organization:université du texas

  • L’exposition au glyphosate pourrait avoir des effets sur plusieurs générations
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/05/06/l-exposition-au-glyphosate-pourrait-avoir-des-effets-sur-plusieurs-generatio

    Une grande partie de ce que nous mangeons pourrait affecter directement nos petits-enfants. C’est, en tout cas, ce que suggèrent les résultats d’un rapport publié fin avril dans la revue américaine Scientific Reports. Cette étude, menée par le biologiste américain Michael Skinner, démontre qu’une exposition au glyphosate pourrait entraîner des modifications génétiques persistantes sur plusieurs générations.

    « Cette étude est importante, explique John McCarrey, chercheur en génétique à l’Université du Texas, sans lien avec cette publication. Car elle prouve que, une fois un individu exposé à certains produits chimiques perturbateurs tels que celui testé dans cette étude, les défauts qui en résultent peuvent être transmis aux enfants ou petits-enfants, même en l’absence de toute exposition ultérieure. Cela montre que les gens doivent faire plus attention aux produits chimiques auxquels ils sont exposés qu’on ne le pensait auparavant. »

    Mais les pathologies ont augmenté significativement pour les deuxième et troisième générations. « Les pathologies observées vont des tumeurs aux maladies de la prostate, en passant par des maladies des ovaires et certaines anomalies congénitales », observe Michael Skinner. Les chercheurs ont, par exemple, constaté une augmentation de 30 % des maladies de la prostate chez les mâles de troisième génération et une augmentation de 40 % des maladies rénales chez les femelles de la troisième génération. Deux animaux sur cinq de la troisième génération souffraient également d’obésité. « Pour la plupart des substances toxiques environnementales, comme le glyphosate, les pathologies induites sont similaires chez l’homme et le rat. La comparaison entre les deux est donc scientifiquement correcte », rappelle Michael Skinner.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le glyphosate suspecté d’être un perturbateur endocrinien

    Pour John McCarrey, ces résultats ne sont pas étonnants : « Si un composé modifie l’épigénétique du sperme ou de l’ovule de l’individu exposé, il transmet cela à ses descendants et continue ainsi pendant des générations. » L’observation sur au moins trois générations est nécessaire pour conclure à ce que les auteurs de l’étude appellent la « toxicologie générationnelle » :

    « Lorsqu’on observe des effets sur les deux premières générations, il est difficile de dire si ces impacts ne sont pas dus à des effets toxiques directs du produit chimique. Ce n’est que si les défauts persistent pendant trois générations ou plus que l’on peut en conclure qu’il existe, effectivement, des effets transgénérationnels. C’est exactement ce qu’ont fait les auteurs de cette étude. »

    Cette étude paraît au moment où l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a décidé de classer le glyphosate comme produit non cancérigène. Cette déclaration, effectuée le mardi 30 avril, contredit ainsi l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui classe la substance comme potentiellement cancérigène.

    Pour les auteurs de la publication, cette déclaration serait due en partie à des études de toxicologie trop restreintes. « L’EPA et le domaine de la toxicologie ne pensent qu’à l’exposition directe de l’individu, jamais à la toxicologie générationnelle, explique Michael Skinner. Nous avons fourni la première étude, c’est à eux maintenant de poursuivre les recherches dans ce sens. »

    #Glyphosate #Perturbateurs_endocriniens #Toxicologie_environnementale

  • Quel lien social dans un monde inégal ?
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/quel-lien-social-dans-un-monde-inegal

    Inégalités et lien social, avec l’économiste James Kenneth Galbraith et Gaël Giraud, chef économiste de l’Agence Française de Développement, nos invités à l’occasion de la 13ème Conférence internationale de l’AFD sur le développement (6-7 décembre 2018 à Paris).

    James Galbraith l’a redit très clairement sur @franceculture aujourd’hui : la hausse des inégalités en Europe et aux États-Unis est principalement due aux politiques néolibérales d’austérité qui ont donné tout pouvoir au secteur financier @LaGrandeTable

    • Inégalités et lien social, avec l’économiste James Kenneth Galbraith et Gaël Giraud, chef économiste de l’Agence Française de Développement, nos invités à l’occasion de la 13ème Conférence internationale de l’AFD sur le développement (6-7 décembre 2018 à Paris).

      Les raisins de la colère bien souvent, peut-être même le moteur de toute contestation, les inégalités sont aujourd’hui cristallisées et dénoncées par le mouvement des « gilets jaunes ». Entre inégalités réelles et ressenties, la frustration monte, au point de nourrir, peut-être des formes de violence. 

      Car, alors que la richesse mondiale augmente, les inégalités de revenu se creusent au sein des pays. En France, les derniers chiffres de l’Insee montrent qu’elles se sont stabilisées à un niveau proche de 2008, année de la crise. Des inégalités plus prononcées si on prend en compte le patrimoine, marqué par un taux de pauvreté en nette hausse depuis dix ans. Surtout, les travailleurs pauvres gagnent moins de 1026 euros par mois. 

      Le PIB est un très mauvais indicateur de prospérité. Si, demain, vous avez un accident de voiture, vous augmentez le PIB. Si vous jetez du poison dans une rivière, ce sera excellent pour le PIB. 
      (Gaël Giraud)

      Comment nos démocraties se sont-elles débarrassées de tout sentiment de culpabilité et de toute mauvaise conscience à l’égard des perdants de la mondialisation ? Comment favoriser une transition écologique, impérative, et cesser de favoriser les plus riches en marquant l’écart avec les plus pauvres ?

      Est-ce qu’on peut avoir un certain niveau de croissance ? Oui, je crois que c’est nécessaire. Est-ce qu’on peut avoir une croissance rapide qui résolve tous nos problèmes ? Non, je ne crois pas que ce soit possible. 
      (James K. Galbraith)

      On en parle avec nos deux invités, réunis à l’occasion de la 13ème Conférence internationale de l’Agence française de développement (AFD) qui se tient à Paris du 6 au 7 décembre 2018 :
      • Gaël Giraud, chef économiste à l’AFD, auteur de Illusion financière : Des subprimes à la transition écologique (Editions de l’Atelier, 2014), et
      • James K. Galbraith, professeur à l’Université du Texas, auteur en 2009 de L’Etat prédateur (Seuil, 2009) et en 2016 de Crise grecque, tragédie européenne (Seuil, 2016).

  • « Changer de système ne passera pas par votre caddie »

    En rendant cheap la nature, l’argent, le travail, le care , l’alimentation, l’énergie et donc nos vies - c’est-à-dire en leur donnant une #valeur_marchande - le capitalisme a transformé, gouverné puis détruit la planète. Telle est la thèse développée par l’universitaire et activiste américain #Raj_Patel dans son nouvel ouvrage, intitulé Comment notre monde est devenu cheap (Flammarion, 2018). « Le capitalisme triomphe, non pas parce qu’il détruit la nature, mais parce qu’il met la nature au travail - au #moindre_coût », écrit Patel, qui a pris le temps de nous en dire plus sur les ressorts de cette « #cheapisation » généralisée.

    Raj Patel est professeur d’économie politique à l’université du Texas d’Austin. À 46 ans, c’est aussi un militant, engagé auprès de plusieurs mouvements, qui a travaillé par le passé pour la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce. Logique, quand on sait qu’il se définit lui-même comme « socialiste », ce qui « n’est pas facile au Texas », nous précise-t-il dans un éclat de rire. Patel a déjà écrit sur les crises alimentaires, dont il est un expert. Il signe aujourd’hui un nouvel ouvrage, Comment notre monde est devenu cheap, co-écrit avec Jason W. Moore, historien et enseignant à l’université de Binghampton.

    Ces deux universitaires hyper-actifs y développent une nouvelle approche théorique pour appréhender l’urgence dans laquelle nous nous trouvons, mêlant les dernières recherches en matière d’#environnement et de changement climatique à l’histoire du capitalisme. Pour eux, ce dernier se déploie dès le XIVème siècle. Il naît donc avec le #colonialisme et la #violence inhérente à l’#esclavage, jusqu’à mettre en place un processus de « cheapisation » généralisé, soit « un ensemble de stratégies destinées à contrôler les relations entre le capitalisme et le tissu du vivant, en trouvant des solutions, toujours provisoires, aux crises du capitalisme ». Une brève histoire du monde qui rappelle, sur la forme, la façon dont Yuval Harari traite l’histoire de l’humanité, mais avec cette fois une toute autre approche théorique, que Raj Patel n’hésite pas à qualifier de « révolutionnaire ».

    Entretien autour de cette grille de lecture, qui offre également quelques perspectives pour sortir de ce que les auteurs appellent le « #Capitalocène », grâce notamment au concept d’ « #écologie-monde ».

    Usbek & Rica : Des scientifiques du monde entier s’accordent à dire que nous sommes entrés depuis un moment déjà dans l’ère de l’#Anthropocène, cette période de l’histoire de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l’écosystème terrestre. Mais vous allez plus loin, en parlant de « Capitalocène ». Le capitalisme serait donc la cause de tous nos problèmes ?

    Raj Patel : Si vous avez entendu parler de l’Anthropocène, vous avez entendu parler de l’idée selon laquelle les humains sont en grande partie responsables de la situation désastreuse de notre planète. À ce rythme, en 2050, il y aura par exemple plus de plastique que de poissons dans les océans. Si une civilisation survient après celle des humains, les traces qui resteront de notre présence seront le plastique, la radioactivité liée aux essais nucléaires, et des os de poulet. Mais tout cela n’est pas lié à ce que les humains sont naturellement portés à faire. Il y a quelque chose qui conduit les humains à cette situation. Et si vous appelez cela l’Anthropocène, vous passez à côté du fond du problème. Ce n’est pas l’ensemble des comportements humains qui nous conduit à la sixième extinction. Il y a aujourd’hui beaucoup de civilisations sur Terre qui ne sont pas responsables de cette extinction de masse, et qui font ensemble un travail de gestion des ressources naturelles formidable tout en prospérant. Et ces civilisations sont souvent des populations indigènes vivant dans des forêts.

    Mais il y a une civilisation qui est responsable, et c’est celle dont la relation avec la nature est appelée « capitalisme ». Donc, au lieu de baptiser ces phénomènes Anthropocène, appelons-les Capitalocène. Nous pouvons ainsi identifier ce qui nous conduit aux bouleversements de notre écosystème. Il ne s’agit pas de quelque chose d’intrinsèque à la nature humaine, mais d’un système dans lequel évolue un certain nombre d’humains. Et ce système nous conduit vers une transformation dramatique de notre planète, qui sera visible dans l’étude des fossiles aussi longtemps que la Terre existera.

    Vous établissez, avec votre co-auteur, une histoire du capitalisme fondée sur sept choses « cheap ». Quelles sont-elles, et comment êtes vous parvenus à cette conclusion ?

    Dans ce livre, nous évoquons les sept choses que le capitalisme utilise pour éviter de payer ses factures. C’est d’ailleurs une définition courte du capitalisme : un système qui évite de payer ses factures. C’est un moyen de façonner et de réguler les relations entre individus, et entre les humains et la reste de la vie sur Terre. Ces sept choses sont la nature « cheap », l’argent « cheap », le travail « cheap », le care « cheap », l’alimentation « cheap », l’énergie « cheap » et les vies « cheap ». Nous sommes parvenus à cette conclusion en partie grâce à un raisonnement inductif fondé sur l’histoire, mais aussi en s’intéressant aux mouvements sociaux d’aujourd’hui. Par exemple, le mouvement Black Lives Matter ne proteste pas uniquement contre l’inégalité historique qui résulte de l’esclavage aux Etats-Unis. Ses membres se penchent aussi sur le changement climatique, l’équité entre les genres, le travail, la réforme agraire ou la nécessaire mise en place de meilleurs systèmes alimentaires et de systèmes d’investissement solidaires qui permettraient à des entreprises d’émerger.

    C’est une approche très complète, mais l’idée qui importe dans la structuration des mouvements sociaux est celle d’intersectionnalité. Et on peut identifier nos sept choses « cheap » dans presque tous les mouvements intersectionnels. Tous les mouvements visant à changer l’ordre social se tiennent à la croisée de ces sept choses.

    Vous expliquez que la nourriture est actuellement peu chère, mais que cela n’a pas été le cas à travers l’histoire. Dans votre introduction, vous prenez pour exemple les nuggets de MacDonald’s pour illustrer votre théorie des sept choses « cheap ». Pourquoi ?

    Il n’a pas toujours été possible d’obtenir un burger ou quelques chicken nuggets pour un euro ou deux. Au XIXème siècle, les ouvriers anglais dépensaient entre 80 et 90% de leurs revenus en nourriture. Aujourd’hui, nous consacrons à peu près 20% à l’alimentation. Quelque chose a changé. Et le nugget est devenu un fantastique symbole la façon dont le capitalisme évite de payer ses factures.

    Reprenons nos sept choses « cheap ». La nature « cheap » nous permet de retirer un poulet du monde sauvage et de le modifier en machine à produire de la viande. Cette approche de la nature est assez révélatrice de la façon dont le capitalisme opère. La deuxième chose, c’est le travail : pour transformer un poulet en nugget, il vous faut exploiter des travailleurs. Et partout dans le monde, ces ouvriers avicoles sont extrêmement mal payés. Une fois que les corps de ces ouvriers sont ruinés par le travail à la chaîne, qui va veiller sur eux ? Généralement, cela retombe sur la communauté, et particulièrement sur les femmes. C’est cela que j’appelle le « cheap care ». Les poulets sont eux-mêmes nourris grâce à de la nourriture « cheap », financée par des milliards de dollars de subventions. L’énergie « cheap », c’est-à-dire les énergies fossiles, permet de faire fonctionner les usines et les lignes de production. Et l’argent « cheap » permet de faire tourner l’ensemble, parce que vous avez besoin de taux d’intérêt très bas, et que les grandes industries en obtiennent des gouvernements régulièrement. Et enfin, vous avez besoin de vies « cheap » : il faut reconnaître que ce sont les non-blancs qui sont discriminés dans la production de ce type de nourriture, mais aussi que les consommateurs sont considérés comme jetables par l’industrie.

    Vous insistez sur le fait que le capitalisme est né de la séparation entre nature et société, théorisée notamment par Descartes. Et que cette naissance a eu lieu au XIVème siècle, dans le contexte de la colonisation. On a donc tort de dire que le capitalisme est né avec la révolution industrielle ?

    Si vous pensez que le capitalisme est né au cours de la révolution industrielle, vous êtes en retard de trois ou quatre siècles. Pour que cette révolution advienne, il a fallu beaucoup de signes avant-coureurs. Par exemple, l’idée de la division du travail était déjà à l’oeuvre dans les plantations de cannes à sucre à Madère à la fin du XIVème siècle ! Toutes les innovations dont on pense qu’elles proviennent de la révolution industrielle étaient déjà en place quand les Portugais ont apporté la production de sucre, l’esclavage et la finance à Madère.

    Quant à la division du monde entre nature et société, il s’agit là du péché conceptuel originel du capitalisme. Toutes les civilisations humaines ont une façon d’opérer une distinction entre « eux » et « nous », mais séparer le monde entre nature et société permet de dire quels humains peuvent faire partie de la société, et d’estimer qu’on est autorisé à exploiter le reste du monde. Les colons arrivant en Amérique considéraient ceux qu’ils ont baptisé « Indiens » comme des « naturales ». Dans une lettre à Isabelle Iʳᵉ de Castille et Ferdinand II d’Aragon, Christophe Colomb se désole de ne pouvoir estimer la valeur de la nature qu’il a devant lui aux Amériques. Il écrit aussi qu’il reviendra avec le plus d’esclaves possibles : il voit certains hommes et la nature comme des denrées interchangeables car ils ne font pas partie de la société. Cette frontière entre nature et société est propre au capitalisme, et c’est pourquoi il peut utiliser les ressources fournies par la nature tout en la considérant comme une immense poubelle.

    Le capitalisme fait partie, selon vous, d’une écologie-monde, un concept forgé par votre co-auteur. En quoi ?

    Nous nous inspirons de Fernand Braudel et du concept d’économie-monde. En résumé, l’historien explique que si l’on veut comprendre comment fonctionne le monde, on ne peut pas prendre l’Etat-nation comme unité fondamentale d’analyse. Il faut comprendre que cet endroit est défini par son rapport aux autres endroits, tout comme les humains sont définis par leurs relations aux autres humains. On doit également penser au système dans lequel le pays que l’on étudie se trouve.

    L’économie n’est qu’une façon de penser la relation entre les humains et le tissu du vivant. Par exemple, Wall Street est une façon d’organiser le monde et la nature. Les traders qui y travaillent font de l’argent en faisant des choix, et en les imposant via la finance et la violence qui lui est inhérente. Le tout pour structurer les relations entre individus et entre les humains et le monde extra-naturel. Ce que nous faisons, c’est que nous replaçons tout cela dans son écologie, et c’est pourquoi le concept d’écologie-monde fait sens. Si vous vous intéressez à la façon dont les humains sont reliés les uns aux autres, vous devez choisir la focale d’analyse la plus large possible.

    Vous dites qu’il est plus facile d’imaginer la fin du la planète que la fin du capitalisme. Pourquoi ?

    J’expliquais dernièrement à mes étudiants que nous avons jusqu’à 2030 si l’on veut parvenir à une économie neutre en carbone. Et ils étaient désespérés et désemparés. Ce désespoir est un symptôme du succès du capitalisme, en cela qu’il occupe nos esprits et nos aspirations. C’est pourquoi il est, selon moi, plus facile d’envisager la fin du monde que celle du capitalisme. On peut aller au cinéma et y admirer la fin du monde dans tout un tas de films apocalyptiques. Mais ce qu’on ne nous montre pas, ce sont des interactions différentes entre les humains et la nature, que certaines civilisations encore en activités pratiquent actuellement sur notre planète.

    Je vis aux Etats-Unis, et tous les matins mes enfants doivent prêter serment et répéter qu’ils vivent dans « une nation en Dieu » [NDLR : « One nation under God »]. Mais les Etats-Unis reconnaissent en réalité des centaines de nations indigènes, ce que l’on veut nous faire oublier ! Tous les jours, on nous apprend à oublier qu’il y existe d’autres façons de faire les choses, d’autres possibilités. Cela ne me surprend pas que certains estiment impossible de penser au-delà du capitalisme, même si les alternatives sont juste devant nous.

    Parmi ces alternatives, il y en a une qui ne trouve pas grâce à vos yeux : celle du progrès scientifique, incarnée en ce moment par certains entrepreneurs comme Elon Musk.

    Ce que je ne comprends pas, c’est que ceux que nous considérons comme nos sauveurs sont issus du passé. Beaucoup pensent qu’Elon Musk va sauver le monde, et que nous allons tous conduire des Tesla dans la joie. Mais si on regarde ce qui rend possible la fabrication des Tesla, on retrouve nos sept choses « cheap » ! Les travailleurs sont exploités, notamment ceux qui travaillent dans les mines pour extraire les métaux rares nécessaires aux batteries. Et Musk lui-même s’attache à éliminer les syndicats... Je suis inquiet du fait que l’on fonde nos espoirs sur ces messies.

    Des initiatives comme celle du calcul de son empreinte écologique ne trouvent pas non plus grâce à vous yeux. Pourquoi ?

    Parce qu’il s’agit d’un mélange parfait entre le cartésianisme et la pensée capitaliste. C’est une façon de mesurer l’impact que vous avez sur la planète en fonction de vos habitudes alimentaires ou de transport. À la fin du questionnaire, on vous livre une série de recommandations personnalisées, qui vous permettent de prendre des mesures pour réduire votre empreinte écologique. Qu’est-ce qu’il pourrait y avoir de mal à ça ? Evidemment, je suis d’accord avec le fait qu’il faudrait que l’on consomme moins, particulièrement dans les pays développés.

    Pourtant, présenter le capitalisme comme un choix de vie consiste à culpabiliser l’individu au lieu de condamner le système. C’est la même logique qui prévaut derrière la façon dont on victimise les individus en surpoids alors que leur condition n’a pas grand chose à voir avec leurs choix individuels, mais plutôt avec leurs conditions d’existence. On ne pourra pas non plus combattre le réchauffement climatique en recyclant nos déchets ! Du moins, pas uniquement. En mettant l’accent sur le recyclage, on sous-estime l’immensité du problème, mais aussi notre propre pouvoir. Parce que si vous voulez changer de système, ça ne passera pas par ce que vous mettez dans votre caddie, mais par le fait de s’organiser pour transformer la société. Et c’est l’unique façon dont une société peut évoluer. Personne n’est allé faire les courses de façon responsable pour mettre un terme à l’esclavage ! Personne n’est sorti de chez lui pour acheter de bons produits afin que les femmes obtiennent le droit de vote ! Tout cela dépasse le niveau des consommateurs. Il va falloir s’organiser pour la transformation, c’est la seule façon de combattre.

    C’est pour ça que le dernier mot de votre livre est « révolution » ?

    Si nous continuons comme ça, la planète sur laquelle nous vivons sera en grande partie inhabitable. Si je vous dis que j’ai l’idée révolutionnaire de transformer le monde pour le rendre inhabitable, vous me répondrez qu’il faudrait que j’évite de faire ça. Le problème, c’est que si je vous dis que j’ai l’idée révolutionnaire de se détourner du capitalisme pour vivre mieux qu’aujourd’hui, vous me diriez la même chose. On choisit sa révolution. Soit on essaye de maintenir les choses comme elles sont, avec leur cortège d’exploitation, de racisme et de sexisme, la sixième extinction de masse, et la transformation écologique pour prétendre que tout va bien se passer. Soit on accueille le changement à venir, et on tente de s’y connecter.

    Les systèmes sociaux meurent rapidement. Le féodalisme a par exemple disparu pendant une période de changement climatique et d’épidémies. Plusieurs expériences ont été tentées pour remplacer le féodalisme, et parmi elles, c’est le capitalisme qui a gagné. Ce que je veux dire, c’est que nous pouvons choisir le monde que nous voulons construire maintenant pour être capables de supporter l’après-capitalisme. On peut choisir sa révolution, mais la chose qu’on ne peut pas choisir, c’est de l’éviter. Le capitalisme nous rend aveugles à la révolution qu’il opère lui-même à la surface de la planète en ce moment.

    Donc, selon vous, il faudrait se tourner vers le concept d’écologie-monde pour reprendre espoir ?

    Une partie de ce que l’on voulait faire avec Comment notre monde est devenu cheap, c’était d’articuler théoriquement ce qui est déjà en train d’advenir. Je suis très inspiré par ce que met en place le mouvement paysan La Via Campesina. Ce mouvement international qui regroupe des petits paysans fait un travail incroyable, notamment en Amérique du Sud, en promouvant l’agroécologie.

    L’agro-écologie est un moyen de cultiver la terre qui est totalement à l’opposé de l’agriculture industrielle. Au lieu de transformer un champ en usine en annihilant toute la vie qui s’y trouve, vous travaillez avec la nature pour mettre en place une polyculture. Cela vous permet de lutter contre le réchauffement en capturant plus de carbone, et de vous prémunir contre ses effets en multipliant le type de récoltes. Enfin, vous vous organisez socialement pour soutenir le tout et gérer les ressources et leur distribution, ce qui ne peut se faire sans combattre le patriarcat. Voilà un exemple de mouvement fondé autour d’une lutte contre l’OMC et qui a évolué en une organisation qui combat les violences domestiques, le patriarcat et le réchauffement climatique. C’est un exemple concret, et presque magique, d’intersection entre les choses « cheap » que nous évoquons dans notre livre. Et tout cela est rendu possible parce que le mouvement est autonome et pense par lui-même, sans s’appuyer sur de grands espoirs, mais sur l’intelligence de chaque paysan.

    Votre livre compte 250 pages de constat, pour 10 pages de solution. Est-ce qu’il est vraiment si compliqué que ça d’accorder plus de place aux solutions ?

    Il y a déjà des organisations qui travaillent sur des solutions. Mais pour comprendre leur importance et pourquoi elles se dirigent toutes vers une rupture d’avec le capitalisme, on s’est dit qu’il était de notre devoir de regrouper un certain nombre d’idées qui parcourent le monde universitaire et le travail de nos camarades au sein des mouvements sociaux. Notre rôle me semble être de théoriser ce qui se passe déjà, et de nourrir nos camarades intellectuellement. Et ces sept choses « cheap » pourraient être une nouvelle manière d’appréhender nos systèmes alimentaires et tout ce que l’on décrit dans l’ouvrage, mais pas seulement. Le cadre théorique pourrait aussi s’appliquer à la finance, au patriarcat ou au racisme, et permettre aux mouvements en lutte de se rendre compte qu’il faut qu’ils se parlent beaucoup plus. Nous n’avions pas l’objectif de faire un catalogue de solutions, encore moins un programme politique : beaucoup d’acteurs engagés font déjà de la politique, et c’est vers eux qu’il faut se tourner si vous voulez changer les choses maintenant, sans attendre l’effondrement.

    https://usbeketrica.com/article/changer-de-systeme-ne-passera-pas-par-votre-caddie
    #intersectionnalité #mouvements_sociaux #post-capitalisme #capitalisme #alternatives #nature #responsabilité #résistance

    • Comment notre monde est devenu cheap

      « Cheap » ne veut pas simplement dire « bon marché ». Rendre une chose « #cheap » est une façon de donner une valeur marchande à tout, même à ce qui n’a pas de #prix. Ainsi en va-t-il d’un simple nugget de poulet. On ne l’achète que 50 centimes, alors qu’une organisation phénoménale a permis sa production : des animaux, des plantes pour les nourrir, des financements, de l’énergie, des travailleurs mal payés…
      Déjà, au XIVe siècle, la cité de Gênes, endettée auprès des banques, mettait en gage le Saint Graal. Christophe Colomb, découvrant l’Amérique, calculait ce que valent l’eau, les plantes, l’or… ou les Indiens. Au XIXe siècle, les colons britanniques interdisaient aux femmes de travailler pour les cantonner aux tâches domestiques gratuites. Jusqu’à la Grèce de 2015, qui remboursait ses dettes en soldant son système social et ses richesses naturelles.
      Le capitalisme a façonné notre monde : son histoire, d’or et de sang, est faite de conquêtes, d’oppression et de résistances. En la retraçant sous l’angle inédit de la « cheapisation », Raj Patel et Jason W. Moore offrent une autre lecture du monde. De cette vision globale des crises et des luttes pourrait alors naître une ambition folle : celle d’un monde plus juste.

      https://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/documents-temoignages-et-essais-d-actualite/comment-notre-monde-est-devenu-cheap

      #livre

  • Rien n’affaiblira #MeToo si on reste honnête intellectuellement | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/166169/metoo-agression-sexuelle-feminisme-asia-argento

    Les accusations à l’encontre d’Asia Argento, figure du mouvement #MeToo, n’abîmeront pas un mouvement d’une telle ampleur si l’on est cohérent avec la ligne défendue : lutter contre toutes les agressions sexuelles.

    « L’arroseuse arrosée », « Tel est pris qui croyait prendre »… Aucun poncif ne nous aura été épargné immédiatement après les révélations du New York Times à propos d’Asia Argento.

    Cette dernière, qui figure parmi les accusatrices d’Harvey Weinstein, est à son tour accusée d’agression sexuelle. Le quotidien américain fait état d’un arrangement financier qui aurait été conclu entre un jeune acteur et Asia Argento, à hauteur de 380.000 dollars (333.000 euros) pour éviter des poursuites judiciaires. Ce que l’intéressée dément dans un communiqué : « J’ai été profondément choquée et touchée en lisant ces nouvelles qui sont totalement fausses. Je n’ai jamais eu aucune relation sexuelle avec Bennett. Je n’ai d’autre choix que de m’opposer à tous ces mensonges et à me protéger par tous les moyens ».

    L’article, et c’est normal, a suscité de multiples réactions. Allant de l’étonnement le plus simple à, et c’est là que ça devient moins normal, des séries de tweets réjouis. Oui, des gens (Franz-Olivier Giesbert et bien d’autres) semblent parfaitement enchantés, franchement ravis qu’une personne ait été agressée sexuellement.

    Pas un mot pour la victime présumée, le jeune Jimmy Bennet dont le New York Times rapporte pourtant l’état de détresse. Mais des petits sourires satisfaits à l’idée qu’une féministe ait pu exercer sur un jeune garçon la domination qu’elle prétend combattre. Et on fait semblant de découvrir que l’on peut être victime ET bourreau, et qu’il est possible de lutter publiquement contre quelque chose dont on est soi-même coupable (souvenez-vous de Denis Baupin, les lèvres peinturlurées en rouge pour soutenir les droits des femmes).

    Mais oui, en effet, on peut être profondément surpris et écœuré par ce qu’on a présenté comme un véritable coup de théâtre (allez hop un autre poncif tant qu’à faire) sans être ni misogyne, ni faussement naïf, ni vouloir danser sur la tombe de #MeToo.
    Même stratégie que Weinstein, DSK et leurs défenseurs

    Quel que soit le fond de l’affaire, elle devrait surtout nous peiner pour la victime présumée d’abord, mais aussi pour Nimrod Reitman, l’étudiant ayant accusé la philosophe féministe Avital Ronnel d’agression sexuelle. Dans les deux cas, la victime est encore une fois escamotée au profit d’idéologies, mais est aussi niée par des féministes elles-mêmes.

    À LIRE AUSSI #MeToo : le retour de bâton médiatique… dans les pages de L’Obs

    Que penser, en effet, de la tribune de soutien à Ronnel rédigée par des chercheurs et chercheuses, dont Judith Butler, qui invoque « une campagne malveillante », mettant en avant la « stature » et « la réputation » de la philosophe comme si la célébrité ou un CV bien garni avaient déjà empêché quelqu’un d’être un violeur ? C’est exactement la stratégie adoptée par Weinstein, DSK et leurs défenseurs : crier à la cabale, faire de l’accusé un parangon de vertu, se préoccuper des conséquences sur sa carrière, en avoir rien à foutre de la parole des victimes.

    Il faut avoir l’honnêteté de dire que si le mouvement #MeToo peut être décrédibilisé, cela peut aussi se faire de l’intérieur.

    On ne sort pas grandies quand on arbore des airs vaguement complotistes en affirmant que les révélations du New York Times « [tombaient] bien pour décrédibiliser ces femmes qui dérangent ». Cela revient là aussi à adopter exactement les mêmes mécanismes que ceux que #MeToo est censé combattre : minimiser les agressions, mettre en doute la parole des victimes, héroïser l’agresseur présumé.
    Le besoin d’avoir des muses

    Reste que c’est une véritable gageure formulée par un autre article du quotidien new-yorkais : « Qu’arrive-t-il au mouvement #MeToo quand une féministe est accusée ? ». Rien, je crois, si l’on ne serre pas bêtement et aveuglement les rangs sans accorder aux victimes, aux faits, au travail des journalistes qui révèlent les enquêtes, le respect qu’ils méritent. On n’affaiblit pas un mouvement d’une telle ampleur si l’on reste honnête intellectuellement et cohérent avec la ligne défendue : lutter contre les agressions sexuelles.

    Ce que cette histoire interroge également, c’est notre besoin de personnaliser les mouvements, d’avoir des muses. Même si elles font bien le job. Oui, le discours prononcé par Asia Argento au festival de Cannes avait de la gueule et a eu une répercussion mondiale. Oui, il faut bien que les victimes, comme Rose Mac Gowan, s’expriment publiquement et on ne peut que louer leur courage quand elles s’engagent au-dela de propre cas.

    Mais #MeToo a pris une telle ampleur que l’on peut parfaitement continuer à mener le combat sans égérie. Les combats féministes sont trop vastes et importants pour prendre le risque de les lier à quelques têtes de gondoles.

    • ici un article sur l’affaire Ronell que je ne connaissait pas : http://www.slate.fr/story/165956/avita-ronell-nimrod-reitman-metoo-harcelement-sexuel

      « Bien que nous n’ayons pas eu accès au dossier, nous avons tous travaillé pendant de nombreuses années avec la Professeure Ronell, peut-on lire sur le blog d’un universitaire ayant partagé la lettre, Nous avons tous vu ses relations avec ses étudiants, et certains d’entre nous connaissons l’individu qui a mené cette campagne malveillante contre elle. »

      Après avoir rappelé leur « profonde et tenace admiration » pour la professeure, la lettre déplore « les dommages que cette procédure lui causent, et nous visons à inscrire dans des termes clairs notre objection à tout jugement produit contre elle. Nous maintenons que les allégations prononcées à son égard ne constituent pas de preuves, mais soutiennent plutôt l’attention malveillante qui a animé et soutenu ce cauchemar juridique ».

      « Nous témoignons de la grâce, de l’esprit affuté et de l’engagement intellectuel de la professeure Ronell et demandons à ce que lui soit accordé la dignité qu’elle mérite pour quelqu’un de cette stature internationale et de sa réputation. »

      Le New York Times et Quartz notent que la lettre rappelle les arguments utilisés pour contrer les enquêtes de harcèlement sexuel commis par des hommes : elle s’intéresse aux dommages potentiels sur la réputation de la chercheuse. Sans avoir eu accès au dossier, les soutiens certifient du côté malveillant et malhonnête de la plainte.

      Il a été par ailleurs reproché à l’étudiant d’utiliser un outil féministe comme le Title IX pour attaquer une féministe. Diane Davis qui dirige le département de réthorique de l’université du Texas, signataire de la lettre, précise au New-York Times : « Je soutiens, bien sûr, ce que le Title IX et le mouvement #MeToo essaie d’accomplir, leur effort pour confronter et éviter les abus, le fait de réclamer plus de justice. Mais, c’est pour cette raison qu’il est tellement décevant quand cette énergie incroyable de justice est retournée contre elle-même, ce que beaucoup de nous pensons qu’il s’agit dans ce cas. »

  • Cartes | Blog SIG & Territoires

    https://www.sigterritoires.fr/index.php/cartes

    Très intéressant et généreux.

    Vous trouverez sur cette page les cartes géoréférencées mises à votre disposition. Au fur et à mesure nous compléterons les cartes manquantes.

    Les images proviennent de la librairie de l’Université du Texas (http://www.lib.utexas.edu/maps/ams/france_100k) et ont été géoréférencées par nos soins.

    Les fichiers compressés en téléchargement contiennent le fichier World (.jpw) ainsi que le fichier .aux d’ArcGis. Les projections utilisées étant anciennes ou rares, vous devez absolument lire les instructions d’utilisation en bas de cette page. Dans la liste des téléchargements il est indiqué la projection de la carte. Référez-vous au paragraphe correspondant en bas de page pour savoir comment utiliser l’image géoréférencée.

    #cartographie

  • L’écart de voix entre Hillary Clinton et Donald Trump, une anomalie démocratique ?

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/12/15/le-casse-tete-de-l-oncle-sam_5049687_3232.html

    Malgré 2,7  millions de voix d’avance, Hillary Clinton ne sera pas présidente des Etats-Unis. Une anomalie qui relance le débat sur les grands électeurs.

    Le chiffre est historique. Le 8 novembre, la candidate démocrate à l’élection présidentielle américaine, Hillary Clinton, a engrangé 2,7 millions de voix de plus que son adversaire républicain Donald Trump.
    Mais la vie démocratique américaine est ainsi faite que Mme Clinton ne sera pas la future présidente des Etats-Unis. Elle-même, d’ailleurs, ne revendique rien. Elle connaît l’héritage de l’histoire et respecte la loi du « collège électoral » et de ses 538 grands électeurs chargés d’élire le président. Une spécificité américaine forgée dans la Constitution par les Pères fondateurs, mais qui, deux siècles plus tard, apparaît aux yeux de beaucoup comme une trahison du principe démocratique de l’élection au suffrage direct : « un homme, une voix ».

    Car si l’arithmétique prouve que Mme Clinton a gagné le vote populaire, elle n’a pas obtenu les bonnes voix aux bons endroits. En s’imposant dans une vingtaine d’Etats sur cinquante, la candidate démocrate n’a emporté que 232 des 270 grands électeurs qu’il lui fallait pour succéder à Barack Obama. Elle rejoint dans l’histoire récente le démocrate Al Gore : celui-ci avait dû s’incliner en 2000 face à George W. Bush, malgré un écart de 500 000 voix en sa faveur – soulevant, déjà, des questions sur l’équité de la procédure électorale.
    Seize ans plus tard, la victoire de l’imprévisible Donald Trump et l’avance sans appel de Mme Clinton en termes de voix ont suscité une émotion plus forte encore. Et relancé avec force le débat sur un système que beaucoup considèrent désormais comme une anomalie démocratique et historique.

    En un peu plus d’un mois, près de 5 millions de personnes ont signé une pétition demandant aux grands électeurs de donner leur voix à la candidate démocrate, le 19 décembre, lors de l’élection officielle du président des Etats-Unis.

    Cette requête a peu de chance d’être entendue. Seul un grand électeur républicain du Texas, Chris ­Suprun, a affirmé qu’il ne voterait pas pour M. Trump. Rejoignant ainsi les rares grands électeurs « déloyaux » (faithless) qui ont jalonné l’histoire de l’élection présidentielle – sans pour autant jamais en changer l’issue.

    Quelles raisons poussent donc l’une des plus solides démocraties du monde à élire son président au scrutin indirect, au cours d’une procédure à première vue injuste et dont une majorité de citoyens souhaiterait s’affranchir ? La réponse remonte à 1787 et a jailli lors d’âpres débats entre les rédacteurs de la Constitution américaine réunis à Philadelphie (Pennsylvanie).

    A l’époque, ces aristocrates éclairés, marqués par la brutalité des monarchies européennes, craignent l’émergence d’un dirigeant autoritaire, voire autocrate, à même de ruiner les apports de la révolution américaine. Leur confiance dans le jugement du peuple étant toute relative, la création d’un niveau intermédiaire d’électeurs jugés mieux informés s’impose pour éviter qu’un tyran ou qu’un démagogue ne se fraye un chemin par la voie démocratique.

    Le collège électoral est né. L’un de ses concepteurs, Alexander Hamilton, juriste influent dans les débats tenus à Philadelphie, défend cette conception contre ses collègues partisans d’un suffrage universel direct : « Un petit nombre de personnes, choisies par leurs concitoyens au sein de la population, sera plus à même de détenir les informations et le discernement requis. » En ajoutant qu’il était aussi « particulièrement souhaitable d’éviter au maximum tumulte et désordre ».

    Le poids démesuré de certains Etats

    Le poids respectif des grands électeurs selon les Etats, aujourd’hui remis en cause, remonte également à cette époque. Dans l’Amérique de la fin du XVIIIe siècle, les Etats du Sud, esclavagistes et moins peuplés que ceux du Nord, craignent que le système ne leur soit durablement défavorable.

    Un compromis est donc élaboré : quelle que soit son importance démographique, chacun des treize Etats initiaux enverra deux représentants au Sénat, tandis que la Chambre des représentants accueillera un nombre d’élus proportionnel à la population. Pour augmenter leur poids au Congrès, les Etats du Sud imposent l’idée qu’un esclave, même s’il n’a évidemment pas le droit de vote, compte pour trois cinquièmes d’un électeur blanc.

    Le vote d’un citoyen du Wyoming (586 000 habitants) compte quatre fois plus que celui d’un électeur du Michigan (9,9 millions).
    Conçu pour « protéger les minorités », ce principe donnera aux Etats du Sud la mainmise sur la présidence durant trente-deux des trente-six premières années qui suivent la rédaction de la Constitution, ainsi que l’a rappelé dans la presse américaine Akhil Reed Amar, spécialiste de droit constitutionnel. Aujourd’hui, la formation du collège électoral répond toujours à ces critères.

    Dans chaque Etat, le nombre des grands électeurs, désignés par les partis politiques, correspond au nombre de ses élus au Congrès, donnant à certains Etats ruraux ou peu peuplés un poids jugé disproportionné par les détracteurs du système : le vote d’un citoyen du Wyoming (586 000 habitants), dénoncent-ils, compte ainsi quatre fois plus que celui d’un électeur du Michigan (9,9 millions).

    Au lendemain de l’élection, l’écrivaine Joyce Carol Oates, suivie par d’autres critiques, s’inquiétait que ce déséquilibre favorise à jamais « les voix rurales, blanches, âgées et plus conservatrices ». Un sentiment d’injustice partagé en 2012 par un certain… Donald Trump. « Plus de voix égalent une défaite… Révolution ! », écrivait-il sur Twitter, alors que le décompte des voix de l’élection présidentielle se poursuivait. Il ajoutait quelques jours plus tard : « Le collège électoral est un désastre pour une démocratie. »

    Aujourd’hui, alors que ce système « honteux » lui est favorable, M. Trump juge que « le collège électoral est en fait génial car il met tous les Etats, y compris les petits, dans le jeu ». L’un des biais du système amène les candidats à rechercher les voix des grands électeurs dans des Etats stratégiques, délaissant durant leur campagne les Etats qu’ils savent, ou pensent, acquis à leur parti.

    « La tyrannie de la minorité »

    Quelques voix s’élèvent néanmoins pour défendre cette procédure. Ainsi, l’ancien directeur de campagne du candidat malheureux Al Gore, William M. Daley, estime que, si l’on réformait le collège électoral, « le remède pourrait être pire que le mal ».

    « Ce système, estime-t-il, favorise les deux grands partis, ce qui a permis une longue stabilité politique que beaucoup de pays envient. Un troisième parti en soi n’est pas une mauvaise chose, mais notre système fédéral n’est pas adapté aux partis de niche. »
    Des grands électeurs républicains, « harcelés » par des courriers leur demandant de changer leur vote pour faire barrage à M. Trump, montent aussi au créneau pour défendre le collège, qui assure, selon eux, « une représentation de l’ensemble du pays ».

    «  Plus de voix égalent une défaite… Révolution  !  », tweetait Donald Trump en 2012, avant d’ajouter  : «  Le collège électoral est un désastre pour une démocratie  »

    Mais les critiques, récurrentes, se multiplient. Concernée au premier chef, Mme Clinton ne s’est pas exprimée cette année sur le sujet. Mais, en 2000, alors que Bill Clinton s’apprêtait à terminer son deuxième mandat présidentiel, la First Lady de l’époque plaidait pour le suffrage universel direct et « la volonté du peuple ».

    « Ce système est intolérable dans une démocratie. Il viole l’égalité politique car toutes les voix ne sont pas égales », estime aussi George C. Edwards III, professeur de sciences politiques à l’université du Texas, auteur d’un ouvrage sur le sujet (Why the Electoral College Is Bad for America, « Pourquoi le collège électoral est mauvais pour l’Amérique », non traduit).

    En réponse aux Pères fondateurs, il juge que « le collège électoral ne protège pas de la tyrannie de la majorité. Au contraire, il fournit un potentiel pour la tyrannie de la minorité ». L’élection de M. Trump, acquise en grande partie grâce aux voix des électeurs blancs, ruraux et peu diplômés, tend à illustrer ce biais.

    Même si le caractère sacré de la Constitution aux Etats-Unis constitue un obstacle majeur à toute évolution, les propositions alternatives n’ont pas manqué depuis l’élection du 8 novembre. Au-delà de la pétition, sorte d’exutoire pour de nombreux électeurs sous le choc, d’autres initiatives ont vu le jour.

    Une élue démocrate de Californie, Barbara Boxer, a ainsi déposé une proposition de loi pour supprimer le collège électoral – texte qui n’a aucune chance d’être adopté. « La présidence est la seule fonction pour laquelle vous pouvez avoir plus de voix et perdre, déplore la sénatrice. Chaque Américain devrait être assuré que son vote compte. »

    Optimisme prudent

    Cet argument est repris par ceux qui s’inquiètent du faible taux de participation lors de l’élection (54 % cette année). De leur côté, deux grands électeurs démocrates du Colorado et de l’Etat de Washington ont lancé le mouvement des « Electeurs de Hamilton ».

    Sans réclamer la suppression du collège électoral, ils rappellent que les garde-fous défendus par le Père fondateur étaient conçus pour éviter la percée d’un ­ « démagogue » tel que M. Trump. Aussi demandent-ils à leurs pairs républicains non pas de voter pour Mme Clinton le 19 décembre, mais de choisir dans leur camp un candidat ayant « les qualifications requises », comme le souhaitait Alexandre Hamilton.
    Les inquiétudes actuelles ne sont pas nouvelles. Après la défaite de M. Gore, en 2000, plusieurs Etats avaient réfléchi à de nouvelles dispositions ne nécessitant pas un amendement constitutionnel. Il s’agissait d’abandonner la pratique bien ancrée du winner take all (« le gagnant remporte tout »), qui n’est pas inscrite dans la Constitution.
    Par ce biais, dans 48 des 50 Etats, le candidat arrivé en tête remporte la totalité des voix des grands électeurs en jeu. L’idée serait de partager les votes des grands électeurs de manière proportionnelle, en fonction du vote populaire.

    Une autre solution consisterait à suivre les recommandations du « National Popular Vote Interstate Compact ». Selon cet accord, signé par un groupe de dix Etats plus le district de Columbia (Washington, D.C.), les grands électeurs s’engageraient à donner leur voix au candidat qui aurait gagné le vote populaire, quelle que soit sa couleur politique. Un système qui ne fonctionnera que lorsque suffisamment d’Etats auront rejoint le mouvement pour délivrer 270 voix au « candidat du peuple ».

    Seize ans après ses propres déboires, Al Gore, quant à lui, fait preuve d’un optimisme prudent. « Cela prendra du temps, mais je ne serais pas surpris que finalement nous passions au vote populaire pour élire le président d’ici une décennie », commente-t-il. Mais, entre la tradition et le poids électoral que ce système octroie à certains Etats, le système des grands électeurs risque fort de dominer encore les prochaines élections.

  • #Perturbateurs_endocriniens : halte à la manipulation de la science
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/11/29/halte-a-la-manipulation-de-la-science_5039860_3232.html

    Près de cent scientifiques dénoncent la #fabrication_du_doute par les industriels, déjà à l’œuvre dans la lutte contre le changement climatique.
    […]
    Une lutte comparable fait actuellement rage autour de la nécessaire réduction de l’exposition aux perturbateurs endocriniens. La Commission européenne s’apprête à mettre en place la première réglementation au monde sur le sujet. Bien que de nombreux pays aient également manifesté leur inquiétude à l’égard de ces produits chimiques, aucun n’a instauré de réglementation qui les encadrerait globalement.

    #paywall

    • Depuis des décennies, la science est la cible d’attaques dès lors que ses découvertes touchent de puissants intérêts commerciaux. Des individus dans le déni de la science ou financés par des intérêts industriels déforment délibérément des preuves scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse. Cette manufacture du doute a retardé des actions préventives et eu de graves conséquences pour la santé des populations et l’environnement.

      Les « marchands de doute » sont à l’œuvre dans plusieurs domaines, comme les industries du tabac et de la pétrochimie ou le secteur agrochimique. A elle seule, l’industrie pétrochimique est la source de milliers de produits toxiques et contribue à l’augmentation massive des niveaux de dioxyde de carbone atmosphérique, à l’origine du changement climatique.

      La lutte pour la protection du climat est entrée dans une nouvelle ère avec l’accord de Paris de 2015, malgré la farouche opposition de climatosceptiques sourds au consensus établi par les scientifiques engagés pour travailler dans l’intérêt général.

      Une lutte comparable fait actuellement rage autour de la nécessaire réduction de l’exposition aux perturbateurs endocriniens. La Commission européenne s’apprête à mettre en place la première réglementation au monde sur le sujet. Bien que de nombreux pays aient également manifesté leur inquiétude à l’égard de ces produits chimiques, aucun n’a instauré de réglementation qui les encadrerait globalement.

      JAMAIS L’HUMANITÉ N’A ÉTÉ CONFRONTÉE À UN FARDEAU AUSSI IMPORTANT DE MALADIES EN LIEN AVEC LE SYSTÈME HORMONAL

      Jamais l’humanité n’a été confrontée à un fardeau aussi important de maladies en lien avec le système hormonal : cancers du sein, du testicule, de l’ovaire ou de la prostate, troubles du développement du cerveau, diabète, obésité, non-descente des testicules à la naissance, malformations du pénis et détérioration de la qualité spermatique.

      La très grande majorité des scientifiques activement engagés dans la recherche des causes de ces évolutions préoccupantes s’accordent pour dire que plusieurs facteurs y contribuent, dont les produits chimiques capables d’interférer avec le système hormonal.

      Des sociétés savantes signalent que ces produits chimiques, appelés les perturbateurs endocriniens, constituent une menace mondiale pour la santé. Parmi ceux-ci : les retardateurs de flamme présents dans les meubles et l’électronique, les agents plastifiants dans les matières plastiques et les produits d’hygiène, ou encore les résidus de pesticides dans notre alimentation. Ils peuvent interférer avec les hormones naturelles lors de périodes critiques du développement, pendant la grossesse ou la puberté, lorsque notre organisme est particulièrement vulnérable.

      Une réglementation nécessaire

      On ne peut faire face à ce fardeau croissant de maladies à l’aide de meilleurs traitements médicaux : non seulement ces traitements n’existent pas toujours, mais les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé sont bien souvent irréversibles. Les possibilités de réduire notre exposition à un niveau individuel en évitant certains produits de consommation sont, elles aussi, limitées. La plupart de ces substances atteignent notre organisme par le biais de notre alimentation.

      Seule solution pour enrayer la hausse des maladies liées au système hormonal : prévenir l’exposition aux produits chimiques à l’aide une réglementation plus efficace. Or le projet d’établir une réglementation de ce type dans l’Union européenne est activement combattu par des scientifiques fortement liés à des intérêts industriels, produisant l’impression d’une absence de consensus, là où il n’y a pourtant pas de controverse scientifique. Cette même stratégie a été utilisée par l’industrie du tabac, contaminant le débat, semant le doute dans la population et minant les initiatives des dirigeants politiques et des décideurs pour développer et adopter des réglementations plus efficaces.

      Les discussions sur le changement climatique et sur les perturbateurs endocriniens ont toutes deux souffert de cette déformation des preuves scientifiques par des acteurs financés par l’industrie.

      La plupart des scientifiques pensent qu’exprimer publiquement leur point de vue sur des questions politiques et participer aux débats de société pourrait compromettre leur objectivité et leur neutralité. Ce serait effectivement inquiétant si nos opinions politiques obscurcissaient notre jugement scientifique. Mais ce sont ceux qui nient la science qui laissent leurs opinions politiques obscurcir leur jugement. Avec, pour conséquence, des dommages irréparables. La manipulation de la science concernant les effets de la fumée du tabac a coûté des millions de vies. Nous ne devons pas refaire la même erreur.

      Une urgence

      Nous considérons qu’il n’est plus acceptable de nous taire. En tant que scientifiques, nous avons en fait l’obligation de participer au débat et d’informer le public. Nous avons la responsabilité de rendre visibles les implications de nos travaux pour la société et les générations futures, et d’attirer l’attention sur les graves dangers qui nous menacent.

      Les enjeux sont importants, et l’action politique pour endiguer l’exposition aux perturbateurs endocriniens et les conséquences des émissions de gaz à effet de serre est devenue une urgence.

      Scientifiques spécialistes des perturbateurs endocriniens ou du changement climatique, nous avons uni nos forces, car un grand nombre d’actions essentielles à la limitation des effets des perturbateurs endocriniens contribueront également à lutter contre le changement climatique.

      La plupart des substances chimiques synthétisées par l’homme sont des dérivés de combustibles fossiles produits par l’industrie pétrochimique. Une réduction de la quantité de pétrole raffiné permettra aussi de réduire la quantité de sous-produits utilisés dans les plastiques et celle de plastifiants : ces produits chimiques compromettent la santé reproductive masculine et contribuent au risque de certains cancers.

      Une réduction de la dépendance aux combustibles fossiles et un encouragement au développement des énergies alternatives entraîneront non seulement une baisse des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de celles de mercure. Ce dernier, un contaminant issu du charbon, émis dans l’air et accumulé dans le poisson, finit par atteindre nos organismes et compromet le développement du cerveau.

      Créer l’équivalent du GIEC

      Bien que de nombreux Etats aient exprimé la volonté politique de traiter le problème des gaz à effet de serre, la traduction des connaissances scientifiques sur le changement climatique en action politique effective a été bloquée, notamment à cause de la désinformation du public et des dirigeants. Les gouvernements sont déjà en retard. Il est important de ne pas répéter ces erreurs avec les perturbateurs endocriniens, et d’apprendre de l’expérience des scientifiques du climat et de la recherche en santé publique.

      DANS LA PRATIQUE, IL SERA TRÈS DIFFICILE DE RECONNAÎTRE UNE SUBSTANCE DANGEREUSE COMME PERTURBATEUR ENDOCRINIEN DANS L’UNION EUROPÉENNE

      La Commission européenne a maintenant l’opportunité de choisir des instruments de réglementation qui pourront fixer de nouveaux standards pour le monde entier afin de nous protéger des effets nocifs des perturbateurs endocriniens.

      Nous sommes cependant préoccupés par les options réglementaires que propose aujourd’hui Bruxelles, très éloignées des mesures nécessaires pour protéger notre santé et celle des générations futures.

      Les options proposées pour identifier les perturbateurs endocriniens requièrent un niveau de preuve bien plus élevé que pour d’autres substances dangereuses, comme celles cancérigènes. Dans la pratique, il sera très difficile de reconnaître une substance dangereuse comme perturbateur endocrinien dans l’Union européenne.

      Des actions urgentes sont nécessaires sur les deux thèmes. Pour cette raison, nous appelons au développement et à la mise en œuvre de mesures qui s’attaqueraient aux perturbateurs endocriniens et au changement climatique de façon coordonnée.

      Un moyen efficace pourrait être la création, sous les auspices de l’Organisation des Nations unies, d’un groupe ayant le même statut international et les mêmes prérogatives que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ce groupe serait chargé d’évaluer les connaissances scientifiques destinées aux responsables politiques dans l’intérêt général et mettrait la science à l’abri de l’influence des intérêts privés. Nous le devons aux générations qui vivront demain.

      Les premiers signataires de ce texte sont : Andreas Kortenkamp, université Brunel (Royaume-Uni) ; Barbara Demeneix, CNRS/Muséum national d’histoire naturelle ; Rémy Slama, Inserm, université Grenoble-Alpes ; Edouard Bard, Collège de France ; Ake Bergman, université de Stockholm (Suède) ; Paul R. Ehrlich, université Stanford (Etats-Unis) ; Philippe Grandjean, Harvard Chan School of Public Health (Etats-Unis) ; Michael E. Mann, université Penn State (Etats-Unis) ; John P. Myers, université Carnegie Mellon (Etats-Unis) ; Naomi Oreskes, université Harvard (Etats-Unis) ; Eric Rignot, université de Californie (Etats-Unis) ; Thomas Stocker, université de Berne (Suisse) ; Kevin Trenberth, National Centre for Atmospheric Research (Etats-Unis) ; Carl Wunsch, Massachusetts Institute of Technology (Etats-Unis) ; et R. Thomas Zoeller, université du Massachusetts à Amherst (Etats-Unis).

      Sont également signataires de ce texte
      Ernesto Alfaro-Moreno, centre de recherche Swetox (Suède) ; Anna Maria Andersson, Rigshospitalet (Danemark) ; Natalie Aneck-Hahn, université de Pretoria (Afrique du Sud) ; Patrik Andersson, université d’Umeå (Suède) ; Michael Antoniou, King’s College (Royaume-Uni) ; Thomas Backhaus, université de Göteborg (Suède) ; Robert Barouki, université Paris-Descartes (France) ; Alice Baynes, université Brunel (Royaume-Uni) ; Bruce Blumberg, université de Californie à Irvine (Etats-Unis) ; Carl-Gustaf Bornehag, université de Karlstad (Suède) ; Riana Bornman, université de Pretoria (Afrique du Sud) ; Jean-Pierre Bourguignon, université de Liège (Belgique) ; François Brion, Ineris (France) ; Marie-Christine Chagnon, Inserm (France) ; Sofie Christiansen, université Technique du Danemark (Danemark) ; Terry Collins, université Carnegie Mellon (Etats-Unis) ; Sylvaine Cordier, Irset (France) ; Xavier Coumol, université Paris-Descartes (France) ; Susana Cristobal, université de Linköping (Suède) ; Pauliina Damdimopoulou, hôpital universitaire Karolinska (Suède) ; Steve Easterbrook, université de Toronto (Canada) ; Sibylle Ermler, université Brunel (Royaume-Uni) ; Silvia Fasano, université de Campania - Luigi Vanvitelli (Italie) ; Michael Faust, F + B Environmental Consulting (Allemagne) ; Marieta Fernandez, université de Grenade (Espagne) ; Jean-Baptiste Fini, CNRS/Muséum national d’histoire naturelle (France) ; Steven G. Gilbert, Institute of neurotoxicology & neurological disorders (Etats-Unis) ; Andrea Gore, université du Texas (Etats-Unis) ; Eric Guilyardi, université de Reading (Royaume-Uni) ; Åsa Gustafsson, Swetox (Suède) ; John Harte, université de Californie à Berkeley (Etats-Unis) ; Terry Hassold, université d’Etat de Washington (Etats-Unis) ; Tyrone Hayes, université de Californie à Berkeley (Etats-Unis) ; Shuk-Mei Ho, université de Cincinnati (Etats-Unis) ; Patricia Hunt, université d’Etat de Washington (Etats-Unis) ; Olivier Kah, université de Rennes (France) ; Harvey Karp, université de Californie du Sud (Etats-Unis) ; Tina Kold Jensen, université du Danemark du Sud (Danemark) ; Sheldon Krimsky, université Tufts (Etats-Unis) ; Henrik Kylin, université de Linköping (Suède) ; Susan Jobling, université Brunel (Royaume-Uni) ; Maria Jönsson, université d’Uppsala (Suède) ; Bruce Lanphear, université Simon Fraser (Canada) ; Juliette Legler, université Brunel (Royaume-Uni) ; Yves Levi, université Paris Sud (France) ; Olwenn Martin, université Brunel (Royaume-Uni) ; Angel Nadal, université Miguel Hernández (Espagne) ; Nicolas Olea, université de Grenade (Espagne) ; Peter Orris, université de l’Illinois (Etats-Unis) ; David Ozonoff, université de Boston (Etats-Unis) ; Martine Perrot-Applanat, Inserm (France) ; Jean-Marc Porcher, Ineris (France) ; Christopher Portier, Thun, (Suisse) ; Gail Prins, université de l’Illinois (Etats-Unis) ; Henning Rodhe, université de Stockholm (Suède) ; Edwin J. Routledge, université Brunel (Royaume-Uni) ; Christina Rudén, université de Stockholm (Suède) ; Joan Ruderman, Harvard Medical School (Etats-Unis) ; Joelle Ruegg, institut Karolinska (Suède) ; Martin Scholze, université Brunel (Royaume-Uni) ; Elisabete Silva, université Brunel (Royaume-Uni) ; Niels Eric Skakkebaek, Rigshospitalet (Danemark) ; Olle Söder, institut Karolinska (Suède) ; Carlos Sonnenschein, université Tufts (Etats-Unis) ; Ana Soto, université Tufts (Etats-Unis) ; Shanna Swann, Icahn School of Medicine (Etats-Unis) ; Giuseppe Testa, université de Milan (Italie) ; Jorma Toppari, université de Turku (Finlande) ; Leo Trasande, université de New York (Etats-Unis) ; Diana Ürge-Vorsatz, université d’Europe centrale (Hongrie) ; Daniel Vaiman, Inserm (France) ; Laura Vandenberg, université du Massachusetts, (Etats-Unis) ; Anne Marie Vinggaard, université technique du Danemark (Danemark) ; Fred vom Saal, université du Missouri (Etats-Unis) ; Jean-Pascal van Ypersele, université catholique de Louvain (Belgique) ; Bernard Weiss, université de Rochester (Etats-Unis) ; Wade Welshons, université de Missouri (Etats-Unis) ; Tracey Woodruff, université de Californie à San Francisco (Etats-Unis).

  • #Armes dans les classes au #Texas : « Cette #loi est une #aberration »
    http://www.lapresse.ca/international/etats-unis/201602/19/01-4952418-armes-dans-les-classes-au-texas-cette-loi-est-une-aberration.php

    Une nouvelle loi autorisant le port d’armes dans les universités au Texas est dénoncée par des étudiants, des professeurs et par le président de l’Université du Texas à Austin. « Cette loi est une aberration », dit une professeure. Explications.

    #lobbying #Etats-Unis

  • Yanis Varoufakis à Frangy
    http://blogs.mediapart.fr/blog/monica-m/250815/yanis-varoufakis-frangy

    Je suis ici parce que notre Printemps d’Athènes a été écrasé, comme le fut celui de Prague. Bien sûr pas par des tanks, mais par des banques. Comme Berthold Brecht l’a dit une fois « Pourquoi envoyer des assassins quand nous pouvons recourir à des huissiers ? » Pourquoi faire un coup d’état quand vous pouvez envoyer le président de l’Eurogroupe dire, au nouveau ministre des finances d’un gouvernement fraîchement élu, trois jours après son entrée en fonction, qu’il a le choix entre le programme d’austérité antérieur qui a plongé son pays dans une énorme dépression, ou la fermeture de ses banques nationales ? Pourquoi envoyer des troupes quand des visites mensuelles de la Troika peuvent contrôler chaque département du gouvernement et écrire chaque loi du pays ?

    • Je vais vous dire pourquoi je suis ici, avec des mots que j’ai empruntés à un vieux manifeste célèbre. Je suis ici parce que :

      Un spectre hante l’Europe - le spectre de la démocratie. Toutes les puissances de la vieille Europe ont conclu une sainte alliance pour exorciser ce spectre : les banquiers parrainés par les États et l’Eurogroupe, la Troïka et le Dr Schäuble, les héritiers du legs politique de Franco, le leadership berlinois du SPD, les gouvernements baltes qui ont soumis leurs populations à une récession terrible et inutile, et l’oligarchie grecque en résurgence.

      Je suis ici en face de vous parce qu’une petite nation a choisi de s’opposer à cette sainte alliance. Pour la regarder dans les yeux et lui dire : Notre liberté n’est pas à vendre, notre dignité n’est pas aux enchères. Si nous renonçons à la liberté et à la dignité, comme vous l’exigez, l’Europe perdra son intégrité et renoncera à son âme.

      Je suis ici en face de vous parce que rien de bon ne peut arriver en Europe qui ne parte pas de la France.

      Je suis ici en face de vous parce que le printemps d’Athènes qui a uni les Grecs leur a redonné :

      • Leur sourire

      • Leur courage

      • Leur liberté contre la peur

      • La force de dire non à l’irrationalité

      • Non à la non-liberté

      • Non à la subjugation qui au final ne bénéficie même pas à l’Europe forte et puissante

      Le magnifique Printemps d’Athènes, qui a culminé à 62% par un Non majestueux à la non-raison et à la misanthropie,

      Notre Printemps d’Athènes, qui était aussi une chance pour un printemps de Paris, un printemps de Frangy, de Berlin, de Madrid, de Dublin, d’Helsinki, de Bratislava, de Vienne.

      Je suis ici parce que notre Printemps d’Athènes a été écrasé, comme le fut celui de Prague. Bien sûr pas par des tanks, mais par des banques. Comme Berthold Brecht l’a dit une fois "Pourquoi envoyer des assassins quand nous pouvons recourir à des huissiers ?" Pourquoi faire un coup d’état quand vous pouvez envoyer le président de l’Eurogroupe dire, au nouveau ministre des finances d’un gouvernement fraîchement élu, trois jours après son entrée en fonction, qu’il a le choix entre le programme d’austérité antérieur qui a plongé son pays dans une énorme dépression, ou la fermeture de ses banques nationales ? Pourquoi envoyer des troupes quand des visites mensuelles de la Troika peuvent contrôler chaque département du gouvernement et écrire chaque loi du pays ?

      Les élections ne peuvent rien changer

      Lorsque, durant ma première réunion de l’Eurogroupe, en février, j’ai suggéré aux ministres des finances un compromis entre le programme antérieur d’austérité de la Troika et l’agenda de réformes de notre nouveau gouvernement, Michel Sapin a pris la parole pour me donner raison – pour argumenter avec éloquence en faveur d’un terrain d’entente entre le passé et le futur, entre le programme de la Troika et le manifeste électoral de notre nouveau gouvernement que les Grecs venaient juste d’élire.

      Le ministre des finances allemand intervint immédiatement : "Les élections ne peuvent pas changer quoi que ce soit. Si à chaque fois qu’il y a une élection les règles changeaient, l’Eurozone ne pourrait pas fonctionner.”

      Reprenant la parole, je répondis que, vu la façon dont notre Union était conçue (très, très mal !) peut-être que le Dr Schäuble marquait un point. Mais j’ajoutai “S’il est vrai que les élections ne peuvent rien changer, nous devrions être honnêtes et le dire à nos citoyens. Peut-être devrions-nous amender les traités européens et y insérer une clause suspendant le processus démocratique dans les pays obligés de d’emprunter auprès de la Troika. Suspendre les élections jusqu’â ce que la Troïka décide qu’elles pourront se tenir. Pourquoi soumettrions-nous notre peuple au rituel d’élections coûteuses si les élections ne peuvent rien changer ? Mais, ai-je demandé à mes collègues ministres, est-ce que l’Europe est d’accord avec ça ? Est-ce que nos peuples ont voté pour ça ?”

      Pensez-y, admettre une telle chose serait le meilleur cadeau à faire au parti communiste de Chine, qui lui aussi croit que les élections constituent une complication dangereuse entravant l’efficacité du gouvernement. Bien sûr ils ont tort. Comme Churchill l’a dit, la démocratie est un système terrible. Mais c’est la meilleure de toutes les alternatives, également en termes d’efficience économique à long terme.

      Un silence glacé s’est installé pendant quelques secondes dans l’Eurogroupe. Personne, même le si souvent abrasif Mr Djisselbloem, ne trouvait quoi que ce soit à dire, jusqu’à ce que des collègues d’Europe de l’Est brisent le silence avec une autre incantation sortie du Livre des psaumes de l’austérité de la Troïka. Du coin de l’oeil je voyais l’air désolé de Michel Sapin. Je me rappelais une chose qu’il m’avait dite à Paris, quand je l’avais rencontré pour la première fois dans son bureau : "La France n’est plus ce qu’elle était".

      Depuis mon jeune âge je trouvais dans la France mon inspiration, peut-être me souvenant de la façon dont la réémergence de la Grèce dans le monde moderne avait été inspirée par la révolution française, et alors des citations de Voltaire et Rousseau résonnaient dans ma tête. En ce moment-là, le silence de Michel fut très difficile à supporter. La perception de l’impuissance est le signe avant-coureur d’une Europe qui s’est égarée.

      Un coup d’état très européen

      Retour vers les jours de notre dictature 1967-1974, quand les tanks occupaient les rues d’Athènes, et que les démocrates Grecs venaient en France, voyageant vers l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, le Canada, l’Australie, afin d’obtenir un soutien pour la nation grecque assiégée. Afin de galvaniser la solidarité avec le peuple grec dans sa lutte contre la dictature fasciste.

      Amis, je ne suis pas ici aujourd’hui afin de rallier un soutien pour la démocratie grecque écrasée.

      Je suis ici pour exprimer le soutien du peuple grec et sa solidarité avec la démocratie française.

      Pour ce qui est vraiment en jeu. La démocratie française. La démocratie espagnole. La démocratie italienne. La démocratie à travers toute l’Europe. La Grèce a été, et demeure malheureusement, un laboratoire où les forces destructrices de l’austérité ont été essayées et testées. La Grèce n’a jamais été la question pour la Troïka et ses favoris. Vous l’êtes !

      Il n’est pas vrai que l’intérêt de nos créanciers soit d’obtenir leur argent de l’état grec. Ou qu’ils veuillent voir la Grèce réformée. Si tel avait été le cas, ils auraient discuté sérieusement nos propositions de restructurer la dette publique grecque de façon à le permettre. Ils ont plutôt insisté sur notre reddition. C’est la seule chose qui les préoccupait. Ils voulaient une seule chose : confirmer la maxime du Dr Schäuble selon laquelle les élections ne sont pas autorisées à changer quoi que ce soit en Europe. Que la démocracie s’arrête quand l’insolvabilité commence. Que les fières nations confrontées à des questions de dettes doivent être condamnées à la prison de dette, dans laquelle il est impossible de produire la richesse nécessaire pour rembourser les dettes et obtenir la libération. Et c’est ainsi que l’Europe, maison commune, est devenue cage de fer partagée.

      C’est important. Vous lisez des journaux et écoutez des programmes de radio et de télévision qui vous bombardent avec des douces histoires selon lesquelles l’Eurogroupe, la Troïka autour desquels l’Europe est construite, proposent à la Grèce des programmes d’austérité à titre de RÉFORMES, pour la forcer à développer son économie défaillante afin qu’elle paie ses dettes et cesse de peser sur le reste de l’Europe.

      Seulement, ce n’est pas ainsi que l’Europe fonctionne en pratique. Si vous étiez une mouche sur le mur observant nos négociations, vous verriez comme je l’ai vu qu’une seule chose intéressait Mme Lagarde, M. Draghi, M. Juncker, certainement le Dr Schäuble : nous dicter les "termes de la reddition". Des termes qui mettent fin au Printemps d’Athènes. Des termes qui effacent le sourire de ceux qui à travers l’Europe nous regardaient et pensaient qu’une nouvelle politique est possible. Des termes incroyables imposés par les créanciers, garantissant que nous, l’endetté, ne pourrions pas rembourser nos dettes, anciennes et nouvelles.

      Remède toxique

      Beaucoup d’entre vous demanderont, à juste titre : Mais pourquoi les créanciers imposent-ils à la Grèce des conditions qui réduisent sa capacité à leur rembourser ses dettes ? Pourquoi les créanciers demandent-ils au gouvernement grec de faire des choses qui l’empêchent de mettre en oeuvre de vraies réformes ? Des réformes qui amélioreraient la place de la Grèce en Europe ? Se pourrait-il que la Troïka soit simplement en train d’essayer de faire prendre à la Grèce un remède amer mais nécessaire ? Et que les Grecs ne veuillent pas prendre leur remède ? Ne veuillent pas faire leurs devoirs, comme pourrait le dire Mme Merkel ?

      Ce sont des questions cruciales. Pour vous, pour le peuple de France. Pourquoi ? Parce que si nous, Grecs, sommes responsables de nos propres problèmes, et s’il est vrai que nous soyons gâtés, paresseux, refusant de faire nos devoirs et de prendre nore remède amer, alors vous n’avez rien à craindre. Vous ne devriez pas perdre de temps à écouter des gens comme moi.

      Mais si, en fait, le remède que l’on nous demande de prendre encore et encore est toxique, si nous avons fait nos devoirs mais que le maître ne veut même pas les lire, alors ce qui arrive dans des endroits comme la Grèce n’a rien à voir avec la Grèce. Cela concerne la politique de l’Europe, de la France en particulier.

      Aussi soyons clairs : le remède n’est pas juste amer. Il est toxique. Un médecin délivrant une telle potion à un patient serait arrêté et radié de l’Ordre des médecins. Mais dans l’Eurogroupe le fait que la potion tue le patient est vue comme la preuve que le remède est bon. Que la dose doit être augmentée !

      Pendant cinq ans, le programme d’austérité de la Troïka a créé la récession la plus longue et la plus profonde de notre histoire. Nous avons perdu un tiers de notre revenu collectif. Le chômage est passé de 10% à 30% dans un pays où seulement 9% des chômeurs ont déjà reçu des allocations de chômage. La pauvreté a submergé 2 de nos 10 millions de concitoyens.

      En 2010, l’Etat grec a fait faillite. Il ne pouvait pas payer ses dettes aux banques françaises et allemandes. Alors, qu’est-ce que l’Europe a fait ? Elle a décidé de donner à l’Etat grec en faillite le prêt le plus important dans l’histoire, sous des conditions d’austérité qui ont réduit le revenu devant permettre de payer les énormes prêts, anciens et nouveaux. Un enfant de dix ans pourrait dire que la personne en faillite ne peut pas s’en sortir avec de nouveaux prêts si on lui impose des conditions faisant chuter ses revenus.

      L’austérité diminue les revenus tandis que les dettes grossissent. Toujours plus de dette, sous la forme de nouveaux prêts d’urgence, à condition qu’une austérité de plus en plus forte sape de plus en plus les revenus : cela conduit avec une précision mathématique à une catastrophe.

      Tout le monde le savait. Alors, pourquoi l’Europe l’a-t-elle fait ? Parce que l’objectif n’était pas de renflouer la Grèce, l’Irlande, le Portugal ou l’Espagne ! L’objectif était de sauver la Deutsche Bank, BNP Paribas, Finanz Banque, la Société Générale, les banques allemandes et françaises avec l’argent des contribuables, et de faire peser le fardeau sur le plus faible des Européens, en provoquant une crise humanitaire en Grèce et une récession à combustion lente en France.

      Et puis, quand il fut révélé que toute cette austérité avait augmenté la dette grecque de 120% à 180% du revenu national, au lieu de la réduire, que fit l’Europe officielle ? La même chose en 2012, en 2013, en 2014. Les revenus ont continué à baisser, la pauvreté a augmenté, le chômage a atteint le record du monde, tout le monde devait de l’argent à tout le monde et personne ne pouvait payer. Une politique économique consistant à prêter à l’état plus d’argent payé par les plus faibles des citoyens ne pouvait pas marcher. Comme Macbeth qui a commis crime après crime, essayant de cacher son crime précédent en en commettant un nouveau, la Troïka a ajouté sauvetage toxique après sauvetage toxique, étendant la crise, l’approfondissant, en ne cessant de prétendre qu’elle était sur le point d’être résolue.

      C’est ce processus misanthrope qui a éteint l’espoir en Grèce de 2010 à 2015. En janvier dernier, nous avons été élus pour redonner espoir. Plutôt que de nous asseoir dans l’ombre et de maudire l’obscurité, nous avons décidé d’allumer une bougie. Pour donner de l’espoir et une autre chance à la rationalité. Et les gens l’ont remarqué. La petite bougie que nous avons allumée a illuminé les visages des gens, et pas seulement en Grèce.

      Du point de vue de la Sainte Alliance de la vieille Europe, c’était un crime terrible pour lequel nous, et ceux qui avaient voté pour nous, devions être punis. Avec un autre prêt énorme. Avec plus d’austérité autodestructrice portant notre dette publique à 205% du revenu national. Avec une autre décision de l’Eurogroupe condamnant notre peuple à des souffrances inutiles pour le crime odieux d’avoir espéré et, pire encore, que l’espoir se propage dans le reste de l’Europe.

      Un terrain d’entente ?

      Pour en revenir à mes premiers pas dans l’Eurogroupe, je dois dire que j’y allais avec la volonté de trouver un terrain d’entente, comme Michel Sapin. Permettez-moi de vous lire des extraits de mon intervention dans laquelle je proposais un nouveau partenariat avec les institutions et avec mes collègues, les autres ministres des Finances :

      Le nouveau partenariat que nous vous proposons devrait être basé sur des objectifs réalistes et des politiques efficaces.

      Nous, le nouveau gouvernement grec, devons gagner une monnaie très précieuse sans dilapider un bien capital : nous devons gagner votre confiance, sans perdre la confiance de notre peuple - des électeurs qui, pour le moment, nous approuvent fortement. Une telle approbation est un important capital dans la lutte de l’Europe pour réformer la Grèce et la rendre stable et normale.

      En cette période de changement, nous percevons vos préoccupations au sujet des intentions de notre gouvernement. Nous devons, de toute évidence, les apaiser.

      Je suis ici aujourd’hui pour vous transmettre un message clair sur le programme et les engagements du nouveau gouvernement envers ses partenaires de l’Eurogroupe.

      La Grèce, en tant que membre de la zone euro, s’engage pleinement à trouver une solution discutée conjointement entre les partenaires, afin de renforcer notre union monétaire.

      Nous nous engageons à coopérer de bonne foi avec tous nos partenaires européens et internationaux, sur un pied d’égalité.

      Nous nous engageons à des finances publiques saines. La Grèce a fait un vaste ajustement au cours des cinq dernières années avec un immense coût social. Son déficit est maintenant en dessous de 3% en termes nominaux, en baisse de 15% en 2010. Nous avons maintenant un excédent primaire et notre excédent structurel, tel que mesuré par le Fonds monétaire international, est le plus grand dans l’UE.

      Le nouveau gouvernement prend cet ajustement comme point de départ. Nous souhaitons maintenant aller de l’avant, sur la base d’un nouveau partenariat mutuellement bénéfique avec nos partenaires européens.

      Nous nous engageons à de profondes réformes structurelles.

      Notre programme de réforme vise à recréer la confiance entre les citoyens grecs, la croissance de l’économie, et la crédibilité en Europe. Il reconnaît le besoin de réformes profondes pour ancrer la prospérité à long terme de la Grèce dans la zone euro.

      Nous reconnaissons que le programme d’ajustement précédent reflète les engagements pris par la Grèce et ses partenaires de l’Eurogroupe.

      Nous reconnaissons les efforts considérables déployés par les contribuables de vos pays pour soutenir la dette de la Grèce et maintenir l’intégrité de l’euro.

      Cependant, des objectifs budgétaires autodestructeurs et irréalistes ont été imposés à notre pays et à la population : ils doivent être révisés. Un objectif d’excédent primaire de plus de 3% du revenu national n’a pas de précédent historique dans une situation ressemblant à celle de la Grèce aujourd’hui. Il sera tout simplement impossible pour notre pays de se développer si nous continuons sur la voie de l’austérité imposée à notre économie car elle sape la croissance. C’est également tout à fait incompatible avec la réalisation d’un ratio durable dette-revenu.

      Le nouveau contrat que nous proposons de discuter avec vous devrait reconnaître cette évidence.

      Le nouveau contrat se fondera sur les réformes qui sont « possédées » par des citoyens et des institutions nationales, en utilisant de nombreux éléments de l’ordre du jour politique convenu précédemment. Cela signifie également que l’espoir de prospérité partagée doit être relancé à travers l’Europe.

      Nous voulons discuter avec vous de ce programme du pays qui reflète à la fois nos contraintes potentielles et spécifiques. Nous souhaitons que notre croissance soit inclusive, fondée sur l’investissement, et des gains de productivité. Une croissance fondée sur une compression supplémentaire du coût du travail ne peut pas marcher en Grèce et a été rejetée par notre peuple.

      Basé sur des objectifs d’excédent primaire plus réalistes et sur le programme de réforme et de croissance de notre pays, le nouveau contrat que nous proposons permettra de restaurer une trajectoire durable de la dette.

      Nous invitons le Fonds monétaire international à travailler avec nous pour évaluer la soutenabilité de la dette grecque fondée sur les engagements du gouvernement. La Grèce sera prête à faire des propositions concrètes à ses partenaires, en temps voulu, sur une série d’instruments novateurs pour réduire le fardeau de la dette de manière efficace, y compris les échanges de dettes.

      Ensuite, j’ai conclu avec ces mots :

      Chers collègues,

      L’Europe est entière et indivisible, et le gouvernement de la Grèce estime que la Grèce est un membre permanent et inséparable de l’Union européenne et de notre union monétaire.

      Certains d’entre vous, je le sais, ont été mécontents d’une victoire d’un parti de gauche, de gauche radicale. A ceux-là je dis ceci : Ce serait une occasion perdue de nous voir comme des adversaires.

      Nous sommes résolument européistes. Nous nous soucions profondément de notre peuple, mais nous ne sommes pas populistes, promettant tout à tout le monde. En outre, nous pouvons mener le peuple grec le long d’un accord véritablement bénéfique pour l’Européen moyen. En nous, vous trouverez des partenaires de confiance qui ne voient pas ces réunions comme un moyen d’extraire quelque chose de rien, de gagner au détriment de qui que ce soit.

      Je suis impatient de discuter avec vous maintenant, dans un véritable esprit de coopération et de partenariat, et d’écrire ensemble cette nouvelle page de notre relation.

      Je vous remercie beaucoup pour votre attention.

      Pardon d’avoir lu tous ces extraits. Mais je voulais vous donner une idée de l’esprit de coopération avec lequel nous avons approché l’Eurogroupe. Alors que je récitais ces lignes dans l’Eurogroupe, des "sources" de Bruxelles prétendaient que j’étais impoli, que je faisais des cours à mes collègues, que je rejetais les « réformes » de la Troïka. Je ne prenais pas ces rumeurs personnellement parce qu’elles ne me visaient pas personnellement. Elles faisaient partie d’une campagne de propagande brutale visant à justifier la diabolisation de notre gouvernement, à nous peindre comme des communistes radicaux afin de préparer l’opinion publique européenne à notre renversement.

      Pendant cinq longs mois, de notre côté il y eut clarté et propositions sophistiquées :

      • sur la réforme de l’administration fiscale, qui la rendrait totalement indépendante de mon ministère, mais aussi de l’oligarchie
      • sur une restructuration de la dette qui minimiserait les nouveaux prêts de la Grèce et maximiserait nos remboursements à nos créanciers
      • sur une nouvelle banque de développement qui ferait appel à des biens publics, en partenariat avec la Banque européenne d’investissement
      • sur une nouvelle mauvaise banque avec laquelle faire face aux dettes privées non performantes du système bancaire grec, aux mauvaises dettes privées qui bouchent les circuits de crédit, et permettrait d’empêcher les banques de prêter même à des taux rentables, les entreprises axées sur l’exportation
      • sur les mécanismes de lutte contre la corruption, la fixation des prix dans les marchés de détail, le travail non déclaré dans les marchés du travail, la réforme des retraites qui a réduit la retraite anticipée sans pousser plus de personnes âgées dans la pauvreté.

      Chaque fois que nous avons proposé une mesure ou une réforme sensible, nous avons été repoussés. Mes collègues français étaient clairement sans épaisseur, avec un déprimant manque d’influence. Même lorsque nous convenions d’une certaine mesure avec Michel Sapin ou Pierre Moscovici, que se passait-il ? Si le président de l’Eurogroupe en décidait ainsi, notre accord n’était même pas entendu dans l’Eurogroupe - pas sûr que M. Djisselbloem n’ait jamais pris ces décisions de son propre fait. Lorsque, conscient de cela, je posai la question au Dr Schäuble, il a refusé de négocier avec moi sur quoi que ce soit de substantiel : C’est le programme existant (échoué) ou la route, telle était sa ligne. "Allez aux institutions." Ce que j’ai dûment fait.

      Mur de pierre

      Sauf que nos négociations avec les institutions, la Troïka, étaient l’expérience la plus frustrante que l’on puisse avoir. Comme certains personnes ennuyeuses qui veulent tellement vous parler de tout à la fois que vous finissez par ne parler de rien du tout, les institutions ont insisté sur un "examen complet" conduisant à un "accord global", ce qui signifiait qu’ils voulaient parler à propos de tout.

      Ils disaient : nous avons besoin de toutes vos données sur la trajectoire budgétaire actuelle de l’économie grecque, nous avons besoin de toutes les données sur les entreprises publiques, toutes les données sur les fonds de pension, sur les sociétés d’énergie, sur ceci, cela et autre chose. Pour démontrer notre coopération nous avons avancé, répondu aux questionnaires, tenu d’innombrables réunions et nous fournissions les données. Après avoir perdu beaucoup de temps à chercher des données qu’ils avaient déjà, et avant que nous les ministres en prenions connaissance, ils nous demandaient ce que nous avions l’intention de faire à propos de la TVA. Nous faisions de notre mieux pour leur expliquer nos plans modérés sensibles pour la TVA. Ils écoutaient, semblant sceptiques, rejetaient notre proposition mais ne parvenaient pas à en faire une. Et puis, avant d’avancer vers un accord sur la TVA, ils passaient à une autre question, comme la privatisation. Ils demandaient ce que nous voulions faire au sujet de la privatisation, nous mettions en avant quelque chose de sensé et de modéré, ils le rejetaient. Ensuite, ils se déplaçaient sur un autre sujet, comme les pensions, puis sur les marchés de produits, puis sur les relations de travail, etc. C’était comme un chat qui court après sa queue.

      Peut-être le plus grand obstacle à la conduite d’une négociation raisonnable était la fragmentation de la Troïka. Le FMI était proche de nous pour reconnaître l’importance de la restructuration de la dette, mais il a insisté pour que nous retirions toutes les protections restantes des droits des travailleurs et des professionnels de la classe moyenne, comme les pharmaciens ou les ingénieurs. La Commission était beaucoup plus sympathique à notre égard sur ces questions sociales, mais interdisait toute référence à la restructuration de la dette de peur que ça ne dérange Berlin ou Francfort. La BCE avait son propre ordre du jour. En bref, chacune des institutions avait différentes lignes rouges, ce qui signifiait que nous étions emprisonnés dans une grille de lignes rouges.

      Pire encore, nous avons dû faire face à la "désintégration verticale " de nos créanciers, car les patrons du FMI et de la Commission avaient un programme différent de leurs sbires ou que les ministres des finances allemands et autrichiens avaient un ordre du jour en contradiction totale avec celui de leurs chanceliers.

      Pendant ce temps, comme les jours et les semaines passaient en raison de la détermination de nos créanciers à retarder, retarder et retarder, tandis que des fuites dans la presse prétendaient dans le même temps que nous empêchions les négociations, notre gouvernement a été asphyxié par la BCE. Même avant notre élection, la BCE avait indiqué qu’elle réduirait en Grèce l’accès bancaire aux liquidités. Nos adversaires dans la presse ont tourné cela en une gigantesque campagne de peur, incitant efficacement les déposants à retirer leur argent des banques. Il n’y a rien de plus facile au monde que de provoquer un bank run - bank run que les banques centrales ont été créées pour empêcher.

      Quelques jours après notre élection, je me suis précipité à Londres pour parler aux financiers de la ville afin de calmer leurs nerfs et de les convaincre que notre gouvernement était favorable à l’entreprise, tout en étant déterminé à sauvegarder l’intérêt de notre population en difficulté. Ça a marché. Le lendemain matin, la bourse grecque a augmenté de 12% et la Banque d’actions de 20% et plus. Le jour d’après, la BCE a annoncé qu’elle devait limiter l’accès de nos banques au mécanisme de liquidité. La bourse fut de nouveau écrasée. Pourquoi la BCE fit-elle cela à notre nouveau gouvernement ?

      La réponse officielle fut que « le programme » de la Grèce venant à expiration à la fin de Février, cela "soulevait des questions sur la garantie des banques grecques". En réalité, la BCE mettait la pression sur notre gouvernement afin qu’il arrête le rêve de rallumer l’espoir et accepte le programme échoué de la Troïka tel qu’il était - peut-être avec quelques modifications cosmétiques.

      Il est intéressant de comparer ce que la BCE nous a fait avec ce qu’elle avait fait l’été 2012, lorsqu’un nouveau gouvernement avait été élu et que, à nouveau, le « programme » grec était dans les limbes. La BCE avait alors augmenté la liquidité des banques à des niveaux très hauts en une seule fois et l’augmentation du crédit de la carte (ou T-Bill) limite de l’Etat grec de 15 milliards à 18. 3 milliards. Dans notre cas ? Dans notre cas, la BCE a augmenté la liquidité des banques peu à peu, jour après jour, créant chez les déposants la peur que peut-être demain la limite ne serait pas relevée et que les banques seraient à sec. Naturellement, le bank run a empiré.

      Quant à la limite de la carte de crédit du gouvernement, au lieu de la pousser jusqu’à 15 à 18.3 milliards, la BCE a poussé vers le bas, utilisant une astuce juridique sans précédent, passant de 15 à 9 milliards. Et tout cela à un moment où je devais trouver 7 milliards pour effectuer des paiements au FMI, paiements devant à l’origine être faits avec de nouveaux prêts qui ne nous ont été jamais donnés.

      Leur stratégie était très, très simple : retarder tout accord avec nous, nous en faire porter le blâme, parler du manque de « crédibilité » de nos propositions, jusqu’à ce que notre gouvernement, l’État, soit à court de liquidités. Puis nous poser un ultimatum sous la menace de la fermeture immédiate de la banque. Ce ne fut rien d’autre qu’un coup d’Etat.

      Comme je l’ai déjà dit : en 1967, il y eut les tanks et en 2015 il y eut les banques. Mais le résultat a été est le même : renverser le gouvernement ou le forcer à se renverser - en tant que Premier ministre Tsipras malheureusement a décidé de le faire le soir de notre magnifique référendum, et je démissionnais alors de mon ministère, et puis il le fit de nouveau le 12 juillet.

      Les gros poissons à frire

      Pour en revenir à Février, je pouvais voir l’écriture sur le mur. Je pouvais voir que la Troïka n’était pas intéressée par les réformes touchant l’oligarchie, en partie parce qu’ils étaient dans une relation confortable avec les oligarques (dont la presse a soutenu la Troïka dans sa lutte contre nous) et en partie parce qu’ils avaient d’autres poissons à frire, la France étant le plus gros.

      Que pouvais-je faire pour qu’il leur soit difficile d’ignorer nos propositions ? J’ai fait deux choses. Je leur ai d’abord suggéré que ce que je proposais était un compromis décent et raisonnable pour le processus de négociations. Je leur ai dit : nous convenons de trois ou quatre réformes importantes, comme le système fiscal, la TVA, un système pour lutter contre la corruption dans les marchés publics, et nous les mettons en œuvre immédiatement, pendant que la BCE assouplit les restrictions sur notre liquidité. Vous voulez un accord global ? Continuons la négociation pour y arriver - mais en attendant, laissez-nous nous soumettre ces réformes au parlement.

      Leur réponse ? "Non, non, non, ce doit être un examen complet. Rien ne sera mis en œuvre si vous osez introduire une législation. Ce sera considéré comme une action unilatérale hostile au processus pour parvenir à un accord".

      Donc, en réponse, j’ai essayé une autre chose, qui m’avait été recommandé par une personne très haut placée dans le Fonds monétaire international. Avec une équipe d’experts talentueux, j’ai élaboré un plan de 60 pages pour le redressement de la Grèce, un programme de réformes pour la Grèce, un plan directeur pour mettre fin à la crise grecque. Dans cette équipe travaillaient des experts non grecs : le ministre britannique des finances, Thomas Mayer, ancien économiste en chef de la Deutsche Bank, mon grand ami Jamie Galbraith, de l’Université du Texas, et Mariana Mazzucato, de l’Université de Sussex. Ensuite, Jeff Sachs, de l’Université Columbia, qui a partucipé à l’élaboration de nombreux programmes nationaux de réforme au nom du Fonds monétaire international, m’a aidé à modifier et à éditer le document.

      J’ai remis ce document aux autres ministres des Finances, l’ai envoyé aux gouvernements et aux fonctionnaires des institutions. Quelqu’un y a-t-il porté attention ? Bien sûr que non. Même mon Premier ministre a été trop timide pour oser le soumettre à d’autres chefs de gouvernement, de peur que la Troïka ne le voie comme un défi à son autorité, à son "processus d’examen complet".

      Pendant ce temps, la Troïka, diverses personnes de la Commission, du ministère allemand des Finances et d’autres sources de pouvoir, ont multiplié les fuites dans les médias, disant que nous refusions de réformer le pays, que nous perdions notre temps, que nous n’avions rien crédible à offrir !

      Je vous invite à regarder mon site où j’ai téléchargé ce document et, si vous en avez le temps et l’énergie, de le comparer à l’« accord » qui a finalement été imposé au Premier ministre Tsipras. Un rapide coup d’œil vous convaincra que notre plan, celui dont personne ne discute, que même le gouvernement grec n’a pas réussi à faire connaître, mettrait fin à la crise grecque, contrairement aux termes de la reddition dictée le 12 Juillet, que notre Parlement a adoptée récemment, et qui va alimenter la crise avec en outre des effets catastrophiques sur les plus faibles des citoyens grecs.

      Jeu final

      Et la négociation s’est poursuivie sans fin, jusqu’à ce que notre Etat manque complètement de liquidités. A la 11ème heure, le 25 Juin, quatre jours avant que les banques grecques ne soient fermées par la BCE, la Troïka nous a donné sa proposition d’accord. C’était un ultimatum. Vous acceptez, ou vos banques ne rouvriront jamais leurs portes.

      Nous lisons leurs propositions. Elles étaient absolument toxiques ... totalement non viables et toxiques. Ils voulaient que nous engagions une nouvelle austérité ridicule, que nous augmentions la TVA sur les hôtels de nos îles de l’Egée de 6% à 23%, quand en Turquie, il est de 7%, que nous réduisions les pensions des retraités les plus pauvres d’un tiers. La liste des horreurs sur lesquelles ils insistaient était sans fin.

      Pendant des mois, ils ont asphyxié notre gouvernement et l’économie avec simultanément un bank run et un resserrement des liquidités, ils exigeaient que notre état stressé rembourse le Fonds Monétaire International au détriment de sa propre substance en décomposition, et ils ont freiné les négociations jusqu’à ce que nous arrivions au bord de la falaise. Et à ce moment ils ont fait le genre de proposition qu’on fait quand on ne veut pas d’accord. La question est : Pourquoi donc faisaient-ils cela ?

      Ont-ils tout fait pour que nous acceptions ces réformes ? Bien sûr que non. Nous souhaitions désespérément introduire des réformes. Quand ils parlaient de réformes, ce n’est pas de réformes qu’ils parlaient. Ce n’est pas une réforme de réduire la pension mensuelle d’un retraité de 300 euros par mois à 200 euros par mois. Nos propositions de réforme du système de retraite étaient de véritables réformes - nous avions un plan pour utiliser comme levier les biens publics afin de créer des investissements versant des dividendes qui, à leur tour, soutiendraient les fonds de pension. Nous avons proposé une restructuration des fonds de pension et des restrictions drastiques sur la retraite anticipée. Mais cela ne les a pas intéressés.

      Permettez-moi maintenant d’aborder la question de la dette. L’objectif d’une restructuration de la dette est de réduire les nouveaux prêts nécessaires pour sauver un débiteur en faillite. Les créanciers offrent un allègement de la dette pour obtenir plus de valeurs en retour et réduire les nouveaux financements. Les créanciers de la Grèce ont fait le contraire. Ils ont refusé de restructurer la dette et insisté pour que nous nous endettions de plus en plus, dans des conditions rendant le remboursement impossible.

      Au cours des négociations, je ne cessais de suggérer à nos créanciers une série de swaps intelligents de la dette qui auraient deux objectifs : réduire au minimum les nouveaux prêts, et s’assurer que la Grèce bénéficie du même soutien de la BCE dont le reste des Etats membres de la zone euro bénéficient quotidiennement, ce qui est la meilleure façon de cesser d’emprunter auprès des contribuables européens. Ils ont rejeté mes propositions et ont imposé un nouveau prêt qui est le double de ce qui était nécessaire.

      Nos propositions n’ont même pas été rejetées : elles n’ont jamais été discutées, c’est ça le vrai problème ! Même si nous étions habilités à dire qu’elles étaient techniquement rigoureuses et juridiquement solides, la volonté politique de l’Eurogroupe était de les ignorer, de laisser les négociations échouer, de fermer nos banques, et de forcer le gouvernement grec à capituler sur tout - y compris sur un nouveau prêt massif beaucoup plus important que ce que nous avions proposé.

      Pourquoi ?

      Donc, retour à la terrible question : Pourquoi les créanciers de la Grèce préfèrent-ils un nouveau paquet de prêts plus grand que nécessaire ? Pourquoi ignoraient-ils nos propositions de réforme dont ils savaient que nous pouvions et voulions les mettre en œuvre ? Pourquoi ont-ils gaspillé l’opportunité que nous représentions en tant que gouvernement ayant le soutien de la grande majorité du peuple grec ? Nous pouvions demander aux Grecs de prendre un remède amer, mais pas toxique, de la médecine réformiste. Pourquoi ont-ils exigé que le médicament soit toxique et non thérapeutique ?

      Il n’y a pas de réponse économique ici. La seule réponse est en termes de puissance politique. La plus grande crainte de la Troïka était que notre gouvernement puisse réussir. Que sa grande sagesse et son autorité à elle, la Troïka, soient mises en cause par vous, chers amis, par les peuples d’Europe. La Troïka ne se préoccupe pas de la plaie purulente permanente qu’est la Grèce. Le ministre allemand des Finances n’est même pas préoccupé par le remboursement des contribuables allemands.

      Ceux qui dirigent le spectacle en Europe sont prêts à verser beaucoup plus d’argent de leurs contribuables dans la fosse sans fond grecque, pendant que les Grecs souffrent, si c’est la seule façon qu’ils ont de perpétuer leur contrôle sur leur propre peuple.

      • La dette est le pouvoir du créancier et la dette insoutenable donne aux créanciers encore plus de puissance.

      • Ils ne voulaient pas rembourser votre argent.

      • Ils voulaient renverser notre gouvernement à vos frais.

      • Encore mieux, ils nous voulaient étendus un lit de clous, dépendant de leur bon vouloir, et les en remerciant.

      • Ils voulaient humilier le seul gouvernement qui a osé questionner la logique d’une politique économique illogique.

      Notre longue négociation de cinq mois fut un conflit entre le droit des créanciers de gouverner un pays débiteur et le droit démocratique des citoyens de cette nation d’être autogouvernés. Il n’y a jamais eu une négociation entre l’UE et la Grèce en tant qu’Etat membre de l’UE.

      Voilà pourquoi je suis ici. Je suis ici parce que ce qui nous est arrivé est en train de vous arriver. La Grèce est un champ de bataille sur lequel une guerre contre la démocratie européenne, contre la démocratie française, a été tentée et testée.

      En mai dernier, en marge d’une autre réunion de l’Eurogroupe, encore un autre, j’avais eu le privilège d’une conversation fascinante avec le Dr Schäuble. Nous avions parlé longuement à la fois de la Grèce et de l’avenir de la zone euro. Plus tard ce jour-là, l’ordre du jour de la réunion de l’Eurogroupe comportait un article sur les changements institutionnels à venir pour renforcer la zone euro. Dans ces conversations, ce que le Dr Schäuble prévoyait pour l’Europe est devenu très clair. Il était également clair que la grande majorité des ministres des Finances étaient d’accord. Michel Sapin n’était pas parmi ceux-là, mais, je ne me souviens pas de l’avoir vu contester ouvertement la vision de Dr Schäuble. Clairement, la France n’est plus ce qu’elle a été...

      Et quel est le plan ? François Mitterrand savait que la zone euro avait été mal construite. Il croyait que la première grande crise de l’euro obligerait ses successeurs à introduire l’union politique nécessaire pour sauver l’Europe d’une fragmentation semblable à celle des années 1930. Il avait tort.

      Une crise à grande échelle est bien sûr inévitable lorsque le contrôle sur l’argent de différentes nations est concédé à des "technocrates" déconnectés de tout processus parlementaire susceptible de l’infléchir si nécessaire. Une fois que la crise inévitable éclate, les intérêts nationaux refont surface sur un mode vengeur. L’histoire a prouvé que Mitterrand avait tort : La crise a opposé une nation fière à un autre et a repoussé à un avenir lointain une solution fédérale.

      Nous sommes restés avec le plan de Dr Schäuble : Un seigneur du budget Eurozonal (peut-être une version glorifiée de président de l’Eurogroupe) muni uniquement de pouvoir négatif, ou de veto, sur les budgets nationaux. Sur le budget de la France, pour être précis. Un Eurogroupe qui devient de plus en plus puissant pendant que la Commission européenne se fane à l’arrière-plan, confinée à des questions d’importance mineure.

      A ceux qui disent « plus d’Europe » et parlent en faveur d’une « union politique », je dis : méfiez-vous ! L’Union soviétique était aussi une union politique. La question est : Quel genre d’union politique ? Un royaume démocratique de prospérité partagée ? Ou une cage de fer pour les peuples d’Europe ?

      Une démocratie fédérale comme l’Allemagne, les Etats-Unis ou l’Australie, permettez-moi de vous le rappeler, est fondée sur la souveraineté de ses citoyens, comme en témoigne le pouvoir de ses représentants fédéraux de légiférer au nom du peuple souverain.

      En contraste, le Plan Schäuble conçoit seulement des pouvoirs négatifs : Un seigneur du budget qui peut seulement dire « non », mais a une capacité très limitée de recycler les excédents vers les régions déficitaires de l’Europe - ce qu’un système fédéral ferait.

      Le problème posé par ce plan est double. Premièrement, il ne permet pas de protéger et de gérer la macro-économie de la zone euro. Deuxièmement, il viole les principes fondamentaux de la démocratie libérale occidentale.

      Alors, que vient faire la Grèce dans tout cela ? Elle est utilisée dans une sorte de conte moral, pour vous démontrer à vous ce qui vous attend si vous résistez à cette version disciplinaire de l’union politique. Le Grexit est conçu comme une menace pour forcer le peuple de France à accepter comme un moindre mal l’austérité permanente, la crise permanente et le contrôle de votre destin par des irresponsables, des gens sans visage, des pseudo-technocrates économiquement analphabètes.

      Ne vous méprenez pas : Notre gouvernement a été écrasé, car nous avons osé dire non à la Troïka à une époque où elle avait des plans pour venir à Paris. Vous ne pourrez pas dire que vous n’avez pas été prévenus. "Nous sommes tous des Grecs désormais" non pas parce qu’il y a quelque chose de supérieur chez les Grecs, mais parce que le printemps d’Athènes a allumé une petite bougie d’espoir chez tous les Européens. Une bougie que la Troïka devait éteindre à tout prix, de peur que son autorité soit contestée par le spectre de la démocratie.

      Perte de la souveraineté sur les ministères clés de l’Etat

      Une des choses les plus choquantes pour moi, après que je fus devenu ministère des Finances, fut de comprendre à quel point cinq ans de règne de la Troïka avaient transformé l’Etat grec en fromage suisse. Des pans entiers de notre gouvernement avaient été engloutis par la Troïka, leur répondant directement à eux, ne rendant pas compte aux ministres, voire au Parlement.

      Et ce n’était pas seulement la Banque de Grèce, qui était incorporée dans la Banque centrale européenne et qui, au lieu d’aider notre gouvernement (comme il était prévu que les banques centrales le fassent), nous a asphyxiés. Non, je pense à d’autres institutions cruciales comme le Fonds hellénique de stabilité financière - HFSF - (qui détient pour le compte de l’Etat toutes les banques), à l’instance qui gère toutes les privatisations, à l’Office statistique et, bien sûr, au secrétariat de mon propre ministère.

      Quand j’ai décidé de réduire les énormes salaires des gestionnaires de HFSF, nommés en grande partie par la Troïka, je reçus une lettre de M. Thomas Wieser, le président du groupe de travail euro, un fonctionnaire clé de la Troïka, qui m’a dit que je ne pouvais pas le faire sans son approbation. Dans un pays où la Troïka exige des réductions de salaire et de retraite constants, le ministre ne peut pas réduire les salaires exorbitants des favoris garçons et filles de la Troïka - salaires versés par notre nation en faillite.

      À une autre occasion, je essayé d’interroger le secrétariat de mon propre ministère à propos du retard de quatre mois qui affectait l’ouverture de l’application Web par laquelle les entreprises soumettent leurs déclarations de revenus. Or durant ces quatre mois notre état était asphyxié et avait grand besoin de recettes fiscales. On m’a dit que je n’avais aucune autorité sur le Secrétariat des recettes publiques, qui était effectivement directement relié à la Troïka. Bientôt, au cours des négociations, la Troïka donna plus d’autonomie au secrétariat général qui aidait à l’asphyxie de notre état !

      Et quand, après ma démission, je parlai à un groupe de financiers de mon plan pour rétablir la souveraineté nationale sur ce secrétariat particulier, je fus soudain confronté à une campagne, par les médias grecs amis de la Troïka, dont le but était de me faire inculper pour ... haute trahison.

      Je vous dis tout cela afin que vous soyez avertis. Lorsque la Troïka viendra à Paris, en personne ou en esprit, sachez ceci : une privation hideuse de souveraineté nationale sera imposée aux ministres français aussi - si ce n’est pas déjà fait.

      Déficit démocratique

      Permettez-moi de revenir à la fin Juin. Le premier ministre Tsipras avait annoncé le référendum car nous n’avions le mandat ni d’accepter un accord non-viable, ni d’entrer en conflit avec l’Europe. Donc, nous avons demandé au peuple grec de donner son avis sur l’ultimatum.

      Lors de la réunion de l’Eurogroupe qui a suivi, le 27 Juin, je suis fustigé par plusieurs ministres des Finances pour avoir posé des questions financières complexes à des gens ordinaires. Quoi ? N’est-ce pas une question de démocratie ? Poser des questions complexes aux gens ordinaires, sur la base de : une personne, une voix ? Avais-je bien entendu ? L’Eurogroupe - l’organe de la plus grande économie du monde où toutes les décisions qui façonnent nos économies sociales sont prises - me jetait la démocratie au visage ?

      Lors de cette réunion, le président Dijsselbloem a annoncé qu’il était sur le point de convoquer une deuxième réunion tard dans la soirée, sans moi : sans que la Grèce ne soit représentée. Je protestais qu’il ne pouvait pas, de lui-même, exclure le ministre des Finances d’un État-membre de la zone euro et j’ai demandé un avis juridique sur la question.

      Après une courte pause, l’avis est tombé du Secrétariat de l’Eurogroupe : "L’Eurogroupe n’existe pas dans le droit européen. C’est un groupe informel et, par conséquent, aucune règle écrite ne peut contraindre son président". Aucune règle écrite, aucun procès-verbal (permettant aux citoyens de voir ce qui a été dit en leur nom), aucun respect pour la démocratie. Voilà l’institution qui décide pour vous et moi, pour vos enfants et les miens. Est-ce l’Europe pour laquelle Adenauer, De Gaulle, Brandt, Giscard, Schmidt, Kohl, Mitterrand, etc. avaient travaillé ? Ou est-ce l’épitaphe de l’Europe que nous avions toujours pensée être notre point de référence, notre boussole ?

      Une semaine plus tard, le peuple de Grèce, malgré les banques fermées et la peur exploitée par des médias grecs corrompus, a prononcé un NON retentissant au référendum. Le lendemain, le Sommet Euro a répondu en imposant à notre Premier ministre un accord qui ne peut être décrit qu’en termes de capitulation de notre gouvernement. Et l’arme de choix du Sommet Euro ? La menace illégale d’amputer la Grèce de la zone euro.

      Quoi qu’on pense de notre gouvernement, et malgré les divisions que cette capitulation a occasionnées entre nous, cet épisode restera dans l’histoire de l’Europe comme le moment où l’Europe officielle a déclaré la guerre à la démocratie européenne. La Grèce a capitulé, mais c’est l’Europe qui a été défaite.

      Notre mécontentement

      Comme vous avez pu l’entendre, cette nuit-là j’ai été en désaccord avec le Premier ministre Tsipras et j’ai démissionné. Nous avions été en désaccord sur un certain nombre de questions auparavant.

      Le fait d’avoir concédé à la Troïka fin avril des excédents primaires ridiculement élevés, sans mon consentement, a été une façon d’enhardir nos créanciers. Une fois que vous acquiescez sur des excédents primaires élevés, vous acceptez une nouvelle austérité, vous signalez que vous n’êtes pas vraiment sérieux quand vous parlez de restructuration de la dette. Et une fois que vous cédez sur l’austérité et la dette, la Troïka sait que vous êtes battu. Tout ce qu’ils avaient à faire était d’attendre notre capitulation.

      La raison pour laquelle je ne l’ai pas démissionné alors, fin Avril et début mai, c’était que j’étais certain que la Troïka ne donnerait pas à mon Premier ministre un accord à moitié décent, même après qu’il leur eut accordé presque tout ce qu’ils avaient demandé. Car leur but était notre humiliation, plutôt qu’un accord très dur d’austérité. Et donc j’ai attendu que Alexis durcisse le ton. Le référendum lui a donné cette chance.

      Lorsque l’Eurogroupe a demandé à la BCE de fermer nos banques en représailles à notre référendum - les mêmes banques que la BCE avait déclaré à plusieurs reprises être insolvables - je recommandais deux ou trois actes en représailles de notre côté. Quand je fus mis en minorité au sein de notre cabinet de guerre, je savais que c’était fini.

      Et pourtant les personnes courageuses de Grèce, en dépit de la propagande menée par les oligarques de la télévision et de la radio, ignorant les banques fermées, avaient voté un retentissant « Non » à la capitulation. Cette nuit-là Danae et moi avons senti que nous avions une autre chance. Ou que, à tout le moins, nous devrions démissionner si nous pensions que nous avions usé toutes nos armes, prenant la rue avec notre peuple courageux. « Pas en notre nom » aurait dû être notre réponse de défi à la demande de la Troïka que nous signions son catastrophique « nouveau » plan.

      Ces désaccords entre Alexis Tsipras et moi sont maintenant de l’eau sous le pont. Je suis désolé que nos chemins aient divergé. En particulier, je me désole d’entendre mon camarade se battre pour appuyer un programme dont il sait qu’il n’est pas fait pour marcher.

      Pouvons-nous aller de l’avant unis dans la différence ? La gauche n’a pas si le faire dans le passé. Cela s’améliore maintenant. Nous devons laisser la porte ouverte à tous ceux qui ont l’envie et la capacité de nous rejoindre dans la lutte pour récupérer l’intégrité et l’âme de l’Europe. Pour démocratiser la zone euro.

      Une fausse, mais divertissante, histoire de l’euro

      Pourquoi nous, Européens, avons créé l’euro ? Une réponse peu analytique mais divertissante :

      Les Français craignent les Allemands

      Les Irlandais voulaient échapper à la Grande-Bretagne

      Les Grecs étaient terrifiés par la Turquie

      Les Espagnols voulaient devenir comme les Français

      Les Italiens du Sud voulaient des droits migrateurs vers... l’Allemagne

      Les Italiens du Nord voulaient devenir allemands

      Les Néerlandais et les Autrichiens étaient presque tous devenus allemands

      Les Belges ont cherché à guérir leurs profondes divisions en rejoignant à la fois la Hollande et la France sous l’égide d’un Deutsch mark reconfiguré

      Les pays baltes frissonnaient à la pensée d’une résurgence de la Russie

      Les Slovaques n’avaient nulle part où aller après la séparation d’avec leurs frères tchèques

      La Slovénie fuyait les Balkans

      La Finlande devait faire quelque chose que la Suède ne ferait pas

      Et, enfin, les Allemands craignaient les ...Allemands !

      Comme tous les gros mensonges, cette liste contient d’importantes petites vérités. Les Français craignaient vraiment les Allemands. Et les Allemands avaient des raisons de craindre cette peur, ainsi que la capacité à l’autodestruction de leur propre État-nation.

      Sur ce point, je tiens à différer de ceux qui ont imputé la crise de l’Europe "à l’Allemagne" et "aux Allemands". Je me suis toujours opposé à cela pour deux raisons.

      Tout d’abord, "les Allemands" ça n’existe pas. Pas plus que "les" Grecs. Ou "les" Français. Quiconque connaît les sociétés allemande, grecque, française sait qu’il y a beaucoup plus de différences de caractère, de vertu ou d’opinion parmi les Grecs, les Français ou les Allemands qu’il n’y a de différences entre Allemands, Français et Grecs.

      La deuxième raison pour laquelle je m’oppose à la censure de l’Allemagne est que Paris porte une plus grande responsabilité que Berlin dans notre pagaille actuelle. Permettez-moi de vous ramener au 18 Septembre 1992. Ce jour-là, deux jours avant que les Français ne votent lors du référendum sur le traité de Maastricht, Le Figaro avait écrit :

      Les adversaires de Maastricht craignent que la monnaie commune et la nouvelle Banque centrale ne fortifient la supériorité du Deutsche Mark et de la Bundesbank. Mais c’est exactement le contraire qui va se passer. Si elle vient à Maastricht, l’Allemagne devra partager sa puissance financière avec les autres. « L’Allemagne paiera », disaient-ils dans les années 1920. Aujourd’hui, l’Allemagne paie vraiment. Maastricht est le Traité de Versailles sans la guerre.

      Aucun Allemand ne pouvait pardonner une telle insensibilité. Que l’establishment français lutte de cette façon pour convaincre un électorat français sceptique de voter « OUI » au référendum n’était pas une excuse.

      Le Traité de Versailles de 1919 a condamné les Allemands à la misère indicible, a humilié la fière nation allemande, et a préparé le terrain aux voyous nazis. Les nazis seraient restés une note historique en bas de page s’il n’y avait pas eu les réparations impossibles du traité de Versailles.

      Ce ne fut pas seulement le capricieux éditorial de certains journaux français. Le Président De Gaulle avait également envisagé l’union monétaire avec l’Allemagne comme "la guerre par d’autres moyens », précisément dans l’esprit du Figaro. Et puis en 1983, lorsque François Mitterrand a décidé d’abandonner les politiques anti-austérité du gouvernement socialiste pour apaiser les marchés et la Bundesbank, Jacques Delors a fait valoir qu’il embrassait l’austérité parce que l’austérité pouvait être seulement vaincue au niveau européen. Le plan de Delors était de capturer une institution chérie par le peuple allemand, la Bundesbank, de la subsumer dans une banque centrale française dominée, et d’étendre en Allemagne et au reste de l’Europe des politiques chères au coeur de Paris.

      Oui, il est vrai que j’en ai eu assez d’entendre les politiciens allemands, comme Wolfgang Schäuble, parler et encore parler sur la sainteté de règles inapplicables. Mais nous devons être honnêtes : les élites de la France sont responsables d’avoir mis les élites de l’Allemagne sur la défensive. Les diplômés des Grand Écoles françaises tiennent des beaux discours sur le bien commun de l’Europe, mais en réalité, ils ont tenu à sacrifier les intérêts de la majorité du peuple français sur l’autel de leur étroit intérêt. Ils n’ont cessé d’exiger de leur propre peuple et du reste de l’Europe de faire des sacrifices afin que la classe dirigeante de la France prospère, avec des Deutsch mark ou des euros plein les poches.

      L’euro a changé tout cela. Enfermés dans son étreinte d’acier, les administrateurs sophistiqués de la France se rendent compte maintenant que l’union monétaire ne va pas leur offrir l’Allemagne sur un plateau. En effet, ils se rendent compte que non seulement ils ne gagnent pas sur l’Allemagne mais qu’ils perdent la France. Cela ne nous offre, à nous humanistes européens engagés, aucun réconfort. Nos peuples en France, en Allemagne, en Grèce, en Finlande souffrent de la manipulation inepte par nos prétendues élites de la crise inévitable de l’euro.

      Les fourmis et les sauterelles

      Pour en revenir à ce vieux manifeste avec lequel j’ai commencé mon discours, il reste vrai que l’histoire de l’humanité est l’histoire de la lutte de classes. La seule force politique qui l’a oublié est la ... Gauche. La droite n’a jamais cessé de poursuivre la guerre de classe dans la pratique tout en utilisant chaque crise pour opposer les unes aux autres les nations fières.

      L’idée que les fourmis vivent toutes dans le Nord et les sauterelles toutes dans le Sud, en plus de l’Irlande, est absurde. Il y a des fourmis et il y a des sauterelles dans chacune de nos nations. Pendant les « bons » moments de la zone euro, les sauterelles du Nord et les sauterelles du Sud ont dévoré frénétiquement. Et quand leurs péchés ont conduit à la crise, ce sont les fourmis du Nord et les fourmis du Sud qui ont été forcées de payer la facture.

      La Troïka et l’Eurogroupe sont les instances qui ont endossé l’agenda des sauterelles de l’Europe officielle, partout en Europe, tournant les fourmis du Nord contre les fourmis du Sud dans une Europe qui est en train de perdre son âme du fait des stéréotypes, des dénis et à cause des sales prétendues élites extrêmement déterminées à ne pas lâcher les leviers du pouvoir mal acquis.

      En 1929, un accident à Wall Street a commencé le processus qui a démantelé la monnaie commune de l’époque - le Gold Standard. En 2008, un autre accident à Wall Street a commencé le processus de fragmentation de la zone euro. À ces deux occasions, les Français se retournèrent contre les Allemands, les Allemands contre les Français, avant que les Français ne se retournent contre les Français, les Grecs contre les Grecs et les Allemands contre les Allemands. À ces deux occasions, dans les années 1930 et maintenant, les seuls bénéficiaires ont été les bigots, les nationalistes, les xénophobes, les misanthropes. L’œuf du serpent n’a pas mis longtemps à éclore dans de telles circonstances.

      Anti-nationaliste, anti-nazi

      Voilà pourquoi il est si important que nous évitions de commencer des phrases par « Les Allemands ceci » ou « Les Français qui" ou "Les Grecs". Voilà pourquoi il est impératif que nous comprenions que "les" Allemands, "les" Grecs ou "les" Français n’existent pas. Que nous sommes tous des Européens face à une crise très européenne.

      Lors de ma première visite à Berlin, au cours de la conférence de presse que je donnais avec le Dr. Wolfgang Schäuble, j’ai dit :

      En tant que ministre des Finances d’un gouvernement confronté à des circonstances d’’urgence causées par une crise de dette déflationniste sauvage, je pense que la nation allemande est celle qui peut le mieux nous comprendre. Personne ne peut mieux comprendre que les gens de ce pays à quel point une économie très déprimée, soumise à un rituel d’humiliation nationale et de désespoir sans fin, peut voir éclore l’œuf du serpent en son sein. Quand je rentrerai à la maison ce soir, je vais me retrouver dans un Parlement où le troisième plus grand parti est un parti nazi.

      L’Allemagne peut être fière du fait que le nazisme a été éradiqué ici. Mais c’est l’une des ironies cruelles de l’histoire que le nazisme ait montré son visage laid en Grèce, un pays qui a mené une forte lutte contre lui. Nous avons besoin du peuple de l’Allemagne pour nous aider à lutter contre la misanthropie. Nous avons besoin que nos amis allemands restent fermes dans le projet européen de l’après-guerre ; c’est à dire, ne plus jamais permettre une dépression comme celle des années 1930, divisant les fières nations européennes. Nous ferons notre devoir à cet égard. Et je suis convaincu que c’est ce que feront nos partenaires européens.

      Donc, jamais plus de stéréotypes sur les Grecs, les Allemands, les Français, tout le monde. Tendons la main à tous ceux qui veulent refaire de l’Europe un royaume démocratique de prospérité partagée.

      CONCLUSION

      Je vous ai assez fatigués. Laissez-moi en mon nom et en celui de Danaé, exprimer nos profonds remerciements à Arnaud Montebourg et Aurélie Filippatti pour leur hospitalité, leur amitié et pour nous avoir permis de vous rencontrer vous tous aujourd’hui - pour cette occasion de commencer quelque chose d’important, ici, à Frangy.

      La France est le laboratoire de l’Europe. En apportant en France l’esprit du printemps d’Athènes on peut donner à l’espoir une autre chance.

      Chers amis, la diversité et la différence n’ont jamais été le problème de l’Europe.

      Notre continent a commencé à se réunir avec de nombreuses langues et des cultures différentes, mais il est en train de finir divisé par une monnaie commune.

      Pourquoi ? Parce que nous laissons nos dirigeants faire quelque chose qui ne peut pas être fait : dépolitiser l’argent, pour faire de Bruxelles, de l’Eurogroupe, de la BCE, des zones franches apolitiques.

      Quand la politique et l’argent sont dépolitisés, ce qui se passe c’est que la démocratie meurt. Et quand la démocratie meurt, la prospérité est confinée au très petit nombre de gens qui ne peuvent même pas en profiter derrière les portes et les clôtures qu’ils ont eu besoin de construire pour se protéger de leurs victimes.

      Pour contrer cette dystopie les peuples d’Europe doivent croire à nouveau que la démocratie n’est pas un luxe offert aux créanciers et refusé aux endettés.

      Peut-être le temps est-il venu d’un réseau européen dont l’objectif explicite soit la démocratisation de l’euro. Pas un autre parti politique, mais une coalition inclusive paneuropéenne de Helsinki à Lisbonne et de Dublin à Athènes, s’engageant à passer de l’Europe de « Nous, les gouvernements » à l’Europe « Nous, le peuple ». S’engageant à mettre fin au jeu du blâme. Attaché à la maxime selon laquelle il n’existe rien de tel que "les" Allemands, "les" Français ou "les" Grecs.

      Le modèle des partis nationaux qui forment des alliances fragiles au Parlement européen est obsolète. Les démocrates européens doivent se réunir d’abord, former un réseau, établir un programme commun, et ensuite trouver des façons de se connecter avec les communautés locales et au niveau national.

      Le réalisme exige de notre nouveau réseau européen de chercher des moyens d’adapter les institutions européennes existantes aux besoins de nos peuples. D’être modestes et d’utiliser les institutions existantes de façon créative. Pour oublier, au moins pour l’instant, les modifications des traités et les mesures fédérales qui ne pourront suivre que lorsque nous, et le spectre de la démocratie, aurons mis fin à la crise.

      Prenez les quatre domaines où la crise de l’Europe se déroule. La dette, les banques, l’insuffisance des investissements et la pauvreté. Ils sont tous les quatre actuellement laissés dans les mains des gouvernements qui sont impuissants à agir sur eux. Européanisons les !

      Que les institutions existantes gèrent une partie de la dette des États-membres, place les banques en faillite sous une juridiction européenne commune, donne à la BCE la tâche d’administrer un programme pan-européen de récupération de l’investissement. Et, enfin, utilisons les bénéfices comptables accumulés dans le Système européen de banques centrales pour financer un programme de lutte contre la pauvreté partout en Europe - y compris en Allemagne.

      J’appelle ça un programme primordial d’européanisation décentralisée car il européanise nos problèmes communs, mais ne propose pas de trésor fédéral, pas de perte de souveraineté, pas de transferts fiscaux, pas de garanties allemandes ou françaises pour la dette irlandaise ou grecque, pas de modifications des traités, pas de nouvelles institutions. Il donne plus de liberté aux gouvernements élus. Il limite leur impuissance. Il rétablit le fonctionnement démocratique de nos parlements.

      Il y a quelques années, Michel Rocard a défendu cette proposition, et en a même écrit la préface. Ce peut être le point de départ des réflexions de notre réseau paneuropéen réunissant la gauche française, la gauche radicale grecque, une société allemande plus confiante, et même les conservateurs qui reconnaissent que les dispositions actuelles empoisonnent la démocratie et font dérailler nos économies.

      Nous ne sommes pas d’accord sur tout. Démarrons avec l’idée commune que la zone euro doit être démocratisée.

      Lorsqu’on a demandé à Gandhi ce qu’il pensait de l’Union Européenne, il a répondu par son célèbre : "... Ce serait une très bonne idée".

      Si l’on nous demandait ce que nous pensons de notre Union européenne aujourd’hui, nous dirions : "Quelle idée splendide ! Si seulement nous pouvions la retirer !"

      Nous pouvons la retirer. Tout ce que nous devons faire est d’aider le spectre de la démocratie à hanter ceux qui la détestent.

      Permettez-moi de terminer en ajoutant aux idéaux français de la liberté, de fraternité et d’égalité des notions que notre Printemps d’Athènes a mises en avant et que la nouvelle Europe doit de nouveau embrasser : l’espoir, la rationalité, la diversité, la tolérance et, bien sûr, la démocratie.

      –-----

      Le texte anglais de cette conférence à été publié et introduit hier par Christian Salmon :

      http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-salmon/240815/notre-printemps-dathenes-par-yanis-varoufakis

  • Disparition du Boeing #MH370 : l’hypothèse scientifique / Sputnik France - Actualités - Prises de Position - Radio
    http://fr.sputniknews.com/sci_tech/20150612/1016528759.html

    « Ce qui s’est passé avec le MH370 et ses passagers restera sans doute un mystère jusqu’à ce qu’un jour quelqu’un découvre la boîte noire de l’avion et la décode. Notre expertise révèle que le Boeing est probablement tombé dans l’océan en piqué », déclare Goong Chen de l’Université du Texas A&M à Doha (Qatar).

    Chen et ses collègues, dont le mathématicien russo-qatari Alexeï Sergueïev, sont arrivés à cette conclusion en essayant de simuler la chute de l’avion MH370 à l’aide des superordinateurs EOS et RAAD au Texas et au Qatar.
    Selon les explications des chercheurs, la chute d’un objet dans l’eau à une grande vitesse et selon un certain angle s’accompagne de deux phénomènes que nous ne remarquons normalement pas — une « bulle » d’air autour de l’objet en chute qui l’accompagne sous l’eau, et une sorte de « bosse » d’eau très condensée qui évolue avec l’objet qui coule.

    Suite à ces deux phénomènes, comme l’ont démontré les simulations de Chen et de ses collègues, l’avion ne coulera pas immédiatement, et une partie de ses débris, du carburant et des liquides techniques restera à la surface. Un tel scénario se produira selon presque tous les angles d’entrée de l’avion dans l’eau et à plusieurs vitesses, ce qui incite les chercheurs à penser que le MH370 a pu tomber dans l’océan en fort piqué.
    Les calculs répétés des superordinateurs ont confirmé qu’un tel scénario conduisait à des conséquences potentiellement identiques au scénario du MH370 : l’avion aurait pu couler dans les eaux de l’océan Indien en ne laissant aucune trace, et son fuselage rester pratiquement intact — pendant la chute, seules les ailes se seraient brisées mais, ayant une grande masse, elle auraient vite coulé au fond de l’océan.

    Article (téléchargeable) publié dans les Notes of the American Mathematical Society d’avril 2015. Résultat de la modélisation de la pénétration de la surface de l’eau en dynamique des fluides et de la comparaison des 5 variantes simulées ; le piqué vertical est la seule des hypothèses testées qui conduit à l’absence de débris en surface.

    Assez étrange, puisque dans la simulation la vitesse verticale est retenue autour de 20 m/s, sachant qu’une vitesse supérieure à cette valeur provoque la dislocation instantanée de l’appareil…
    http://www.ams.org/notices/201504/index.html

    à noter dans le même numéro, la reprise d’un article sur Grothendieck paru dans le numéro d’octobre 2014 de la revue Inference : International Review of Science, en anglais et en français

    Alexander Grothendieck
    Un pays dont on ne connaîtrait que le nom
    http://inference-review.com/article/un-pays-dont-on-ne-connaitrait-que-le-nom

  • Un transistor à base de silicène : de la théorie à la pratique
    http://www.futura-sciences.com/magazines/matiere/infos/actu/d/physique-transistor-base-silicene-theorie-pratique-57033/#xtor=RSS-8

    Le microscope à effet tunnel révèle une image d’une couche mince de silicène présentant un agencement en nid d’abeilles des atomes de silicium sur une surface d’argent (Ag 111). © P. Vogt (TU Berlin) et G. Le Lay (Marseille)

    Un transistor à base de silicène : de la théorie à la pratique - 2 Photos

    Des chercheurs de l’université du Texas (Austin, États-Unis) et de l’Institut de microélectronique et des microsystèmes d’Agrate Brianza (Italie) viennent de présenter le tout premier transistor construit à partir de feuilles de silicène. Ses performances sont modestes et sa durée de vie n’excède pas les quelques minutes. Ce n’est donc pas encore demain que ces transitors nouvelle génération se retrouveront dans nos téléphones portables. Pourtant, la nouvelle fait sensation dans le milieu de la recherche et de (...)

  • Notre jugement moral influencé par la (mal) chance ? - Machines like Us
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/82777013469

    Une équipe de l’université de l’université du Texas A&M a découvert que les gens avaient tendance à juger plus durement quelqu’un dont les actes ont nui à autrui qu’un autre qui a commis la même action immorale, mais sans conséquences particulières, nous dit le blog Machines Like Us. Par exemple lorsqu’on demandait aux sujets comment ils jugeaient un homme jetant une brique sur une route, sans qu’elle nuise à quiconque, et un autre dont la brique tombait sur une voiture et tuait le conducteur, le jugement était généralement beaucoup plus sévère pour le second, alors que seule la chance différenciait les deux actes délictueux. « C’est un peu comme l’alcool au volant », a expliqué Heather Lench, qui a dirigé l’expérience. "Une personne qui boit avant de conduire et ne déclenche aucun accident sera condamnée (...)

  • Demystifier les Moocs, une étude ethnographique - Ethnography Matters
    http://ethnographymatters.net/2014/02/18/demystifying-moocs-an-eye-opening-ethnographic-study-of-online-e

    Christina Wasson, professeur d’anthropologie à l’université du Texas du Nord a réalisé une courte étude sur les Moocs auprès de 9 élèves seulement. Pour les étudiants, les discussions en ligne ont été perçues comme étant de très haute qualité, plus élevées que les discussions en classe, notamment parce qu’elles sont révisables et remaniables, c’est-à-dire qu’on peut revenir sur les messages et modifier les siens jusqu’à ce qu’ils disent ce que l’on voulait dire. L’autre apprentissage repose sur la valeur sociale de l’apprentissage, qui renforce la cohésion, la confiance et la communication ouverte entre élèves et avec le professeur. Tags : internetactu2net fing internetactu #éducation (...)

    #mooc

  • Des microéoliennes pourront-elles recharger nos smartphones ?
    http://www.futura-sciences.com/magazines/high-tech/infos/actu/d/smartphone-microeoliennes-pourront-elles-recharger-nos-smartphones-51661/#xtor=RSS-8

    La microéolienne conçue à l’université du Texas à Arlington n’est haute que de 2 mm. Son design simplifié à l’extrême a été réalisé à partir des principes de l’origami. © Jung-Chih Chiao, Smitha Rao, université du Texas à Arlington

    Des microéoliennes pourront-elles recharger nos smartphones ? - 1 Photo

    Et si l’on pouvait recharger son smartphone grâce au vent, en se servant d’éoliennes miniatures placées à la surface de sa housse de protection ? Une telle application n’existe pas encore, mais les travaux menés par deux chercheurs de l’université du Texas à Arlington (UTA) permettent de l’envisager. Jung-Chih Chiao et Smitha Rao ont travaillé ensemble pour concevoir une microéolienne d’à peine deux millimètres de haut, capable de générer de l’énergie à partir du vent qui l’anime. L’idée des chercheurs est d’utiliser (...)

  • Le #cerveau quantifié d’un neuroscientifique - Technology Review
    http://www.technologyreview.com/news/514886/the-quantified-brain-of-a-self-tracking-neuroscientist

    Russell Poldrack - http://www.poldracklab.org/people - neuroscientifique à l’université du Texas à Austin mesure son humeur et ce qu’il mange. Deux fois par semaine, il scanne son cerveau dans IRM et une fois par semaine son sang. Le but de cette étude de soi - http://myconnectome.org/wp - : comprendre comment les réseaux de neurones se comportent et se transforme dans le temps et comment notre alimentation a un impact sur eux.  Tags : internetactu2net (...)

    #quantifiedself

  • Des #nanos dans la soupe miso

    Un rapport signalé par Isis ( Institute of Science in Society) et réalisé par l’Université du Texas El Pasos révèle que les nano-particules les plus couramment utilisées, déjà soupçonnées d’avoir un effet toxique pour la santé, contamineraient aussi les cultures. Elles se se fixeraient sur les plantes et tout particulièrement sur les plants de soja.

    On avait déjà du mal à trouver du miso depuis #Fukushima, mais là on va craindre la mutation dès qu’on croque une pousse de soja . Dur dur pour les végétariens...

    Nanoparticles Bioaccumulate and Harm Soybean Crops
    http://www.i-sis.org.uk/Nanoparticles_Bioaccumulate_and_Harm_Soybean_Crops.php