#hypercapitalisme

  • Si vous allez à San Francisco, vous y verrez des seringues et de la merde (par Nicolas Casaux)
    http://partage-le.com/2018/07/si-vous-allez-a-san-francisco-vous-y-verrez-des-seringues-et-de-la-merde

    (Revue de presse Les Crises : https://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-12-08-2018 )

    La ville de San Francisco est régulièrement promue dans les médias de masse comme un modèle de gestion écologique des déchets pour son taux de recyclage de 80%. En France, le film documentaire #Demain, réalisé par #Mélanie_Laurent et #Cyril_Dion, a beaucoup participé à la diffusion de cette idée. Partout où il passe, Cyril Dion brandit le cas de San Francisco comme une preuve de ce qu’il est possible de rendre une ville écolo-durable (« L’exemple le plus impressionnant, que nous présentons dans le film, est celui de la ville de San Francisco qui recycle 80 % de ses déchets »). Si seulement.

    Affirmer que San Francisco est un modèle de ville durable est une sacrée performance. Ou peut-être est-ce au contraire d’une simplicité confondante : il suffit de répéter cette affirmation sans l’étudier, sans aucun esprit critique. En creusant un peu, on réalise rapidement qu’elle se base sur un certain nombre d’absurdités. À commencer par le fait que le taux de 80% est une arnaque comptable[1]. La ville comptabilise en effet dans son calcul du taux de déchets recyclés, entre autres bizarreries, les déchets du bâtiment et des travaux publics. Ce qu’aucune ville ne fait[2]. Sans ce tour de passe-passe, le taux de recyclage de la ville serait plutôt de l’ordre de 60%. Au passage, on notera que Recology, l’entreprise chargée de la gestion des déchets de la ville, a été condamnée à payer 1,3 million de dollars en 2014 pour des pratiques frauduleuses. Mais cette arnaque comptable n’est rien au regard de ce qui suit.

    La ville de San Francisco (870 000 habitants) produit chaque année toujours plus de déchets, en 2013 elle en a produit plus de 2 millions de tonnes, quand la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (plus d’un million d’habitants) n’en produisait que 653 226 tonnes. Un modèle. La ville de San Francisco génère chaque jour environ 1 200 tonnes[3] de déchets non recyclables et non compostables qui sont enfouies sous terre. Un modèle.

    En outre, ce qu’ils (les gouvernements, les entreprises et les médias de masse) qualifient de #recyclage n’a rien d’écologique. Le traitement des déchets se fait toujours loin hors de la ville, dans des usines énergivores (sauf pour le bois/papier qu’ils brûlent en usine de biomasse, une autre catastrophe écologique). Dans le film Demain, on ne voit que la part des déchets qui est compostée, et c’est tout. Sachant que les déchets compostés constituent la part la moins importante des déchets collectés dans la ville. Ce qu’ils n’expliquent pas dans le documentaire, c’est qu’une grande partie des déchets (métaux, plastiques, etc.), uniquement triée, est exportée et disséminée à travers le globe, jusqu’en Chine, aux Philippines et au Vietnam — d’ailleurs, depuis que la Chine a restreint ses importations de déchets en 2017, #Recology se retrouve face à un problème relativement gênant, celui de trouver comment écouler les tonnes d’ordures qu’elle expédiait habituellement vers l’empire du Milieu. C’est-à-dire que ces déchets produits par les San-Franciscains sont compressés en balles en usine puis expédiés à l’autre bout du monde pour être recyclés — sachant que le recyclage n’est pas une véritable solution, d’abord parce que le recyclage infini est un mythe[4], ensuite parce que le recyclage du plastique est particulièrement inefficace[5], et enfin et surtout parce que le recyclage, dans le cadre d’une société industrielle capitaliste de croissance, ne résout aucun des problèmes fondamentaux qu’elle implique (de #surconsommation de ressources, y compris énergétiques, de pollutions en tous genres, d’étalement urbain, de croissance démographique, etc., etc.).

    Récapitulons. Ce qu’ils nous présentent comme un #modèle de vertu écologique, de durabilité, c’est une ville dont la production de déchets par personne, relativement élevée, ne cesse de croître, et dont la gestion de ces #déchets consiste à en enfouir une partie, à en expédier une autre en Chine et ailleurs, et à en brûler une partie en incinérateur  ; c’est aussi une ville qui trafique ses calculs de taux de recyclage. Un modèle.

    Mais nous ne devrions pas avoir besoin de discuter ainsi de la soi-disant #durabilité d’une ville comme San Francisco. Comme toutes les grandes métropoles du monde, San Francisco dépend directement de l’ensemble des infrastructures et des pratiques toutes plus insoutenables les unes que les autres de la civilisation industrielle. Il faut une sacrée dose d’ignorance historique et écologique pour ne pas comprendre que l’urbanisation de la baie de San Francisco a dramatiquement ravagé ce qui était jusqu’à il y a moins de 300 ans un écosystème sain (non pollué) et plein de vie. Où sont passés les condors de Californie, les wapitis, les ours, les loups et ainsi de suite, qui pullulaient dans la baie  ? Les conséquences du développement de la civilisation industrielle dans la baie de San Francisco rappellent les conséquences de son développement partout sur la planète : extermination et disparition de nombreuses espèces vivantes, pollution des eaux (aujourd’hui, on retrouve un peu de tout dans les eaux de San Francisco, du mercure, des résidus de médicaments en tous genres, des huiles de moteur usagées, des déchets plastiques, et ainsi de suite  ; cinq des plages les plus polluées de Californie se trouvent dans la baie, qui ne cesse de s’acidifier), pollution de l’air (en ce moment, la qualité de l’air dans la baie n’est pas loin d’être la pire de tous les États-Unis[6]), etc.

    Leur manière de mesurer la qualité écologique de la ville — et d’une ville en générale — est grotesque. Comme si on pouvait se contenter de statistiques concernant le « recyclage » des déchets produits par une ville pour l’estimer. Comme si on pouvait occulter les nombreux impacts environnementaux (sans parler des impacts sociaux), entre autres choses, de la production mondialisée des appareils électroniques les plus couramment utilisés par les San-Franciscains — iPods, iPads, iPhones, Google Glass… — ou de leurs voitures, réfrigérateurs, téléviseurs, ou de leur nourriture, ou de la construction des infrastructures qu’ils utilisent et des bâtiments dans lesquels ils vivent, et ainsi de suite. Si toutes ces choses étaient prises en compte, on s’apercevrait immédiatement de l’insoutenabilité totale de la civilisation industrielle et de son mode de vie. Mais elles ne le sont pas, évidemment, propagande oblige.

    Et comment ne pas parler des inégalités sociales  ? San Francisco est une des villes les plus chères des USA. La gentrification en cours n’a pour cesse d’épurer la ville de ses habitants les plus pauvres[7] :

    « La ville de San Francisco connaît un processus de #gentrification d’une violence sans commune mesure avec ce que l’on peut constater en France. On l’a longtemps appelé embourgeoisement, ou changement urbain dans le contexte de la recherche académique française, sans pour autant y mettre les significations que contient le terme anglo-saxon. Il faut pourtant être clair : il est bien question ici de processus similaires dans leurs conséquences, bien que la rapidité à laquelle ils se produisent diffère, ou que leur visibilité ne permette pas de les identifier aussi facilement. »

    Et comment ne pas voir toute la folie et l’inhumanité de la civilisation industrielle dans le fait que la ville ne parvient toujours pas à gérer les problèmes qui découlent de la présence des nombreux #sans-abri, souvent atteints de troubles psychiatriques, qui errent dans ses rues, résultat des politiques calamiteuses des gouvernements qui se sont succédé et symptôme du mal-être qui ronge la modernité  ? On estime qu’ils sont 7 500 à vivre dehors sur une population totale de 870 000 habitants (presque 1% de la population). Très récemment, la nouvelle maire de San Francisco, London Breed, dans une des premières interviews[8] qu’elle a accordées depuis son entrée en fonction, a expliqué qu’il y avait « plus d’excréments sur les trottoirs » que jamais, et qu’on « ne parle pas que de crottes de chiens, mais de matières fécales humaines ». Au cours des six premiers mois de l’année 2018, plus de 16 000 plaintes concernant des « excréments » ont été déposées auprès des autorités de la ville. La présence de déchets en tous genres, y compris de seringues, est actuellement un véritable problème pour la municipalité. Ainsi que l’explique le San Francisco Chronicle dans un article[9] intitulé « Pourquoi San Francisco fait face à un déluge de seringues » : « La ville de San Francisco distribue plus de seringues gratuites aux toxicomanes — 400 000 par mois, un chiffre qui ne cesse de croître — que la ville de New York, dix fois plus peuplée ». La consommation de drogue en public est un problème croissant dans toute la ville. Des habitants se plaignent, entre autres, de « devoir enjamber des gens qui s’injectent de l’héroïne dans les stations de métro ».

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=HWdurZWys4I

    Ainsi que l’a récemment titré[10] le Business Insider, « Le centre-ville de San Francisco est davantage jonché de seringues, de déchets et d’excréments que certains des plus pauvres bidonvilles du monde ». Dans l’article, on apprend notamment que « la contamination de certains quartiers de San Francisco est pire que celle de certains endroits du Brésil, du Kenya ou de l’Inde ». Un modèle.

    Je me suis promené dans les rues de San Francisco. Je ne connaissais pas grand-chose de l’histoire de la ville. J’ai été stupéfait par le nombre de #clochards, de #toxicomanes et de malades mentaux qu’on y rencontre. Parfois au pied d’immeubles de luxe réservés aux super-riches, ou devant les bureaux d’#Uber, de #Microsoft, ou de #Twitter. J’ai vu les gratte-ciels, ces manifestations délirantes de l’hubris de la société industrielle, dont les constructions sont autant de désastres écologiques. Les travaux incessants qui font de toutes les villes d’interminables chantiers. Les magasins de luxe de l’#hypercapitalisme actuel. Les businessmen pressés — de faire du profit, toujours plus, en exploitant les hommes et en détruisant la planète, toujours plus — qui ignorent machinalement tous les clochards qu’ils croisent lors de leur jogging matinal. Je n’ai pas vu « des gens doux et gentils, le long des rues de San Francisco », me parler de fleurs et devenir mes amis. Je n’ai pas vu de fleurs dans les cheveux mais des oreillettes Bluetooth et des smartphones dans les mains. Bref, j’y ai vu la démence commune de la modernité.

    Il n’y a rien de #durable à #San_Francisco. Comme beaucoup d’autres, cette ville incarne précisément l’insoutenabilité, l’iniquité et la folie qui gangrènent la civilisation industrielle. Ceux qui se servent de son cas pour suggérer qu’on pourrait la rendre durable ou écologique sont les idiots utiles du #capitalisme_vert. C’est l’évidence même. Ceux qui ne le comprennent (toujours) pas aujourd’hui ne manqueront pas de le constater d’ici quelques années.

  • Syndicalisme dans un monde #hypercapitaliste

    Rappelant l’origine du mouvement de premier Mai, notamment comme mouvement de rassemblement international des travailleurs (salariés) partageant des valeurs de solidarité et de fraternité, un leader de la CGT déclare :

    « Les salariés ont une conscience claire des intérêts qu’ils ont en commun. »

    Son sentiment (?) m’a plutôt étonné.

    #syndicalisme #hypercapitalisme #1er_Mai #travail #salariés

  • On peut dire sans hésitation que le vrai fascisme, c’est le pouvoir de cette société de consommation

    Pier Paolo Pasolini

    http://www.dailymotion.com/video/xt5e47_pasolini-fascisme-et-societe-de-consommation_webcam


    Une excellente analyse par Max Leroy
    http://ragemag.fr/pasolini-et-le-fascisme-de-la-consommation-25786

    Le régime instauré par le Parti national fasciste était, à l’image de son Guide, bouffon, grotesque et obscène : quincailleries antiques, aigles en feuilles d’or, parades de carnaval et gestuelle pathétique d’un chef d’orchestre sans génie. Et #Pasolini d’estimer que les deux décennies de tyrannie n’eurent au final qu’un impact réduit sur le peuple italien : l’âme du pays n’en fut pas transformée dans ses profondeurs. « Les différentes #cultures particulières (#paysannes, #sous_prolétariennes, #ouvrières) continuaient imperturbablement à s’identifier à leurs modèles, car la répression se limitait à obtenir leur adhésion en paroles. » Le #consumérisme, qu’il identifiait donc à une nouvelle forme de #fascisme (en ce qu’il pénètre les cœurs du plus grand nombre et ravage durablement, sinon irrémédiablement, les #sociétés qui lui ouvrent les bras), se montra en réalité bien plus destructeur : « Aucun #centralisme_fasciste n’est parvenu à faire ce qu’a fait le centralisme de #la_société_de_consommation. Le fascisme proposait un #modèle #réactionnaire et monumental mais qui restait lettre morte. De nos jours, au contraire, l’adhésion aux modèles imposés par le centre est totale et inconditionnée. On renie les véritables modèles culturels. L’abjuration est accomplie. On peut donc affirmer que « la tolérance » de l’#idéologie_hédoniste voulue par le nouveau #pouvoir est la pire des #répressions de l’histoire humaine. »

    Sous couleur de #démocratie, de #pluralité, de tolérance et de bien-être, les #autorités #politiques, #inféodées aux #pouvoirs #marchands, ont édifié un système #totalitaire sans nul autre pareil. L’Histoire est facétieuse lorsqu’elle se rit des paradoxes : Mammon réalisa le rêve de Mussolini. En #uniformisant tout un peuple, le premier mena à bien les desseins les plus fous du second, qui ne sut ni ne put aplanir l’Italie sous les bottes d’un Empire. « Le fascisme, je tiens à le répéter, n’a pas même, au fond, été capable d’égratigner l’âme du peuple italien, tandis que le nouveau fascisme, grâce aux nouveaux moyens de #communication et d’#information (surtout, justement, la #télévision), l’a non seulement égratignée, mais encore lacérée, violée, souillée à jamais. »

    (...)

    L’ouvrage #Divertir pour #dominer (2010) a justement mis en relief « l’ampleur et la sophistication des procédés mis en œuvre par les #industries dites #culturelles pour forger les consciences aux valeurs de l’#hypercapitalisme » : #massification_des_désirs (via l’#endoctrinement_publicitaire), grégarisation sous couvert d’#individualisme, appauvrissement du #lien #social, #mimétisme collectif, #aliénation des #consciences… Ce #dressage généralisé est notamment rendu possible par la #télévision, que Pasolini percevait comme un instrument « #autoritaire et répressi[f] comme jamais aucun moyen d’information au monde ne l’a été » (à l’évidence, le téléviseur n’asservit pas en soi et il serait sans doute possible d’en faire un usage émancipateur s’il ne se trouvait pas « au service du Pouvoir et de l’#Argent »).

    (...)

    Le succès du #régime_consumériste tient en ce qu’il n’a pas recours aux matraques, chères aux gouvernements autocratiques (des monarchies à l’URSS), pour #dresser ses #domestiques. La mise au pas est assurée sans que le sang ne soit versé. #Servitude_volontaire, ou presque : le #capitalisme à la papa, #bourgeois et bedonnant, cigare d’une main et fouet de l’autre, sent la naphtaline ; le voici lifté et relooké, hype et in, cherchant à susciter partout le #désir de ses #sujets. « La fièvre de la #consommation est une fièvre d’obéissance à un ordre non énoncé », énonçait Pasolini en 1974. Un ordre qui, pour reprendre la formulation de Dufour, « réduit l’humanité à une collection d’individus calculateurs mus par leurs seuls intérêts rationnels et en concurrence sauvage les uns avec les autres » (Le Divin Marché) : les églises se sont vidées au profit des centres commerciaux, le salut individuel passe par les biens matériels et les peuples cèdent la place aux troupeaux…

    (...)

    Pasolini s’étonnait, dans ses Lettres luthériennes (sous-titrées Petit traité pédagogique), de l’absence de réactions des #communistes et des #antifascistes, au cours des années 60 et 70, face à l’#hégémonie_marchande et à la #standardisation de l’espèce humaine – #mutation_anthropologique à ses yeux historiquement unique. Cette évolution, que l’on prenait soin de nommer « développement », le répugnait tant qu’il alla jusqu’à utiliser, de façon polémique et nécessairement ambiguë, le terme de « génocide » afin de mettre en évidence le caractère criminel d’un tel #système #économique. Le torrent #ultralibéral et #productiviste charrie l’#éradication des #cultures, des modes de vie, des #particularismes et des #valeurs #millénaires, transformant ainsi les #humains en « #automates laids et stupides, adorateurs de fétiches ». Il signe la mise à mort du petit #peuple cher à l’#écrivain – ce peuple des faubourgs et des champs, des nippes reprisées et des mains râpées, ce peuple qu’il conviait à sa table, autour d’une rime ou d’un tournage.

    Bibliographie :

    –Les écrits corsaires (lecture indispensable) collection Champs-Flammarion

    –Les lettres luthériennes collection Points

    #Capitalisme #Libéralisme #Fascisme #Pier_Paolo_Pasolini #Livres #Vidéo #Italie

    • Je pense pas qu’on puisse dire que le consummérisme est une nouveau fascisme. Le pouvoir des industries culturelle est grand, et il peu être au service de différentes idéologies. Point. Il n’en reste pas moins que ce n’est pas l’hédonisme le coupable, ou le fait que les gens consomme (car ils ont des besoins, ou qu’on leu fait croire), mais bien, qu’il y a des gens qui empêche d’accéder a ce qu’on a besoin par d’autres moyens que la consommation (comme le partage du travail et de la production) et que des gens organise des besoins a partir d’une « bonne capacité » à gérer notre environnement en faveur de leurs intérêts.
      Je crains qu’il y est en fait bcp d’aspect réactionnaire dans ces confusions sur le « consummérisme ».