person:julien gracq

    • Deux métiers. A l’image de la plupart des artistes plasticiens, les auteurs doivent souvent exercer une seconde profession pour compléter les recettes issues de leurs écrits. Afin de mener une existence plus décente, ils se résignent à assumer un autre travail, comme enseignant, journaliste, lecteur, illustrateur, voire violoniste, avocat ou agriculteur…

      Cela était déjà vrai du temps d’Edgar Allan Poe, qui enseigna aussi l’anglais, de James Joyce, qui occupa le poste d’employé de banque, de Julien Gracq, qui fut professeur agrégé d’histoire, ou de Franz Kafka, qui travailla dans le secteur des assurances… Mais le nombre, déjà réduit, de romanciers qui vivent uniquement de leur plume s’amenuise au fil des années.

      Selon la Ligue des auteurs professionnels, entre 41 % et 53 % d’entre eux perçoivent moins que le smic

      Même les auteurs à succès attendus à Livre Paris, qui ouvre ses portes vendredi 15 mars, conservent parfois un autre métier. Michel Bussi – le deuxième plus gros vendeur de livres en France, après Guillaume Musso – n’a mis fin à sa carrière de géographe et de directeur au CNRS qu’il y a deux ans.

      Selon la Ligue des auteurs professionnels, entre 41 % et 53 % d’entre eux perçoivent moins que le smic et seuls 1 600 gagnent plus de 4 500 euros par mois grâce à leur seule plume. Acteurs centraux de l’univers littéraire, ils restent les maillons les plus faibles de la filière sur le plan économique.

      S’il se destinait à l’écriture dès l’enfance, Mathieu Simonet s’est organisé pour être à l’abri du besoin. Il a choisi le métier d’avocat spécialisé en droits d’auteur et droit des affaires. « J’avais besoin de quinze heures par semaine pour écrire, ce que je négociais en entrant dans les cabinets où je travaillais », raconte-t-il. « En 2003, je gagnais suffisamment ma vie, et je me suis mis à mon compte, pour me libérer du temps, quitte à ne pas augmenter mes revenus. »
      Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les auteurs se mobilisent contre la précarité de leur situation économique

      Après cinq romans non publiés, il a signé – sans le lire ! – son premier contrat au Seuil pour Les Carnets blancs (2010). « A l’époque, être publié, c’était une fierté, pas une histoire financière », souligne-t-il. Aujourd’hui, il perçoit 3 000 euros d’à-valoir pour chacun de ses romans, ce qui représente trois ans de travail (son sixième, Anne-Sarah K., a été publié en février, toujours au Seuil). « Cela génère à peine 100 euros par mois », calcule ce quadragénaire, qui grignote sur « son temps d’avocat », grâce à des invitations par des institutions et des résidences d’écrivain.

      Il perçoit aussi d’autres revenus de l’agence Gibraltar, qu’il a cofondée, et propose des sessions d’écriture dans les entreprises. « Cette organisation me permet de faire ce que je veux. Et de ne pas subir la pression de mon éditeur…Je reste un écrivain confidentiel qui vend ses romans entre 800 et 1 000 exemplaires », se félicite-t-il. Il estime malgré tout que « le système actuel n’aide pas suffisamment les écrivains, qui occupent pourtant une dimension politique et citoyenne dans la société ».
      « Personnages héroïques »

      Les enquêtes sur le sujet sont rarissimes. Le sociologue Bernard Lahire, professeur à l’Ecole normale supérieure de Lyon, a publié en 2006 La Condition littéraire. La double vie des écrivains, à La Découverte. Il a analysé 503 réponses d’auteurs exerçant une autre activité, essentiellement dans l’enseignement et le journalisme.

      « Dans cet univers littéraire très faiblement rémunérateur », il dresse le portrait de « personnages héroïques », qui, sans attendre de leur travail une importante rémunération, écrivent vaille que vaille. La difficulté de concilier deux métiers vient, selon lui, « d’un temps haché », de la nécessité d’écrire dans des interstices d’agenda. Il cite l’exemple d’André Buchet, un agriculteur bio qui profite de la mauvaise saison, l’hiver, pour se livrer à ses travaux d’écriture.
      Lire aussi Entre les auteurs et leurs éditeurs, la situation reste tendue

      Les seconds métiers sont légion. Sous le pseudo de Miya, l’auteure de mangas (la trilogie Vis-à-vis, puis Alchimia chez Pika) scinde son temps entre les commandes de son éditeur et des travaux d’illustration. « Ces missions pour des agences de communication visuelle, des marques ou encore la création de motifs de tissu sont plus rapides à effectuer et plus rémunératrices », note-t-elle.

      A la naissance de sa fille, elle a préféré terminer un manga, quitte à refuser les autres commandes. Mais cette jeune femme lyonnaise a ensuite peiné pour relancer ses clients. « J’ai même posé mon CV dans un salon de thé », témoigne-t-elle. « Quand j’avais vingt-cinq ans, j’aurais accepté d’être éditée gratuitement », ­confie Miya, qui, dix ans plus tard, redoute que les éditeurs ne tirent encore vers le bas les à-valoir des plus jeunes auteurs.

      La question est récurrente. Avec sa casquette d’administratrice de la Société des gens de lettres (SGDL), la romancière Léonor de Récondo souhaiterait que les éditeurs homogénéisent les droits d’auteur pour proposer, comme en Allemagne, un minimum de 10 % sur le prix du livre. Une hausse qui, à ses yeux, permettrait d’endiguer quelque peu « la paupérisation des écrivains, qui s’explique aussi par une surproduction des titres [200 livres sortent chaque jour en France] ».

      Avant d’écrire, Léonor de Récondo a embrassé la carrière de violoniste. Elle travaille avec les plus prestigieux ensembles baroques et publie, en 2010, son premier roman, La Grâce du cyprès blanc (Le Temps qu’il fait). Ses cinq romans suivants, dont Amours, Point cardinal ou Manifesto sont édités par Sabine Wespieser. « Je ne suis plus intermittente du spectacle depuis 2015 », explique-t-elle. « Depuis cette date, je vis de mes droits d’auteur. Mes revenus issus de la musique viennent de surcroît. »

      Elle est bien placée pour savoir à quel point « les écrivains sont particulièrement peu aidés. Ils n’ont pas, comme les intermittents, accès au chômage après 507 heures de travail ». Ils « doivent même payer leur entrée à la BNF pour faire leurs recherches et n’ont pas la moindre réduction pour aller au théâtre ou dans les musées… », regrette-t-elle.
      Un système inadapté

      Dans Les artistes ont-ils vraiment besoin de manger ? de Coline Pierré et Martin Page (édition Monstrograph, 2018), nombre d’écrivains affirment tenter de réduire autant que possible leur travail alimentaire, quitte à revoir leur train de vie à la baisse et à habiter à la campagne, par exemple, à l’instar d’Eric Pessan (Dans la forêt de Hokkaido, Ecole des loisirs, 2017). Pour sa part, Julia Kerninon (Ma dévotion, Le Rouergue, 2018) améliore ses revenus grâce à des travaux proches de l’écriture, comme lectrice, traductrice ou en donnant des cours de littérature.

      Un autre romancier qui souhaite rester anonyme dit travailler six mois par an « dans un job qui ne lui prend pas la tête : des rapports financiers assez techniques ou de l’écriture sous pseudonyme dans la collection Harlequin ». Une activité qui doit être assez rémunératrice pour lui permettre d’écrire les six autres mois de l’année.
      Lire aussi Les organisateurs du salon Livre Paris ouvrent le tiroir caisse aux auteurs

      Fondateur et directeur de Teaminside, une société de 250 salariés destinée à faciliter la vie numérique des entreprises, Jean-Sébastien Hongre, qui a publié Un amour au long cours chez Anne Carrière, en 2017, écrit trois heures les samedis, dimanches matin et pendant ses vacances. « C’est un deal avec ma famille. Je suis 100 % avec eux le reste du temps. »

      Erik L’Homme, lui, affirme avoir eu « la chance de pouvoir vivre de [sa] plume dès [son] premier roman destiné à la jeunesse, en 2002 ». Depuis, il en a signé une trentaine chez Gallimard. « Longtemps, un roman par an m’assurait de quoi vivre », se remémore celui qui habite à côté de Dieulefit (Drôme), dans la ferme héritée de son grand-père. « Je n’ai pas de famille à charge, pas de loyer et j’ai besoin de très peu pour vivre. »

      Après l’âge d’or de la littérature jeunesse incarné par Harry Potter jusqu’en 2010, ses revenus ont chuté progressivement. Surtout quand il a choisi d’écrire des romans plus personnels, moins vendeurs. « Depuis trois ans, je dois écrire deux romans par an pour vivre et un quart de mes revenus provient des rencontres scolaires que j’anime », détaille M. L’Homme.

      D’après une étude professionnelle, 60 % des auteurs doivent réclamer leurs droits d’auteur à leurs maisons d’édition

      Il fustige l’incompréhension des pouvoirs publics vis-à-vis des auteurs, en citant l’obligation de cotiser à la retraite à hauteur de 8 % des revenus annuels bruts, qui a remplacé le forfait de 400 euros par an. « Mes impôts sont prélevés mi-janvier, alors que mes revenus peuvent varier du simple au double selon les années », déplore-t-il.

      Un système d’autant moins adapté que les auteurs touchent leurs droits une seule fois par an. Contrairement au cinéma, où l’on connaît chaque jour le nombre d’entrées, la vente des livres reste archaïque. En effet, les libraires ne fournissent aucune information sur les ventes d’ouvrages. Seules les plates-formes d’autoédition paient les auteurs une fois par mois et leur donnent quotidiennement leurs chiffres de vente.

      « L’éditeur n’achète ni le temps passé » à écrire un roman « ni un contenu exclusif à leurs justes prix », se lamente Samantha Bailly, vice-présidente de la Charte des auteurs et illustrateurs. Sans compter que 60 % des auteurs doivent, d’après la dernière étude professionnelle menée à ce sujet, réclamer leurs droits d’auteur à leurs maisons d’édition.

      Nicole Vulser

  • Un hommage au grand géographe qu’était Marcel Roncayolo (1926-2018).

    https://www.editionsparentheses.com/spip.php?page=rubrique&id_rubrique=0

    « La ville comme territoire du géographe »

    « La ville est toujours la ville de quelqu’un. » Ainsi Marcel Roncayolo titrait-il un article publié il y a une dizaine d’années.
    Au terme d’une carrière de géographe de l’urbain marquée par le souci d’enrichir l’analyse de l’évolution des villes d’une composante humaine, sensible et biographique, Marcel Roncayolo revient à la ville de ses aïeux (à l’instar du Retour à Marseille de René Allio), comme un parcours à la fois introspectif et à même de révéler les soubassements émotionnels des idées qu’en tant que géographe il a développées.

    « C’est bien la lecture de Julien Gracq qui m’a donné ici le cœur de livrer une lecture renouvelée de la ville en “fouillant” mon expérience intime de Marseille, celle d’une ville à la fois transmise par les héritages familiaux, vécue pendant le temps formateur de l’enfance et de l’adolescence et analysée dans mes travaux de chercheur. Le témoignage que je livre dans cet ouvrage s’ancre sur les itinéraires qui, dans ma ville natale, le Marseille de l’enfance et de l’adolescence, m’ont ouvert à la connaissance du monde, ont façonné ma personnalité et modelé mon regard sur la ville, partant, ma conception de l’urbain. Raconter sa vie et raconter sa ville sont ainsi étroitement associés. »

    L’ouvrage se compose d’une première partie autobiographique, illustrée de documents personnels, où l’on découvre à travers les parcours qui lui étaient familiers à la fois sa ville subjective et une mise en perspective de ce qui le marquait déjà, enfant, dans cette ville-monde — état de la métropole et prémices de son évolution —, et d’une seconde partie constituée de balades — re-connaissance des lieux soixante ans après — effectuées dans les années 2000, en compagnie de Sophie Bertran de Balanda (architecte et urbaniste) qui en réalise l’iconographie à travers une centaine d’aquarelles exécutées sur le vif.

    Observateur de la ville contemporaine, longtemps marcheur inconditionnel, l’auteur nous ouvre les yeux, à travers ces promenades urbaines, sur l’importance des lieux que nous habitons et qui nous forment durablement.

    #géographie #urban_matter #macel_roncayolo

    • Message ds colègues de Nanterre :

      Chères et chers collègues,

      Nous avons le regret de vous informer du décès samedi dernier à Paris de Marcel Roncayolo, ancien professeur au département de géographie de l’UFR Sciences Sociales et Adminstration (SSA).

      Marcel Roncayolo (1926-2018)
      Un éclaireur solitaire

      Marcel Roncayolo, qui vient de nous quitter dans sa quatre-vingt-treizième année, était bien plus qu’un grand universitaire, spécialiste de géographie urbaine, une personnalité d’influence, un penseur faisant autorité sur les processus de l’urbanisation, et surtout un décrypteur sans égal de la « grammaire » de « sa » ville, Marseille. Longtemps ignoré du grand public et tenu à l’écart par ses pairs, surtout en France, il a ouvert en pionnier les chemins de la connaissance et de l’action, bien avant qu’en 2012, le jury du Grand Prix de l’urbanisme ne lui rende hommage pour l’ensemble de son œuvre.

      C’est qu’en priorité peut-être, Marcel Roncayolo privilégiait l’engagement dans la cité, la responsabilité, parfois discrète, de l’intellectuel dans la conduite des affaires et l’infléchissement politique, au meilleur sens du terme, des sociétés. Dès le milieu des années 50, jeune assistant à la Sorbonne, il collabore, aux côtés de son ancien condisciple normalien, Claude Nicolet, futur directeur de l’Ecole française de Rome, aux Cahiers de la République, très écouté, paraît-il, de son inspirateur, Pierre Mendès France, intéressé par ses analyses de géographie sociale (« Géographie électorale des Bouches-du Rhône », co-écrit avec Antoine Olivesi, dans les Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques, n°113, 1961). Plusieurs décennies plus tard, après son passage par l’Université de Nanterre, on retrouvera un souci identique de réunir dans un même lieu analyse et politique de la ville (Territoires en partage, Nanterre, Seine-Arche : en recherche d’identité(s), Parenthèses, 2006).

      Et l’itinéraire professionnel choisi par Marcel Roncayolo ne fait que corroborer l’alliance du projet social et de la carrière universitaire. En 1956, il préfère être agrégé-répétiteur -« caïman » - à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm plutôt que chercheur au CNRS, pour rester en contact avec les étudiants à former. Ses cours demeurent des modèles du genre. Il restera de cet engagement une préoccupation constante de formation des élèves et des futurs enseignants. Elu en 1965 directeur d’études à la 6e section de l’Ecole pratique des hautes études, il ne s’abandonne pas pour autant aux seules joies spéculatives des séminaires. Il endosse la charge de secrétaire de la Présidence auprès de Fernand Braudel dans les années d’élaboration de la future Ecole des Hautes études en sciences sociales, projet auquel il est resté fidèle toute sa vie professionnelle. Il teste aussi dans des « Semaines d’études à Sèvres » la création d’un enseignement économique et social dans les lycées et un baccalauréat de culture générale. L’essai débouchera sur la création très novatrice en 1977 d’une « agrégation de sciences économiques et sociales », dont Marcel Roncayolo laissera le pilotage a son ami l’inspecteur général, Guy Palmade.

      Car, dans le même temps (1978), Marcel Roncayolo prend la sous-direction de l’ENS, bientôt promue en direction-adjointe. Il y restera jusqu’en 1988, réformant au passage l’entrée à l’Ecole, en créant un deuxième concours littéraire, sans obligation de langues anciennes, mais introduction de sciences sociales. Evidemment, toutes ces charges administratives n’ont pas été
      sans conséquence sur l’aboutissement d’une thèse d’Etat, conçue dès le début des années 50, et finalement soutenue en Sorbonne en 1981 (« Ecrits sur Marseille : morphologie, division sociale et expression politique »). Ultime consécration, ou petite coquetterie, chez cet homme bardé d’honneurs et de considérations, elle lui vaut d’être élu professeur des Universités à Nanterre en 1986. Cela ne l’empêche pas de poursuivre ses séminaires, toujours très suivis, à l’EHESS, et d’assurer la direction de l’Institut d’urbanisme de Paris, à Créteil, de 1991 à 1994.
      Pourtant, depuis longtemps, l’essentiel est ailleurs, dans la diffusion des idées sur l’urbanisation, la géographie sociale, et la participation à de grandes aventures éditoriales. Véritable « inventeur » en France de l’Ecole de Chicago, redécouvreur d’Halbwachs, promoteur précoce du concept de « centralité » (colloque d’Amsterdam de 1966), Marcel Roncayolo se lance dans des écritures collectives ou assumées seul (Histoire du monde contemporain (Bordas, 1973, articles dans l’Enciclopedia Einaudi de son ami Ruggiero Romano), s’intéresse à la ville industrielle avec son complice l’historien Louis Bergeron et l’économiste Philippe Aydalot (Industrialisation et croissance urbaine dans la France du XIXe siècle, 1981), participe en 1985 avec le médiéviste Jacques Le Goff au colloque fondateur de la RATP à Royaumont (Crise de l’urbain, futur de la ville, « Propos d’étape »), contribue aux Lieux de mémoire de Pierre Nora (1984-1992 , « Le paysage du savant »). Mais la grande œuvre demeurera les deux tomes de l’Histoire de la France urbaine, patronnée par Georges Duby, où Marcel Roncayolo rédige des chapitres essentiels des deux tomes de La ville de l’âge industriel (1980) et de La ville aujourd’hui ; croissance urbaine et crise du citadin (1985). Maintes fois réédités en livre de poche (Points Seuil), c’est un succès de librairie. Il y manifeste toujours la même attention à traquer à travers les matérialités urbaines, permanences et continuités, mutations et résiliences, et discordances de temps des sociétés urbaines.

      Tour à tour géographe, historien, sociologue, économiste ou politiste, Marcel Roncayolo est inclassable, moins encyclopédiste qu’adepte d’une pluridisciplinarité active. Il est résolument convaincu de l’unité des sciences sociales, convoquant tour à tour Alain, Fustel de Coulanges, Mauss ou les sociologues américains. C’est sans doute cependant l’histoire qu’il a le plus étroitement articulée avec la matérialité de l’espace (Lectures de villes, formes et temps, 2002), au point qu’il fut souvent considéré comme un historien. Usant de la métaphore géologique, il considérait que la ville est à tout instant le résultat de l’affleurement de strates sociales, physiques, politiques d’âges divers. C’est pourquoi il préféra l’analyser à l’aune de la notion de territoire, plus propre à intégrer les temporalités, qu’à celle d’espace (Territoires, Editions Rue d’Ulm, 2016). Cette pluridisciplinarité pratiquée avec exigence le fait survivre aux modes qui ont tour à tour affecté la géographie contemporaine : la sociologie marxiste mécaniste, la modélisation quantitative, le fétichisme des représentations spatiales, et même aujourd’hui la toute puissance de la « géopolitique ». Un regret dans ce florilège : que le maître n’ait jamais songé à inscrire son cœur de doctrine dans une véritable somme synthétique. Un essai brillant, La ville et ses territoires (1990), des définitions souvent facétieuses dans ses réponses à Isabelle Chesneau (L’Abécédaire de Marcel Roncayolo, 2011), ne peuvent tout à fait en tenir lieu.

      A la réflexion, cette absence n’est pas un hasard. Si Marcel Roncayolo aimait la ville, toutes les villes, et certaines particulièrement, comme Rome, Paris et New-York, il restera le prince d’une seule ville : Marseille, à qui il vouera son dernier ouvrage (Le géographe dans sa ville, 2016), après lui avoir sept décennies auparavant consacré son premier article (« Evolution de la banlieue marseillaise dans la basse vallée de l’Huveaune », Annales de géographie, 1952). Itinéraire jalonné entre temps par des dizaines d’articles, une bonne poignée de livres et de manifestations dédiées à la métropole phocéeenne. La clef du mystère est peut-être la méfiance dans toute généralisation hâtive, dont ses maîtres en géographie urbaine, Raoul Blanchard pour les monographies, Pierre George pour les traités, l’avaient tour à tour vacciné. « D’abord il faut revenir à la géographie, en ce qui concerne la singularité des lieux, qui pourra éventuellement s’articuler à la notion d’héritage », répondait-il un peu mystérieusement à Villes en Parallèle en 2013 (« Carthagène Veracruz, villes-ports dans la mondialisation »).

      Pour terminer sur une note plus personnelle, celui que ses familiers appelaient « Ronca , » n’avait rien du savant austère. Il aimait la bonne chère, les matchs de l’OM (malheur à qui lui téléphonait ces soirs-là !), et, autant qu’il l’a pu, les promenades sur le Vieux Port, dans les grandes villes américaines ou les villes baroques siciliennes, et les étés dans le village corse de son épouse. Il chérissait sa famille, nombreuse, et par-dessus-tout, sa femme, Jeanie, trop tôt disparue. Qu’il repose en paix.

      Jacques Brun, Guy Burgel, Marie-Vic Ozouf-Marignier

  • Ultime surréaliste, intime connaisseuse de Sade, son cinglant essai sur l’art contemporain, qui vient de sortir chez Stock, a été refusé par Gallimard
    Annie Le Brun : grande dame, d’un bloc Marie-Dominique Lelièvre - 5 Septembre 2018 - Le nouveau magazine littéraire
    https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/idees/grande-dame-d-un-bloc

    Aussitôt qu’on franchit le seuil, on tangue sur la pente d’un plancher gauchi par le poids du papier. Portant le plafond, des murs de livres grimpent en rangs serrés, et dans toutes les pièces en vue. Mince comme une badine, Annie Le Brun au premier regard intimide, à cause d’une intelligence crépitante, et parce qu’on la sait lectrice de Sade, auteur qui fout les jetons. Puis deux yeux de chat couleur limon vous cueillent, et tout s’arrange. « Annie est une oeuvre d’art, a prévenu l’anthropologue Paul Jorion. J’aime beaucoup la regarder. » Sous les paupières délicatement fardées, un regard pailleté, pénétrant et amusé, des yeux de vigie qui voient tout. Un peu trop, puisque son éditeur, Gallimard, lui a demandé d’aller éditer ailleurs son Ce qui n’a pas de prix, essai majuscule sur l’art contemporain.

    Sentinelle en colère – une saine colère –, Annie Le Brun a écrit un livre violent – une saine violence. Si les manifestes sont souvent enfumés de moralisme et de rhétorique, son essai précis et concret nomme les prédateurs de l’art contemporain, Bernard Arnault, par exemple, le milliardaire qui possède tout, même des actions chez Gallimard, et qui décide de tous nos besoins, primaires (Carrefour), secondaires (LVMH), spirituels (fondations et musées).

    Si Annie Le Brun n’est pas la première à dénoncer cette négation de l’art qu’est l’art contemporain, elle réussit à en définir la nature et à le décrédibiliser définitivement. « Réalisme globaliste », ainsi qualifie-t-elle cette production manipulatrice qui privilégie la sidération (Koons, Hirst, Kapoor) et anesthésie les sensibilités. Tout se tient, dit-elle, tirant le fil secret qui lie le désordre écologique, la mode et l’art contemporain. Nourriture frelatée, camelote griffée et faux luxe des marques, ersatz de rébellion, air irrespirable et rêve asphyxié, elle fait le lien. Dans son essai, l’intraitable Annie Le Brun balance tout. L’endogamie du monde de l’art contemporain, des fondations privées aux Frac en passant par les musées et la critique, tous au service des encaisseurs d’un goût standardisé. « Annie a des fulgurances », dit l’homme d’affaires et collectionneur Alain Kahn-Sriber. Sa plume dévastatrice n’est dupe de rien, d’aucune illusion, d’aucune fausse révolution, d’aucune contrefaçon. Les plus petits détails, elle les note dans de jubilants paragraphes sur le conformisme, l’arrogance et l’exhibitionnisme des fausses rébellions bobo – barbe de trois jours, jean lacéré, tatouages.

    La laideur partout
    « Je suis pas un écrivain qui écrit », dit-elle drôlement. Elle prend la plume par nécessité, sous l’effet d’une colère ou de la passion. Torse d’enfant moulé dans un body en dentelle jaune fluo sur bas opaques, l’insoumise Annie porte une jupe en Pleats Please, ce plissé néo-Fortuny qui libère le mouvement. L’innovation poétique, pas le bling-bling du luxe industriel. « Annie est très sophistiquée », a prévenu Alain Kahn-Sriber. Au doigt elle porte un anneau en argent offert par le plasticien surréaliste Jean Benoît, un phallus qui se mord la queue. « Il y avait cette histoire d’enlaidissement du monde… », dit-elle. Un exemple parlant : le sac Vuitton épandu, dans sa version contrefaite ou pas, sur toute la planète. « Partout, les choses les plus violentes de la marchandisation. » Venise, Rio, Bogotá, Moscou, mais aussi dans les replis secrets du globe. « Une pollution nouvelle qui use nos paysages intérieurs. Une prise en otage qui me terrifie », dit-elle. L’été dernier, elle villégiature chez son frère Alain, archéologue réputé, dans la partie nord de Chypre. Un jour, dans un village reculé, que voit-elle ? Des contrefaçons Vuitton sur le marché et des villageois qui les achètent. La laideur partout. Petit à petit, l’impossibilité de discerner le laid du beau. « Même pas des ersatz, mais une pollution qui avance. » La suffocante dictature des marques, « cette esthétique du marquage, image de la soumission heureuse », a gagné ce village perdu. « Quelque chose avait changé. Je fonctionne beaucoup à l’intuition. Je voyais les choses s’enlaidir, je n’arrivais plus à respirer », dit-elle.

    Libres de leur mouvement, des yuccas poussent devant les fenêtres en arabesques exubérantes, comme son écriture. « Annie Le Brun tend par ses livres à délivrer la vie », a écrit le poète et auteur Mathieu Terence, autre insoumis. « Annie Le Brun, c’est la poésie continuée par d’autres moyens », ajoute-t-il. Pourquoi des poètes en temps de détresse ? demandait Hölderlin. Comme l’abeille, le poète est un pollinisateur. Incisif, il va au coeur des choses. S’il disparaît, le danger menace car ce guetteur envoie des signaux. « J’admire la grande rigueur de sa pensée, dit Étienne-Alain Hubert. Elle est un repère sur l’horizon des grands débats intellectuels. » Le grand spécialiste de Pierre Reverdy (un autre intraitable) admire la pensée sans compromis, le jaillissement perpétuel de la prose, la force de ses images. « La beauté d’aéroport », par exemple, dans son dernier livre. Une formule admirable qui doit beaucoup à Bernard Arnault, puisque LVMH est aussi propriétaire du groupe Duty Free Shoppers (DFS).

    Si « l’homme le plus riche de France » qui veut devenir « l’homme le plus riche du monde » ne lui fait pas peur, c’est que cette grande dame n’a jamais craint d’être pauvre. « Je vivais avec Radovan Ivšic. » Le poète croate, interdit deux fois, par l’occupant nazi puis par le régime socialiste de Tito, n’avait pas peur de grand-chose. « Nous vivions de ce que nous appelions des petits boulots : traducteurs, relecteurs d’imprimerie, rewriter. Il y avait plus de hauts que de bas… Voyez la bibliothèque : des caisses d’oranges que nous ramassions sur les marchés. » Des cageots Pedro Perez, oranges de Séville. « Seule, je ne sais si j’aurais pu vivre ainsi. J’ai peur que non. Mais Radovan était une espèce de sauvage, il avait une sorte de confiance. Pour moi c’était formidable. »

    Intransigeante et souveraine, elle refuse les situations stables, prof par exemple. « Je viens d’une famille moyenne, mon père était commerçant, ma mère professeur. Je ne voulais pas participer de ce monde-là. Une sorte d’impossibilité. » Devant les questions personnelles, elle se dérobe. Va chercher la Vie de Rancé et lit : « Enfant de Bretagne, les landes me plaisent, leur fleur d’indigence est la seule qui ne se soit pas fanée à ma boutonnière. » Annie Le Brun est un mystère qui se soustrait. Sa personnalité est difficile à définir. « Ce qu’elle a dit de sa famille justifie ce qu’elle est », ajoute Alain Kahn-Sriber, énigmatique. « Une famille à 200 % conformiste fait surgir le "non" chez l’enfant curieux. Annie Le Brun, c’est l’intelligence insolente de l’enfant rebelle, qui refuse de prendre pour argent comptant ce que le parent ignorant lui raconte », dit Paul Jorion. Surprenante amitié que celle qui lie la dernière des surréalistes, nourrie de poésie et d’art, avec l’économiste-anthropologue-psychanalyste, ancien élève de Lacan. Deux visionnaires qui s’augmentent l’un l’autre. « Nous déjeunons au Vaudeville, à la Coupole, au Terminus Nord. Nos conversations durent entre quatre et six heures… » Ces deux curieux insatiables ne débattent pas, mais partagent de l’information. « À nous deux, nous élaborons un puzzle qui est une représentation du monde. À chaque rencontre, nous ajoutons deux ou trois pièces. » Des rendez-vous jubilatoires : « Nous rions de ce monde désespérant. »

    Garbo punk
    Un été de 1963, encore étudiante à Rennes, Annie accompagne un ami à Saint-Cirq-Lapopie, où André Breton passe les derniers beaux jours de sa vie. Dans l’ancienne auberge des Mariniers, qu’il occupe, elle ne dit pas un mot, mais il la remarque et l’invite à lui rendre visite à La Promenade de Vénus, le café où se tiennent les réunions du groupe surréaliste. Chercher l’or du temps, c’est sans doute une quête à sa démesure. Dans le groupe, elle rencontre deux forts caractères qui vont beaucoup compter pour elle : Radovan et le peintre Toyen. « Radovan était un être étrange et bariolé, portant des cravates aux teintes extraordinaires. Un être comme on en rencontre peu, un romantisme, un mystère, un accent slave ajoutant au mystère », dit Alain Kahn-Sriber. Autour de Breton, Annie Le Brun se lie aussi avec les plasticiens québécois Mimi Parent et Jean Benoît ; la stèle funéraire brisée de ce dernier est posée sur un radiateur, chez elle. « Une liberté d’être et de raconter ce qui lui arrivait, avec humour. Pour montrer que les idées, c’est pas du papier, Jean Benoît s’était fait marquer au fer rouge du nom de SADE. » Lors de cette cérémonie, intitulée « Exécution du testament du marquis de Sade », Jean Benoît risquait sa peau. Cette saisissante manifestation artistique, qu’on nommerait aujourd’hui une performance, mais sans exhibitionnisme, se déroula dans l’intimité d’un appartement, chez la poète Joyce Mansour.

    Rue Mazagran, chez Annie Le Brun, le salon est habité par des oeuvres surréalistes : boîte de Mimi Parent, huile de Toyen, tableaux naïfs, meubles de Fabio De Sanctis. Tous des amis. « Dans le surréalisme, elle a pris les choses intéressantes », selon Raphaël Sorin, qui fut son éditeur en 1977, année punk. Cette année-là, cette bad bad girl, démolisseuse de faux-semblants, fait elle-même figure de punk à l’émission littéraire d’alors, « Apostrophes » de Bernard Pivot. Sans sommation, elle balance un cocktail Molotov au visage des néoféministes, sur le plateau : Lâchez tout, son pamphlet, édité au Sagittaire. « Contre l’avachissement de la révolte féministe avec Simone de Beauvoir, contre le jésuitisme de Marguerite Duras […], contre le poujadisme de Benoîte Groult, contre les minauderies obscènes d’Hélène Cixous, contre le matraquage idéologique du choeur des vierges en treillis et des bureaucrates du MLF, désertez, lâchez tout : le féminisme c’est fini. » Son oeil à infrarouge s’exaspère devant l’imposture du néoféminisme post-soixante-huitard qui s’approprie un siècle de combat des femmes, devant son corporatisme sexuel consternant. « Dans militantisme, il y a militaire. Je serai toujours du côté des déserteurs », écrit celle qui ne veut représenter qu’elle-même.

    Sombre, sophistiqué, délicat, son visage de Garbo punk reste impassible tandis que se déchaîne la riposte sur le plateau d’« Apostrophes ». « Elle tenait tête, sarcastique. Le retentissement fut extraordinaire », dit Raphaël Sorin. Calme, cette « âme insurgée » (selon Mathieu Terence) défend son propos en allumant des cigarettes à la chaîne. « Ce fut la première et la seule critique d’extrême gauche du féminisme », dit-elle aujourd’hui avec malice. Le lendemain, un bouquet de deux mètres est livré dans ce même appartement, « Ces fleurs étaient de Jean-Jacques Pauvert, dont les publications m’avaient nourrie. J’étais abasourdie. » L’éditeur s’incline devant une femme capable de parler contre la censure.

    Deux désobéissances viennent de se reconnaître. Débute une amitié passionnelle qui va engendrer une aventure littéraire des plus singulières. « L’homme de sa vie (intellectuelle) c’est Jean-Jacques Pauvert. Il avait tout lu, se souvenait de tout ce qu’il avait lu », dit Alain Kahn-Sriber. Elle, elle n’a pas froid aux yeux. Lui, cancre et ex-vendeur chez Gallimard, a entrepris de publier les oeuvres complètes de Sade, alors inédites, dans le garage de ses parents. Traîné en justice pour pornographie, suspendu de ses droits civiques, il a néanmoins achevé son entreprise, après qu’en 1958 la cour d’appel eut décidé que Sade était « un écrivain digne de ce nom ».

    Malade de Sade
    Comme Annie, Pauvert est venu à Sade par la face Apollinaire-les surréalistes. « Lecteur extraordinaire, il n’était pas un intellectuel. Il parlait des choses avec un sens de la poésie, avec humour, sans prétention », dit-elle. De temps à autre un sourire illumine le visage d’Annie Le Brun, comme un éclat de soleil dans une pièce sombre. En 1985, Pauvert lui commande une préface pour les seize volumes de l’édition de Sade. Elle accepte sans réfléchir, puis regrette, mais il est trop tard. Annie a lu Sade à 20 ans sous la tutelle des grands exégètes, Bataille, Blanchot. Cette lecture lui répugne. En 1985, elle décide de relire toute l’oeuvre, sans garde-corps cette fois. De le lire, lui. « Je l’ai approché à ma façon. Je l’ai pris à la lettre. Comme la poésie. » La grande expédition littéraire commence. En moins d’un an, elle a tout relu. Ce voyage, elle l’entreprend par le commencement, en poussant la porte du château de Silling. Corps et âme, elle pénètre dans les eaux noires des Cent Vingt Journées, « ce bloc d’abîme ». « C’était très étrange. Je dormais peu. J’étais… ailleurs. » Son trouble n’est pas seulement littéraire, mais sensuel. La pression érotique lui maintient la tête sous l’eau.

    À l’extérieur du château, Radovan, Pauvert et Alain Le Brun, son frère, forment son équipe d’assistance. « De temps à autre, je leur demandais : Suis-je folle si je pense ça ? Est-ce que je délire ? » Trois décennies plus tard, Annie Le Brun met de l’humour dans ce récit de voyage. « À la fin, j’étais très nue malade. Et cela se voit. Le 28 novembre 1985, alors qu’elle assiste à la première d’une pièce de théâtre de Radovan Ivšic en Croatie, une amie frappée par son aspect lui demande : « Que t’est-il arrivé ? » Son travail est terminé. Le 28 novembre 1785, Sade a achevé la mise au propre des Cent Vingt Journées de Sodome. Deux cents ans plus tard, ALB reprend l’avion pour remettre son manuscrit à Pauvert, qui assiste à un spectacle au Crazy Horse. À minuit, ils se retrouvent Chez Francis, place de l’Alma. Elle lui donne le texte, il retourne au Crazy Horse. À 6 heures du matin, coup de téléphone enthousiaste. Annie Le Brun n’est pas la première à lire Sade, mais, à partir de son aversion à le lire, la première à comprendre comment fonctionne cette machinerie. « Annie Le Brun a du génie. Comme l’extralucide André Breton, elle touche le noyau. Son Sade, ce n’est pas de l’érudition. Elle va très loin dans ce qu’elle restitue des émotions qu’ on éprouve à lire cette oeuvre. Ce qu’elle ose raconter est inouï », dit Raphaël Sorin, pourtant avare en compliments. Ainsi écrit-elle : « J’étais la proie d’un désir qui, d’être apparemment sans objet, me dépouillait même de ma nudité ».

    De l’atelier d’André Breton, Julien Gracq a écrit qu’il était un refuge contre tout le machinal du monde. La maison d’Annie Le Brun, avec ses objets d’art, ses livres, ses colliers de plume, ses plantes fantasques, est un refuge contre la marchandisation du monde. L’intelligence d’Annie Le Brun n’a jamais emprunté les autoroutes, et dans la vie, pareil, pas de métro, pas de bus, elle marche sur ses deux jambes montées sur semelles compensées. C’est une dame qui ne se transporte pas en commun. « Je ne sais pas où je vais mais je sais ce que je méprise », a-t-elle déclaré, cinglante. En la lisant, « on a la magnifique sensation que de l’avenir et du toujours sont encore possibles » (Mathieu Terence). On respire plus large.

    #censure #gallimard #edition #editions #livres #France #littérature #livre #art_contemporain #laideur #capitalisme #Art #Annie_Le_Brun

  • « Je m’en vais lire en refilmant »

    Conversation avec Martine Rousset, cinéaste « cabane »

    Par Nicolas Rey

    http://jefklak.org/je-men-vais-lire-en-refilmant

    Pour Chemins , ça s’est passé exactement de la même façon. Ce chemin-là, c’est un chemin d’enfance, ici aux Aresquiers, près des rives de l’étang de Vic : je peux le faire en vélo, à pied, je le connais par cœur, je peux t’y amener les yeux bandés. Et sur le tard, j’ai lu ce texte de Julien Gracq que je ne connaissais pas, qui date des années 1970. Un des seuls textes qu’il n’a pas fini. Je l’ai lu à Paris, puis l’été en revenant ici, je me balade aux Aresquiers et me dis : « C’est là ! c’est là ! » Bien évidemment, c’est en Italie que ça se passe, une guerre ancienne, tu ne sais pas, mais en même temps, c’est là.

    Le cinéma peut essayer de voir ce que veux dire ce : « C’est là ». Quelle est la racine commune ? Est-ce que ce paysage précède ce texte, est-ce que ce texte existe parce que ce paysage existe dans le monde ? Comment ça se rencontre, comment passe le texte dans le paysage, comment le paysage passe dans ce texte ? C’est fragile, ça, ce n’est pas là pour imposer des certitudes ou des analyses. D’où les parties en noir & blanc dans le film, qui sont comme des images qui sont passées par le texte, revenantes. J’ai juste envie d’aller dans certains lieux avec la caméra, un micro, le Sony Pro, filmer avec une certaine lumière et attendre qu’il se passe quelque chose.

    Il faut être très contemplatif, y aller tout le temps, et ça peut véritablement prendre dix ans : il faut attendre, devenir la montagne pour peindre la montagne, disaient les vieux Chinois. La peinture chinoise de la fin du XVIIe m’apprend beaucoup : Zhu Da, Shitao, avec ses Propos sur la peinture du moine Concombre-amer… Le moine Concombre-amer, c’est Shitao lui-même qui était un brin ermite et de très mauvais caractère, et ça dit déjà tout du cinéma.

  • Les Cafés Géo » #Jérusalem et ses #frontières
    http://cafe-geo.net/jerusalem-et-ses-frontieres

    mmanuel Ruben, normalien, est géographe de formation, mais après une courte période d’enseignement en banlieue parisienne, il décide de se consacrer à une œuvre littéraire ainsi qu’à un travail de dessinateur et d’aquarelliste. Obsédé par le thème des frontières, il a vécu dans un certain nombre de villes-frontières comme Istanbul, Riga, Kiev et Novi Sad. Et il a séjourné deux fois à Jérusalem en 2010 et 2014. De cette expérience il a tiré un ouvrage Jérusalem terrestre (Editions Inculte, 2015), support privilégié de ce Café géo.

    Comment votre rapport à la géographie a-t-il évolué à travers vos livres ? Comment expliquer le choix de Yalta dans votre premier roman, Halte à Yalta (2010) ?

    #murs
    E. Ruben rappelle le caractère mythique du lieu où aurait été décidé le partage de l’Europe, sujet correspondant à son intérêt pour les frontières. Il rappelle que Khrouchtchev a fait « cadeau » de la Crimée à l’Ukraine en 1954. Pour un géographe romancier, il est aussi intéressant de rappeler l’espoir déçu de Julien Gracq qui voulait faire une thèse de géomorphologie sur la Crimée.

  • Le 24 mai 1968 : la Commune de #Nantes.
    https://nantes.indymedia.org/articles/37821

    “Une bise de passions anciennes, inexpiables et peut-être mal endormies, souffle encore aigrement dans les petits carrefours venteux qui s’ouvrent autour du Bouffay et de Sainte-Croix, et rappelle que la ville, dans les défoulements politiques collectifs, en 1793 comme en 1968, a eu tendance à aller plus loin qu’aucune autre.”Julien Gracq, La forme d’une ville Nous fêtons aujourd’hui une date particulière de l’histoire locale : la Commune de Nantes, durant lesquelles la ville est mise en autogestion par les grévistes. Retour sur cet épisode.

    #luttes #salariales #/ #actions #directes #lutte #étudiant-e-s #lycéen-ne-s #mouvement #luttes,salariales,/,actions,directes,lutte,étudiant-e-s,lycéen-ne-s,mouvement

  • Julien Gracq et la « couche de non-savoir, de non-chaloir, de non-lire, de non-voyager qui [protège] » (1974)

    Tout comme la couche d’air qui nous entoure protège les Terriens contre la continuelle agression cosmique, il existait, il a longtemps existé autour d’eux une couche de non-savoir, de non-chaloir, de non-lire, de non-voyager, qui protégeait leur quiétude d’esprit contre le bombardement tellurique continu des Nouvelles, et qui l’a protégée plus longtemps encore contre celui, plus corrosif encore, des Images. On commence à s’apercevoir, maintenant que notre civilisation la dissipe, que cette couche isolante était vitale. Physiquement, l’homme ne vit pas nu, spirituellement aussi c’est un animal à coquille. Et les effets de ce mortel décapage sont devant nous : érosion continue et intense de toutes arêtes vives, de toute originalité – réduction progressive du refuge central, du for intérieur — contraction frileuse de l’esprit tout – entier exposé sur toute sa surface, comme une pellicule fragile, aux bourrasques cinglantes qui soufflent sur lui de partout, irritation à fleur de peau, état de prurit et de gerçure. On est « mal dans sa peau » : certes c’est bien dit ! à condition de savoir l’entendre. L’esprit longtemps en a eu une, et épaisse, et sainement cornée : il n’a plus qu’une muqueuse.

    Julien Gracq, Lettrines 2, éditions José Corti, 1974, page 66. [Les italiques sont de Gracq]. via @philippe (Arnaud, celui de Zinc)

    #attention #déconnexion #vie #tmi

  • J-217 : Est-ce que je ne devrais pas tenter de faire l’inventaire, honnête, des quelques bribes d’informations que je ne suis pas parvenu à contenir et qui sont, malgré tout, arrivées jusqu’à moi, comme, ce matin, d’apprendre la mort de Shimon Peres ?

    Tentative de liste :
    Shimon Peres est mort.
    Patrick Buisson, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, fait des siennes, mais dès que j’ai vu le mot Sarkozy s’imprimer sur l’écran, j’ai détourné le regard immédiatement, je n’ai donc rien vu, et rien entendu. Mais j’en ai de nouveau entendu parler dans les couloirs de mon travail, Patrick Buisson aurait écrit un livre ― « Patrick Buisson », « écrire », « livre », cherchez, et chassez, l’intrus.
    Il y a eu un premier débat entre Hilary Clinton et Donald Trump, dont les médias semblent vouloir insister que Hilary Clinton en est sortie victorieuse. Peut-on sortir victorieux d’un débat, et est-ce alors un débat ? Je ne pense pas que je pourrais sortir, moi, victorieux de mon combat à propos de cette élection améri-caine, à savoir en ignorer le résultat, pour deux raisons, trop de correspondants américains, et tous ligués contre Donald Trump, anciens amis de l’ Art Institute , au-cun qui comprendrait mon raisonnement à propos de telles élections, à savoir que les finalistes se valent, de toute manière, que les solutions ne se trouveront jamais dans les urnes, eux me demanderont si je m’en fous tant que cela que mon ancienne [camarade] de classe soit élue l’année prochaine, ils ne comprendraient pas que je ne fasse plus la différence entre elle et un autre, que je ne fais plus de distinguo entre droite et extrême droite, et puis, seconde raison, il faudrait aussi que je boude de regarder les émissions Last Week Tonight de John Oliver, surtout celles dans lesquelles il fait l’exégèse des déclarations et des faits de campagne de Donald Trump. Ce serait comme d’exiger de moi que je fasse régime.
    Serge Squarcini est mis en examen pour trafic d’influence. Ça c’est drôle. Vraiment. Toutes les nouvelles du monde ne sont pas tristes.
    François Hollande a fait une visite à Calais, apparemment pas très convaincante. Mais, comme, quoi qu’il fasse, les médias s’accordent sur le fait que ses interventions ne sont pas convaincantes, on peut même penser qu’il a été brillant à Calais. Mais j’en doute, quand même un peu.
    Claude Guéant, plus proche ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy, a été mis en examen pour suspicion de financement de la campagne électorale de 2007 d’icelui, avec des fonds libyens, d’avant-guerre je présume. C’est quand même une destinée fréquente chez les anciens ministres de l’intérieur de droite de se retrouver quelques années plus tard chez le Juge. Guéant fils naturel de Pasqua ?
    36 avions Rafales de marque Dassault ont été vendus à l’Inde.
    Suite à l’assassinat d’un jeune Noir par des policiers, de graves émeutes ont lieu à Charlotte dans la Caroline du Nord aux Etats-Unis d’Amérique
    La Pologne va interdire les Interruptions Volontaires de Grossesse.
    Il y a eu une manifestation d’opposition à la loi Travaille ! le 17 septembre, elle n’a pas rencontré un très grand succès, mais, comme, quoi qu’il se passe dans la rue ― il s’passe quoi dans la rue ? , Paris, 1986, génération Oussekine ― les médias dominants s’accordent à penser qu’il ne se passe pas grand-chose, il est en fait possible que ce jour-là soit l’équivalent historique de la prise de la Bastille en 1789, mais j’en doute. Il y a eu des affrontements entre manifestants et forces du désordre sur la place de la République et à Paris, de même, naturellement, à Rennes et Nantes.

    Ça va, je m’en sors plutôt bien, il n’y a pas grand-chose qui filtre, ou qui soit poreux, en continuant de bien faire attention, je devrais pouvoir réussir. Mon premier test d’étanchéité est concluant. Si seulement le toit de ma maison pouvait sortir victorieux d’un tel test, la course d’escargot entre mon couvreur et la dégradation du beau temps en ce début d’automne me rend nerveux, on s’excuse pour cette parenthèse autocentrée.

    Je peux me tromper, bien évidemment, mais je serais étonné si on me di-sait qu’il s’était passé d’autres événements que ceux-là, d’autres qui mériteraient que j’en prenne connaissance, que je me renseigne à leur propos que je m’en fasse une opinion.

    Et est-ce que je ne devrais pas, pour mon plus simple amusement, mon divertissement à la fois en tant qu’émetteur et que récepteur, m’inventer une actualité purement fictive ? L’assassinat de Benjamin Netanyahou par un extrémiste du parti travailliste, pourtant moribond, lors du funérailles de Shimon Peres, l’infarctus simultané de Donald Trump et le trépas d’une crise d’étouffement de Hilary Clinton, lors du second débat télévisé, et ses conséquences invraisemblables, l’élection par défaut du candidat libertarien, Gary Johnson, un nouveau krach boursier, mais celui-là venant de la bourse de Pékin, principal créancier de l’économie américaine, ce qui est peu su, et donc, effet de domino oblige, l’effondrement des cours boursiers d’abord à Wall Street, puis dans le reste du monde, récession sans précédent, une nouvelle arme sol-air portative qui tombe aux mains de l’État Islamique, les avions de la coalition qui tombent comme des mouches dans les cieux syrien et irakien, Etats-Unis et Russie s’accusant mutuellement, escalade et provocations de part et d’autre, puis retrait gradué de ces positions hautes, nouveaux attentats en France, les terroristes fusillent des voitures et leurs passagers depuis des ponts enjambant les autoroutes, carambolages sans fin, massacres parmi les véhicules au fur et à mesure qu’ils arrivent à hauteur du carambolage, embrasement au napalm, empoisonnement massif de l’eau courante dans les stations d’épuration en périphérie des grandes villes, nombreuses explosions de véhicules piégés dans les parkings des sièges sociaux de toutes les entreprises du CAC40 ― la plupart de ces parkings ouvrant leur barrière et leurs portes par reconnaissance optique des plaques minéralo-giques, je ne vous ai rien dit ―, déclarations martiales du Premier Ministre et dé-pression nerveuse du Président, élections anticipées, décret de couvre-feu et autres mesures sécuritaires inutiles, affrontements extrêmement violents dans la ZAD de Notre Dame des Landes, des centaines de morts parmi les manifestants, condamnations unanimes à l’ONU, le Premier Ministre, droit dans ses bottes, martial, forcément martial, décès de Johnny Halliday d’une cirrhose du foie, obsèques nationales à Notre Dame de Paris, décès de Pierre Michon dans l’indifférence totale, on apprend sa disparition six mois après son décès, un mot de sport maintenant, résurrection du XV de France, qui inflige une très sévère défaite aux All blacks et, la semaine suivante, aux Wallabies , sous la réforme de Guy Novès, qui refuse la légion d’honneur pour des raisons de désaccord fondamental d’avec le premier sinistre, découverte d’un réseau général, s’étendant jusqu’aux amateurs, de dopage chez les manchots, le prix Pulitzer de la presse revient à la feuille de chou l’Équipe pour son patient travail d’investigation depuis plus de vingt ans dans le milieu mafieux des pousseurs de citrouille, Philippe De Jonckheere, remporte le prix Décembre , pour Une fuite en Égypte, qu’il refuse, en faisant un discours plagiaire de celui de Julien Gracq refusant le prix Goncourt, fortes ventes du livre malgré tout, Éric Chevillard entre à l’Académie Française, tous aux abris, immense rétrospective de Martin Bruneau à Beaubourg, la queue des visiteurs qui se forme dès le matin va jusqu’à la Fontaine aux Innocents, le film la Petite Fille qui sautait sur les genoux de Céline remporte la palme d’or à Cannes, premier film documentaire à remporter cette distinction, son réalisateur refuse d’aller chercher la palme, il a mauvais caractère et refuse de porter un costume, Tracé provisoire de @dominique Pifarély sacré meilleur disque de jazz de l’année 2016 par l’ensemble de la profession, résurrection de Pierre Boulez auquel on confie la direction de la Philharmonie , il ouvre une saison de musique con-temporaine, gratuité des places pour les moins de 77 ans, immense succès, salle comble quatre fois par jour, musiciens épuisés, épuisement subit et total des réserves pétrolifères dans le monde, découverte d’un processus de création d’énergie à partir des tempêtes de sable dans le désert et des orages dans le Pacifique Sud, les Aborigènes retrouvent un vieux sortilège et prennent le pouvoir en Australie, sans verser une goutte de sang, les côtes du pays sont désertées, à part quelques réserves de colons comme on appelle désormais les Blancs, les Anglo-Saxons, tout le centre du pays au contraire devient florissant ― grâce notamment au perfectionnement de la création d’énergie électrique avec les tempêtes du désert, et d’autres phénomènes propres au désert australien ―, immense famine en Amérique du Nord, le Mexique exige des Etats-Unis qu’ils prennent la charge financière la construction d’un mur entre leurs deux pays, le Canada envahit l’Alaska ― je trouve que cela sonne bien, même si cela ne sert à rien ― les services secrets indiens mettent à exécution un plan de longue date et prennent le contrôle de toutes les informatiques centrales des entreprises privées qui leur ont confié le plus petit développement, pendant les vingt dernières années, une jeune étudiante ivoirienne met au point un procédé de cerf-volant qui permet aux cargos, minéraliers et pétroliers, de naviguer quasiment sans apport énergétique en dehors des ports ― le port de Grand Bassam en Côte d’Ivoire, devient le centre mondial de maintenance des cerfs-volants géants, découverte, par une nutritionniste équatorienne, d’un remède exemplaire contre l’obésité à base de maïs et de haricots rouges, un jeune autiste francilien, défie le dernier supercalculateur d’IBM, Watson , aux échecs et remporte les cinq premières parties avec les Blancs en jouant 1.f4 et met en lumière les limites du calculateur en question, la Bird , comme on appelle 1.f4 dans le milieu échiquéen, étant très peu documentée, n’ayant pas accès à de très nombreuses données, l’ordinateur ne parvient pas à transposer et patine, avec les Noirs, pour les mêmes raisons, le jeune autiste obtient systématiquement la nulle en remettant la défense Alekhine au goût du jour, 1.e4 – Cf6, pour les mêmes raisons d’une faible documentation de cette ouverture antédiluvienne, Watson sans les données montre clairement ses limites, nouvel effondrement des cours boursiers à Wall street, un autiste pakistanais, étudiant en informatique, s’engouffrant dans la brèche créée par son homologue francilien, s’introduit dans les systèmes centraux de la Bourse de New York et détruit toutes les données des cours des dix dernières années, faillite de tous les établissements bancaires basant leur spéculation sur le paramétrage de leurs supercalculateurs d’anticipation, nouveaux soulèvements d’abord à Rennes, puis à Nantes et dans tout l’Ouest de la France, la Bretagne tout entière devient une ZAD et c’est tout l’Ouest qui passe à l’autonomie, tentative de putsch militaire à Paris écrasée, mais le gouvernement est contraint à la démission, malgré le premier sinistre martial, suicide du président dépressif, Donald Trump est élu, le reste du monde s’en cogne, il conduit le pays à la faillite et à la famine dans les états du Sud, de la Californie au Texas, un nouveau premier ministre travailliste est élu en Israël et entame immédiatement des pourparlers de paix avec son homologue palestinien. Mort de Sonny Rollins (pourvu que cela n’arrive pas, je ne me le pardonnerai jamais, sans parler de Pierre Michon plus haut).

    De toute manière, nulle crainte, je suis nul en anticipation, il n’y a qu’à lire mon récit Et dire que l’an 2000 c’est déjà du passé (http://www.desordre.net/textes/nouvelles/quoi_maintenant/(http://www.desordre.net/textes/nouvelles/quoi_maintenant/), pour s’en rendre compte.

    Exercice #5 de Henry Carroll : prendre une photo laide de quelque chose de beau : j’imagine que c’est le principe même de ma série des Croûtes dorées . Et l’utilisation de cette série d’images sous la forme d’une exploration à la lampe de poche, dans Apnées .

    #qui_ca

  • GÉOGRAPHIE ET LITTÉRATURE

    Dossier « Géographie et littérature (2/2) » à partir des ressources des Cafés géographiques
    http://cafe-geo.net/geographie-et-litterature-2 qui fait suite à un premier dossier consacré à l’oeuvre de Julien Gracq http://cafe-geo.net/geographie-et-litterature-12-julien-gracq-et-la-geographie

    Dossier accompagné d’un complément bibliographique/sitographique présentant de très nombreuses sources sur la géographie et la littérature, la géographie de/dans Jules Verne, et la géographie de/dans la bande dessinée et les albums pour enfants (dossier datant de la première version du dossier « Géographie et littérature », non réactualisé depuis février 2013) http://cafe-geo.net/wp-content/uploads/Complement_bibliographique_au_dossier_Ge.pdf

    Une première version de ce dossier a été mise en ligne le 9 février 2013. Nous remettons en ligne ce dossier suite à la mise à jour de notre site, les articles cités en références étant à nouveau disponibles. Cette seconde version du second dossier sur « Géographie et littérature » (après un premier dossier consacré à l’œuvre de Julien Gracq), a été actualisée consciencieusement avec les liens vers les articles tels que republiés sur le nouveau site des Cafés géographiques. Le complément bibliographique n’a pas été retouché et est republié tel que lors de sa première parution.

    La première version de ce dossier datant de février 2013 et est disponible en ligne : https://www.academia.edu/2540880/Géographie_et_littérature_2_2_(mais les liens sont rompus, à la suite de la panne du site des Cafés géographiques).

    #Géographie #Littérature #Espèces_d_Espaces #Géographie_et_Littérature #Géographie_Littéraire #Bande_Dessinée #Géographie_et_Bande_Dessinée #Géographie_Imaginaire #Imaginaire_Géographique #Cafés_Géographiques #Cafés_Géo #Représenter_l_Espace

  • Dans la forêt des livres
    Elizabeth Legros Chapuis,
    Informations sur le livre : BoD - Books on Demand
    https://www.bod.fr/livre/elizabeth-legros-chapuis/dans-la-foret-des-livres/9782810600229.html
    http://www.bod.fr/4894.html?bookIdCover=1667942&type=5060

    Ce livre a pour but d’étudier l’évolution de la représentation de la forêt dans l’imaginaire et la fiction littéraire. Lorsque la forêt est présente dans un livre, il est rare que ce soit comme simple décor ; la plupart du temps, elle joue un rôle décisif, en tant que personnage à part entière ; dans tous les cas, elle porte une forte charge symbolique. Il s’agit d’une figure profondément ambivalente, à la fois positive et négative : un lieu de refuge et de menace, accueillant et agressif, source d’épanouissement ou de régression.

    Dans une première partie (brève), le contexte de l’étude est exposé : les rapports entre l’homme et la forêt, à travers les approches historiques (de la préhistoire à l’époque actuelle), économiques (des diverses formes de l’exploitation forestière à la sylviculture), symboliques (dans les diverses cultures, mythes et religions).

    Je m’attache ensuite plus largement à exposer comment le thème de la forêt est traité dans le domaine littéraire : depuis sa présence dans l’Antiquité (poésie, philosophie), puis à travers les contes et légendes, les textes du Moyen Age (époque qualifiée d’« âge d’or » de la forêt) et jusqu’à l’époque contemporaine (poésie et roman) qui est la partie la plus développée.

    Quelques auteurs parmi ceux commentés : Julien Gracq, J.M.G. Le Clézio, Apollinaire, H.D. Thoreau… Le thème est essentiellement étudié dans la littérature de langue française, mais il peut également être éclairé par des exemples significatifs pris dans d’autres langues. Il est mis en relation avec des constantes plus larges de l’expression littéraire comme le sentiment de la nature ou la perception du paysage.

    (et peut-être Robert Harrison ?)

    Ici un extrait
    http://www.larevuedesressources.org/la-foret-disparue-ou-pas,2919.html

    #livre #forêt

  • Littérature et géographie, art et cartographie :

    Nous republions dans nos archives, et dans une toute nouvelle forme, deux belles contributions de notre ami Philippe Arnaud de Tours :

    1. À la recherche du Rivage des Syrtes
    http://visionscarto.net/rivage-des-syrtes

    ...où l’auteur se lance dans une passionnante enquête géographique au cœur d’un monument de la littérature, une manière de revisiter le chef d’œuvre de Julien Gracq et de l’enrichir d’une multitude de références historiques qui vont sans doute passionner les profs.

    2. À quoi ressemblait l’Allemagne en 1648 ?
    http://visionscarto.net/allemagne-en-1648

    ... où l’auteur revisite l’histoire de l’empire allemand à travers les choix graphiques et esthétiques du cartographe.

    #cartographie #géographie #histoire #littérature #Gracq #art

  • LE LECTEUR UNE ESPÈCE MENACÉE ?
    Michel Abescat et Erwan Desplanques

    Pas le temps... L’esprit ailleurs... Les amateurs de #livres sont en petite forme. Seuls les best-sellers trouvent voix au chapitre. La lecture passe-temps a-t-elle supplanté la lecture passion ? L’âge d’or de la littérature est-il révolu ? Enquête.

    L’amateur de littérature serait-il devenu une espèce menacée ? Tous les signes sont là. Son habitat se raréfie : à Paris, par exemple, 83 librairies ont disparu entre 2011 et 2014. Et sa population ne cesse de décliner. Selon une enquête Ipsos/Livres Hebdo de mars 2014, le nombre de lecteurs avait encore baissé de 5 % en trois ans. En 2014, trois Français sur dix confiaient ainsi n’avoir lu aucun livre dans l’année et quatre sur dix déclaraient lire moins qu’avant. Quant à la diversité des lectures, elle s’appauvrit également dangereusement, l’essentiel des ventes se concentrant de plus en plus sur quelques best-sellers. Guillaume Musso ou Harlan Coben occupent l’espace quand nombre d’écrivains reconnus survivent à 500 exemplaires.

    Fleuron contemporain de la biodiversité littéraire, l’Américain Philip Roth confiait récemment son pessimisme au journal Le Monde : « Je peux vous prédire que dans les trente ans il y aura autant de lecteurs de vraie littérature qu’il y a aujourd’hui de lecteurs de poésie en latin. » Faut-il préciser que dans son pays, selon une étude pour le National Endowment for the Arts, un Américain sur deux n’avait pas ouvert un seul livre en 2014 ? En début d’année, dans Télérama, l’Anglais Will Self y allait lui aussi de son pronostic : « Dans vingt-cinq ans, la littérature n’existera plus. » Faut-il croire ces oiseaux de mauvais augure ? Le lecteur serait-il carrément en voie de disparition ? Et le roman destiné au plaisir d’une petite coterie de lettrés ? Mauvaise passe ou chronique d’une mort annoncée ?

    La baisse de la lecture régulière de livres est constante depuis trente-cinq ans, comme l’attestent les enquêtes sur les pratiques culturelles menées depuis le début des années 1970 par le ministère de la Culture. En 1973, 28 % des Français lisaient plus de vingt livres par an. En 2008, ils n’étaient plus que 16 %. Et ce désengagement touche toutes les catégories, sans exception : sur la même période, les « bac et plus » ont perdu plus de la moitié de leurs forts lecteurs (26 % en 2008 contre 60 % en 1973). Si l’on observe les chiffres concernant les plus jeunes (15-29 ans), cette baisse devrait encore s’aggraver puisque la part des dévoreurs de pages a été divisée par trois entre 1988 et 2008 (de 10 % à 3 %).

    La lecture de livres devient minoritaire, chaque nouvelle génération comptant moins de grands liseurs que la précédente. Contrairement aux idées reçues, ce phénomène est une tendance de fond, antérieure à l’arrivée du numérique. « Internet n’a fait qu’accélérer le processus », constate le sociologue Olivier Donnat, un des principaux artisans de ces enquêtes sur les pratiques culturelles. Pour lui, « nous vivons un basculement de civilisation, du même ordre que celui qui avait été induit par l’invention de l’imprimerie. Notre rapport au livre est en train de changer, il n’occupe plus la place centrale que nous lui accordions, la littérature se désacralise, les élites s’en éloignent. C’est une histoire qui s’achève ».

    La lecture de romans devient une activité épisodique. En cause, le manque de temps ou la concurrence d’autres loisirs.

    La population des lecteurs réguliers vieillit et se féminise. Il suffit d’observer le public des rencontres littéraires en librairie. « La tranche d’âge est de 45-65 ans, note Pascal Thuot, de la librairie Millepages à Vincennes. Et les soirs où les hommes sont le plus nombreux, c’est 20 % maximum. » Les statistiques le confirment : chez les femmes, la baisse de la pratique de la lecture s’est en effet moins traduite par des abandons que par des glissements vers le statut de moyen ou faible lecteur. Dans les autres catégories, la lecture de romans devient une activité épisodique, un passe-temps pour l’été ou les dimanches de pluie. En cause, le « manque de temps » (63 %) ou la « concurrence d’autres loisirs » (45 %), comme le montre l’enquête Ipsos/Livres ­Hebdo. La multiplication des écrans, les sollicitations de Facebook, la séduction de YouTube, l’engouement pour des jeux comme Call of duty ou Candy Crush, le multitâche (écouter de la musique en surfant sur Internet) ne font pas bon ménage avec la littérature, qui nécessite une attention soutenue et du temps.

    Du côté des éditeurs, ce sont d’autres chiffres qui servent de baromètre. Ceux des ventes, qui illustrent à leur manière le même phénomène de désengagement des lecteurs. Certes les best-sellers sont toujours présents au rendez-vous. Ils résistent. Et les Marc Levy, David Foenkinos ou Katherine Pancol font figure de citadelles. Si massives qu’elles occultent le reste du paysage, qui s’effrite inexorablement : celui de la littérature dite du « milieu », c’est-à-dire l’immense majorité des romans, entre têtes de gondole et textes destinés à quelques amateurs pointus. Pascal Quignard peine ainsi à dépasser les 10 000 exemplaires, le dernier livre de Jean Echenoz s’est vendu à 16 000, Jean Rouaud séduit 2 000 à 3 000 lecteurs, à l’instar d’Antoine Volodine. Providence, le dernier livre d’Olivier Cadiot, s’est vendu à 1 400 exemplaires et le dernier Linda Lê, à 1 600 (chiffres GfK).

    Quant aux primo-romanciers, leurs ventes atteignent rarement le millier d’exemplaires en comptant les achats de leur mère et de leurs amis. « Oui, les auteurs qui vendaient 5 000 livres il y a quelques années n’en vendent plus que 1 000 ou 2 000 aujourd’hui. Et le vivent très mal », résume Yves Pagès, le patron des éditions Verticales. D’autant plus qu’à la baisse des ventes les éditeurs ont réagi en multipliant les titres pro­posés. De moins en moins de lecteurs, de plus en plus de livres ! Entre 2006 et 2013, la production de nouveaux titres a ainsi progressé de 33 %, selon une étude du Syndicat national de l’édition. Comment s’étonner alors que le tirage moyen des nouveautés soit en baisse, sur la même période, de 35 % ?

    “L’auteur est le Lumpenproletariat d’une industrie culturelle qui est devenue une industrie du nombre.” – Sylvie Octobre, sociologue

    La multiplication des écrivains est un autre effet mécanique de cette surproduction. Le ministère de la Culture recense aujourd’hui 9 500 « auteurs de littérature » qui doivent se partager un gâteau de plus en plus petit. Paupérisés, jetés dans l’arène de « rentrées littéraires » de plus en plus concurrentielles — cette année, 589 romans français et étrangers —, confrontés à l’indifférence quasi générale, les écrivains font grise mine. Ou s’en amusent, bravaches, à l’instar de François Bégaudeau, qui met en scène dans La Politesse (éd. Verticales), son irrésistible dernier roman, un auteur en butte aux questions de journalistes qui ne l’ont pas lu, aux chaises vides des rencontres en librairie, à la vacuité de salons de littérature où le jeu consiste à attendre des heures, derrière sa pile de livres, d’improbables lecteurs fantômes.

    Désarroi, humiliation, découragement : « L’auteur est le Lumpenproletariat d’une industrie culturelle qui est devenue une industrie du nombre », tranche la sociologue ­Sylvie Octobre. Editeur, Yves Pagès nuance évidemment : « Heureusement, il y a des contre-exemples qui soulignent l’intérêt de défendre un auteur sur la durée : Maylis de Kerangal, qui vendait moins de 1 000 exemplaires, a vendu Réparer les vivants à 160 000 exemplaires en grand format. » Pour éviter la catastrophe, les auteurs doivent ainsi, selon lui, faire attention à ne pas devenir des « machines néolibérales concurrentielles, s’enfumant les uns les autres sur de faux chiffres de vente ». Et surtout être lucides, et « sortir du syndrome Beckett-Lady Gaga. Il faut choisir son camp : on ne peut pas écrire comme Beckett et vendre autant que Lady Gaga ».

    De tout temps, les écrivains se sont plaints de ne pas vendre suffisamment. « A la sortie de La Naissance de la tragédie, Nietzsche n’en a vendu que 200 exemplaires et Flaubert n’avait pas une plus grande notoriété que celle de Pascal Quignard aujourd’hui, remarque la sémiologue Mariette Darrigrand, spécialiste des métiers du livre. Nos comparaisons sont simplement faussées quand on prend le XXe siècle comme référent, qui était, de fait, une période bénie pour le livre. » A croire selon elle que nous assisterions moins à une crise du livre qu’à un simple retour à la normale, après un certain âge d’or de la littérature, une parenthèse ouverte au XIXe siècle avec la démocratisation de la lecture et le succès des romans-feuilletons d’Alexandre Dumas, de Balzac ou d’Eugène Sue. Elle se serait refermée dans les années 1970-1980, avec la disparition de grandes figures comme Sartre ou Beckett et la concurrence de nouvelles pratiques culturelles (télévision, cinéma, Internet...).

    « La génération des baby-boomers entretenait encore un rapport à la littérature extrêmement révérencieux, confirme la sociologue Sylvie Octobre. Le parcours social était imprégné de méritocratie, dont le livre était l’instrument principal. Cette génération considérait comme normal de s’astreindre à franchir cent pages difficiles pour entrer dans un livre de Julien Gracq. Aujourd’hui, les jeunes font davantage d’études mais n’envisagent plus le livre de la même façon : ils sont plus réceptifs au plaisir que procure un texte qu’à son excellence formelle et ne hissent plus la littérature au-dessus des autres formes d’art. »

    Aujourd’hui, en France, trois films sur dix sont des adaptations littéraires.

    La majorité des auteurs d’aujourd’hui, comme Stendhal en son temps, devraient ainsi se résoudre à écrire pour leurs « happy few » — constat qui n’a rien de dramatique en soi : « Est-ce qu’il y a plus de cinq mille personnes en France qui peuvent vraiment se régaler à la lecture d’un livre de Quignard ? J’en doute, mais c’est vrai de tout temps : une oeuvre importante, traversée par la question du langage et de la métaphysique, n’a pas à avoir beaucoup plus de lecteurs, estime Mariette Darrigrand. Certains livres continuent de toucher le grand public, comme les derniers romans d’Emmanuel Carrère ou de Michel Houellebecq, mais pour des raisons qui tiennent souvent davantage au sujet traité qu’aux strictes qualités littéraires. »

    L’appétit pour le récit, la fiction est toujours là, lui, qui se déplace, évolue, s’entiche de nouvelles formes d’expression plus spectaculaires ou faciles d’accès. Aujourd’hui, en France, trois films sur dix sont des adaptations littéraires. « La génération née avec les écrans perd peu à peu la faculté de faire fonctionner son imaginaire à partir d’un simple texte, sans images ni musique, constate Olivier Donnat. On peut le regretter, mais elle trouve aussi le romanesque ailleurs, notamment dans les séries télé. » Dans la lignée de feuilletons littéraires du xixe siècle, Homeland ou The Wire fédèrent de nos jours plus que n’importe quel ou­vrage de librairie. De l’avis gé­néral, la série télé serait devenue « le roman populaire d’aujourd’hui » (Mariette Darrigrand), la forme « qui s’adresse le mieux à l’époque » (Xabi Molia), parlant de front à toutes les générations, à tous les milieux sociaux ou culturels, avec parfois d’heureuses conséquences (inattendues) sur la lecture (voir le succès des tomes originels de Game of thrones, de George R.R. Martin, après la diffusion de leur adaptation sur HBO).

    En cinquante ans, l’environnement culturel s’est élargi, étoffé, diversifié, au risque de marginaliser la littérature et l’expérience poétique. « Ma génération a grandi sur les ruines d’une période particulièrement favorable au livre, dit François Bégaudeau. Ce n’est pas une raison pour pleurer. Moi je viens de la marge, d’abord avec le punk-rock puis avec l’extrême gauche, j’ai appris à savourer la puissance du mineur : assumons-nous comme petits et minoritaires, serrons-nous les coudes entre passionnés de littérature, écrivons de bons livres et renversons l’aigreur en passion joyeuse. » Car la créativité est toujours là : l’éditeur Paul Otchakovsky-Laurens dit recevoir chaque année des manuscrits meilleurs que les années précédentes. Et le libraire Pascal Thuot s’étonne moins du nombre de titres qu’il déballe chaque année des cartons (environ dix mille) que de leur qualité. « Il ne faut pas sombrer dans le catastrophisme : si les ventes baissent, la littérature française reste en excellente santé, assure Yves Pagès. Sa diversité a rarement été aussi forte et reconnue à l’étranger. »

    Tous espèrent simplement que ce bouillonnement créatif ne tournera pas en vase clos, à destination d’un public confidentiel de dix mille lecteurs résistants, mais trouvera de nouveaux relais et un accueil plus large chez les jeunes. Mais comment séduire les vingtenaires avec des romans à 15 euros quand le reste de la production culturelle est quasiment gratuite sur Internet ? « A la différence des séries télé, les romans sont difficiles à pirater, c’est ce qui les sauve et en même temps les tue », note Xabi Molia. Pour survivre, le roman doit faire sa mue à l’écran, s’ouvrir aux nouveaux usages, chercher à être plus abordable (sans céder sur l’exigence), notamment sur Internet où les prix restent prohibitifs. Peut-être alors ne sera-t-il pas condamné au sort de la poésie en latin...

  • #Le_Globe. #Revue genevoise de géographie
    "Le Globe est une revue internationale de géographie fondée à Genève en 1860. Il est édité conjointement par la Société de Géographie de Genève et le Département de géographie et environnement de l’Université de Genève. Sa parution est annuelle et bénéficie du soutien de la Ville de Genève. Il est composé de trois parties : une partie thématique comprenant des articles scientifiques ; une partie « Notes et récits de voyage » qui en fait son originalité ; Le Bulletin de la Société de Géographie qui relate ses principales activités et conférences. Fortement marqué par la tradition naturaliste au XIXe siècle, Le Globe est devenu une revue à prédominance de géographie humaine."
    http://persee.fr/web/revues/home/prescript/revue/globe

    #géographie #open_source
    cc @ville_en @franz42

    • Le Globe, la plus ancienne revue de géographie de Suisse et l’une des plus anciennes au monde vient d’être mise en ligne intégralement sur le site Persée. Née en 1860 sous les auspices de la Société de Géographie de Genève, elle a été initiée par Henri Bouthillier de Beaumont, agronome puis cartographe, et par plusieurs figures qui fonderont quelques années plus tard la Croix-Rouge : Henri Dunant, Georges et Louis Appia, auxquels vont s’adjoindre Gustave Moynier en 1861 et le général Guillaume-Henri Dufour. Celui-ci publie dans Le Globe sa fameuse « Notice sur la carte de la Suisse dressée par l’état-major fédéral en 1861 ». Le Globe illustre le rôle d’une géographie, science carrefour entre les domaines physique et humain, qui verra dialoguer et se succéder dans l’histoire des scientifiques genevois, suisses et étrangers prestigieux : de G.-H. Dufour à Alfred Bertrand l’explorateur, d’Eugène Pittard, anthropologue, élève de Carl Vogt, à Paul Guichonnet et Claude Raffestin – le géographe francophone aujourd’hui le plus cité dans le monde. Tous, provenant de disciplines souvent différentes mais complémentaires (comme l’ethnologie, l’histoire, la science économique…), sont épris par la même passion, celle de partager leur savoir, leurs découvertes et leur enthousiasme pour la science géographique, les voyages et l’exploration. De manière générale, les sociétés de géographie ont répandu le goût et anticipé l’enseignement de la géographie, avant qu’elle ne soit institutionnalisée dans les écoles et les universités. Elles ont accompagné l’exploration du monde et la colonisation, mais dans le cas du Globe, qui n’émane pas d’une puissance coloniale, la préoccupation scientifique a généralement pris le pas sur la dimension politique. Bien sûr, certains textes nous font sourire aujourd’hui, comme celui sur la « supériorité de la race anglo-saxonne », comme bien des textes d’aujourd’hui feront sourire les scientifiques de demain.

      Le Globe est d’abord marqué par la tradition naturaliste genevoise au XIXe et au début du XXe siècle, avec Alfred Boissier, botaniste et orientaliste, Eugène de Budé, fondateur de la SPA genevoise, John Revilliod, John Briquet (botanistes), Henri de Saussure, entomologiste et minéralogiste, Casimir de Candolle, botaniste et fils d’Augustin Pyrame, ou encore Robert Chodat, géobotaniste. Très vite, la revue attire aussi des médecins, tel Edouard Dufresne, qui étudiera le lien entre médecine et géographie (rôle de la haute vallée de Davos sur la phtisie par exemple). Un docteur en droit qui deviendra privat-docent en géographie à l’Université de Genève, Arthur de Claparède, jouera un rôle déterminant dans la revue : après le « règne » d’Henri Bouthillier de Beaumont (1860-1884), c’est lui qui en deviendra le rédacteur de 1891 à 1911, rôle partagé avec Alfred Bertrand. De Claparède attribuera la médaille d’or de la Société de Géographie à plusieurs explorateurs des Pôles, et il entretiendra, toujours avec A. Bertrand, des liens privilégiés avec les principales Sociétés de Géographie du monde (Londres, Paris, Berlin, Saint-Pétersbourg…). Après la mort d’Arthur de Claparède, en 1912, la présidence de la rédaction sera occupée par Eugène Pittard jusqu’en 1936, en alternance avec Emile Chaix, Raoul Montandon, archéologue, Raoul Gautier, professeur à l’Université et directeur de l’Observatoire, André Chaix et Charles Bürki, professeurs de géographie.
      Les premières femmes sont admises à la Société de Géographie dès 1887, et en 1945, Marguerite Dellenbach-Lobsiger, formée par Eugène Pittard et future directrice du Musée d’Ethnographie, deviendra la première présidente d’une société savante en Suisse et rédactrice du Globe. Une autre Genevoise célèbre, Ella Maillart, y communiquera à plusieurs reprises : en 1946 à son retour d’Afghanistan et sur le Népal en 1960 notamment.
      S’il fallait définir l’esprit du Globe, nous parlerions d’un esprit de continuité, de transmission du savoir entre les générations et entre amis, d’absence de rupture entre les conseils de rédaction qui se succèdent, du respect des opinions politiques différentes parmi les rédacteurs, les contributeurs et les lecteurs. Qui sait par exemple que le cartographe de La Géographie Universelle d’Elisée Reclus, Charles Perron, anarchiste comme son employeur, a donné six contributions au Globe tandis qu’Elisée Reclus, durant son exil en Suisse, donnera plusieurs communications au Palais de l’Athénée, siège de la Société de Géographie ? Celle-ci applique une stricte neutralité, politique et confessionnelle, qui est inscrite dans ses statuts. Ceci explique probablement la longévité exceptionnelle de la revue. Le nom même du Globe reflète son ouverture sur le monde, mais Le Globe ne délaisse pas pour autant la région qui l’a vu naître, qui y est étudiée avec le plus grand soin sous l’angle de la géologie, de la géobotanique, de la climatologie, et de la géographie humaine, politique, sociale, économique, culturelle... Une autre de ses préoccupations constantes est l’enseignement et la pédagogie. Quoi d’étonnant dans la ville de Rousseau ? Citons parmi ses contributeurs Albert Petitpierre, William Rosier (première chaire de géographie humaine à l’Université en 1903, conseiller d’Etat), Paul Chaix, enseignant enthousiaste et dessinateur hors pair, et plus près de nous, Philippe Dubois, qui dirigea l’enseignement post-obligatoire au Département de l’Instruction Publique, René Zwahlen et Paul Guichonnet, qui surent marier avec bonheur géographie et histoire, Claude Raffestin, épistémologue reconnu, ancien vice-recteur de l’Université.
      Les institutions genevoises avec lesquelles Le Globe collabore de manière privilégiée sont : l’Université, notamment le département de géographie et environnement qui compose depuis 1994 de manière paritaire avec la Société de Géographie le conseil de rédaction du Globe, la Bibliothèque de Genève, qui reçoit des dizaines de revues en échange du Globe, les musées d’Ethnographie et le Muséum d’Histoire naturelle dont plusieurs directeurs furent également rédacteurs du Globe. Muséum d’Histoire naturelle qui est aujourd’hui le siège de la Société de Géographie de Genève et qui accueille ses conférences.
      Dans le paysage éditorial actuel, une mise en ligne sur un site scientifiquement référencé tel Persée est un atout supplémentaire. D’autres institutions ont aussi numérisé une partie des collections du Globe : Internet Archive (Etats-Unis) (exemplaires de 1860-1910) et le site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France (1873-1910). Persée, dépendant du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (France) et dont l’équipe est située à l’ENS de Lyon, a numérisé et indexé l’ensemble de la collection, de 1860 à 2014. Notre reconnaissance va spécialement au Dr. Thomas Mansier, à Emilie Paget et à Philippe Gissinger. Enorme travail qui a duré quatre ans. C’est une manière pour la revue d’atteindre un plus vaste public et d’être plus présente sur les bases de données scientifiques contemporaines telle Google Scholar. Le Globe conserve aussi sa version papier. Pourquoi ? D’abord pour le plaisir de la lecture, celui des membres de la Société de Géographie (plus de deux cents) qui la reçoivent en primeur, et ensuite, parce que certains articles imprimés n’obtiennent pas l’autorisation d’être diffusés en ligne : c’est le cas par exemple du passionnant entretien entre Jean-Louis Tissier et Julien Gracq paru dans le tome 146 en 2006.
      Le Globe refuse d’être une revue calibrée aux articles courts, soumise aux grands groupes éditoriaux financiarisés (les abonnements des « bonnes revues » anglo-saxonnes atteignent des prix qu’elles ne valent pas). Le Globe continue à croire aux échanges scientifiques non rétribués, aux dons, à une forme démocratique du savoir, compréhensible par le plus grand nombre. C’est un défi que nous sommes fiers de relever dans notre cent cinquante-cinquième année d’existence !

      https://www.unige.ch/sciences-societe/faculte/actualites/la-revue-le-globe-est-en-ligne

  • Remonter une rivière (2/3) : l’Evre de Julien Gracq
    http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=2679

    Remonter une rivière (2/3) : l’Evre de Julien Gracq

    Les Eaux étroites développent une thématique simple : l’évocation d’un site associé aux enchantements de l’enfance, la remontée d’une petite rivière à proximité du bourg natal. Il s’agit d’une sorte d’exploration, longtemps après, de lieux d’enfance privilégiés le long d’un « chemin d’eau », en l’occurrence l’Evre, « petit affluent inconnu de la Loire qui débouche à quinze cents mètres de Saint-Florent ». L’écriture des Eaux étroites - huit fragments rédigés à des moments rapprochés en 1973 - puise uniquement dans la mémoire, sans aucune nostalgie, cherchant seulement à décrire le paysage remémoré avec la plus grande précision possible.

    #littérature #gracq #géographie

  • A la recherche du Rivage des Syrtes - Les blogs du Diplo
    http://blog.mondediplo.net/2012-11-30-A-la-recherche-du-Rivage-des-Syrtes

    Le Rivage des Syrtes, écrit par Julien Gracq et publié en 1951, relate l’histoire, à une époque indéterminée, d’un « observateur » (il faut comprendre que c’est un espion), Aldo, au service d’un Etat fictif, la Seigneurie d’Orsenna, en poste le long d’une mer riveraine [1].

    La mer des Syrtes sépare la Seigneurie d’un Etat lointain, le Farghestan, vis-à-vis duquel elle se trouve dans une situation équivoque. Bien que les deux Etats ne se soient pas affrontés depuis des siècles, leurs dernières relations, qui furent belliqueuses, n’ont jamais débouché sur un traité de paix. Et depuis, les anciens adversaires laissent planer une ambiguïté menaçante sur la nature de leurs rapports. On pressent qu’il ne suffirait que d’une maladresse, que d’une provocation, pour que l’hostilité latente se transforme en hostilité ouverte.

  • A la recherche du Rivage des Syrtes - Les blogs du Diplo

    Le chef d’oeuvre de Julien Gracq à l’épreuve de la géographie

    http://blog.mondediplo.net/2012-11-30-A-la-recherche-du-Rivage-des-Syrtes#forum

    vendredi 30 novembre 2012, par Philippe Arnaud

    Le Rivage des Syrtes, écrit par Julien Gracq et publié en 1951, relate l’histoire, à une époque indéterminée, d’un « observateur » (il faut comprendre que c’est un espion), Aldo, au service d’un Etat fictif, la Seigneurie d’Orsenna, en poste le long d’une mer riveraine [1].

    La mer des Syrtes sépare la Seigneurie d’un Etat lointain, le Farghestan, vis-à-vis duquel elle se trouve dans une situation équivoque. Bien que les deux Etats ne se soient pas affrontés depuis des siècles, leurs dernières relations, qui furent belliqueuses, n’ont jamais débouché sur un traité de paix. Et depuis, les anciens adversaires laissent planer une ambiguïté menaçante sur la nature de leurs rapports. On pressent qu’il ne suffirait que d’une maladresse, que d’une provocation, pour que l’hostilité latente se transforme en hostilité ouverte.

  • Julien Gracq, un écrivain-géographe (1/3) : des mots et des paysages
    http://cafe-geo.net/article.php3?id_article=2564

    cc @fil

    Julien Gracq, de son vrai nom Louis Poirier (1910-2007)
    « Il résume merveilleusement les rapports complexes et souvent ambigus de l’art et de la géographie. »

    (Armand Frémont, 2005)

    Un écrivain-géographe puise dans sa culture géographique pour nourrir son œuvre. Il dispose tout d’abord d’un vocabulaire spécifique. Parfois, Julien Gracq emploie une typographie en italique pour souligner la technicité de certains termes familiers au géographe. Interrogé sur cette façon de procéder, il répond que cela veut dire : « voilà, je n’ai pas de meilleur mot que le mot savant pour exprimer ce que je veux dire, je m’en excuse ». Nous avons relevé parmi beaucoup d’autres les termes géographiques ainsi soulignés : openfield, podzol, nunatak, draille, chott, gour, igarapé, bluffs, adret, watergand, le sigle Z.I.P. pour zone industrialo-portuaire, etc...
    En revanche, l’auteur a sans doute estimé mieux connus d’autres emprunts au vocabulaire géographique et ne les a pas différenciés à l’aide des italiques : polder, planèze, bouclier, hinterland, névé, lagune, moraine, flèche, steppe, canyon, replat, arroyo, épaulement, delta, oued, serre, thalweg, bocage, étier, falaise morte, estive, etc...
    Une grande partie de ces termes appartient à la géomorphologie dans laquelle s’est spécialisé Julien Gracq à partir de 1933 ; il a d’ailleurs songé à une thèse de géographie physique sur la Crimée avant de faire porter ses recherches sur la morphologie de la Basse-Normandie.

  • Russie - Une remarquable série de reportages par Georges Nivat

    LeTemps.ch | Georges Nivat, la Russie au long cours

    http://www.letemps.ch/Page/Uuid/aeb70056-986d-11e1-81bd-9630ad309064|1

    Georges Nivat, la Russie au long cours

    « Les Sibériens modernes sont plus indépendants que leurs voisins de l’ouest russe : les premiers n’ont pas connu le servage », estime Georges Nivat. Dernière vague migratoire en date, d’un nouveau type : les Chinois, qui aujourd’hui inondent le marché de leurs produits en échange du précieux pétrole russe.

    Quand on l’interroge sur ce qui l’a le plus frappé, le professeur est intarissable : il évoque la vue sublime du large depuis les collines de Vladivostok, la construction, d’une université pharaonique dans la même ville, ou encore une rencontre avec le tenancier d’un salon de tabac, et amoureux du Rivage des Syrtes de Julien Gracq.

    C’est ce monde bigarré, exotique, raffiné, glacial au-dehors et surchauffé au-dedans, qu’il nous offre à lire tout au long de cette semaine.