person:alain brossat

  • Nouvelle mise en examen pour Benalla : le récit de son face-à-face avec les juges
    Le Parisien - Timothée Boutry et Jérémie Pham-Lê | 16 décembre 2018,
    http://www.leparisien.fr/faits-divers/alexandre-benalla-nouvelle-mise-en-examen-pour-violence-16-12-2018-797018

    (...) Les faits concernent une intervention litigieuse dans le jardin des Plantes (Paris Ve), quelques heures avant l’épisode de la place de la Contrescarpe. Alexandre Benalla a en revanche échappé aux poursuites sur le selfie où il apparaît porteur d’une arme qu’il décrit comme… un pistolet à eau.

    (...) Les trois juges d’instruction semblent perplexes sur le bien-fondé de cette course-poursuite. « Admettez-vous qu’à ce moment-là vous n’êtes plus vraiment dans votre mission d’observation ? », interrogent-elles, déclenchant le courroux de leur interlocuteur : « Je ne sais pas ce qu’est une mission d’observation. Je ne répondrai pas à cette question. J’ai interpellé un délinquant […] Soit on est très honnête intellectuellement et on l’admet, soit on continue à marcher sur la tête et on alimente le système médiatique fondé sur un article malhonnête ». « Vous pensez que c’est que nous faisons ? », relancent les juges. « Oui », assure sans ciller l’ancien chargé de mission qui poursuit : « Vous instruisez à charge et à décharge, et plutôt à charge d’ailleurs ».

    Alexandre Benalla, dont l’attitude frise l’arrogance, refuse ensuite de répondre aux questions sur l’interpellation de Khelifa M. Le procès-verbal fait même état à deux reprises de ses rires. « Indiquons au mis en examen d’arrêter de rire et que nous ne faisons que notre travail », se voient obligées de mentionner les magistrates qui finiront par le poursuivre pour son comportement vis-à-vis de Khelifa M. « Nous contestons fermement cette mise en examen car il n’existe selon nous aucun indice grave ou concordant la justifiant », insiste son avocate Me Jacqueline Laffont.

    #Benalla

    • De quoi Benalla est-il le... symptôme ?
      Benalla à la benne !
      Tout le monde adore la police [3/6]
      paru dans lundimatin#170, le 17 décembre 2018
      par Alain Brossat
      https://lundi.am/De-quoi-Benalla-est-il-le-symptome

      (...) Le seul tort de Benalla serait donc de s’être fait passer pour un flic alors qu’il ne l’était pas, d’avoir fait un usage indu du casque et du brassard réglementaires et de façon tout à fait subsidiaire ou accessoire seulement d’avoir agressé des personnes à l’occasion de cette manifestation. Ce qui pourrait se dire autrement : il faut défendre sans relâche et sans faiblir le droit exclusif de la police (dans tous ses corps et états, incluant les polices municipales, celles des transports publics et, bien sûr, la gendarmerie) à commettre ses propres exactions et cultiver ses propres bavures et à le faire ès qualités, si l’on peut dire. Honte et malheur aux imposteurs, fussent-ils membres de la garde rapprochée et du premier cercle qui entourent le chef de l’État ! (...)

    • La première chose qui frappe, en effet, lorsque l’on observe l’ « événement » qu’a constitué la victoire de l’équipe de France lors de la Coupe du monde de football, c’est la fabrication de la mobilisation dite populaire telle qu’elle culmine avec le rassemblement géant sur les Champs Elysées, à l’occasion du « triomphe » romain fait aux joueurs, le lundi 16 juillet. La production des foules obéit en l’occurrence à un dispositif réglé, une mobilisation par en haut qui commence dès les demi-finales et requiert le concours des appareils politiques, médiatiques, administratifs, publicitaires, la participation des élites de tout poil. C’est une sorte de concursus populi décrété d’en haut, beaucoup plus que de mouvement spontané accompagné par les élites et les appareils commis au gouvernement des vivants, quand bien même il rencontre, à des degrés variables un certain désir de rassemblement et de communauté du côté des gens d’en bas.

      [...] C’est une sorte de carnaval ou de kermesse à l’échelle du pays entier – mais attention, un colossal mardi gras d’Etat, encadré par des milliers de policiers et de gendarmes, un carnaval retourné, car ce qui s’y célèbre, ce n’est pas l’éphémère liberté des « fous » d’en bas, mais bien plutôt les noces de l’Etat, des « publicistes », de la police et de la foule convoquée.

    • Il suffit d’observer la façon dont les femmes qui, traditionnellement, ne se soucient guère de ce sport de garçons ont été progressivement incluses dans le dispositif général du spectacle foot – il en fallu du « boulot », de la ténacité et de l’argent pour en arriver à entraîner ces grappes de gamines « en folie » sur les Champs-Elysées...

      Il y avait bien quelques femmes dans ces foules masculines et elles ont subit des agressions sexuelles et ces agressions sont invisibilisées, y compris par lundimatin.

  • F – Fascisme | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2018/01/11/f-fascisme

    Penser le fascisme aujourd’hui, cela suppose que l’on s’éloigne de son approche politologique (le fascisme comme régime politique hyperviolent) ou économiste (le fascisme comme dictature du capital) et que l’on se déplace vers d’autres références : le fascisme comme affection d’une époque, pandémie dans le présent. Une modalité épidémique de l’« actualité » dont il s’agirait d’étudier les formes de virulence, le champ d’expansion, les symptômes, les manifestations. Réduire la question du fascisme aujourd’hui à sa dimension institutionnelle (les post-néo-fascistes parviendront-ils à se hisser au pouvoir en empruntant le chemin des urnes ?), c’est en ignorer les caractéristiques essentielles : le fascisme aujourd’hui, c’est ce qui prolifère au point de confluence de dispositions collectives, d’un affect de la masse (« les gens ») et de calculs politiques mobilisant deux motifs conjoints : law and order et « nettoyage » et élimination des indésirables, des « en-trop ». Ce sont des flux d’affects chargés de ressentiment, de désirs de mort à peine masqués, d’aspirations incontrôlées à des revanches obscures, de quêtes d’exutoires aux frustrations accumulées. Des flux en attente d’occasions de cristalliser sous forme de passage à l’acte et de dispositifs de pouvoir ou d’exercice de la capacité de nuire. John Berger le dit bien : le fascisme aujourd’hui, c’est « ce qui fait de ceux qui tentent de survivre [les migrants] des coupables », c’est ce qui se cristallise sous la forme de ces « nous » abjects dont les politiciens usent et abusent et auxquels il est vital que nous opposions une ferme eux – pas nous.

    Réfléchir et travailler sur le fascisme au présent, c’est identifier ces lignes de mort qui strient notre actualité et la défigurent. Les désirs de mort sont toujours secondaires : ils prospèrent là où les aspirations, promesses et espérances vitales ont été non pas seulement déçues et trompées, mais délibérément saccagées par les gouvernants et, plus généralement, ceux qui fixent la règle du jeu. Les flux d’affects négatifs et les désirs de mort se bousculent au portillon du présent là où les flux de vie se sont fracassés contre la paroi de verre, la vitre blindée du « réel » – entendu comme ce dispositif général de gouvernement du vivant humain dont la règle première est l’entrave, l’empêchement et la réduction du champ des possibles de « la vie » des gens – le « gouvernement » entendu non pas seulement comme « domination », mais comme mise sous séquestre des puissances vitales – il s’agit bien de dissocier les gens de leur désir vital pour réorienter leurs énergies vers la vindicte.

    • • « On va garder ton adresse, comme ça on saura où te retrouver », dit un flic à la jeune femme placée en garde-à-vue, pour prix de sa détestable habitude de filmer les interventions policières. Cette menace qui ne se dissimule pas, sûre de son impunité, c’est ni plus ni moins que le subliminaire des escadrons de la mort. Le fascisme qui cristallise, c’est le moment où une partie des corps répressifs de l’Etat se met en devoir de rendre la « justice » là où les juges n’en finissent pas d’être ralentis par leurs scrupules légalistes et leurs lenteurs procédurières. On sent bien que celui qui fait cette belle promesse piaffe d’impatience. Quand le flic de base se met à ressembler aux « drougs » d’Alex revêtus de l’uniforme dans Orange mécanique et leurs chefs au gradé cocaïnomane de Bad Lieutnant (le vrai, celui d’Abel Ferrara), c’est que le dénouement approche.

      • La nostalgie du militaire, des hymnes, de la jeunesse qui marche au pas et obéit au doigt et à l’œil – cette droite d’ordre qui rêve à voix haute d’écoliers en uniformes, de lever des couleurs chaque matin dans les cours des établissements scolaires, de rétablissement du service militaire, etc. C’est le vieil inconscient pétainiste de cette indéracinable engeance qui travaille ici. Comme le dessine d’un trait le cinéaste algérien Tariq Teguia : « Ce pétainisme-là aura ses affiches rouges ».

      • Il y aurait aussi ces coups de menton mussoliniens, ces impérieux « Je veux ! », ces mâchoires serrées, ces airs de brute et ces manières de prétorien, à la Sarkozy, à la Valls, son émule – ce qui montre bien que cette tentation du « triomphe de la volonté » et du césarisme traverse tous les appareils de la politique institutionnelle. Le calcul de ces spécialistes du passage en force est transparent – ce à quoi aspire la masse, en ces temps troublés, c’est à un chef, un vrai, une poigne, un balai de fer ! Tout cet imaginaire facho-républicain de ces petits maîtres de la démocratie de caserne, qui est à l’Etat contemporain ce que le facho-humanisme des films de Clint Eastwood est au cinéma états-unien.

      • Ce « qu’ils crèvent ! » qui se dissimule de moins en moins, ce désir de disparition équivalent à un désir de mort constitutif de la relation aux migrants d’un nombre croissant des gens de ce pays, des sommets de l’Etat aux comptoirs de bistrot des zones rurales. La blague de Macron sur les kwassa-kwassa comoriens est, de ce point de vue exemplaire – du comorien – cette viande humaine indésirable et vouée à nourrir les poissons… Le lapsus de l’homoncule élyséen n’est jamais ici que l’écho de sa politique sur le terrain : dans l’ex-jungle de Calais, de plus en plus repeuplée d’aspirants au passage en Angleterre, la police s’active en vue de leur interdire l’accès aux robinets d’eau et aux repas distribués par les associations – qu’ils crèvent ! C’est ça le fascisme aussi : l’évidence de plus en plus partagée selon laquelle la disparition de la part indésirable de la population serait une condition vitale pour l’autre ; quand la « fracture biopolitique » qui traverse la société se trouve ainsi placée sous le signe du terrible, de la terreur.

      • Identifier un fascisme anti-animal (l’animal libre, le sauvage – le loup) comme il y a un fascisme anti-immigré, anti-migrants. Cette compulsion exterminatrice qui s’est emparée de populations entières là où prospère la fantasmagorie du loup dévoreur de troupeaux, imaginaire porté à bout de bras par les gens de l’Etat – « nos enfants n’en dorment plus ! », statuait un jour Ségolène Royal – à propos du loup, toujours. Plus facile, visiblement, de hurler à la mort du loup que de réformer les pratiques de mise à mort industrielles/concentrationnaires des animaux de boucherie. L’ennemi du mouton, rappelons-le au passage, ce n’est pas le loup, c’est le gars qui l’élève en vue de l’abattoir.

      La texture de ce fascisme, c’est la haine du présent et la haine de soi et des autres dans ce présent. L’incapacité croissante à imaginer un ou d’autres présents possibles et soi-même (et les autres) hors de ce présent délétère, l’incapacité croissante à s’extraire de soi, de cette condition présente – à différer et créer du nouveau. Cet enfermement dans un présent placé sous le signe de la bêtise et de la méchanceté, est, dirait Deleuze, une fabrique de « damnés ».

      Le fascisme, c’est la punition que les damnés du présent s’infligent à eux-mêmes.

      Alain Brossat

      #fascisme_au_présent #fascisme

  • Ce pire qui nous inspire | Contretemps
    Par Alain Brosat

    Quand Israël sert de « modèle » dans la guerre contre le terrorisme et dans la criminalisation des musulmans
    http://www.contretemps.eu/interventions/ce-pire-qui-nous-inspire

    La dérive autoritaire et la mise en place d’un État sécuritaire par l’actuel gouvernement français n’impliquent pas une simple perte de droits pour le « citoyen » conçu comme sujet abstrait. Comme le montre Alain Brossat dans cet article, elles supposent la constitution d’une partie de la population, liée de près ou de (très) loin avec l’Islam, non simplement en menace mais en « ferment de dissolution ou de destruction violente de la communauté nationale vigoureusement reterritorialisée en termes ethniques, culturalistes et fallacieusement religieux ».

    Ce qui se présente invariablement comme « guerre au terrorisme » aboutit à la fois à une radicalisation des appareils répressifs et idéologiques d’État et à un appel croissant, venu d’en haut, à l’intervention de la population face à un « hyper-ennemi » aussi omniprésent qu’étranger à « la civilisation », à « nos valeurs » ou « notre mode de vie ». Or, dans cette entreprise, les dirigeants politiques occidentaux - dont Hollande et Valls - trouvent clairement leur inspiration dans la politique d’apartheid menée par Israël ; de « partenaire stratégique », celui-ci tend ainsi à devenir un « modèle stratégique » pour les États occidentaux, qui lui empruntent ses dispositifs militaro-policiers de contrôle mais aussi de « mobilisation sécuritaire perpétuelle de la population ».

  • Une jeunesse allemande / Entretien de Jean-Gabriel Périot (avec Alain Brossat) « Le silence qui parle
    http://lesilencequiparle.unblog.fr/2015/10/16/une-jeunesse-allemande-entretien-de-jean-gabriel-periot-ave

    Dès les premières images de ton #film, on mesure à quel point les événements et les personnages qui y sont évoqués se sont éloignés de nous. Ce n’est pas seulement la question du « temps qui passe » – c’est que, distinctement, nous ne sommes plus dans la même époque que les activistes de la #Fraction_Armée_Rouge et le milieu dont ils émanent. Ce n’est pas exclusivement un enjeu de pratiques politiques, mais aussi bien, de sensibilité historique, de conduites sociales, de culture des corps (tabagisme et révolution, révolution et cheveux longs.)… Je me demandais si le choix que tu as fait de ne construire ton film qu’autour de documents d’#archives, en bannissant notamment les témoignages de contemporains de ces événements avait pour vocation d’entériner cet effet d’éloignement – ou bien si, au contraire, à travers la présentation de l’archive, tu incites le spectateur à chercher dans cette scène dramatique de l’Allemagne des années 1970, des pistes conduisant à notre propre actualité ? 

    Il me semble que le film appartient, sans que cela soit contradictoire, à deux temps distincts : un #passé effectivement révolu dont presque tout nous sépare, et notre propre #présent. Cet effet de balancement s’ancre en effet dans le choix d’utiliser uniquement des archives contemporaines de l’histoire en train de se dérouler, sans interview, voix-off ou commentaire rajouté. Généralement quand un film utilise des archives, il y a toujours un narrateur (interviewé ou commentateur) qui a pour rôle d’expliquer, de contextualiser, mais finalement aussi, d’inscrire les archives dans un temps passé et révolu. Pourtant les images d’archive en elles-mêmes sont toujours au « présent de l’indicatif » : elles racontent ou montrent ce qui est en train de se passer au moment où elles sont filmées. Dans mon film, en enlevant tout commentaire contemporain, je fais en sorte que les archives restent au « présent », et le film se déroule comme se déroule un film de fiction : on suit une histoire en train de se raconter, on regarde les personnages évoluer de manière presque « indépendante » (et ce même si certains spectateurs connaissent en partie les événements dont le film traite).
    Une autre raison de ce mouvement de bascule entre le passé et le contemporain est que je fais ce film depuis #aujourd’hui. Si j’ai décidé de faire un film sur cette histoire passée, c’est qu’elle me renseigne sur l’époque dans laquelle je vis. Une jeunesse allemande n’a jamais eu la prétention de raconter in extenso l’histoire de la RAF, ce qui est d’ailleurs impossible. Il est évident que les choix que j’ai opérés dans cette matière très riche proviennent de ce que tel ou tel épisode de cette #histoire ou que telle ou telle archive me touchait ou m’interrogeait plus que d’autres. Il me semble que c’est parce que j’ai assumé ma propre subjectivité que ce film peut jouer en même temps sur deux temps différents.
    Ensuite, chaque spectateur s’empare à son tour du film avec sa propre subjectivité, avec des savoirs et des opinions politiques différentes et il va ressentir différemment que d’autres spectateurs ou différemment de moi ce qui relèverait d’un temps révolu ou ce qui fait écho avec aujourd’hui.

    Bande annonce
    https://www.youtube.com/watch?v=ueEKLDIhb2U

    Une présentation
    http://www.dailymotion.com/video/x2k46l9

  • Vandales et migrants – inhospitalité contemporaine / Alain Brossat « Le silence qui parle

    http://lesilencequiparle.unblog.fr/2015/10/01/vandales-et-migrants-inhospitalite-contemporaine-alain-bros

    via @isskein et @cie813 à qui je dis merci

    os philosophes sont vraiment de grands enfants. Ils ont fait de l’hospitalité, motif enchanté par excellence, un de leurs motifs de prédilection – Nancy, Derrida, Schérer - Je sens que Badiou lui-même ne va pas tarder à s’y mettre… Mais pourquoi ériger l’hospitalité à la dignité du concept plutôt que son contraire, l’inhospitalité, le refus d’hospitalité ou bien encore l’hospitalité feinte, plus ou moins traîtresse qui, pourtant, dans la vie des sociétés et dans l’histoire, se rencontre de manière bien plus courante ?

    La première chose que doit bien admettre le sujet éthique contemporain, lorsqu’il prend acte de ce que l’hospitalité a, à rigoureusement parler, un pacte avec l’infini, je veux dire qu’elle se doit, pour faire vraiment sens, d’être inconditionnelle, c’est ceci : elle ne saurait, pour ce qui le concerne, lui, elle, constituer une norme de conduite, elle est vouée, pour lui, pour elle, à demeurer un « cristal », un idéal impraticable, une idéalité teintée de sublime – lequel/laquelle d’entre nous est prêt à ouvrir toutes grandes les portes de son petit chez soi au premier inconnu venu, ceci sans condition aucune ?

    #migration #asile #réfugiés

  • Vandales et migrants – inhospitalité contemporaine / Alain Brossat, « Le silence qui parle
    http://lesilencequiparle.unblog.fr/2015/10/01/vandales-et-migrants-inhospitalite-contemporaine-alain-bros

    L’une des raisons pour lesquelles la philosophie « cale » sur le sujet de l’#inhospitalité est sans doute que celle-ci, dans les sociétés contemporaines, ne saurait être une affaire privée, qu’elle est le fait, massivement, des #Etats en premier lieu. Autant, à rigoureusement parler, on ne peut pas demander à des Etats de pratiquer l’hospitalité, celle-ci étant inconditionnelle et infinie, ce qui heurte de front toute espèce de rationalité gouvernementale, autant donc on doit établir une distinction conceptuelle claire et nette entre pratique de l’hospitalité et respect des droits humains – autant on est en droit aujourd’hui de s’étonner de ce prodige : s’il est avéré que l’hospitalité ne saurait se convertir en #politique, à proprement parler, il apparaît en contrepartie que l’inhospitalité, elle, peut être une politique, et elle le peut tellement qu’elle est devenue, jusqu’à quelques relatifs et tout provisoires retournements récents, la loi d’airain des politiques européennes face aux étrangers précaires, aux #migrants et demandeurs d’asile.
    La philosophie se sent à l’aise avec l’hospitalité dans la mesure où celle-ci est quelque chose qui se joue entre les hommes et les dieux, soit des objets familiers à sa grande tradition – ce n’est pas pour rien que René Schérer a titré son beau livre sur l’hospitalité Zeus hospitalier. La philosophie d’orientation éthique a beaucoup plus de mal avec la #critique_de_l’Etat. Or, parler de l’inhospitalité contemporaine, c’est parler de l’Etat en premier lieu, et, au sens que Foucault donne à cette expression, du #gouvernement_des_vivants.

  • Les aventures de la liberté d’expression / Alain Brossat « Le silence qui parle
    http://lesilencequiparle.unblog.fr/2015/01/31/les-aventures-de-la-liberte-dexpression-alain-brossat

    Voici ce dont ne se sont pas avisé ceux qui, d’instinct, après les attentats du 7 janvier 2015, ont adopté le slogan « Je suis Charlie » : la liberté d’expression, la liberté de parole, la liberté de la presse dont se réclame ce journal est, sous couvert d’une pratique débridée de « la satire », rigoureusement homogène à celle que promeuvent les activistes du Front national lorsqu’ils s’en vont organiser un « apéro gros rouge et saucisson » à Barbès ou dans tout autre espace urbain densément peuplé de « travailleurs immigrés ». Il s’agit de la liberté de provoquer, outrager, humilier avec le consentement actif de l’Etat – c’est-à-dire sous protection policière – une fraction de la population à laquelle il est ainsi question de faire savoir (au cas où elle l’aurait oublié, ce qui est improbable…) qu’elle n’est pas d’ici mais bien d’ailleurs ; qu’à ce titre sa présence parmi ou au côté de ceux qui sont ici vraiment chez eux n’est que conditionnelle, litigieuse et, au fond, constamment revocable (1). Bien regrettable est alors la distraction de ceux/celles qui, animé(e)s des plus vertueuses dispositions et intentions du monde, ne s’avisent pas que leur ralliement à une prétendue normativité démocratique et républicaine, laquelle s’opposerait à d’autres coutumes et sensibilités d’inspiration religieuse et venues d’ailleurs, a pour effet de reproduire la même fracture exactement dans le corps du peuple que celle sur laquelle prospèrent les discours ouvertement xénophobes – la fracture entre ceux qui sont ici chez eux, de plein droit, dans la mesure où ils s’identifient aux institutions et à l’histoire de l’Etat, et les autres qui ne le sont pas pleinement ou pas vraiment, dans la mesure où ils n’admettent pas que l’on insulte leurs croyances, leur foi et leurs coutumes. Le « c’est ainsi qu’on fait ici, telles sont nos coutumes et nos lois » qu’opposent les intégristes d’un républicanisme et expéditif et d’un démocratisme biaisé à tous ceux qu’offense leur zèle provocateur se poursuit logiquement en « et si vous n’êtes pas contents de ces règlements et de l’usage libéral que nous en faisons, allez voir ailleurs ! » ; il converge ici très ostensiblement avec le discours identitaire et autochtoniste qui spécule sans relâche sur la fracture entre vrais Français et supefétatoires ou indésirables. On s’en tait déjà avisé en plus d’une occasion lors du « débat sur le foulard » de triste mémoire – quand des enseignants d’extrême gauche étaient aux avant-postes de la traque aux adolescentes « voilées » dans les collèges et lycées.

    Ces « libertés » sont donc distinctement entendues comme destinées à mettre en scène et rendre visible (donc accentuer, de ce fait même) l’opposition entre ceux qui sont bien fondés à se moquer, à ridiculiser et outrager du fait même qu’ils occupent la place de l’autochtone (une place toute imaginaire, est-il besoin de le préciser) et ces autres dont la vocation est d’encaisser ces sarcasmes et ces moqueries, du fait de leur origine déficitaire, de leurs mœurs et leurs croyances – du fait même qu’ils sont, fondamentalement, des en-trop, des intrus, des parasites, des outsiders quintessentiels ; ceci, quels que soient leurs efforts pour se fondre dans le paysage ou s’assurer des positions dans ce pays auquel ils demeurent fondamentalement étrangers (comme leurs mœurs et leurs croyances l’attestent, une fois encore). Ce sont des « libertés » qui entendent s’exercer dans le but de reproduire la division entre « ceux d’ici » et les autres – l’opération de base du racisme moderne, comme l’ont montré, entre autres, Michel Foucault et Etienne Balibar.

    #xénophobie #liberté_d'expression #charlie_hebdo #valeurs_républicaines

    • Si le projet républicain est mort, c’est aussi de la gauche dont il faut faire le deuil. Il n’y aura pas d’intégration par l’école de la république, pas de plein emploi, pas de libéralisme sagement domestiqué, pas de police respectueuse. (...)
      Ce qui fait tressaillir d’angoisse ce monde c’est sa propre fin dont les signes sont omniprésents. Sa mythologie hollywoodienne la met en scène à toutes les sauces. Que « l’économie de marché et la démocratie » ne constituent ni la fin de l’histoire, ni le devenir inéluctable de toutes les formes de vie humaines représente un choc à n’en pas douter. Ce qui se joue sous nos yeux n’est rien d’autre que la fin de l’hégémonie de l’occident sur le plan spirituel et culturel aussi. Chez ses propres enfants d’abord. Pour horrible que ce soit, le fait que trois d’entre eux retournent leur rage et leurs armes de la manière la plus violente contre ce qu’ils perçoivent comme les symboles de leur humiliation, emportés par une ligne de fuite fasciste, n’est peut être pas ce qu’il y a de plus notable dans l’époque. Beaucoup plus nombreux en effet sont ceux qui désertent littéralement ce qu’on leur propose ici. Qu’il y ait d’autres idées de la vie et du bonheur, que des mondes adviennent et qu’il y ait du sens à les défendre, que toute vie commune ne doive pas se dire dans la langue de la république et de l’économie, voilà qui constitue un mystère insondable pour un pouvoir qui constate que la greffe ne prend décidemment pas sur la totalité du corps social. Trainer deux jeunes de quinze ans, partis naïvement faire la guerre contre Bachar El-Assad, dans les bureaux de la DCRI à leur retour en dit long par exemple sur ce désarroi. Comme le fait de programmer une opération militaire pour déloger une bande de zadistes armés de cabanes dans les arbres et de bottes en caoutchouc.

      La république est morte. L’époque est nihiliste. C’est de là dont il faut partir. Il faut aller au bout d’un certain désespoir pour en finir avec cette attente triste, perpétuellement déçue. Beaucoup déjà ne désirent plus l’intégration pour avoir bien senti que c’est là où les mailles du pouvoir n’enchâssent pas complètement l’existence que surgit du sens.

      Feu la république.
      http://ledesertdureel.over-blog.com/2015/01/feu-la-republique.html

  • Un texte d’Alain Brossat ( Lettre de loin , plutôt très bon ) entre autres sur l’assassinat de Rémi Fraisse, avec en toile de fond une traversée de l’état politique actuel comme suspension de la catastrophe :

    http://lesilencequiparle.unblog.fr/2014/12/11/lettre-de-loin-alain-brossat

    "nous demeurons désarmés, sans concept(s) lorsqu’il nous faut faire face, dans le présent, à une nouvelle actualité dans laquelle il y a bien du fascisme, et de plus en plus, mais pas là où nos routines nous portent à l’entrevoir encore, de moins en moins (Marine en chemise noire, bof…), et surtout, sous des espèces qui nous appellent de façon urgente non pas à recycler hâtivement un vocabulaire usé, blanchi sous le harnais, mais bien à reprendre, à nouveaux frais, la discussion sur le fascisme et son actualité, pour nous.
    Pour cela, il nous faut quitter tout un domaine de clichés et d’automatismes de pensée qui nous interdisent de retrouver le nerf d’une pensée vivante du fascisme. Cesser de penser, par exemple, aux conditions de ce syntagme qui est le cliché impensant maximal – la montée du fascisme, le fascisme comme la petite (grosse) bête qui monte, qui monte…, pour toujours examiner le fascisme comme non pas la menace « devant nous », sur une ligne d’horizon toujours floue, le grand méchant loup qui viendra nous dévorer si nous ne sommes pas « vigilants » et ne veillons pas à l’intégrité d’un présent encore fondamentalement « sain » et immune… – mais tout au contraire comme le déjà-là, ce avec quoi nous avons de longue date accepté de cohabiter, qui va et vient, qui nous traverse et à quoi la démocratie policière a, depuis si longtemps si ne n’est depuis toujours, accordé droit de cité."

    #Alain_Brossat #Rémi_Fraisse #critique_critique

  • Lettre de loin / Alain Brossat « Le silence qui parle
    http://lesilencequiparle.unblog.fr/2014/12/11/lettre-de-loin-alain-brossat

    La mort – on devrait, pour être tout à fait rigoureux, dire et répéter sans se lasser l’assassinat de Rémi Fraisse à Sivens devrait lever les dernières équivoques pour tous ceux/toutes celles, trop nombreux/ses encore, qui s’épuisent à ranimer la flamme du discours du « moindre mal » – les socialistes au pouvoir comme « moindre mal nécessaire » à l’issue du désastreux épisode Sarkozy et face à la crainte d’un mal pire encore – le Front national aux affaires. L’assassinat de Rémi Fraisse contraint les tenants de ce discours de l’accommodement, de la démobilisation et de la capitulation à regarder la Gorgone dans les yeux : les socialistes au pouvoir, ce n’est pas seulement le passage armes et bagages de la social-démocratie à l’intégrisme néo-libéral le plus rigoureux ; ce n’est pas seulement l’élévation du mantra de la « reprise de la croissance » au rang de religion d’Etat ; ce n’est pas seulement la politique internationale à la remorque de Washington comme jamais et les interventions néo-impériales en Afrique ou au Moyen-Orient. C’est, en tout premier lieu, pour les gens qui vivent dans ce pays, le tour d’écrou visible, affiché, démonstratif, afin que nul(le) ne l’ignore : désormais, toute forme de rétivité sociale ou politique, d’où qu’elle émane et quels qu’en soient les motifs, trouvera en face d’elle une démocratie policière prête à en découdre et à abattre sur ce qui bouge le bâton de la répression policière, judiciaire, pénitentiaire… sans oublier la mobilisation accrue des moyens annexes mais tout aussi efficaces de la mise en condition par les appareils médiatiques, la fabrique des discours, les intellectuels en uniforme.
    Bref, après l’assassinat de Rémi Fraisse, c’est bien à un réveil qu’il convient d’en appeler, à un changement radical de dispositions de la part de tous ceux/toutes celles qui somnolaient, bercés par le doux régime de la déploration face aux supposées capitulations perpétuelles de nos gouvernants devant les diktats de Bruxelles et les chantages du MEDEF. D’autres gestes, des conduites et des actions autrement décidées sont requis, toutes affaires cessantes, lorsque vient s’afficher sous nos yeux le caractère ouvertement létal de cette forme de pouvoir (« la démocratie ») que nous nous sommes depuis si longtemps habitués à percevoir comme immunitaire avant tout : c’est sur injonction expresse du préfet du Tarn que les gendarmes font usage à Sivens de grenades offensives étiquetées « non létales » et qui s’avèrent l’être si peu en effet qu’elles tuent sur le coup un manifestant armé, lui, de son seul sac à dos. Tout comme, dans d’autres circonstances, ce sont d’autres équipements « non létaux » qui mutilent et tuent – taser, flashball, ceci afin que nul ne persistante dans l’ignorance du nouveau pli de l’Etat autoritaire et répressif.

    #moindre_mal #PS

    • En d’autres termes, notre insatiable propension à repousser vers un futur de malheur anticipé/conjuré (en clair : le retour de Sarkozy, l’arrivée aux affaires du Front national, la victoire des « islamistes » ici ou là…) est ce réflexe illusoirement salutaire qui se destine constamment à « sauver le présent », c’est-à-dire à en éluder la constitution désastreuse effective. Une sorte de ruse de la perception du présent dont l’effet perpétuel est de nous retenir de le percevoir comme ce pire déjà-là, la xénophobie comme le déjà-là de l’Etat, l’existence invivable comme le déjà-là de toute une population précarisée, les libertés publiques à l’encan comme le déjà-là de la V° République, la mort de la vie politique comme le déjà-là de la démocratie du public, etc.

  • La démocratie comme dispositif discursif
    http://laviemanifeste.com/archives/9008

    De quelle espèce est l’opération contemporaine consistant à faire valoir le nom de la démocratie comme celui de la seule figure d’organisation et de vie politique acceptable et conforme aux exigences d’une vie civilisée ? Entretien avec Alain Brossat à propos de la publication récente La Démocratie aux éditions Al Dante. Durée : 58 min. Source : Radio Grenouille

  • « Dans les sociétés occidentales, écrit le philosophe Alain Brossat, la croissance du paradigme immunitaire tend à se développer en véritable phobie du toucher, du contact. »

    Philosophie du fil de fer barbelé, par Olivier Razac (août 2013)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/RAZAC/49559

  • Entretien avec le philosophe Alain Brossat sur la question de la figure de l’étranger en France et le discours politique qui l’accompagne.
    http://www.lesinrocks.com/2013/07/17/actualite/la-france-a-peur-11409641

    Pourquoi la question de « l’étranger parmi nous » obsède-t-elle aujourd’hui, de manière démesurée, le discours politique ?

    #Alain_Brossat - Le geste philosophique dont je me sens proche s’attache davantage au « comment » qu’au « pourquoi », je veux dire aux causes ultimes ou à l’origine première des #objets ou #phénomènes sur lesquels nous travaillons. Dans ce #travail, je pars de ce #constat : d’une part, la question de l’#étranger, telle qu’elle est non seulement mise en #discours mais aussi mise en pratique par nos #gouvernants, est le domaine par excellence où les éléments de rationalité, les #stratégies, l’art de #gouverner, etc., sont constamment envahis et contaminés par les #fantasmagories. C’est, par opposition à « l’imagination au #pouvoir », le basculement et la fuite perpétuels dans l’#imaginaire, un imaginaire #réactif peuplé d’une multitude de #menaces disparates et de projections fantastiques sur les parois de la caverne du présent – le spectre du terrorisme islamique, l’insoutenable envahissement de nos cités par les #Roms, insupportables #parasites, etc.

    Un indice très sûr de cette dérive de la #politique de l’étranger de nos gouvernants dans les eaux de l’imaginaire #sécuritaire est son écart croissant avec les analyses produites par les corps de spécialistes disposant d’une expertise sur ces questions et incarnant, disons, un certain #principe de #réalité#démographes, #sociologues, #historiens, etc. Ce n’est pas par hasard que ceux qui inspirent les ministres de l’Intérieur en la matière (ceux-là mêmes qui donnent le la de la #politique de l’étranger réduite, symptomatiquement, aux conditions d’une politique de l’#immigration) sont des exaltés de la #défense #sociale repeints aux couleurs de la #criminologie comme Alain Bauer plutôt que des historiens ou des démographes respectés comme #Gérard_Noiriel ou #Hervé_Le_Bras… Ce que vous appelez la démesure en rapport avec cette question, c’est tout simplement pour moi le fait que le discours et les pratiques des gouvernants soient, en la matière, émancipés de toute prise en compte des éléments majeurs constitutifs du réel – voir la façon dont cette politique met en avant une supposée lutte contre l’ »immigration clandestine » et le « travail au noir » dont les promoteurs ne peuvent ignorer qu’ils constituent des éléments structurels dans des secteurs d’activité économique aussi importants que le #bâtiment, la #restauration, la #confection, etc.

    En quoi le sort réservé à l’étranger s’inscrit selon vous dans la longue histoire des persécutions liées au déploiement de l’Etat moderne ?

    Question essentielle à tous égards. Dans son cours au Collège de France intitulé « Il faut défendre la société », #Michel_Foucault énonce une thèse forte : le racisme, dit-il en substance, ce n’est pas en premier lieu une question d’#idéologie dévoyée, de mauvais héritage, de relations entre communautés virant à l’aigre, c’est une #technologie de pouvoir. Pour lui, le racisme devient le problème perpétuel de la politique moderne et une arme de destruction massive dès lors qu’il entre en composition dans les mécanismes de l’#Etat ; c’est qu’il est l’un des gestes décisifs par lesquels s’affirme la capacité de gouverner une #population, le geste consistant à fragmenter cette population, à produire et reconduire la coupure entre cette part des gouvernés qui a vocation à être placée sous le signe de la prise en charge de la vie et une autre, placée sous un signe de mort. Pour Foucault, ce partage (au sens de séparation) est un élément fondateur de l’exercice du pouvoir dans nos #sociétés ; il est très visible dans un temps où les massacres et le #travail #forcé accompagnent la #colonisation tandis qu’en métropole on installe le tout-à-l’égout dans les villes et on met en place la médecine sociale. Il est moins exposé aujourd’hui mais n’en demeure pas moins opérant en tant que matrice, opérateur fondamental du #biopouvoir. Comme l’a montré #Didier_Fassin dans un récent ouvrage, La Force de l’ordre, les #habitants des #quartiers #défavorisés sont soumis à un régime de police (celui qu’imposent les brigades anticriminalité) totalement différent de celui qui prévaut dans les #centres-villes ; la bavure policière, comme action homicide sans crime, telle qu’en font les frais en règle générale des sujets #postcoloniaux, est un autre exemple probant de la perpétuation de ce partage implacable entre cette part de la population (que j’appelle « l’#autochtone_imaginaire ») et cette autre qui se trouve exposée à cette violence du pouvoir dont l’abandon constitue la ligne d’horizon.

  • Alain Brossat : « La culture est devenue un moyen de gouvernement parmi d’autres » | Lémi (Article11)
    http://www.article11.info/?Alain-Brossat-La-culture-est

    C’est une notion qu’on ne remet jamais en question, tant on est habitué à la considérer comme forcément positive. Et pourtant, la « culture », telle qu’elle est développée dans nos démocraties contemporaines, est loin d’être un instrument d’émancipation. C’est en tout cas l’opinion d’Alain Brossat, auteur du « Grand dégoût culturel ». Entretien. (...) Source : Article11

    • Avec un passage sur ce dont on avait causé ici :

      Quand j’ai lu l’édito du numéro pré-élections de la revue Vacarme, « Occupons le vote », j’étais atterré. Que des gens que je considérais jusqu’alors comme estimables, Sophie Wahnich par exemple, tombent là-dedans, appellent au vote utile, et le fassent avec une telle agressivité comme si ceux qui ne se plient pas à ce faux réalisme étaient des ennemis de l’humanité – ça me stupéfie. Car ça signifie qu’on est toujours dans cette espèce de spirale qui n’en finit jamais, cette adaptation continuelle à la dégradation. Ce qui m’a sidéré dans ce texte est aussi cette espèce de morgue contre les gens qui se posent la question de ne pas voter. Il n’y a plus d’espace de débat : c’est comme ça et pas autrement. Sur cette question, il suffit de dire « Attention, c’est un peu plus compliqué », et tout de suite on te catalogue comme sentant le souffre, comme un furieux. »

       ;)

    • Je suis frappé par l’appauvrissement des conditions de la discussion publique. Et ça concerne tous les sujets qui fâchent, pas seulement le vote : ce qui touche à Israël et à la supposée question juive, ce qui porte l’étiquette de terrorisme, l’Islam et le voile, etc. Sur le voile, le paradigme Caroline Fourest est par exemple très intéressant : il montre à quel point les cartes se brouillent. On voit des hyper-réactionnaires, dont la xénophobie est patente, conserver une image de penseurs de gauche qui vont à contre-courant. Ils accaparent cette posture de l’intellectuel courageux alors qu’ils constituent évidemment le mainstream. De ce point de vue, il y a une marée montante de la confusion dans les débats d’idées, avec une criminalisation de tout ce qui ne transige pas. Sur la question palestinienne, la propension à vous mettre à l’écart, voire plus, se manifeste dès que l’on se montre intransigeant. Autre exemple : si vous expliquez que le « problème » nucléaire iranien tient en grande partie au fait qu’Israël veut conserver son monopole nucléaire dans la région, on vous taxera d’antisémitisme.

  • La tondue (Relevé sur le net)
    http://lhistgeobox.blogspot.com/2011/05/brassens-la-tondue-1964.html

    Les tontes de femmes à la Libération sont longtemps restées un angle mort de la recherche historique. Jusqu’au début des années 1990, les ouvrages consacrés à la Libération évoquent les tondues, mais de manière furtive, comme un élément de décor, un passage obligé. Ceci explique la persistance de représentations simplistes sur ce phénomène. Le remarquable travail de Fabrice Virgili, « la France virile : Des femmes tondues à la Libération » (cf source 1 à la fin du billet), auquel il convient d’ajouter l’ouvrage pionnier d’Alain Brossat ("Les tondues : Un carnaval moche", 1992), ont permis d’aller bien au delà de l’image prégnante qui prévalait jusqu’alors. (...)
    Pourquoi la tonte a-t-elle représenté le châtiment des femmes par excellence ? (...)