• Der hessische Landbote - Le messager de Hesse (1834), Georg Büchner, Éditions Pontcerq, 2011
    http://i2d.toile-libre.org/PDF/2008/i2d_Messager_Hesse.pdf

    Présentation : https://www.pontcerq.fr/livres/le-messager-de-hesse

    Premier message

    Darmstadt, juillet 1834

    Avant-propos

    Cette feuille doit révéler la vérité au land de Hesse, mais qui dit la vérité est gehenkt-pendu, et même celui qui lit la vérité sera peut-être châtié par des juges parjures. C’est pourquoi ceux à qui cette feuille parvient devront observer ce qui suit :

    1. Il leur faut conserver soigneusement la feuille hors de leur maison, à l’abri de la police ;

    2. ils ne doivent la faire connaître qu’aux amis de confiance ;

    3. à ceux en qui ils n’ont pas confiance comme en eux- mêmes, ils ne la doivent déposer qu’en secret ;

    4. si la feuille était cependant trouvée chez un qui l’aurait lue, il faut que celui-ci avoue avoir justement voulu la porter au kreisrat ;

    5. celui qui n’a pas lu la feuille, si on la trouve chez lui, est naturellement hors de faute.

    Paix aux chaumières ! Guerre aux palais !

    En l’an 1834 c’est comme si c’était la Bible qu’on convainquait de mensonges. C’est comme si Gott avait créé les paysans et les artisans le cinquième jour et les princes et les vornehms le sixième, et comme si le Seigneur avait dit à ceux-ci : « Régnez sur tous les bestiaux qui rampent sur terre », et qu’il avait compté les paysans et bürger au nombre de la gewürm-vermine. La vie des vornehms est un long dimanche, ils habitent dans de belles maisons, ils portent de gracieux vêtements, ils ont des visages replets et parlent un langage qui leur est propre ; mais le volk est couché devant eux comme le fumier sur le champ. Le paysan marche derrière la charrue ; le vornehm marche derrière lui et la charrue, et le pousse à la charrue avec les bœufs, il prend le grain et lui laisse l’éteule. La vie du paysan est un long jour de travail ; des étrangers se nourrissent de ses champs devant ses yeux, son corps-leib est un cal, sa sueur est le sel sur la table des vornehms.

    Dans le grand-duché de Hesse on compte 718 373 habitants, ils donnent au Staat, par an, 6 363 364 florins, en :

    1. impôts directs ..........................................2 128 131 fl.
    2. impôts indirects ......................................2 478 264 fl.
    3. domaines ................................................1 547 394 fl.
    4. droits régaliens ..............................................46 938 fl.
    5. amendes........................................................98 511 fl.
    6. diverses sources ............................................64 198 fl.
    ....................................................................6 363 436 fl. 6

    Cet argent est la dîme de blut, qui est pris sur le corps-leib du volk. Environ 700 000 personnes suent, gémissent et souffrent de faim pour cela. On extorque au nom du Staat, les extorqueurs en appellent au gouvernement et le gouvernement dit que cela est nécessaire pour maintenir l’ordre dans le Staat. Mais quelle chose énorme-gewaltig est-ce donc que cela : le Staat ? Quand un certain nombre de gens habitent dans un pays et qu’il y a des ordonnances ou des lois, auxquelles chacun doit se conformer, on dit qu’ils forment un Staat. Le Staat, c’est donc tous ; les instances qui créent l’ordre dans le Staat sont les lois par lesquelles le bien-être de tous est assuré et qui doivent provenir du bien-être de tous. — Voyez maintenant ce que, dans le grand-duché, on a fait du Staat ; voyez ce que cela veut dire, maintenir l’ordre dans le Staat ! 700 000 personnes paient six millions pour cela, c’est-à-dire qu’on fait d’eux des chevaux de trait, du bétail de charrue, afin qu’ils vivent dans l’ordre. Vivre dans l’ordre, cela veut dire souffrir de faim et être équarri.

    Qui sont-ils donc ceux qui ont fait cet ordre et qui veillent pour que cet ordre se maintienne ? C’est le gouvernement grand-ducal. Le gouvernement est constitué par le grand-duc et par ses plus hauts fonctionnaires. Les autres fonctionnaires sont des hommes qui sont appelés par le gouvernement pour maintenir en vigueur cet ordre. Leur nombre est légion : conseillers de Staat, conseillers gouvernementaux, conseillers du land, conseillers de landkreis, conseillers aux affaires religieuses et conseillers aux affaires scolaires, conseillers financiers et conseillers forestiers, etc., avec toute leur armée de secrétaires, etc. Le volk est leur troupeau, ils sont ses bergers, les auteurs de la traite et de l’équarrissage, ils se vêtissent de la peau des paysans, le butin pris sur les pauvres est dans leur maison, les tränen-larmes des veuves et orphelins sont la graisse étalée sur leurs visages ; ils règnent librement et exhortent le volk à la servitude. À ceux-là, vous donnez six millions de florins en redevances ; pour cette somme ils ont la charge de vous gouverner ; c’est-à-dire de se laisser engraisser par vous et de vous voler vos droits d’hommes et de bürger. Voyez ce qu’est la récolte de votre sueur.

    Merci @klaus de m’avoir fait penser à ce texte que je n’ai connu que tardivement et dont je (re)découvre que la traduction publiée chez Poncerq a fait l’objet d’une publication en ligne. Enjoy ! et, pourquoi pas ? #toctoc

    https://seenthis.net/messages/210230

    #Allemagne #révolution #littérature #Georg_Büchner #Livre_en_ligne

  • Radio Alice – Radio Libre, Collectif A Traverso
    https://www.espacemultimediagantner.cg90.net/fr/publication/radio-alice-radio-libre-du-collectif-a-traverso

    Radio Alice est devenue, avec les événements de mars 1977, le symbole même des radios libres et de la révolte des jeunes. Cette radio est entrée en action dans une ville qui est considérée comme un des piliers économiques et idéologiques du compromis historique : Bologne. Cette ville est »un des centres industriels les plus bourrés de contradictions du Nord de l’Italie. Le public de Radio Alice est composé d’étudiants et de chômeurs intellectuels. Radio Alice qui se définit ainsi : » Radio Alice retransmet de la musique, des nouvelles, des jardins fleuris, du verbiage, des inventions, des découvertes, des recettes, des horoscopes, des philtres magiques, des amours, des bulletins de guerre, des photographies, des messages, des massages, des mensonges … Radio Alice est un poste où les lapins portent des gilets et où les speakers vont au trot », a été fermée deux fois par la police et bon nombre de ses rédacteurs ont passé plus d’un mois en prison pour association subversive.

    #Radio_Alice #livre_en_ligne

  • Petit manuel d’éducation critique aux médias
    / Pour une déconstruction des représentations médiatiques
    / Collectif La Friche – Édumédias - Éditions du commun
    https://www.editionsducommun.org/products/petit-manuel-deducation-critique-aux-medias

    sommaire via Mathilde Larrere (source https://twitter.com/LarrereMathilde/status/1367147691373920257 ) :

    Résumé

    L’éducation aux médias et à l’information s’est largement développée depuis 2015 et les attentats de Charlie Hebdo. Présentée comme un outil majeur de lutte contre la radicalisation et les fausses informations, l’EMI est devenue un élément central de nombreux discours institutionnels. Elle ne peut pourtant se résumer à ces objectifs. Le collectif La Friche, composé de quatre journalistes indépendants, et l’association Édumédias proposent de la rapprocher de l’un de ses lieux fondateurs : l’éducation populaire. A travers des entretiens, des retours d’expériences et des analyses plus théoriques c’est une lecture critique de la société et de ses représentations médiatiques qui se dessine, pour repenser la fabrique même de l’information.

    #medias #critique_des_medias #educpop

  • Livres à télécharger au format pdf – niet ! éditions
    https://niet-editions.fr/blog/livres-a-telecharger-au-format-pdf

    Les 8 premiers bouquins [de niet ! éditions] sont désormais en libre téléchargement au format pdf :

    Homo – Question sociale et question sexuelle de 1864 à nos jours - Gilles Dauvé

    The Housing – Monster, Travail et logement dans la société capitaliste - prole.info

    Calais, face à la frontière - Textes & entretiens

    Nous ne ferons pas marche arrière ! Luttes contre la frontière franco-italienne à Vintimille 2015 – 2017 - Lucía Le Maquis

    Milot l’incorrigible – Parcours carcéral d’un jeune insoumis à la Belle Époque - Collectif l’Escapade

    Serhildan : le soulèvement au Kurdistan, Paroles de celles et ceux qui luttent pour l’autonomie - Collectif ne var ne yok

    État d’urgence et business de la sécurité - entretiens avec Mathieu Rigouste

    Contre l’État islamique, contre la guerre - Mathieu Pérez

    #édition #livres #livre_en_ligne

  • Du libéralisme autoritaire, Carl Schmitt, Hermann Heller, Traduction de l’allemand, présentation et notes de Grégoire Chamayou
    https://www.editions-zones.fr/lyber?du-liberalisme-autoritaire

    La stratégie fondamentale du libéralisme autoritaire se résume ainsi : procéder à une « désétatisation de l’économie » et à un « retrait de l’État […] hors de la politique sociale » par le biais d’une « étatisation dictatoriale » du champ politique

    [...]

    Le changement de cap ne s’effectua qu’à l’été 1932, quand le chancelier Papen prit une série de mesures économiques conformes aux vœux des néolibéraux. Outre un programme limité d’investissement public, notamment dans l’infrastructure routière, le « plan Papen » comprenait, dans le droit-fil des recommandations de Hanns-Joachim Rüstow, un dispositif de « bons fiscaux » [Steuergutscheine] pour les entreprises et de réduction des salaires pour les nouveaux embauchés. Ce fut, indiquait Röpke, « la première grande tentative d’administrer une “impulsion initiale” à grande échelle – ceci dans le but avoué d’une expansion plutôt que d’une restriction » du crédit.

    Or, ce nouveau programme économique, Papen l’annonçait en même temps qu’il martelait un impératif de discipline sociale et glorifiait un État « fort » et « autoritaire ». C’est là un point capital : la politique de relance que ne voulait pas enclencher Brüning de peur d’attiser la combativité ouvrière, les néolibéraux pensaient qu’elle pouvait être mise en œuvre à la condition de cadenasser le champ de la conflictualité sociale et politique. Dans cette perspective, on ne peut rouvrir les vannes de la dépense publique et du crédit qu’à la condition d’écraser la lutte des classes sous un talon de fer.

    https://seenthis.net/messages/882910

    #libéralisme #libéralisme_autoritaire #Histoire #Carl_Schmitt #Hermann_Heller #Grégoire_Chamayou #livre #livre_en_ligne

    • « Face au libéralisme autoritaire, il faut chercher les failles », Grégoire Chamayou, Sonya Faure, 22/12/2020
      https://www.liberation.fr/debats/2020/12/22/gregoire-chamayou-face-au-liberalisme-autoritaire-il-faut-chercher-les-fa


      Le #juriste allemand #Carl_Schmitt lors de l’un de ses discours à Plettenberg (Allemagne), en 1930.   Photo Akg-Images. Ullstein Bild

      Un pouvoir contesté peut-il durablement tenir sur des oukases présidentiels ? Dans son dernier livre, le philosophe remonte la généalogie du terme à travers deux juristes que tout oppose au début des années 30 : le nazi Carl Schmitt et le socialiste Hermann Heller.

      Le terme revient sans cesse aujourd’hui, pour qualifier les régimes polonais ou hongrois, le trumpisme et même Emmanuel Macron : « libéralisme autoritaire ». Mais quel sens peut avoir cette expression en forme d’oxymore, quand elle désigne des réalités si diverses ? Le philosophe Grégoire Chamayou, auteur de la Théorie du drone (la Fabrique, 2013), poursuit la généalogie du libéralisme autoritaire qu’il avait entamée avec la Société ingouvernable (la Fabrique, 2018).

      Dans Du libéralisme autoritaire. Carl Schmitt, Hermann Heller paru le mois dernier (la Découverte), il traduit et présente dans une longue préface deux textes écrits en 1932 que tout oppose. Le premier est du juriste et philosophe nazi Carl Schmitt, le « penseur de l’ennemi », aujourd’hui lu et relu aussi bien par l’extrême droite française et les néoconservateurs américains que par certains théoriciens de gauche, comme la philosophe Chantal Mouffe, qui veut débarrasser la pensée schmittienne de son antisémitisme...

      NB : Schmitt est - depuis les lectures de Marx et Benjamin - lu "à gauche", là où l’on différencie la constitution formelle du droit réellement existant, bien avant que Madame Mouffe ne le fasse.

  • Libres enfants du savoir numérique - Olivier Blondeau
    https://www.cairn.info/libres-enfants-du-savoir-numerique--9782841620432.htm?contenu=presentation

    Avec l’apparition du numérique, les ‘créations’ se détachent lentement de leurs supports matériels. Images, musique, mots et algorithmes sillonnent la planète jour et nuit, devant les yeux écarquillés des marchands. L’exode du savoir conduit à une terre promise à bien des bouleversements. Tandis que des armées de juristes s’interrogent sur la manière de pouvoir ’vendre des idées’, une rumeur s’élève laissant entendre qu’elles doivent être libres comme l’eau, libres comme l’air, libre comme la connaissance. Du (...)

    #brevet #copyright #FreeSoftware

    • Contessa , une traduction moins brute pour _ Il Nuovo Canzoniere italiano, la chanson sociale et « le mouvement » - Cesare Bermani
      http://ordadoro.info/?q=content/cesare-bermani-il-nuovo-canzoniere-italiano-la-chanson-sociale-et-«-le-mo

      _Quelle affaire, Comtesse, dans l’usine d’Aldo
      ils ont fait la grève, cette poignée d’ignorants
      ils voulaient que leurs salaires soient augmentés
      ils criaient, figurez-vous, qu’ils étaient exploités.
      Et quand la police est arrivée
      ces quatre va-nu-pieds ont crié plus fort
      ils ont sali de leur sang la cour et les portes
      qui sait combien de temps il faudra pour nettoyer. »

      Camarades des campagnes et des ateliers
      prenez la faucille, brandissez le marteau
      descendons dans la rue et utilisons-les pour frapper
      descendons dans la rue et enterrons le système.
      Vous, les gens comme il faut, qui désirez la paix
      la paix pour faire tout ce que vous voulez
      mais si c’est le prix à payer, nous voulons la guerre
      nous voulons vous voir finir sous la terre.
      Mais si c’est le prix, nous l’avons payé
      plus personne au monde ne doit être exploité.

      « Si vous saviez, Comtesse, ce que m’a dit
      un proche parent au sujet de l’occupation
      que cette racaille enfermée là-dedans
      faisait profession d’amour libre.
      Du reste, ma chère, de quoi s’étonne-t-on ?
      Même l’ouvrier veut que son fils soit docteur
      pensez au climat que cela peut générer
      il n’y a plus de morale, Comtesse. »

      Si le vent sifflait, à présent il siffle plus fort
      les idées de révolte ne sont jamais mortes
      si quelqu’un l’affirme, ne l’écoutez pas
      celui-là ne cherche qu’à trahir.
      Si quelqu’un l’affirme, crachez-lui dessus
      celui-là a jeté le drapeau rouge au fossé.
      Vous, les gens comme il faut, qui désirez la paix
      la paix pour faire tout ce que vous voulez
      mais si c’est le prix à payer, nous voulons la guerre
      nous voulons vous voir finir sous la terre.
      Mais si c’est le prix, nous l’avons payé
      plus personne au monde ne doit être exploité.

      Extraits du chapitre précité

      ...[L’]hymne de 1968 fut indubitablement Contessa, de Paolo Pietrangeli. Pietrangeli était un étudiant communiste, lecteur de classe operaia et d’Ouvriers et Capital. Il l’écrivit en une nuit, en mai 1966, pendant l’occupation de l’Université de Rome, après l’assassinat par les fascistes de l’étudiant Paolo Rossi. Le texte s’inspire des discours que tenait la vieille bourgeoisie à propos de l’occupation et des supposées orgies sexuelles qu’elle abritait, ainsi que du récit d’une grève dans une petite usine romaine au cours de laquelle le patron, un certain Aldo, avait requis les forces de police contre les ouvriers qui faisaient le piquet. [..]

      Des chansons comme Contessa, Il vestito di Rossini ou Valle Giulia 38 de Paolo Pietrangeli (sorties en 45 tours en mars 1968), ou Cara moglie d’Ivan della Mea (énormément chantée pendant l’Automne chaud, mais qui était sortie en 45 tours dès octobre 1966) se vendirent la première année à 2500 exemplaires environ, ce qui est peu. Et pourtant, comme le remarquait Paolo Pietrangeli : « Il n’y a pas de musique de 68 si ce n’est la nôtre, nous qui n’étions même pas de vrais musiciens 39. » Car à ce moment-là, c’était le « mouvement » qui, par la communication orale, faisait bouger les choses et transformait les chansons en fonction des échos, des correspondances qu’il y entendait : il les utilisait et les modifiait selon ses besoins. De fait, beaucoup des questions qui étaient débattues pendant ces années de mouvement de masse avaient déjà été chantées par le Nuovo Canzoniere italiano. Et l’on peut sans doute affirmer que les spectacles, qui continuèrent bon an mal an entre 1963 et 1967, exercèrent une influence non négligeable sur nombre de ceux qui allaient devenir les contestataires de 68, en les amenant à prendre conscience que la réalité n’était pas exactement celle que propageaient les médias ou les organisations officielles de la gauche.

      Valle Giulia - Paolo Pietrangeli
      https://www.youtube.com/watch?v=dnuoNGgpEO4

      « Cette fois, on ne s’est pas enfuis » : la bataille de Valle Giulia
      http://ordadoro.info/?q=content/«-cette-fois-ne-s’est-pas-enfuis-»-la-bataille-de-valle-giulia

      Place d’Espagne splendide journée
      la circulation bloquée, la ville engorgée
      et tous ces gens, combien y en avait-il ?
      les pancartes brandies bien haut et tous on criait :
      « non à l’école des patrons
      le gouvernement dehors, démission » eeh

      Et toi tu me regardais avec des yeux fatigués
      pendant qu’on était encore là devant
      et tes sourires paraissaient éteints
      mais il y avait des choses bien plus importantes
      « non à l’école des patrons
      le gouvernement dehors, démission » eeh

      Onze heures et quart, tous à la fac d’architecture
      on n’avait pas encore de raison d’avoir peur
      et on était vraiment très très nombreux
      et les policiers face aux étudiants
      « non à l’école des patrons
      le gouvernement dehors, démission » eeh

      Ont empoigné leurs matraques
      et ils ont cogné comme ils le font toujours
      et alors tout à coup il s’est passé
      quelque chose de nouveau, quelque chose de nouveau, quelque chose de nouveau
      cette fois on ne s’est pas enfuis
      cette fois on ne s’est pas enfuis

      Le premier mars si je m’en souviens
      on devait bien être mille cinq cents
      et la police nous tombait dessus
      mais les étudiants la faisaient reculer
      « non à l’école des patrons
      le gouvernement dehors, démission » eeh

      Et toi tu me regardais avec des yeux fatigués
      – mais il y avait des choses bien plus importantes
      mais qu’est-ce que tu fais ici mais ne reste pas là
      tu ne vois pas que la police nous tombe dessus ?
      « non à l’école des patrons
      dehors le gouvernement, démission » eeh

      Les camionnettes les brigades mobiles
      nous ont dispersés, arrêtés en masse et puis ils nous ont frappés
      mais que ce soit bien clair, et ça on le savait
      c’était sûr, on n’en resterait pas là
      cette fois on ne s’est pas enfuis
      cette fois on ne s’est pas enfuis

      Le premier mars si je m’en souviens
      on devait bien être mille cinq cents
      et la police nous tombait dessus
      mais les étudiants la faisaient reculer
      « non à l’école des patrons
      le gouvernement dehors, démission » eeh
      « Non à la classe des patrons
      il n’y aura pas de conditions », non !

      http://ordadoro.info
      #Livre_en_ligne #autonomie #culture_populaire #police #salaire #chanson_sociale #chant_révolutionnaire #La_Horde_d'Or

  • Sur jefklak.org : « Nous venions de trois générations politiques différentes » Entretien avec Nanni Balestrini et Sergio Bianchi à propos de La Horde d’or, Italie 1968-1977
    Par le collectif de traduction de L’Orda d’oro

    Nanni Balestrini est mort lundi 20 mai dernier, à Rome, à l’âge de 84 ans.

    L’écrivain et poète milanais a largement contribué à la « la grande vague révolutionnaire et créative, politique et existentielle » de l’Italie d’après-guerre. Il avait ainsi participé en 1968 à la création du groupe opéraïste Potere operaio et consacré plusieurs romans au mouvement, dont les formidables Nous voulons tout, Les Invisibles, et L’Éditeur.

    À la fin des années 1980, Balestrini a orchestré, avec Primo Moroni et Sergio Bianchi, la publication de La Horde d’or, qui demeure à ce jour le seul livre qui évoque aussi complètement la foisonnante inventivité sociale, théorique, culturelle et langagière de l’Italie des années 1960-1970. Il aura fallu attendre le printemps 2017 pour découvrir cette histoire en français, grâce à une traduction parue aux éditions de l’Éclat.

    En guise d’hommage à Nanni Balestrini, Jef Klak publie ici un entretien où, en compagnie de Sergio Bianchi, il répond aux questions du collectif de traduction de L’Orda d’oro, initialement publié dans le nº 1 de leur Journal de traduction, en septembre 2008.

    #NanniBalestrini
    https://www.jefklak.org/nous-venions-de-trois-generations-politiques-differentes

  • Nanni Balestrini ist tot – Das ZKM trauert um einen der bedeutendsten Vertreter der italienischen Nachkriegsavantgarde | ZKM
    https://zkm.de/de/magazin/2019/05/nanni-balestrini-ist-tot-das-zkm-trauert-um-einen-der-bedeutendsten-vertreter-de

    21.05.2019 - Als Dichter, Künstler, Schriftsteller und Verlagslektor, als Zeitschriftengründer und Organisator literarischer Festivals nahm Nanni Balestrini in der Entstehung und Durchsetzung der literarischen Neoavantgarde eine Schlüsselrolle ein. Seit den 1950er-Jahren zählte er zu den bedeutendsten Vertretern der italienischen Kultur. Am 20. Mai 2019 ist der 1935 in Mailand geborene Künstler im Alter von 83 Jahren gestorben.

    Im deutschen Sprachraum war er vor allem für seine politischen Romane bekannt. »Wir wollen alles« (1971), »Die Unsichtbaren« (1987) und »Der Verleger« (1989) verarbeiten die politische Geschichte Italiens und der sozialen Bewegungen der 1960er- und 1970er-Jahre. In Folge seines linken politischen Engagements ging Balestrini 1979 ins Exil nach Frankreich. Seit 1985 lebte und arbeitete er in Rom, Mailand und Paris.

    »Es ist die Poesie, die mich gewählt hat. Ich bin es nicht gewesen, der sie ausgesucht hat. Es ist so passiert und ich bin glücklich darüber.«
    Nanni Balestrini

    Nanni Balestrinis vielfältiges dichterisches und künstlerisches Werk basiert auf der Poetik der Collage, einem Verfahren, das sich der Brüche, Fragmente und Kombinatorik bedient. Dieses verbindende Prinzip zeigt sich in Balestrinis visuellen Collagen ebenso wie auch in seinen wegweisenden Experimenten mit computergenerierter Poesie.
    Wer das hir liest, braucht sich vor nichts zu fürchten

    Mit der Ausstellung »Wer das hir liest, braucht sich vor nichts zu fürchten« widmete das ZKM Balestrini im Frühjahr 2017 eine Ausstellung, die erstmals einen umfassenden Überblick über sein visuell-poetisches Oeuvre gab. Collagen und Cut-Ups aus Bildern, Texten und Filmsequenzen zeigen ein Lebenswerk, das sich gegen die »Trägheit der Sprache« wandte und damit gegen die Erstarrung des Denkens und Handelns. Sie zeigen jene möglichen Welten, die wir nicht wagen sowie jene, die wir übersehen haben.

    #Art

  • " La Nature humaine : une illusion occidentale " par Marshall Sahlins
    http://enuncombatdouteux.blogspot.com/2018/01/la-nature-humaine-une-illusion.html

    Au cours de ces dix ou vingt dernières années, l’enseignement connu sous le nom de « civilisation occidentale » a progressivement perdu de son importance dans le cursus des étudiants américains. L’objectif de cet ouvrage est d’accélérer ce processus en réduisant la « civi occidentale » à trois heures de lecture. J’en appelle au principe nietzschéen : les grands problèmes sont comme des bains d’eau glacée, il faut en sortir aussi rapidement qu’on y entre.

    http://townsendcenter.berkeley.edu/sites/default/files/styles/220w/public/events/marshall_sahlins.jpg?itok=ov7ivtcm

    Selon la circonstance, l’agression ou la domination se manifesteront différemment ; par exemple à la phrase « Passez une bonne journée », un New-Yorkais répondra : « ne me dites pas ce que j’ai à faire ! » Nous faisons la guerre sur les pelouses d’Eton, nous nous battons à coup de jurons et d’insultes, nous exerçons notre domination en faisant des cadeaux qui interdisent la réciproque ou en écrivant des recensions cinglantes des livres de nos ennemis de l’Université. Les Eskimos disent que les cadeaux produisent des esclaves, comme le fouet produit des chiens. Qu’on le pense, ou pas, le fait de dire que les cadeaux font des amis – un proverbe qui comme pour les Eskimos va à l’encontre de notre économie – implique que nous soyons nés avec des « âmes d’eau », attendant de manifester notre humanité, pour le meilleur ou pour le pire, à l’occasion d’expériences qui ont un sens dans un certain mode de vie.

  • Les zones grises des relations de travail et d’emploi, un dictionnaire sociologique, Marie-Christine Bureau, Antonella Corsani, Olivier Giraud, Frédéric Rey (directeurs), Avec la collaboration éditoriale et scientifique de Cyprien Tasset
    https://www.teseopress.com/dictionnaire

    Depuis les années 2000, le terme « zone grise » s’est dif­fusé dans la lit­té­ra­ture en sciences sociales, mais aussi dans les médias. Dans le domaine du tra­vail et de l’em­ploi, la pers­pec­tive des zones grises donne à voir com­ment les régu­la­tions du tra­vail, et com­ment les pra­tiques indi­vi­duelles et col­lec­tives for­gées depuis la fin du 19ème, sont aujour­d’hui aux prises avec des muta­tions de fond. Plus encore, cette pers­pec­tive mani­feste l’épui­se­ment et les limites des caté­go­ri­sa­tions héri­tées du sala­riat pour com­prendre les trans­for­ma­tions en cours.
    Ce dic­tion­naire invite, si ce n’est à refon­der un lexique d’ana­lyse du tra­vail et de ses régu­la­tions, au moins à exa­mi­ner de façon cri­tique ces caté­go­ries héri­tées. Il a pour objet de mon­trer com­ment un grand nombre de ces caté­go­ries changent de sens sous nos yeux et per­mettent l’émer­gence de nou­veaux concepts et caté­go­ries d’en­ten­de­ment. His­to­ri­que­ment, le #sala­riat, comme « poli­tique du tra­vail » – au sens de logique géné­rale d’in­ser­tion du tra­vail dans le sys­tème démo­cra­tique – a mis en rap­port un état du déve­lop­pe­ment tech­no­lo­gique, un stade spé­ci­fique de la dyna­mique du capi­ta­lisme, des moda­li­tés de régu­la­tion des conflits sociaux et un prin­cipe de stra­ti­fi­ca­tion sociale. S’il est encore trop tôt pour dire quels seront à termes les contours de la « poli­tique du tra­vail » qui émerge aujour­d’hui, ce dic­tion­naire vise à car­to­gra­phier les recom­po­si­tions qui sont d’ores et déjà per­cep­tibles, au Nord comme au Sud, tant au niveau des régu­la­tions que des caté­go­ries mobilisées.
    Ras­sem­blant un grand nombre de socio­logues – notam­ment du tra­vail -, mais aussi des éco­no­mistes, des géo­graphes, des poli­tistes, des his­to­riens ou des juristes, prin­ci­pa­le­ment d’Eu­rope et des Amé­riques, le dic­tion­naire mul­ti­plie pour cela les entrées, qu’il s’agisse d’en­trées concep­tuelles comme « plu­ri­ac­ti­vité », « sub­jec­ti­va­tion » ou « pré­ca­rité », ou encore de figures du travail comme « intel­los pré­caires » ou « tra­vailleurs éco­no­mi­que­ment dépen­dants ».

    #livre_en_ligne #travail

  • Paolo Virno : Do you remember counterrevolution ? La Horde d’or
    http://ordadoro.info/?q=content/paolo-virno-do-you-remember-counterrevolution#footnoteref1_1ktbf12

    Que signifie le terme de « contre-révolution » ? Il ne faut pas seulement y entendre la violence de la répression (même si, bien sûr, elle n’est jamais absente). Il ne s’agit pas non plus d’une simple restauration, d’un retour à l’ancien régime*, du rétablissement d’un ordre social malmené par les conflits et les révoltes. La « contre-révolution » c’est, littéralement, une révolution à rebours. Ce qui revient à dire : une innovation furieuse dans les modes de production, les formes de vies, les relations sociales, qui pourtant renforce et relance le commandement capitaliste. La « contre-révolution », exactement comme son symétrique inverse, ne laisse rien à l’identique. Elle détermine un état d’exception prolongé, où la succession des événements paraît s’accélérer. Elle construit activement un ordre nouveau à sa mesure et son usage. Elle façonne les mentalités, les comportements culturels, les goûts, les us et les coutumes, en un mot elle forge un nouveau common sense. Elle va à la racine des choses et elle travaille avec méthode.

    Mais il y a autre chose : la « contre-révolution » se sert des mêmes présupposés et des mêmes tendances (économiques, sociales, culturelles) que celles sur lesquelles pourrait s’appuyer la « révolution » ; elle occupe, elle colonise le terrain de l’adversaire, elle donne d’autres réponses aux mêmes questions. Elle réinterprète à sa manière (et cette opération herméneutique est souvent facilitée par l’existence des prisons de haute sécurité2) l’ensemble des conditions matérielles qui auraient pu faire de l’abolition du travail salarié un objectif simplement réaliste : elle les réduit au rang de forces productives profitables. Mieux : la « contre-révolution » transforme les comportements de masse qui semblaient devoir déboucher sur le dépérissement du pouvoir de l’État et la possibilité d’une autodétermination radicale, en une passivité dépolitisée ou en un consensus plébiscitaire. C’est pour cette raison qu’une historiographie critique rétive à l’idolâtrie des « faits établis » doit s’efforcer de reconnaître à chaque étape et dans chaque aspect de la « contre-révolution », la silhouette*, les contenus et la matière même d’une révolution en puissance.

    La « contre-révolution » italienne commence à la fin des années 1970, et dure encore aujourd’hui. Elle fait apparaître de nombreuses stratifications. Comme un caméléon, elle change souvent d’aspect : « compromis historique » entre la DC et le PCI, craxisme triomphant3, réforme du système politique après l’effondrement du bloc de l’Est. Il n’est cependant pas difficile de repérer à l’œil nu les leitmotivs qui resurgissent à chacune de ses phases. Le noyau dur de la « contre-révolution » italienne des années 1980 et 1990 est constitué des éléments suivants :

    a) la pleine affirmation du mode de production postfordiste (technologies électroniques, décentrement et flexibilité des processus de travail, savoir et communication comme principales ressources économiques, etc.) ;

    b) la gestion capitaliste de la réduction sèche du temps de travail socialement nécessaire (travail à temps partiel, retraites anticipées, chômage structurel, précarité de longue durée, etc.) ;

    c) la crise radicale et, par bien des aspects, irréversible de la démocratie représentative. La Deuxième République s’enracine sur cette base matérielle. Elle est une tentative d’ajustement de la forme et des techniques de gouvernement aux transformations qui sont d’ores et déjà à l’œuvre dans les lieux de production et sur le marché du travail. Avec la Deuxième République, la « contre-révolution » postfordiste se dote enfin d’une constitution propre et parvient ainsi à son accomplissement.

    Les thèses historico-politiques qui suivent proposent une extrapolation à partir de quelques aspects saillants des événements de ces quinze dernières années en Italie [1979-1994]. Et plus précisément des aspects qui offrent un arrière-fond empirique immédiat à la discussion théorique. Lorsqu’un événement concret présente une valeur exemplaire (c’est-à-dire qu’il laisse présager d’une « rupture épistémologique » et d’une innovation conceptuelle), on l’approfondira au cours d’un excursus dont la fonction est analogue à celle d’un « gros plan » cinématographique.

    Thèse 1. En Italie, le postfordisme a été porté sur les fonts baptismaux par ce qu’on a appelé le « mouvement de 1977 », c’est-à-dire par des luttes sociales très dures, menées par une force de travail scolarisée, précaire, mobile, abhorrant « l’éthique du travail ». Elle s’oppose frontalement à la tradition et à la culture de la gauche historique et marque une rupture nette par rapport à la figure de l’ouvrier de la chaîne de montage. Le postfordisme s’inaugure sur fond de tumultes.

    Le coup de génie de la « contre-révolution » italienne c’est d’avoir su transformer en conditions professionnelles, en ingrédients de la production de plus-value, en ferment du nouveau cycle de développement capitaliste, les dispositions collectives qui, dans le « mouvement de 77 », s’étaient manifestées à l’inverse par un antagonisme intransigeant. Le néolibéralisme italien des années 1980 est une sorte de 77 inversé. Et réciproquement : cette période révolue de conflits continue de représenter, encore aujourd’hui, le revers de la médaille postfordiste, sa face rebelle. Le mouvement de 77 constitue, pour reprendre une belle expression d’Hannah Arendt, un « avenir dans notre dos4 », le souvenir de ce que pourraient être les prochaines échéances de la lutte des classes. (...)
    #Paolo_Virno #histoire #luttes_sociales #autonomie #laboratoire-italien #contre_révolution #innovation #années_70 #livre_en_ligne

  • La Horde d’or (Italie 1968-1977), une note de lecture littéraire et « existentielle » , Stéphanie Eligert
    http://laviemanifeste.com/archives/11593

    La parution en février 2017 de la première traduction française de la Horde d’or – livre en constante réimpression depuis sa première édition en Italie, en 1988 – est un événement considérable, et cela à tout point de vue : politique, existentiel, théorique, textuel, narratif, documentaire, stratégique, etc.

    Pourquoi ? On a l’habitude d’entendre les 70’s italiennes qualifiées d’« années de plomb », ledit plomb étant supposé évoquer ce mélange à vocation terrifiante d’attentats et de lutte armée que n’aurait porté qu’une petite marge déviante, voire manipulée, d’« individus » issus des mouvements contestataires de 1968. Or dès les premières pages du livre – constituées des différentes préfaces et notes aux éditions de La Horde d’or en Italie, en 1988 et 1997 -, l’on comprend tout de suite que l’expression « les années de plomb », en réalité, a exactement la même fonction dans l’ordre du langage que les grenades lacrymogènes dans l’ordre policier : on les lance sur n’importe quel mouvement animé par un désir révolutionnaire afin d’enfumer, faire écran et produire de l’irrespirable là où justement, de l’espace était en train d’être rendu à l’air libre.
    Ainsi de ce bref et percutant extrait de l’avant-propos à l’édition de 1988 : Années de plomb, services secrets, massacres d’état, complot, répression, terrorisme, état d’urgence …. Ou bien, au contraire : les plus belles années de notre vie, transformation radicale de la vie quotidienne, utopie, besoin de communisme, révolution sexuelle, lutte armée, etc .
    (...)

    Tout est donc parti « des besoins concrets et matériels », les pratiques théoriques comme les pratiques ouvrières – l’inventivité de l’une s’est nourrie de l’autre, sans domination ou vision douteuse d’une avant-garde de « cadres » venus éclairer une masse de salariés supposée inapte à se libérer seule. C’est donc cette influence mutuelle, source de construction d’un « savoir sans intermédiaire », « immédiat » édifié « contre le pouvoir du capital » et sur la base de situations précises, ici et maintenant, qui a permis de libérer une inventivité demeurant aujourd’hui encore proprement magnifique. Ainsi, par exemple de la grève appelée du beau nom d’« à la chat sauvage », mise en pratique dans les milieu des années 60, dans les usines automobiles du Nord :

    La grève à « la chat sauvage » procède par arrêts imprévisibles aux points nodaux du cycle de production. Ces interruptions sont « spontanément » décrétées par les ouvriers, c’est à dire minutieusement préparées par une intelligence ouvrière qui sait utiliser à ses propres fins l’articulation productive de la coopération capitaliste. La grève « à la chat sauvage » est tout le contraire d’une simple lutte protestataire, éventuellement puissante, mais désorganisée. Elle requiert un très haut degré de cohésion et des formes actives d’organisation autonome. Celle du 15 octobre 1963 est historique parce qu’elle montre l’émergence à la FIAT d’une organisation ouvrière capable de mener une grève complètement en dehors du cadre des organisations officielles du mouvement ouvrier. Elle dément la vieille idée selon laquelle seul un petit groupe déterminé, détenteur de la conscience antagoniste ouvrière, serait en mesure d’organiser la lutte dans l’usine.
    (...)

    Livre-foule

    Le camarade du mouvement cité a également souligné autre chose d’essentiel : « Il est compliqué de parler de 77 » – je dirais : comme d’écrire à son sujet et sur tout le livre de la Horde d’or. Ainsi, depuis le début de ce texte, j’ai beau estimé nécessaire d’avoir fait des zooms précis, successifs sur les Quaderni rossi, le CUB Pirelli, les Circoli, etc. -, je ne me départis pas de l’impression, du coup, d’avoir forcé au silence tous les autres mouvements, groupes, tendances, etc., en ne les nommant pas … C’est que pour bien faire et rendre exactement compte de ce qui se passe, en termes d’impressions brutes de lecture, il faudrait sans cesse ajouter à un article sur ce livre des incises qui insufflent partout de la profondeur de champ, une multiplicité d’actions et d’acteurs (« tandis que », « en parallèle », etc.), des grondements d’usines avec 25 000 ouvriers en grève, les climats de Milan, Turin, une vaste atmosphère bienveillante, de la foule, etc.

    Et cette impression n’est pas un hasard. C’est en plus d’être un chef d’œuvre documentaire et historique, la Horde d’or est aussi une merveille formelle. Cet effet-foule, il ne me semble pas que la littérature et la poésie (expérimentale ou non) l’aient une seule fois produit – jamais, en tout cas, avec un dispositif d’une telle intensité. Ainsi, chaque zoom sur un aspect du mouvement ne semble jamais isolé des autres et de ce point de vue, la Horde d’or fonctionne comme l’anti-catalogue par excellence ; elle ne présente pas des « produits », des groupes successifs ayant pour seul étant leur fiche d’identité, mais elle tresse leurs influences dans une sorte de grande ondulation croissante. Et comme chaque composante du mouvement est toujours décrite alors qu’elle est prise dans une situation concrète, avec toutes les analyses et perceptions plurielles qui en découlent, etc., le tout, au fil de la lecture, accumule son foisonnement de détails et crée une sensation de rumeurs illimitées, d’horizons toujours plus vastes peuplant le hors cadre de la page. Comment ce livre réussit-il cela ? Tout s’est joué, semble-t-il, dans le processus d’écriture, que Nanni Balestrini (également romancier et poète – détail d’importance) décrit ainsi :
    Au fur et à mesure que nous avancions, une méthode a commencé à se dégager et tous les éléments ont trouvé leur place, petit à petit, chapitre après chapitre. Cela s’est fait de manière assez improvisée, dans un même élan, et c’est peut-être ce contexte d’écriture qui a permis que le livre soit vivant et donne cette impression d’exhaustivité. Nous avions bien sûr une idée générale, mais ce n’était pas un travail systématique, comme on l’aurait fait pour écrire un livre d’histoire. Nous avons plutôt choisi de donner une série de coups de projecteurs sur différentes situations, et c’est bizarrement cela qui donne l’impression d’un tout homogène.

    C’est le « contexte d’écriture » et donc une nouvelle fois, une situation précise, un certain agencement des subjectivités qui a précipité la mise en forme de la Horde d’or. Dans le même entretien, Balestrini explique d’ailleurs que les auteurs s’étaient retrouvés dans un appartement de Rome, travaillant au milieu d’une pièce où étaient progressivement ramenés, par grosses valises, tous les livres, tracts, documents imprimés durant les deux décennies révolutionnaires. En termes d’ambiance (et de la masse de souvenirs qui a dû « se lever » de ces textes, du grain du papier, des particularités d’impression, etc. – comme les fleurs de papier japonaises de la Recherche), il est évident que les auteurs ne pouvaient qu’opter pour un travail non systématique, qui se laisse absorber par l’acuité successive des « coups de projecteurs sur différentes situations ». C’est que le mouvement de la Horde d’or a été si fondamentalement existentiel (dans ses causes politiques, ses expressions, ses expérimentations théoriques, ses stratégies, etc.) qu’un livre en racontant l’histoire ne pouvait pas trouver d’autre matrice formelle que le récit. De fait, Bianchi, toujours dans le même entretien, précise que lors de la composition du livre, c’est Balestrini qui a « transposé son art du montage du roman à l’essai », et il ajoute que :

    La spécificité du livre tient au fait qu’il met en présence des matériaux très divers. Il y a bien sûr des textes théoriques, mais la structure de fond reste celle du récit. Les luttes avaient produit une telle richesse qu’il n’était pas nécessaire d’adopter un point de vue surplombant comme l’aurait fait une démarche universitaire. Le simple récit des faits était déjà porteur d’énormément de sens.

    La spécificité de la Horde d’or, c’est d’abord sa « structure de fond de récit », et non sa description théorique de l’autonomie ; « le simple récit des faits » a été suffisant – nul besoin de « surplomb », et donc de dénivelé hiérarchisant, dominant entre narration et faits narrés, et qui aurait eu, en plus, pour conséquence de séparer l’interprétation des expériences vécues. Or ces expériences ont été d’« une telle richesse » qu’elles ont formulé, à même leur réalisation concrète, « déjà énormément de sens ». La théorie était pratique – et en cela, il était inévitable que l’autonomie, dans son constant « processus de singularisation », trouve sa plus juste forme discursive dans le récit ou disons, pour faire large (et débarrasser tout de suite ce point de l’analyse de la question de la fiction) : la description subjective, la libre analyse à hauteur de « je » et de « nous ».

    Certes, tous les livres traitant un moment d’histoire révolutionnaire comportent des récits, mais la particularité radicale de la Horde d’or, c’est que les fragments subjectifs n’y sont pas utilisés comme des accessoires figuratifs, mis en position d’illustrer l’affirmation centrale des historiens, etc. Le schéma de la Horde d’or est totalement autre : les récits y forment le cœur même des chapitres ou de toute partie destinée à re-présenter une tension théorique et pratique ponctuelle dans l’histoire du mouvement. Précisons qu’il s’agit de récits de manifestation bien sûr, mais aussi de comptes-rendus d’actions dans les villes, d’exposés stratégiques ou de divergences, de tracts, de chansons, etc.

    En plus, même les passages théoriques sont des récits puisqu’à la lecture, ils n’apparaissent jamais sous l’allure de concepts en train de dérouler leur logique ; au contraire, dans presque tous les textes choisis, les auteurs / collectifs racontent comment des concepts se sont directement articulés à des configurations existentielles réelles (telle grève, telle réaction à telle occupation, etc.). Même, et surtout, les textes de Primo Moroni et Nanni Balestrini – introductifs ou conclusifs, montant les différents documents entre eux – se construisent comme des récits où l’essentiel d’une situation politique est planté « sous les yeux » avec une efficacité toujours admirable (en trois ou quatre paragraphes, tout est là : les grandes données socioéconomiques d’une ville à tel moment, son climat, les enjeux théoriques précis qui la traversent, etc.).

    En fait, il n’y a quasiment pas de théorie « pure » dans la Horde d’or, ou de théorie hors sol (si ce n’est le chapitre sur le marxisme-léninisme !). Il n’y a pas même, je crois, de pire contresens pour la Horde d’or que l’idée d’une « théorie hors sol ». C’est que l’émergence de la « vague révolutionnaire » italienne, comme sa durée, n’ont été possibles, on l’a dit, que parce que la théorie avait su, à un moment donné, devenir creativa, immanente, articulée à même l’existentiel, comme les grèves à la chat sauvage. Et là où cela intéresse pleinement la littérature et la théorie du texte, c’est qu’en procédant ainsi, par « coups de projecteurs » successifs, le montage de la Horde d’or invente une nouvelle forme de livre, elle aussi autonome. En effet, est-ce que ce « tout homogène » qui réussit à être créé alors qu’il n’y a « bizarrement » aucune unification des multiples matériaux cités, cela ne rappelle pas exactement l’atmosphère et le degré de maturité hallucinant auquel était parvenu le mouvement en 77, dans les couloirs de l’université de Bologne ? Que ce soit sur un plan structurel ou dans le détail des textes, l’homologie est complète entre la forme-foule de la Horde d’or et celles inventées pendant deux décennies par le mouvement.
    (...)

    La Horde d’or maintenant

    Quels sont-ils, ces raccords dans l’axe ? Il faudrait un long texte pour déployer dans le détail toutes les résonances (théoriques, affectives, stratégiques) qui se bousculent à la lecture de la Horde d’or. Mais pour le dire vite, disons que l’aire des autonomies, comme on l’a surnommée, vient nous montrer la manière dont combler les blancs, ou les fondus au noir, de la tradition insurrectionnaliste française, et cela donc grâce à :

    – Une proximité sensible fondamentale et incontournable avec les lieux d’exploitation (cf. les enquêtes ouvrières des Quaderni rossi et le désir de connaître précisément « la vie dans l’usine », « l’organisation du commandement » dans les ateliers ou dans les entreprises, les open space, etc. – en transformant les paroles recueillies en corecherche et « savoir immédiat, direct » d’une lutte) ;

    – Une attention maximale portée à la dimension existentielle et subtile de situations diffuses de révolte, où qu’elles surgissent (sur le marché du travail, dans les universités, les zones rurales, etc.) ;

    – Une mise en phrase simple et anti-idéologique de ces révoltes existentielles (cf. les passages cités d’Elvio Fachinelli, du CUB Pirelli et du Gruppo Gramci), propre à susciter chez n’importe quel lecteur une reconnaissance concrète de ses propres sensations, et donc une bascule possible dans la lutte ;

    – Le choix du récit ou de toutes formes textuelles susceptibles de mettre en forme l’autonomie in situ ou « dans le temps » comme disait Proust.

    Car c’est peut-être cela l’essentiel de la Horde d’or, cette richesse merveilleuse, ce contre-capital qu’elle donne en partage au fil de ses 660 pages et laisse en souvenir : l’autonomie en acte – c’est à dire l’autonomie en tant qu’elle réussit à être « l’immanence : une vie » ou « réappropriation de la vie » comme disaient les Circoli. Et avec cet héritage d’actions directes, situées, sensibles, immanentes, nous – aujourd’hui – savons aussi comment transformer « le plomb » en or.

    #luttes #autonomie #Italie #histoire #récit #toctoc ? #Nanni_Balestrini #Primo_Moroni #Sergio_Bianchi #La_Horde_d'or

  • « Comment se fait-il que ces salauds d’ouvriers ne font pas ce que dit le Parti ? »

    Culture de base, refus du travail, ouvrier-masse et grèves métropolitaines dans l’Italie d’après-guerre.

    Entretien avec le collectif de traduction de La Horde d’or (Partie 1/3)

    Par Bruno Thomé, Claire Feasson et Duccio Scotini

    http://jefklak.org/?p=4581

    Livre d’histoires et d’analyses politique, boîte à outils, auto-enquête, recueil de chansons, collection de tracts, livre partisan qui ne dit jamais « je » mais donne à entendre des centaines de voix, L’Orda d’oro est à ce jour le seul livre qui évoque aussi complètement la foisonnante inventivité sociale, théorique, culturelle et langagière de l’Italie des années 1960-1970. Et il aura fallu attendre le printemps 2017 pour retrouver cette histoire en hexagone, grâce à la traduction aux éditions de l’Éclat, enrichie par le collectif de traduction, d’un appareil de notes indispensable au lecteur français.
    En ces temps de crise « créative, politique, et existentielle », Jef Klak a décidé de mener trois entretiens avec les traducteurs et traductrices afin de parcourir avec eux cette période fondatrice de notre présent, inspirante pour nos luttes.

    Affirmer, comme le fait ce livre, que le mouvement, c’est aussi la chanson sociale, les dissidences intellectuelles, les expériences contre-culturelles, les manières de vivre, etc., c’est rappeler que l’organisation politique échappe à la mainmise du Parti et passe par tous les domaines de la société : école, église catholique, musique, magistrature, médecine, psychiatrie, production éditoriale, etc. Cela permet de retracer une contre-histoire de l’organisation politique au sens large.

  • « Années de plomb » ou décennie de subversion ?, par Serge Quadruppani
    https://www.monde-diplomatique.fr/2017/06/QUADRUPPANI/57578 #st

    Écrit par le romancier et poète Nanni Ballestrini et par Primo Moroni, dont la librairie milanaise fut un haut lieu du militantisme extraparlementaire, publié une première fois en 1988, l’ouvrage La Horde d’or a une histoire aussi mouvementée que son sujet. Remanié et complété en 1997 par Sergio Bianchi, auteur et éditeur, avec l’aide d’une douzaine de contributeurs qui ont presque tous pris part à la « grande vague révolutionnaire et créative, politique et existentielle » des années 1960-1970, il paraît pour la première fois en français.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/68842 via Le Monde diplomatique

  • Rencontres autour de La Horde d’or, 1968-1977, la grande vague révolutionnaire et créative, existentielle et politique
    Ouvrage italien traduit et publié aux éditions de l’Éclat en février 2017

    La Horde d’or parcourt l’histoire italienne de 1950 à 1980. Montage d’histoires et d’analyses politiques, de documents, de chansons, d’articles de revues, de témoignages à la première personne et de manifestes, cet ouvrage s’est voulu le miroir des mouvements des années 60 et 70. Il retrace le foisonnement théorique, culturel et langagier, la grande inventivité sociale qui ont alors caractérisé les luttes et le besoin de communisme en Italie.

    https://openagenda.com/la-parole-errante-demain/events/rencontres-autour-de-la-horde-d-or-1968-1977-la-grande-vague-revolutionn

  • La horde d’or. Italie 1968-1977 | Radio livres ou dormir
    http://www.canalsud.net/?La-horde-d-or-Italie-1968-1977

    Rencontre avec les traducteurs du livre "La horde d’or. La grande vague révolutionnaire et créative, politique et existentielle. Italie 1968-1977", paru aux éditions de l’Éclat. Livre d’histoires et d’analyses politiques, compilation de documents, tracts, chansons, articles de revues ou manifestes, témoignages à la première personne et au jour le jour d’une révolte, devenue « transformation radicale de la vie quotidienne, utopie, besoin de communisme, révolution sexuelle, lutte armée, etc. », "La horde d’or" est un ouvrage de grande ampleur qui parcourt l’histoire politique italienne, depuis les prémisses des années 60 jusqu’à la fin des années 70, qui verront s’exténuer les espérances et les jubilations d’une génération « outrageusement » enthousiaste. Durée : 1h39. Source : Canal (...)

    http://www.canalsud.net/IMG/mp3/radiolivre_lahordedor.mp3

  • Autonomie en Italie : La horde d’or, entretien avec Nanni Balestrini et Sergio Bianchi - Journal #de traduction
    https://nantes.indymedia.org/articles/37181

    Livre-documentaire qui parcourt l’histoire italienne de 1950 à 1980, La horde d’or est aussi un livre d’histoires, d’analyse politique, une boîte à outils, une auto-enquête, un recueil de chansons, une collection de tracts, un récit nombreux aux fils entrecroisés, un livre partisan qui ne dit jamais « je », mais met en présence des énoncés multiples et singuliers. Cet ouvrage retrace le foisonnement théorique, culturel et langagier, et la grande inventivité sociale qui ont caractérisé, à cette période, le besoin de communisme en Italie.

    #Archives #Médias #Répression #Resistances #contrôle #social #luttes #salariales #/ #prisons #centres #rétention #précarité #actions #directes #quartiers #populaires #transports #gratuits #squat #lutte #logement #étudiant-e-s #lycéen-ne-s #mouvement #exclusion #chômage #Archives,Médias,Répression,Resistances,contrôle,social,luttes,salariales,/,prisons,centres,de,rétention,précarité,actions,directes,quartiers,populaires,transports,gratuits,squat,lutte,logement,étudiant-e-s,lycéen-ne-s,mouvement,exclusion,chômage

    • Années de rêves et de plomb, Des grèves à la lutte armée en Italie (1968-1980), Alessandro Stella
      http://agone.org/memoiressociales/anneesderevesetdeplomb

      « Il n’y avait pourtant pas que le politique dans notre vie. “Le personnel est politique”, nous avaient appris nos camarades féministes. Et alors que nous plongions tête la première dans la dernière tentative de révolution communiste en Europe, nous révolutionnions aussi nos rapports interpersonnels… Nous avions un désir débordant de mordre la vie, d’aller au bout d’une aventure enivrante, de profiter de tout ce que le monde pouvait nous offrir, ici, tout de suite, sans attendre le paradis céleste, ni le grand soir. “Qu’est-ce que vous voulez ?”, nous demandait-on. On répondait : “Nous voulons tout !” »

      En 1979, dans le Nord de l’#Italie, la mort accidentelle de trois membres de l’#Autonomie ouvrière donne lieu à une violente répression. Comment en est-on arrivés là ?
      Revenant sur la longue histoire des combats ouvriers italiens, mai 68 et l’influence du Chili de Pinochet sur la militarisation des groupes socialistes, ce livre met au jour la continuité des #luttes entre les années 1960 et les années 1970. De l’influence des Brigades rouges aux moyens d’action concrets, des limites de la lutte armée au rôle des intellectuels dans le militantisme, cet hommage à d’anciens camarades revendique le droit de se souvenir et la nécessité de perpétuer un combat pour un monde plus juste._

      #livre_en_ligne

    • En 1977, l’Italie est en pleine ébullition : « Il y avait alors un mouvement fait de femmes et d’hommes qui pensaient changer le monde. De manière radicale. Ces femmes et ces hommes pensaient que le changer pouvait aussi être marrant. Je me revois jeune et je pense : on nous l’a fait payer cher, mais qu’est-ce qu’on s’est marrés ».
      A notre époque où règne un individualisme triomphant, il devient difficile d’imaginer, pour celles et ceux qui ne l’ont pas vécu, la richesse passionnelle, intellectuelle, imaginaire et émotive de ce mouvement. C’est ce que #Paolo_Pozzi nous transmet magnifiquement et simplement avec ce témoignage.

      http://www.hobo-diffusion.com/catalogue/407/insurrection


      http://www.hobo-diffusion.com/fssProduit/findByTheme/theme_id/34/d/Italie
      #HISTOIRE_SOCIALE #Luttes_sociales #Italie #communisme #années_de_plomb
      #Alessandro_Stella

  • Lutte contre le travail - Mario Tronti, CIP-IDF
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=8094

    Le texte qui suit relève d’un point de vue ouvrier c’est-à-dire d’une pensée antagoniste, dans et contre le capital.

    Sa publication se veut une contribution à la lutte en cours contre cette loi du capital qu’est la #loi_travail. Il s’agit également de proposer un détour théorique préalable à la séance de l’université ouverte sur le droit au chômage proposée ce 10 avril 2016 à Paris.

    Lutte contre le travail

    Pour finir revenons donc au point de départ : à la nature à la fois double, scindée et antagonique du #travail. Non plus cependant du travail contenu dans la marchandise, mais de la classe ouvrière contenue dans le #capital. La zwieschlächtige Natur de la classe ouvrière consiste en ce qu’elle est à la fois travail concret et travail abstrait, travail et force de travail, valeur d’usage et travail productif, à la fois capital et non-capital – partant à la fois capital et classe ouvrière. C’est là que la division est déjà antagonisme. Et l’#antagonisme est toujours lutte. Mais la #lutte n’est pas encore #organisation. Il ne suffit pas qu’il y ait une division objective du travail et de la force de travail dans la classe ouvrière : car c’est précisément de la sorte qu’ils se présentent unis dans le capital. Il faut les diviser par une intervention subjective : en effet ce n’est que de la sorte qu’ils deviendront les moyens d’une alternative de pouvoir.

    #ouvriers_et_capital #opéraïsme #refus_du_travail #Mario_Tronti #livre_en_ligne

  • Loi travail : « La jeunesse a amorcé un vrai débat, qui sort de l’idéologie », Patrick Cingolani
    http://www.lemonde.fr/campus/article/2016/03/31/loi-travail-la-jeunesse-a-amorce-un-vrai-debat-qui-sort-de-l-ideologie_48933

    Il y a une forte sensibilité à l’égalité, une remise en cause du lien de subordination caractéristique du rapport salarial et de la situation en entreprise. Depuis la massification scolaire des années 50 et 60, une majorité de jeunes se socialise en dehors de l’entreprise et de son contexte normatif. L’atmosphère dans laquelle ils vivent est plus égalitaire, plus horizontale. Cela met en contradiction leur aspiration à une certaine réalisation et un milieu du travail qui reste très hiérarchique et contraignant. (...) Les interrogations de cette fraction de la jeunesse sur la relation au travail mériteraient en tout état de cause d’être élargies à d’autres groupes et secteurs de la société.

    #Livre_en_ligne, L’exil du précaire, récits de vies en marge du travail , Patrick Cingolani, 1986
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7840

    #loi_travail #mouvement #précarisation

  • De #Morano aux libertaires, #La_blancheur_est_toujours_borgne

    J’ai hésité à leur donner de la visibilité en les taguant ici, tant le simplisme haineux (et visiblement autosatisfait) de ce pauvre discours « libertaire » qui verse désormais ouvertement dans l’ornière d’un racisme crasse m’a révulsé, mais là aussi, la ligne de fracture est désormais profonde.

    Pour rappel, sont signataires de la Marche de la dignité, qui aura lieu le 31 octobre, d’éminentes pourritures telles que : Tariq Ramadan (que l’on ne présente plus), le rappeur Médine (qui est venu voir son pote Kémi Seba à la Main d’or), Houria Bouteldja (porte-parole du PIR, et accessoirement raciste et homophobe de service), des membres de la Brigade Anti-négrophobie, et une longue liste de personnes dont le discours nauséabond sera de circonstance pour Halloween.

    http://www.non-fides.fr/?Un-peu-d-agitation-contre-les

    #soliloque_blanc
    #racisme
    #PIR
    #marche_de_la_dignité
    #backlash_raciste
    #pattes_blanches_sous_drapeau_noir

    • Tags contre la #racialisation.

      Sont fêtés ce 8 mai 2015 les 10 ans d’un groupuscules d’universitaires #racialistes, le « Parti des Indigènes de la République », à la Bourse du travail de St Denis. Heureusement sans assises militantes et politiques concrètes, ce groupe bénéficie pourtant d’une visibilité assez importante et en tout cas disproportionnée. Pire, il profite d’une complicité larvée dans certains milieux politiques, malgré ses positions racialistes, racistes, homophobes et antisémites Ils sont également partisans du religieux, et défendent l’islam politique.
      Cette accointance avec des lambeaux de l’extrême gauche est sans doutes rendue possible du fait d’un certain vide politique, d’une culpabilisation importante à l’endroit de la banlieue et des immigrés ; tout cela prend place dans une période de confusion bien répandue. Au niveau international, générant encore d’autres effets de disproportion de visibilité, ils sont relayés par d’autres universitaires œuvrant dans les « post colonial » et « gender » studies.
      En réaction aux positions politiques du PIR on peut voir différents tags sur la Bourse du travail de St Denis et alentours.

      PIR dégage.

      Ni religion, ni racialisation, vive le communisme.

      Ni parti, ni indigène, ni république, vive la révolution.

      Nique la race, vive la lutte des classes, red panthers.

      Racialisteurs vous êtes des microfascistes

      Bouteldja, Soral, Dieudonné, Degagez

      http://seenthis.net/messages/412654

    • Les mouvements "libertaires" ou des mouvements "libertaires" essaient depuis une quinzaine d’année de s’implanter dans les banlieues. Évidement le PIR ou Ramadan représentent une belle épine dans le pied de l’offensive matérialiste dans les cités.

      La classe sans la race ?
      http://revueperiode.net/pour-deracialiser-il-faut-penser-la-race-et-la-classe
      Au vu de ce contexte, il est surprenant de constater que des secteurs de la gauche radicale comme de la gauche libérale tentent d’écarter la race de toute analyse de classe, et ce faisant, accordent à la classe une importance tellement plus grande qu’ils en viennent même à contester le recours à la race et au racisme comme catégories d’analyse.

      Le sociologue et activiste Pierre Bourdieu et son proche collaborateur Loïc Wacquant ont ainsi présenté une partie des analyses de la dimension raciale du pouvoir dans le monde, et en particulier le développement de l’action affirmative au Brésil, comme un désastre résultant de l’investissement massif des États-Unis dans l’exportation de certaines idées, relevant de la « ruse de la raison impérialiste ». Antonia Darder et Rodolfo Torres soutiennent quant à eux que le « problème du XXIe siècle » est l’utilisation de concepts tels que la « race » et la « blanchité » (whiteness), comme en écho aux positions du socialiste étatsunien Eugene V. Debs qui déclarait un siècle plus tôt que les socialistes – blancs, supposément – n’avaient « rien de particulier » à apporter aux Afro-américains, si ce n’est une place dans la lutte des classes.

      Ces observateurs considèrent toute focalisation sur la racialisation du pouvoir ou toute analyse structurelle de la blanchité comme autant d’« écrans de fumée », développés dans le seul but de « parvenir à masquer et brouiller les intérêts de classe ». Et si Darder et Torres concèdent encore que la question du « racisme » est digne d’intérêt, ce n’est même plus le cas du politiste critique Adolph Reed Jr. dans ses travaux récents. Ce dernier affirme que pour les militants, « la dénonciation du racisme est une sorte d’appendice politique : un vestige inusité d’un stade antérieur de l’évolution, le plus souvent inoffensif mais susceptible de s’enflammer dangereusement ». Pour Reed comme pour Debs, le « véritable clivage », c’est la classe.

      Ce rejet sans appel de la catégorie de race provient de tout ce qui en fait une catégorie d’un type différent de la classe : la déplorable tendance générale à l’associer à des considérations biologiques, qui se maintient en dépit de preuves scientifiques décisives ; l’acceptation tacite du nettoyage ethnique comme arme de guerre, les décennies de défaites des mouvements antiracistes dans certains pays, et les difficultés à rapprocher les différents combats au niveau international contre ce que leurs acteurs nomment le « racisme ». Ce contexte n’est pourtant pas une excuse pour un tel rejet.

      Il existe une forte tendance chez les marxistes à réduire les causes du racisme à la compétition sur le marché du travail. Pourtant, cette idée que le racisme n’est produit que par la compétition économique néglige cruellement le fait que les actes racistes sont parfois, peut-être même souvent, des actes de prise de pouvoir racial plutôt que de perte de pouvoir de classe (racial empowerment rather than class disempowerment). L’existence d’écoles et de quartiers exclusivement blancs s’explique moins que jamais par les discriminations structurelles à l’emploi, à l’heure où les lieux de résidence et de travail sont parfois très éloignés géographiquement. Et si l’on admet que certains des espaces les plus blancs de la société ne sont pas liés à la concurrence raciale au sein de la main d’œuvre, alors il faut comprendre que race et racisme se développent par-delà les rapports spécifiques de production et de reproduction.

      À partir des idées de Lénine sur la matérialité de l’idéologie, et de Du Bois sur le salaire psychologique que la race donne aux travailleurs blancs, nous comprenons que la race – comme le genre – configure les rapports de pouvoir de multiples façons. Comprendre le racisme implique de saisir les rapports de pouvoir existant séparément et au-delà des classes. L’histoire de la peine de mort aux États-Unis montre clairement que tuer un Blanc est considéré dans cette société comme un crime plus durement punissable que tuer un Noir, ce qui souligne la nécessité de comprendre que l’État joue non seulement un rôle de supervision, mais aussi de production de règles sociales fondées sur la race.

    • Je n’ai pas encore de position claire et définitive sur ce débat, mais nous sommes bien obligés d’admettre qu’une fois le racisme aboli, le dominé reste prisonnier de sa classe, et si l’on se contente des U.S.A, les problèmes d’une grande partie des non-blancs, n’en seront pas réglés pour autant.

      Au contraire, si les classes disparaissent, le racisme ne disparaitrait peut être pas, mais ses conséquences sur la vie des individus seraient, elles, nulles. A moins de recréer des classes fondées explicitement sur la « race », ce qui parait difficile au vue de nos connaissances scientifiques.

      Il apparait alors que la lutte contre le racisme n’a de sens, non pas « au-delà des classes », mais bel et bien au sein des classes opprimées.

      Il me semble, par ailleurs, que la critique du capitalisme, but avoué de Marx et Engels, n’a rien à voir avec la question des discriminations (surtout à l’embauche qui présuppose le salariat), si ce n’est dans l’allocation des richesses - mais peut-on alors parler de discrimination ? -, mais se réfère à l’exploitation des hommes par les hommes selon leur position dans le système de production (travailleurs et /ou propriétaires des moyens de production), cette dernière devant être abolie.

      En ce qui concerne l’utilisation du concept de race pour l’analyse des discriminations, est-il pertinent ou n’est-t-il pas, plutôt, l’expression d’une pensée a priori racisée, qui voit dans la pigmentation ce qui relève du territoire et des pratiques culturels qui s’y appliquent ?

      Et, pour finir, je me demande si les travailleurs non-blancs ont gagné plus grâce aux luttes universalistes de classe ou grâce aux luttes de races ?

      Je remercie par avance celles et ceux qui m’indiqueront des articles, des blogs, des livres, permettant d’avancer dans ma réflexion, en plus des arguments contradictoires, ou non, qu’ils pourront m’apporter.

    • @colporteur, merci, j’ai déjà lu ce texte, c’est d’ailleurs celui du message que tu as indiqué plus haut. C’est à partir de là que je me suis mis à réfléchir à ces sujets.

      Merci aussi @unagi je vais lire ça attentivement, et donc avec un regard critique.

      C’est marrant comme « race » et sexe/genre semblent liés. Ce n’a pourtant rien d’évident, si ce n’est chercher des discriminations sociales irréductibles à autre chose, et fondamentale dans nos sociétés. Il serait sans doute intéressant d’analyser pourquoi ce sont ces deux « concepts » qui sont privilégiés, et non, par exemple la « beauté », la pratique sportive (golf ou foot ?) ou, plus important pour moi - sans doute à cause de mon passage par l’anthropologie, mais aussi de ma condition de provincial né dans une petite ville - , la discrimination territoriale qui est aussi bien vrai pour les banlieues que pour les campagnes. Mais sans doute pour des raisons différentes : les campagnards, nous n’avons pas accès à beaucoup de pratiques culturelles, faisant de nous des imbéciles, car incultes, aux yeux des urbains tandis que ce serait plutôt la méfiance, la peur, qui poussent les bourgeois et petits bourgeois urbains à discriminer les banlieusards.
      Tout ceci est très vite dit, mais c’est juste pour aborder le sujet, histoire de donner du grain à moudre à nos cerveaux inquiets ;-)

      PS : Je devrais peut-être regarder de plus près la géographie. Comme d’hab, s’il y en a pour m’indiquer des sources (@reka ?), merci d’avance.

    • @PaulBétous
      Pour moi la ligne de fracture est claire :
      qui refuse que la race soit envisagée comme une catégorie politique, en se drapant ostensiblement et théâtralement, du haut de sa position de privilégié au sein des systèmes de rapports sociaux de domination de race, dans un discours « antiraciste » planant littéralement au dessus de la réalité,
      qui se permet, de surcroît, le coup de pied de l’âne en falsifiant et calomniant les tentatives de penser ces systèmes de rapports sociaux de domination de race par celleux-mêmes qui se trouvent infériorisé-e-s et l’objet de ce marquage politique, participe du maintien et de l’impossibilité de penser sérieusement le racisme, en prétendant avoir résolu la question avant même d’avoir admis qu’elle soit envisagée comme une question le ou la concernant ellui aussi.

      Quelques pistes à destination de lecteurs et lectrices de bonne volonté - ce que ne sont assurément pas les « libertaires » qui affectent de voir ici des « racialiseurs » ou de ne pas voir la race, puisque elle n’existe pas biologiquement - pour commencer de prendre conscience de l’existence de la race comme marqueur, comme catégorie politique, et sur la nécessité de devoir se salir les mains à la penser comme telle, plutôt que de refuser d’envisager nos (je présuppose que vous êtes blanc comme moi, je prends le risque de me tromper) privilèges et leurs conséquences sur notre propre pensée :

      Sur le racisme comme système : les écrits d’#Albert_Memmi (#Portrait_du_colonisé, Portait_d’un_juif, L’homme_dominé ont le mérite de dater de déjà 40 à 50 ans, et de renvoyer à leur complaisance les discours idéalistes moralistes des « antiracistes » qui prétendent pouvoir, sans avoir pris la peine de regarder de trop près leur propre situation, déjà se situer au-delà du racisme. En passant, l’auteur montre ce qu’il devenait des sincères prétentions humanistes des colons antiracistes, au sein du contexte colonial.
      Les écrits de #James_Baldwin, contemporains, en particulier invitent son lecteur antiraciste et ... blanc à commencer de prendre conscience, depuis la question du racisme anti-noir américain, de la nécessité dans laquelle il se trouve à se considérer comme partie prenante quoi qu’il s’imagine pouvoir penser contre lui, de ce système (je pense plus précisément à un entretien passionnant, « Le corps de John Brown : conversation entre James Baldwin et Frank Shatz », du 27 mars 1973. Il est disponible en ligne, ... sur le site du #Parti_des_Indigènes_de_la_République. Lequel comporte nombre de textes assurément critiquables, mais plus encore stimulants, pour un antiraciste blanc disposé à prendre le temps d’accorder un minimum de considération aux propos des #racisés.

      #Cases_rebelles est une radio et un site qui comporte plus d’une ressource qui invite là aussi à se fatiguer le cerveau à aller au delà des vieilles certitudes antiracistes blanches et à écouter ce que les racisé-e-s et autres infériorisé-e-s et minorisé-e-s ont à dire

      les travaux de #Louis_Sala-Molins sur le #Code_Noir (grassement calomniés par le milieu intellectuel blanc ces temps ci) et ceux, plus importants encore, de #Rosa_Amelia_Plumelle_Uribe (#La_férocité_blanche, "#Traite_des_noirs_traite_des_blancs, pour ne citer que ceux que j’ai lu), déconstruisent - un gros mot post-moderne, cheval de Troie libéral, vecteur d’impuissance, d’averses de grêle et de fin de la critique sociale, selon plus d’un « révolutionnaire » auto-proclamé - remarquablement les discours dominants sur l’esclavage, l’infériorité, et les explications racialistes partagées y compris par l’antiracisme quant à la situation présente de l’afrique , des africains, des afro-descendants.

      Sur le lien racisme/sexisme, des auteures matérialistes comme #Christine_Delphy (#Classer_dominer) ou #Nicole_Claude_Mathieu (#L'anatomie_politique) ou #Colette_Guillaumin (#L'idéologie_raciste) me semblent des plus stimulantes.

      Enfin, sur l’existence des privilèges, et la nécessité pour les privilégiés de les confronter, si vraiment ils veulent s’attaquer aux systèmes de rapports sociaux inégalitaires au sein desquels ils sont pris, des auteurs comme #Léo_Thiers_Vidal (#Rupture_anarchiste_et_trahison_pro-féministe, #De_l'ennemi_principal_aux_principaux_ennemis) ou #John_Stoltenberg (#refuser_d_être_un_homme) permettent de réaliser que, si l’on veut combattre le racisme, tenir un discours antiraciste en soi ne suffira jamais : il faudra à un moment ou à un autre chercher à se donner les moyens de _ refuser d’être un blanc - c’est à dire, avoir admis que l’on en est un, avoir pris conscience de la nécessité de se confronter à sa propre blancheur, c’est à dire à ces _privilèges de dominant dont aucun « antiracisme », peu importe qu’il soit libertaire, radical, révolutionnaire ou réformiste, ne nous privera jamais puisqu_’il prétend en avoir fini avant de les avoir pensés._

      Je n’ai pas inclus de liens, pas le temps de les rechercher, mais confier ces titres et nom à votre moteur de recherche favori vous permettra d’en savoir plus, et vous mènera aussi à plus d’un blog où ces auteur-e-s et leurs écrits et bien d’autres sont diffusés, discutés, critiqués (#nègre_inverti, #Mrs_Roots, etc.)

    • Merci @martin5 pour toutes ces références, il me faudra du temps pour m’imprégner de tout ça, car si j’ai bien une expérience vis à vis de l’immigration, mon épouse étant chilienne, et de la différence de traitement entre elle et moi de la part de la préfecture au moment de faire valoir ses droits, je n’en ai pas comme non-blanc, d’autant moins que, dans ma petite ville balnéaire, les individus non-blancs sont très peu représenter. La discrimination raciste la plus flagrante étant en relation avec les manouches (comme ils s’identifient eux-même, je le précise pour ne pas laisser penser qu’il s’agit de les stygmatiser par un terme péjoratif), mais il n’est jamais fait référence à leur couleur de peau.

      Nous verrons bien, à l’usage si je suis un lecteur de bonne volonté ;-)

    • @PaulBétous

      Mes excuses, je n’y reviens qu’aujourd’hui.

      le racisme ne disparaitrait peut être pas, mais ses conséquences sur la vie des individus seraient, elles, nulles.

      Je ne suis pas certain de vous comprendre.

      En fait, de mon point de vue, il me semble que c’est tout le contraire . Le racisme étant un système de hiérarchisation, un classisme pur, « aveugle à la race » pourrait très bien en apparences disparaître sous cette forme et ne subsister que comme « pur » racisme - qui, en tant que système de hiérarchisation sociale, serait évidemment lourd de conséquences très matérielles pour les individus s’y trouvant infériorisés. (D’une certaine façon, on pourrait peut-être argumenter que c’est à peu de choses près ce que le nazisme a prétendu être.)

      L’interpénétration des catégories politiques de race et de classe est plus qu’attestée au sein de la littérature socialiste dès le XIXème siècle (j’emploie évidemment ici le mot socialiste en un sens qui n’a plus cours depuis plus d’un siècle) : la racialisation du prolétariat européen a longtemps structuré le discours capitaliste (j’ai la flemme de retourner chercher des références ce matin). Pour ma part, j’en conclus - mais d’autres l’ont très bien fait avant moi - qu’on ne peut se permettre de prétendre penser trop longtemps indépendamment les uns des autres ces systèmes (classisme, racisme, sexisme,... liste non exhaustive) et les catégories qui les caractérisent.

      Par ailleurs, et ici je relate un petit peu une expérience de petit mec hétéro blanc et révolutionnaire libertaire si longtemps persuadé de détenir des outils dépassant d’avance les luttes (réputées « partielles, sociétales, particulières », etc.) antiracistes et féministes, des outils universels élaborés sans ces luttes « secondaires » : bien après des années de conflits répétés avec des féministes, la lecture de quelques textes en particulier m’a aidé à me faire éprouver cuisamment la nécessité de sortir sans regrets du bourbier idéaliste de telles prétentions.

      Je pense en particulier : Nos amis et nous de Christine Delphy ( Questions féministes , 1974 et 3975),
      Femmes et théories de la société : Remarques sur les effets théoriques de la colère des opprimés de Colette Guillaumin Sociologie et société,1981),
      (que j’ai lu des décennies après leur publication),
      et « Que vient faire l’amour là dedans ? Femmes blanches, femmes noires et féminisme des années mouvement » de Wini Breines (Cahiers du Genre, 2006).

      Je ne tiens pas à exagérer les effets possibles de la simple confrontation livresque, et je sais bien que ces lectures ont résonné avec ma propre histoire, faite d’une multitude d’autres expériences, lectures, disputes et discussions, mais il me semble que ces textes, de par les confrontations solidement argumentées qu’ils apportent, sont tout particulièrement propres - comme d’autres, assurément : c’est une nécessité que le PIR me semble assumer avec un courage et une ténacité admirables - à tester et tremper la bonne volonté des dominants.

      Aujourd’hui, je tiens que les écrits féministes et antiracistes sont riches d’analyses brillantes et éclairantes et irremplaçables. J’ai longtemps été un lecteur passionné de Marx et Bakounine, de Stirner, de Makhno, des Luxembourg, Pannekoek, Korsch et Rhüle, de Souvarine, des situs. Aujourd’hui, pour avoir appris entre temps que je n’avais jamais été indemne du racisme et du sexisme et que, bien que je ressente la nécessité de combattre racisme et sexisme, je ne l’étais toujours pas (indemne, exempt de racisme et de sexisme), ma weltanschauung n’est plus aussi simpliste et monolithique qu’autrefois. Je ne pense plus qu’il soit possible de prétendre penser le monde à partir des seuls outils forgés par l’expérience et les luttes « de classe » occidentales et masculines : non seulement aveugles aux autres expériences, mais aussi lourdement biaisés.

      Et je suis aussi un lecteur passionné d’Andréa Dworkin, de Christine Delphy, de Mona Chollet, d’Albert Memmi, de Franz Fanon, du PIR, d’une pléiade de blogs et d’auteures féministes et décoloniales, un auditeur passionné de Cases Rebelles, et j’en passe ; des personnes qui ne sont pas toujours d’accord, qui confrontent leurs analyses et leurs luttes. Cela dans la relative indifférence, quand ce n’est pas le mépris ouvert et face à l’hostilité déclarée d’une part conséquente d’un petit milieu d’héritiers actuels des mouvements ouvriers et révolutionnaires occidentaux qui se satisfait de végéter et de se racornir en pensant en quasi-autarcie, à qui les catégories de privilégiés blancs et masculins ne convient que trop bien.

      Et j’ai un peu mal à mon matérialisme quand je lis chez des « libertaires » des agressions et une imbécile hostilité telles que celle relatée ici.

    • @martin5, vous me dites :

      Je ne suis pas certain de vous comprendre

      C’est normal, car vous n’avez isolé qu’une petite partie du propos suivant :

      Je n’ai pas encore de position claire et définitive sur ce débat, mais nous sommes bien obligés d’admettre qu’une fois le racisme aboli, le dominé reste prisonnier de sa classe, et si l’on se contente des U.S.A, les problèmes d’une grande partie des non-blancs, n’en seront pas réglés pour autant.

      Au contraire, si les classes disparaissent , le racisme ne disparaitrait peut être pas, mais ses conséquences sur la vie des individus seraient, elles, nulles. A moins de recréer des classes fondées explicitement sur la « race », ce qui parait difficile au vue de nos connaissances scientifiques.

      Et vous le contredisez en rétorquant :

      En fait, de mon point de vue, il me semble que c’est tout le contraire . Le racisme étant un système de hiérarchisation, un classisme pur , « aveugle à la race » pourrait très bien en apparences disparaître sous cette forme et ne subsister que comme « pur » racisme - qui, en tant que système de hiérarchisation sociale, serait évidemment lourd de conséquences très matérielles pour les individus s’y trouvant infériorisés.

      Vous voyez bien que si je dis qu’une fois les classes disparues, le racisme n’a plus de prise sur les individus, vous ne pouvez élaborer votre réponse, en partant de l’idée qu’il y aurait des classes, à moins de penser qu’un monde sans classes est impossible.
      Votre commentaire ("il me semble que c’est tout le contraire") pourrait même laisser croire qu’une division de la société en classes économiques est un rempart contre une société divisée en classe selon la race.

      De mon côté, parmi les lectures conseillées, je n’ai lu pour l’instant que « Les femmes issues de l’immigration en Seine Saint-Denis » et « L’homme dominé » de Memmi. Et dans les deux, les auteurs notent l’importance primordiale de la domination économique, et notamment de la (sous ?) culture spécifique des classes opprimées, dans les rapports perçus comme racistes par celleux qui en sont victimes. Le premier explique clairement que ce n’est qu’avec la fin des usines que la « race » a pris le pas sur le statut économique. Et le second, nous parle bien plus de relations entre cultures différentes, notamment avec des religions différentes, que de luttes des races. Si ce n’est son affirmation, totalement erronée, voire préalablement raciste vous l’admettrez, selon laquelle il existerait une culture noire. Il suffit de regarder la multiplicités des cultures africaines subsahariennes pour se convaincre du contraire.
      Ces lectures me renforceraient plutôt sur la prépondérance de l’origine géographique (même fantasmée) et de la différence de coutumes, de pratiques, dans ce que l’on peut voir, et qui est nommé aujourd’hui, comme du racisme.

      Enfin l’article sur les femmes issues de l’immigration montre également que la discrimination de genre et la discrimination de race, ne fonctionnent pas de la même façon :

      Les jeunes femmes issues de l’immigration cumulent donc les discriminations dans l’accès à l’emploi comme l’ensemble des jeunes issus de l’immigration d’une part et les discriminations salariales comme l’ensemble des jeunes femmes. Au sein d’une même catégorie d’emploi la discrimination salariale liée à l’origine s’atténue, mais celle liée au genre ne diminue pas.

    • Vous voyez bien que si je dis qu’une fois les classes disparues, le racisme n’a plus de prise sur les individus, vous ne pouvez élaborer votre réponse, en partant de l’idée qu’il y aurait des classes, à moins de penser qu’un monde sans classes est impossible.
      Votre commentaire (« il me semble que c’est tout le contraire ») pourrait même laisser croire qu’une division de la société en classes économiques est un rempart contre une société divisée en classe selon la race.

      je me répète (je n’aurai pas l’occasion d’y revenir de quelques jours)

      _ L’interpénétration des catégories politiques de race et de classe est plus qu’attestée au sein de la littérature socialiste dès le XIXème siècle (j’emploie évidemment ici le mot socialiste en un sens qui n’a plus cours depuis plus d’un siècle) : la racialisation du prolétariat européen a longtemps structuré le discours capitaliste (j’ai la flemme de retourner chercher des références ce matin). Pour ma part, j’en conclus - mais d’autres l’ont très bien fait avant moi - qu’on ne peut se permettre de prétendre penser trop longtemps indépendamment les uns des autres ces systèmes (classisme, racisme, sexisme,... liste non exhaustive) et les catégories qui les caractérisent.

      Je ne peux faire mieux que vous inviter à envisager plus de complexité qu’il ne me semble en lire ici dans vos propos, et que cela puisse prendre du temps.
      Je n’ai pas cherché à vous _convaincre
      de quoi que ce soit.

      Si ce n’est peut-être de faire place à une chose : conçu comme universel, le modèle classiste issu des luttes révolutionnaires occidentales envisage pour des raisons historiques assez connues la société que les êtres humains - tou-te-s - se font depuis une position particulière : celle d’une chair à travail masculine, blanche. Aujourd’hui en panne, une partie des tenants de ce modèle, de ce paradigme, préfère jetter violemment l’opprobre (antisémites ! racialistes ! libéraux ! diviseurs ! déconstructivistes ! etc - la virulence est variable) sur celleux qui parlant depuis la position autre qui leur est faite au sein du même monde humain, ont aussi recours à d’autres outils pour le penser, et imposent, par leur simple accès à la parole, une conception plus complexe du même monde.

  • L’exil du précaire, récits de vie en marge du travail, 1986 - Patrick Cingolani, #livre_en_ligne - CIP-IDF
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7840

    Introduction

    1. Du #travail atypique au #précaire
    1. L’insaisissable travailleur précaire
    2. Trois manières de travailler, une manière de s’y #refuser
    3. Une aversion pour la #discipline_productive, un sentiment d’indignité
    4. Les démarcations du précaire

    2. Le prix du loisir
    1. Une singulière épargne
    2. Liberté existence... une typologie des précaires
    3. Un besoin d’être contre le monde de l’avoir et ses places
    4. L’expérience du quotidien

    3. Une identité vacillante
    1. Échapper au classement
    2. Trouver sa forme d’expression
    3. Une manière d’être qui boite

    4. Les fractures de l’histoire, les partages du présent
    1. Non-conformation au classement et non-conformation aux #normes
    2. Petits #illégalismes et loi
    3. La précarité devant l’inégalité
    4. Le « non » du précaire

    5. La précarité entre l’#égalité et la différenciation sociale
    1. Travailler/Imiter
    2. Les écueils du changement

    Conclusion.
    Annexes

    • En ces temps de grisaille et de #chômage critique où le travail est devenu la valeur suprême et le chef d’entreprise le nouveau kalos kagathos des temps modernes, Patrick Cingolani s’en est allé à la rencontre de ces travailleurs qu’on dit précaires. Ce qui intéresse notre sociologue enquêteur n’est pas la précarité des temps de crise, celle du travailleur intérimaire, de l’employé à temps partiel, du chômeur périodique, tous travailleurs « précarisés », mais la précarité voulue, choisie, de ceux qu’il appelle les exilés volontaires du travail, de ceux qui refusent de se soumettre complètement à l’esclavage salarié, en attendant ou non le « grand soir ». L’enquête, « qualitative » - c’est-à-dire non quantitative au sens où la population enquêtée n’est statistiquement pas représentative d’un ensemble par définition non chiffrable - effectuée à Paris et en banlieue, au hasard des rencontres, porte sur une trentaine de personnes et nous donne à entendre les discours d’hommes et de femmes, plutôt jeunes mais aussi moins jeunes, qui parlent de leur rapport au travail. A partir de ces interviews et de quelques biographies reconstituées, Patrick Cingolani analyse les attitudes, les comportements et les expériences de ces marginaux qui vivent au moindre coût de travail et tente de les classer (eux qui se refusent à tout classement) dans les cadres d’une typologie du précaire axée sur le refus du travail, de l’intégration au monde du travail vécu comme aliénation et perte de soi. Le but du précaire est de retrouver une certaine qualité de la vie au prix d’une situation matérielle que d’aucuns, selon les critères généralement admis aujourd’hui, jugeraient souvent voisine de la misère. Le précaire est bien obligé de travailler pour vivre mais il ne veut pas vivre pour travailler. Vieux dilemme. La dignité du travail, cette dimension fondamentale de l’identité qu’on prête au prolétaire, à l’ouvrier (valeur essentiellement « bourgeoise » : cf. Marx), le précaire la nie. En quoi il est aussi (sans le savoir ?) le continuateur d’une certaine tradition, celle de l’ouvrier qui se veut sans attaches et change, à son gré, de patron et d’emploi (la fixation de la main-d’œuvre fut œuvre de longue haleine...). Aux yeux du précaire, ce qui compte avant tout c’est la réalisation de soi, non dans la richesse matérielle, dans la possession ou la consommation de biens, mais dans l’être en soi, la #disponibilité, la découverte, l’autonomie culturelle, la gamberge, voire le farniente, l’expression personnelle quelle qu’elle soit. Pour atteindre cet idéal de vie, le #temps constitue un superflu vital nécessaire, et ce temps on le gagne sur soi, à travers la réduction des besoins matériels, le mépris de toute promotion sociale, pour ne pas perdre sa vie à la gagner. Etrange pauvreté que celle du précaire qui se cultive, voyage, sort, flâne, libre de son temps, la vraie richesse. Libre de penser par lui-même. Pour vivre comme il l’entend, le précaire bricole et se faufile dans les interstices encore libres de la société, petits boulots temporaires, combines, expédients et emprunts de toutes sortes... Cependant si chambre individuelle et débrouillardise voilent souvent l’aspect collectif de ce petit monde, il n’en constitue pas moins quelque part une micro-société, un milieu fait de réseaux, un espace social comme on dit mais aussi un espace historique, espace que l’on peut situer dans un courant périodiquement invisible, qui conduit de Villon aux subcultures des années soixante et soixante-dix, espaces que l’ouvrage ne met peut-être pas suffisamment en valeur.

      L’intérêt de cet objet de recherche, qui relève paradoxalement de la sociologie du travail (on y parle finalement beaucoup de ce travail qu’on abhorre et plus rarement de ce que l’on vit) c’est qu’il va à contre-courant des préoccupations actuelles des sciences sociales et de la réflexion politique. Mais l’accroissement du chômage nous autorise-t-il à abandonner la critique du travail salarié ? La pénurie du travail doit-elle nous empêcher de penser la perspective d’une société sans travail où l’homme serait enfin libre de se réaliser dans le non-travail ? Ce but lointain, assigné à l’humanité par un certain Marx et quelques autres, les précaires n’ont pas le temps de l’attendre. « Individualisme bourgeois », diront certains... Plus positivement on pourrait dire que les précaires, dans leur recherche d’une vie autre, constituent une sorte de micro-laboratoire de la société future, la question de savoir si ces gens sont des déclassés ou bien s’ils préfigurent le visage du nouveau prolétaire (ce que l’auteur semble croire) restant à l’appréciation de chacun.

      Beaurain Nicole. Patrick Cingolani, L’exil du précaire, Klincksieck, (Coll. Réponses sociologiques), 1986. In : L Homme et la société, N. 85-86, 1987. Les droits de l’homme et le nouvel occidentalisme. pp. 191-192.