person:james bond

  • Anas, le héros masqué du journalisme africain
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/04/19/anas-le-heros-masque-du-journalisme-africain_5452593_4500055.html

    Sa popularité dépasse le Ghana, pourtant personne ne connaît le visage du journaliste Anas Aremeyaw Anas. Cet anonymat lui permet de protéger sa vie et d’enquêter en caméra cachée sur les affaires de corruption.

    Le chauffeur connaît manifestement le chemin. Sur les avenues fluides, les immeubles de bureaux défilent, comme les enfants des rues qui, aux carrefours, mendient une pièce ou un morceau de pain. Accra, capitale du Ghana, fait sa pause dominicale. Même le marché central, le plus grand d’Afrique de l’Ouest, qui perturbe le centre-ville les jours de semaine, en provoquant des embouteillages monstres, est presque calme avec ses femmes en tenue de fête négociant le kilo de légumes.
    La ville retient son souffle, chargée des derniers échos des cantiques évangéliques, véritable tempo du dimanche matin. Sur les murs, quelques graffs accrochent le regard au passage, comme ce visage en noir et blanc, masqué par un drôle de rideau de perle.
    On le retrouve, en faisant route vers l’aéroport, sur une immense fresque signée Nicholas Tettey Wayo, un des street-artistes les plus en vogue du pays, accompagnée de cette devise en gros caractères : « Anas te surveille. Agis bien. »

    Un superhéros

    Anas ? C’est Anas Aremeyaw Anas, une vedette sans visage, mais à double face. Côté pile, c’est le journaliste le plus connu du continent africain ; côté face, un véritable James Bond, qui met sa vie en jeu pour tourner les images de ses documentaires chocs : des films pour la BBC, CNN ou la chaîne qatarie Al-Jazira.
    Peu connu en France, il apparaît comme un superhéros en Afrique et dans le monde anglo-saxon. Un journaliste espion, bardé d’une cinquantaine de prix, qui travaille caméra cachée sous la chemise, déguisé pour infiltrer les milieux les plus opaques.

    Son dernier reportage, Number 12, est sorti mi-2018. Il raconte la face obscure du football africain, où « le 12e joueur, c’est la corruption ». Le documentaire, fruit de deux ans d’enquête, dénonce cette gangrène.
    Trois jours après sa diffusion par la BBC, le 9 juin 2018, lors d’une séance publique dans la ville d’Accra, le patron ghanéen de ce sport hyperpopulaire a été forcé de démissionner. Puis, pendant plusieurs semaines, toute la planète du ballon rond africain a vécu à l’heure des évictions prononcées par la Fédération internationale (FIFA). Jusqu’à celle d’un arbitre kényan pourtant prêt à officier durant la Coupe du monde en Russie, à l’été 2018. Anas et son équipe ont piégé 97 des 100 leaders du championnat ghanéen ou des grands championnats du continent, leur proposant de l’argent pour influer sur la sélection d’arbitres ou pour truquer des matchs.

    L’anonymat, une assurance-vie

    Aucun milieu ne fait peur à Anas Aremeyaw Anas. En 2015, il a fait tomber sept des douze juges des plus hautes juridictions de son pays. Au total, une trentaine de magistrats et 170 huissiers de justice s’étaient laissés acheter par des journalistes infiltrés, acceptant des liasses de billets en échange d’une décision de justice, comme l’a montré Ghana in the Eyes of God (« le Ghana vu par Dieu »).
    Ce film a été construit à partir de 500 heures de tournage ; il a été vu par 6 500 personnes en quatre projections seulement, au Centre international de conférences d’Accra. Car dans ce petit Etat anglophone d’Afrique de l’Ouest, entre Burkina Faso et Côte d’Ivoire, les sorties des enquêtes du journaliste sont de véritables événements nationaux, aussi courus que le concert d’une rock star.

    « Si je décide d’arrêter, quelqu’un d’autre peut devenir le nouvel Anas. » Anas

    Anas Aremeyaw Anas est une célébrité sans visage car l’anonymat est son assurance-vie. Si de très rares personnes ont déjà vu ses traits, la plupart ne connaissent de lui que le rideau de perles qui tombe de son bob noir, assorti, dans une coquetterie inattendue, à la couleur de sa tunique. Il a choisi de longue date ce masque « produit de l’artisanat local », d’abord parce qu’il « est représentatif du continent africain », mais aussi parce que d’autres que lui peuvent le porter facilement.
    « Si je décide d’arrêter, quelqu’un d’autre peut devenir le nouvel Anas », répète-t-il volontiers. Aujourd’hui, ils sont parfois trois à l’arborer en même temps dans les grands rendez-vous internationaux où Anas est invité. Si, officiellement, il s’agit de tromper ceux qui voudraient l’agresser ou le tuer, c’est aussi par souci de mise en scène. Anas est conscient de la force symbolique du personnage qu’il s’est créé et en joue désormais, écrivant chaque jour un chapitre supplémentaire de cette histoire.

    Pour nous recevoir, le rendez-vous a été donné sans adresse. A l’heure dite, ce 17 février, le pick-up annoncé s’est arrêté devant un hôtel international d’Accra. Prénoms échangés en guise de code et le voilà reparti, stoppant une demi-heure plus tard devant un immeuble à l’air inhabité, dans une banlieue sans charme. Entre une épicerie fermée et une de ces mini-pharmacies où, hormis la gamme d’antipaludéens, les étagères font plus de place aux sodas qu’aux médicaments, un responsable de la sécurité entrebâille un portillon et joue les guides vers le troisième étage, où attend une clé, sésame pour accéder au toit-terrasse, puis à un studio aveugle, camouflé derrière de lourds volets de bois. L’air de la pièce poussiéreuse est encore irrespirable quand le garde du corps y installe trois chaises. Sorti de nulle part, Anas se glisse en silence sur l’une d’elles.

    « Dénoncer, faire honte, emprisonner »

    Après des salutations rapides, ses premiers mots sont pour demander la climatisation. On imagine la chaleur sous son bob enfoncé, derrière ses perles dont le jaune doré répond à sa tunique aux plis parfaits, sur laquelle il porte un petit gilet écossais où le jaune se marie à l’ocre roux. L’homme est théâtral sur sa chaise. Une voix douce très assurée qui s’emballe de temps à autre quand on pointe des contradictions. Des mains qui parlent seules, gesticulant sans cesse. On les fixe d’instinct, gêné face à cet interlocuteur sans visage. Ces mains aux longs doigts fins, graciles, ne trahissent rien de son âge, une quarantaine d’années.

    Anas n’a jamais cessé d’infiltrer des milieux fermés « au nom de l’intérêt général et des droits de l’homme ».

    Né dans le nord du pays, élevé par un père militaire et une mère infirmière, Anas a grandi dans une caserne d’Accra, ville où il étudie le droit à l’université et le journalisme au Ghana Institute of Journalism. Lors de son stage de fin de cursus au tabloïd Crusading Guide, il passe son temps avec les petits vendeurs de rue, ceux qui alpaguent les automobilistes pour quelques cacahuètes ou une bouteille d’eau, et prouve, images à l’appui, que les policiers prélèvent leur obole pour fermer les yeux sur ce commerce illicite.
    Depuis cette première, en 1998, Anas n’a jamais cessé d’infiltrer des milieux fermés « au nom de l’intérêt général et des droits de l’homme », explique celui qui change d’apparence et de personnage pour prélever les preuves de ce qu’il dénonce.

    Pour lutter contre la prostitution enfantine, il devient concierge et homme de ménage dans une maison close en 2007 ; pour démanteler un réseau de proxénètes chinois, il joue les garçons d’étage dans un hôtel chic. Pour raconter le scandale des hôpitaux psychiatriques, il se fait interner, en 2009, sous le nom de Musa Akolgo, une caméra cachée dans sa chemise, essayant de conserver toute sa lucidité en dépit des drogues avalées. En Tanzanie, il dénonce les assassinats d’albinos, dont on broie les os pour en faire des potions, et livre les criminels aux policiers.

    Si Anas Aremeyaw Anas est le cerveau de ces enquêtes, il ne travaille plus seul. Il est le patron emblématique d’une équipe de journalistes d’investigation qui dénoncent la corruption et défendent les droits de l’homme au Ghana et ailleurs sur le continent. Il est copropriétaire du journal de ses débuts, devenu le New Crusading Guide, et a ouvert son agence vidéo. A l’écrit comme à l’écran, sa méthode tient dans le triptyque : Naming, Shaming, Jailing (« dénoncer, faire honte, emprisonner »).

    « Nous voyons cet esprit dans des journalistes courageux comme Anas Aremeyaw Anas, qui risque sa vie pour la vérité. » Barack Obama, lors d’un voyage au Ghana

    Parce qu’il n’hésite pas à s’attaquer aux puissants, Anas est devenu celui qui protège le peuple contre des pouvoirs corrompus. Une sorte de Robin des bois moderne, qui dit choisir ses enquêtes « en fonction de l’intérêt général », ce qui explique son immense popularité.
    Au Ghana, se présenter comme journaliste, c’est immédiatement s’entendre répondre « comme Anas ! », que ce soit dans les taxis ou à la réception de l’Hôtel Golden Tulip, où Linda, la vingtaine, étudiante en tourisme, a cette réaction spontanée, avant d’expliquer avoir vu « le film sur le football et celui sur les juges ».

    #jesuisanas

    La population connaît d’autant mieux Anas qu’il offre des projections gratuites en plein air de tous ses documentaires, estimant que « les gens doivent savoir », que « les informations doivent circuler en Afrique » pour faire naître une société civile plus exigeante et afin que la presse passe enfin du rôle de faire-valoir à celui de quatrième pouvoir. Anas a aussi choisi ce mode de diffusion en parallèle à la BBC, CNN ou Al-Jazira pour protéger les télévisions de son pays qui pourraient être poursuivies si elles diffusaient ses documentaires.
    Le journaliste estime sa popularité « symptomatique d’une société où les gens sont désenchantés ». « Tout à coup, quelqu’un leur redonne espoir en poussant la démocratie plus loin, réveillant leurs aspirations. C’est un phénomène naturel, qui est la conséquence de notre travail – si vous faisiez la même chose, vous seriez aussi populaire », minimise celui qui reste modeste en dépit des fresques sur les murs, des tee-shirts à son effigie, de sa présence dans le dessin animé Tales of Nazir (« les contes de Nazir »), un symbole de la production ghanéenne dont les saisons successives sont diffusées depuis 2014.

    Cette popularité dépasse même largement les frontières nationales, comme le prouvent ses invitations multiples dans les grands festivals, mais aussi ses 276 000 abonnés sur Facebook et ses 212 000 followers sur Twitter, où le mouvement #jesuisanas se répand.
    En plus des trois conférences TED qu’il a faites (à visage caché, bien sûr), Anas s’est vu consacrer un film de 78 minutes, Chameleon (« caméléon »), réalisé par le Québécois Ryan Mullins, et a été cité dans le grand discours de Barack Obama au Ghana, en 2009. Le président américain avait alors rappelé qu’une « presse indépendante » est l’une des choses qui « donne vie à la démocratie » et ajouté : « Nous voyons cet esprit dans des journalistes courageux comme Anas Aremeyaw Anas, qui risque sa vie pour la vérité. »

    Campagne de dénigrement

    Malgré cette célébrité sans frontière, le journaliste est aussi une cible. Un de ses plus proches collaborateurs, Ahmed Hussein-Suale, qui avait travaillé avec lui sur le football et sur les juges, a été abattu le 16 janvier aux abords de son domicile d’Accra par deux hommes à moto. Depuis cet assassinat, Anas a dispersé son équipe et chacun travaille dans son coin.
    Deux jours avant la sortie du film Number 12, Anas a été publiquement accusé de ne pas payer ses impôts par un député du parti au pouvoir, Kennedy Agyapong. L’élu estimait qu’il faisait du mal au peuple ghanéen, ce à quoi Anas a répondu : « Fake news », ajoutant, serein : « Plus vous vous attaquez aux gros poissons, plus vous êtes attaqué. » C’est le même homme politique qui avait appelé à la télévision à « frapper » Ahmed Hussein-Suale, diffusant sa photo (alors que lui aussi jouait l’anonymat) et proposant de « payer » pour corriger cet enquêteur dont il dénonçait les méthodes.

    Cet assassinat a créé l’émoi dans le pays et au-delà. « Lorsque des dirigeants politiques qualifient les journalistes de “diaboliques” ou de “dangereux”, ils incitent à l’hostilité à leur égard et dénigrent leur travail aux yeux du public. De telles déclarations ont un impact direct sur la sécurité des journalistes et créent un environnement de travail dangereux pour eux », a déclaré David Kaye, le rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté d’opinion et d’expression.
    « On travaille depuis vingt ans et personne n’avait encore été tué jusque-là, parce que personne n’avait été “outé”, observe simplement aujourd’hui Anas. Si le visage d’Ahmed Hussein-Suale n’avait pas été montré, il ne serait peut-être pas mort. Il y a les gens qui parlent et ceux qui agissent et tuent. Mais quand vous êtes à cette position, vous créez une opportunité en montrant cette photo. »

    « Etre infiltré permet d’apporter des preuves tangibles, que les puissants ne peuvent pas contester devant les tribunaux. Mon objectif est l’efficacité. » Anas

    Interrogé sur ce sujet le 15 février, pour l’émission « Internationales » de TV5Monde, le chef de l’Etat, Nana Akufo-Addo, qui avait officiellement dénoncé le crime sur Twitter, avouait en marge de l’entretien qu’il aimerait « connaître les raisons de cet assassinat », laissant entendre que la victime n’était peut-être pas tout à fait irréprochable. La rumeur court en effet qu’Ahmed Hussein-Suale aurait lui-même touché de l’argent – rumeur que l’entourage d’Anas balaie d’un revers de main, expliquant que la campagne de dénigrement fait partie de la riposte de ceux qui protègent leurs intérêts en refusant de voir le pays changer.

    « A la limite de l’éthique »

    L’ONU comme le Comité pour la protection des journalistes ont demandé qu’une enquête soit sérieusement menée sur cette mort. Le député a reconnu, le 16 mars, dans la presse ghanéenne, avoir été mandaté par le parti au pouvoir pour mener une croisade anti-Anas et jeudi 11 avril, un suspect a été arrêté.
    Reste que la méthode d’Anas interroge et interrogeait bien avant le meurtre d’Ahmed Hussein-Suale. Un journaliste peut-il verser de l’argent pour piéger son interlocuteur ? Peut-il travailler sans révéler son identité professionnelle ? « Mon journalisme est adapté à la société dans laquelle je vis, explique l’intéressé. Au Ghana, et plus largement en Afrique, on ne peut pas se contenter de raconter une histoire pour faire bouger les choses. Etre infiltré permet d’apporter des preuves tangibles, que les puissants ne peuvent pas contester devant les tribunaux. Mon objectif est l’efficacité », poursuit celui qui collabore avec la police. Dépasse-t-il les limites de la déontologie journalistique ? « Je vends bon nombre de sujets à Al-Jazira, CNN et surtout à la BBC. Or, les standards de la BBC sont les meilleurs au monde », rétorque-t-il.

    Pour avoir passé un an auprès de lui et l’avoir vu fonctionner, Ryan Mullins, le réalisateur de Chameleon, journaliste lui-même, reconnaissait, dans un entretien au site Voir, à la sortie du film, en 2015, que les méthodes d’Anas sont « à la limite de l’éthique pour un journaliste occidental » mais qu’elles « sont issues du contexte de travail ghanéen, où les institutions et le système juridique fonctionnent souvent au ralenti et sont aussi très corrompus ».
    Plus important, il ajoute croire que « les motivations d’Anas sont sincères ». « Il veut vraiment que la justice dans son pays soit meilleure et plus développée. Après plus d’une dizaine de séjours en compagnie d’Anas et de son équipe, j’ai pu constater son intégrité. Il a une véritable foi en sa mission », conclut le réalisateur.

    Entreprise privée d’investigation

    Une intégrité qui n’empêche pas le sens des affaires, même si cela contribue à brouiller encore un peu son image… En effet, le savoir-faire développé par les enquêteurs qui entourent Anas Aremeyaw Anas, à mi-chemin entre le journalisme d’infiltration à la Günter Wallraff, le travail de détective et celui d’espion, a fait affluer les commandes. Et le journaliste a monté une entreprise privée d’investigation, Tiger Eye, qui se consacre aussi à des enquêtes ne relevant pas du journalisme. Interpol, la troisième société minière au monde (AngloGold Ashanti), l’une des plus grosses entreprises britanniques de sécurité (Securicor) sont ses clients, au même titre que le gouvernement ghanéen.
    L’entreprise propose tout type d’enquête, de la filature à l’infiltration, la surveillance fine, l’analyse de données. Pour cela, Tiger Eye met à disposition « des agents de haut niveau » qui peuvent avoir été « formés par les services de renseignement israéliens, maîtrisent les sciences de la sécurité et de la surveillance », rappelle le site commercial, qui propose des tarifs variant entre 300 et 500 dollars (jusqu’à 450 euros) la journée – le revenu national moyen au Ghana est d’à peine 2 000 euros annuels.
    Là encore, la pratique pose des questions déontologiques et fait surgir le risque de conflits d’intérêts, qu’Anas met de côté, pragmatique. « La BBC fonctionne avec de l’argent public ! Ici, ce n’est pas possible. Je suis réaliste. Je collabore avec de nombreuses institutions et je le mentionne dans les enquêtes. Et la postérité ne nous pardonnerait pas si nous décidions de simplement se croiser les bras et de laisser place à la criminalité », ajoute celui qui rêve que le journalisme réveille la société africaine.

    « D’autres très bons journalistes d’investigation font leur métier au Ghana et dans la région avec une tout autre approche. » Will Fitzgibbon, ICIJ
    « Nous avons reçu une aide pour reproduire ce nouveau type de journalisme à travers le continent africain. Nous travaillons actuellement sur un projet baptisé “Investigations nigérianes”, qui suscite beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme chez les journalistes nigérians. Je suis censé aller au Malawi, en Tanzanie, en Afrique du Sud pour bâtir une nouvelle génération d’“Anas”, capables de repousser les limites de notre démocratie. On n’est plus dans l’histoire d’un individu mais dans un mouvement », insiste-t-il.

    Optimiste

    Un mouvement qui n’est pas le seul sur le continent. Will Fitzgibbon, du Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ), qui reste réservé sur les méthodes d’Anas Aremeyaw Anas, rappelle que « d’autres très bons journalistes d’investigation font leur métier au Ghana et dans la région avec une tout autre approche ». M. Fitzgibbon a notamment travaillé avec la Cellule Norbert Zongo (du nom d’un reporter burkinabé assassiné en 1998) pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (Cenozo) sur les « West AfricaLeaks », qui ont permis de dénoncer quelques scandales financiers.

    Anas ne prétend d’ailleurs pas que sa démarche est la seule valable et se veut plutôt optimiste : « Je vois la société ghanéenne bouger, avancer. Une société civile est en train de naître dans ce pays et le journalisme d’investigation y est pour quelque chose, observe-t-il. Le monde a toujours été en lutte, nous ne sommes pas arrivés ici sans nous battre. Nos ancêtres, que ce soit en Amérique ou ailleurs, ont lutté pour que nous arrivions où nous en sommes aujourd’hui. Dans dix ans, la société sera plus ouverte, il y aura beaucoup moins de corruption. On ne volera plus impunément. Des gens ne demanderont plus qu’on frappe des journalistes parce qu’ils ont de l’argent. On aura davantage conscience que l’argent n’achète pas tout. »
    En attendant, le Ghana occupait, en 2018, la 78e place sur les 180 pays qu’observe l’association de lutte contre la corruption Transparency International. Et l’Afrique est le continent le plus mal classé.

  • Pourquoi le sport reste encore un truc de mecs – Binge Audio
    https://www.binge.audio/pourquoi-le-sport-reste-encore-un-truc-de-mecs

    Pourquoi le sport reste-il encore aujourd’hui largement une affaire de mecs ? En quoi la culture sportive dominante est-elle une culture viriliste ? Pourquoi ceux qui le pratiquent, ceux qui le regardent, ceux qui gagnent de l’argent avec, ceux qui le dirigent et ceux qui l’enseignent sont-ils encore si souvent des hommes ? Et quel rôle joue le sport dans la construction des masculinités contemporaines ?

    Réponses avec Thierry Terret, professeur des universités, historien du sport, auteur de « Sport, genre et vulnérabilité au XXème siècle. »

    Un épisode spécial, rencontre des podcasts « Les Couilles sur la Table » et « Du Sport », présenté par Victoire Tuaillon et produit par Binge Audio.

    “Le sport, inventé par des hommes et pensé initialement comme une activité exclusivité masculine, contribue historiquement et socialement à la construction d’un idéal de masculinité hégémonique* Par sa nature même, compétitive et spectaculaire, et il met en scène l’expression et le contrôle de la force physique. Il organise des contextes où s’installent des formes de violence physique (blessures, dopage) et morale (discrimination) et se valorisent des qualités associées idéalement à l’Homme : intelligence tactique, maîtrise technique et technologique, courage, abnégation, résistance à la douleur… Il est aussi idéalement lié à la réussite professionnelle, propulsant ses champions (plus que ses championnes) au rang de modèle. (…) Il est par ailleurs organisé et montré pour banaliser la norme hétérosexuelle, y compris même dans les formes polygames, hyperactives et agressives. Enfin le sport traduit dans ses institutions et ses pratiques la domination des hommes sur les femmes et le rejet des formes de masculinité les plus éloignées de l’idéal hégémonique.

    Extrait de l’article “Masculinité” de Thierry Terret, dans Dictionnaire culturel du sport (2010))

    *La “masculinité hégémonique” est un concept développé par Raewyn Connell (1995) : elle se définit comme la masculinité qui est provisoirement (car elle est sans cesse contestée ) en position dominante et dont les différents acteurs institutionnels ou individuels s’efforcent de maintenir le rang face à la féminité et aux autres formes de masculinité.

    RÉFÉRENCES

    Pratiques physiques ou sportives des femmes et des hommes : des rapprochements mais aussi des différences qui persistent (INSEE, novembre 2017)

    Homosexualité dans le football : perceptions des Français (IPSOS, avril 2018)

    Sport et Genre, Thierry Terret et co-auteur·es (4 volumes parus chez L’Harmattan, 2006)

    Sport, Men and the Gender Order (Messner, Sabo, 1990)

    Masculinities, Gender Relations and Sport (Mb Kay, Messner et Sabo, 2000)

    RECOMMANDATION DE L’INVITE

    … regarder tous les films de James Bond !

    SOURCES AUDIO

    – Denis Balbir sur W9, 13 avril 2018

    – “Quand des hommes catholiques suivent des stages pour réaffirmer leur masculinité”, Reportage au 20h de France 2, 30 mars 2017

    – Guy Lacombe, entraîneur de l’équipe de football de l’AS Monaco, pendant une conférence de presse, 7 décembre 2012

    – René Malleville, supporter de l’OM

    • 21% des ho pratiquent le sport pour « dépasé leurs limites » et 24% des femmes pour perdre du poids. (INSEE)
      Les ho pratiques le sport pour la compétition, les femmes pour la collégialité.
      Les violences sexuelles contre les femmes augmentent au moment des compétitions sportives prisées par les hommes (foot) - cf étude allemande.

  • Hier, je suis allé voir au cinoche le #film Impitoyable (1992) de et avec Clint Eastwood :

    Je vois que les critiques pour la ressortie en version restaurée sont carrément enthousiastes, sur les thèmes obligatoires : « western crépusculaire » (pitié !) et « ça n’a pas vieilli ».

    Mais je dois dire que je suis nettement plus partagé… je trouve que ça a globalement pas mal vieilli. (Pour préciser : celui-là je ne l’avais jamais vu.)

    – Essentiellement : le discours sur la violence qui avilit, depuis 25 ans, ça me semble tout de même avoir été beaucoup abordé, à la fois dans le cinéma mainstream et les séries télévisées. Le héros qui fait des cauchemars, où il voit les cadavres de ses victimes couverts de vers, c’était peut-être un peu original en 1992 après une décennie de films d’action bourrins, mais maintenant ça ne l’est plus. (Et puis même à l’époque, d’après ce que je sais de Shakespeare grâce à Gotlib, le coup des fantômes décomposés qui viennent te hanter, ça s’était déjà un peu vu depuis quelques siècles…). Plus sérieusement : ça faisait 15 ans que Hollywood pondait des films sur le Vietnam dont c’était le thème central ; si tu veux un discours sur la violence qui avilit et les contradictions des « valeurs » américaines, tu as Apocalypse Now en 1979 et The Deer Hunter en 1978.

    Et par-dessus le marché, je ne trouve pas le discours sur la violence tellement distancié : puisqu’à la fin, le personnage principal réduit à tomber dans la boue pour élever ses cochons et qui ne sait plus monter à cheval redevient un « héros », efficace, viril et déterminé, quand il zigouille froidement tout le monde et se remet à picoler. Et ensuite il rentre chez qui et s’occupe de ses gosses comme si de rien. Il y a un côté « a man’s gotta do what a man’s gotta do » avec lequel je ne suis jamais à l’aise.

    Le type qui fait l’intro avant le film explique que Gene Hackman fouettant Morgan Freeman, c’était même un message politique sur la condition noire. Genre courageux, parce que Rodney King en 1991. Bon, 1992 c’est aussi l’année du Malcom X très mainstream de Spike Lee, alors non, cette scène n’était pas particulièrement courageuse ou engagée même à l’époque.

    – Je me souviens qu’à l’époque, le film avait la réputation d’être violent. Alors franchement : non. Même dans le genre western, des trucs plus violents et malsains, les années 70 en ont donné beaucoup. La Horde sauvage de Peckinpah, ça remonte à 1969 tout de même. Un Homme nommé cheval, c’est 1970 et j’en fais encore des cauchemars. Alors certes, le plan sur le visage du tireur juste avant qu’il abatte sa victime, soit avec un regard paniqué (le jeune myope), soit froid (notre vieux Clint), c’est plus intéressant que la violence graphique elle-même, mais encore une fois, ça me semble plutôt faire partie du vocabulaire usuel de la violence désormais.

    – Les critiques semblent passionnés par le fait que le film « dynamiterait » systématiquement les codes du western. M’enfin en 1992, c’est déjà un peu tard. Du dynamitage des codes du western et des films avec anti-héros, il y en a tout de même eu beaucoup auparavant, ce serait même tout l’intérêt du genre.

    – Visuellement, je n’ai pas trouvé ça transcendant non plus. Ça joue hors de l’esthétisme appuyé des grands classiques des années 50, ça n’insiste pas sur les constructions de plans et les effets à la Sergio Leone, et ça se veut plus à la recherche du réalisme. Mais bon, du coup, les deux plans « jolis » avec la tombe de sa femme en silhouette sur fond de soleil couchant (et musique mièvre à la guitare), hé ben c’est pas du John Ford ; et à l’inverse, dans la recherche d’un réalisme boueux, viscéral, il y avait déjà mieux avant (les années 70 notamment), et beaucoup depuis. Et comme ça me semble filmé « à la papa », ça ne me semble pas exploiter les outils d’immersions désormais systématiques quand on veut donner des effets de réel. Visuellement du coup ça me semble avoir le cul entre deux chaises, et avoir vieilli.

    – Les personnages sont légèrement décevants. Certains ne sont quasiment pas traités (les prostituées, pourtant centrales, je trouve qu’elles manquent cruellement de développement). Le shérif (Gene Hackman) est le seul intéressant (bon, English Bob est pas mal aussi, parce qu’il a un rôle assez court). Les deux cow-boys à abattre sont très peu développés, mais c’est peut-être exprès. Mais plus décevant, ce sont les 3 principaux, que je trouve pas passionnants, alors que le film se passe essentiellement sur eux, dans un film de tout de même 2 heures. Et leur petit parcours (Clint qui redevient froid et violent pour venger son pote, le jeune prétentieux qui ne veut plus tuer) est de toute façon excessivement prévisible.

    Alors c’est pas un navet, l’humour un peu distancié fonctionne bien, le côté « on sent que ça va mal finir et on n’est pas déçu » fonctionne bien aussi, et les 2 heures passent assez vite. Mais honnêtement, ça m’a pas transporté d’enthousiasme non plus.

    • @arno

      si tu veux un discours sur la violence qui avilit et les contradictions des « valeurs » américaines, tu as Apocalypse Now en 1979 et The Deer Hunter en 1978.

      Où je comprends, avec retard, que peut-être ces deux films dont je ne me souvenais plus qu’ils étaient à ce point voisins dans le temps, et que j’ai tous les deux vus à leur sortie, ces deux films ont sans doute joué un rôle déterminant sur mon édification personnelle et m’auront assez sûrement vacciné contre l’attrait pour une violence bien graphique. Au point, même, de tarir un peu mon goût naturel pour les films de James Bond qui, eux, n’auront jamais cessé de croître en matière de déluge de violence graphique, il n’est que de constater à quel point le duel final, qui se finit quasiment à chaque fois aux poings, après qu’un arsenal assez exhaustif a été essayé de part et d’autre, ce duel final dure de très longues minutes. Il y a peu j’ai revu James Bond contre Docteur No et j’ai été stupéfait que le duel final entre les deux ne dure qu’une vingtaine de secondes (ce qui à l’époque, 1964, devait paraître comme ultra violent)

    • Oui c’est étonnant cette concordance. Surtout qu’ensuite il n’y a quasiment plus rien de potable sur le Vietnam : après le premier Rambo (1982), il n’y a plus grand chose en dehors des trucs du genre « Missing in Action ». Il y a La Déchirure (1984) de Roland Joffé sur le Cambodge.

      Et tout d’un coup, hop une nouvelle série de films en juste 3 ou 4 ans :
      Platoon (1986)
      Full Metal Jacket (1987)
      Hamburger Hill (1987)
      Good Morning, Vietnam (1987)
      Outrages (1989)
      Né un 4 juillet (1989)
      L’échelle de Jacob (1990)
      Les deux derniers n’étaient pas « au » Vietnam, on n’est déjà plus dans le film de guerre. (Et j’ai mis Good Morning Vietnam parce que c’est très connu, mais j’ai jamais aimé ce film.)

      Et puis plus rien. Je ne vois guère que We Were Soldiers de Mel Gibson en 2002.

    • Sur la violence des films des années 70, on revient à ce qu’on disait avec Alien (1979) : mon expérience est chronologiquement inverse à la tienne. :-) Je n’ai découvert les films des années 70 qu’à la fin de mon adolescence, donc la deuxième moitié des années 80, généralement en vidéo.

      Du coup, ces films traumatisants de ces années, Taxi Driver (1976), Straw Dogs (1971), Délivrance (1972), et même L’Exorciste (1973) et Massacre à la tronçonneuse (1974), j’ai découvert ça près de 15 ans après leur sortie. Et j’avais déjà vu un bon nombre de James Bond avant :-))

  • La psychiatrie française en revue, etc. : Serge Tisseron : « Notre culture dépossède la femme de son désir »
    https://psyzoom.blogspot.fr/2017/11/serge-tisseron-notre-culture-depossede.html

    Serge Tisseron : « Notre culture dépossède la femme de son désir »
    Le psychiatre dénonce les conséquences sociales ravageuses d’un modèle culturel pernicieux, véhiculé notamment par le cinéma.

    "Mais l’homme ne doit pas seulement être maître de son désir : il doit aussi l’être du désir de la femme. De ­James Bond à Star Wars, le cinéma donne maintes représentations de ce phénomène. Dans le Blade Runner (1982) de Ridley Scott, par exemple, la scène où Harrison Ford embrasse de force la réplicante – visiblement attirée par lui – est suivie d’une scène encore plus signifiante. Il lui dit : « Embrasse-moi » et, comme elle ne s’exécute pas assez vite, il la prend par les cheveux pour l’attirer vers lui. Ce faisant, l’homme ne se contente pas d’imposer sa violence sexuelle à la femme : il cadre le désir féminin par une injonction. Ce qu’il veut, c’est qu’elle renonce à l’embrasser quand elle en aura envie pour le faire quand il le lui demande. C’est une soumission psychique qui est exigée par l’homme, dont la soumission sexuelle ne constitue que l’aspect le plus fréquent."

    • Exemple d’appropriation du travail des féministes sans les cité par un homme. Il ose en plus parler de LA Fâme et de le L’homme et sous entend qu’il y aurait une égalité voire une domination par les femmes actuellement :

      Parce que l’homme, depuis toujours, a peur de la femme, maîtresse de la reproduction. C’est la raison pour laquelle, de tout temps, dans toute organisation sociale, jusqu’à un passé très récent, les hommes ont dominé les femmes.

      Il dit pas que des biteries mais il en dit un gros paquet quand meme.

      #allié #psychose #post-féminisme

    • j’ai bien compris @mad_meg, pas de souci. Il a un vrai souci de vocabulaire, mais si on auto-corrige mentalement, ça passe. Il n’est pas non plus révolutionnaire, mais c’est un homme... C’est seulement que je n’ai pas lu ce genre de chose d’un autre homme psy-quelque-chose, il va plus loin que la négation du désir pulsionnel, il parle de stratégie :
      « Un homme qui met la main aux fesses d’une femme contrôle sacrément son désir, car ce n’est pas ça qu’il a envie de faire avec elle : cela relève d’une stratégie . Et quand il la viole, il ne le fait pas n’importe où ni n’importe quand. »

  • Café ?
    Café !
    Deux cafés, Madame, s’il vous plait

    Dans la mémoire
    De ton téléphone de poche
    D’anciens messages

    Accablante chaleur blanche dehors
    Déjà l’été
    Et le printemps ? Bâclé !

    Printemps piétiné
    Printemps détruit
    Printemps glacial

    Enfin le courage
    Du ménage
    De Printemps

    Mort de
    Roger
    Moore

    Et le premier soir
    Il rangea
    Ses livres.

    Elle a piétiné ma saison préférée
    James Bond est mort
    Range ta chambre !

    #mon_oiseau_bleu

  • Women settle lawsuit with Canadian maker of Internet-connected vibrator for US$3.75M
    http://news.nationalpost.com/news/world/women-settle-lawsuit-with-canadian-maker-of-internet-connected-vi

    In September, a lawsuit was filed in an Illinois court against Standard Innovation, which manufactures the popular We-Vibe sex aid, because newer versions of the device share “highly intimate” data over the web.

    We-Vibe Rave, released two years ago, is Bluetooth and Wi-Fi compatible.

    A cellphone app called We-Connect allows users and their partners to control the Rave’s intensity and vibration patterns remotely over the Internet and allows for private text messages and video calls.

    Le fabricant d’un sex-toy un peu trop « intelligent » va indemniser ses utilisateurs
    http://www.20minutes.fr/high-tech/2030887-20170315-sex-toy-connecte-collectait-donnees-utilisateurs

    L’engin envoyait des données sur sa température et l’intensité de ses vibrations

    Des experts en cybersécurité avaient en effet révélé, à la conférence sur le piratage informatique Defcon l’an dernier, des failles dans l’application du vibromasseur, permettant d’accéder aux données privées et de prendre le contrôle de l’appareil. L’engin transmettait en outre des statistiques précises sur son utilisation, comme sa température et l’intensité de ses vibrations, le tout couplé à l’adresse email de son propriétaire.

    #surveillance #données_personnelles #it_has_begun #justice #sextoy #internet_des_objets

  • Nostalgie : Renault 11 contre Renault 20 (Dangereusement vôtre - 1985, la R11 perd)
    http://www.imcdb.org/vehicle_15187-Renault-20-X27-1976.html

    IMCDb.org: 1978 Renault 20 TS 2 Litres [R1272] in “A View to a Kill, 1985”

    J’aimerais voir mieux l’expression sur la visage du cascadeur qui conduit la R11 sans casque ;-)

    Dangereusement vôtre
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Dangereusement_v%C3%B4tre

    Dangereusement vôtre (A View to a Kill) est un film anglo-américain réalisé par John Glen et sorti en 1985. C’est le 14e opus de la série des films de James Bond produite EON Productions. Roger Moore y incarne James Bond pour la septième et dernière fois.

    Une collection d’affiches du film
    http://www.notrecinema.com/communaute/v1_detail_film.php3?lefilm=8714

    #film #action #James_Bond #Grace_Jones #IMCDB #voitures

  • J – 138 : Aujourd’hui j’ai décidé que j’allais faire une petite séance de défonce de portes ouvertes. Clint Eastwood. Cinéaste de droite, et révisionniste. Son dernier film. Sully . Film de droite jusque dans son esthétique. Vous voyez la démonstration ne devrait pas poser trop de difficulté.

    Et du coup on peut même se poser la question de savoir ce que je pouvais bien faire dans une salle de cinéma pour voir le dernier film de Clint Eastwood, qui plus est avec ma fille cadette, la merveilleuse Adèle, qui mérite sans doute mieux, dans son parcours de formation, notamment au cinéma. De même que j’avoue une prédilection tout à fait coupable pour les films de James Bond, je dois reconnaître que j’aime par-dessus tout le film de catastrophe aérienne, même quand ils sont assez mauvais et j’en rate peu et du coup je peux dire qu’ils sont généralement unanimement mauvais, les pires étant souvent ceux de détournements d’avions avec sauvetage héroïque par des troupes d’élite, autant vous dire que ceux-là ne sont pas mes préférés. Expliquer pourquoi mon goût cinéphile est aussi déplorable, s’agissant des films de James Bond, est assez embarrassant, cela a beaucoup à voir je crois avec une certaine scène du premier James Bond dans laquelle on voir Ursula Andres sortir de l’eau dans un bikini blanc fort chaste à l’époque, complètement ravageur du point de vue de ma libido naissante, pré-adolescent, en colonie de vacances à Villars de Lans, le film projeté avec un vrai projecteur, sur un drap tendu dans la salle de ping-pong, la plupart d’entre nous assis parterre. Pour ce qui est des films de catastrophe aérienne, c’est un peu moins honteux, cela a à voir aussi avec un souvenir d’enfance, mais d’un tout autre ordre. Mon père était ingénieur en aéronautique, et il est arrivé, plus d’une fois, quand nous étions enfants, mon frère Alain et moi, qu’il soit appelé, c’était souvent le soir, au téléphone à la maison, pour conseiller à distance des équipes techniques ou carrément remettre son pardessus et sa cravate et repartir au travail faire face à des situations, dont il lui arrive aujourd’hui de parler plus librement et qui n’avaient rien de simple apparemment, certaines sont assez cocasses comme l’histoire de cette vieille dame qui avait été mal aiguillée, en partance dans un vol pour la Côte d’Ivoire et qui au bout d’une douzaine d’heures de vol s’étonnait auprès d’une hôtesse de n’être toujours pas arrivée, indocte qu’elle fut qu’elle était en fait sur le point de se poser à Singapore. D’autres anecdotes sont sans doute moins plaisantes. Un soir, nous regardions en famille un film dont je viens de retrouver le titre en faisant la rechercher suivante, « film de catastrophe aérienne » + « Burt Lancaster », il s’agit donc d’ Airport , film de 1970, dont de nombreuses scènes se passent dans la tour de contrôle d’un aéroport aux prises avec une situation de crise et dans lequel film un personnage se tourne vers le personnage interprété par Burt Lancaster, « et maintenant qu’est-ce qu’on fait Chef ? » Et mon frère Alain, rarement en manque de répartie, avait répondu : « On appelle De Jonckheere ». Les films de catastrophe aérienne vus à la télévision en famille avaient pour moi cet éclairage particulier que de temps en temps, ils faisaient sourire mon père qui commentait gentiment que certains situations étaient hautement improbables. Bref, je garde pour le souvenir d’Airport de George Seaton, 1970, comme pour celui de ces soirées de télévision familiales lointaines, une prédilection étonnante, eut égard à mon rapport assez critique en général à propos des films de fiction, donc, pour les films de catastrophe aérienne.

    Les films de catastrophe aérienne sont unanimement mauvais, j’aurais bien du mal à en sauver un dans le genre, peut-être le Vol du Phenix de Robert Aldrich avec James Stewart, mais ce n’est pas non plus un chef d’œuvre, mais le récit est assez étonnant.

    Et donc Sully de Clint Eastwood. Avec Adèle en plus. La honte.

    Depuis une dizaine d’années Clint Eastwood réécrit la grande narration performative et nationale des Etats-Unis, ne se contenant d’ailleurs pas toujours de réécrire avantageusement l’histoire de son pays, puisque son récit d’Invictus fait l’éloge inconditionnel de Nelson Mandela et voudrait nous faire croire que la nation multicolore sud africaine s’est bâtie sur la victoire des Bocks sur les All Blacks , comme c’est mignon, comme c’est loin de la réalité et comme surtout ce passe sous silence la pieuse tricherie du bon Mandela ( http://www.desordre.net/blog/?debut=2010-05-02#2487 ), pareillement le récit d’American Sniper est à gerber, qui, même s’il frôle par endroits à quel point quelques soldats américains auront laissé des plumes dans cette guerre d’Irak du fils, continue de remarquablement regarder ailleurs quand il s’agirait de considérer le martyr de la population irakienne, mais que voulez vous Clint Eastwood il est américain, à ce titre, il pense que les éléments de sa nation ont des droits supérieurs et valent mieux que les habitants d’autres pays, pensez s’il va se pencher sur la souffrance d’un pays du tiers Monde même si ce dernier est pétrolifère, il est au contraire plus urgent de construire une statue de commandeur à un gars de chez lui, probablement con et inculte comme une valise sans poignée, mais très doué pour ce qui est de dégommer des Irakiens à distance, aussi con que soit ce type il est aux yeux de Clint Eastwood et d’une nation de lavés du bulbe l’homme providentiel, concert de klaxons à ses funérailles, pauvre type providentiel, pauvres types qui klaxonnent.

    Sully donc, surnom de Chesley Sullenberger admirable commandant de bord qui en janvier 2009, avec une maestria et un sang-froid, un peu hors du commun tout de même, a réussi à amérir sur l’Hudson alors qu’il venait de décoller de La Guardia et quelques minutes plus tard, de perdre les deux moteurs de son airbus A320, d’où la nécessité de se poser, mais, las, aucune possibilité d’aller se poser sur une piste voisine. Cette catastrophe aérienne évitée, les 155 passagers de ce vol, de même que le personnel de bord tous sauvés, par ce geste extraordinaire de Chesley Sullenberger, quelques jours plus tard, le maire de New York lui remet les clefs de la ville et quelques jours encore plus tard il est invité à la première cérémonie d’investiture de Barak Obama, c’est vrai qu’après les huit années catastrophiques de Bush fils, on pouvait y voir un signe prometteur, on remarque d’ailleurs que Clint Eastwood en bon républicain crasse de sa mère coupe bien avant.

    Bon c’est sûr avec un miracle pareil, vous avez un film. Encore que. L’incident en lui-même et le sauvetage, c’est suffisamment répété dans le film, ne durent que 208 secondes, le sauvetage des passagers ayant ensuite trouvé refuge sur les ailes de l’avion, une vingtaine de minutes, du coup évidemment, il faudra recourir à quelques artifices du récit, surtout en amont, le coup des trois passagers qui attrapent leur vol in extremis, le gentil commandant de bord qui connait tout le monde à La Guardia, même la vendeuse de sandwichs pakistanaise, et ensuite en aval, la célébration du héros, foin du miracle trop rapide pour le cinéma, en brodant un peu, vous l’avez votre film.

    C’est sans compter sur la volonté dextrogène du Clint Eastwood républicain de sa mère, il ne suffit pas que l’avion se soit posé, que les passagers soient sauvés, Sully est un homme providentiel et si vous n’aviez pas compris que d’aller poser son coucou sur les eaux glacées de L’Hudson en janvier était miraculeux, on va vous le montrer et vous le remontrer, un certain nombre de fois, quatre ou cinq fois si ma mémoire est bonne, et comme on peut douter que vous ayez vraiment compris que Sully il a vraiment été très fort, on vous montre aussi, cela aussi répété trois fois, ce qu’il aurait pu se passer s’il n’avait pas été assez fort, c’est-à-dire, l’avion aller se cracher sur les banlieues denses du New Jersey, sauf que ces dernières étant peu photogéniques, on dira que c’était l’Hudson River ou le sud de Manhattan et là autant vous dire que cela claque visuellement, et des fois que vous n’ayez toujours pas compris que cette scène est un remake d’un truc qui s’est déjà produit au même endroit un certain 11 septembre, dont la moitié des Américains seulement sont capables de savoir que c’était celui de l’année 2001 — ils savent juste que c’est nine-eleven comme ils disent —, on n’est pas aidé avec un public pareil, pas étonnant que le vieux Clint Eastwood républicain de sa maman il soit un peu obligé de souligner certains passages trois fois en rouge, bref si vous n’aviez pas suivi que c’était à cela que cela faisait référence, vous aurez une scène qui vous dira que oui, un tel miracle à New York cela fait du bien, qui plus est un miracle aéronautique. Bref du lourd, du charpenté, des câbles d’amarrage pour ficeller le récit. Vous avez compris que Sully c’était un héros ? Un type providentiel ? C’est bon je n’insiste pas ?

    Ben Clint Eastwood, républicain, je crois que je vous l’ai déjà dit, qui aime croire à la providence des grands hommes du cru, il ne voudrait pas non plus que vous ignopriez qu’en plus le héros, on l’a emmerdé vous n’avez pas idée, parce que voilà quand même on se demandait si à la base il n’aurait pas commis un erreur de jugement et que si cela se trouve, en fait, il aurait très pu aller poser son coucou sur la piste de Newark dans le New Jersey tout juste voisin et que là quand même, en choisissant un terrain aussi défavorable et risqué il a quand même pris un sacré pari, un pari à 155 âmes. Alors à la commission d’enquête, ils ont peut-être été un peu tatillons, blessants, peut-être, envers le héros national en tentant de lui opposer que certes l’histoire se finit bien encore que le zingue qui a dû coûter un bras, ben il est au fond de l’eau, sans doute pas réparable. A vrai dire, c’est possible, je n’en sais rien, je m’en fous un peu même. Je note aussi au passage que Clint Eastwood de la providence républicaine dans cet endroit du film commet surtout le plagiat assez éhonté d’un très mauvais film, Flight de Robert Zemeckis, et que si cela se trouve c’est avec cette enquête prétendument interminable qu’il comble et qu’il meuble, là où le récit dans sa durée originale n’est peut-être pas suffisant pour tenir le film entier, même répété à l’envi. A vrai dire je ne connais pas bien l’histoire et ma curiosité n’est pas si grande, moi ce que j’aime dans les films de catastrophe aérienne, ce sont les scènes d’avion — et là j’ai bien aimé, faut avouer, la scène avec les deux F4 au dessus du Nevada, mais je m’égare —, il y a sans doute eu une enquête, elle a peut-être été un peu pénible, ce n’est même pas sûr, elle est présentée dans le film comme un péché de l’adminsitration, pensez, Clint Eastwood de sa maman, il a appelé à voter Trump, alors pensez si effectivement il va faire les louanges de quelque administration que ce soit, ce que je sais, et que le film ne dit pas c’est que la semaine suivante, le Chesley Sullenberger il était l’invité de Barack Obama pour sa première investiture à la Maison Blanche, de là à penser qu’il n’avait pas beaucoup de raisons de s’inquiéter sur la suite de la fin de sa carrière...

    Et, finalement, ce n’est pas tout, il y a une chose qui est entièrement passée sous silence dans ce film, dans l’après accident, plutôt que de passer des témoignages, genre télé-réalité de passagers miraculés pour entrelarder le générique, Clint Eastwood s’est bien gardé de nous dire que Chesley Sullenberger, son Sully donc, avait, en fait, intelligemment profité de son quart d’heure warholien pour attirer l’attention du Sénat américain sur les dangers de la dérégulation aérienne aux Etats-Unis, les mauvaises pratiques de la formation des jeunes pilotes et la dépréciation alarmante de la profession (c’était une chose que j’avais lue je ne sais plus où, et dont il me semblait aussi l’avoir vue dans un film, Capitalism, a love story , de Michael Moore, cinéaste dont je ne pense pourtant pas le plus grand bien, mais, vous l’aurez compris, pas autant de mal que Clint Eastwood).

    En fait ce que cela m’apprend, c’est que cette érection de l’homme providentiel m’est insupportable, on l’a bien compris, surtout envers et contre toutes les logiques collectives pourtant possibles, c’est le principe de tout programme de droite, se goberger pendant que cela dure et quand cela ne dure pas, ne plus avoir d’autres alternatives que d’attendre que l’homme providentiel — comme Roosevelt a su le faire en insufflant un peu de communisme dans le moteur capitaliste, ce qu’Obama n’a pas su faire, non qu’il n’ait pas nécessairement essayé d’ailleurs, pourtant, comme le montre Laurent Grisel, dans son Journal de la crise , ce qui marche dans le capitalisme c’est le communisme —, ne sauve la situation pour pouvoir de nouveau se goinfrer, sans comprendre que l’on ne peut pas toujours compter sur les hommes providentiels, parce qu’ils n’existent pas davantage que le père Noël et pas davantage que James Bond.

    Alors si je peux promettre raisonnablement que je n’irai plus jamais voir un film de catastrophe aérienne, cela va me coûter davantage avec les films de James Bond, la faute à Ursula.

    Exercice #53 de Henry Carroll : Utilisez le flash pour capturer l’énergie d’une fête

    #qui_ca

  • Incroyable mais vrai : des hommes volent avec la Patrouille de France
    https://www.crashdebug.fr/high-teck/12763-incroyable-mais-vrai-des-hommes-volent-avec-la-patrouille-de-france

    Je sais que c’est du déjà vu, on vous avait passé la vidéo qu’ils avaient fait à Dubaï, mais moi, à chaque fois que je les vois, je suis épaté. Alors, on n’en perd pas une seconde ; ))).

    Sur ce bonne soirée,

    f.

    VIDÉO - Les images sont exceptionnelles : trois « hommes volants », équipés d’ailes propulsées par des réacteurs, ont évolué au côté de huit Alphajet. Une première mondiale.

    Trois « hommes volants », équipés d’ailes propulsées par des réacteurs, ont évolué vendredi aux côtés de huit Alphajet de la Patrouille de France, une première mondiale digne d’Icare, a indiqué l’armée de l’air française.

    Le Suisse Yves Rossy, ancien pilote de chasse et inventeur du concept, ainsi que les Français Vincent Reffet et Fred Fugen, champions du monde de parachutisme, ont signé cette chorégraphie aérienne (...)

    #En_vedette #High_Tech

  • J – 181

    C’est Adèle qui en a eu l’idée, comme je lui demandais ce qui lui ferait plaisir de faire cet après-midi où nous étions inhabituellement seuls, elle et moi. Et là où j’aurais volontiers accueilli qu’elle me demande d’aller se promener dans Paris, que sais-je, aller dans un musée, se taper une toile, elle m’a répondu, et si nous allions nous promener au bois de Vincennes ? Moi j’y vais en vélo et je t’attends à la porte jaune. D’accord.

    Et donc pendant qu’Adèle fait des tours du lac des Minimes à vélo, je prends nombre de photographies notamment des reflets automnaux sur les eaux calmes de ce petit étang, rien de bien important, rien de bien nouveau, juste des photographies sur lesquelles je m’applique un peu, limite des cartes postales — aujourd’hui, de façon plus contemporaine, on devrait qualifier de telles images de fonds d’écran —, et d’ailleurs je croise nombre de mes contemporains qui sont apparemment animés des mêmes intentions, eux aussi photographient, essentiellement à l’aide de leur téléphone de poche, une femme à l’aide de son ardoise numérique, rares sont les vrais appareil-photos, les reflets huileux aux teintes mordorées sur l’étang.

    De temps en temps, j’entends le timbre de la bicyclette d’Adèle dans mon dos, nous échangeons un peu, je lui montre mes dernières photos, t’es sûr qu’il y a quelque chose de net sur cette photo papa ? Non, en fait non. Et elle repart faire un tour du lac, en comptant ses tours, en tentant de déterminer combien de tours elle aura fait quand moi je n’en aurais fait qu’un seul à pied, je crois que j’ai fini par transmettre ce goût des mathématiques approximatives à ma fille Adèle — et donc un certain goût pour la littérature à Madeleine, la passion des échecs à Nathan et aux trois un amour immodéré pour les Cévennes et les films de James Bond, je ne me félicite pas pour ce dernier item. Moi, je retourne à mes petites recherches sans prétention, mais qui regardent tout de même du côté du dernier Monet.

    Et, en fait, je ne demande rien de plus à l’existence, et à la photographie, que de me procurer de temps à autre, la joie simple d’une promenade au Bois de Vincennes avec ma fille Adèle et le plaisir de faire quelques fonds d’écran automnaux pour l’hiver.

    http://desordre.net/bloc/ursula/2017/images/autumn_leaves/v/index.htm

    Exercice #26 de Henry Carroll : Prenez une photo qui ne fonctionne qu’en noir et blanc

    #qui_ca

  • J – 183

    J’avais repéré la chose comme une opportunité d’aller au cinéma avec les enfants, la bande annonce du film que j’ai bien du voir trois ou quatre fois laissait entendre un film avec de nombreux ressorts comiques qui se retournaient manifestement contre les moqueurs ou les contempteurs d’un personnage handicapé mental. Willy premier de Ludovic et Zoran Boukherma. Willy premier est en fait l’histoire extrêmement mélancolique - donc pas franchement comique - d’un homme d’une cinquantaine d’années, légèrement handicapé mental qui vient de perdre son frère, suicidé, pendu - déjà là on rit beaucoup. Les deux jumeaux vivaient encore chez leurs parents, des rustres, intellectuellement mal équipés pour faire face aux implications de cette situation et, qui, donc, Maman et moi, on en a discuté, ont décidé de placer Willy, 50 ans donc, physique âpre, handicapé mental et qui ne se remet pas du tout de la mort de son frère dépressif, jumeau, double, et qui découvre, notamment, en allant sur la tombe de son frère que ses parents ne disposant pas de photographie récente de Michel le jumeau de Willy ont mis une photographie de Willy en médaillon, et ils ne voient vraiment pas où est le mal quand Willy leur en fait la remarque - là c’est carrément la crise de rire -, c’est d’ailleurs la goutte d’eau qui met le feu aux poudres, Willy ramasse ses affaires dans un sac de sport et décide d’aller à pied à la ville voisine, Caudebec, sur le thème, plusieurs fois répété dans le film, à Caudebec j’irai, un appartement j’en aurais un, un scooter j’en aurais un, des copains j’en aurais et je vous emmerde . Donc, a priori , pas de ressorts trop comiques spontanés dans ce film et je me demande bien comment j’ai pu me laisser abuser par cette bande annonce fautive, racoleuse finalement, moi, à qui on ne la fait supposément pas, moi, qui si souvent fustige l’omniprésence de l’humour, et, pire, du second degré, me voilà déçu de l’absence de blagues, dont j’aimais à penser qu’elles feraient peut-être rire Nathan, et, accessoirement, Adèle, j’espérais même quelques blagues revanchardes dans lesquelles les neurotypiques en prendraient pour leur grade, les aventures de Willy premier ne prêtent pas à rire.

    Et le voilà parti. Et il ne s’en sort pas si mal. Les écueils sont nombreux, ils ne sont pas minimisés, pas davantage que ne l’est sa dépression, sa tristesse inconsolable d’avoir perdu son frère Michel, sa mélancolie de bien se rendre compte qu’il ne voyage pas dans l’existence à la même vitesse que tout un chacun, mais il se tient à son but, Caudebec, son appartement, son scooter et ses amis et il nous emmerde.

    Les amis il faut voir. Il y a le collègue homonyme, Willy aussi, homosexuel, pour qui Berlin jouerait le même rôle que Caudebec pour son collègue handicapé, un Eden idéalisé et qui cache, au-delà de son ostracisation en tant qu’homosexuel, une autre douleur et puis il y a la petite troupe des habitués du PMU à laquelle Willy va tout faire pour s’intégrer non sans y laisser des plumes, des boutons de chemises. Jeux d’ivrognes, chantage aux coups à payer, et homophobie ordinaire, moqueries à propos du handicap de Willy, une ambiance à tout casser au PMU de Caudebec.

    Une des forces admirables de ce film apparaît déjà dès le générique d’ouverture, elle tient le récit à hauteur de son personnage principal, c’est son point de vue, il est d’ailleurs de tous les plans comme le sont les personnages féminins, notamment, des films des frères Dardenne, son esthétique enfantine, les dauphins projetés sur les murs pour s’endormir, son blouson de supporter du club de basket local, et de fait, un transfert opère de la même manière que lorsque l’on regarde un film de James Bond on devient James Bond pendant deux heures, dans Willy premier, on devient Willy pendant une heure et demi, il y a indentification.

    Ce qui n’était pas sans m’inquiéter pour ce qui était de mes deux voisins dans le cinéma, Adèle qui était sans cesse au bord des larmes tant l’histoire de Willy est triste, déprimante même, et elle n’avait apparemment aucune difficulté, jeune fille de douze ans, gracieuse comme tout, d’identification à ce gros type dont tout le monde se moque, quant à Nathan je n’en menais pas large, inquiet, évidemment, que l’identification avec le personnage principal ne soit factrice de sentiments tristes et indémêlables par la suite.

    Prudemment, en sortant du cinéma, tandis que je préparais le repas en obtenant, sans barguigner, l’aide de Nathan, je l’interrogeais à propos de ses sentiments après la projection de ce film. Nathan, sans surprise, l’avait trouvé ennuyeux, et pas très drôle ajouta-t-il, ce qui du point de vue de Nathan est indéniable, Nathan, comme tous les jeunes gens de son âge, préférera, et de loin, un film de James Bond dans lequel les scènes d’action sont plus nombreuses, plus fournies. Mais Nathan, dans un film de James Bond ce que tu préfères c’est d’imaginer que tu es James Bond. Ben non, moi c’est Nathan ! Oui, mais tu aimerais bien être James Bond. Je n’ai pas envie que l’on me tire dessus tout le temps - pendant que son père élabore toutes sortes de théories à propos des poursuivants de James Bond, Nathan a, lui, une pensée incroyablement plus raisonnable sur le même sujet. Il n’a pas tort. Et donc, plus directement - je n’ai pas le choix, je veux être rassuré. Et là dans le film que l’on vient d’aller voir ce soir, quand tu le vois tu n’as l’impression que tu es le personnage principal ? Ben non, lui il est gros et vieux, moi je ne suis pas gros. Oui, mais il est un peu handicapé mental, il a des difficultés ? Oui, mais toi tu ne veux pas que j’aille dans un foyer et puis moi je ne suis pas gros. C’est vrai Nathan, de même tu es beaucoup plus jeune que ce personnage.

    Et Nathan d’ajouter. C’est plutôt toi qui devrait te demander si tu ne ressembles pas au personnage principal, parce que toi, quand même, Papa, tu es un petit gros et comme Willy tu dors avec un masque pour respirer la nuit.

    Ce en quoi, Nathan a parfaitement raison. Touché , en anglais dans le texte.

    Exercice #25 de Henry Carroll : Prenez une photo qui ne fonctionne qu’en couleur

    #qui_ca

  • J – 185 : Quel crétin (quel con en fait), j’avais un peu oublié de prévenir Madeleine, que j’emmenais au cinéma, hier soir, que les films de Ken Loach finissaient mal, en général. Je m’étais contenté fort docte de lui dire que c’était un équivalent cinématographique britannique et contemporain de Zola, dont naturellement on lui rabat les oreilles au lycée, je crois que c’est même bien pire, on emmerde Madeleine, et ses camarades de classe, et tous leurs confrères et consœurs en France, avec Gide. Gide, bordel de merde. D’ailleurs c’est marrant parce que Madeleine n’est dupe de rien, avant la séance elle m’en fait lire un passage, un passage du Journal des Faux-monnayeurs , dans lequel le bon Gide auquel on doit, surtout, rappelons-le, d’avoir manqué de priver l’humanité entière de Proust, pour n’avoir, soit pas su le lire, soit avoir consciemment cherché à l’enterrer par jalousie, et il y avait sans doute de quoi, Gide donc qui pérore dès la première série d’entrées à propos de ses Faux Monnayeurs de merde, je ne souhaite pas être actuel, mon penchant naturel c’est d’être le futur, et Madeleine d’ironiser, tu as vu il est parvenu à ses fins il est au programme du bac 2017 ! Quand est-ce qu’on va se secouer les méninges à l’Éducation Nationale, au service de la programmation, pour comprendre à quel point de telles références sont rances, qu’elles sentent cette odeur caractéristique de poussière humide de la France éternelle qui va finir par disparaître, et ce ne sera pas dommage. On attend quoi exactement pour faire lire aux jeunes gens de vrais auteurs, des Artaud, des Beckett, des Michaux, des Genet, pour ne parler que du domaine francophone, bref de ces auteurs qui ont effectivement une chance de leur faire toucher du doigt ce qu’il y a de sublime en littérature, de révolté, de métaphysique, tout plutôt que cette cave humide du roman bordel de merde, mais qu’est-ce que cela peut me mettre en colère, vous n’avez pas idée, et je précise, pour fixer les idées, qu’il y a cinq ou six ans, c’étaient les Mémoires de De Gaulle qui étaient au programme de littérature des terminales L, en tant que, ne riez pas, œuvre littéraire, le Grand Charles, pensez, Flaubert pouvait aller se rhabiller. Les mêmes, avec de telles idées de génie de programmation, on les entendra sous doute chouiner sur le fait qu’ils ne lisent pas. Si, les jeunes gens savent lire, ils adoreraient lire, si seulement on leur mettait Dostoïevski et Beckett dans les mains et pas Gide et De Gaulle, bordel de merde. Je suis en colère, je pense que cela se lit entre les lignes. Bordel de merde ! Crénom ! Peigne-culs !

    N’empêche mon Zola cinématographique , contemporain, britannique est à peine plus malin. Encore que.

    Je me demande cependant qu’est-ce que cela fait de voir un film de Ken Loach pour la première fois quand on a dix-sept ans ? Pour ma part, je pense que le premier Ken Loach que j’ai vu, Raining Stones si mes souvenirs sont bons, j’étais déjà plus âgé, je n’en ai pas un très grand souvenir, je ne peux pas comparer. Et surtout, et c’est la différence majeure, quand j’avais dix-sept ans la fin heureuse n’était pas nécessairement la norme au cinéma, les films ne se finissaient pas toujours bien, même Holocaust finissait mal. C’est dire. Du coup je réalise a posteriori cette petite violence que j’ai faite à Madeleine hier soir. D’ailleurs c’est la première chose dont nous avons parlé en sortant, Madeleine disant que cela se voyait tout de suite que le personnage de Dan allait faire une crise cardiaque dans les toilettes du tribunal, mais elle croyait, naïve, habituée aux films qui se finissent bien, que l’on parviendrait à le sauver. Or non, c’est un film de Ken Loach, on peut mourir à la fin et c’est souvent, le plus souvent, injuste.

    Et du coup je m’interroge à propos de la mort au cinéma de fiction contemporain. Comme je le faisais remarquer le cinéma contemporain est habitué aux happy endings, pas seulement Hollywood, c’est aussi la norme ailleurs. Ce qui est la norme surtout, c’est le fait qu’on va frôler la mort mais qu’on va s’en sortir in extremis , quand ce n’est pas, carrément, ressusciter. Ou, au contraire, quand la mort est inévitable, dans la fiction, ce sera celle de personnages secondaires en importance, soit carrément des figurants, des poursuivants de James Bond, des types qui tirent comme leur pied, et qui au contraire tombent sous les balles à la précision chirurgicale mais meurtrière de James Bond, soit ce sont des personnages secondaires en importance et dont la mort n’a certes pas les facultés décoratives de la chute des poursuivants de James Bond, mais ne sert, in fine, qu’à servir de ressort de la narration. Il est rare cependant que les personnages principaux meurent. Même contre toute attente. Or, cette négation dit bien quelque chose de profondément anti social, seuls les faibles meurent vraiment, seuls ceux qui ne sont pas héroïques meurent et cette mort sert seulement le prétexte d’intégrer la mort comme une expérience de la vie que les héros, eux, ne traverseront pas, en tout cas pas dans le film, la mort, en quelque sorte, est quelque chose qui arrive aux autres.

    Dans les films de Ken Loach, elles rappellent utilement que le malheur n’arrive pas qu’aux autres, qu’il n’y a pas d’héroïsme qui tienne, nous sommes mortels et quand nous sommes morts, nous le sommes vraiment, on ne peut pas nous réanimer et certainement pas nous ressusciter, manquerait plus que cela. Et dans le dernier film de Ken Loach, I, Daniel Blake , ce rappel sert utilement un discours politique, celui de rendre aux invisibles sacrifiés sur l’autel du libéralisme, à la fois leur mort et leur vie passée, ce ne sont pas juste des victimes que l’on dénombre pour regretter que leur nombre est grand, mais que peut-on faire ?, non ce sont des personnes, des personnes qui portent un nom, Daniel Blake, ou Katie qui tâte un peu de la prostitution pour subvenir aux besoins de ses deux enfants, il est sans doute inutile de tenir un discours comptable sur l’endettement à Ken Loach, lui, sait que rien ne justifie la casse sociale, la guerre aux pauvres et la guerre est à entendre en tant que combat qui peut amener la mort de l’ennemi, du pauvre, de Daniel Blake, ce personnage de menuisier cardiaque aux valeurs humaines admirables.

    La démonstration de Ken Loach est implacable et semble, en Grande Bretagne, conduire même à la polémique, des journalistes partant sur les traces de ces invisibles que les économies de bouts de chandelle en masse — pour rembourser qui, pour rembourser quoi ? — ont fini par tuer. Et il y avait sans doute parmi eux des good people , comme les appelle le personnage d’Ann, employé du Job centre qui fait de la résistance, fort seule, et quand bien même ils n’étaient pas tous des good people , c’étaient des people tout court, des personnes, des êtres humains. Et il semble d’ailleurs que les enquêtes des journalistes en question tendent à prouver que l’intrigue de I, Daniel Blake ne soit pas une grossière exagération, qu’il y ait quelques fondements à ce récit. Ceci dit ils auraient pu s’éviter une aussi inutile vérification et concentrer cette soif de recoupement qui les honore, sur des cibles plus soupçonnables, en regardant quelques DVD de Ken Loach pour comprendre que ce n’est pas un cinéaste du mensonge, un cinéaste des destins exceptionnels qui doivent faire honte à ceux moins doués avec la destinée, un cinéaste qui n’est pas négationniste de la mort, un honnête homme.

    Incroyable que ce soit naturellement les honnêtes hommes qui soient si souvent soupçonnés.

    Exercice #23 de Henry Carroll : Utilisez la vitesse d’obturation pour saisir la colère.

    #qui_ca

  • Le film Irrintzina, un mélange de « James Bond, d’Elise Lucet et de Mélanie Laurent »
    http://www.bastamag.net/Irrintzina-le-cri-de-la-generation-climat

    De Bayonne à Paris, le mouvement Alternatiba a fédéré des milliers de personnes autour des alternatives à mettre en oeuvre pour limiter le réchauffement climatique. Sandra Blondel et Pascal Hennequin, accompagnés d’une vingtaine de médias alternatifs, ont filmé cette aventure. Ils racontent l’émergence de ce mouvement pour la justice climatique. Leur film, Irrintzina, le cri de la génération climat, sort en février prochain et fait appel au financement participatif. Depuis janvier 2015, Sandra Blondel et (...)

    ça bouge !

    / #Alternatives_concrètes

    #ça_bouge_!

  • Le dernier blog » Blog Archive » Portrait de l’ennemi de James Bond en designer
    http://hyperbate.fr/dernier/?p=31786

    Bien sûr, ces aventures d’un improbable espion qui sauve le monde “libre” en zigouillant les hommes de main de ses ennemis et en séduisant de jolies filles sont douteuses. Plus douteuse encore est la manière dont les “méchants” se chargent si obligeamment d’écarter de l’existence de l’agent secret les femmes qu’il a séduites, voire épousées, en leur offrant une mort généralement atroce1. Les psychanalystes parlent du lien éternel entre ἔρως et Θάνατος, les pulsions de mort et de vie, voire de plaisir charnel, qui animeraient chacun de nous, mais pour ma part je vois surtout ici à l’œuvre l’immaturité d’un lâche Don Juan qui n’ose pas dire “restons bons amis” à ses conquêtes du soir précédent, et ne semble pas fâché que d’autres se chargent de les faire disparaître : à eux la culpabilité du meurtre — que l’espion, suprême hypocrisie, venge —, à lui la bonne conscience et la liberté.

  • Londres très à l’écoute
    http://www.lecourrier.ch/140075/londres_tres_a_l_ecoute

    Le gouvernement britannique tente de faire passer une loi étendant les possibilités de surveillance numérique. Les journalistes dénoncent une atteinte sans précédent à la protection des sources. Reportage. Londres, Vauxhall Cross. Depuis le bord de la Tamise, les habitués de la série James Bond reconnaîtront une des forteresses du renseignement extérieur et du contre-espionnage : le MI6, ou « Secret Intelligence Service ». Plus central, les renseignements intérieurs du MI5 ont leur siège à la Thames (...)

    #MI5 #GCHQ #écoutes #surveillance #législation #surveillance #journalisme

  • La vie quotidienne des services secrets (1/3) : James Bond contre Système D
    https://www.mediapart.fr/journal/france/150516/la-vie-quotidienne-des-services-secrets-13-james-bond-contre-systeme-d

    Alors que la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015 débute lundi avec les auditions des pontes des #services_de_renseignement, Mediapart dévoile le quotidien de ceux qui, sur le terrain, luttent contre les terroristes. Où il apparaît que, malgré la débauche de moyens alloués au lendemain des attentats contre Charlie Hebdo et du 13-Novembre, les contre-espions français doivent toujours improviser avec des bouts de ficelle. © Jacques Guillet

    #France #DGSI #DRPP #Police #SCRT #terrorisme

  • Guerre et jeux de pouvoir dans les séries TV

    http://www.franceculture.fr/emissions/affaires-etrangeres/guerre-et-jeux-de-pouvoir-dans-les-series-tv

    De James Bond à Game of Thrones et Homeland, comment les scénaristes du grand et du petit écran traduisent-ils les enjeux des guerres (guerre froide/conflits armés, escalade nucléaire), la lutte contre le terrorisme, comment représentent-ils le monde ?

    #géopolitique #feuilletons #jeux_vidéos

  • Je me demande si je ne commence pas à avoir un vrai problème avec les oeuvres réalisées avec des gilets de sauvetage, en grande partie parce qu’elles ne disent rien d’autre que le signalement (d’autant plus du fait de l’orange fluorescent).

    Donc des gilets de sauvetage entourent les colonnes ioniques de la salle de concert de Berlin, j’agite en tous sens les différents signifiants de cette affaire pour tenter de dégager un discours, quelque chose qui serait autre chose que de rappeler aux personnes qui vont aller au concert ces prochains jours que de nombreux réfugiés se noyent pour venir en Europe et par ailleurs ceux qui y parviennent ne sont sans doute pas accueillis comme ils le mériteraient, ce qu’ils n’ignorent pas par ailleurs, et ce dont ils sont a priori surentraînés pour en détourner le regard. Et donc un artiste qui dit une chose aussi évidente produit-il une oeuvre ? quelque chose qui ne serait pas #monosémique ?

    Du coup cette oeuvre qui n’est que ce rappel, somme toute inutile, quelle est sa portée ? Elle ne peut pas prétendre raisonnablement à édifier les consciences (c’est sans doute son but déclaré en pleine inconscience à la fois de l’inefficacité et de l’obscénité même d’un tel geste, tellement limité), qui pourrait encore croire à l’efficacité de tels procédés ? Plus exactement ces procédés dépassés d’agit prop bien compris et bien entendus ont fini par se fondre dans le langage commun et c’est un danger qui n’est pas sans conséquence, parce qu’il agit désormais comme une dispense, on peut désormais dire, oui, je suis allé voir la dernière oeuvre de Aï Wei Wei (to Hell) avec des gilets de sauvetage avec la satisfaction d’un devoir citoyen accompli.

    L’artiste qui continue de produire de telles oeuvres sans s’apercevoir qu’il marque des buts contre le camp qu’il est supposé défendre n’est pas un artiste précisément parce qu’il ne créée pas de formes. De surcroît il dépossède ceux qui n’ont plus rien de leur dernier bien à la manière d’un Andres Serrano envoyant ses assistants dans New York pour acheter, sans dire à quel prix, les pannonceaux de cartons des clochards dans lequels ces derniers demandent un nickel ou une dime . C’est obscène.

    De cette même obscénité que des photographies des champs de mine d’or à ciel ouvert par Salgado, désormais exposées dans le monde entier, c’est la même obscénité, moindre mais tellement symbolique, d’un Depardon qui continue de refuser à l’ancien jeune punk berlinois s’étant juché à califourchon sur le mur de Berlin en 1989 tout partage, c’est un art de droite, un art du côté du pouvoir.

    Et la dispense agit désormais aussi pour l’artiste, il a produit une oeuvre à propos des réfugiés, de leur traversée périlleuse, de leur noyade ou de leur accueil rendu impossible, le voilà désormais dispensé de la véritable nécessité de réfléchir à la question en artiste. Et ça c’est nettement plus difficile qu’un simple détournement qui est avant tout un geste de publicitaire. Le détournement est facile, l’art est nettement plus difficile.

    Les véritables chefs d’oeuvre sur le sujet seront des oeuvres silencieuses, leurs auteurs n’étant même pas conscients d’être des artistes, ce seront des associations et des personnes qui trouveront des solutions inédites pour venir en aide aux réfugiés, ici et maintenant.

    A propos d’Andres Serrano et de l’oeuvre à laquelle je pense : http://www.desordre.net/blog/?debut=2014-01-12#3065

    Salgado :

    Depardon, mais est-ce que cette image est vraiment de lui ?, il me semble que l’artiste dans le cas présent est le jeune homme sur le mur, nettement moins le photographe

    • Je suis d’accord avec cette approche. La seule chose, tu dis deux fois « crise des réfugiés » et je pense que ce que nous vivons n’est pas une « crise de réfugiés » mais une « crise politique européenne » profonde, la crise d’une organisation regroupant les pays les plus riches au monde, avec un système de gouvernance et des infastructures au top du top et qui sont lamentablement en train de sombrer dans un tourbillon d’égoïsme et d’obscénité. Tu pointes très justement l’obscénité des images de certaines vedettes de la photos, il y a aussi une obscénité des expressions véhiculée par les médias (aussi frappes au lieu de bombardement par exemple) et que nous reprenons sans parfois même y faire attention. Je tombe aussi souvent dans ce piège.

      Les mots sont (si) importants :)

    • @reka tu as mille fois raison. Je vais réfléchir à une meilleure formulation, déjà je pensais que crise des réfugiés était meilleur que crise des migrants . Si j’avais le temps j’aimerais bien une mauvaise fois pour toutes tordre le cou à cette notion d’obscénité. Cela fait plusieurs fois que je bute sur ce sentiment en ayant bien du mal à décrire son origine. Or dans l’oeuvre d’Aï Wei Wei pour moi c’est absolument frappant, comme cela avait été frappant lors de l’exposition de Serrano en janvier 2014.

      Et pour ce qui est de ce que tu décris de la crise politique, c’était ma question une autre fois à propos des poids démographiques des continents : combien de temps allons-nous encore maintenir à nos portes deux milliards de personnes avec tellement peu de ressources quand nous, Européens ne sommes que 500 millions et des ressources infiniment supérieures ? (Je ne me souviens plus de ton billet, mais tu y montrais des cartes où toute l’Afrique en superficie contenait à la fois toute l’Europe et les Etats-Unis et je te demandais si une telle carte était possible démographiquement ?)

    • @reka Merci pour ton insistance, j’ai repris le (court texte plus haut et je l’ai corrigé aux endroits qui effectivement étaient problématiques. Je le fais d’autant plus volontiers que ce sera peut-être plus tard l’encouragement nécessaire à écrie plus longuement sur ce sujet des oeuvres pseudo engagées et celles qui le sont vraiment, une sorte de Salgado versus Jarr. Mais cela va demander du temps et des exemples bien choisis.

    • L’obscénité c’est que le monde soit présenté, représenté, filmé, englué de morve artistique, sur le podium de l’information.
      À force de mépris de l’autre, ils ont perdu le droit d’être respecté, et là, on sent bien qu’ils puent la mort à s’autophotographier habillés en couverture de survie dorée, miroir de leur décrépitude mentale. Ils ne survivent pas, ils sont morts dans leur âmes, plus encore que tous les cadavres qui jonchent les plages et ils ne voient rien que la valse de leurs rires pédants, au chaud, gavés de petit four. Persuadés qu’il faut être au sommet de l’indigence politique (surtout ne rien faire que d’être premier sur la scène et s’auto regarder sans jamais être acteur d’un mieux collectif) est bien le summum de ces vies de conforts de merde ornées d’or et de bouffe débordante d’animaux crevés, d’esclaves noyées. L’ordre hiérarchique du divertissement, l’objectif de la caméra toujours détourné de ceux qui souffrent et meurent et à qui on confisque vies et paroles, au profit unique de l’égo du pouvoir qui se fraye un passage obscène pour ne pas lâcher son poste d’avant-garde. Qu’ils crèvent. Je ne sais pas où est l’art, dans l’humilité dans le vrai, pas dans ces mascarades honteuses de gros porcs ventrus.
      #société_du_spectacle

    • De cette même obscénité que des photographies des champs de mine d’or à ciel ouvert par Salgado, désormais exposées dans le monde entier, c’est la même obscénité, moindre mais tellement symbolique, d’un Depardon qui continue de refuser à l’ancien jeune punk berlinois s’étant juché à califourchon sur le mur de Berlin en 1989 tout partage, c’est un art de droite, un art du côté du pouvoir. @philippe_de_jonckheere
      Je ne connaissais pas cette anecdote à propos du cliché de #Depardon sur le mur de Berlin. C’est comme l’histoire du baiser de l’hôtel de ville. A savoir si l’art est de gauche ou de droite, ce n’est pas ce que je regarde en premier.

    • @vanderling Le baiser de l’hôtel de ville est en fait une histoire assez compliquée qui a été rendue d’autant plus compliquée par la gentillesse de Robert Doisneau qui dans un premier temps ne voulait pas décevoir le couple qui a cru se reconnaître. C’est, en fait, pas très comparable.

      Pour ce qui est de l’art de droite, c’est naturellement vite dit et cela mériterait sans doute un développement plus conséquent. Il faudrait s’entendre sur une définition de l’art (est-ce que l’art n’est qu’advention ?) et pour ce qui est de la droite et de la gauche, peut-être se référer à l’Abécédaire de Deleuze, coaxer ces définitions et je pense que l’on obtiendrait quelque chose d’assez monstrueux mais néanmoins pas sans force, à savoir que l’art ne peut pas être de droite, par définition.

      @aude_v Aude, comme toi l’affaire de la petite Colombienne prisonnière d’un glissement de terrain a agi comme repoussoir pour moi de façon quais initiatique d’autant plus qu’alors j’apprenais le métier de photographe au milieu de photographes de presse. Dans le cas présent il s’agit de journalisme, je ne dis pas que c’est plus excusable, mais je vais reconnaître au journalisme une plus grande marge pour ce qui est de se tromper. Dans le cas de la récupération par des artistes de thèmes douloureux, il s’agit à mon avis d’un autre sujet. Sur lequel je tente depuis quelques temps de réfléchir. Je n’ai pas beaucoup de pistes pour le moment. La seule direction dans laquelle je parviens à entrevoir un début de réflexion est la suivante et elle est fragile, c’est souvent par manque de culture que les artistes pèchent dans de telles oeuvres. Il leur manque bien souvent la compréhension des rouages.

      Je te donne un exemple. Yannick Haenel et son Jan Karski qui est à gerber, Jonathan Littel et ses Bienveillantes qui sont un grand délire, Le fils de Saul de Lazlo Nemes qui est un œuvre toxique, sont des exemples de types qui se documentent sur le sujet (je choisis cet exemple parce qu’il est extrême, mais il n’est pas sans solution, je parle de la destruction des Juifs d’Europe), l’effort de reconstitution est réel, mais il n’est pas louable dans ce qu’il oublie la plupart du temps les victimes qui de viennent quantité négligeable de la même façon que les figurants qui jouent les poursuivants dans un film de James Bond meurent et n’ont de seule fonction que celle de la chute graphique de leur corps, cela devient décoratif.
      Je viens de lire, sur ce sujet, un livre nettement plus intelligent, beaucoup plus modeste et qui est un chef d’œuvre, il s’agit d’Une île une forteresse d’Hélène Gaudy, à propos du vrai faut ghetto-camp de concentration de Terezin livre dans lequel, loin de l’idée d’une reconstitution spectaculaire, l’auteure prend le parti d’une reconstitution patiente à partir des vestiges aussi ténus soient-ils, des archives en les interprétant avec mille précautions, en faisant part de ses doutes dans de telles interprétations, et à la fin du livre, tu comprends que même dans une œuvre de propagande il y a quelques étincelles de véracité (il n’est jamais question de vérité dans le livre d’Hélène Gaudy, seulement de vraisemblance) et que dans les témoignages fussent-ils de première main, il y a des tas et des tas d’éléments qui clochent. Du grand art. De la littérature majeure.

      Par rapport aux réfugiés, pour ce qu’ils représentent un sujet d’actualité, je ne pense pas a priori qu’un artiste puisse parvenir à produire une œuvre qui soit juste. En tout cas Wei Wei est aux antipodes de ce qui pourrait être juste, lui est clairement du côté de l’obscénité. Il faudrait dans un premier temps de poser la question de la nécessité d’une telle œuvre et ce qu’elle apporterait.

      Bien que n’en éprouvant pas la nécessité moi-même, ne me sentant pas du tout légitime à produire une telle œuvre, en tant qu’artiste je peux tenter de me poser la question de ce que je ferais si j’étais sommé de produire une œuvre sur un tel sujet et si je refusais pas (si on me le proposait, je refuserais) qu’est-ce que je ferais. Il me semble qu’il y a deux directions possibles, l’une d’elles qui regarderait dans la direction des performances de Chris Burden dans les années septante aux Etats-Unis, de ces œuvres dans lesquelles il se met en situation de détresse au beau milieu d’une galerie ou d’un musée et attend une réaction de la part des visiteurs, la performance prenant fin dès qu’un visiteur s’enquiert de savoir s’il peut porter secours à l’artiste, ou une autre direction, celle que prennent des quidams qui ne sont pas a priori des artistes et qui prennent sur eux, parfois contre les lois en vigueur dans leur pays, de porter secours et accueil aux réfugiés.

    • @aude_v Je note la référence de la Séduction du Bourreau , merci. J’avais écrit une chronique à propos des Bienveillantes : http://www.desordre.net/blog/?debut=2010-08-01#2577

      Je ne suis pas certain que les oeuvres silencieuses et a priori celles qui se mettent ne tête de créer de l’inconfort soient une garantie de succès, ce sont des approches prudentes mais qui peuvent tout à fait taper à côté. Ca peut même être très décoratif.

  • Les électrons sont-ils immortels ?
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2015/12/20/les-electrons-sont-ils-immortels/#xtor=RSS-32280322

    Les capteurs de l’expérience Borexino. © INFN/Gran Sasso.

    Les diamants sont éternels, assurait le titre d’un des films mettant en scène le personnage de James Bond. N’était-ce pas une affirmation audacieuse ? Et si l’inerte avait une durée de « vie » ? La question implique d’entrer un instant au cœur de la matière, c’est-à-dire au niveau des particules qui forment les atomes – qu’ils soient du diamant ou de la cacahuète. Dans certaines conditions, les protons peuvent se transformer en neutrons (et vice-versa), quand un des trois quarks qui les constituent change de « saveur ». Mais, si l’on met de côté ces métamorphoses, le modèle standard de la physique des particules voit les éléments du noyau atomique comme stables. Il en va de même pour les électrons que l’on trouve autour du noyau. Toutes les (...)

  • Des secrets d’Etat sortent de l’ombre (ou « le #secret différé » par l’#archivage, fût-ce dans une « armoire de fer »)
    http://www.liberation.fr/france/2015/12/10/les-secrets-d-etat-sortent-de-l-ombre_1419907

    L’affaire illustre parfaitement la tension entre la demande de transparence de la société civile et l’administration du #secret par l’#Etat. Cette relation est au cœur d’une exposition aux Archives nationales, visible jusqu’au 28 février.
    http://www.archives-nationales.culture.gouv.fr/web/guest/le-secret-de-l-etat

    « Le secret d’Etat est un espace immatériel et physique soustrait à la curiosité, à la publicité et à la transparence », explique le commissaire de l’exposition, Sébastien-Yves Laurent, professeur à l’université de Bordeaux. Il s’incarne dans des individus, les « gens de l’Etat » qui portent le secret (pour les plus sensibles d’entre eux, ils ne sont qu’une poignée autour du chef de l’Etat), mais aussi dans des structures, des « bureaucraties spécialisées » (les services de #renseignement). Et, bien sûr, dans des objets conçus pour protéger ou percer les secrets. Sont ainsi exposés une boîte à déchiffrer et chiffrer des messages datant de Henri II au XVIe siècle, et tout le matériel, aujourd’hui un brin désuet de James Bond époque Roger Moore : boîte d’allumettes et montres équipées de micros, valise-caméra… Soit du matériel d’#espionnage issu d’une période de plus de quatre siècles. Le secret d’Etat est appréhendé dans « une perspective de long terme », observe Sébastien-Yves Laurent : « L’exposition ne présente pas une coupe dans le temps mais revient sur la construction historique du secret, sa sédimentation. » Etat et secret ont des histoires intimement mêlées.

    La fabrique de l’histoire s’y baladait ce matin :
    http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-histoireactualites-du-vendredi-1112
    http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/10076-11.12.2015-ITEMA_20861897-1.mp3
    (Le passage concernant l’armoire de fer (les deux), vers 33’)

  • Les Forbans de Cuba», Dan Simmons (1999) The Crook Factory
    http://www.hebdo.ch/archives/ladieu_agrave_hemingway_9574_.php

    Avec « Les Forbans de Cuba », Dan Simmons (...) lorgne du côté du roman d’espionnage et de John Le Carré. L’action se situe en 1942, à Cuba, et met en scène Ernest Hemingway. Cet été-là, l’auteur de « Pour qui sonne le glas » s’est mis en tête de débusquer les sous-marins allemands qui, croisant dans les eaux des Caraïbes, menacent les navires américains. Comme le FBI soupçonne l’écrivain de sympathies communistes, l’agent spécial Joe Lucas infiltre l’« Usine à Forbans » - c’est le nom du réseau que constitue Hemingway avec ses copains, milliardaires oisifs, champions de pelote basque ayant fui l’Espagne franquiste, et ruffians cubains. (...) Dan Simmons a accumulé une documentation prodigieuse. (...)

    Selon Dan Simmons, 95% des faits qu’il relate sont avérés. Même les plus incroyables, comme le FBI [J. Edgar Hoover] qui n’exploite pas une information sur l’attaque japonaise de Pearl Harbor et met le président Roosevelt sous écoute, ou les plus absurdes comme les agents nazis débarqués à Long Island que les autorités américaines refusent de prendre au sérieux. La plupart des personnages sont historiques (J. Edgar Hoover, Gary Cooper, Ingrid Bergman, Marlene Dietrich ou le jeune Ian Fleming, qui créera plus tard James Bond) et tous leurs dialogues basés sur des comptes rendus attestés.

    #livre #roman #histoire #cuba #surveillance #paranoia