• Faut-il abolir l’Etat, cet horizon indépassable de nos imaginaires politiques ?
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/24/faut-il-abolir-l-etat-cet-horizon-indepassable-de-nos-imaginaires-politiques

    (...) un pan des sciences sociales, à la croisée de l’anthropologie, de l’archéologie, de l’histoire et de la philosophie politique, se penche sur le sujet. « Nous vivons un moment de questionnement sur l’Etat, dans un contexte d’hégémonie du néolibéralisme », observe le sociologue Christian Laval, coauteur en 2020 de Dominer. Enquête sur la souveraineté de l’Etat en Occident (La Découverte) avec le philosophe Pierre Dardot. « L’Etat apparaît aujourd’hui comme une institution incapable de répondre aux problèmes : les aspirations démocratiques, le terrorisme, les inégalités et, avant tout, la crise écologique », tranche le philosophe Edouard Jourdain.

    Les sciences sociales cogitent donc pour sortir de l’impasse politique. Mais aussi académique, signale l’anthropologue Philippe Descola : « L’Etat est devenu un horizon intellectuel indépassable. La réflexion contemporaine est très pauvre, car elle s’inscrit dans la double filiation du libéralisme et du socialisme, qui ont en commun de séparer radicalement les humains et le reste du monde. »

    Cette cécité destructrice, James Scott la retrace dans L’Œil de l’Etat (La Découverte), ouvrage publié en 1998 mais seulement traduit en 2021. Le professeur émérite de science politique et d’anthropologie à l’université Yale y explore l’obsession des Etats modernes à rationaliser et à contrôler le territoire et les individus dont il a la charge. De l’état civil aux standards métriques, de l’imposition de cadastres à celle des langues, James Scott appréhende l’action de l’Etat comme une simplification du réel par la force « afin de lui donner une forme plus lisible et plus commode à administrer ». L’anthropologue se penche en particulier sur les expériences de modernisations brutales au XXe siècle, comme la collectivisation soviétique, les réformes agraires dans les pays du Sud et la villagisation forcée en Tanzanie. Ces expériences portent toutes, à ses yeux, la trace d’une idéologie « haut-moderniste », qui a pour effet d’anéantir un tissu de savoirs vernaculaires constitué à travers les siècles.

    Libérer l’imaginaire

    « Des génocides à la colonisation, l’Etat moderne, malgré certains progrès, a un bilan politique et humain accablant », juge Jean-François Bayart, qui a publié en 2022 L’Energie de l’Etat. Pour une sociologie historique et comparée du politique (La Découverte), aboutissement de cinquante ans de recherche sur le sujet. Le politiste, spécialiste de l’Etat en Afrique, y formule une « critique politique de la formation de l’Etat » en l’analysant comme le produit d’une opération historique : il dénonce, à l’instar de James Scott, l’abstraction comme vecteur de sa domination. L’émergence de la « raison d’#Etat », qui autorise la violence physique, marque à ses yeux le premier maillon d’une chaîne d’abstractions : le peuple, dont on postule qu’il forme une nation ; le territoire, découpé par des délimitations imaginaires ; et le marché, dont le professeur à l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève fait le « fruit de la territorialisation de l’Etat ».

    [...]

    Contre les courants de gauche y voyant un rempart face au #capitalisme, ces auteurs soutiennent que cette « idéologie souverainiste (…) empêche de dépasser le moment néolibéral de la politique mondiale », car elle alimente le #nationalisme et se méprend sur l’hybridation déjà opérée entre néolibéralisme, identitarisme et protectionnisme de Recep Tayyip Erdogan, Narendra Modi et Donald Trump. Penser « une organisation politique du monde au-delà de la souveraineté de l’Etat » réclame d’en faire l’archéologie. Dominer s’y attaque en revenant au néolithique, période s’étalant d’environ – 9500 à – 2300 avant J.-C. ayant vu l’apparition de l’agriculture et des premières civilisations, dans laquelle ils perçoivent l’émergence d’une première « souveraineté non étatique, sans pouvoir exécutif centralisé ». Dans cette trajectoire plurimillénaire, Pierre Dardot et Christian Laval identifient un tournant majeur en Occident : la souveraineté y aurait émergé au milieu du Moyen Age comme « une invention tardive de l’Eglise », sous l’effet d’un processus qualifié de « révolution papale ».

    https://archive.is/aDtUS

    #révolution_papale #souverainisme

  • Dans une Hongrie dépourvue d’immigrés, l’arrivée nouvelle de travailleurs étrangers suscite des tensions
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/26/dans-une-hongrie-depourvue-d-immigres-l-arrivee-nouvelle-de-travailleurs-etr

    Le Monde - retour à la une

    Dans une Hongrie dépourvue d’immigrés, l’arrivée nouvelle de travailleurs étrangers suscite des tensions
    Par Jean-Baptiste Chastand (Berettyoujfalu, Debrecen [Hongrie], envoyé spécial)
    Dans l’est du pays, l’immense chantier d’une usine BMW a entraîné l’arrivée d’ouvriers venus d’Asie, des « invités », selon la terminologie du gouvernement Orban. Or dans cette région, la population est chauffée à blanc par la rhétorique anti-immigrés du parti au pouvoir.
    Quelques dizaines d’habitants se serrent, mercredi 15 novembre, dans la petite salle surchauffée du conseil municipal de Berettyoujfalu, une ville de 14 000 habitants perdue dans l’est de la Hongrie. L’heure est grave, à en croire le maire, Istvan Muraközi, qui a convoqué en urgence cette réunion publique pour parler « du problème des 150 travailleurs indiens apparus par surprise » en octobre sur le territoire de cette commune typique des campagnes magyares profondes où l’on n’a jamais vu d’immigrés, surtout non européens.

    « Cela fait déjà 1 % de notre population », s’inquiète ce quinquagénaire au look de paisible fonctionnaire, avec sa chemise à carreaux et sa chevelure bien rangée. Elu du Fidesz, le parti nationaliste et anti-immigrés du premier ministre, Viktor Orban, il promet : « Ce n’est pas la mairie qui a fait venir » ces jeunes hommes. Hébergés dans un ancien internat vétuste et un village vacances tristounet planté près d’un étang, ils sont employés sur le chantier de la future usine de voiture électrique BMW, qui doit ouvrir en 2025 à Debrecen, deuxième ville de Hongrie, à quarante-cinq minutes de bus de là.
    Istvan Muraközi, maire de Berettyoujfalu, tient une audience publique sur les travailleurs « invités », le 15 novembre 2023.
    Istvan Muraközi, maire de Berettyoujfalu, tient une audience publique sur les travailleurs « invités », le 15 novembre 2023. ANDRAS ZOLTAI POUR « LE MONDE »

    « Je n’ai pas de problème avec le fait de faire venir des travailleurs invités », précise d’ailleurs l’édile, qui veille soigneusement à ne pas critiquer M. Orban. Après des années de messages anti-immigration, ce dernier a fait volte-face. Depuis 2022, le gouvernement laisse des dizaines de milliers de travailleurs asiatiques venir combler le manque criant de main-d’œuvre de son pays, en plein déclin démographique et où le chômage est au-dessous de 5 %. « Mais je ne suis pas d’accord pour avoir des foyers de travailleurs invités dans nos quartiers résidentiels ou à côté de nos hôpitaux ou de nos écoles », se plaint-il, en reprenant délibérément le vocable du gouvernement, qui évite soigneusement le mot « immigré » pour privilégier celui d’« invité ».
    « Sans compter qu’ils ont des baux de cinq ans et qu’on n’a aucune idée de quel pays, de quelle religion, de quelle culture ils vont venir. Cela pose problème pour la sécurité et notre système de santé. » Dans la salle, un quinquagénaire qui dit vivre chichement des allocations pour personnes handicapées bondit : « Orban a promis à la télé qu’il ne laisserait pas les étrangers prendre le travail des Hongrois et, maintenant, j’ai peur que mes petits-enfants soient forcés d’apprendre le philippin. » « Le Fidesz nous dit depuis treize ans qu’il ne faut pas faire venir des immigrés et, à présent, ce sont eux qui les font venir. C’est complètement hypocrite ! », renchérit un entrepreneur.
    En mars 2023, le dirigeant nationaliste a en effet annoncé aux Hongrois que leur pays allait avoir besoin de faire venir « 500 000 nouveaux travailleurs d’ici un an ou deux ». Ce chiffre, considérable pour un pays d’à peine 9,7 millions d’habitants, doit permettre de satisfaire le développement industriel à tout crin souhaité par le pouvoir, notamment dans le domaine de la voiture électrique. Mais si un peu partout en Hongrie les Magyars se sont habitués à voir apparaître des infirmières thaïlandaises dans les maisons de retraite ou des chauffeurs philippins dans les bus de Budapest, l’ambiance s’est en revanche tendue, ces derniers mois, dans la région de Debrecen.Réputée pour son nationalisme, la ville de 200 000 habitants avait été, dès 2015, témoin de manifestations d’extrême droite qui restent dans les mémoires contre un centre de réfugiés, lequel avait finalement dû fermer. Huit ans plus tard, Indiens, Turcs et Phillippins affluent pourtant par centaines pour travailler sur les chantiers des usines qui poussent comme des champignons dans cette région longtemps déshéritée. En plus de BMW, le chinois CATL construit au sud de la ville un gigantesque site de production de batteries sur plus de 200 hectares. Supérieur à 7 milliards d’euros, l’investissement est le plus important de l’histoire de la Hongrie et devrait employer à terme jusqu’à 9 000 personnes.
    Amenés par avions entiers, les travailleurs étrangers sont hébergés dans des conditions improvisées et parfois spartiates dans tout ce que la région compte de foyers disponibles. Sur les réseaux sociaux, certains Hongrois les accusent, sans preuve, de faire monter la criminalité. Signe du caractère très délicat du sujet, BMW a refusé de répondre aux questions du Monde, en faisant seulement savoir qu’il n’employait pas directement de travailleurs étrangers. Les services de sécurité de son usine ont par ailleurs violemment écarté le photographe du Monde lorsqu’il a essayé, au petit matin, de prendre en photo les grappes de travailleurs étrangers descendant, encore endormis, des bus les amenant de toute la région jusqu’au site de Debrecen.
    A sept mois des élections municipales de juin 2024, les maires de la région, presque tous du Fidesz, s’inquiètent. « Il faut qu’ils soient hébergés là où ils travaillent », réclame ainsi le maire de Berettyoujfalu, en annonçant qu’il va lancer une consultation postale de tous ses concitoyens. A Debrecen, le maire, Laszlo Papp, doit, lui, s’essayer à une pédagogie inédite dans la bouche d’un élu du Fidesz. « On a besoin des travailleurs invités pour participer à la construction de ces usines », défend-il auprès du Monde, en rappelant que sa ville, jusqu’ici un peu morne et endormie, va créer « entre 15 000 et 16 000 emplois » dans les prochaines années. « Les travailleurs invités ne sont pas des immigrés illégaux, ils doivent repartir au bout de deux ans et ils ne prennent pas le travail des Hongrois », précise-t-il. « L’exemple de l’Europe de l’Ouest nous montre qu’il ne faut pas commettre les mêmes erreurs. »
    Pour justifier ce virage politique majeur, M. Orban insiste en effet régulièrement sur le fait que ces « invités » auront l’interdiction de rester plus de deux ans en Hongrie et d’amener leur famille, en dépit du droit fondamental au regroupement familial. Il continue par ailleurs de répéter des messages anti-immigrés en boucle, en affirmant par exemple, depuis début novembre, qu’il ne veut « pas voir de ghetto et de mini-Gaza se constituer à Budapest ». Cela explique pourquoi la nuance n’est pas toujours bien comprise par une population hongroise chauffée à blanc depuis des années par sa propagande.« Pour beaucoup de personnes sensibles aux messages du pouvoir, un étranger reste un étranger », raille ainsi Zoltan Varga, député local du parti de gauche Coalition démocratique. Sa formation a d’ailleurs décidé de faire du sujet l’un de ses principaux axes de campagne pour les municipales en vue d’essayer de déloger le Fidesz de la mairie. « Tous ces immigrés asiatiques sont des esclaves modernes amenés par le gouvernement pour casser les salaires plutôt que d’essayer de faire revenir au pays les centaines de milliers de jeunes Hongrois qui l’ont quitté pour aller travailler en Europe de l’Ouest », fustige-t-il, avec un ton qui provoque des remous au sein de la gauche hongroise, pas toujours d’accord pour s’en prendre ainsi aux immigrés.
    Amener des travailleurs étrangers « est une chose nécessaire », car « les entreprises ont de gros problèmes de recrutement et cela menace les investissements », estime ainsi Balazs Babel, le vice-président du syndicat de la métallurgie Vasas, qui a déjà dû intervenir dans plusieurs usines hongroises ces derniers mois face à l’apparition de tensions entre travailleurs locaux et étrangers.
    Hésitations juridiques« On explique que, jusqu’ici, on n’a pas vu de dumping social parce que cela revient toujours plus cher d’employer quelqu’un d’étranger dans la mesure où il faut lui fournir un logement et lui payer les frais de voyage », défend le syndicaliste, en critiquant toutefois la politique gouvernementale. Celle-ci pousse les entreprises à passer par des agences d’intérim agréées par le pouvoir et dont les « travailleurs invités » sont à sa merci, car immédiatement expulsables s’ils perdent leur emploi.
    La fébrilité du pouvoir se ressent aussi dans ses hésitations juridiques. En octobre, le gouvernement a subitement annulé l’entrée en vigueur d’une loi qui devait faciliter l’embauche de « travailleurs invités », en promettant de la remplacer par un texte plus strict. Examiné depuis le mardi 21 novembre au Parlement, celui-ci impose aux entreprises de vérifier qu’il n’y a aucun Hongrois disponible avant de faire venir un travailleur étranger, interdit que plus d’un quart des travailleurs arrivant en Hongrie soient issus du même pays et prévoit une disposition taillée sur mesure pour répondre aux préoccupations des maires de la région de Debrecen : la possibilité d’héberger les « travailleurs invités » dans les zones industrielles.
    Devant le futur site de BMW, les sous-traitants du constructeur allemand ont déjà commencé à ériger un gigantesque village de conteneurs où les travailleurs étrangers peuvent dormir, loin de tout, à commencer du regard des Hongrois. La mairie de Debrecen s’apprête à autoriser la même chose devant l’usine de CATL. Laszlo Papp a vanté cette politique lors d’une discrète réunion avec les maires du Fidesz de la région, organisée le jeudi 16 novembre, pour les rassurer en vue des élections municipales. « Cela va être mieux coordonné », se félicite à la sortie Gyula Czegledi, maire d’une commune touristique voisine qui avait vu apparaître entre « 200 et 300 travailleurs invités cet été » et a dû plusieurs fois expliquer à sa population que la criminalité n’avait pas bougé, chiffres de la police à l’appui.
    A Berettyoujfalu, tous les habitants ne se montrent pourtant pas hostiles à cette petite révolution dans une Hongrie qui comptait, jusqu’ici, à peine 2 % de résidents étrangers. « Ces immigrés sont là pour travailler et ne dérangent pas beaucoup », a ainsi expliqué un trentenaire lors de la réunion publique, avant d’être immédiatement corrigé par le maire : « On dit “travailleurs invités”. » « Au lieu de faire peur, vous feriez mieux de calmer la population en rappelant qu’on ne les voit nulle part en ville à part au supermarché quand ils viennent faire leurs courses. Ils m’ont même dit bonjour », a rétorqué un homme dans la cinquantaine, après trois heures de débat où les participants se sont montrés finalement plus préoccupés par les problèmes d’eau.
    Au même moment, à 2 kilomètres de là, Rahul, 24 ans, ne se doute de rien des remous qu’il suscite, alors qu’il cherche à regagner son lit le plus rapidement possible après une journée de travail harassante. Venu du Tamil Nadu, un Etat du sud-est de l’Inde, il gagne environ 650 euros par mois en travaillant douze heures par jour, six jours par semaine, pour l’entreprise de construction turque missionnée par BMW pour construire l’usine. (....)Face aux tensions grandissantes, les Indiens de Berettyoujfalu ont reçu pour consigne de ne plus parler aux journalistes.

    #Covid-19#migrant#migration#hongrie#asie#inde#Philippines#turquie#thailande#infirmiere#travailleurmigrant#economie#industrie#nationalisme#sante#immigrationorganisee

  • Henry Laurens : « On est sur la voie d’un processus de destruction de masse » à Gaza, entretien avec Rachida El Azzouzi (19 novembre 2023).

    Pour l’historien, spécialiste de la Palestine, professeur au collège de France, « l’effondrement des conditions sanitaires et l’absence de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse » dans la bande de Gaza.

    L’historien et universitaire Henry Laurens est l’un des plus grands spécialistes du #Moyen-Orient. Professeur au Collège de France où il est titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du #monde_arabe, il a mis la question palestinienne au cœur de son travail. Il est l’auteur de très nombreux livres dont cinq tomes sans équivalent publiés entre 1999 et 2015, consacrés à La question de Palestine (Fayard).
    Dans un entretien à Mediapart, il éclaire de sa connaissance l’exceptionnalité du conflit israélo-palestinien et le « corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer » dans lesquels les deux peuples sont pris depuis des décennies. Il dit son pessimisme quant à la résolution du conflit qui peut durer « des siècles » : « Vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. Aujourd’hui, ils sont 500 000 dont quelques dizaines de milliers qui sont des colons ultrareligieux et armés. »

    Plus d’une vingtaine de rapporteurs de l’organisation des Nations unies (ONU) s’inquiètent d’« un génocide en cours » à Gaza. Est-ce que vous employez ce terme ?

    Il y a deux sens au terme de « génocide ». Il y a le #génocide tel que défini par l’avocat polonais Raphael Lemkin en 1948, la seule définition juridique existante, aujourd’hui intégrée au protocole de Rome créant la #CPI [Cour pénale internationale – ndlr]. Lemkin a été obligé, pour que ce soit voté par les Soviétiques et par le bloc de l’Est, d’éliminer les causes politiques du génocide – massacrer des gens dans le but de détruire une classe sociale –, parce qu’il aurait fallu reconnaître le massacre des koulaks par les Soviétiques.

    La définition de Lemkin implique que ceux qui commettent un génocide appartiennent à un autre peuple que celui des victimes. D’où le problème aussi qu’on a eu avec le #Cambodge, qu’on ne pouvait pas appeler un génocide parce que c’étaient des Cambodgiens qui avaient tué des Cambodgiens. Là, on est dans une définition étroite. C’était le prix à payer pour obtenir un accord entre les deux Blocs dans le contexte du début de la #guerre_froide.

    Vous avez ensuite une définition plus large du terme, celui d’une destruction massive et intentionnelle de populations quelles qu’en soient les motivations.

    Il existe donc deux choses distinctes : la première, ce sont les actes, et la seconde, c’est l’intention qui est derrière ces actes. Ainsi le tribunal international pour l’ex-Yougoslavie a posé la différence entre les nettoyages ethniques dont la motivation n’est pas génocidaire parce que l’#extermination n’était pas recherchée, même si le nombre de victimes était important, et les actes de génocide comme celui de Srebrenica, où l’intention était claire.

    On voit ainsi que le nombre de victimes est secondaire. Pour Srebrenica, il est de l’ordre de 8 000 personnes.

    L’inconvénient de cette #logique_judiciaire est de conduire à une casuistique de l’intentionnalité, ce qui ne change rien pour les victimes. 

    Au moment où nous parlons, le nombre de victimes dans la bande de #Gaza est supérieur à celui de Srebrenica. On a, semble-t-il, dépassé la proportion de 0,5 % de la population totale. Si on compare avec la France, cela donnerait 350 000 morts.

    Le discours israélien évoque des victimes collatérales et des boucliers humains. Mais de nombreux responsables israéliens tiennent des discours qui peuvent être qualifiés de génocidaires. L’effondrement des conditions sanitaires et l’absence même de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse avec des controverses à n’en plus finir sur les intentionnalités. 

    La solution à deux États n’est plus possible.

    La crainte d’une seconde « #Nakba » (catastrophe), en référence à l’exil massif et forcé à l’issue de la guerre israélo-arabe de 1948, hante les #Palestiniens. Peut-on faire le parallèle avec cette période ?

    La Nakba peut être considérée comme un #nettoyage_ethnique, en particulier dans les régions autour de l’actuelle bande de Gaza où l’#intentionnalité d’expulsion est certaine. Des responsables israéliens appellent aujourd’hui à une #expulsion de masse. C’est d’ailleurs pour cela que l’Égypte et la Jordanie ont fermé leurs frontières.

    Dans l’affaire actuelle, les démons du passé hantent les acteurs. Les juifs voient dans le 7 octobre une réitération de la Shoah et les Palestiniens dans les événements suivants celle de la Nakba.

    Faut-il craindre une annexion de la bande de Gaza par Israël avec des militaires mais aussi des colons ?

    En fait, personne ne connaît la suite des événements. On ne voit personne de volontaire pour prendre la gestion de la bande de Gaza. Certains responsables israéliens parlent de « dénazification » et il y a une dimension de vengeance dans les actes israéliens actuels. Mais les vengeances n’engendrent que des cycles permanents de violence.

    Quelle est votre analyse des atrocités commises le 7 octobre 2023 par le Hamas ?

    Elles constituent un changement considérable, parce que la position de l’État d’Israël est profondément modifiée au moins sur deux plans : premièrement, le pays a subi une invasion pour quelques heures de son territoire, ce qui n’est pas arrivé depuis sa création ; deuxièmement, le 7 octobre marque l’échec du projet sioniste tel qu’il a été institué après la Seconde Guerre mondiale, un endroit dans le monde où les juifs seraient en position de sécurité. Aujourd’hui, non seulement l’État d’Israël est en danger, mais il met en danger les diasporas qui, dans le monde occidental, se trouvent menacées ou, en tout cas, éprouvent un sentiment de peur.

    Le dernier tome de votre série consacrée à « La question de Palestine » (Fayard) était intitulé « La paix impossible » et courait sur la période 1982-2001. Vous étiez déjà très pessimiste quant à la résolution de ce conflit, mais aussi concernant l’avenir de la région, comme si elle était condamnée à demeurer cette poudrière. Est-ce que vous êtes encore plus pessimiste aujourd’hui ? Ou est-ce que le #conflit_israélo-palestinien vous apparaît soluble, et si oui, quelle issue apercevez-vous ?

    La réelle solution théorique serait d’arriver à un système de gestion commune et équitable de l’ensemble du territoire. Mais un État unitaire est difficile à concevoir puisque les deux peuples ont maintenant plus d’un siècle d’affrontements.

    Qu’en est-il de la solution à deux États, dont le principe a été adopté en 1947 par l’ONU, après la fin du mandat britannique ? Est-elle possible ?

    La solution à deux États n’est plus possible dès lors que vous avez 500 000 colons, dont quelques dizaines de milliers qui sont des #colons ultrareligieux et armés. Vous avez une violence quotidienne en #Cisjordanie. La sécurité des colons ne peut se fonder que sur l’insécurité des Palestiniens. Et l’insécurité des Palestiniens provoque la violence qui engendre l’insécurité des colons.

    C’est un cercle vicieux et vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette #décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. On pouvait, sans trop de dégâts, faire une décolonisation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. 

    Aujourd’hui, nous sommes dans une position de domination, et cette solution peut prendre des siècles parce qu’il y a l’exceptionnalité juive qui crée une exceptionnalité israélienne qui elle-même crée une exceptionnalité palestinienne. C’est-à-dire que sans être péjoratif, les Palestiniens deviennent des juifs bis.

    Qu’entendez-vous par là ?

    Nous sommes depuis le 7 octobre devant un grand nombre de victimes. Mais ces dernières années, nous en avons eu bien plus en Irak, en Syrie, au Soudan et en Éthiopie. Cela n’a pas provoqué l’émoi mondial que nous connaissons aujourd’hui. L’émotion a été suscitée parce que les victimes étaient juives, puis elle s’est déplacée sur les victimes palestiniennes. Les deux peuples sont dans un corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer.

    Les années 1990 ont été marquées par les accords d’Oslo en 1993. Relèvent-ils du mirage aujourd’hui ?
     
    Non, on pouvait gérer une décolonisation. Mais déjà à la fin des accords d’Oslo, il n’y a pas eu décolonisation mais doublement de la #colonisation sous le gouvernement socialiste et ensuite sous le premier gouvernement Nétanyahou. Ce sont l’occupation, la colonisation, qui ont amené l’échec des processus. Il n’existe pas d’occupation, de colonisation pacifique et démocratique.

    Aujourd’hui, c’est infiniment plus difficile à l’aune de la violence, des passions, des derniers événements, des chocs identitaires, de la #haine tout simplement. Qui plus est, depuis une trentaine d’années, vous avez une évolution commune vers une vision religieuse et extrémiste, aussi bien chez les juifs que chez les Palestiniens.

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre.

    Vous voulez dire que le conflit territorial est devenu un conflit religieux ?

    Il a toujours été religieux. Dès l’origine, le mouvement sioniste ne pouvait fonctionner qu’en utilisant des références religieuses, même si ses patrons étaient laïcs. La blague de l’époque disait que les sionistes ne croyaient pas en Dieu mais croyaient que Dieu leur avait promis la Terre promise.

    Le projet sioniste, même s’il se présentait comme un mouvement de sauvetage du peuple juif, ne pouvait fonctionner qu’en manipulant les affects. Il était de nature religieuse puisqu’il renvoyait à la Terre sainte. Vous avez une myriade d’endroits qui sont des #symboles_religieux, mais qui sont aussi des #symboles_nationaux, aussi bien pour les #juifs que pour les #musulmans : l’esplanade des Mosquées, le tombeau des Patriarches, le mur des Lamentations. Et puis il y a les gens qui se sentent mandatés par Dieu.

    De même, les musulmans ont cherché des alliés en jouant sur la solidarité islamique. Dès les années 1930, la défense de la mosquée Al-Aqsa est devenue un thème fédérateur.

    Pourquoi est-il devenu difficile d’invoquer une lecture coloniale du conflit depuis les massacres du Hamas du 7 octobre ?

    Le sionisme est à l’origine un corps étranger dans la région. Pour arriver à ses fins, il a eu besoin d’un soutien européen avant 1914, puis britannique et finalement américain. Israël s’est posé comme citadelle de l’#Occident dans la région et conserve le #discours_colonial de la supériorité civilisatrice et démocratique. Cet anachronisme est douloureusement ressenti par les autres parties prenantes.

    Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les responsables sionistes n’hésitaient pas à se comparer à la colonisation britannique en Afrique noire avec la nécessité de mater les protestations indigènes. 

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre. La constitution de l’État juif impliquait un « transfert » de la population arabe à l’extérieur, terme poli pour « expulsion ». La #confiscation des #terres détenues par les Arabes en est le corollaire. Les régions où ont eu lieu les atrocités du 7 octobre étaient peuplées d’Arabes qui ont été expulsés en 1948-1950.

    Dire cela, c’est se faire accuser de trouver des excuses au terrorisme. Dès que vous essayez de donner des éléments de compréhension, vous vous confrontez à l’accusation : « Comprendre, c’est excuser. » Il faut bien admettre que le #Hamas dans la bande de Gaza recrute majoritairement chez les descendants des expulsés. Cela ne veut pas dire approuver ce qui s’est passé.

    Le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free » (« De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ») utilisé par les soutiens de la Palestine fait polémique. Est-ce vouloir rayer de la carte Israël ou une revendication légitime d’un État palestinien ?

    Il a été utilisé par les deux parties et dans le même sens. Les mouvements sionistes, en particulier la droite sioniste, ont toujours dit que cette terre devait être juive et israélienne au moins jusqu’au fleuve. Le parti de l’ancêtre du Likoud voulait même annexer l’ensemble de la Jordanie.

    Chez certains Palestiniens, on a une vision soft qui consiste à dire que « si nous réclamons un État palestinien réunissant la bande de Gaza et la Cisjordanie, nous considérons l’ensemble de la terre comme la Palestine historique, comme partie de notre histoire, mais nous ne la revendiquons pas dans sa totalité ».

    Israël depuis sa fondation n’a pas de #frontières définies internationalement. Il a toujours revendiqué la totalité de la Palestine mandataire, voire plus. Il a ainsi rejeté l’avis de la Cour internationale de justice qui faisait des lignes d’armistice de 1949 ses frontières permanentes.

    Cette indétermination se retrouve de l’autre côté. La libération de la Palestine renvoie à la totalité du territoire. D’autres exigeaient la carte du plan de partage de 1947. Pour l’Organisation de libération de la Palestine (#OLP), faire l’#État_palestinien sur les territoires occupés en 1968 était la concession ultime.

    Les Arabes en général ont reçu sans grand problème les réfugiés arméniens durant la Grande Guerre et les années suivantes. Ces Arméniens ont pu conserver l’essentiel de leur culture. Mais il n’y avait pas de question politique. Il n’était pas question de créer un État arménien au Levant.

    Dès le départ, les Arabes de Palestine ont vu dans le projet sioniste une menace de dépossession et d’expulsion. On ne peut pas dire qu’ils ont eu tort…

    Le mouvement islamiste palestinien, le Hamas, classé #terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, est aujourd’hui le principal acteur de la guerre avec Israël…

    Définir l’ennemi comme terroriste, c’est le placer hors la loi. Bien des épisodes de décolonisation ont vu des « terroristes » devenir du jour au lendemain des interlocuteurs valables. 

    Bien sûr, il existe des actes terroristes et les atrocités du 7 octobre le sont. Mais c’est plus une méthodologie qu’une idéologie. C’est une forme de guerre qui s’en prend aux civils selon les définitions les plus courantes. Jamais un terroriste ne s’est défini comme tel. Il se voit comme un combattant légitime et généralement son but est d’être considéré comme tel. Avec l’État islamique et le 7 octobre, on se trouve clairement devant un usage volontaire de la cruauté.

    La rhétorique habituelle est de dire que l’on fait la guerre à un régime politique et non à un peuple. Mais si on n’offre pas une perspective politique à ce peuple, il a le sentiment que c’est lui que l’on a mis hors la loi. Il le voit bien quand on dit « les Israéliens ont le droit de se défendre », mais apparemment pas quand il s’agit de Palestiniens.

    D’aucuns expliquent qu’Israël a favorisé l’ascension du Hamas pour qu’un vrai État palestinien indépendant ne voie jamais le jour au détriment de l’#autorité_palestinienne qui n’administre aujourd’hui plus que la Cisjordanie. Est-ce que le Hamas est le meilleur ennemi des Palestiniens ? 

    Incontestablement, les Israéliens ont favorisé les #Frères_musulmans de la bande de Gaza dans les années 1970 et 1980 pour contrer les activités du #Fatah. De même, après 2007, ils voulaient faire du Hamas un #sous-traitant chargé de la bande de Gaza, comme l’Autorité palestinienne l’est pour la Cisjordanie. 

    Le meilleur moyen de contrer le Hamas est d’offrir aux Palestiniens une vraie perspective politique et non de bonnes paroles et quelques aides économiques qui sont des emplâtres sur des jambes de bois. 

    Quel peut être l’avenir de l’Autorité palestinienne, aujourd’hui déconsidérée ? Et du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, pressé par la base de renouer avec la lutte armée et le Hamas ?

    Le seul acquis de l’Autorité palestinienne, ou plus précisément de l’OLP, c’est sa légitimité diplomatique. Sur le terrain, elle est perçue comme un sous-traitant de l’occupation israélienne incapable de contrer un régime d’occupation de plus en plus dur. Elle est dans l’incapacité de protéger ses administrés. Le risque majeur pour elle est tout simplement de s’effondrer.

    Le Hamas appelle les Palestiniens de Cisjordanie à se soulever. Un soulèvement généralisé des Palestiniens peut-il advenir ?

    En Cisjordanie, on a surtout de petits groupes de jeunes armés totalement désorganisés. Mais la violence et la répression sont devenues quotidiennes et les violences permanentes. À l’extérieur, l’Occident apparaît complice de l’occupation et de la répression israéliennes. L’Iran, la Chine et la Russie en profitent.

    Le premier tome de votre monumentale « Question de Palestine » s’ouvre sur 1799, lorsque l’armée de Napoléon Bonaparte entre en Palestine, il court jusqu’en 1922. Avec cette accroche : l’invention de la Terre sainte. En quoi cette année est-elle fondatrice ?

    En 1799, l’armée de Bonaparte parcourt le littoral palestinien jusqu’à Tyr. En Europe, certains y voient la possibilité de créer un État juif en Palestine. Mais l’ouverture de la Terre sainte aux Occidentaux est aussi l’occasion d’une lutte d’influences entre puissances chrétiennes. 

    Dans le tome 4, « Le rameau d’olivier et le fusil du combattant » (1967-1982), vous revenez sur ce qui a été un conflit israélo-arabe, puis un conflit israélo-palestinien. Est-ce que cela peut le redevenir ?

    Jusqu’en 1948, c’est un conflit israélo-palestinien avant tout. En 1948, cela devient un #conflit_israélo-arabe avec une dimension palestinienne. À partir de la fin des années 1970, la dimension palestinienne redevient essentielle.

    Ben Gourion disait que la victoire du sionisme était d’avoir transformé la question juive en problème arabe. Les derniers événements semblent montrer que le #problème_arabe est en train de redevenir une #question_juive.

    Le rôle des États-Unis a toujours été déterminant dans ce conflit. Que nous dit leur position aujourd’hui ? 

    La question de Palestine est en même temps une question intérieure pour les pays occidentaux du fait de l’histoire de la Shoah et de la colonisation. Il s’y ajoute aux États-Unis une dimension religieuse du fait du biblisme protestant et du « pionniérisme ». Les Palestiniens leur semblent être quelque part entre les Indiens et les Mexicains…

    La « République impériale » vient encore de montrer son impressionnante capacité de projection militaire dans la région, mais aussi son incapacité à obtenir un règlement politique satisfaisant.

    Pourquoi ce conflit déclenche-t-il autant de passions et clive-t-il autant dans le monde entier, où comme en France, le président appelle à « ne pas importer le conflit » ?

    C’est un conflit gorgé d’histoire. La Terre sainte est celle des trois religions monothéistes. Le conflit lui-même porte avec lui la mémoire de la Shoah et de la colonisation, d’où l’extraordinaire position d’exceptionnalité des acteurs.

    Vous avez écrit cinq tomes sur la question de Palestine. Après l’ultime « La Paix impossible », quel pourrait être le sixième ?
     
    Peut-être le retour de la question juive, mais c’est loin d’être une perspective encourageante.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/191123/henry-laurens-est-sur-la-voie-d-un-processus-de-destruction-de-masse-gaza

    #discours_génocidaire #religion (s) #sionisme

  • ★ Libertaires contre toutes les guerres - Le Libertaire GLJD

    La guerre qui oppose au Moyen-Orient un gouvernement israélien d’extrême-droite et le Hamas qui aspire à créer une dictature théocratique, a déjà fait plus de 12 000 morts à ce jour. Les colons israéliens s’en donnent aujourd’hui à cœur joie en Cisjordanie et étendent leur colonisation en tuant au passage de nombreux Palestiniens. A Gaza, l’armée israélienne bombardent et tuent des milliers de civils en réponse aux agissements criminels et terroristes du Hamas le 7 octobre dernier. Si les anarchistes sont toujours du côté des opprimés, de toutes les victimes civiles, des résistants à toutes les guerres, ils ne peuvent éluder un problème récurrent, notamment celui de la Palestine depuis l’après Seconde Guerre mondiale. A ce titre, il nous paraît intéressant d’étudier une alternative à la situation actuelle en proposant à nos lecteurs un texte tiré du site « Kurdistan au féminin » (...)

    #Anarchisme #Paix #Liberté #Justice #anticléricalisme #antimilitarisme #émancipation #internationalisme
    #Palestine #Gaza #Cisjordanie #hamas #Israël #haine #massacre #bombardements #destruction #morts #nationalisme #colonialisme #racisme #antisémitisme...

    https://le-libertaire.net/libertaires-contre-toutes-les-guerres

    https://le-libertaire.net/anarchistes-pour-la-paix

    https://le-libertaire.net/palestine-israel-pour-un-reel-processus-de-paix

  • ★ CONSÉQUENCES DU MILITARISME ET DE LA GUERRE - Socialisme libertaire

    Le militarisme et la guerre mènent à la torture et à l’assassinat systématique de milliers de civils, la fuite de milliers de personnes, le déracinement social, le racisme, la répression et le rejet des réfugié.e.s par la population du pays d’accueil. Ils se traduisent par la destruction du patrimoine historique et artistique et celle des milieux naturels, faune et flore. Ils impliquent la mort de centaines de milliers de combattants des parties belligérantes, principalement les enfants de personnes travailleuses, des personnes pauvres et à faibles ressources, s’enrôler leur permet d’échapper à la misère et en fait de la chair à canon.
    Le militarisme et la guerre, cela veut dire enrichir l’industrie de l’armement qui fournit en armes les parties belligérantes. Cela signifie que les entreprises, patrons et autres personnels de direction gagnent des millions d’euros sur la vente d’armes aux États belligérants, ainsi qu’à d’autres États et alliances militaires. Et que les lobbys industriels mettent de l’argent pour que le pouvoir politique légifère à leur profit (...)

    #militarisme #guerre #nationalisme

    https://www.socialisme-libertaire.fr/2022/06/consequences-du-militarisme-et-de-la-guerre.html

  • ★ Ⓐ Arrêtons le massacre à Gaza ! - Le Libertaire GLJD

    Les informations à grand spectacle véhiculées par les médias sentent souvent la manipulation. On entend à bas bruits des appels à la haine raciale et on ne peut que s’inquiéter des conséquences irrationnelles de ces appels. L’opinion de la rue indispose les gouvernements au point que ces derniers essaient de la marginaliser voire carrément de l’interdire sous couvert de désordres. Mais le désordre est déjà là avec l’horreur et le cynisme de la guerre. L’opinion ne peut cautionner l’absurde et les tragédies car c’est bien de souffrances et de morts dont il s’agit.
    L’intolérable de l’action du Hamas le 7 octobre 2023 ne peut faire oublier la responsabilité qui incombe au gouvernement israélien dans la relégation du peuple palestinien au sein d’une prison à ciel ouvert. Aujourd’hui, après le déclenchement du énième conflit à Gaza, nous ne pouvons que dénoncer une logique de guerre qui plonge ses racines dans l’après Seconde Guerre mondiale. Le système capitaliste a besoin de guerres pour se refaire une santé économique : les ventes d’armes décollent et les usines d’armement tournent à plein régime (...)

    #Gaza #guerre #massacre #bombardements #colonialisme #capitalisme #militarisme #nationalisme
    #anarchisme #antiguerre #anticapitalisme #antimilitarisme #internationalisme...

    https://le-libertaire.net/arretons-le-massacre-a-gaza

  • Le large dos du #terrorisme
    https://www.kedistan.net/2023/11/19/le-large-dos-du-terrorisme

    https://www.kedistan.net/wp-content/uploads/2023/11/gaza.jpg

    Le terrorisme est « l’emploi de la terreur à des fins politiques, idéologiques ou religieuses ». On retrouve les termes de cette définition dans nombre de langues Cet article Le large dos du terrorisme a été publié par KEDISTAN.

    #Chroniques_de_Daniel_Fleury #Droits_humains #Nationalismes #Peuples #Gaza #Israël #Palestine

  • ★ Anarchistes pour la paix - Le Libertaire GLJD

    L’actuelle guerre à Gaza participe du fait accompli, ce qui peut conduire certains d’entre nous à d’illusoires choix. Et Voltaire indiquait qu’un choix n’est pas toujours une liberté. La propagande de Tsahal nous force la main et fait semblant de nous proposer la guerre contre le Hamas pour arriver à la paix. Qu’on le dise haut et fort, le Hamas est une organisation islamo-fasciste désirant mettre en place un régime théocratique dictatorial et obscurantiste. Aucun libertaire ne peut s’aligner sur les positions du Hamas surtout après les atrocités commises le 7 octobre dernier à l’encontre de centaines de civils juifs dont bon nombre d’enfants. Jamais un libertaire ne soutiendra une organisation qui s’en prend aux enfants. Ceci vaut pour le gouvernement israélien. Ce dernier tente de culpabiliser ceux et celles qui s’opposent à ses actions meurtrières à Gaza. Nous ne sommes pas dupes. Et les anarchistes demeurent fidèles à leur engagement pacifiste et antimilitariste : aucune bombe, aucun génocide, aucune terreur, aucun fusil, aucune arme chimique ou nucléaire…ne peut être utilisée pour régler un conflit. L’hypocrisie occidentale et israélienne bat son plein quand elle joue de l’intervention militaire humanitaire (...)

    #Anarchisme #Paix #Liberté #Justice #anticléricalisme #antimilitarisme #émancipation #internationalisme
    #Palestine #Israël #haine #massacre #bombardements #destruction #morts #nationalisme #racisme #antisémitisme...

    https://le-libertaire.net/anarchistes-pour-la-paix

  • Israël et le dilemme de l’État-nation
    https://laviedesidees.fr/Israel-et-le-dilemme-de-l-Etat-nation

    La crise institutionnelle et politique sans précédent traversée par Israël avant même le 7 octobre nécessite de revenir à son histoire longue. Son rapport contrarié avec le modèle classique de l’État #nation et la souveraineté constitue pour Danny Trom la matrice singulière de ce projet politique.

    #International #État #guerre #Entretiens_écrits
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20191117_trom.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20191117_trom.pdf

  • Tous les récits du monde
    https://laviedesidees.fr/Tous-les-recits-du-monde

    La remise en cause de l’européocentrisme a changé les manières de faire l’histoire : c’est aux connexions entre les récits qu’il faut désormais prêter attention, dans une vision élargie et devenue globale. À propos de : Sebastian Conrad, Qu’est-ce que l’histoire globale ?, Nouveau Monde éditions

    #Histoire #mondialisation #nation #historiographie
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231116_globalhistoire.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231116_globalhistoire.docx

  • ★ ISRAËL, PALESTINE, FINISSONS EN ! - Socialisme libertaire

    Les médias internationaux et les politiciens de divers camps politiques ont tous des positions diverses et variées au sujet de la guerre actuelle entre l’État d’Israël et la bande de Gaza (proto-État ou État, dans la pratique, ça fait peu de différence).
    Soyons clairs ! S’il s’agit de conflits entre États, alors ce n’est pas notre problème. Si les États pouvaient tous s’autodétruire, ce serait une très bonne chose. Sauf que ce n’est jamais de ça qu’il s’agit : les guerres entre États, c’est avant tout un projet avec et contre les populations. C’est aussi la guerre des capitalistes avec et contre les travailleurs. Ils se servent de nous contre nous. Notre ignorance est leur force.
    Les populations, travailleurs et travailleuses de Gaza et d’Israël sont soumis, comme ailleurs, à l’exploitation capitaliste et à la domination de ces États.
    Nous, on veut annihiler le capital et les États, et non les perpétuer avec des solutions capitalistes ou Étatistes. La solution à ces problèmes est sociale (...)

    #anarchisme #Palestine #Cisjordanie #Gaza #Israël #colonialisme #capitalisme #conflit #guerre #nationalisme #théisme #étatisme #militarisme #antimilitarisme #anticléricalisme #anticapitalisme #internationalisme #Paix

    https://www.socialisme-libertaire.fr/2023/11/israel-palestine-finissons-en.html

  • Projet de loi « immigration » : le Sénat durcit le droit du sol
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/09/projet-de-loi-immigration-le-senat-durcit-le-droit-du-sol_6199054_823448.htm

    Projet de loi « immigration » : le Sénat durcit le droit du sol
    Les sénateurs ont supprimé, mercredi, l’automaticité de l’accès à la nationalité à leur majorité pour les jeunes nés en France de parents étrangers. Elus de gauche, associations et syndicats dénoncent une « rupture avec la tradition républicaine ».
    Par Julia Pascual
    C’est une disposition que le gouvernement n’avait pas pensée dans la première mouture de son projet de loi sur l’immigration, mais qu’il n’a pas combattue sur le fond devant le Sénat, mercredi 8 novembre. Dominé par la droite et le centre, le Palais du Luxembourg a finalement entériné une modification substantielle du droit du sol, introduite en commission des lois quelques mois plus tôt. Aujourd’hui, les jeunes nés en France de parents étrangers obtiennent de façon automatique la nationalité française à leur majorité. Ce droit du sol suppose seulement que le jeune réside en France, et découle d’une conception républicaine de la nationalité fondée sur la « socialisation plus que sur une donnée ethnique », soulignait l’historien Patrick Weil dans un rapport au gouvernement, en 1997, sur les législations de la nationalité.
    Le Sénat a voté, mercredi, la suppression de cette automaticité, en exigeant des jeunes qu’ils demandent à devenir Français pour être naturalisés. « Tout enfant né en France de parents étrangers peut, à partir de l’âge de 16 ans et jusqu’à l’âge de 18 ans, acquérir la nationalité française à condition qu’il en manifeste la volonté », ont adopté les sénateurs, sur proposition de la sénatrice (Les Républicains, LR) des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer. Et ils ajoutent qu’un jeune ne peut acquérir la nationalité « s’il a été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois d’emprisonnement ».De quoi faire bondir de nombreuses associations et des syndicats – tels que SOS-Racisme, la Ligue des droits de l’homme, l’UNSA, la CFDT ou la CGT – qui s’étaient, dans un courrier adressé à la première ministre, Elisabeth Borne, le 5 novembre, inquiétés d’un « degré de restriction du bénéfice du droit du sol inconnu depuis le régime instauré en… 1804 », année de promulgation du code civil par Napoléon Bonaparte.
    « L’accès a la nationalité favorise l’immigration », a défendu Valérie Boyer, mercredi en séance, tandis que le sénateur (Reconquête !) des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier a fustigé un droit du sol « stupide » et estimé, à propos des étrangers naturalisés, qu’« un veau qui naît dans une écurie ne fera jamais de lui un cheval » – des propos xénophobes qui lui ont valu un rappel au règlement.
    En 2021, 130 000 personnes ont obtenu la nationalité française. « Les acquisitions de nationalité par déclaration anticipée et sans formalités, qui concernent des mineurs étrangers nés en France de parents étrangers, représentaient 26,9 % du total, précisait la commission des lois du Sénat dans son rapport sur le texte. Ces conditions d’accès à la nationalité pour des mineurs, relativement favorables, peuvent potentiellement renforcer l’attractivité du territoire français ». C’est donc pour lutter contre un éventuel appel d’air que les sénateurs se sont attelés à restreindre le droit du sol.
    Dans l’Hémicycle, mercredi, la gauche s’est émue que le gouvernement n’ait pas déposé d’amendement de suppression du nouvel article. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a toutefois déclaré qu’il n’a « rien à faire dans la loi », estimant que la modification du code civil qu’il implique sera considérée comme un cavalier législatif par le Conseil constitutionnel. M. Darmanin ne s’est du reste pas exprimé sur le fond des dispositions, se contentant de soutenir les amendements de suppression portés par la gauche – mais rejetés sans surprise par la majorité sénatoriale.
    Les sénateurs LR « ont tort » de modifier le code de la nationalité, expliquait-on il y a quelques semaines Place Beauvau. « Gérald Darmanin a dit à Bruno Retailleau [président du groupe LR au Sénat] qu’il devrait plutôt éviter le débat, car on peut avoir un débat sur le sujet au Sénat mais, à l’Assemblée nationale, il y a 88 députés RN », soulignait l’entourage du ministre.
    Aujourd’hui, les plus nombreux à bénéficier des naturalisations sont les ressortissants du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie et du Royaume-Uni. Selon les données du ministère de l’intérieur, la France dispose d’un taux de naturalisation (1,7 %) de sa population étrangère légèrement inférieur à la moyenne européenne (2,0 %).
    L’automaticité de la naturalisation des enfants nés sur le sol français avait été écornée une première fois entre 1993 et 1998. Pendant cette période, le jeune né en France devait manifester sa volonté d’acquérir la nationalité à partir de l’âge de 16 ans et jusqu’à ses 21 ans.Sous le gouvernement du socialiste Lionel Jospin, le législateur est revenu au régime de l’automaticité. Pour cause : dans son rapport de 1997, Patrick Weil notait que le principe de la manifestation de la volonté « se heurte dans son application concrète à divers obstacles qui peuvent provenir du milieu social d’origine (pressions, méconnaissance des règles, rejet des démarches administratives) ou des conditions variables d’octroi de la nationalité selon les zones géographiques ». De sorte que des jeunes pouvaient demeurer étrangers sans le vouloir, ni même le savoir – parce qu’ils se croient déjà Français.
    La modification votée au Sénat mercredi toucherait « les publics les plus fragiles et les plus éloignés des institutions », s’inquiètent les organisations signataires du courrier à Elisabeth Borne. Pour Patrick Weil, ce serait une « régression énorme ».

    #Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#immigration#mineur#naturalisation#integration#nationalite#droit

  • Le projet de loi immigration instrumentalise la #langue pour rejeter des « migrants »

    La notion de « #langue_d’intégration » est revenue sur les devants de la scène politique avec le projet de loi qui visent à durcir les possibilités d’accueil des « migrants » en France, notamment en exigeant un niveau certifié de #français pour l’obtention d’un séjour longue durée. De nombreuses recherches montrent les effets pervers de cette pseudo-évidence, qui n’est qu’une #croyance_erronée.

    L’idée que la capacité à s’exprimer en langue officielle serait une condition préalable à la stabilisation du droit au séjour, car indicateur d’intégration, est devenue courante. C’est le cas notamment en France où a été officialisée la notion, critiquée (Vadot, 2017), de « Français Langue d’Intégration » en 2012 (Adami et André, 2012) comme un élément-clé conditionnant l’autorisation au séjour long des étrangers hors Union Européenne sur le territoire (Ouabdelmoumen, 2014). Cette condition est même imposée aux conjoints de Français alors que la loi fait, par ailleurs, obligation aux époux de vivre ensemble[1], ce dont s’alarme le collectif « Les Amoureux au Ban Public »[2], d’autant que la loi fait, par ailleurs, obligation aux époux de vivre ensemble, ce qui place les époux face à une contradiction terrible et insoluble. L’apprentissage de la ou d’une langue officielle du pays comme « preuve d’intégration » pour obtenir l’autorisation de séjour ou l’accès à la citoyenneté a d’ailleurs été exigée par d’autres pays de l’U.E. ces dernières décennies (Extramania, 2012 ; Goult, 2015a ; Pradeau, 2021).
    L’intégration linguistique est décrétée preuve d’assimilation

    La notion d’intégration a été officialisée en France dans les années 1990 (création du Haut Conseil à l’Intégration[HCI] par décret en 1989[3], intitulé d’un ministère depuis 1991[4]) et réaffirmée par diverses lois. Dès 2003, la « relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité » prévoit :

    Art. 8 : la délivrance d’une première carte de résident est subordonnée à l’intégration républicaine de l’étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française.

    Elle a été complétée par les lois de 2006 « relative à l’immigration et à l’intégration » et de 2007 « relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile ».

    Le glossaire « Les Mots de l’intégration » du HCI a une entrée Intégration « participation effective de l’ensemble des personnes appelées à vivre en France à la construction d’une société rassemblée dans le respect de principes partagés » relativement distincte de Assimilation : « Aboutissement supposé ou attendu d’un processus d’intégration de l’immigré tel que celui-ci n’offre plus de caractéristiques culturelles distinctes de celles qui sont censées être communes à la majorité des membres de la société d’accueils ». On présente ainsi l’assimilation comme un aboutissement au plus haut degré de l’intégration. Cette distinction est légère :

    « L’adoption du mot [intégration] n’est cependant pas fortuite. Elle correspond à une tendance lourde de la société française face aux étrangers et néo-Français (...) Une intégration qui ressemble comme une jumelle à l’assimilation d’avant-hier (…) Ces termes furent bientôt interchangeables » (Gaspard, 1992, 21-23 et 124).

    La connotation totalitaire de l’assimilation a été contestée. Ainsi, à propos d’autres populations en situation précaire que les « migrants » : « Assimiler, c’est vouloir réduire l’autre au même, c’est une violence essentielle qui méconnaît l’expérience fondamentale de l’altérité, d’autrui. Assimiler est une démarche totalitaire » (Boyer, 2013, 110). Elle a ensuite été masquée par le terme intégration. À partir des années 2000, la montée du nationalisme français a d’ailleurs conduit au retour de l’usage « décomplexé » du terme assimilation, notamment dans les discours marqués très à droite (thème de campagne du candidat à la présidentielle Éric Zemmour en 2022, entre autres).

    La notion d’assimilation, appréciée notamment « au regard de sa connaissance de la langue française », est d’ailleurs restée dans la loi française depuis 1945 comme condition d’obtention de la nationalité française.
    L’association langue et intégration s’est répandue avec la montée des nationalismes et la crainte de l’immigration

    La notion de « Français Langue d’Intégration », institutionnalisée en France, conduit même, dans un texte de l’organisme officiel chargé de la politique linguistique en France, à affirmer qu’il y aurait un effet automatique de non intégration si le français n’est pas assez « maitrisé » :

    « Sous l’angle linguistique, (…) l’intégration humainement et socialement réussie passe par l’acquisition d’une compétence adéquate dans la langue du pays d’accueil. Son insuffisante maîtrise conduit, en effet, inéluctablement à l’exclusion sociale, culturelle et professionnelle » (DGLFLF, 2005, 7).

    Dans sa thèse, M. Gout montre qu’il y a depuis les années 2000 « une quasi-unanimité du discours politique en Europe sur le rôle prioritaire de la langue dans l’intégration » (Gout, 2015a, 70). Selon C. Extramiana (2012, 136) :

    « Les législations relatives à la maîtrise de la langue du pays d’accueil s’appliquent à trois situations administratives distinctes : l’entrée sur le territoire, la résidence permanente et l’acquisition de la nationalité (...) On constate un pic de 2003 à 2008. L’évolution concerne au premier chef les pays d’Europe de l’Ouest : le Danemark (2003, 2006, 2010), la Belgique/communauté flamande (2003), l’Allemagne (2004, 2007, 2008), la Grèce (2004 et 2005), la Norvège (2005), l’Autriche (2005), les Pays-Bas (2006 et 2007), la France (2007 et 2008), le Liechtenstein (2008). L’année 2009 voit l’adoption de deux nouvelles législations, pour l’Italie et le Liechtenstein, qui a connu une première législation l’année précédente ».

    La Suisse les a rejoints en 2005 pour le séjour long et 2018 pour l’acquisition de la nationalité, dans une des quatre langues officielles (Pradeau, 2021, 194 et 203-suiv.).
    Une fausse évidence, contradictoire et contredite par la recherche

    Or, de nombreuses réserves ont remis en question cette « évidence ». L’accord sur la fonction intégratrice de la langue n’est d’ailleurs général ni dans le temps ni dans l’espace : « Avant 2002, en dehors de l’Allemagne, aucun État membre n’avait d’exigence linguistique vis-à-vis des migrants » (Gout, 2015b, 77). Jusqu’à 2013 en Belgique et 2018 en Italie, il n’y en avait pas. En outre, les exigences ne concernent pas toute une partie de la population étrangère : les ressortissants des autres pays membres de l’UE peuvent s’installer librement (et même voter à certaines élections locales dans certains pays, comme la France) sans aucune condition linguistique. Le préalable linguistique ne vise que certaines populations, de façon clairement discriminatoire.

    De nombreuses études montrent que l’apprentissage de la langue officielle du pays dit « d’accueil » n’est pas une condition à une « intégration », laquelle passe aussi et surtout par d’autres voies, notamment emploi, logement, relations sociales, les habitants du pays n’étant pas, la plupart du temps, monolingues en langue officielle, contrairement à une croyance répandue (Biichlé, 2007 ; Archibald et Galligani, 2009 ; Benson, 2011 ; Hambye et Romainville, 2013 ; Étrillard, 2015). Di Bartolo (2021) a montré, en comparant les biographies linguistiques de familles italiennes installées en Suisse romande et en Savoie française que ce sont surtout les contextes sociolinguistiques qui ont des effets sur le rapport aux langues officielle et familiale, phénomène attesté dans de nombreuses situations (Blanchet, 2019 et 2022). D’autres concluent, en plus, que la pratique préalable ou l’apprentissage même réussi du français ne conduisent pas automatiquement à une « intégration » pour des personnes qui vont subir des discriminations par exemple xénophobes ou racistes (Al Ahmad, 2021). Enfin, la langue de néo-socialisation des personnes migrantes continue à se faire en fait, là où c’est encore nécessaire, plutôt dans une langue dite « locale » ou « régionale » qu’en langue officielle nationale (Beaubrun, 2020 pour la Martinique), processus attesté depuis longtemps mais largement ignoré par les instances étatiques françaises puisqu’il contredit l’unicité linguistique prétendue de la France (Eloy, 2003 pour la Picardie ; Blanchet, 2003 pour la Provence, par exemple). Enfin, au-delà des ressortissants de l’U.E., qui représentent 1/3 des « immigrés » en France[5], on peut être français ou française par filiation et ne pas parler français, par exemple pour les personnes qui sont nées et ont grandi à l’étranger ou dans des parties de la France où le français a été, voire est encore aujourd’hui, en partie étranger : si le cas est devenu rare en « métropole » suite à la politique linguistique autoritaire de l’État, il reste courant par exemple en Guyane[6].

    Ces recherches ne nient pas que « les intégrations (sociale, professionnelle, scolaire) sont, en partie, facilitées grâce à une compétence linguistique ou plutôt sociolangagière ». Elles précisent que cette compétence est « à acquérir à travers la multiplication des pratiques et des situations sociolangagières rencontrées » (Calinon, 2013, 43) et qu’il faut donc pouvoir vivre ces situations sans condition préalable. Des critiques sévères ont ainsi été émises sur l’apprentissage obligatoire, voire préalable, d’une langue dite « d’intégration » :

    « Aujourd’hui, en Europe, l’obligation institutionnelle d’ “intégration linguistique“ pour les migrants, avec la signature d’un contrat d’accueil et le passage obligatoire de tests qui décident de leur régularisation administrative (...) constitue un frein à l’adhésion des apprenants » (Gout, 2015b,139).

    « Parmi les effets contreproductifs relevés, la formation en langue (...) obligatoire (…) risque alors de compromettre d’autres projets et opportunités qui peuvent se révéler tout aussi décisifs dans l’apprentissage, comme dans l’intégration (travail ou bénévolat, recherche d’un logement plus décent, des opportunités de socialisation…). Cela amène (…) à se sentir empêchés de participer à la société française » (Mercier, 2021, n.p.).

    L’acquisition ou l’apprentissage de la langue « n’est pas un préalable à celle-ci [la vie sociale] mais sa conséquence » (Beacco, 2008, 15).
    La langue instrumentalisée pour faire obstacle à une véritable intégration des « migrants », donc pour les rejeter

    L’analyse de nombreux travaux portant sur les processus sociolinguistiques effectivement suivis par les personnes dites « migrantes » (Blanchet et Belhadj, 2019) confirme que les politiques et dispositifs visant une « intégration linguistique » obligatoire et surtout préalable, comme condition d’autorisation d’une insertion sociale effective, ne sont pas justifiés. L’acquisition des langues nécessaires à la vie sociale dans le pays d’accueil s’avère en fait motivée et réalisée par une participation concrète à cette vie sociale. Dès lors, il semble bien que ces dispositifs étatiques aient un tout autre objectif, de contrôle social (Vadot, 2022) : dresser un obstacle pour empêcher le plus grand nombre possible de personnes étrangères venant de certains pays d’avoir accès un séjour stable, durable, dans le pays dit d’installation, voire un séjour définitif en devenant ressortissant de ce pays. Cette interprétation est confirmée par le fait que les tests dits « d’intégration » ou « d’assimilation » comportent aussi des questions sur le pays auxquelles la plupart de ses citoyens seraient bien incapables de répondre[7] (Blanchet et Clerc Conan, 2015).

    On a manifestement affaire à un cas typique de discrimination glottophobe (au prétexte que des gens parlent une autre langue plutôt que français) qui recouvre une discrimination xénophobe (au prétexte que des gens sont étrangers), qui recouvre une discrimination ethniste ou raciste (au prétexte de telle ou telle origine). Ce n’est pas une politique d’intégration, c’est une politique de rejet[8].
    Références :

    Adami H., André V. (2012). Vers le Français Langue d’Intégration et d’Insertion (FL2I). Dans Adami H., Leclercq V. (dirs.), Les migrants face aux langues des pays d’accueil : acquisition naturelle et apprentissage guidé. Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, p.205-214. En ligne : https://books.openedition.org/septentrion/14056

    Al Ahmad, R. (2021). Étude d’un atelier d’apprentissage du français par un public d’adultes « issus de la migration » dans un milieu associatif bénévole. Une mise en perspective des objectifs, besoins et modalités d’intervention des bénévoles et des apprenant.e.s par le détour d’une expérienciation d’approches plurilingues et interculturelles, Thèse de doctorat en sociolinguistique sous la direction de Ph. Blanchet, université Rennes 2, https://www.theses.fr/2021REN20035

    Archibald, J. et Galligani, S. (Dir.) (2009), Langue(s) et immigration(s) : société, école, travail, Paris : L’Harmattan.

    Beacco, J.-C. (2008). Les langues dans les politiques d’intégration des migrants adultes, www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Mig08_JC-Beacco_PresDocOr.doc

    Beaubrun, F. (2020). Contextualisation didactique et médiations linguistiques, identitaires et culturelles dans l’enseignement du français langue d’intégration en Guadeloupe, thèse de doctorat sous la direction de F. Anciaux, université des Antilles, https://www.theses.fr/2020ANTI0499

    Benson, M. (2011). The British in rural France : lifestyle migration and the ongoing quest for a better way of life, New York : Manchester University Press.

    Biichlé, L. (2007). Langues et parcours d’intégration de migrants maghrébins en France, Thèse de Doctorat sous la direction de Jacqueline Billiez, Université Stendhal, Grenoble 3, http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/72/90/28/PDF/ThA_se.pdf

    Blanchet, Ph. (2003). Contacts et dynamique des identités culturelles : les migrants italiens en Provence dans la première partie du XXe siècle. Dans La France Latine - revue d’études d’oc 137, Paris, 2003, p. 141-166, https://www.researchgate.net/publication/341078901_Contacts_et_dynamique_des_identites_culturelles_les_migrants

    Blanchet, Ph. (2019a). Effets des contextes sociolinguistiques sur les pratiques et les transmissions de plurilinguismes familiaux. Dans Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales Insaniyat 77-78, p. 11-26, https://journals.openedition.org/insaniyat/17798

    Blanchet, Ph. (2022). Migrations, Langues, Intégrations : une analyse sociolinguistique comparative sur des stratégies étatiques et familiales. Dans Langues, cultures et sociétés, 8-2, p. 33-45 ; https://revues.imist.ma/index.php/LCS/article/view/35437

    Blanchet, Ph. et Belhadj Hacen A. (Dir.) (2019). Pratiques plurilingues et mobilités : Maghreb-Europe, Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales Insaniyat, 77-78 bilingue arabe-français (daté 2017), https://journals.openedition.org/insaniyat/17771

    Blanchet, Ph. et Clerc Conan, S. (2015). Passer de l’exclusion à l’inclusion : des expériences réussies d’éducation à et par la diversité linguistique à l’école. Dans Blanchet, Ph. et Clerc Conan, S. (coord.), Éducation à la diversité et langues immigrées, Migrations Société 162, p. 51-70, https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2015-6-page-49.htm

    Boyer, H. (2013). Accueillir, intégrer, assimiler : définitions et éthique. À propos de l’accueil et de l’intégration des travailleurs handicapés en milieu professionnel, Dans Vie sociale et traitements 119, p. 106-111, https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2013-3-page-106.htm

    Calinon, A.-S. (2013). L’« intégration linguistique » en question, Langage et société 144, p. 27-40,https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2013-2-page-27.htm

    Délégation Générale à La Langue Française (éd.) (2005). L’intégration linguistique des immigrants adultes, https://www.culture.gouv.fr/content/download/93701/file/rencontres_2005_09_integration_migrant_adultes_def.pdf

    Di Bartolo, V., Rapport à « la langue et à la culture italiennes » chez de jeunes adultes issus de familles du Mezzogiorno immigrées en Vaud et en Savoie dans les années 50/60. Quels processus de transmission au croisement de la sphère privée et publique ?, thèse de doctorat en sociolinguistique sous la direction de Ph. Blanchet et A. Gohard-Radenkovic, universités Rennes 2 et Fribourg (Suisse), https://www.theses.fr/2021REN20031

    Eloy, J.-M. et al. (2003). Français, picard, immigrations. Une enquête épilinguistique, Paris : L’Harmattan.

    Étrillard, A. (2015). La migration britannique en Bretagne intérieure : une étude ethno-sociolinguistique des pratiques d’interaction et de socialisation, thèse de doctorat de sciences du langage sous la direction de Ph. Blanchet, université Rennes 2, https://www.theses.fr/2015REN20035

    Extramiana, C. (2012). Les politiques linguistiques concernant les adultes migrants : une perspective européenne. Dans Adami, H., & Leclercq, V. (Eds.), Les migrants face aux langues des pays d’accueil : Acquisition en milieu naturel et formation. Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion. doi :10.4000/books.septentrion.14075

    Gaspard, F. (1992). Assimilation, insertion, intégration : les mots pour "devenir français". Dans Hommes et Migrations1154, p. 14-23, www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1992_num_1154_1_1826

    Gout, M. (2015a). Le rapport entre langue et intégration à travers l’analyse comparative des dispositifs organisationnels des cours linguistiques d’intégration aux jeunes migrants hors obligation scolaire. Étude comparative des dispositifs en Allemagne, Belgique, France et Royaume Uni, Thèse de doctorat sous la direction de S. Clerc, Université d’Aix-Marseille. https://www.theses.fr/2015AIXM3038

    Gout, M. (2015b), Quatre approches didactiques pour la formation linguistique des migrants nouveaux arrivants. Dans Migrations Société 162, p. 139-154, https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2015-6-page-139.htm

    Hambye, Ph. et Romainville, A. S. (2013). Apprentissage du français et intégration, des évidences à interroger, Français et Société n°26-27.

    Mercier, E., 2021, Migrants et langue du pays d’accueil : les risques de transformer un droit en devoir, The Conversation, https://theconversation.com/migrants-et-langue-du-pays-daccueil-les-risques-de-transformer-un-d

    Ouabdelmoumen, N., (2014) Contractualisation des rapports sociaux : le volet linguistique du contrat d’accueil et d’intégration au prisme du genre, Thèse de doctorat en sciences du langage sous la direction de Ph. Blanchet, Université Rennes 2.

    Pradeau, C., 2021, Politiques linguistiques d’immigration et didactique du français pour les adultes migrants : regards croisés sur la France, la Belgique, la Suisse et le Québec, Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle.

    Vadot, M. (2017). Le français, langue d’« intégration » des adultes migrant·e·s allophones ? Rapports de pouvoir et mises en sens d’un lexème polémique dans le champ de la formation linguistique, Thèse de doctorat en sciences du langage sous la direction de J.-M. Prieur, Université Paul-Valéry Montpellier III, https://www.theses.fr/2017MON30053

    Vadot, M. (2022). L’accueil des adultes migrants au prisme de la formation linguistique obligatoire. Logiques de contrôle et objectifs de normalisation, Études de linguistique appliquée 205, p. 35-50, https://www.cairn.info/revue-ela-2022-1-page-35.htm

    [1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006422766

    [2] http://www.amoureuxauban.net

    [3] Le Haut Conseil à l’intégration a pour mission de « donner son avis et de faire toute proposition utile, à la demande du Premier ministre sur l’ensemble des questions relatives à l’intégration des résidents étrangers ou d’origine étrangère ».

    [4] Dont l’intitulé a comporté, de plus celui d’identité nationale de 2007 à 2010, cooccurrence significative.

    [5] https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212

    [6] https://www.culture.gouv.fr/Media/Thematiques/Langue-francaise-et-langues-de-France/fichiers/publications_dglflf/Langues-et-cite/Langues-et-cite-n-28-Les-langues-de-Guyane

    [7] https://www.slate.fr/story/121455/danemark-test-citoyennete-culture-generale-naturalisation

    [8] NB : Ce texte est une version développée d’un article publié dans The conversation le 20 juin 2023, lors de l’annonce du projet de loi (https://theconversation.com/non-la-langue-francaise-nest-pas-une-condition-a-lintegration-des-m)

    https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/061123/le-projet-de-loi-immigration-instrumentalise-la-langue-pour-rejeter-
    #loi_immigration #France #sociolinguistique #intégration #Français_Langue_d’Intégration #obligation #langue_officielle #preuve_d'intégration #intégration_linguistique #citoyenneté #naturalisation #droit_de_séjour #assimilation #nationalisme #instrumentalisation #rejet #vie_sociale #discrimination_glottophobe #glottophobie #discriminations #xénophobie #racisme

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  • Au Sénat, la crise politique couve autour du projet de loi « immigration »
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/06/au-senat-la-crise-politique-couve-autour-du-projet-de-loi-immigration_619845

    Au Sénat, la crise politique couve autour du projet de loi « immigration »
    Par Mariama Darame et Julia Pascual
    Le projet de loi « immigration » peut-il déboucher sur une crise politique ? Derrière les déclarations de principes, c’est le scénario redouté par une partie de l’exécutif et des parlementaires.
    Ajourné à maintes reprises depuis son annonce à l’été 2022, l’examen du texte porté par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, démarre en séance publique, lundi 6 novembre, au Sénat. Sans que personne ne sache s’il trouvera un point d’atterrissage à l’issue des débats, qui doivent durer jusqu’au 14 novembre, jour du vote solennel. « Il y a un compromis politique à trouver », a déclaré M. Darmanin, le 5 novembre sur France 2. Convaincu qu’une « voie de passage » existe, il s’est déclaré « opposé » au recours à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet de faire adopter un texte sans vote.
    Ce texte – qui sera la seconde loi portant sur l’immigration sous la présidence d’Emmanuel Macron, soucieux de répondre à ce qu’il considère être une attente des Français – a été présenté par l’exécutif comme tenant d’un équilibre entre une jambe droite et une jambe gauche. Au titre de la première, il prévoit de faire sauter des protections à l’éloignement, en particulier celles applicables aux étrangers arrivés en France avant l’âge de 13 ans, y résidant depuis plus de vingt ans ou depuis plus de dix ans et étant conjoints ou parents de Français. Il entend aussi accélérer l’instruction des demandes d’asile, simplifier le contentieux administratif en droit des étrangers ou encore conditionner l’obtention d’une carte de séjour pluriannuelle à la maîtrise d’un niveau minimal de français. Sa jambe gauche repose, elle, sur deux mesures principales : la simplification des régularisations des travailleurs sans papiers et l’autorisation de travailler pour certains demandeurs d’asile. (...)A droite, où l’on défend désormais une réforme de la Constitution et une remise en cause des traités européens, ce texte est vu comme « une synthèse des contraires ». « On ne peut pas à la fois vouloir expulser plus tout en régularisant massivement des clandestins », clame Bruno Retailleau, le président du groupe LR au
    A gauche, le discours offensif du ministre de l’intérieur au lendemain de l’attentat d’Arras, au cours duquel un jeune homme originaire du Caucase russe ayant grandi en France a tué un professeur et blessé trois autres personnes, a achevé de convaincre que l’équilibre du texte initial était un « leurre ». « Depuis Arras, M. Darmanin instrumentalise le texte “immigration” en prétendant que, s’il avait été adopté, l’attentat ne se serait pas produit. Il se fabrique une protection à l’encontre de toute mise en cause de sa responsabilité. Or il n’a pas eu le courage de dire que le risque zéro n’existe pas », estime la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de La Gontrie.
    Si M. Darmanin a toujours assumé vouloir faire voter son texte grâce à l’appui des parlementaires de LR, il se retrouve aujourd’hui face à une droite qui rechigne à sceller un accord sur une thématique devenue l’un de ses seuls marqueurs de différenciation, après son soutien en dent de scie sur la réforme des retraites et à quelques mois des élections européennes où elle redoute la concurrence de l’extrême droite. D’autant qu’une grande partie des élus de LR vouent une hostilité grandissante au ministre de l’intérieur, perçu comme un concurrent pour l’échéance présidentielle de 2027.
    Résultat : M. Darmanin a beau se dire chaque jour davantage ouvert au « compromis » avec la droite, cette dernière n’a cessé de faire monter les enchères sans jamais se satisfaire des concessions accordées. « On risque de revivre le scénario de la réforme des retraites : tout donner aux LR pour n’avoir aucune voix en retour », s’inquiète le président du groupe macroniste au Sénat, François Patriat. A la veille des débats au Palais du Luxembourg, le président de la République, Emmanuel Macron, a fait savoir aux chefs de parti dans un courrier, dimanche, son intention d’aborder avec eux, lors d’une nouvelle rencontre à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 17 novembre, l’élargissement du champ du référendum aux « questions sociétales », dont les enjeux migratoires. Une demande de modification de l’article 11 de la Constitution formulée par LR et par le Rassemblement national. (...) La droite fait pour sa part du maintien de l’article 3 du projet de loi « immigration » – simplifiant la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers qui peinent à recruter – une ligne rouge. Aujourd’hui, cette régularisation relève d’une mesure exceptionnelle laissée à la discrétion des préfets. Des critères d’appréciation leur sont indiqués dans une circulaire ministérielle de 2012, qui permet de régulariser autour de 7 000 salariés chaque année. Ces derniers doivent par exemple prouver trois années de présence sur le territoire français, fournir vingt-quatre fiches de paie attestant de leur activité professionnelle et leur employeur doit signer une promesse d’embauche.L’article 3 simplifie le dispositif et permettrait à un travailleur d’être régularisé de plein droit dès lors qu’il cumule trois ans de présence en France et huit fiches de paie, sans être nécessairement accompagné par son patron. Le ministère de l’intérieur défend la fin d’une forme d’« esclavage moderne », la droite y voit la porte ouverte à une régularisation massive. « C’est un chiffon rouge qui est là simplement pour séduire l’aile gauche [de la majorité] mais qui est une brèche qui va ruiner tous les autres efforts faits sur ce texte », martèle Bruno Retailleau. L’article 3 est devenu un totem politique. LR jure qu’il ne votera pas le texte s’il est maintenu, tandis que, s’il est retiré, c’est l’aile gauche de la Macronie qui menace de bloquer l’adoption de la loi.
    En attendant, tout à son souhait de voir aboutir un vote, l’exécutif a laissé la commission des lois du Sénat – dominée par la droite et le centre – muscler considérablement le volet répressif du texte début mars. Ce dernier est ainsi passé de vingt-sept à quarante-huit articles. Quelque soixante-dix amendements ont notamment été adoptés qui prévoient la suppression de l’aide médicale d’Etat – un panier de soins pour les sans-papiers – au profit d’une « aide médicale d’urgence », la restriction des conditions d’acquisition de la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers, le resserrement des critères du regroupement familial ou encore de l’accès au titre « étranger malade ». Une transformation à laquelle souscrit largement l’exécutif. L’examen en séance publique devrait être à nouveau l’occasion pour la majorité de droite et du centre de redessiner le texte à son image. Les quelque 640 amendements déposés par les sénateurs augurent de débats intenses et le projet de loi pourrait tripler de volume à l’issue des discussions au Palais du Luxembourg. Mais l’inconnue autour du devenir de l’article 3 reste entière. Le gouvernement s’est dit plusieurs fois prêt à sa réécriture, pour amoindrir sa portée. En somme : plutôt que de prévoir une régularisation de plein droit, une circulaire serait créée, qui laisserait aux préfets leur entier pouvoir discrétionnaire en matière d’admission exceptionnelle au séjour.
    Une solution moins-disante qui a le mérite de séduire une partie de la majorité sénatoriale, sans trop heurter l’aile gauche de la Macronie, attachée à une inscription de la mesure dans la loi. Le président du groupe centriste au Sénat, Hervé Marseille, a d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, qualifié, Place Beauvau, de « compromis acceptable ».
    Mais, dans le même temps, Bruno Retailleau a déposé, lui, un amendement de suppression. « S’ils assouplissent les conditions de la régularisation, ça ne passera pas non plus pour nous », prévient-il. De quoi faire voler en éclat la majorité sénatoriale ?« A l’heure présente, il n’y a pas d’accord sur l’article 3, souligne Philippe Bonnecarrère. Il n’y a pas d’accord entre le Sénat et le gouvernement. Il n’y a pas d’accord au niveau de la majorité sénatoriale. » « Les prochaines quarante-huit heures vont être décisives », abonde Hervé Marseille. Le gouvernement pourrait également renvoyer la discussion des articles 3 et 4 – ce dernier vise à exempter certains demandeurs d’asile d’une période de carence de six mois avant de travailler – à la fin de la semaine afin de mener d’ultimes négociations avec le chef de file de la droite sénatoriale, M. Retailleau.
    Dans ce contexte, la possibilité que le projet de loi, durci dans sa quasi-totalité par les amendements des LR et des centristes soit finalement rejeté par une alliance de circonstance entre la droite et la gauche n’est pas négligeable. « Ce serait quand même par principe un échec du gouvernement, mais ce serait aussi un échec du Sénat », s’alarme le président (LR) de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet, dont le rapport, en mai 2022, a servi d’inspiration au texte « immigration ».
    A mots couverts, des élus centristes et de droite pointent du doigt la démarche « jusqu’au-boutiste » de M. Retailleau, qui pourrait ébranler dans son sillage l’alliance entre la droite et les centristes au Sénat, et par là même fragiliser la position de son président (LR), Gérard Larcher. Ce dernier s’inquiète de débats qui mettraient en scène les divisions de sa majorité et, au-delà, d’une forme d’instabilité institutionnelle générée par l’absence de texte au Sénat, en miroir d’une Assemblée nationale dépourvue de majorité absolue.

    #Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#senat#regularisation#metierentension#nationalite#immigration#droit#sante

  • Crise capitaliste au moyen orient | Guillaume Deloison
    https://guillaumedeloison.wordpress.com/2018/10/08/dawla-crise-capitaliste-au-moyen-orient

    ISRAËL ET PALESTINE – CAPITAL, COLONIES ET ÉTAT

    Le conflit comme Histoire

    A la fin des guerres napoléoniennes, certaines parties du Moyen-Orient se retrouvèrent envahies par le nouveau mode de production capitaliste. Dans cette région, l’industrie textile indigène, surtout en Egypte, fut détruite par les textiles anglais bon marché dans les années 1830. Dès les années 1860, les fabricants britanniques avaient commencé à cultiver le coton le long du Nil. En 1869, on ouvrit le canal de Suez dans le but de faciliter le commerce britannique et français. Conformément à cette modernisation, on peut dater les origines de l’accumulation primitive en #Palestine à la loi de l’#Empire_ottoman de 1858 sur la #propriété_terrienne qui remplaçait la propriété collective par la propriété individuelle de la terre. Les chefs de village tribaux se transformèrent en classe de propriétaires terriens qui vendaient leurs titres aux marchands libanais, syriens, égyptiens et iraniens. Pendant toute cette période, le modèle de développement fut surtout celui d’un développement inégal, avec une bourgeoisie étrangère qui prenait des initiatives et une bourgeoisie indigène, si l’on peut dire, qui restait faible et politiquement inefficace.

    Sous le #Mandat_britannique, de nombreux propriétaires absentéistes furent rachetés par l’Association de colonisation juive, entraînant l’expulsion de métayers et de fermiers palestiniens. Étant donné que les dépossédés devaient devenir #ouvriers_agricoles sur leurs propres terres, une transformation décisive des relations de production commençait, conduisant aux premières apparitions d’un #prolétariat_palestinien. Ce processus eut lieu malgré une violente opposition de la part des #Palestiniens. Le grand tournant dans une succession de #révoltes fut le soulèvement de #1936-1939. Son importance réside dans le fait que « la force motrice de ce soulèvement n’était plus la paysannerie ou la bourgeoisie, mais, pour la première fois, un prolétariat agricole privé de moyens de travail et de subsistance, associé à un embryon de classe ouvrière concentrée principalement dans les ports et dans la raffinerie de pétrole de Haïfa ». Ce soulèvement entraîna des attaques contre des propriétaires palestiniens ainsi que contre des colons anglais et sionistes. C’est dans le même temps que se développa le mouvement des #kibboutz, comme expérience de vie communautaire inspiré notamment par des anarchistes comme Kropotkine, s’inscrivant dans le cadre du sionisme mais opposées au projet d’un état.

    La Seconde Guerre mondiale laissa un héritage que nous avons du mal à imaginer. L’implantation des juifs en Palestine, déjà en cours, mais de faible importance entre 1880 et 1929, connaît une augmentation dans les années 1930 et puis un formidable élan dans l’après-guerre ; de ce processus naquit #Israël. Le nouvel Etat utilisa l’appareil légal du Mandat britannique pour poursuivre l’expropriation des Palestiniens. La #prolétarisation de la paysannerie palestinienne s’étendit encore lors de l’occupation de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza en 1967. Cette nouvelle vague d’accumulation primitive ne se fit pas sous la seule forme de l’accaparement des #terres. Elle entraîna aussi le contrôle autoritaire des réserves d’#eau de la Cisjordanie par le capital israélien par exemple.

    Après la guerre de 1967, l’Etat israélien se retrouvait non seulement encore entouré d’Etats arabes hostiles, mais aussi dans l’obligation de contrôler la population palestinienne des territoires occupés. Un tiers de la population contrôlée par l’Etat israélien était alors palestinienne. Face à ces menaces internes et externes, la survie permanente de l’Etat sioniste exigeait l’unité de tous les Juifs israéliens, occidentaux et orientaux. Mais unir tous les Juifs derrière l’Etat israélien supposait l’intégration des #Juifs_orientaux, auparavant exclus, au sein d’une vaste colonie de travail sioniste. La politique consistant à établir des colonies juives dans les territoires occupés est un élément important de l’extension de la #colonisation_travailliste sioniste pour inclure les Juifs orientaux auparavant exclus. Bien entendu, le but immédiat de l’installation des #colonies était de consolider le contrôle d’Israël sur les #territoires_occupés. Cependant, la politique de colonisation offrait aussi aux franges pauvres de la #classe_ouvrière_juive un logement et des emplois qui leur permettaient d’échapper à leur position subordonnée en Israël proprement dit. Ceci ne s’est pas fait sans résistance dans la classe ouvrière Israélienne, certain s’y opposaient comme les #Panthéres_noire_israélienne mais l’#Histadrout,« #syndicat » d’Etat et employeur important s’efforçait d’étouffer les luttes de la classe ouvrière israélienne, comme par exemple les violents piquets de grève des cantonniers.

    En 1987, ce sont les habitants du #camp_de_réfugiés de Jabalya à Gaza qui furent à l’origine de l’#Intifada, et non l’#OLP (Organisation de Libération de la Palestine) composé par la bourgeoisie Palestinienne, basée en Tunisie et complètement surprise. Comme plus tard en 2000 avec la seconde intifada, ce fut une réaction de masse spontanée au meurtre de travailleurs palestiniens. A long terme, l’Intifada a permis de parvenir à la réhabilitation diplomatique de l’OLP. Après tout, l’OLP pourrait bien être un moindre mal comparée à l’activité autonome du prolétariat. Cependant, la force de négociation de l’OLP dépendait de sa capacité, en tant que « seul représentant légitime du peuple palestinien », à contrôler sa circonscription, ce qui ne pouvait jamais être garanti, surtout alors que sa stratégie de lutte armée s’était révélée infructueuse. Il était donc difficile pour l’OLP de récupérer un soulèvement à l’initiative des prolétaires, peu intéressés par le nationalisme, et qui haïssaient cette bourgeoisie palestinienne presque autant que l’Etat israélien.

    Quand certaines personnes essayèrent d’affirmer leur autorité en prétendant être des leaders de l’Intifada, on raconte qu’un garçon de quatorze ans montra la pierre qu’il tenait et dit : « C’est ça, le leader de l’Intifada. » Les tentatives actuelles de l’Autorité palestinienne pour militariser l’Intifada d’aujourd’hui sont une tactique pour éviter que cette « anarchie » ne se reproduise. L’utilisation répandue des pierres comme armes contre l’armée israélienne signifiait qu’on avait compris que les Etats arabes étaient incapables de vaincre Israël au moyen d’une guerre conventionnelle, sans parler de la « lutte armée » de l’OLP. Le désordre civil « désarmé » rejetait obligatoirement « la logique de guerre de l’Etat » (bien qu’on puisse aussi le considérer comme une réaction à une situation désespérée, dans laquelle mourir en « martyr » pouvait sembler préférable à vivre dans l’enfer de la situation présente). Jusqu’à un certain point, le fait de lancer des pierres déjouait la puissance armée de l’Etat d’Israël.

    D’autres participants appartenaient à des groupes relativement nouveaux, le #Hamas et le #Jihad_Islamique. Pour essayer de mettre en place un contrepoids à l’OLP, Israël avait encouragé la croissance de la confrérie musulmane au début des années 1980. La confrérie ayant fait preuve de ses sentiments anti-classe ouvrière en brûlant une bibliothèque qu’elle jugeait être un » foyer communiste « , Israël commença à leur fournir des armes.

    D’abord connus comme les « accords Gaza-Jéricho », les accords d’Oslo fit de l’OLP l’autorité palestinienne. Le Hamas a su exploiter ce mécontentement tout en s’adaptant et en faisant des compromis. Ayant rejeté les accords d’Oslo, il avait boycotté les premières élections palestiniennes issues de ces accords en 1996. Ce n’est plus le cas désormais. Comme tous les partis nationalistes, le Hamas avec son discours religieux n’a nullement l’intention de donner le pouvoir au peuple, avec ou sans les apparences de la démocratie bourgeoise. C’est d’ailleurs ce qu’il y a de profondément commun entre ce mouvement et l’OLP dans toutes ses composantes : la mise en place d’un appareil politico-militaire qui se construit au cours de la lutte, au nom du peuple mais clairement au-dessus de lui dès qu’il s’agit de prendre puis d’exercer le pouvoir. Après plusieurs années au gouvernement, le crédit du Hamas est probablement et selon toute apparence bien entamé, sans que personne non plus n’ait envie de revenir dans les bras du Fatah (branche militaire de l’OLP). C’est semble-t-il le scepticisme, voire tout simplement le désespoir et le repli sur soi, qui semblent l’emporter chaque jour un peu plus au sein de la population.

    Le sionisme, un colonialisme comme les autres ?

    Dans cette situation, la question de déterminer les frontières de ce qui délimiterait un État israélien « légitime » est oiseuse, tant il est simplement impossible : la logique de l’accaparement des territoires apparaît inséparable de son existence en tant qu’État-nation. S’interroger dans quelle mesure l’État israélien est plus ou moins « légitime » par rapport à quelque autre État, signifie simplement ignorer comment se constituent toujours les États-nations en tant qu’espaces homogènes.

    Pour comprendre la situation actuelle il faut appréhender la restructuration générale des rapports de classes à partir des années 1970. Parallèlement aux deux « crises pétrolières » de 1973-74 et 1978-80, à la fin du #nationalisme_arabe et l’ascension de l’#islamisme, la structure économique et sociale de l’État d’Israël change radicalement. Le #sionisme, dans son strict sens, fut la protection et la sauvegarde du « travail juif », soit pour le capital israélien, contre la concurrence internationale, soit pour la classe ouvrière contre les prolétaires palestiniens : ce fut en somme, un « compromis fordiste » post-1945, d’enracinement d’une fraction du capital dans dans un État-nation. Le sionisme impliquait qu’il donne alors à l’État et à la société civile une marque de « gauche » dans ce compromis interclassiste et nationaliste. C’est ce compromis que le Likoud a progressivement liquidé ne pouvant plus garantir le même niveau de vie au plus pauvres. Pourtant la définition d’Israël comme « État sioniste » résiste. Agiter des mots comme « sioniste », « lobby », etc. – consciemment ou pas – sert à charger l’existence d’Israël d’une aire d’intrigue, de mystère, de conspiration, d’exceptionnalité, dont il n’est pas difficile de saisir le message subliminal : les Israéliens, c’est-à-dire les Juifs, ne sont pas comme les autres. Alors que le seul secret qu’il y a dans toute cette histoire, c’est le mouvement du capital que peu regardent en face. La concurrence généralisé, qui oppose entre eux « ceux d’en haut » et aussi « ceux d’en bas ». L’aggravation de la situation du prolétariat israélien et la quart-mondialisation du prolétariat palestinien appartiennent bien aux mêmes mutations du capitalisme israélien, mais cela ne nous donne pour autant les conditions de la moindre « solidarité » entre les deux, bien au contraire. Pour le prolétaire israélien, le Palestinien au bas salaire est un danger social et de plus en plus physique, pour le prolétaire palestinien les avantages que l’Israélien peut conserver reposent sur son exploitation, sa relégation accrue et l’accaparement des territoires ».

    La #solidarité est devenue un acte libéral, de conscience, qui se déroule entièrement dans le for intérieur de l’individu. Nous aurons tout au plus quelques slogans, une manifestation, peut-être un tract, deux insultes à un flic… et puis tout le monde rentre chez soi. Splendeur et misère du militantisme. Entre temps, la guerre – traditionnelle ou asymétrique – se fait avec les armes, et la bonne question à se poser est la suivante : d’où viennent-elles ? Qui les paye ? Il fut un temps, les lance-roquettes Katioucha arrivaient avec le « Vent d’Est ». Aujourd’hui, pour les Qassam, il faut dire merci à la #Syrie et à l’#Iran. Il fut un temps où l’on pouvait croire que la Révolution Palestinienne allait enflammer le Tiers Monde et, de là, le monde entier. En réalité le sort des Palestiniens se décidait ailleurs, et ils servirent de chair à canon à l’intérieur des équilibres de la #Guerre_Froide. Réalité et mythe de la « solidarité internationale ».

    Nous savons trop bien comment la #religion peut être « le soupir de la créature opprimée, le sentiment d’un monde sans cœur » (Karl Marx, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel). Mais cette généralité vaut en Palestine, en Italie comme partout ailleurs. Dans le Proche et Moyen-Orient, comme dans la plupart des pays arabes du bassin méditerranéen, l’islamisme n’est pas une idéologie tombée du ciel, elle correspond à l’évolution des luttes entre les classes dans cette zone, à la fin des nationalisme arabe et la nécessité de l’appareil d’état pour assurer l’accumulation capitaliste. Le minimum, je n’ose même pas dire de solidarité, mais de respect pour les prolétaires palestiniens et israeliens, nous impose tout d’abord d’être lucides et sans illusions sur la situation actuelle ; de ne pas considérer le prolétariat palestinien comme des abrutis qui se feraient embobiner par le Hamas ni comme des saints investi par le Mandat du Ciel Prolétarien ; de ne pas considérer le prolétariat israélien comme des abruti qui serait simplement rempli de haine envers les palestinien ni comme des saint dont la situation ne repose pas sur l’exploitation d’autres. L’#antisionisme est une impasse, tout comme l’#antimondialisme (défense du #capital_national contre le capital mondialisé), ou toutes les propositions de gestion alternative du capital, qui font parties du déroulement ordinaire de la lutte des classe sans jamais abolir les classes. Sans pour autant tomber dans un appel à la révolution globale immédiate pour seule solution, il nous faut partir de la réalité concrètes et des divisions existantes du mode de production, pour s’y attaquer. Le communisme n’est pas le fruit d’un choix, c’est un mouvement historique. C’est avec cette approche que nous cherchons à affronter cette question. Il en reste pas moins que désormais – à force de réfléchir a partir de catégories bourgeoises comme « le droit », « la justice » et « le peuple » – il n’est pas seulement difficile d’imaginer une quelconque solution, mais il est devenu quasi impossible de dire des choses sensées à cet égard.

    (version partiellement corrigée de ses erreurs typo et orthographe par moi)

  • Patrick Boucheron : « Le temps impose parfois à l’historien d’entrer dans la mêlée »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/03/patrick-boucheron-le-temps-impose-parfois-a-l-historien-d-entrer-dans-la-mel

    Si un dirigeant occidental n’a pas l’âge du président américain, Joe Biden, il verra donc les conséquences de ses actes ; ou plus précisément de l’absence de ses actes. Et peut-être même sera-t-il jugé. Auparavant, il y avait toujours plus urgent que l’urgence climatique. Nous sommes maintenant dans un moment stupéfiant où ce qu’on pensait inaccessible est désormais à notre portée : on peut agir dans les temps et en percevoir le bénéfice immédiat, ce qui devrait faciliter la décision politique.
    [...]
    Mais cessons là. Je tente de me désintoxiquer de cette indignation morale que suscite en moi l’arrogance de ceux qui nous gouvernent. Ce n’est pas si facile, car je n’ai pas l’expérience d’un gouvernement qui ait à ce point méprisé les sciences sociales, l’université, l’exercice collectif de l’intelligence, le mouvement social : tant de suffisance pour tant d’insuffisances.
    [...]
    l’effondrement de l’esprit public, qui passe notamment par la barbarie télévisuelle, la mainmise de groupes financiers sur l’information et le saccage de la diversité culturelle, est un préalable à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Et que celle-ci produit toujours une fatigue des défenses démocratiques de la société, et même une obéissance anticipée à ses penchants autoritaires, par le traitement indigne qu’elle réserve aux populations immigrées. Voilà pourquoi la question des réfugiés me semble un des dossiers critiques de notre temps, celui sur lequel nous serons jugés.

    #Macron #changement_climatique #extrême_droite #histoire

  • La Question d’Israël, Olivier Tonneau
    https://blogs.mediapart.fr/olivier-tonneau/blog/161023/la-question-disrael

    La violence qui s’abat sur Gaza appelle à une condamnation sans faille d’Israël. Elle suscite également pour l’Etat hébreu une haine qui exige, en revanche, d’être soumise à l’analyse.

    Ce texte mûrit depuis des années. J’aurais préféré ne pas l’écrire en des temps de fureur et de sang mais sans l’effroi de ces derniers jours, je ne m’y serais peut-être jamais décidé.
    Effroi devant les crimes du #Hamas : j’ai repris contact avec Noam, mon témoin de mariage perdu de vue depuis des années qui vit à Tel Aviv, pour m’assurer qu’il allait bien ainsi que ses proches. Effroi devant les cris de joie poussés par tout ce que mon fil Facebook compte d’ « #antisionistes », puis par le communiqué du #NPA accordant son soutien à la résistance palestinienne quelques moyens qu’elle choisisse – comme si la #guerre justifiait tout et qu’il n’existait pas de #crimes_de_guerre.
    Effroi, ensuite, face aux réactions des #médias français qui, refusant absolument toute contextualisation de ces crimes, préparaient idéologiquement l’acceptation de la répression qui s’annonçait. Effroi face à cette répression même, à la dévastation de #Gaza. Effroi d’entendre Netanyahou se vanter d’initier une opération punitive visant à marquer les esprits et les corps pour des décennies, puis son ministre qualifier les #Gazaouis d’animaux. Ainsi les crimes commis par le Hamas, que seule une mauvaise foi éhontée peut séparer des violences infligées par le gouvernement d’extrême-droite israélien aux #Palestiniens, servent de prétexte au durcissement de l’oppression qui les a engendrés. Effroi, enfin, face au concert d’approbation des puissances occidentales unanimes : les acteurs qui seuls auraient le pouvoir de ramener #Israël à la raison, qui d’ailleurs en ont la responsabilité morale pour avoir porté l’Etat Hébreu sur les fonts baptismaux, l’encouragent au contraire dans sa démence suicidaire.

    Je veux dans ce texte dire trois choses. Les deux premières tiennent en peu de mots. D’abord, ceux qui hurlent de joie face au #meurtre_de_civils ont perdu l’esprit. Je n’ose imaginer ce qui se passe dans celui de victimes d’une oppression soutenue ; quant aux #militants regardant tout cela de France, ils ont en revanche perdu toute mon estime. Cependant – c’est la deuxième chose – si la qualification des actes du #Hamas ne fait aucun doute, un crime s’analyse, même en droit, dans son contexte. Or si la responsabilité des agents est toujours engagée, elle ne délie nullement Israël de sa responsabilité écrasante dans la mise en œuvre d’occupations, de répressions, de violences propres à susciter la haine et la folie meurtrière. Qui plus est, Israël étant dans l’affaire la puissance dominante a seule les moyens de transformer son environnement. Le gouvernement Israélien est cause première de la folie meurtrière et premier responsable de l’accélération du cycle infernal. Qu’il y eût une troisième chose à dire, c’est ce qui m’est apparu en lisant dans un tweet de Louis Boyard : 
    « Il est hors de question que je me penche sur la question d’Israël (…). L’Etat d’Israël est une terre « volée » à la Palestine qu’ils le veuillent ou non ».

    Ce sont là propos parfaitement banals de la part des antisionistes d’aujourd’hui. Ils ont le mérite de dire crûment que la critique d’Israël, au-delà des actes barbares commis par son gouvernement, porte sur le fondement même de l’Etat hébreu dont on aurait tout dit une fois rappelé qu’il s’est fondé sur le « vol » d’une terre. Cette attitude est à mes yeux irresponsable et même choquante. Comment ne pas entendre l’écho assourdissant de la vieille « question juive » dans la formule « question d’Israël » ? Aussi l’enjeu principal de ce texte, qui exige un développement d’une certaine longueur, est cette question même.

    ... « la #colonisation travaille à déciviliser le #colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la #haine_raciale, au relativisme moral » (Aimé Césaire)

    ... « La référence permanente au génocide des Juifs d’Europe et l’omniprésence de ces terribles images fait que, si la réalité du rapport de forces rend impossible l’adoption des comportements des victimes juives, alors on adopte, inconsciemment ou en général, les comportements des massacreurs du peuple juif : on marque les Palestiniens sur les bras, on les fait courir nus, on les parque derrière des barbelés et des miradors, on s’est même servi pendant un cours moment de Bergers Allemands. » #Michel_Warschawski

    ... le gouvernement israélien ne fonde pas sa sécurité sur le désarmement du Hamas mais sur le traumatisme des Palestiniens dans leur ensemble, ces « animaux » auxquels on promet un châtiment qui rentrera dans l’histoire – comme s’il était temps de leur offrir, à eux aussi, l’impérissable souvenir d’un holocauste....

    ... « Encore une victoire comme celle-là et nous sommes perdus » (Ahron Bregman)

    ... si deux millions de pieds-noirs ont pu retraverser la Méditerranée, deux cent cinquante mille colons peuvent repasser la ligne verte : c’est une question de volonté politique.

    #toctoc #nationalisme #génocide #déshumanisation_de_l’autre #juifs #israéliens #Intifada #11_septembre_2001 #Patriot_Act #histoire #utopie #paix #Henry_Laurens #Edward_Saïd #Maxime_Rodinson #Ahron_Bregman #Henryk_Erlich #Emmanuel_Szerer #Bund #POSDR #URSS #fascisme #nazisme #Vladimir_Jabotinsky #sionisme #Etats-Unis #Grande-Bretagne #ONU #Nakba #Arthur_Koestler #Albert_Memmi #libération_nationale #Shlomo_Sand #Ilan_Pappe #apartheid #loi_militaire #antisémitisme #diaspora_juive #disapora #religion #fascisme_ethniciste

  • Quand les autorités israéliennes font du révisionnisme
    https://contre-attaque.net/2023/10/30/quand-les-autorites-israeliennes-font-du-revisionnisme

    C’est un phénomène grave dont on ne parle pas assez : le révisionnisme voire le négationnisme de la Shoah propagé par les autorités israéliennes elles-mêmes. On entend sans cesse depuis le 7 octobre que le Hamas serait l’équivalent du nazisme, voire même « pire » que les nazis selon cet ambassadeur.

    Le nazisme étant le curseur ultime de la barbarie, il serait donc légitime de bombarder massivement Gaza, comme l’ont été les villes allemandes à la fin de la guerre. Les pro-Israël utilisent souvent la comparaison avec Dresde, ville allemande quasiment rasée par les alliés pour justifier la destruction de Gaza.

    Si les palestiniens sont nazis, on peut leur faire la même chose que le sort réservé à l’Allemagne en 1944 et 45. L’ancien Premier ministre Naftali Bennett précise cette idée : « Ce sont des animaux. Nous devons les appréhender comme s’ils étaient des nazis. Ce que nous ferions aux nazis, nous devons le faire à leur encontre ».

    D’abord, il faut rappeler que les bombardements massifs de civils il y a 80 ans contre le Japon et l’Allemagne étaient déjà des crimes de guerre. Rien ne justifiait l’envoi de bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, ni de brûler Tokyo, ni d’envoyer des forteresses volantes raser des métropoles allemandes et tuer leurs habitants, ni même les massacres et viols de masse à Berlin lorsque la ville est tombée aux mains des Alliés. Reproduire cela en 2023 est tout aussi injustifiable.

    Plus grave, cette comparaison n’a aucun sens. Mettre sur le même plan la population civile de Gaza, qui est assiégée entre 4 murs dans une petite zone, affamée, privée d’eau, et recevant un tapis de bombe sans pouvoir s’abriter nulle part, et le Troisième Reich totalitaire, qui dominait le monde, avait une armée surpuissante et dont le régime est responsable de dizaines de millions de morts dont un génocide est une abjection.

    Hitler a planifié l’extermination des juifs et des tziganes d’Europe. Les persécutions de juifs en Allemagne, puis la Shoah par balle, des bataillons chargés de massacres systématiques en Europe de l’Est, puis un réseau de camp de concentration et d’extermination. Un génocide mécanique, industriel, planifié, de femmes, d’enfants, de vieillards, justifié par l’idée qu’une “race de seigneurs” devait dominer le monde en éliminant les races “inférieures”.

    Qu’y-a-t-il de commun avec une population colonisée depuis 75 ans, sans État, sans armée, sans soutiens diplomatiques ni véritables moyens militaires ? Rien. Ni sur le fond, ni sur la forme.

    Ces propos portent un nom : c’est du révisionnisme pur et simple, relativisant les crimes nazis, y compris les camps de la mort. Ce révisionnisme est puni par la loi en France.

    L’historien Michael Berenbaum de l’American Jewish University en Californie explique dans le Times of Israël : « L’ennemi n’a ni la puissance, ni les infrastructures de l’Allemagne nazie qui avait conquis la plus grande partie de l’Europe continentale. Et Israël est un pays puissant, il n’est pas sans défense ».

    Dans la bouche de responsables israéliens, cette comparaison honteuse n’est pas uniquement un élément de propagande visant à justifier l’élimination de la population palestinienne. C’est un projet idéologique néofasciste.

    En 2015, Netanyahou déclarait déjà : « Hitler ne souhaitait pas exterminer les juifs », affirmant que les palestiniens seraient les vrais responsables de la Shoah. C’est évidemment complètement faux, Hitler, obsédé par la hiérarchie raciale, puisait son programme dans l’antisémitisme européen et avait annoncé ses projets exterminateurs bien avant la guerre. Mais en mentant ainsi, l’extrême droite israélienne déresponsabilise l’extrême droite européenne, elle l’absout de ses crimes.

    En disant cela, Netanyahou allait plus loin que Jean-Marie Le Pen ou que les néo-nazis européens dans la négation de ce qu’était la Shoah. Si les nazis sont « moins pires » qu’un peuple colonisé qui se fait écraser à chaque nouveau conflit, alors finalement, les nazis n’étaient pas si méchants. Faurisson, Soral et autres antisémites peuvent se frotter les mains de telles déclarations.

    Ce discours vient relégitimer l’extrême droite la plus radicale, qui ne s’y trompe pas. Le RN, fondé par des Vichystes, fait corps derrière Israël. Comme Zemmour qui a réhabilité Pétain tout en soutenant Netanyahou. Ce révisionnisme symbolise l’union sacrée des fascismes européens et israéliens.

    C’est par ce renversement sidérant que « l’arc républicain » se retourne : la gauche qui est issue de la résistance est qualifiée de « complice du terrorisme » pendant que la vieille droite antisémite est validée par la caste politico-médiatique qui soutient Israël.

    Au détriment de la vérité historique, des valeurs les plus élémentaires d’humanité, mais aussi du peuple juif, dont les souffrances sont relativisées.

    • c’est une escroquerie intellectuelles de négationnistes du génocide nazi des juifs que de s’être revendiqué d’un révisionnisme qui est une norme d’un travail historique inéluctablement conduit à remettre en cause ses approches et ses résultats.
      le terme révisionniste était par ailleurs utilisé par le marxisme léninisme pour condamner des déviations idéologiques.
      pour sortir de la confusions, Pierre Vidal-Naquet a forgé le néologisme « négationnisme » afin de caractériser les négateurs du génocide des juifs par les nazis, une négation qui prend de multiples formes, fausse question ("les chambres à gaz ont-elle existes ?" cf. faurissonneries), allusions et blagues diverses destinées à masquer l’antisémitisme, relativisation et minimisation des faits historiques, comme c’est le cas de quelques (?) voix israéliennes prééminentes.

      #abjection #nationalisme #négationnisme #négationnisme_israélien #fascisme #racisme #génocide #Gaza

  • Un cas d’école de génocide | Raz Segal
    https://cabrioles.substack.com/p/un-cas-decole-de-genocide-raz-segal

    · Note de Cabrioles : Nous aurions aimé ces denières semaines trouver les forces nécessaires pour visibiliser la situation palestinienne tout en réalisant un dossier sur la pandémie dans le contexte colonial palestinien.

    Nous aurions sûrement traduit des articles de The Pandemic and #Palestine_, le numéro du _Journal of Palestine Studies de 2020 dédié à la #pandémie. Peut-être des extraits de l’interview que sa coordinatrice Danya Qato avait donné à nos camarades de Death Panel. Fouiller dans les articles de Nadia Naser-Najjab qui a donné une conférence The Darkest Side of #Covid-19 in Palestine et publiera en 2024 un livre intitulé Covid-19 in Palestine, The Settler Colonial Context. Enfin nous vous aurions invité à relire l’interview de Danya Cato traduite en 2020 dans À l’encontre et cet article d’ACTA paru en avril 2020 : Le peuple palestinien entre pandémie, harcèlement colonial et autodéfense sanitaire.

    Mais ces forces nous font pour le moment défaut. Pour autant nous ne pouvons nous taire sur ce qui se passe au Moyen Orient ces dernières semaines. Notre voix est faible, mais dans ces moments d’effondrement général il semblerait que chaque voix compte. La pandémie de Covid-19 nous a mis face à deux phénomènes majeurs : la production industrielle de l’insensibilisation à la mort de masse et la complaisance abyssale de la #gauche avec l’#antisémitisme.

    Le premier a de multiples racines dont les principales sont le #colonialisme et le #racisme meurtrier qui structurent le #capitalisme_racial et ses ressorts eugénistes. Racisme, #validisme et #eugénisme sont historiquement inextricables. Les plus de 300 morts par jour de novembre 2020 à avril 2021, et les dizaines de milliers qui ont précédées et suivies, ont pu être d’autant plus facilement acceptées et oubliées qu’elles touchaient d’abord les #classes_populaires racisées, et que depuis des années nous avions été habitué·es au décompte des morts dans la #méditerranée de personnes en exil. En les déshumanisant, en en faisant un rebut.

    Le second phénomène, l’antisémitisme au sein de la gauche, nourrit les rapprochements et dangers les plus corrosifs à force d’être nié par celle-ci. Nous avons vu de larges pans de la gauche et des mouvements #révolutionnaires défilés aux côté d’antisémites assumés, prendre leur défense, relativiser le génocide des Juifves d’Europe. Nous avons vu nombres de camarades se rapprocher de formations fascisantes en suivant cette voie. À travers l’antisémitisme la #déshumanisation des Juifves opère en en faisant non un rebut mais un groupe prétendument homogène qui détiendrait le pouvoir, suscitant des affects de haine d’autant plus féroces.

    Ces deux phénomènes ont explosé ces dernières semaines. À l’#animalisation des palestinien·nes en vue de leur #nettoyage_ethnique est venue répondre la culpabisation par association de toute la #population_israélienne, si ce n’est de tous les Juifves de la terre, aux massacres perpétués par le gouvernement d’#extrême-droite de l’État d’#Israël et les forces capitaliste occidentales.

    La projet de #colonisation de la Palestine est né des menées impérialistes de l’#occident capitaliste et de l’antisémitisme meurtrier de l’#Europe. Ils ne pourront être affrontés séparément. Les forces fascisantes internationales qui prétendent désormais sauver le capitalisme des désastres qu’il a produit par un #nationalisme et un #suprémacisme débridé, se nourrissent de l’intensification de tous les racismes - #islamophobie, antisémitisme, #négrophobie, #antitsiganisme, #sinophobie…- en vue de capturer les colères et de désigner comme surplus sacrifiables des parts de plus en plus larges de la population.

    En #France l’extrême-droite joue habilement de l’islamophobie et de l’antisémitisme structurels, présents jusque dans les rangs de la gauche radical, en potentialisant leurs effets par un jeu de miroirs explosif.

    Face à cela il nous faut un front uni qui refuse la déshumanisations des morts et des #otages israelien·nes tout en attaquant le #système_colonial qui domine et massacrent les palestinien·nes. Il nous faudra également comprendre l’instrumentalisation historique des Juifves et de l’antisémitisme par l’#impérialisme_occidental dans la mise en place de ce système.

    Nous n’avons pas trouvé les forces pour faire ce dossier. Nous republions donc ce texte important de l’historien israélien Raz Segal paru il y a maintenant deux semaines dans la revue Jewish Current. Deux semaines qui semblent aujourd’hui une éternité. Il nous faut nous organiser pour combattre de front la montée incendiaire de l’antisémitisme et de l’islamophobie. Et faire entendre haut et fort :

    Un #génocide est en cours en Palestine.
    Tout doit être fait pour y mettre un terme.

  • A Moscou, la chasse aux migrants pour garnir les rangs de l’armée
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/27/a-moscou-la-chasse-aux-migrants-pour-garnir-les-rangs-de-l-armee_6196764_321

    A Moscou, la chasse aux migrants pour garnir les rangs de l’armée
    Par Benoît Vitkine(Moscou, correspondant)
    Comme s’il craignait les répliques des événements de la semaine précédente, Rouslan (le prénom a été modifié) fait un détour imperceptible, s’éloignant de quelques pas des portes métalliques derrière lesquelles s’abrite la mosquée de Kotelniki. « En réalité, il n’y a pas grand-chose à faire pour se protéger, reconnaît ce citoyen kirghiz d’une trentaine d’années, qui habite à quelques pâtés d’immeubles de là. Tu peux être contrôlé et arrêté partout : dans le métro, dans la rue, sur ton lieu de travail… » Le raid de la police, vendredi 20 octobre, dans cette banlieue-dortoir située à une heure du centre de Moscou, à la sortie de la prière musulmane, a marqué les esprits.
    En fait de mosquée, le lieu est une modeste salle de prière nichée dans les étages d’une tour HLM. Kotelniki, 70 000 habitants dont une forte population immigrée, en compte une poignée. Celle du boulevard Pokrovski défraie régulièrement la chronique : attroupements massifs, protestations des riverains, visites régulières de la police… En juillet, les forces antiémeutes sont entrées, précédées de gaz lacrymogènes, pour procéder à des contrôles d’identité. L’épisode du 20 octobre a été moins brutal. Il est lié non pas aux tensions ethniques et religieuses qui agitent occasionnellement Moscou (selon les estimations, contestées, du grand mufti de Russie, la capitale compterait 3 à 4 millions de musulmans), mais aux conséquences de la guerre en Ukraine : en manque de bras pour l’armée, et soucieux d’éviter une nouvelle vague de mobilisation impopulaire, le pouvoir russe fait la chasse aux migrants. (...)
    Environ 250 personnes ont été emmenées. Selon les informations du Monde, seize n’étaient pas revenues une semaine plus tard et ont été incorporées à l’armée. Parmi eux, le finaliste d’un télécrochet célèbre, Mamout Ouseïnov, qui a filmé toutes les étapes, depuis l’arrestation jusqu’à l’arrivée du groupe directement dans un dortoir militaire. C’est grâce à sa présence que l’affaire a reçu un certain écho. « Le même jour, rien que pour Kotelniki et ses environs, il y a eu deux autres rafles sur des marchés, précise Valentina Tchoupik, défenseuse historique des droits des migrants, qui vit désormais en exil. Depuis l’été, ce sont des dizaines à travers toute la Russie. »
    Face au scandale – relatif –, les autorités militaires ont expliqué que le but était de vérifier les états de service des personnes contrôlées. Depuis novembre 2022, une loi exige en effet que les étrangers ayant acquis la nationalité russe à l’âge adulte effectuent, s’ils ont moins de 30 ans, leur service militaire. La différence est notable, puisque les conscrits ne sont pas censés être envoyés sur le front ukrainien – même s’ils peuvent être mobilisés dès la fin de leur service.
    Sauf que tous les témoignages concordent pour affirmer que les officiers ont bien évoqué « l’obligation de signer un contrat d’un an », ce qui implique de rejoindre l’armée régulière pour être envoyé en Ukraine. « C’est l’une des techniques qu’ils utilisent fréquemment, constate Mme Tchoupik. Ils jouent de la confusion face à des gens qui ne connaissent pas leurs droits. Formellement, il s’agit du service militaire ; dans les faits, les recruteurs leur expliquent qu’ils doivent signer un contrat, et parfois ils les menacent de la prison. »
    Le Monde Application
    Plusieurs témoins de la rafle de Kotelniki assurent que l’alternative de la prison a bel et bien été évoquée par les officiers sur place, particulièrement insistants avec les titulaires d’un passeport russe. « Depuis quinze ans que je suis en Russie, tout le monde rêve d’obtenir la nationalité russe, constate Timour, originaire du Kirghizistan, qui a lui-même reçu son passeport peu avant la guerre. Ça te facilite la vie, ça la rend moins dangereuse… Maintenant c’est devenu synonyme de danger. » En réalité, les pressions exercées par Moscou sur les migrants ne visent pas seulement ceux ayant acquis récemment la nationalité russe. Dès le mois de septembre 2022, les autorités ont mis en place une procédure de naturalisation accélérée pour les étrangers signant un contrat avec le ministère de la défense. A en juger par les informations publiquement disponibles sur les pertes au combat, le dispositif n’a que peu séduit. La manœuvre a aussi crispé les pays d’Asie centrale et du Caucase, dont sont originaires la plupart des quelque 11 millions d’immigrés vivant en Russie, et qui s’opposent, plus ou moins fermement, à l’envoi de leurs ressortissants en Ukraine. Moscou a conduit ce travail tout en affirmant n’avoir aucun mal à recruter des volontaires pour la guerre, principalement grâce aux salaires mirobolants proposés par l’armée. Le 25 octobre, l’ancien président Dmitri Medvedev donnait ainsi le chiffre de 385 000 recrues pour l’année 2023. En plus de ce dispositif légal, les moyens utilisés pour incorporer des étrangers incluent la coercition et la duperie. Les témoignages et demandes d’aide qui remontent au réseau de Valentina Tchoupik, mais aussi à d’autres défenseurs des droits de l’homme, font état de migrants arrêtés pour être placés en position de vulnérabilité. (...)
    Mi-octobre, un acteur tadjik du nom de Charifdjon Tillozoda, qui s’était d’abord engagé avant de solliciter l’aide de ses proches pour échapper à l’envoi au front, s’est retrouvé sous le coup d’une accusation d’espionnage passible de vingt ans de détention. La prison constitue ensuite un autre vivier pour les recruteurs – ceux de Wagner, auparavant, et désormais ceux du ministère de la défense.La défenseuse des droits de l’homme assure toutefois que de telles pratiques se sont raréfiées alors qu’elles étaient, selon elle, massives en septembre-octobre 2022 et avril-mai 2023, avec des signalements à ses collègues se comptant alors en milliers par mois. Selon elle, les rafles actuelles se soldent plus souvent par des expulsions que par des tentatives de recrutement : « C’est une pratique récurrente à chaque fois que des élections approchent [un scrutin présidentiel est prévu en mars 2024], une pression très démonstrative est mise sur les migrants. Pour les policiers, c’est aussi une occasion de les voler. »
    Les cas de manipulations sont eux aussi fréquents. Le Monde a recueilli le témoignage d’un ressortissant ouzbek sur une pratique en vigueur à Sakharovo, une localité de la grande banlieue moscovite où est situé le principal centre administratif (et de rétention) pour les migrants de la capitale. Cet homme, qui demande à se faire appeler Sarvar et qui enchaîne depuis vingt ans les petits boulots dans la construction, s’y est rendu au début du mois d’octobre pour renouveler son permis de travail. (...) Sarvar assure avoir demandé, par curiosité, quelles étaient les conditions d’un tel contrat. Plus tard, au moment de déposer les documents requis pour son permis de travail, une employée lui a remis une liasse de documents à parapher pour finaliser la procédure, lui enjoignant de « faire vite » et de signer directement au guichet. Dix minutes plus tard, quand des policiers sont venus le chercher en lui disant : « Maintenant tu es des nôtres, que tu le veuilles ou non », Sarvar a compris qu’il avait signé, dans la masse de papiers, un contrat d’engagement avec le ministère de la défense.En demandant conseil à l’ambassade de son pays et à des juristes, le travailleur migrant a pu établir que le document n’était pas un contrat en bonne et due forme, mais une déclaration d’intérêt. Deux semaines plus tard, quand il est venu chercher son permis de travail, un officier a encore passé une demi-heure à essayer de le convaincre, allant jusqu’à prétendre qu’il aurait le choix entre aller au front et « rester dans la réserve ». « Depuis vingt ans, conclut Sarvar, je suis en règle, je paie mes impôts. J’ai tout subi, les passeports confisqués par les employeurs, les salaires non versés, les menaces et les violences de la police… Mais je n’imaginais pas qu’ils pourraient en arriver à un tel niveau de cynisme. »

    #Covid-19#migrant#migration#russie#guerre#recrutement#immigrant#caucase#asie#kirghizistan#oubzekhistan#passeport#nationalite#sante#droit

  • Internationalisme et anti-impérialisme aujourd’hui

    http://www.palim-psao.fr/2023/10/internationalisme-et-anti-imperialisme-aujourd-hui-par-moishe-postone-ine

    [...] je propose de comprendre la propagation de l’antisémitisme et des formes antisémites apparentées de l’islamisme, à l’image de celles présentes chez les Frères musulmans égyptiens et leur branche palestinienne, le Hamas, comme la diffusion d’une idéologie anticapitaliste fétichisée, qui prétend donner un sens à un monde perçu comme menaçant. Même si cette idéologie a été attisée et aggravée par Israël ou la politique israélienne, sa caisse de résonance réside dans le déclin relatif du monde arabe sur fond d’une transition structurelle profonde du fordisme au capitalisme mondial néolibéral. Le résultat est un mouvement populiste anti-hégémonique profondément réactionnaire et dangereux, notamment pour tout espoir de politique progressiste au Moyen-Orient. Cependant, au lieu d’analyser cette forme de résistance réactionnaire dans le but de soutenir des formes de résistance plus progressistes, la gauche occidentale l’a soit ignorée, soit rationalisée comme une réaction regrettable mais compréhensible à la politique israélienne et aux États-Unis. Cette manifestation d’un refus de voir s’apparente à la tendance à concevoir l’abstrait (la domination du capital) dans les termes du concret (l’hégémonie américaine). J’affirme que cette tendance constitue l’expression d’une impuissance profonde et fondamentale, tant conceptuelle que politique.

    • L’une des ironies de la situation actuelle est qu’en adoptant une position anti-impérialiste fétichisée, l’opposition aux États-Unis ne s’adossant plus à un soutien à un changement progressiste, les libéraux et les progressistes ont permis à la droite néoconservatrice américaine de s’approprier, voire de monopoliser, ce qui a traditionnellement été le langage de la gauche : le langage de la démocratie et de la libération.

      […]

      Alors que pour la génération précédente, s’opposer à la politique américaine impliquait encore de soutenir explicitement des luttes de libération considérées comme progressistes, aujourd’hui, s’opposer à la politique américaine est en soi considéré comme anti-hégémonique. Il s’agit là paradoxalement d’un héritage malheureux de la Guerre froide et de la vision dualiste du monde qui l’accompagne. La catégorie spatiale du « camp » a remplacé les catégories temporelles des possibilités historiques et de l’émancipation en tant que négation historique déterminée du capitalisme. Cela n’a pas seulement conduit à un rejet de l’idée du socialisme comme dépassement historique du capitalisme, mais aussi à un déséquilibrage de la compréhension des évolutions internationales.

      […]

      La Guerre froide semble avoir effacé de la mémoire le fait que l’opposition à une puissance impériale n’était pas nécessairement progressiste et qu’il existait aussi des anti-impérialismes fascistes. Cette distinction s’est estompée pendant la Guerre froide, notamment parce que l’Union soviétique a conclu des alliances avec des régimes autoritaires, en particulier au Moyen-Orient, comme les régimes du Baas en Syrie et en Irak, qui n’avaient pas grand-chose en commun avec les mouvements socialistes et communistes. Au contraire, l’un de leurs objectifs était de liquider la gauche dans leurs propres pays. Par la suite, l’anti-américanisme est devenu un code progressiste en soi, bien qu’il y ait toujours eu des formes profondément réactionnaires d’anti-américanisme à côté des formes progressistes.

      #campisme #anti-impérialisme

    • Il est significatif qu’une telle attaque n’ait pas été menée il y a deux ou trois décennies par des groupes qui avaient toutes les raisons d’être en colère contre les États-Unis, comme les communistes vietnamiens ou la gauche chilienne. Il est important de comprendre l’absence d’une telle attaque, non pas comme un hasard, mais comme l’expression d’un principe politique. Pour ces groupes, une attaque visant en premier lieu des civils demeurait hors de leur horizon politique.

      […]

      Il existe une différence fondamentale entre les mouvements qui ne choisissent pas comme cible une population civile au hasard (comme le Viêt-Minh, le Viêt-Cong et l’ANC) et ceux qui le font (comme l’IRA, Al-Qaïda ou le Hamas). Cette différence n’est pas simplement tactique, elle est hautement politique, car la forme de la violence et la forme de la politique sont en relation l’une avec l’autre. Cela signifie que la nature de la société et de la politique futures sera différente selon que les mouvements sociaux militants feront ou non une distinction entre les objectifs civils et militaires dans leur pratique politique. S’ils ne le font pas, ils ont tendance à mettre l’accent sur l’identité. Cela les rend radicalement nationalistes dans le sens le plus large du terme, car ils travaillent avec une distinction ami/ennemi qui essentialise une population civile en tant qu’ennemie et rend ainsi impossible la possibilité d’une coexistence future. C’est pourquoi les programmes de ces mouvements ne proposent guère d’analyses socio-économiques visant à transformer les structures sociales (à ne pas confondre avec les institutions sociales que ces mouvements mettent en partie à disposition). Dans ces cas, la dialectique de la guerre et de la révolution du xxe siècle se transforme en une subordination de la « révolution » à la guerre. Ce qui m’intéresse ici, cependant, a moins à voir avec de tels mouvements qu’avec les mouvements d’opposition actuels dans les métropoles et leurs difficultés évidentes à faire la distinction entre ces deux formes différentes de « résistance ».

      Joseph Andras disait cela aussi dans ces dernières interviews ou textes

      #morale #terrorisme #civils

  • Loi sur l’immigration : pourquoi les mesures annoncées sur le retrait des titres de séjour sont contestables du point de vue du droit
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/20/loi-immigration-pourquoi-les-mesures-annoncees-sur-le-retrait-des-titres-de-

    Loi sur l’immigration : pourquoi les mesures annoncées sur le retrait des titres de séjour sont contestables du point de vue du droit
    Le gouvernement promet d’agir contre les étrangers en situation régulière mais opposés aux « valeurs de la République ». Des juristes dénoncent un risque d’arbitraire.
    Par Julia Pascual
    Depuis l’attentat d’Arras, perpétré vendredi 13 octobre par un jeune Russe islamiste arrivé à l’âge de 5 ans en France, qui a coûté la vie au professeur Dominique Bernard, l’exécutif multiplie les annonces pour parer aux critiques de la droite et satisfaire une opinion publique que les sondages disent inquiète et avide de fermeté.
    Jeudi 19 octobre, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a estimé, sur BFM-TV, que « si quelqu’un n’est pas en conformité avec les valeurs de la République, on doit pouvoir l’expulser ». Il a invité à cette fin les parlementaires à voter la loi sur l’immigration, qui sera débattue au Sénat, à partir du 6 novembre, « la plus dure et la plus ferme présentée depuis trente ans ». La veille, c’est le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, qui a promis que le texte permettrait de retirer un titre de séjour à un étranger en cas de « comportements non conformes à nos valeurs ».
    Pour rappel, l’auteur de l’attaque d’Arras, Mohammed Mogouchkov, était en situation irrégulière en France. Puisqu’il était arrivé avant l’âge de 13 ans sur le territoire, le droit le protégeait cependant d’une expulsion, sauf, selon la loi en vigueur, en cas de « comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence ». Selon le projet de loi sur l’immigration, cette protection ne s’opposerait pas à une obligation de quitter le territoire en cas de « menace grave à l’ordre public ».
    Ce que vise aussi le gouvernement par ses annonces, ce sont les personnes en situation régulière. M. Darmanin a lui-même demandé aux préfets de passer au tamis les 2 852 étrangers réguliers inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), pour envisager le retrait de leur titre de séjour, préalable à leur éloignement.« Actuellement, il n’est pas possible de retirer un titre de séjour pour des comportements non constitutifs d’une infraction pénale », a regretté M. Véran. « La loi empêche le ministre de l’intérieur de faire son travail », a répété M. Darmanin sur BFM-TV. En méconnaissance de la loi. « Dans le droit actuel, le préfet a déjà toute latitude pour ne pas délivrer, ne pas renouveler ou retirer un titre de séjour à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l’ordre public, fait remarquer Camille Escuillié, avocate membre de l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers. La loi n’exige pas de condamnation ni même de poursuites pénales. »
    C’est d’ailleurs, selon le ministère de l’intérieur, sur ce motif de menace à l’ordre public que Mohammed Mogouchkov n’avait pas obtenu de titre de séjour en 2021, bien que n’ayant aucun casier judiciaire, parce qu’il était déjà dans le viseur des services de renseignement et fiché au FSPRT.
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    Cela correspond par ailleurs aux directives données par M. Darmanin aux préfets depuis une circulaire de septembre 2020. « On a des dossiers de retrait de titre ou de refus de renouvellement ou de délivrance de titre concernant des personnes qui n’ont jamais été condamnées, mais qui sont apparues lors des consultations de fichiers tels que le traitement d’antécédents judiciaires [TAJ], le fichier national automatisé des empreintes génétiques [FNAEG] ou le fichier automatisé des empreintes digitales [FAED], constate Nicolas De Sa-Pallix, avocat spécialisé dans le droit des étrangers et membre du Syndicat des avocats de France. Généralement, les empreintes sont prises dans le cadre de gardes à vue et, même s’il n’y a pas de suite judiciaire, l’autorité administrative peut considérer que vous représentez une menace pour l’ordre public. » « De même, la présence au TAJ indique juste que vous apparaissez dans une procédure pénale comme prévenu ou victime. Et si vous êtes prévenu, il se peut que vous soyez innocenté ou même pas poursuivi. Il y a donc des étrangers auxquels on reproche des faits pour lesquels ils ont déjà été définitivement innocentés, ou jamais formellement poursuivis », complète l’avocat.
    Tout à sa volonté de rassurer l’opinion, le gouvernement entend aller plus loin encore. Grâce à l’article 13 du projet de loi sur l’immigration, Olivier Véran promet de « sortir du tout-pénal pour pouvoir retirer un titre en allant sur les valeurs de la République ». Et de citer des motifs en exemple tels que le « port ostensible en milieu scolaire de signes et de tenues religieux » ou le « refus d’être reçu ou entendu aux guichets des services publics par un agent de sexe opposé pour des motifs religieux ».
    L’article 13 du texte énonce en effet qu’un document de séjour pourra être retiré ou non renouvelé lorsque les actes délibérés d’un étranger troublent l’ordre public en ne respectant pas les « principes de la République » ainsi listés : « la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République » ou encore si l’étranger se prévaut « de ses croyances ou convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers ».Cet article est en réalité une réécriture de l’article 26 de la loi dite « séparatisme », qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Dans une décision du 13 août 2021, il avait estimé que le seul prétexte que l’étranger a « manifesté un rejet » des principes de la République n’était pas suffisamment précis. En ayant sommairement répertorié ces principes dans le projet de loi sur l’immigration, le gouvernement croit-il se tirer d’affaire ?
    « Si la rédaction de l’article de loi a évolué, le problème demeure le même, estime l’avocate au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation Isabelle Zribi. A mon sens, la notion d’atteintes graves aux principes de la République, qui est trop vague, méconnaît l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et le principe de sécurité juridique. On peine à se figurer, par exemple, ce que serait concrètement une atteinte grave à la devise de la République, qui veut tout et rien dire, ou même à l’égalité entre les femmes et les hommes, sachant que c’est une valeur rarement respectée au sein des couples de toutes nationalités. »
    Est-ce que l’administration pourra refuser un titre de séjour à une lycéenne de 18 ans qui a porté l’abaya, à une personne qui tient des propos machistes ou refuse de chanter La Marseillaise ? « Cette disposition est presque incontrôlable, met en garde à son tour Me De Sa-Pallix. Je ne vois pas comment on ne tomberait pas dans un arbitraire administratif particulièrement prononcé. »« Il y a un sérieux risque d’inconstitutionnalité », estime encore l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation Patrice Spinosi, qui voit dans la manœuvre une instrumentalisation politique du droit. « Si le Conseil constitutionnel censure la loi, le gouvernement pourra dire que les juges vont à l’encontre de la volonté souveraine du peuple, redoute-t-il. C’est jouer le populisme contre la Constitution et c’est précisément ce qui sape l’Etat de droit en Europe aujourd’hui. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#terrorisme#nationalite#securité#droit#titredesejour#etranger#immigration

  • The Congo Tribunal

    En plus de 20 ans, la #guerre du #Congo a déjà fait plus de 6 millions de victimes. La population souffre de cet état d’#impunité totale, les #crimes_de_guerre n’ayant jamais fait l’objet de poursuites judiciaires. Cette région recèle les gisements les plus importants de #matières_premières nécessitées par les technologies de pointe. Dans son « #Tribunal_sur_le_Congo », Milo Rau parvient à réunir les victimes, les bourreaux, les témoins et les experts de cette guerre et à instituer un #tribunal d’exception du peuple du Congo de l’Est. Un portrait bouleversant de la guerre économique la plus vaste et la plus sanglante de l’histoire humaine.

    https://vimeo.com/234124116

    https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/53668_0


    http://www.the-congo-tribunal.com

    #film #documentaire #film_documentaire #extractivisme #tribunal_des_peuples #justice_transformatrice #justice #vérité_et_justice #multinationales #responsabilité #Banro #RDC #massacres #témoignage #Twangiza #massacre_de_Mutarule #mine #extractivisme #Sud-Kivu #or #Banro_Corporation #impunité #crimes #douleur #tribunal #engagement #viols #vérité_et_justice #multinationales #guerre #concessions_minières #ressources_naturelles #pillage #minerai #Mining_and_Processing_Congo (#MPC) #Walikale #Bisie #droits_humains #MCP_Alptamin #Mukungwe #milices #Cheka_Group #groupes_armés #diamants #cassiterite #marché_noir #loi_Dodd_Frank #minerai_critique #Mutarule #MONUSCO #ONU #Nations_Unies

    • La production du réel sur scène est ce qui m’intéresse
      Entretien avec #Milo_Rau

      Né à Berne, en Suisse en 1977, Milo Rau étudie la sociologie auprès de Pierre Bourdieu et Tzvetan Todorov, ainsi que les littératures allemandes et romanes à Paris, Zurich et Berlin. Tout d’abord journaliste, ses premiers voyages et reportages se déroulent au Chiapas ainsi qu’à Cuba en 1997. À partir de 2000, Rau travaille comme auteur au sein de la Neue Zürcher Zeitung, un groupe de presse suisse qui édite le journal du même nom puis il entame en 2003 sa carrière de metteur en scène en Suisse tout d’abord et, par la suite, à l’étranger.

      https://www.cairn.info/la-video-en-scene--9782379243431-page-329.htm

    • #IIPM#International_Institute_of_Political_Murder

      Produktionsgesellschaft für Theater, Film und Soziale Plastik


      Das IIPM – International Institute of Political Murder wurde vom Regisseur und Autor Milo Rau im Jahr 2007 mit Sitz in der Schweiz und in Deutschland gegründet zur Produktion und internationalen Verwertung seiner Theaterinszenierungen, Aktionen und Filme.

      Die bisherigen Produktionen des IIPM stießen international auf große Resonanz und stehen für eine neue, dokumentarisch und ästhetisch verdichtete Form politischer Kunst – „Real-Theater“, wie Alexander Kluge Milo Raus Ästhetik einmal nannte. Seit 2007 hat das IIPM mehr als 50 Theaterinszenierungen, Filme, Bücher, Ausstellungen und Aktionen realisiert. Die Stücke des IIPM tourten durch bisher über 30 Länder und wurden an alle bedeutenden internationalen Festivals eingeladen. Wiederkehrende Kooperationspartner sind u. a. die Schaubühne am Lehniner Platz, das Théâtre Nanterre-Amandiers, das Theaterspektakel Zürich, das Kunstenfestival Brüssel, das Goethe Institut, die Prohelvetia, ARTE, das Schweizerische und das Deutsche Fernsehen, der Berliner Senat oder die Kulturstiftung des Bundes. Bisherige Projekt- und Essaybände des IIPM wurden mehrfach aufgelegt („Die letzten Tage der Ceausescus“, 2010), von der Bundeszentrale für Politische Bildung als Schulbücher nachgedruckt („Hate Radio“, 2014) und von der taz zum „Buch des Jahres“ gewählt („Was tun? Kritik der postmodernen Vernunft“, 2013). Für 2017 entstehen der ästhetiktheoretische Band „Wiederholung und Ekstase“ (Diaphanes Verlag, Abschlussband zu einem Forschungsprojekt, das das IIPM an der Zürcher Hochschule der Künste zum Realismus in den Künsten durchführte), die beiden Projektbände „Das Kongo Tribunal“ und „1917“ (beide Verbrecher Verlag) sowie das Manifest „Die Rückeroberung der Zukunft“ (Rowohlt Verlag).

      Seit der Gründung konzentriert sich das IIPM auf die multimediale Bearbeitung historischer oder gesellschaftspolitischer Konflikte: Unter anderem holte die Produktionsgesellschaft die Erschießung des Ehepaars Ceausescu („Die letzten Tage der Ceausescus“), den ruandischen Völkermord („Hate Radio“) und den norwegischen Terroristen Anders B. Breivik („Breiviks Erklärung“) auf die Bühne, boxte per Theaterperformance das Ausländerstimmrecht ins Parlament einer Schweizer Stadt („City of Change“), hob im Frühjahr 2013 mit zwei mehrtägigen Justiz-Spektakeln („Die Moskauer Prozesse“ und „Die Zürcher Prozesse“) ein völlig neues Theaterformat aus der Taufe und eröffnete mit „The Civil Wars“ (2014) das Großprojekt „Die Europa-Trilogie“, die mit „The Dark Ages“ (2015) fortgeführt wurde und 2016 mit „Empire“ ihren Abschluss fand. Mit „Five Easy Pieces“ (2016) und „Die 120 Tage von Sodom“ (2017) unterzogen Rau und das IIPM das Einfühlungs- und Darstellungsinstrumentarium des Theaters einer eingehenden Prüfung – das eine Mal mit minderjährigen, das andere mal mit behinderten Darstellern.

      Von Debatten weit über die Kunstwelt hinaus begleitet, wurden die vom IIPM produzierten Filme, Video-installationen, Peformances und Inszenierungen mit zahllosen Preisen weltweit ausgezeichnet. Die „zutiefst berührende“ (La Libre Belgique) Inszenierung „The Civil Wars“, von Publikum und Kritik euphorisch gefeiert, etwa wurde mit dem Jury-Preis der Theatertriennale „Politik im Freien Theater“ ausgezeichnet und von der Experten-Jury des Schweizer Fernsehens in die Liste der „5 besten Theaterstücke 2014“ gewählt. Außerdem wurde „The Civil Wars“ unter die „besten Stücke der Niederlande und Flanderns 2014/15″ ausgewählt. Die Inszenierung „Five Easy Pieces“ (2016) wurde mit dem Hauptpreis des belgischen „Prix de la Critique Théâtre et Danse“ ausgezeichnet. Zu den weiteren Auszeichnungen gehören Einladungen zum Berliner Theatertreffen oder ans Festival d’Avignon, der Schweizer Theaterpreis oder der Preis des Internationalen Theaterinstituts (ITI).

      „Mehr Wirkung kann Theater kaum provozieren“, urteilte die Basler Zeitung über die Lecture-Performance „Breiviks Erklärung“, die 2014 nach zahlreichen Stationen im EU-Parlament Brüssel zu sehen war. Die Produktion „Die Moskauer Prozesse“, zu der in Kooperation mit Fruitmarket Kultur und Medien GmbH eine Kinofassung und mit dem Verbrecher Verlag Berlin eine Buchfassung entstand, führte zu einer internationalen Debatte über Kunstfreiheit und Zensur. Die Kinofassung lief international in den Kinos und auf Festivals und wurde mit einer „Besonderen Auszeichnung“ am Festival des Deutschen Films 2014 geehrt.

      Zu den „Zürcher Prozessen“ entstand – wie auch zu den Produktionen „Die letzten Tage der Ceausescus“ und „Hate Radio“ – eine abendfüllende Filmfassung, die auf 3sat und im Schweizer Fernsehen ausgestrahlt wurde und in ausgewählten Kinos zu sehen war. Die Hörspielfassung von „Hate Radio“ wurde mit dem renommierten „Hörspielpreis der Kriegsblinden 2014“ ausgezeichnet.

      In der Spielzeit 2013/14 fand in den Sophiensaelen (Berlin) unter dem Titel „Die Enthüllung des Realen“ eine Retrospektive zur Arbeit des IIPM statt. Anlässlich der Ausstellung erschien im Verlag „Theater der Zeit“ eine gleichnamige Monographie mit Beiträgen von u. a. Elisabeth Bronfen, Heinz Bude, Alexander Kluge, Sandra Umathum, Michail Ryklin und Christine Wahl, die das Werk des IIPM aus verschiedenster Perspektive beleuchteten. Nach Einzelausstellungen in Österreich (Kunsthaus Bregenz 2011, Akademie der Bildenden Künste Wien, 2013) und der Schweiz (migrosmuseum für gegenwartskunst Zürich 2011, KonzertTheaterBern, 2013) handelte es sich dabei um die erste Retrospektive zur Arbeit Milo Raus und des IIPM in Deutschland, die in der Presse heiß diskutiert wurde.

      In der Saison 2014/15 folgten Werkschauen in Genf (Festival La Batie) und Paris (Théatre Nanterre-Amandiers), in der Saison 2015/16 in Gent (CAMPO). Die Live-Talkshowreihe „Die Berliner Gespräche“ (in Kooperation mit den Sophiensaelen und der Schweizerischen Botschaft Berlin) 2013/14 war der Startpunkt der Produktionsphase von Milo Raus Theaterinszenierung “The Civil Wars” (2014), dem ersten Teiler seiner „Europa Trilogie“. Die mit „The Dark Ages“ im Jahr 2015 weitergeführte und 2016 mit „Empire“ abgeschlossene, monumentale „Europa Trilogie“ – in der 13 Schauspieler aus 11 Ländern den Kontinent einer „politischen Psychoanalyse“ (Libération) unterziehen – führte zu euphorischen Reaktionen bei Presse und Publikum: „von der Intimität eines Kammerspiels und der Wucht einer griechischen Tragödie“, urteilte etwa das ORF über „Empire“.

      Zu einem weltweiten Medienecho führte auch das insgesamt 30stündige „Kongo Tribunal“, das Milo Rau und sein Team im Sommer 2015 in Bukavu und Berlin durchführten: ein Volkstribunal zur Verwicklung der internationalen Minenfirmen, der kongolesischen Regierung, der UNO, der EU und der Weltbank in den Bürgerkrieg im Ostkongo, der in 20 Jahren mehr als 5 Millionen Tote gefordert hat. Presse und Publikum verfolgten die „ungeheuerlich spannenden“ (taz) Verhöre atemlos. „Das ambitionierteste politische Theaterprojekt, das je inszeniert wurde“, urteilte die Zeitung THE GUARDIAN, und fügte hinzu: „Ein Meilenstein.“ „Ein Wahnsinnsprojekt“, schrieb die ZEIT: „Wo die Politik versagt, hilft nur die Kunst.“ Die belgische Zeitung LE SOIR schrieb: „Makellos. Milo Rau ist einer der freiesten und kontroversesten Geister unserer Zeit.“ Und die taz brachte es auf den Punkt: „Zum ersten Mal in der Geschichte wird hier die Frage nach der Verantwortung für Verbrechen gestellt.“ Mehr als hundert Journalisten aus der ganzen Welt nahmen an den Tribunalen in Ostafrika und Europa teil, um über das „größenwahnsinnigste Kunstprojekt unserer Zeit“ (Radio France Internationale – RFI) zu berichten.

      Als „ein Meisterwerk, brennend vor Aktualität“ (24 heures) und „atemraubend“ (NZZ) feierten Kritik und Publikum gleichermaßen Milo Raus Stück „Mitleid. Die Geschichte des Maschinengewehrs“ (Uraufführung Januar 2016, Schaubühne am Lehniner Platz Berlin), das seit seiner Uraufführung durch die Welt tourt und u. a. zum „Friedrich-Luft-Preis“ als bestes Stück der Saison in Berlin nominiert und in der Kategorie „Beste Schauspielerin“ (Hauptrolle: Ursina Lardi) in der Kritikerumfrage der Zeitschrift „Theater Heute“ auf den zweiten Platz gewählt wurde.

      Das im Frühjahr 2016 in Kooperation mit CAMPO Gent entstandne Stück „Five Easy Pieces“ war das erste IIPM-Projekt mit Kindern und Jugendlichen. Als „ganz großes Theater, menschlich, sensibel, intelligent und politisch“ beschrieb das belgische Fernsehen (RTBF) das Stück, das bereits durch halb Europa und bis Singapur tourte: „Ein Theaterstück jenseits aller bekannten Maßstäbe.“

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