Démosthène : Pour comprendre ces saillies de Macron, il faut en revenir à #Mandeville (1670-1733) que #Hayek, chef de file de l’école néo-libérale, présentait comme un « master mind » ― c’est vous dire l’importance de ce penseur mal connu du grand public, mais extrêmement apprécié dans la mouvance néo-libérale. Ces deux traits sont d’ailleurs complémentaires : c’est parce que Mandeville dit tout sans aucune circonlocution morale sur les mécanismes de l’appropriation privée qu’il faut le cacher au grand public. Mandeville est ainsi l’inventeur d’un redoutable art de gouverner fondé sur un habile dosage de la flatterie et du blâme. Cet art se présente comme une réponse à la question politique centrale : comment faire vivre les hommes ensemble sachant qu’ils sont égoïstes et que la contrainte n’est pas suffisante pour les soumettre ? Réponse de Mandeville : pour qu’ils consentent à obéir aux lois, il faut ― rançon de leur égoïsme ― les payer. Mais, comme ils sont nombreux et qu’il n’y aurait jamais assez d’argent pour tous les rémunérer, il faut les dédommager avec une monnaie… qui ne coûte rien ― sinon un peu de vent. C’est en effet en parole qu’on peut les payer, avec des flatteries célébrant l’étendue de leur entendement, leur merveilleux désintéressement personnel, leur noble souci de la chose publique et donc l’élévation de leurs âmes. Cette façon de circonvenir les hommes constitue, selon Mandeville, l’essence du Politique, le cœur de l’économie politique. Cette politique de la flatterie, menée par des politiques rusés est pour lui la seule susceptible de pouvoir faire vivre les hommes ensemble. On peut la mettre en œuvre en agissant sur deux leviers. D’une part, on désignera une classe d’individus dangereux constituée de « ceux qui aiment foutre le bordel », des « cyniques, » de « ceux qui ne sont rien et heureux de l’être », des « chômeurs multirécidivistes du refus d’embauche », des « pauvres qui coutent un pognon dingue » et autres amabilités. D’autre part, le fait de désigner à la vindicte publique cette basse classe d’irréductibles permet de poser en regard une large classe toute en dignité composée d’êtres travailleurs et obéissants à qui l’on dira qu’ils ont réussi là où les autres ont failli, ce qui permettra de les ériger en individus modèles capables de se modérer et de prendre autrui en considération. Le but, c’est non seulement de créer deux classes imaginaires opposées stabilisant le champ social, mais c’est aussi et surtout de donner libre cours à une troisième classe tirant les ficelles de l’ensemble. Cette troisième classe se caractérise de faire semblant d’obéir à la loi dans un double but : profiter du prestige des vertueux et, surtout, tenir tout le monde tranquille afin d’en tirer tous les bénéfices possibles. Nous sommes là au cœur de la politique du Capital qui intéresse aujourd’hui beaucoup le capitalisme financier d’où vient Macron.
Or, pour mettre en œuvre cette politique, on peut être habile, semi-habile ou maladroit. Et Macron fut maladroit.