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  • À #Calais, un #état_d’urgence opportun

    Depuis plus de 20 ans, la préfecture du Pas-de-Calais et la mairie de Calais utilisent tous les moyens pour empêcher les exilé·e·s, en route pour la Grande-Bretagne ou en attente de l’examen de leur demande d’asile en France, d’installer des lieux de vie, et pour empêcher les habitant·e·s et associations de leur venir en aide. Bien que la menace terroriste soit nulle dans le Calaisis, l’adoption de l’état d’urgence a donné les coudées franches aux autorités.

    La déclaration de l’état d’urgence, à la suite des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis, a fourni l’occasion à la préfecture du Pas-de-Calais d’utiliser les pouvoirs dérogatoires prévus par la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence. Le président de la République avait en effet considéré, par son décret du 14 novembre 2015, que le péril combattu devait l’être sur l’ensemble du territoire métropolitain. Sauf qu’à Calais, il n’a pas été question un seul instant de combattre le terrorisme. À notre connaissance, le territoire calaisien n’a d’ailleurs jamais constitué un enjeu dans la lutte contre Daesh.

    L’objectif était donc ailleurs : depuis plus de 20 ans, pour empêcher l’apparition de lieux de vie d’exilés à Calais, le préfet a pris l’habitude d’utiliser tous les moyens à sa disposition. Très vite, les forces de l’ordre calaisiennes ont considéré qu’elles ne pouvaient se passer des pouvoirs extraordinaires posés par la loi du 3 avril 1955. Extra-ordinaires, car, pour la plupart, ces pouvoirs sont complètement étrangers au droit commun et permettent de porter des graves atteintes à la liberté d’aller et de venir des personnes.

    L’application de l’état d’urgence à Calais, qui n’aurait jamais dû avoir lieu, intervient dans un contexte particulier. En novembre 2015, environ 6 000 exilés vivent à Calais. Certains sont demandeurs d’asile en France, quelques-uns sont en errance, tandis que d’autres cherchent à rejoindre le Royaume-Uni par des moyens irréguliers rendus nécessaires par l’insuffisance des procédures légales, en particulier en matière de réunification familiale [1].

    À cette époque, la maire de la commune de Calais et la préfète du Pas-de-Calais se félicitent d’avoir finalement obtenu la disparition de l’ensemble des squats et lieux de vie d’exilés implantés en centre-ville, en les repoussant sur le bidonville de la Lande, zone marécageuse située aux abords de la rocade portuaire. Cet « encampement » en marge de la ville expose les exilés à des conditions de vie particulièrement indignes [2]. Les personnes « relocalisées » doivent s’y installer dans des abris de fortune, à proximité du centre Jules Ferry où sont distribués, en quantité insuffisante, des repas et où est proposé un service de douches, volontairement sous-dimensionné, pour vraisemblablement éviter de rendre le lieu trop attractif. Parmi les exilés, figurent de très nombreux mineurs isolés, parfois très jeunes. Plusieurs associations françaises et britanniques se mobilisent alors pour apporter aux exilés l’assistance que les pouvoirs publics refusent d’accorder.

    Mais, pour sa part, l’autorité préfectorale travaille essentiellement à mettre à l’écart cette population et à empêcher les tentatives de passage. Et, à la fin de l’année 2015, c’est un État, probablement à court d’idées pour freiner l’essor de ces tentatives et maîtriser le nombre d’exilés présents, qui va profiter de la déclaration de l’état d’urgence.

    Dissuader les tentatives de passages

    L’état d’urgence va d’abord être utilisé pour sécuriser la frontière. Pour empêcher les tentatives de franchissement de la frontière, les dispositifs de protection ont été renforcés en 2015. À la suite d’un accord passé entre le ministre de l’intérieur français et le ministre du Home Office britannique en septembre 2014, la zone portuaire [3] est littéralement fortifiée par l’érection d’une double clôture de deux et quatre mètres de haut, et qui s’étend sur près de trois kilomètres le long de la rocade menant aux embarcadères du port de Calais.

    Évidemment, cela ne suffit pas à ralentir le nombre important de tentatives de passage, cela ne fait qu’en déplacer le lieu de la mise en œuvre. L’on tente toujours de franchir la frontière aux abords de l’Eurotunnel ; en juin 2015, Theresa May, ministre du Home Office affirme devant la Chambre des communes qu’au total 30 000 tentatives de passages ont été constatées sur les dix derniers mois [4].

    Les ministres de l’intérieur français et britannique vont donc, par un nouvel accord, le 20 août 2015 [5], allouer des moyens supplémentaires à la sécurisation du périmètre de l’entrée du tunnel, par un dispositif de clôtures, de vidéosurveillance, de technologie de détection infrarouge et de projecteurs lumineux. Ce renforcement drastique de la surveillance et de la protection de plusieurs points de passage ne décourage pourtant pas les exilés. Il les contraint cependant à prendre de plus en plus de risques. À tel point qu’en 2014 et 2015, on compte 46 décès à la frontière (sans citer les blessés).

    Pour enrayer les tentatives de passage que le dispositif ne ralentit pas, l’État va sortir la carte de l’état d’urgence. L’une des prérogatives prévues par l’article 5 de la loi du 3 avril 1955 permet au préfet de département d’« instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ». L’institution d’une zone de protection ou de sécurité est une mesure de police administrative attrape-tout, qui a pu, au début de la guerre d’Algérie, justifier d’importants déplacements de populations, des restrictions de circulation et même des assignations à résidence collectives, étant précisé que le non-respect de l’obligation imposée par l’autorité qui a institué la zone pouvait aboutir, comme le précise l’article 13 de la loi, à des peines d’emprisonnement. Alors que cette disposition devrait être maniée avec précaution, la préfète du Pas-de-Calais choisit de l’appliquer quelques jours après la déclaration de l’état d’urgence, le 1er décembre 2015, pour interdire la présence de piétons sur la rocade portuaire.

    Pourquoi une telle mesure ? L’article L. 2231-1 du code général des collectivités territoriales permet déjà à l’autorité de police (le maire ou le préfet) de réglementer, dans le cadre de ses pouvoirs ordinaires, les conditions de circulation sur les routes nationales. Mais surtout, une telle préférence donnée à la loi du 3 avril 1955 n’est pas compréhensible dès lors qu’aucun motif en lien avec l’état d’urgence n’est ici en cause, comme les commentateurs le soulignent [6]. Avec cet arrêté, ce n’est pas tant les aspects opérationnels de la zone de protection qui semblent intéresser la préfète du Pas-de-Calais, mais plutôt le label « état d’urgence », dont l’administration espère sûrement qu’il exercera un effet dissuasif sur les exilés tentés de passer. Mais, l’épouvantail ainsi créé n’a été d’aucun effet.

    L’obligation portée par cet arrêté a été massivement méconnue, pendant toute sa durée (la préfète du Pas-de-Calais ne parlait-elle pas, en octobre 2016, de plus de 30 000 intrusions piétonnes sur la rocade, chaque mois ?), sans qu’elle ne donne lieu, à notre connaissance, à des condamnations.
    Contrer le droit de manifester

    L’état d’urgence a également servi à restreindre le droit de manifester [7]. Là encore, ces limitations ont été régulièrement prononcées pour des motifs sans lien avec le risque d’attentats terroristes, au fondement de la déclaration de l’état d’urgence. Il a été instrumentalisé par le gouvernement pour assouvir des mobiles politiques et, tout particulièrement, pour contrer des manifestations hostiles à ses décisions. On connaît les assignations à résidence prises sur le fondement de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 contre des militants écologistes qui risquaient d’organiser des actions et des mobilisations au cours de la COP 21 (conférence internationale sur le climat qui s’est tenue au Bourget) ou encore les interdictions de séjour prononcées en application du 3° de l’article 5 de la loi du 3 avril 1955, contre des militants pour les empêcher de se rendre dans les secteurs où étaient organisées des manifestations contre la « loi travail ».

    À Calais, l’état d’urgence va permettre le gel du droit de manifester en soutien aux exilés. Lorsque, à la fin de l’année 2016, le démantèlement de la Lande de Calais est projeté, il est présenté par le gouvernement comme une grande opération humanitaire destinée à « sortir de la boue » les exilés qui y vivent et à leur permettre, par une (nouvelle) relocalisation – cette fois-ci vers des centres d’accueil et d’orientation – d’intégrer le dispositif d’asile de droit commun [8]. Les critiques de plusieurs associations – lesquelles n’y voient qu’une énième opération de déguerpissement sans solution pérenne pour les exilés arrivant à Calais – sont toutefois vives et risquent de brouiller le message du gouvernement [9]. De manière assez problématique, l’état d’urgence va de nouveau être mobilisé à Calais pour « invisibiliser » cette opposition.

    Ainsi, peu avant la destruction du bidonville de la Lande de Calais, deux manifestations de soutien aux exilés du bidonville sont organisées par la Coalition internationale des sans-papiers et migrants (CISPM), les 1er et 11 octobre 2016. Alors qu’elles n’ont aucun lien avec la lutte contre la menace terroriste, elles sont interdites par l’autorité préfectorale qui se fonde, sur l’article 8 de la loi du 3 avril 1955, qui prévoit que « les […] rassemblements de personnes sur la voie publique peuvent être interdits dès lors que l’autorité administrative justifie ne pas être en mesure d’en assurer la sécurité compte tenu des moyens dont elle dispose ». C’est en se prévalant de l’insuffisance des unités de police pour encadrer ces rassemblements que la préfète du Pas-de-Calais interdit ces manifestations dont l’une, pourtant, ne devait pas regrouper plus de 200 participants [10]. À ces deux dates, les forces de l’ordre étaient, comme on le sait, très nombreuses à Calais pour préparer l’opération d’évacuation du bidonville, qui allait intervenir quelques jours après. On peut dès lors s’interroger sur la sincérité de la justification avancée.

    Pouvait-elle, en outre, suffire à justifier qu’aucune manifestation ne se tienne (même organisée différemment et selon un autre trajet), alors que, à cette époque, il existait dans le débat public un important courant opposé au plan d’évacuation du bidonville, tel qu’il était projeté, et qui aurait mérité de pouvoir s’exprimer ? Le tribunal administratif de Lille, saisi de deux référés-liberté, a malheureusement rejeté le recours des organisateurs en arguant que des groupes d’ultra-gauche et d’ultra-droite pourraient s’y rencontrer pour s’y affronter et que les forces de l’ordre ne pouvaient en assurer le contrôle [11].

    Et c’est ainsi que, au cours du mois d’octobre 2016, l’expulsion de la Lande de Calais a été mise en œuvre sans qu’aucune manifestation publique ait pu avoir lieu.
    Démanteler le bidonville

    Les opérations de l’expulsion du bidonville de la Lande de Calais se sont déroulées en plusieurs étapes : d’abord, avec l’adoption des arrêtés du 19 janvier et du 19 février 2016 pour l’expulsion de la zone sud du bidonville : ensuite avec l’arrêté du 21 octobre 2016 pour l’évacuation de la zone nord. Là encore, l’état d’urgence a constamment été mobilisé.

    D’abord, il a joué le rôle d’alibi et de justification des mesures d’expulsion. Chaque arrêté a, en effet, été pris au visa de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence, et retient, parmi ses motifs, que, « compte tenu de la prégnance, à un niveau très élevé, de la menace terroriste ayant justifié l’état d’urgence, les forces de sécurité doivent prioritairement être engagées dans la prévention de cette menace et ne peuvent être distraites et mobilisées, en nombre très important, pour lutter contre des troubles à l’ordre public récurrents liés à l’occupation de ce campement ». Autrement dit, par contamination, le régime d’état d’urgence a permis de légitimer des décisions qui, en temps ordinaire, auraient pu sembler trop sévères ou inadaptées. Le pire est sûrement qu’une telle acception était recevable pour le juge administratif comme l’atteste la jurisprudence trop peu exigeante du Conseil d’État qui retient que, pour le prononcé d’une mesure relevant du régime de l’état d’urgence [12] ou d’une mesure de droit commun [13], l’autorité de police peut, notamment, s’appuyer sur le fait que les forces de police ne doivent pas être distraites de leur rôle de lutte contre le terrorisme.

    Ensuite, l’état d’urgence a été utilisé à des fins opérationnelles, dans le cadre de ces expulsions. Ainsi, le 23 octobre 2016, la préfète du Pas-de-Calais crée une zone de protection sur l’ensemble du secteur de la Lande, dans laquelle le séjour, la circulation et le stationnement des personnes sont réglementés, du 24 octobre au 6 novembre 2016. Cette décision a pour principale implication de subordonner l’entrée sur la Lande à l’obtention d’une accréditation délivrée par la préfète.

    Une opération "humanitaire" attentatoire aux droits de l’Homme

    Ce dispositif parachève, en quelque sorte, ce qui avait déjà été entrepris avec les interdictions de manifestations : il vise à empêcher tout risque d’opposition. Le texte indique chercher à éloigner du bidonville les militants No Border jugés susceptibles de s’opposer physiquement au démantèlement. L’on découvre toutefois qu’aucune action de ce type n’a jamais été projetée. En outre, le dispositif cible large et éloigne les avocats de la zone de protection. Plusieurs d’entre eux, qui intervenaient sur le #bidonville, ne pourront pas retrouver leurs clients avant qu’ils soient dispersés dans des centres d’accueil et d’orientation, sur tout le territoire national, à l’issue de l’opération d’expulsion.

    Alors que des centaines de journalistes ont bénéficié d’accréditations pour assister à l’expulsion, plusieurs associations de soutien des exilés, présentes sur le bidonville, ont été tenues à l’écart. Certaines, qui y intervenaient avec le concours de l’État sur des questions de santé et de sensibilisation aux violences sexuelles, se sont vu refuser l’accréditation alors qu’elles y suivaient des exilés. Il en est allé de même pour l’association la Cabane juridique/Legal Shelter, qui avait pu, quelques mois auparavant, organiser la saisine du juge des enfants pour obtenir le placement provisoire de mineurs isolés étrangers du bidonville, et qui accompagnait encore près de 200 exilés victimes de violences policières ou engagés dans des démarches de demande d’asile et de réunification familiale.

    Quelques heures après l’adoption de cet arrêté, le Gisti, l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), l’association calaisienne le Réveil voyageur et la Ligue des droits de l’Homme l’ont dénoncé dans le cadre d’un référé-liberté. Trop tard. La préfète du Pas-de-Calais l’abrogera quelques heures avant l’audience, en indiquant que l’opération d’#expulsion étant achevée, l’arrêté instituant la zone de protection n’avait plus d’utilité.

    Outre l’institution de cette zone de protection, la préfète du Pas-de-Calais a prononcé, en octobre 2016, quatre interdictions de séjour à l’encontre de militants. Un rapport parlementaire le note : ces dernières mesures n’étaient pas fondées sur le fait que la présence de ces derniers constituerait un risque d’attentat terroriste, ni même sur une dangerosité révélée par des #violences commises dans le passé, mais sur le simple fait que ces personnes auraient été vues aux abords de la première zone de protection créée le 1er décembre 2015 [14]. Parmi ces interdits de séjour figure un journaliste, auteur d’articles et de reportages témoignant de la dureté des #violences_policières à Calais.

    Jamais une opération « humanitaire » n’a mobilisé autant de prérogatives attentatoires aux libertés. Qu’importe. L’essentiel est, pour le gouvernement, que ce recours aux outils de l’état d’urgence ait permis d’atteindre l’objectif d’une expulsion éclair en trois jours.

    https://www.gisti.org/spip.php?article5963
    #frontières #asile #migrations #réfugiés #fermeture_des_frontières #dissuasion #terrorisme #camps #campement #droits_humains #droits_fondamentaux

  • Migrants : qui se cache vraiment sous le bénévole parisien ?

    http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2016/08/23/migrants-qui-se-cache-vraiment-sous-le-benevole-parisien_4986671_1654200.htm

    Cet hiver, un jour de grand froid, Aubépine Dahan, 44 ans, a acheté trois bouteilles thermos grand format qu’elle a remplies de soupe bien chaude. Sur Marmiton, elle a cherché la recette du riz afghan et est allée servir son repas à la trentaine de migrants qui campaient, frigorifiés, place de la République. Cette docteur en sociologie n’avait jamais milité dans un syndicat ou un parti. Marquée par « ces images des colonnes de migrants de la route des Balkans à l’été 2015 », elle a décidé de leur venir en aide. Sans se douter que cet engagement la conduirait au tribunal.

    Cette mère de deux enfants, femme au foyer après avoir enseigné comme attachée temporaire dans plusieurs universités, encourt un an de prison. Le 7 août, elle a été gardée à vue durant neuf heures dans le commissariat du 20e arrondissement et est ressortie avec une convocation en justice pour le 9 novembre, pour « organisation d’une manifestation illicite » le 6 août à Paris.

    Marqués par des évacuations répétées de campements de migrants, les bénévoles parisiens ont été mis en première ligne cet été. Aux dires du directeur de France terre d’asile, Pierre Henry, le mois d’août « a été un enfer ». N’ayant pas les places d’hébergement nécessaires pour prendre en charge les 70 demandeurs d’asile qui arrivent quotidiennement dans la capitale, les services de l’Etat ont cherché à éviter les regroupements risquant d’aboutir à la formation de campements.

    « Solution digne »

    Les forces de l’ordre ont donc dispersé à tour de bras les migrants pour « préserver la salubrité et l’ordre public », « éviter la reconstitution de campements sur la voie publique », comme le rappelle la préfecture de région, qui s’enorgueillit d’avoir proposé plus de 15 000 offres d’hébergements depuis juillet 2015. De son côté, la préfecture de police a distribué des centaines d’obligations de quitter le territoire (OQTF). Offusqués par cette « gestion policière », Emmaüs solidarité et France terre d’asile ont d’ailleurs toutes deux annoncé, lundi 22 août, la suspension de leurs maraudes « le temps que l’on trouve des solutions plus humaines pour les primo-arrivants », rappelle Aurélie El-Hassak Marzorati, directrice d’Emmaüs. « Une solution va être proposée dans Paris avec l’ouverture du camp humanitaire, en septembre. Mais entre-temps, il nous faut une solution digne », insiste-t-elle.

    « Nous qui aidons les migrants, avons dénoncé ces rafles. Résultat, nous avons été stigmatisés tout l’été », déplore aujourd’hui la cinéaste Valérie Osouf. « Personne n’essaie pourtant de regrouper les arrivants pour créer des camps dans Paris, contrairement à ce que les autorités veulent faire croire pour nous discréditer », insiste pour sa part Sylvie Lhoste, la fondatrice du mouvement Entraides citoyennes, agacée elle aussi de cette critique permanente des bénévoles, « alors que l’Etat est bien content que nous nourrissions les exilés ».

    Dans les zones de tension que sont Paris, Vintimille (Italie) ou Calais (Pas-de-Calais), un malentendu s’installe entre les bénévoles et l’Etat, renforcé par un discours paradoxal des autorités. D’un côté, Emmanuelle Cosse, la ministre du logement, a appelé le 10 août à héberger des réfugiés chez soi et propose 1 500 euros par personne et par an aux associations qui s’engagent dans le dispositif. De l’autre, les soutiens aux migrants ont mauvaise presse au ministère de l’intérieur, qui soupçonne un militant du mouvement d’ultra-gauche « No Border » derrière chaque citoyen engagé.

    Un Niçois de 37 ans vient d’en faire l’expérience. Interpellé le 17 août près de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes) alors qu’il faisait monter dans sa fourgonnette huit migrants érythréens, il avait été présenté par la police comme un militant No Border. L’homme, qui a assuré n’appartenir « à aucune mouvance politique », a finalement bénéficié d’un classement sans suite, le procureur de la République de Nice ayant invoqué, dimanche 21 août, « l’immunité humanitaire » prévue par la loi.

    S’il reconnaît que « M. et Mme Tout-le-monde » font partie des bénévoles, le préfet d’Ile-de-France, Jean-François Carenco, chef d’orchestre des évacuations de campements, tient à souligner que « certaines personnes sont bel et bien là pour transformer l’aide aux migrants en un combat politique ».

    « Je n’ai pas enfreint la loi »

    Ce n’est pas le cas d’Aubépine Dahan. La Parisienne, qui « apprécie le modèle de société française avec sa laïcité et sa tolérance », n’a pas vraiment un profil révolutionnaire. D’ailleurs, le Collectif parisien de soutien aux exilés (CPSE) auquel elle adhère serait « le plus bobo des regroupements de la capitale », selon un habitant du 18e arrondissement, mobilisé depuis 2015, et fin observateur des forces en action. C’est surtout du « réconfort » qu’Aubépine Dahan voulait apporter « durant ce moment d’attente où le migrant, pas encore réfugié, a ce sentiment terrible de n’être personne », explique-t-elle.

    « Je n’ai pas enfreint la loi », observe celle qui croit assez dans l’Etat pour avoir choisi la filière Service public lors de ses études à Science Po, après sa maîtrise d’économie appliquée à Dauphine. Avec un autre soutien aux réfugiés, Houssam El-Assimi, lui aussi convoqué devant la justice, elle avait juste déposé un parcours de manifestation. « La préfecture a souhaité le voir transformé en simple rassemblement place de la République. Nous avons acquiescé, avec la réserve qu’il fallait que les migrants s’acheminent de leur campement vers République », résume celle qui estime avoir « géré au mieux tout l’après-midi en liaison permanente avec la préfecture, et en faisant tout pour éviter ces violences que nous refusons ».

    Houssam El-Assimi appartient, lui, au collectif La Chapelle debout. Le troisième groupe important, baptisé le Bureau d’aide aux migrants (BAM), existe à leurs côtés, constitué récemment en association.

    Sociologue de formation, observateur de la situation parisienne, Nicolas Jaoul estime que « si les soutiens de la première heure ont été des militants parisiens de partis à gauche du PS, le second groupe à intervenir a été celui, sociologiquement très mélangé, des voisins, les riverains des campements. Sont ensuite arrivés les jeunes issus de l’immigration qui, parce qu’ils parlent arabe, ont vite gagné une position stratégique à laquelle ils n’étaient pas habitués ».

    Durant tout l’hiver et ses multiples déjeuners servis aux migrants, Aubépine Dahan a particulièrement goûté ce melting-pot, « qui me rassurait sur la société française » se réjouit-elle. « On nous parle de société fracturée, mais dans l’aide aux exilés, le boulanger qui apporte ses baguettes côtoie le plus normalement du monde l’universitaire ou les dames retraitées qui ont fait une collecte », rappelle la jeune femme, « et personne ne demande à l’autre son métier », ajoute-t-elle. Etudiants, enseignants, artistes, interrogés par Le Monde, racontent intervenir par humanisme d’abord, pour rendre « un peu de dignité », « être en accord avec ses valeurs » ou conjurer « la honte de l’accueil indigne offert à ces gens ».

  • Calais : les « No Border », une poignée de militants décriés
    http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2016/02/05/calais-les-no-border-une-poignee-de-militants-decries_4860357_1654200.html

    Tir groupé contre les « #No_Border ». Depuis plusieurs jours, les autorités ont pris pour cible ces #militants qui luttent pour l’abolition des #frontières, qu’elles accusent, entre autres griefs, d’instrumentaliser les #migrants présents à Calais et de favoriser les confrontations avec les forces de l’ordre.

    Mercredi 3 février, Xavier Bertrand, président Les Républicains (LR) de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie n’a pas eu de mots assez durs contre ceux qu’il a qualifiés « d’agitateurs » et de « provocateurs ». L’ancien ministre a réclamé que soient « mis hors d’état de nuire » ces militants qui « viennent activer les migrants et parfois (...) dire à certains “attaquez les CRS” ». Il a été rejoint par la maire de Calais, Natacha Bouchart (LR), qui a estimé nécessaire, dans un entretien au Monde, « qu’on éloigne [de la ville] ceux qui doivent l’être. Y compris les No Border et les activistes ».

    Les deux élus, reçus, mercredi 3 février, au ministère de l’intérieur, ont eu l’oreille de Bernard #Cazeneuve, qui a dénoncé « l’irresponsabilité » et le « cynisme » des militants de No Border. Le ministre a annoncé l’interdiction temporaire à Calais de toutes les #manifestations « susceptibles d’occasionner des troubles à l’#ordre_public ».

    Le gouvernement cherche notamment à éviter que les incidents du 23 janvier ne se reproduisent : ce jour-là, après une manifestation, une cinquantaine de migrants avaient réussi à s’introduire dans un ferry en partance pour l’Angleterre. Six d’entre eux et deux No Border, qui sont également montés sur le bateau, doivent être jugés pour ces faits le 22 février.

    #manifestations_interdites

  • L’UE avoue : 60% des immigrants ne sont pas des réfugiés – Le Saker Francophone
    http://lesakerfrancophone.fr/lue-avoue-60-des-immigrants-ne-sont-pas-des-refugies

    Le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a déclaré dans une interview au journal néerlandais Nos am Montag : « Plus de la moitié des gens qui arrivent maintenant en Europe viennent de pays dont on peut supposer qu’ils ne fournissent aucune raison de demander un statut de réfugié. Plus de la moitié, 60%. » Ces immigrants ne sont par conséquent pas des réfugiés de guerre au sens des Conventions de Genève.

    L’UE serait donc tenue de renvoyer ces 60% au-delà de ses frontières – ne serait-ce que pour assurer un accueil correct aux véritables réfugiés de guerre.

    Un double constat aussi déplaisant que peu médiatique, que confirment pourtant ceux qui travaillent dans ce secteur.

    #migrants #réfugiés

    • Le titre semble dire le contraire de l’article ?

      le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) avait dit auparavant que jusqu’au début de décembre, plus de 75% des nouveaux arrivants en Europe avaient fui les conflits en Syrie, en Afghanistan ou en Irak. Les statistiques de janvier n’ont pas encore été publiées, mais l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en Suisse, dit que 90% de tous les nouveaux arrivants en Grèce depuis le début de l’année viennent de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan, écrit l’UEobserver.

    • Ce qu’on sait aussi c’est que beaucoup de personnes qui ont demandé l’asile en Allemagne en 2015 venaient du Kosovo... et qu’ils ont été renvoyés au pays très rapidement. Comment l’Allemagne considère ces personnes ? Des demandeurs d’asile ou des « migrants économiques » ?
      Car si ils l’Allemagne les mets dans la catégorie « non-réfugiés »...

    • L’OIM fait l’objet d’une campagne de surveillance de la part du réseau No Border, qui l’accuse de « recommander des politiques hostiles aux migrations », de vendre les « dernières technologies de contrôle », « d’entraîner les officiers de police et les patrouilles douanières à combattre les migrations », et de « construire des camps de détention ».
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_internationale_pour_les_migrations

    • @unagi il est sain d’avoir des doutes sur quoique ce soit que publie Frontex :) mais on est obligé d’utiliser leurs sources, parfois, parce que ce sont les seules. Mais toujours préciser quelles sont à manipuler avec beaucoup de pincettes. Quand à L’OIM oui, elle joue un jeu très pervers et complètement schizo. EN même temps elle participe ou initie des programmes pour installer des réfugiés en Europe ou en Amérique du Nord, par exemple, mis en même temps aide certains états à se débarrasser de certains de leur réfugiés. De l’aveu même d’un représentant de l’OIM qui a travaillé un temps en Norvège et qui me disait avoir honte de ce qu’on lui demandait de faire et qui a finalement quitté l’organisation. L’OIM d’ailleurs, de ce point de vue, mérite aussi une vraie enquête, mais qui va s’y coller ?

    • @reka Je n’ai pas de problème avec les sources, la seule chose qui me fasse réagir est « constat aussi déplaisant que peu médiatique, que confirment pourtant ceux qui travaillent dans ce secteur ». Les chiffres cités effectivement ne sont pas médiatiques mais le sujet lui l’est depuis des semaines.
      Je rappelle quand même la volonté de certains gouvernements de découper l’Afghanistan en zones de guerres et zones sures et donc en réfugiés et migrants économiques.
      Le rapport épouse parfaitement la volonté d’étrangler le flux migratoire.
      Question ; quelle sera la réaction des opposants ou des indécis quand ces chiffres seront manipulés par les politiques.

    • Encore un point :
      « Une personne fuyant la guerre ou les conséquences de celle-ci, comme la famine ou la violence ethnique, peut-elle être considérée comme un réfugié ?

      La Convention de Genève relative au statut des réfugiés (Convention de Genève), l’instrument le plus important du droit international des réfugiés, ne se rapporte pas expressément aux personnes qui fuient les conflits ou les situations de violence générale, bien qu’au cours des dernières années, la plupart des grands mouvements de réfugiés ont été déclenchés par des guerres civiles, dans lesquels la violence religieuse, ethnique ou la violence entre tribus s’est intensifiée. »

      J’arrête là d’être négatif mais les critiques sur l’inadéquation des Conventions de Genève aux conflits « modernes » ne manquent pas.

    • @unagi : c’est un grand débat.
      C’est pour cela qu’il y a aujourd’hui deux statuts : statut de réfugié et protection subsidiaire... Un découle de la convention de 1951 et l’autre est pensé pour les violences généralisées, guerres civiles, vulnérabilité. Dans chaque pays c’est un peu différent.
      Je n’ai pas le temps de faire plus de précisions, mais il y a de la documentation là-dessus et si tu es intéressé, je peux la mettre ici...

    • Oui merci je veux bien. La différence de statut est discutée en Allemagne pour dissocier des sous-classes au sein même des personnes ayant le statut de réfugiés de guerre. Schématiquement les bons réfugiés se voient accorder immédiatement le regroupement familial et les seconds devront attendre deux ans.
      En dehors des traités internationaux et des causes de migration, les statuts ont uniquement une existence politique qui va varier selon l’époque.
      Si le territoire est sur, que va t’il se passer en Afghanistan pour un Azara qui a toutes les chances de se faire tuer par un pachtoune (au hasard) même s’il n’y a pas systématisation ou planification d’un nettoyage ethnique..

    • Oui, c’est cela.
      En fait, la grosse différence est liée à la définition de la PERSECUTION.
      –-> il faut prouver, pour obtenir le statut de réfugié, que la personne est persécutée PERSONNELLEMENT (cette personne le fait par un récit, à l’audition, qui doit être vraisemblable).
      –-> si la personne ne prouve pas cela, l’Etat d’accueil décidera si la personne peut être renvoyée (pour cela, il y a des listes de pays sûrs ou éventuellement de zones sures à l’intérieur du pays, c’est le cas de l’Afghanistan). En cela joue le principe de NON-REFOULEMENT (http://www.unhcr.fr/4b30a58ce.html). Même si la personne n’est pas directement et personnellement menacée dans son pays, on jugera qu’il n’est pas possible de la renvoyer dans un pays où il y a une guerre ou une situation de violence généralisée, où si elle ne peut pas être traitée correctement si cette personne est malade.
      Mais OUI, il y a 5 raisons pour lesquelles on peut être considéré réfugié légalement (et donc obtenir le statut) :
      « en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques » (pas d’autres... mais quand ce texte a été écrit, c’était 1951... donc par exemple les réfugiés climatiques ne sont pas inclus).
      Et les déplacés internes ne sont pas non plus considérés, au sens de la loi, des réfugiés, car ils n’ont pas passé une frontière...
      Voilà quelques éléments en plus. J’espère que cela est un poil plus clair.

      Pour la Suisse, voici les différents statuts :
      http://asile.ch/prejuge-plus/tromperie/2-quelle-protection-recoivent-ils-en-suisse
      (admission provisoire en Suisse est plus ou moins la même chose que #protection_subsidiaire en Europe)
      #statut_de_réfugié #persécution

  • Non, le mouvement No Border n’est pas responsable de l’augmentation de la tension dans le Calaisis | LDH Ligue des droits de l’Homme
    http://www.ldh-france.org/mouvement-no-border-nest-pas-responsable-laugmentation-tension-calaisis

    Le ministère de l’Intérieur, la maire de Calais, la préfète du Pas-de-Calais ont uni leurs voix pour accuser les militants No Border d’être à l’origine de l’augmentation de la tension à Calais et à l’intérieur du ghetto où ont été assignés plusieurs milliers d’exilé-e-s.

    #calais, #migrants, #no_border