skills, Neanderthals are the closest known relatives to humans. Approximately 200,000 years ago, as modern humans began to radiate out from their evolutionary birthplace in Africa, Neanderthals were already thriving in Europe—descendants of a much earlier migration of the African genus Homo. But when modern humans eventually made their way to Europe 45,000 years ago, Neanderthals suddenly vanished. Ever since the first Neanderthal bones were identified in 1856, scientists have been vexed by the question, why did modern humans survive while their evolutionary cousins went extinct?

    The Invaders musters compelling evidence to show that the major factor in the Neanderthals’ demise was direct competition with newly arriving humans. Drawing on insights from the field of invasion biology, which predicts that the species ecologically closest to the invasive predator will face the greatest competition, Pat Shipman traces the devastating impact of a growing human population: reduction of Neanderthals’ geographic range, isolation into small groups, and loss of genetic diversity.

    But modern humans were not the only invaders who competed with Neanderthals for big game. Shipman reveals fascinating confirmation of humans’ partnership with the first domesticated wolf-dogs soon after Neanderthals first began to disappear. This alliance between two predator species, she hypothesizes, made possible an unprecedented degree of success in hunting large Ice Age mammals—a distinct and ultimately decisive advantage for humans over Neanderthals at a time when climate change made both groups vulnerable.

    #livre cité par Scott dans Homo domesticus #chasse #chien #loup #domestication_du_loup (qui remonterait à 36 000 ans) #préhistoire #homo_sapiens

  • Homo domesticus. Une histoire profonde des premiers États

    Ernest London

    https://lavoiedujaguar.net/Homo-domesticus-Une-histoire-profonde-des-premiers-Etats

    À la recherche de l’origine des États antiques, James C. Scott, professeur de science politique et d’anthropologie, bouleverse les grands récits civilisationnels. Contrairement à bien des idées reçues, la domestication des plantes et des animaux n’a pas entraîné la fin du nomadisme ni engendré l’agriculture sédentaire. Et jusqu’il y a environ quatre siècles un tiers du globe était occupé par des chasseurs-cueilleurs tandis que la majorité de la population mondiale vivait « hors d’atteinte des entités étatiques et de leur appareil fiscal ».

    La première domestication, celle du feu, est responsable de la première concentration de population. La construction de niche de biodiversité par le biais d’une horticulture assistée par le feu a permis de relocaliser la faune et la flore désirables à l’intérieur d’un cercle restreint autour des campements. La cuisson des aliments a externalisé une partie du processus de digestion. Entre 8000 et 6000 avant notre ère, Homo sapiens a commencé à planter toute la gamme des céréales et des légumineuses, à domestiquer des chèvres, des moutons, des porcs, des bovins, c’est-à-dire bien avant l’émergence de sociétés étatiques de type agraire. (...)

    #James_C._Scott #histoire #anthropologie #Homo_sapiens #chasseurs-cueilleurs #agriculture #Mésopotamie #esclavage #État #empires_fantômes

    • Contre le blé, contre l’Etat, Joseph Confavreux

      L’anthropologue anarchiste James C. Scott publie un ouvrage détonnant qui, à l’appui des récentes découvertes de l’archéologie, remet en cause le grand récit civilisationnel fondé sur l’agriculture céréalière, la sédentarité et l’État.

      James C. Scott est éleveur de moutons et dit se sentir « personnellement offensé chaque fois qu’on cite les moutons comme synonyme de comportement conformiste de masse, de pusillanimité et d’absence d’individualité », alors que cela fait 8 000 ans que l’homme a sélectionné les moutons précisément pour les domestiquer et les rendre toujours plus dociles.

      James C. Scott est aussi un des anthropologues les plus singuliers du monde, auteur d’un travail au long cours sur les comportements infrapolitiques (Petit éloge de l’anarchisme), les logiques du pouvoir de l’État moderne (Seeing like a State) ou les peuples sans État, notamment ceux d’Asie du Sud (Zomia ou l’art de ne pas être gouverné).

      homo-domesticusSon dernier livre, que viennent de traduire les éditions La Découverte, s’intitule Homo Domestiscus. Une histoire profonde des premiers États, et combine ce qu’il a pu personnellement observer en matière de domestication des animaux ou des hommes avec des décennies de travail sur les rapports entre les marges et les centres, les nomades et les États, les gouvernés et les gouvernants, les prétendus barbares et les soi-disant civilisés.
      Il se nourrit, aussi et surtout, des récentes avancées de l’archéologie qui, grâce notamment à de nouvelles techniques de recherche, viennent de plus en plus souvent bousculer les savoirs solidifiés dans les livres scolaires et appris par des générations d’écoliers. La récente et impressionnante Histoire des civilisations, sous-titrée Comment l’archéologie bouleverse nos connaissances, également publiée par les éditions La Découverte et codirigée par l’archéologue Jean-Paul Demoule, s’inscrivait aussi dans ce moment singulier où l’archéologie change notre regard sur le passé, et peut-être ainsi sur le présent.

      Homo domesticus assume d’être une synthèse, voire parfois une forme de braconnage sur des territoires qui ne sont pas ceux de l’anthropologue. Scott définit d’ailleurs lui-même son ouvrage comme le « rapport d’exploration d’un intrus ». Mais son sens du récit et son érudition tout-terrain rendent sa thèse principale très convaincante, tout en permettant au lecteur d’apprendre, au passage, pourquoi les chimpanzés ont un intestin trois fois plus grand que le nôtre, quel est le métabolisme du blé sauvage ou comment lire l’épopée de Gilgamesh…

      Cette thèse consiste à démonter le grand récit civilisationnel de la révolution néolithique et de l’essor de l’humanité, selon lequel « l’agriculture venait se substituer au monde barbare, sauvage, primitif, brutal et sans loi des chasseurs-cueilleurs et des nomades ». Pour l’anthropologue, même si l’on a longtemps supposé que « l’agriculture avait été un grand pas en avant pour l’humanité en termes de bien-être, de nutrition et de temps libre », initialement, « c’est plutôt le contraire qui est vrai ».

      L’hypothèse implicite que la récolte d’une culture plantée serait plus fiable que le rendement des espèces sauvages serait ainsi fausse, « dans la mesure où les espèces sauvages, par définition, ne sont présentes que sur des sites où elles peuvent prospérer ». Celles et ceux qui voient dans l’agriculture sédentaire un pas majeur dans l’avancée de la civilisation négligent en plus les « risques de crise de subsistance impliqués par un mode de vie sédentaire et par la nécessité concomitante de planter, de soigner et de protéger des espèces cultivées ».

      Les avancées récentes de l’archéologie révèlent que les chasseurs-cueilleurs n’avaient rien « de ces populations désemparées, mal nourries, toujours au bord de la famine, qu’imagine l’ethnologie populaire ». Et permettent de mieux comprendre que la « sécurité alimentaire des chasseurs-cueilleurs reposait précisément sur la mobilité et sur la diversité des ressources auxquelles ils avaient accès ».

      À partir du moment où l’on remet en question l’hypothèse fondamentale de la supériorité et de la plus grande attractivité de l’agriculture sédentaire par rapport à toutes les formes de subsistance antérieures, il devient clair, pour le chercheur, « que ladite hypothèse repose elle-même sur un présupposé plus profond et plus enraciné qui n’est, lui, pratiquement jamais remis en cause : à savoir que l’existence sédentaire serait elle-même supérieure et plus attrayante que les formes de subsistance fondées sur la mobilité ».

      51bn3kwdvel-sx329-bo1-204-203-200Dans ce livre, dont le titre original est Against the Grain : A Deep History of the Earliest States, Scott avance donc l’hypothèse du lien étroit entre les céréales et la constitution d’États jugés coercitifs par l’anarchiste qu’il est depuis des décennies. Pour lui, « seules les céréales sont vraiment adaptées à la concentration de la production, au prélèvement fiscal, à l’appropriation, aux registres cadastraux, au stockage et au rationnement ». Ce qui explique pourquoi l’économie de tous les États antiques reposait sur les céréales et pourquoi « l’histoire n’a pas gardé trace de l’existence d’États du manioc, du sagou, de l’igname, du taro, du plantain, de l’arbre à pain ou de la patate douce ».
      Il s’ensuit pour Scott que « l’émergence de l’État ne devient possible que lorsqu’il n’existe guère d’autres options qu’un régime alimentaire dominé par les céréales domestiquées ». La « clé du lien » entre l’État et les céréales serait donc le fait que « seules ces dernières peuvent servir de base à l’impôt, de par leur visibilité, leur divisibilité, leur “évaluabilité”, leur “stockabilité”, leur transportabilité. »

      « Myopie historique »

      À partir de là, James C. Scott juge donc qu’on surestime très largement la révolution néolithique qui « a entraîné un appauvrissement de la sensibilité et du savoir pratique de notre espèce face au monde naturel, un appauvrissement de son régime alimentaire, une contraction de son espace vital et aussi, sans doute, de la richesse de son existence rituelle ».

      arton2238-a8443Une surévaluation intimement liée à la manière dont les progrès de la civilisation ont été « codifiés par les premiers grands royaumes agraires ». Comme dans Zomia, l’anthropologue juge nécessaire de se départir de la « téléologie de l’État » et d’une « histoire stato-centrée ». Une histoire « impartiale » supposerait, selon lui, qu’on accorde à l’État « un rôle beaucoup plus modeste que celui qu’on lui attribue normalement », même s’il n’est pas étonnant que l’État ait fini par dominer les grands récits archéologiques et historiques.
      En effet, outre l’hégémonie de la forme État dans le monde actuel, « la majeure partie des recherches archéologiques et historiques dans le monde sont parrainées par l’État, ce qui en fait souvent une sorte d’autoportrait narcissique », écrit Scott, en notant qu’on a toujours privilégié l’excavation des grandes ruines historiques sur des indices plus faibles d’installation humaine, que les dernières techniques archéologiques permettent de mieux repérer.

      De plus, les « documents écrits sont invariablement produits par et pour l’État ». Même si bon nombre de peuples nomades connaissaient l’écriture, « ils écrivaient généralement sur des matériaux périssables (écorce, feuille, bambou, roseau) et pour des raisons étrangères aux préoccupations d’un État (comme mémoriser des sortilèges ou des poèmes d’amour) ».

      Décentrer ainsi l’Histoire pour éclairer les zones oubliées par les récits officiels permet notamment de montrer que l’émergence de l’État apparaît en réalité très longtemps après la naissance de l’agriculture sédentaire et ne lui est pas liée, même si cette forme d’organisation sociale demeure, en général, réticente aux zones humides, désertiques ou montagneuses.

      Scott rappelle à ce sujet que les premiers établissements sédentaires de l’histoire de l’humanité sont apparus dans des zones humides, dont le rôle a été largement sous-estimé, pour au moins trois raisons. D’abord en raison de « l’association presque irrésistible entre l’idée de civilisation et les principales céréales : blé, orge, riz et maïs ». Ensuite, parce qu’il s’agissait de cultures largement orales n’ayant laissé derrière elles aucun témoignage écrit. Enfin, parce que cette myopie historique vis-à-vis des sociétés des zones humides pourrait être liée à leur « incompatibilité écologique avec la centralisation administrative et le contrôle par le haut. Ces sociétés reposaient en effet sur ce qu’on appelle aujourd’hui des biens collectifs ou des communs – plantes, animaux et espèces aquatiques sauvages auxquelles toute la communauté avait accès. Il n’existait aucune ressource dominante unique susceptible d’être monopolisée ou contrôlée et encore moins taxée par un centre politique ».

      Décentrer l’histoire permet aussi de comprendre que les premiers États étaient, en réalité, non seulement très fragiles, mais éphémères et réversibles. « Dans la plupart des cas, les périodes d’interrègne, de fragmentation et de décadence étaient plus fréquentes que les phases de domination efficace et stable. » En outre, explique Scott, « dans une grande partie du monde, l’État, même lorsqu’il était robuste, n’était qu’une institution saisonnière. Récemment encore, en Asie du Sud-Est, pendant les averses annuelles de la mousson, il n’était guère capable de projeter sa puissance au-delà des murs du palais royal ».

      Pour l’anthropologue, il a existé plusieurs lignes de faille, « sous-produits de l’émergence de l’État lui-même », liées aux conséquences épidémiologiques de la concentration sans précédent des espaces cultivés, des humains et du bétail, ainsi que des parasites et agents pathogènes, liées également aux effets écologiques plus insidieux de l’urbanisme ou encore aux répercussions d’une agriculture reposant sur l’irrigation intensive et entraînant une déforestation et une salinisation des sols.

      Rompre ainsi l’hypnose provoquée par les récits « narrant la fondation d’une dynastie ou exaltant sa période classique, alors que les périodes de désintégration et de désordre ne laissent que peu ou pas de trace », permet notamment de saisir les nombreux « mouvements de fuite des territoires contrôlés par les premiers États en direction de leur périphérie ». Mouvements dont les traces, « dans la mesure où ils contredisent le récit qui met en scène l’État en tant que porteur de civilisation et bienfaiteur de ses sujets », sont « confinées dans d’obscurs documents juridiques ».

      La Grande Muraille sur le site de Mutianyu
      La Grande Muraille sur le site de Mutianyu
      Le lecteur apprend ainsi que la Grande Muraille de Chine servait tout autant à retenir les paysans Han et les contribuables qu’à faire obstacle aux incursions barbares. Ce fait que les premiers États n’aient pas réussi à retenir leur population est, pour Scott, le signe que « c’est seulement par le biais de diverses formes de servitude que les premiers États ont réussi à capturer et à fixer une bonne partie de leurs populations ».
      « Homo sapiens n’a-t-il pas lui-même été domestiqué ? »

      La mise en cause du récit traditionnel de la civilisation par James Scott n’est pas seulement, pour lui, un moyen de rendre justice à un passé moins linéaire que la vision que nous en avons d’habitude. Elle est aussi une façon de repenser le présent, et notamment le fait que nous acceptons comme quelque chose d’inévitable, voire de normal, de vivre dans des États inégalitaires et dont les premières fondations reposent sur la coercition et l’exploitation de leurs populations.

      41wndayie2l-sx303-bo1-204-203-200L’anthropologue réexamine ainsi « la conception de l’État chère à des théoriciens du contrat social tels que Hobbes et Locke, celle d’un pôle d’attraction irrésistible reposant sur la paix civile, l’ordre social et la sécurité personnelle ». Alors que, pour lui, la « formation des premiers États est pour une bonne part une entreprise coercitive », appuyée sur l’usage « extensif d’une main-d’œuvre servile » : prisonniers de guerre, semi-servage, esclaves, même si celui-ci était présent dans nombre de sociétés pré-étatiques.
      James C. Scott tient à réhabiliter des modes de vie classés comme « barbares » simplement parce qu’il refusaient les rets de l’État, et en particulier l’impôt, que le chercheur n’hésite pas à qualifier de « fléau » pour les populations intégrées aux premiers États, en évoquant les collectes en nature prélevées par l’État sous forme de céréales, de main-d’œuvre et de conscription.

      Il fait ainsi voler en éclats la ligne de démarcation censée passer entre les mondes dits barbares et les mondes prétendument civilisés, c’est-à-dire étatisés, notamment parce que les populations assujetties à l’État et les peuples sans État étaient en réalité des partenaires commerciaux naturels et fréquents, dont le négoce des peaux de castor des Amérindiens a été l’un des plus emblématiques. « Une telle symbiose engendrait une hybridité culturelle beaucoup plus intense que ce que la typique dichotomie “barbare-civilisé” pourrait laisser croire », écrit Scott.

      Pour lui, les « barbares » doivent davantage être compris comme les « jumeaux cachés de la civilisation », comme l’atteste notamment le fait qu’il est arrivé que ces derniers conquièrent l’État, comme ce fut le cas deux fois dans l’histoire de la Chine, avec la dynastie mongole des Yuan et la dynastie mandchoue des Qing, ainsi que dans celui d’Osman, le fondateur de l’Empire ottoman. Pour Scott, l’existence dite barbare a donc « été souvent plus facile, plus libre et plus saine que celle des membres des sociétés civilisées – du moins de ceux qui ne faisaient pas partie de l’élite ».

      À lire l’anthropologue, on peut même aller jusqu’à désigner « la longue période historique qui vit se côtoyer des États agraires relativement faibles et de nombreux peuples sans État, généralement équestres », comme un « âge d’or » des barbares, comparable à un moment où « le mouvement d’enclosure politique représenté par l’État-nation n’existait pas encore ». Pour lui, ces « barbares » étaient « presque à tous égards plus libres que les petits fermiers anglais de la fin du Moyen Âge et du début de l’ère moderne, dont on a tant vanté l’indépendance ».

      Ce détour par la proto-histoire est aussi, pour Scott, un moyen de réfléchir à la notion de domestication, et à la façon dont elle résonne aujourd’hui. Il rappelle en effet que le terme domestiquer est normalement considéré comme un verbe actif impliquant un complément d’objet direct. Mais, interroge-t-il, Homo sapiens n’a-t-il « pas lui-même été domestiqué, attelé au cycle interminable du labourage, du plantage, du désherbage, de la récolte, du battage, du broyage » ? Pour Scott, l’homme est quasiment devenu esclave des céréales, et a été domestiqué par son confinement, une plus forte densité démographique et de nouveaux modèles d’activité physique et d’organisation sociale…

      Ce qui interroge quand on sait que, par rapport à leurs ancêtres sauvages, les moutons ont connu une réduction de 24 % de la taille de leur cerveau au cours des 10 000 ans d’histoire de leur domestication ou que les furets ont des cerveaux 30 % plus petits que ceux des putois… « La réduction de la taille du cerveau et ses conséquences possibles semblent décisives pour rendre compte de la docilité des animaux domestiques en général », écrit James Scott, en se plaisant sans doute à imaginer ce que serait le cerveau d’un homme sauvage, en liberté et sans État.

      LIRE AUSSI
      De l’importance de traverser hors des clous
      PAR JOSEPH CONFAVREUX
      Cette plongée dans la profondeur de l’histoire est, enfin, un moyen pour Scott de reprendre à nouveaux frais une notion à la mode, qui a pu être féconde pour alerter sur notre destinée civilisationnelle, mais s’avère également sidérante, voire paralysante : celle d’effondrement. Pour Scott, « dans son usage non réfléchi, la notion d’effondrement désigne une tragédie civilisationnelle affectant un grand royaume antique et ses réalisations culturelles ». Elle pourrait pourtant signifier « simplement un retour à la fragmentation de leurs parties constitutives, quitte à ce qu’elles se fédèrent de nouveau ultérieurement ».
      À lire l’anthropologue, une bonne partie de ce qui, dans l’histoire, est passé pour un effondrement n’était en réalité qu’une désagrégation au sens propre du terme : la réduction d’entités politiques de grande taille mais fragiles, à leurs composantes plus modestes et souvent plus stables, mais aussi souvent plus justes politiquement et socialement.

      Scott va jusqu’à effectuer alors un curieux, mais osé, « plaidoyer pour l’effondrement », en faisant l’hypothèse que ce qu’on désigne encore comme des siècles obscurs, des périodes intermédiaires ou des âges sombres a « en fait suscité un net gain de liberté pour de nombreux sujets des États antiques et une amélioration général du bien-être humain ». Une histoire à méditer pour les collapsologues ou les déclinistes contemporains…

    • Je connais mal cette littérature, mais je suppose que ces théories ont été confrontées et confirmées par les récits qu’on a des sociétés de #chasseurs-cueilleurs plus récentes, comme par exemple les sociétés #autochtones nord-américaines ? On a des témoignages du 17ème siècle de colons européens, par exemple :

      Un Français au « Royaume des bestes sauvages »
      #Paul_Lejeune, Lux, le 8 janvier 2009
      https://www.luxediteur.com/catalogue/un-francais-au-royaume-bestes-sauvages

      #Canada #Lux @lux_editeur

  • Après une longue absence, voici de nouveau l’actualité de la préhistoire mais sous une forme résumée pour le moment.

    Il pourrait y avoir davantage d’hybrides dans les fossiles humains.

    Découverts sous forme de fossiles, les phoques gris, annelés sont si différents qu’ils pourraient être classés dans différentes familles. Pourtant, un jeune phoque né en 1929 s’est révélé être un intermédiaire presque parfait entre les espèces. Comparés aux hommes de Néandertal et aux hommes modernes, les phoques gris, annelés, sont génétiquement et dentalement au moins deux fois plus différents, ce qui suggère qu’il pourrait y avoir davantage d’hybrides dans les fossiles humains.

    A bastard seal from the past reveals the potential for human hybrids — ScienceDaily

    https://www.helsinki.fi/en/news/life-science-news/with-the-help-of-saimaa-ringed-seal-a-bastard-from-the-past-reveals-the-pot

    Yoland Savriama, Mia Valtonen, Juhana I. Kammonen, Pasi Rastas, Olli-Pekka Smolander, Annina Lyyski, Teemu J. Häkkinen, Ian J. Corfe, Sylvain Gerber, Isaac Salazar-Ciudad, Lars Paulin, Liisa Holm, Ari Löytynoja, Petri Auvinen, Jukka Jernvall.

    Bracketing phenogenotypic limits of mammalian hybridization. Royal Society Open Science, 2018 ; 5 (11) : 180903 DOI : 10.1098/rsos.180903

    #Préhistoire #Paléolithique #Néandertal #Homo_Sapiens #Hybridation

  • 700,000-Year-Old Stone Tools Point to Mysterious Human Relative
    https://news.nationalgeographic.com/2018/05/stone-tools-rhinoceros-luzon-philippines-ancient-hominins-s

    Stone tools found in the Philippines predate the arrival of modern humans to the islands by roughly 600,000 years—but researchers aren’t sure who made them.

    The eye-popping artifacts, unveiled on Wednesday in Nature, were abandoned on a river floodplain on the island of Luzon beside the butchered carcass of a rhinoceros. The ancient toolmakers were clearly angling for a meal. Two of the rhino’s limb bones are smashed in, as if someone was trying to harvest and eat the marrow inside. Cut marks left behind by stone blades crisscross the rhino’s ribs and ankle, a clear sign that someone used tools to strip the carcass of meat.

    But the age of the remains makes them especially remarkable: The carved bones are most likely between 631,000 and 777,000 years old, with researchers’ best estimate coming in around 709,000 years old. The research—partially funded by the National Geographic Society—pushes back occupation of the #Philippines to before the known origin of our species, #Homo_sapiens. The next-earliest evidence of Philippine hominins comes from Luzon’s Callao Cave, in the form of a 67,000-year-old foot bone.

    #archéologie

  • L’étonnant portrait de l’ancêtre des Britanniques, vieux de 10 000 ans - Le Temps
    https://www.letemps.ch/sciences/letonnant-portrait-lancetre-britanniques-vieux-10-000-ans

    Le premier homme britannique connu de notre ère, qui a vécu il y a environ 10 000 ans, révèle des caractéristiques inattendues, selon son portrait dévoilé par une équipe de chercheurs. Connu sous le nom de #Cheddar_Man, du nom des gorges dans lesquels son squelette a été retrouvé, dans le sud-ouest de l’Angleterre, cet homme avait la peau noire, les cheveux noirs bouclés et les yeux bleus[...]

    Pour expliquer l’évolution de la couleur de peau de la population vers des teintes plus claires, le chercheur associe deux éléments. « Nous savons que la couleur de peau plus claire est apparue au cours de ces 10 000 dernières années, avec l’invention de l’#agriculture » et la modification des régimes alimentaires, plus pauvres en #vitamine_D, explique-t-il.

    #préhistoire #homo_sapiens

  • Homo sapiens, homme de réseaux sociaux
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/201117/homo-sapiens-homme-de-reseaux-sociaux

    Les données génétiques montrent que les Néandertaliens vivaient en petits groupes relativement isolés, contrairement aux humains modernes © NIKOLA SOLIC/REUTERS/NEWSCOM Deux études génétiques toutes récentes suggèrent que si les humains modernes ont évincé les Néandertaliens, il y a environ 40 000 ans, c’est grâce à l’efficacité de leurs réseaux sociaux.

    #Culture-Idées #homo_sapiens_sapiens #Néandertal

  • L’énigme des « Néandertaliens de Chine »
    https://www.mediapart.fr/journal/international/090317/l-enigme-des-neandertaliens-de-chine

    Reconstitution des crânes en surimpression sur une photo du site de Lingjing où ils ont été retrouvés © Xiu-Jie Wu Deux crânes vieux de plus de 100 000 ans, retrouvés en Chine, suscitent une vive controverse parmi les paléoanthropologues : s’agit-il d’une variante locale de l’homme de Néandertal ou des premiers ossements fossiles identifiés d’une population connue jusqu’ici par son seul ADN, les Denisoviens ?

    #International #Culture-Idées #anthropologie #homo_sapiens_sapiens #Neanderthal #Paléontologie

  • #Documentaire. “#Homo_sapiens” : filmer ce que l’homme a abandonné

    Le réalisateur autrichien #Nikolaus_Geyrhalter a posé sa caméra dans des lieux désertés par l’humanité. Son documentaire, proche d’une installation artistique, sort dans les salles françaises ce 19 octobre.


    http://www.courrierinternational.com/article/documentaire-homo-sapiens-filmer-ce-que-lhomme-abandonne
    #ghost-towns #ghost_towns #film #abandon
    cc @albertocampiphoto

  • Le « hobbit » de Florès descendrait d’un #Homo_Erectus rétréci
    https://www.mediapart.fr/journal/international/110616/le-hobbit-de-flores-descendrait-dun-homo-erectus-retreci

    Découvert en 2003, l’homme de Florès – Homo floresiensis –, surnommé le « hobbit » à cause de son format réduit, descendrait d’un groupe d’Homo erectus venus d’Asie et dont la taille aurait diminué au cours du temps, une adaptation aux faibles ressources de l’île indonésienne.

    #International #Culture-Idées #anthropologie #homo_sapiens_sapiens #Paléontologie #sciences

  • Le génome d’un vieil Éthiopien chamboule l’histoire des migrations d’Homo sapiens
    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/10/08/le-genome-d-un-vieil-ethiopien-chamboule-l-histoire-des-migrations-d-homo-sa

    L’Afrique, berceau de l’homme moderne, est généralement considérée comme une terre d’#émigration. C’est d’#Afrique qu’#Homo_sapiens a commencé, il y a 125 000 à 60 000 ans, son irrésistible conquête du reste du monde. Avant lui, en étaient déjà sortis les ancêtres d’Homo erectus, et on soupçonne plusieurs épisodes migratoires hors d’Afrique plus ou moins réussis dans la préhistoire humaine. Mais on évoque bien plus rarement des mouvements de populations dans le sens inverse.

    La description du génome complet d’un Éthiopien vieux de 4 500 ans suggère pourtant que les Africains vivant aujourd’hui tiennent une part importante de leur hérédité (jusqu’à 7 %) d’ancêtres ayant pratiqué l’agriculture au Moyen-Orient. Ces travaux, publiés dans Science vendredi 9 octobre, et dirigés par Andrea Manica (université de Cambridge) donnent accès pour la première fois au #génome entier d’un Africain ancien. Un exploit, car le climat chaud et humide empêche généralement la préservation de l’ADN sur ce continent. Mais la grotte de Mota, dans l’ouest de l’Ethiopie, a fait exception.

  • L’Homme d’Ust’-Ishim, un Sibérien vieux de 45 000 ans
    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/10/22/l-homme-d-ust-ishim-un-siberien-vieux-de-45000-ans_4510797_1650684.html

    En 2008, un fragment relativement complet de fémur gauche d’origine humaine était retrouvé par un chasseur d’ivoire de mammouth, pointant hors des alluvions sur les rives de la rivière Irtysh, dans la région d’Omsk, en Sibérie Occidentale. Six ans plus tard, une équipe internationale lève une partie du voile sur l’« Homme d’Ust’-Ishim » – le lieu-dit près duquel ce fossile a été retrouvé. Cet os noirâtre appartenait à un homme moderne, qui vivait là il y a 45 000 ans environ, et l’analyse de son ADN permet de mieux cerner la période durant laquelle ses ancêtres et des Néandertaliens se sont croisés et ont multiplié.
    (…)
    En 2012, une étude publiée dans PLoS Genetics estimait que le « mélange » entre Néandertal et hommes modernes était intervenu entre 37 000 ans et 86 000 ans. De quoi accommoder les scénarios les plus divers.

    Le fémur sibérien offre un jalon temporel pour mieux estimer le nombre de mutations génétiques qui interviennent au fil des générations, et qui servent d’étalon pour les horloges biologiques proposées par les généticiens. En prenant pour hypothèse que 29 ans séparent chaque génération, le croisement entre Néandertaliens et hommes modernes dont ce Sibérien est le fruit serait intervenu entre 232 et 430 générations avant sa naissance, il y a entre 50 000 et 60 000 ans.

  • L’homme qui ne descendait pas d’Adam
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2013/03/10/homme-qui-ne-descendait-pas-d-adam

    Lorsque l’échantillon d’Albert Perry atterrit dans le laboratoire chargé d’effectuer cette analyse, un problème inédit apparut : la séquence génétique portée par son chromosome Y ne ressemblait à rien de connu. Pour le dire autrement, on peut faire remonter tous les chromosomes Y des hommes de la Terre au plus récent ancêtre masculin commun, un homme qui vivait en Afrique il y a environ 140 000 ans. Ce dernier est surnommé l’« Adam génétique » en référence au premier homme de l’Ancien Testament (il y a aussi une Eve mitochondriale). Mais le chromosome Y d’Albert Perry ne descendait pas de cet Adam-là.

    #génétique #sciences #bases_de_données #homo_sapiens