person:charles fourier

  • Parution de Ne travaillez jamais. La critique du travail en France de Charles Fourier à Guy Debord, d’Alastair Hemmens ; préface d’Anselm Jappe (éditions Crise & Critique)
    http://www.palim-psao.fr/2019/05/parution-de-ne-travaillez-jamais.la-critique-du-travail-en-france-de-char

    Un vrai seen à part pour la parution de ce livre.

    Qu’est-ce que le travail ? Pourquoi travaillons-nous ? Depuis des temps immémoriaux, les réponses à ces questions, au sein de la gauche comme de la droite, ont été que le travail est à la fois une nécessité naturelle et, l’exploitation en moins, un bien social. On peut critiquer la manière dont il est géré, comment il est indemnisé et qui en profite le plus, mais jamais le travail lui-même, jamais le travail en tant que tel. Dans ce livre, Hemmens cherche à remettre en cause ces idées reçues. En s’appuyant sur le courant de la critique de la valeur issu de la théorie critique marxienne, l’auteur démontre que le capitalisme et sa crise finale ne peuvent être correctement compris que sous l’angle du caractère historiquement spécifique et socialement destructeur du travail. C’est dans ce contexte qu’il se livre à une analyse critique détaillée de la riche histoire des penseurs français qui, au cours des deux derniers siècles, ont contesté frontalement la forme travail : du socialiste utopique Charles Fourier (1772-1837), qui a appelé à l’abolition de la séparation entre le travail et le jeu, au gendre rétif de Marx, Paul Lafargue (1842-1911), qui a appelé au droit à la paresse (1880) ; du père du surréalisme, André Breton (1896-1966), qui réclame une « guerre contre le travail », à bien sûr, Guy Debord (1931-1994), auteur du fameux graffiti, « Ne travaillez jamais ». Ce livre sera un point de référence crucial pour les débats contemporains sur le travail et ses origines.

    #travail #critique_du_travail #critique_de_la_valeur #wertkritik #France #Alastair_Hemmens

  • " Egarement de la raison démontré par les ridicules des sciences incertaines. " par Charles Fourier ( 1806 )
    http://enuncombatdouteux.blogspot.com/2019/04/egarement-de-la-raison-demontre-par-les.html

    Si l’on veut glacer tous les esprits, il suffit de prononcer le mot de métaphysique. Cette science, affectée à l’étude de l’âme, est un objet d’effroi pour quiconque possède une âme ; elle figure dans le monde savant comme la ronce dans un bouquet.

    Tandis que ces 3 sciences ( la superstition, l’économie, la politique et la morale ) partagent la dépouille de Dieu, la direction du mouvement social, on voit régner partout les trois dégénérations physique, politique et morale, qui attestent la dégradation du genre humain, et l’imbécillité des sciences qu’il a choisies pour guides. En voyant cette malheureuse civilisation, qui, après 25 siècles d’études, marche de révolutions en révolutions, de tortures en tortures, qu’attendez-vous, métaphysiciens, d’attaquer en masse les 3 sciences qui remplissent si mal les fonctions de Dieu qu’elles se sont arrogées ?

  • " Si les archives de #Vivian_Maier n’avaient pas été découvertes par un homme après sa mort, elle ne serait jamais devenue photographe. " C’est peu ou prou ce qu’un homme nous a expliqué il y a un peu plus d’un an lors d’une soirée consacrée à, tadaaaa : les #Femmes & la #Photographie ! Depuis, j’essaye de ne pas trop m’énerver devant la mauvaise foi qui consiste à confondre l’Etre et l’Avoir quand des hommes, professionnels ou amateur "avertis" interviennent sur le sujet (tu sais, les hommes sont toujours avertis pour t’expliquer la vie !). Du coup la lecture de cette réponse bien sentie m’a décroché un petit sourire ;)

    Vue sur le salon du Monde

    Le 16 novembre 2018, le rédacteur en chef culture du journal Le Monde a publié une chronique intitulée : « Tout ira mieux quand une artiste aura le droit d’être aussi mauvaise qu’un homme ». #LAPARTDESFEMMES, collectif de professionnel·les de la photographie l’a lue et commentée :
    https://blogs.mediapart.fr/la-part-des-femmes/blog/181118/vue-sur-le-salon-du-monde

    Seulement voilà, ce que les photographes femmes sont venues défendre sur la scène de Paris Photo n’est pas la revendication de leur différence socialement construite, mais bel et bien la fin de la confiscation des moyens, symboliques, institutionnels et financiers par une minorité souvent aveugle à ses privilèges.

    Je vais donc essayer de penser à mettre par ici, en complément dans le texte ou en commentaire, des trucs sur le sujet (je crois que c’est pas la première fois que je tente de faire ça...)

    #sexisme #féminisme #photo #mansplaining #recension

  • Le phalanstère de Charles Fourier

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/08/18/le-phalanstere-de-charles-fourier_5173629_4415198.html

    « Ceci n’est pas une utopie. » Voici comment le socialiste Charles Fourier aurait pu ­légender le dessin de son phalanstère, un projet d’habitat communautaire dont on trouve des esquisses dans ­plusieurs de ses livres. Il a banni ce mot, hérité de L’Utopie deThomas More, de son vocabulaire. « C’est le rêve du bien sans moyen d’exécution, sans méthode efficace », affirme-t-il.

    Pour lui, les « faiseurs d’utopies », comme il les appelle, ne produisent que des chimères irréalisables. Charles Fourier qualifie ainsi de « sottises dogmatiques »Les Aventures de Télémaque, un roman de Fénelon publié en 1699 qui vantait la vie frugale et heureuse des habitants de la Bétique, un pays isolé.

    Un océan sépare les deux hommes : la Révolution française. Charles Fourier, qui a 17 ans en 1789, ne rêve pas d’un monde meilleur : il aspire à transformer la société ici et maintenant. Avec l’industrialisation, affirme-t-il, les classes laborieuses s’appauvrissent, alors que les intermédiaires du monde du négoce s’enrichissent.

    Cet homme qui a grandi dans une famille de commerçants a été choqué, enfant, par l’immoralité de cette profession. Et cette impression négative a été confortée par une expérience plus tardive : en 1799, commis d’une maison de commerce de Marseille, il voit une cargaison de grains jetée à la mer parce qu’à force de spéculer sur les prix, ses propriétaires l’ont laissée pourrir.

    Ce « renversement de l’ordre naturel » le pousse à réfléchir. Charles Fourier se met en quête d’une alternative au monde qui l’entoure crédible et, quoi qu’il en dise, utopique. « Dans le cours de cette Notice, je peindrai des coutumes si étrangères aux nôtres, que le lecteur demandera d’abord si je décris les usages de quelque planète inconnue », prévient-il dans Théorie de l’unité universelle (1822). Dans sa quête d’une harmonie universelle, il imagine un lieu de vie lié à des activités agricoles – le phalanstère – qui a vocation à devenir un laboratoire social. Ce concept d’habitation dont le nom est une contraction de phalange et de monastère prend le contre-pied des théories en vogue. Au progrès fondé sur la raison, il préfère l’équilibre des passions. A l’égalité, la diversité.

    Luxe et plaisir

    En « Harmonie », lieu de vie idéal, certains sont pauvres et d’autres riches, tout le monde n’a pas les mêmes goûts, les costumes sont brillants et variés, les appartements loués à des prix différents… Pas de rejet de l’argent, ni d’uniforme austère ni de frugalité volontaire – bien au contraire : c’est une société fondée sur le luxe et le plaisir. Le confort est si important que les rues ont été remplacées par des galeries couvertes afin que personne ne prenne froid l’hiver. Appartements privés, réfectoires, salles de bal et de réunion, bibliothèques, ateliers et greniers sont reliés entre eux par des souterrains ou des couloirs élevés sur colonnes.

    En ce début de XIXe siècle, le projet de Fourier pose les bases du mouvement coopératif naissant. Qu’ils soient trois cents ou mille cinq cents, tous les sociétaires sont des copropriétaires qui détiennent des actions, lesquelles peuvent leur être remboursées s’ils le souhaitent « au prix du dernier inventaire ». En cas de fléau mettant en péril les récoltes, la communauté et la région se portent ­garantes d’un revenu minimum que chacun est assuré de recevoir.

    Dans le phalanstère de Charles Fourier, les désirs priment. Le travail n’est pas subi mais choisi, la gourmandise est source de sagesse et l’amour cimente les relations sociales. Contre la monotonie du mariage, Fourier vante les bienfaits d’une sexualité libérée autant pour les hommes que pour les femmes : la femme peut avoir à la fois un époux dont elle a deux enfants, un géniteur dont elle n’a qu’un enfant, un favori qui a vécu avec elle et ­conserve ce titre, ainsi que de multiples « possesseurs » qui ne sont rien devant la loi.

    « Prophète postcurseur »

    Connaissant le personnage, cette défense de la jouissance reste une énigme : Charles Fourier était un célibataire bougon et bourré de manies, connu pour connaître par cœur les dimensions de chaque monument parisien. « Dans ses promenades, on le trouvait occupé parfois à mesurer, avec sa canne métrique ou pas, telle ou telle façade d’un édifice, tel ou tel côté d’une place, d’un jardin public, etc. », raconte le fouriériste Charles Pellarin en 1842.

    A l’évidence, cette utopie est l’œuvre d’un original. Fourier, qui se présente comme « illettré », c’est-à-dire autodidacte, ne se veut l’héritier de personne et affirme n’être membre d’aucune famille de pensée. « Il doute de tout ce qui a été écrit avant lui et s’écarte des doctrines majoritaires de son temps, résume Florent Perrier, maître de conférences en esthétique et théorie de l’art à l’université de Rennes-II. Il dit même qu’il est le “prophète postcurseur” par rapport au Christ, mais c’est évidemment un détour qui lui permet de faire passer des idées radicales sous un côté délirant. »

    Charles Fourier se distingue ainsi des premiers utopistes qui condamnaient autant l’argent que la propriété : à ses yeux, le système coopératif du phalanstère démontre les avantages de « l’esprit de propriété ». « Un des ressorts les plus puissants pour concilier le pauvre et le riche, c’est l’esprit de propriété sociétaire ou composée, écrit-il dans Théorie de l’unité universelle. Le pauvre, en Harmonie, ne possédât-il qu’une parcelle d’action, qu’un vingtième, est propriétaire du canton ­entier, en participation. »

    Expériences communautaires

    A la fin de sa vie, Charles Fourier cherche des mécènes pour mettre son projet en pratique. Un ancien médecin, député de Seine-et-Oise, ­répond à l’appel de fonds et propose un lieu, près de Rambouillet. En 1833, le premier phalanstère, à Condé-sur-Vesgre, est créé mais Fourier se retire très vite du projet, qui tombe à l’eau trois ans plus tard. Mort en 1837, le penseur ne connaîtra pas cette communauté, finalement relancée et ­toujours active aujourd’hui. Et c’est peut-être tant mieux. « Les sociétaires s’appellent “colons” entre eux. Un anachronisme qui donne le sentiment d’une bourgeoisie occupée à se transmettre des parts de propriété », affirme Florent Perrier.

    Au XIXe siècle, le fouriérisme essaime en Europe, mais c’est aux Etats-Unis qu’il rencontre le plus de succès. Entre 1840 et 1860, des disciples de Fourier y lancent plus de vingt expériences communautaires, dont la durée de vie dépasse rarement trois ans. D’autres cherchent sans succès à créer des phalanstères pour enfants trouvés. « Fourier pensait que les petits n’étant pas corrompus, il était plus facile de les ­former à la nouvelle société », explique Nathalie Brémand, docteure en histoire et chercheuse associée de l’université de Poitiers. Dès les années 1840, à une époque où beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école, des polytechniciens, des médecins et des ­philanthropes s’impliquent dans la création de crèches inspirées par Fourier.

    Après une longue éclipse, le fouriérisme rejaillit en mai 1968. Certains voient en lui le père fondateur des mouvements de libération sexuelle : on redécouvre sa radicalité en matière de mœurs grâce à un ouvrage posthume, Le Nouveau Monde amoureux, qui n’est publié in extenso qu’en 1967 – sans doute parce que ses disciples étaient choqués par ses positions.

    Dans ce texte, l’auteur pourfend la monogamie et défend une égalité stricte entre hommes et femmes. Pour l’intellectuel libertaire homosexuel Daniel Guérin, auteur d’un recueil de textes intitulé Vers la liberté en amour (Gallimard, 1975), Fourier a ouvert la voie à la révolution sexuelle.

    Traces de l’utopie fouriériste

    Aujourd’hui, on trouve des traces de l’utopie fouriériste dans le mouvement des SCOP (sociétés coopératives et participatives) comme dans le modèle du kibboutz en Israël ou les expériences locales qui surgissent ici ou là. « Les jardins collectifs ou les habitats partagés qui cherchent à élaborer de nouveaux types de gouvernance, dans lesquels chaque individu est représenté, en sont les héritiers indirects », estime Nathalie Brémand. L’historien François Jarrige établit une filiation indirecte entre l’esprit de Fourier et celui des « zones à défendre » (ZAD) comme Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). « Elles relèvent d’une conception libertaire. L’imaginaire des zadistes s’inspire des communautés anarchistes de la fin du XIXe siècle qui s’ins­crivaient dans une filiation avec le ­phalanstère fouriériste. »

    Les pédagogies alternatives de type Freinet ou Montessori lui doivent également beaucoup. « Charles Fourier est à l’origine de l’“éducation intégrale” qui visait à développer toutes les facultés des enfants et plus seulement à les ­instruire. Il préconisait notamment d’utiliser le jeu », poursuit Nathalie Brémand. Finalement, la vraie postérité de Fourier n’est pas à chercher dans le phalanstère de Condé-sur-Vesgre, mais du côté d’un imaginaire politique qui continue d’infuser.

  • Mais qu’est donc ce si fier monsieur Mélenchon ? (première partie) | Planète sans visa
    http://fabrice-nicolino.com/?p=2648

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    Mais qu’est donc ce si fier monsieur Mélenchon ? (première partie)*
    29 mai 2017Morale, Mouvement écologiste, Politique, Pouvoir et démocratie

    Je sais bien que les mélenchonistes les plus mélenchoniens me détestent, mais cela ne m’a jamais empêché d’écrire sur leur héros ce que je voulais. Et je compte bien continuer ici, malgré leurs inévitables protestations. Je compte rappeler ici quelques points déjà abordés, puis ajouter une pincée de poudre noire dans la (si petite) blessure que je leur ai infligée. Avis à l’univers : il faut, il faudrait lire le texte qui suit en compagnie de celui qui le suivra. Où l’on verra, peut-être, les raisons profondes, les racines politiques, historiques et personnelles qui sont au commencement de mes lourdes critiques contre Mélenchon. Avis donc : il n’y a pas un article sur lui, mais deux.

    Et ça commence par un préambule. Je comprends en partie l’engouement de tant de gens pour La France Insoumise. Les proclamations de ce regroupement contiennent quelques belles idées qu’il serait pénible – et même stupide – de rejeter. Il est vrai que, et tout à mes critiques, je ne l’ai pas assez fait, grâce à ce mouvement et à Mélenchon, certaines questions sont sorties du réduit mental où elles étaient. Grâce à Mélenchon ? Vous avez bien lu : grâce à lui. Malgré tout ce que je peux lui reprocher, il a ouvert une porte, libérant des énergies qui s’épuisaient en vain à défendre des causes subalternes. Je me permets de faire un rapprochement avec le grand texte du pape François, Laudato Si, même si cela n’est pas de même nature, ni de signification et de puissance comparables. Je précise que François m’impressionne.

    Les si tristes funérailles d’Hugo Rafael Chávez Frías

    Je salue donc ceux des Insoumis qui ont placé la question écologique au centre de leur monde, même si c’est d’une manière qui ne me convient pas vraiment. Et Mélenchon itou, qui est parvenu à secouer sa tête chenue pour y faire entrer un peu d’air et de lumière. Sommes-nous d’accord ? Je l’espère, car cela ne va pas durer. D’abord, Mélenchon nous a bassinés je ne sais combien de dizaines de fois avec ce géant qui n’était qu’un nain, Hugo Rafael Chávez Frías, défunt président du Venezuela. L’apothéose de cette séquence a été la veillée funèbre, à l’annonce de la mort del Jefe au début de l’année 2013. Citation de Mélenchon : « Ce qu’est Chavez ne meurt jamais. C’est l’idéal inépuisable de l’espérance humaniste, de la révolution ». Autre citation : « Il n’a pas seulement fait progresser la condition humaine des Vénézuéliens, il a fait progresser d’une manière considérable la démocratie ». On sentait le pleur tout près de sortir.

    Et là-dessus, silence total. Aucune explication n’est fournie de l’abominable descente aux enfers de ce grand pays. Le successeur, Maduro, fait endurer à son propre peuple la pire crise sociale qu’a connue le pays depuis son indépendance pour le coup bolivarienne de 1811. La camarilla militaire chaviste a copieusement pillé le pays et son immense rente pétrolière, distribuant des prébendes qui n’auront servi qu’à doper une consommation de biens importés. Rien de fondamental n’aura changé, alors que le chavisme au pouvoir a vingt ans d’âge. Les corrompus du sommet ont eu le temps de planquer les trésors volés à Miami, et je suis bien certain qu’ils ne paieront pas le prix de leur vilenie. Il ne restera bientôt plus rien du chavisme. Cela, une révolution ? J’aimerais presque croire que c’est une blague. Sur le sujet, j’ai écrit ici même, en 2009, un article qui peut se relire. On y découvre celui que Chávez décrivait comme un grand ami. Norberto Ceresole, fasciste et négationniste argentin, car c’est de lui qu’il s’agit, a fort contribué à la formation politique de Chávez, qui s’appuie comme chacun devrait le savoir sur le triptyque El Caudillo (Jefe), el ejército, el pueblo. Le chef, l’armée, le peuple. Une insupportable vision verticaliste du pouvoir, revendiquée pourtant. On peut aussi lire ceci ou encore cela.

    L’économie chinoise, chance pour l’humanité

    J’ai entendu Mélenchon oser face à Jean-Jacques Bourdin une phrase du genre : « Mais enfin, vous savez que Castro et Chávez sont morts ? », sous-entendant par là qu’il n’y avait pas lieu d’y revenir. Mais quelle audace ! Venant d’un homme qui se croit incarner l’Histoire en marche, et ne cesse de vanter telle ou telle figure de la Révolution française, c’est réellement gonflé. Et surtout ridicule pour qui se réclame encore du matérialisme et du marxisme. On pourrait donc faire parler les morts, mais pas tous. Seulement ceux qui arrangent la ligne politique du moment. Comme c’est commode.

    En 2012, j’ai remis le couvert et abordé une dimension proprement infâme du personnage Mélenchon en évoquant le sort fait au journaliste d’origine argentine Paulo Paranagua : c’est là. Un peu plus tard, toujours cette année 2012, j’ai commencé à parler d’autres pays de cette Amérique latine que j’ai bien connue, et pour lesquels Mélenchon avait les yeux de Chimène. Ainsi de l’Équateur et de sa si fameuse « révolution citoyenne ». Vous verrez ici le sort fait aux Indiens de Sarayaku, et l’ode de Mélenchon à la destruction du monde par l’économie chinoise (« Je considère que le développement de la Chine est une chance pour l’humanité », octobre 2012). Ainsi du Pérou, ici cette fois. Et encore deux fois sur l’Équateur : en septembre 2013 et en novembre 2016.

    Quant au Mélenchon « écologiste », il y a pléthore d’articles sur Planète sans visa. Je me permets d’en citer celui-ci, cet autre, celui-là et deux derniers, ici et là. Ils ont au moins trois ans, et depuis, je n’ai pas changé d’avis. Un seul exemple éclairera mon propos : le fameux meeting de l’hologramme, en février 2017. Lui à Lyon, son ombre portée à Auber. Eh bien, la totalité de la prestation était un show profondément anti-écologiste, articulé autour de trois frontières humaines à repousser plus loin : la mer, l’espace, le numérique. Rendez-vous compte un peu ! Si l’écologie a un sens, c’est bien celui d’avoir découvert puis admis les limites de l’action humaine. Simplement parce qu’un mur physique infranchissable empêche d’aller au-delà. Quand il n’y a plus de sol, on ne cultive plus rien. Quand il n’y a plus de poissons, on n’en pêche plus. Quand l’eau vient à manquer parce que nappes et rivières ont été surexploitées, les êtres vivants meurent un à un.

    Or à Lyon, il s’agissait d’aller encore plus loin. La mer ? Il faudrait lancer un vaste programme d’industrialisation à coup d’hydroliennes géantes, d’éoliennes off shore, d’usines aquacoles destinées à fabriquer des algues. Je n’invente rien. Et voyez comme Mélenchon parlait de nos pauvres océans sur son propre blog, le 26 mars 2012 : « Ne sommes-nous pas la nation d’Europe qui a su s’immiscer dans l’espace et qui occupe aujourd’hui la moitié du marché mondial des tirs de satellites ? N’avons-nous pas mis au point le navire de transport spatial le plus abouti pour alimenter la station internationale de l’espace ? Rien n’est hors de portée pour nous, sitôt que l’État et le collectif s’en mêlent ! La mer est notre nouvel espace de réussite et d’exploits scientifiques et techniques ! C’est ma proposition ! ».

    La si fabuleuse chienne Laïka

    Vous avez noté : « Rien n’est hors de portée ». Ou encore, dans une interview pathétique donnée à Match : « L’idée de l’expansion humaine en mer s’est présentée à moi comme une espèce d’antidote à la déprime générale. Et comme un fait d’évidence totalement occulté ! (…) Quand j’étais gamin, je découpais et je collectionnais les articles sur la conquête de l’espace. Je crois que j’ai encore dans ma cave un cahier où j’avais collé fiévreusement les exploits de la chienne Laïka et de Youri Gagarine ». L’expansion humaine, comme si elle n’avait pas assez détruit comme cela sur terre ! Et cette imagerie de pacotille sur l’espace, qui lui a fait acclamer à Lyon le savoir-faire des ingénieurs et l’excellence de la base de Kourou, oubliant l’essentiel, qui est de conquête, de conquête militaire, même si elle est pour l’heure pacifique encore. Dieu ! mais un écologiste commencerait évidemment, parlant de la mer, par parler de la dévastation des océans. Et réclamerait, c’est en tout cas mon point de vue, l’interdiction de la pêche industrielle. Or non, je le répète : aller plus loin encore, et ouvrir fatalement, compte tenu de ce qu’est l’économie réelle, la voie aux industries transnationales, seules à même d’investir massivement. Et je n’insiste pas, non, faute de place, sur le ridicule et plein accord avec le déferlement du numérique (et des jeux vidéos), qui pose pourtant des problèmes politiques de fond. Car quoi ? Qui ne sait que la démocratie est synonyme de lenteur, indispensable à la parole, à l’échange, à la coopération, à l’élaboration, à la décision ? La numérisation du monde pose des problèmes neufs, et graves. Mais pas pour Mélenchon.

    Je suis extrêmement long, mais je m’en excuse pas. Il s’agit en effet d’une affaire sérieuse. Sur un plan politique général, je reste stupéfait par la facilité avec laquelle des millions de gens semblent avoir oublié Mitterrand, à qui Mélenchon, ce n’est pas exagéré, voue un culte. L’ancien président a promis ce qu’on voulait bien croire, de manière à être élu, et puis s’est détourné sans explication de son plantureux programme. Certes, il ne fut coupable que de l’extrême faiblesse de ses suivants, croyants et courtisans. Mais tout de même ! Mélenchon ne se cache aucunement d’admirer au plus haut point un homme de droite qui a fait entrer le fric et le capitalisme le plus infect – Tapie, Berlusconi – dans l’imaginaire de la gauche française. Et cela n’aurait aucune signification particulière. Hier, des foules compactes ont acclamé les crapules staliniennes Thorez, Marty, Duclos, Aragon, Marchais. Et d’autres des politiciens « de gauche » soutenant les pires aventures coloniales, comme Guy Mollet, Robert Lacoste, Mitterrand déjà ou Gaston Defferre. Que veux-je dire ? Qu’il est au moins possible que la France dite insoumise repose sur le même rapport malsain à la politique et à l’autorité.

    Et si on parlait un peu de l’Internationale ?

    De vous à moi, ne voyez-vous pas que cette manière verticaliste – lui là-haut, nous en bas – tourne le dos aux rêves les plus anciens de l’émancipation ? Bien qu’ayant rompu avec beaucoup de l’imaginaire de ma jeunesse, je continue d’entendre L’Internationale avec davantage qu’un pincement au cœur. On y entend ces mots, que je revendiquerai pour ma part jusqu’à la fin : « Il n’est pas de sauveur suprême. Ni Dieu, ni César, ni Tribun ». Je crois sincèrement que Mélenchon se prend pour les trois.

    Avant d’achever ce qui, je vous le rappelle, est le premier volet d’une série de deux, je me sens contraint d’évoquer de graves mensonges de Mélenchon, qui n’ont attiré l’attention de personne. De personne en tout cas qui en ait parlé sur la place. Cela tombe donc sur moi, et je l’accepte comme le reste. Dans un livre d’entretiens paru il y a un an au Seuil (avec Marc Endeweld, Le Choix de l’Insoumission), Mélenchon y réécrit son histoire politique d’une manière qui m’a sidéré. Et offensé, car je continue à croire dans la vérité et la rectitude.

    Je n’en ferai pas la critique complète, qui serait pourtant méritée. Mais laissez-moi insister sur le Mélenchon lambertiste, dirigeant à Besançon de la secte appelée Organisation communiste internationaliste (OCI), celle-là même qui a fait de Jospin un espion de choix, membre du parti socialiste, jusqu’au poste de Premier secrétaire du PS après 1981, tandis qu’il était membre clandestin de l’OCI. Cette organisation a une histoire profondément noire, faite de graves violences contre les individus, et qui aura eu la grande originalité de soutenir des concurrents du FLN algérien – le MNA – manipulés par l’armée française ; puis de combattre toute participation aux luttes de la jeunesse contre la guerre américaine au Vietnam ; de refuser publiquement de participer aux barricades de mai 68 ; d’insulter sur tous les tons les combattants du Larzac, les antinucléaires des années 70, les militantes féministes, etc.

    Quand il soutenait Lip à l’insu de son plein gré

    Vous me direz qu’on s’en fout, mais vous me lisez, et je ne m’en fous pas. Mélenchon a été donc le chef – et chez eux, ce mot n’était pas à prendre à la légère – de l’OCI à Besançon pendant plusieurs années de l’après-68. Or dans son livre, il raconte de telles calembredaines qu’on ne peut les appeler autrement que des mensonges. Il raconte par exemple que la grève des travailleurs de Lip – elle débute au printemps 1973 – aurait suscité chez lui un énorme enthousiasme, ce qui est nécessairement faux. Toute personne ayant vécu cette époque sait que le courant lambertiste vomissait chaque semaine, dans sa feuille honteuse Informations ouvrières, les gens de Lip, au motif qu’ils avaient partie liée avec la CFDT honnie, très majoritaire dans l’entreprise. Et voilà que Mélenchon en rajoute, vantant le formidable curé de Lip, Jean Raguénès, que son mouvement, donc lui fatalement, exécrait publiquement et constamment.

    De même, il invente « une immense compassion » pour les Vietnamiens, qui aurait été la base de son engagement contre l’impérialisme américain. Pure bullshit. Les lambertistes comme lui maudissaient à ce point le Vietcong et le Nord-Vietnam qu’ils pourchassaient à coups de bâton ceux qui, dans les rues de Paris, défilaient pour la victoire du FNL vietnamien. J’en ai été le témoin direct, mais ce point ne saurait, de toute façon, être discuté.

    Enfin – il y a bien plus, mais je m’arrête là -, Mélenchon ose évoquer un soutien aux guérillas d’Amérique latine – cela cadre si bien avec son affection pour les nouveaux caudillos comme Chávez ou Correa – des années 70. On est là dans le grotesque, un grotesque nauséabond, car il y a derrière tout cela des morts. Je suis un témoin vivant de ces événements, et de cette époque, et quand Mélenchon affirme son adhésion à une « ligne d’action révolutionnaire de type insurrectionnel », j’ai un début de nausée. Ainsi que le clamait chaque semaine le journal de Mélenchon Informations Ouvrières, les lambertistes étaient VISCÉRALEMENT opposés à ces groupes, tels le MIR chilien, les Tupas d’Uruguay, le FSLN nicaraguayen qui avaient choisi l’affrontement armé.

    Je sais d’avance ce que diront certains lecteurs : il s’agit de vieilleries. Soit. Mais elles sont exprimées en 2016 par quelqu’un qui dit vénérer l’histoire des hommes, et qui combat officiellement toutes les cliques au nom d’un impérieux devoir d’honnêteté. La falsification, si elle n’est pas née avec le stalinisme, a atteint avec lui des sommets que nul n’est encore arrivé à dépasser. L’OCI et le passé de Mélenchon ont officiellement été antistaliniens, mais ils ont repris des méthodes qui étaient celles de leurs supposés adversaires. Je n’ai pas le temps de vous raconter l’affaire Michel Varga, très bien documentée. Et cela, figurez-vous, ne passe pas. Pour mieux comprendre pourquoi, il faudra attendre mon prochain rendez-vous, ici même. J’y parlerai de personnages beaucoup, beaucoup plus intéressants, comme par exemple Charles Fourier, Henry David Thoreau ou encore Nestor Ivanovitch Makhno et Élisée Reclus. Croyez-moi, l’air qu’ils ont bu ferait encore éclater plus d’un poumon.

  • « William Morris et la critique du travail », par Anselm Jappe
    http://www.palim-psao.fr/2016/01/william-morris-et-la-critique-du-travail-par-anselm-jappe.html

    Préface d’Anselme Jappe à l’ouvrage de William Morris, La civilisation et le travail, Le passager clandestin, 2013.

    Il est toujours un peu banal de présenter un auteur du passé en soulignant son « actualité ». William Morris est resté longtemps assez inactuel, rangé dans la catégorie des « utopistes » qui sont apparus aux marges du grand mouvement ouvrier d’inspiration marxiste. Bien sûr, on n’a jamais oublié le rôle de Morris dans l’histoire des arts appliqués, l’impulsion donnée au mouvement Arts and Crafts et sa défense d’un artisanat de qualité. Mais les écrits dans lesquels il exprimait sa vision de la société n’ont été redécouverts en France que dans les dernières décennies, notamment dans le cadre de l’écologisme et de la décroissance, de la critique antiindustrielle et de l’écosocialisme.

    #William_Morris #Anselm_Jappe #travail #critique_du_travail #critique_techno #utopisme #socialisme #XIXème #capitalisme

    • Morris fait la chose la plus simple et la plus rare au cours la modernité : il pense le travail à partir du résultat et non à partir de sa quantité. Il ne faut pas travailler pour travailler, pour créer de la valeur et de l’argent, ni pour obtenir la plus grande masse de « valeurs d’usage » possible, mais pour produire de beaux objets en transformant autant que possible la peine en plaisir et en limitant la peine inévitable au minimum indispensable – quitte à recourir aux machines, si nécessaire. C’est « la civilisation qui décrète “Évitez les peines”, ce qui implique que les autres vivent à votre place. Je dis, et les socialistes ont le devoir de le dire : “Prenez la peine et transformez-la en plaisir” » (8). Comme chez Charles Fourier, c’est la différence même entre travail et plaisir qu’il faut abolir : « L’essence du plaisir se trouve dans le travail s’il est mené comme il convient » (9). Le dépassement de cette opposition représente pour Morris le véritable but de la « conquête » de la nature : « La nature ne sera pas totalement conquise tant que le travail ne participera pas du plaisir de la vie » (10). Il ne suffit pas que le travailleur reçoive le plein produit de son travail et que le repos soit abondant, il faut aussi que le travail soit agréable. Le repos, aux yeux de Morris, ne sert pas seulement à récupérer ses forces pour revenir ensuite au travail. Au contraire, il représente la véritable finalité du travail. Morris affirme avec force que dans un régime capitaliste, le scandale ne consiste pas seulement dans l’exploitation du travail, mais dans sa nature même. Une grande partie du travail y est inutile et l’on produit surtout des objets nuisibles ou dont personne n’a besoin. Presque tout ce que font les classes moyennes (les « professions libérales ») est inutile aux yeux de Morris, de même qu’une partie du travail des classes laborieuses – soldats, vendeurs, tous ceux qui sont obligés à fabriquer des produits de luxe ou de makeshift (« expédient » voire « ersatz » (11). L’avènement du socialisme n’impliquera donc pas de travailler davantage, comme l’imaginaient Lénine, Ebert, Gramsci et tant d’autres chefs de file du « mouvement ouvrier ». Selon Morris, au contraire, « nous n’aurons plus à produire des choses dont nous ne voulons pas, à travailler pour rien » (12).

  • L’école des barricades (Grégory Chambat, éditions Libertalia)
    Vingt-cinq textes pour une autre école, 1789-2014
    http://editionslibertalia.com/nautre-ecole-3

    « L’instruction est comme la liberté, elle ne se donne pas, elle se prend… » (Jacotot). 
Vingt-cinq textes, mis en perspective et en contexte, pour explorer deux siècles et demi de réflexions et de pratiques qui tissent les liens entre contestation de l’ordre scolaire et de l’ordre social.
    De Charles Fourier à la revue N’Autre École, en passant par Bakounine, Célestin Freinet, les établissements autogérés ou l’insurrection du Chiapas se lisent les continuités et les ruptures de ces luttes sociales et pédagogiques pour une autre éducation dans une autre société.
    Et si cet ouvrage consacre une large place à ces trente dernières années, c’est aussi pour mettre en exergue la permanence et l’actualité de ces combats face aux résignations et aux tentations réactionnaires.

    #éducation #ordre_scolaire #ordre_social #luttes_pédagogiques #émancipation

    • Ces trois classes composant le ménage forment une division à part dans la série des parasites. Elles cesseront d’y figurer dans l’état sociétaire...

      Autrement dit si on met plus de tâches en commun (meilleure répartition pas juste à l’intérieur d’une même famille), et que chacun participe à sa mesure aux tâches communes (y compris les enfants).

      Ses formulations paraissent mettre de côté toutes les tâches de « care » (soin des autres et de la maison), essentiellement effectuées par des femmes (encore plus en son temps), et sans lesquelles la société s’écroulerait. MAIS, je crois qu’en vérité il a en partie raison quand même, car une grande partie de ses tâches pourraient éventuellement être mises en commun (s’occuper des petits enfants par exemple) et cela réduirait effectivement le nombre de personnes faisant la même chose chacun dans son coin.

      Après, faut pas non plus prôner l’efficacité en permanence, c’est bien aussi de faire des choses inutiles (mais en fait c’est bien seulement si on ne s’y sent pas obligé de les faire, que ce n’est pas une obligation, si on est obligé et qu’en plus ça pourrait être inutile, là c’est vraiment parasitaire).

    • désolé @touti °x° ca m’a fait tout drôle aussi !

      @rastapopoulos je ne sais pas si il compte vraiment donner des tâches aux êtres « maladroits et malfaisants » que sont les enfants pour lui. Son histoire des 4 vaches est comique mais je ne suis pas certaine que Fourier la voulait humoristique. Pour les femmes et le care, je suis d’accord avec toi qu’il n’en tiens pas compte comme d’un travail. Il me semble que c’est une des raisons qui ont fait capoter beaucoup d’expérience de Phalanstères.

      Il faut du féminisme dans le fourierisme !

    • Remarquez que cette analyse est antérieure à la révolution industrielle.

      Depuis, le Capital s’est employé à résorber les contingents d’inemployés les plus nombreux : (femmes et domestiques). Pour les enfants, elle a inventé l’école obligatoire dans l’espoir de les rendre plus productifs une fois devenus adultes, pari à l’évidence tenu !