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  • Préoccupation majeure des Français, la santé s’impose dans le grand débat, François Béguin
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/02/27/la-france-malade-de-ses-deserts-medicaux_5428733_3224.html
    Banderole protestant contre la fermeture du centre hospitalier Louis-Jaillon de Saint-Claude (Jura), à Chassal, le 30 janvier. RAPHAEL HELLE

    Alors que la santé ne figurait pas parmi les thèmes choisis par Emmanuel Macron, la question de l’#accès_aux_soins s’est imposée dans le grand débat national.

    Aucune des trente-cinq questions posées par le chef de l’Etat aux Français dans sa lettre publiée le 13 janvier n’abordait le sujet. Aucun des quatre principaux thèmes fixés par le gouvernement pour cadrer le grand débat ne le mentionnait explicitement. Et pourtant… De réunion publique en réunion publique, la question du juste accès au système de #santé est apparue ces dernières semaines comme une préoccupation majeure des Français.

    « L’une des constantes des remontées, c’est le besoin exprimé par nos concitoyens d’une plus grande présence dans les territoires de certains de nos services publics, en premier lieu la question de l’école, de la santé et des mobilités », a déclaré, mercredi 20 février, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.

    Patients sans médecin traitant, délais d’attente pour accéder à certains spécialistes, urgences débordées… Les situations décrites sont venues conforter la plupart des diagnostics – sévères – récemment portés sur l’état du système de soins français.

    Sentiment de relégation

    Celui-ci traverserait une « crise » d’une « extrême gravité », selon la commission d’enquête sur l’égal accès aux soins des Français menée par des députés en 2018. Son « explosion » serait même « programmée », selon le titre du livre publié en 2018 aux Editions de l’Observatoire par le docteur Patrick Bouet, président de l’Ordre des médecins.

    Une situation qui contribue à alimenter un sentiment de relégation.

    Dans une étude réalisée en mars 2017 pour Le Monde, le géographe de la santé Emmanuel Vigneron avait établi que 3,9 millions de Français vivaient dans des territoires à la situation alarmante en matière d’accès à des professionnels de santé et que 4,8 millions se trouvaient dans des territoires délaissés.

    Facteur aggravant, « les difficultés en termes de densité médicale viennent le plus souvent s’agréger à d’autres facteurs de fragilité territoriale », a souligné l’Ordre des médecins, lors de la parution de son atlas de la démographie médicale en décembre 2018. « Ces territoires sont souvent les territoires ne bénéficiant que partiellement d’une couverture Internet mobile, ou encore ceux dont les habitants souffrent d’un accès difficile aux équipements de la gamme intermédiaire (collèges, supermarchés, stations-service…). »

    « Surenchère entre les territoires »

    Une France à « deux vitesses » dont les débats locaux se sont fait l’écho. « Deux à trois fois par mois, je suis interpellé par des habitants dont les parents âgés sont sans médecin traitant et qui me demandent ce que je fais pour y remédier », a raconté Henri Valès, le maire (divers gauche) de La Charité-sur-Loire (Nièvre), lors d’un débat à la salle des fêtes de sa commune, vendredi 15 février, en présence de la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, et de la ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault.

    « On a construit une maison de santé et, malgré tous nos efforts, les médecins ne viennent pas. On a pu en faire venir un sur les quatre prévus. Résultat : c’est la surenchère entre les territoires, c’est à qui déroulera le meilleur tapis rouge, c’est totalement ubuesque », a lancé l’élu sous les applaudissements.

    Dans cette France périphérique des « déserts médicaux » où les installations de jeunes médecins sont loin de compenser les départs à la retraite (avec 6 460 généralistes de moins en France entre 2010 et 2018), les médecins hospitaliers manquent également à l’appel.
    Les taux de vacance de postes à l’hôpital public sont proches de 30 % en moyenne. Pour faire face, les directeurs doivent recourir à des médecins titulaires de diplômes étrangers. A l’hôpital de Nevers, par exemple, en mai 2017, plus de la moitié (55 %) des 143 praticiens en poste étaient nés et avaient passé leur diplôme initial de médecine hors de France.

    Médecins intérimaires à prix d’or

    Les établissements de santé doivent aussi se résoudre à recourir à des médecins intérimaires payés à prix d’or, parfois de manière quasi exclusive. Un recours excessif qui peut conduire les agences régionales de santé à fermer pour des raisons de sécurité certains services et maternités, comme cela a été récemment le cas au Blanc (Indre) ou à Saint-Claude (Jura).

    Conséquence : l’incompréhension, l’inquiétude et la colère des populations concernées, qui font valoir que « la proximité est la première des sécurités ». Selon la direction statistiques du ministère de la santé (Drees), 326 000 femmes en âge de procréer vivent aujourd’hui à plus de 45 minutes de la maternité la plus proche.
    « Vous avez déjà fermé notre maternité, vous allez fermer la chirurgie conventionnelle à partir du 1er juillet. Où allez-vous arrêter la fermeture de ces services publics ? », a demandé, le 15 février, un habitant de Decize, une petite ville de la Nièvre. « On assiste à un démantèlement des services publics, je suis extrêmement inquiète », a ajouté Justine Guyot, la maire de la commune.

    « Il n’y a pas une solution toute faite qui permettrait demain de résorber les déserts qui vont nécessairement se creuser pendant dix ans », a récemment déclaré Olivier Véran, député LRM

    Point commun à toutes ces situations : le manque de médecins, dont un nombre insuffisant a été formé entre 1990 et 2005. Même si – paradoxalement – la France n’a jamais compté autant de médecins en activité (226 000 au 1er janvier 2018), en termes de démographie médicale, la période la plus critique est attendue entre 2021 et 2025.
    « Il n’y a pas de martingale, il n’y a pas une solution toute faite qui permettrait demain de résorber les déserts qui vont nécessairement se creuser pendant dix ans », a récemment déclaré Olivier Véran, député (La République en marche, LRM) de l’Isère et rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. « On a dix années extrêmement compliquées à tenir », a souligné Mme Buzyn à La Charité-sur-Loire.

    Cette question des déserts médicaux est pourtant sur la table depuis longtemps. « Dans nos petites villes, nous commençons à être confrontés au manque de généralistes et de spécialistes. Dans l’agglomération cherbourgeoise, nous n’arrivons plus à recruter », alertait, dès 2001, dans Le Monde le docteur Frédéric Bastian, alors président de SOS-Médecins. « Dans la Manche, le pire est à venir », prédisait le docteur Jean-Claude Lemoine, alors député (RPR) de Saint-Lô. Il assurait : « Régionaliser le numerus clausus ne suffira pas, il faut le repenser. »

    « Casser le lobby médical »

    Dix-huit ans plus tard, où en est-on ? Les nombreuses propositions de loi portées par des parlementaires ruraux visant à contraindre ou à réguler l’installation des médecins ont échoué les unes après les autres. « Arrêtez de faire croire que la coercition marche, on vous fait croire des sornettes, ça ne marche pas, c’est de la démagogie pure et simple », a lancé Agnès Buzyn le 15 février aux élus nivernais qui lui réclamaient de « casser le lobby médical » et d’instaurer un « minimum de contraintes » pour les futurs médecins.

    Les ministres de la santé de gauche comme de droite ont donc opté pour la méthode douce. Ils ont multiplié les dispositifs incitatifs et les statuts avantageux : prime à l’installation de 50 000 euros, dispositifs garantissant un certain niveau de revenus, etc. Ils ont aussi beaucoup misé sur le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles.

    Des moyens importants qui n’ont pas donné des résultats à la hauteur des attentes.

    Signe que la question du juste accès aux soins de proximité est désormais devenue cruciale, c’est le chef de l’Etat lui-même, qui, en septembre 2018, a lancé depuis l’Elysée une vaste réforme du système de santé. Ce plan ambitieux, qui ne figurait pourtant pas en tant que tel dans son programme de campagne, a pour l’instant été plutôt bien accueilli par les différents représentants du monde de la santé. Il prévoit notamment un fort desserrement du numerus clausus, qui devrait d’ici à dix ans permettre de former 20 % de médecins supplémentaires. Il prévoit également que les médecins libéraux s’organisent à l’échelle d’un territoire pour mieux répondre aux besoins de la population.

    « Non à l’abattage en médecine générale »

    Les projets du gouvernement suscitent toutefois quelques inquiétudes. Alors que l’examen du projet de loi santé doit démarrer le 12 mars à l’Assemblée nationale, des maires de petites villes ont fait part de leur crainte de voir leur hôpital être contraint de fermer leur service de chirurgie ou d’obstétrique. « Ce sont les hôpitaux qui choisiront, chaque hôpital verra ce qu’il veut garder comme activité », a promis Mme Buzyn le 15 février.

    Les médecins libéraux, eux, s’inquiètent des contreparties demandées par l’Assurance-maladie en échange du financement de 4 000 assistants médicaux, destinés à leur libérer du temps médical. « Non à l’abattage en médecine générale », ont demandé des généralistes dans une pétition – signée par plus de 8 000 médecins mercredi 27 février en fin de matinée –, après avoir compris que la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) leur demandait de voir six patients par heure pour pouvoir prétendre à un assistant.

    Reste désormais à savoir si d’éventuelles propositions en matière d’accès aux soins issues du grand débat pourront venir compléter une réforme déjà bien engagée.

    • Les grands débats des précaires, l’envie d’une société plus solidaire et durable , Isabelle Rey-Lefebvre
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/04/les-grands-debats-des-precaires-l-envie-d-une-societe-plus-solidaire-et-dura

      Ces rencontres, organisées dans toute la France par des associations caritatives, ont suscité une affluence inattendue.

      Le grand débat lancé par le président de la République est l’occasion, pour plusieurs associations dont le Secours catholique, le Samusocial de Paris ou Emmaüs Solidarité, d’organiser des rencontres et faire aussi entendre la voix des pauvres, des précaires.

      « Ils ont beaucoup de choses à dire et nous avons été surpris par l’affluence, 3 000 participants aux 150 réunions que nous avons organisées, dans toute la France, entre janvier et mi-février, raconte Véronique Fayet, présidente du Secours catholique. Ils vont beaucoup plus loin que les politiques, jusqu’à avancer des solutions ambitieuses et généreuses sur les questions de surconsommation, de transition écologique, d’égalité fiscale. Cela pousse notre association à réfléchir sur ces sujets que nous traitions peu auparavant. »

      Emmaüs Solidarité a dû, à Paris, pousser les murs pour accueillir, le 28 février, au débat annoncé à peine quelques jours auparavant, les 400 participants, dont la moitié de migrants, venus de centres d’hébergement et d’accueil de jour ou rencontrés au cours des maraudes : « Chez les migrants, il y a un fort désir de prendre la parole pour affirmer que, contrairement à ce qu’ils entendent dans certains discours politiques ou au guichet des préfectures, ils ne sont pas là pour profiter de quoi que ce soit, de la protection sociale ou de la solidarité nationale, et qu’ils veulent travailler, contribuer à la vie de la société », rapporte Bruno Morel, directeur général d’Emmaüs Solidarité.

      La fracture numérique

      Le Secours catholique a tenu le registre de ses débats, 800 pages de témoignages spontanés qui racontent l’état d’esprit des #pauvres, en France. Des personnes dans la #précarité ont expliqué dans le détail leurs fins de mois difficiles, le poids des dépenses contraintes qui oblige à des sacrifices et des choix impossibles entre se nourrir, se chauffer, se déplacer ou se soigner. Paroles entendues : « Mon fils dort sur un matelas gonflable », « je ne me chauffe pas, je ne chauffe que la chambre des petits ». Des seniors aux retraites comptées regrettent de ne plus aller voir leurs enfants, car le transport revient trop cher.

      Chez les actifs, c’est l’emploi morcelé, précaire, intérimaire qui est dénoncé : « Ma fille est auxiliaire de vie, ses frais de déplacement augmentent mais ne sont pas compensés », « mes enfants travaillent mais ne s’en sortent pas », « l’emploi stable n’existe plus », « notre grand malheur, c’est que tout est retombé dans la finance », « on est des numéros, les actionnaires sont les patrons », « ce sont les multinationales qui dirigent le monde, pas le gouvernement », « ce ne sont pas nos représentants qui décident mais des sociétés privées », « la République a été vendue. »

      Les services publics ne sont plus perçus comme « au service du public » : « Dans les bureaux, il n’y a plus personne pour nous écouter », « les dossiers ne sont jamais complets et quand ils perdent les dossiers, c’est nous qui perdons nos droits », « il y a de la maltraitance administrative ». La dématérialisation des démarches est en cause : « Si tu sais pas faire sur Internet, tu peux aller te faire cuire un œuf. »

      Véronique Fayet le reconnaît : « Nous avons pris conscience de l’ampleur de la fracture numérique. Ce n’est pas qu’une question de zones mal desservies ou de compétence en informatique : posséder un ordinateur connecté à Internet coûte cher. Les pouvoirs publics ont prétendu que le numérique permettrait de dégager du temps pour les travailleurs sociaux et les administrations afin d’être plus à l’écoute, mais c’est l’inverse qui se produit : les administrations sont de plus en plus inhumaines », juge-t-elle.

      Petites phrases du président

      Les participants au débat pointent aussi un Etat qui se désengage au profit du privé, en prenant l’exemple des autoroutes, des Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) et des transports collectifs : « Il n’y a plus de bus pour amener les enfants à l’école », « on est à la campagne, j’ai une vieille voiture : si elle lâche, je ne sais pas ce que je vais faire ».

      L’accès à la santé est source d’angoisse : « Les médecins ne se déplacent plus », « pour me faire soigner, il faut que je fasse de l’auto-stop ». Bruno Morel confirme : « Parmi les migrants, beaucoup de bénéficiaires de l’aide médicale d’Etat se heurtent au refus de médecins, de dentistes de leur accorder un rendez-vous. »

      Certaines petites phrases du président de la République ont fait mal : « Nous, retraités, on a l’impression de manger le pain de ceux qui travaillent », « aujourd’hui, les gens qui ont peu de moyens ne sont pas respectés », « on nous prend pour des idiots », « c’est la “richocratie” : un riche, élu par les riches », résume un participant.
      A noter : alors que la liberté de sujets était totale, aucun débat, aucune prise de parole n’a porté sur l’immigration, la laïcité ou la réforme institutionnelle.

      « C’est un regard pessimiste, commente Véronique Fayet, mais lorsqu’on aborde les solutions, on entend un appel à une société plus fraternelle et généreuse, à sortir de l’hyperconsommation, à lutter contre le gaspillage, prôner le recyclage, le réemploi, le covoiturage, à combattre la précarité énergétique et à remettre l’Etat au service de tous, dans un esprit de justice sociale. ». « La confiance dans les associations nous oblige à porter cette parole », affirme Bruno Morel. « Tout ce qui a été dit doit remonter », appuie Mme Fayet qui s’apprête à remettre les 800 pages de doléances et de propositions au premier ministre.

  • AP-HP : en dépit des alertes multiples, Hirsch veut tenir le cap de l’austérité - | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/231218/ap-hp-en-depit-des-alertes-multiples-hirsch-veut-tenir-le-cap-de-l-austeri

    Alors que l’AP-HP est déjà au bord de la rupture, la direction projette de supprimer près de 6 000 emplois d’ici à 2023, dans l’espoir de rétablir son équilibre financier. Les personnels pressent Martin Hirsch de dénoncer cette politique d’austérité, voire de démissionner. Pour lui, la réponse au malaise de l’AP-HP est dans le management.

    Après les restrictions budgétaires, les emplois précaires, les postes non renouvelés, les heures supplémentaires sans fin, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) entre dans la dernière phase des politiques d’austérité imposées par le ministère de la santé : les suppressions de poste. En 2018, l’institution hospitalière parisienne a déjà supprimé 660 postes en 2018, essentiellement parmi les personnels non médicaux. Les années à venir s’annoncent pires : d’ici à 2023, date prévue d’un hypothétique retour à l’équilibre financier, 800 à 1 000 postes doivent être supprimés chaque année. Les disparitions de poste concerneront là encore essentiellement des personnels non médicaux : administratifs, techniques et soignants. Au bout du compte, près de 6 000 postes sont appelés à disparaître, sur un effectif de 100 000 professionnels.

    C’est en tout cas le programme budgétaire qu’a présenté, au début du mois, le directeur général Martin Hirsch aux instances de l’AP-HP. Toutes les instances consultées ont déjà fait connaître leur opposition : le comité technique d’établissement, qui représente les personnels non médicaux, et la commission médicale d’établissement, qui représente les médecins, ont rendu des avis négatifs. Le conseil de surveillance présidé par la maire de Paris a adopté une motion, mercredi 17 décembre, qui juge « insupportables » les restrictions sur le personnel.

    Martin Hirsch. Martin Hirsch.
    Mais ces avis restent consultatifs, la direction a tout pouvoir sur les décisions budgétaires. Et elle a un argument de poids pour faire valoir ses projets : « La situation financière est catastrophique », souffle Jean-François Mussard, secrétaire général de la CFDT. Fin 2018, l’AP-HP accuse 200 millions d’euros de déficit, comme en 2017. Ces pertes ont une explication : le budget de l’assurance maladie est insuffisant et les tarifs de l’hôpital sont en baisse (– 0,5 % en 2018). Pour ne pas perdre d’argent, l’hôpital devrait augmenter fortement son activité, selon les logiques commerciales imposées depuis la réforme de la tarification. Or l’activité stagne : elle n’a augmenté que de 0,5 % en 2018.

    « Comment Martin Hirsch, qui défend des valeurs d’humanité, peut-il être l’exécutant d’une telle politique ? », s’étonne la vice-présidente de la commission médicale d’établissement et médecin hépatologue Anne Gervais. Elle se dit « très en colère ». « Je ne comprends pas que les infirmières ne soient pas en gilet jaune. »

    Les appels se multiplient pour inciter le directeur de l’AP-HP à se démarquer par rapport aux restrictions budgétaires dictées par le ministère de la santé. Dans une tribune publiée par le JDD le 1er décembre, 105 médecins de l’AP-HP ont interpellé Martin Hirsch, en l’incitant à suivre l’exemple de Nicolas Hulot et à démissionner : « Le moment n’est-il pas venu pour vous de refuser d’appliquer cette politique en plaçant le gouvernement face à ses responsabilités ? », demandent-ils.

    Mais si tous sont d’accord pour dénoncer la politique budgétaire catastrophique de l’AP-HP, les tensions resurgissent vite entre les différents métiers, dans ce monde hospitalier très hiérarchique.

    Le corps médical s’est trouvé un nouveau porte-voix, la neurologue Sophie Crozier, « simple » praticienne hospitalière. Dans Libération, elle dénonce le « naufrage de l’hôpital public », le double langage des responsables, « une politique managériale totalement déconnectée », alors que la situation est chaque jour plus catastrophique dans les services. Elle dénonce « les professeurs de médecine » qui « se taisent », car « bien souvent on leur promet des postes dans les départements universitaires ».

    Le porte-parole de la CGT-Santé, le médecin urgentiste Christophe Prudhomme, n’épargne personne : « Martin Hirsch ne peut pas écrire de beaux bouquins, faire de grands discours, et appliquer cette politique. La commission médicale d’établissement devrait démissionner. Mais les médecins qui sont dans la technostructure ne voient pas les malades : ils passent leur temps en réunion, les professeurs de médecine sont dans les congrès. Le seul mouvement à l’hôpital aujourd’hui, c’est celui des gens qui le quittent. J’ai dit au député [LREM] Olivier Véran que les politiques ont une responsabilité morale. »

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    Les personnels hospitaliers voient la dégradation continue des services hospitaliers. Mardi 18 décembre, il y a eu un nouveau drame à l’hôpital Lariboisière, dans le Xe arrondissement de Paris : une patiente âgée de 55 ans est décédée au service des urgences. Elle y avait été amenée par les sapeurs-pompiers vers 18 h 45 et placée sur un brancard, en attendant de voir un médecin. Elle a été découverte à 6 h 20, morte, sur le brancard. L’AP-HP a elle-même prévenu la justice de ce décès suspect.

    Le service d’urgences de Lariboisière est le plus fréquenté de Paris : il reçoit 100 000 patients par an. Il avait été pensé à l’origine pour en accueillir 35 000. Cet été, les personnels des urgences de l’hôpital se sont mis en grève pour dénoncer les sous-effectifs. « Un infirmier du service a prévenu devant le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qu’il y aurait de la casse. C’est arrivé », dit amèrement le syndicaliste CFDT Christian Le Bivic. Il a travaillé comme aide-soignant dans ce service et encourage ses collègues à remplir des fiches de signalement des événements indésirables : en juillet, « douze patients en attente depuis plus de 8 heures sur des brancards, dont six de plus de 70 ans » ; en novembre, « quatre patients par chambre en unité d’hospitalisation de courte durée, au lieu de deux », « des patients depuis plus de 24 heures sur des brancards ». « Voilà la réalité : les patients sur les brancards veillent les uns sur les autres », dit l’urgentiste Christophe Prudhomme.

    Jeudi 20 décembre, Martin Hirsch donnait une conférence à la chaire santé de Sciences-Po sur l’AP-HP en 2028 (voir la Boîte noire). Il se dit conscient qu’il « n’y a plus de satisfaction à travailler à l’AP-HP aujourd’hui ». Mais les personnes qui l’incitent à prendre ses distances, voire à démissionner pour protester contre les projets hospitaliers du ministère de la santé risquent d’être déçues : pour lui, il y a un « problème de management » à l’AP-HP. Il souhaite aussi voir « évoluer les statuts de la Fonction publique hospitalière », jugés trop « rigides ». Et pour « redonner de l’espoir », il réfléchit à « des organisations plus souples », sans plus de précisions.

    Martin Hirsch a déjà fait passer une réforme du temps de travail, généralisant les grandes équipes : les soignants travaillent indifféremment le matin ou l’après-midi, pour se remplacer plus facilement. « Il veut nous réorganiser en plus gros services, pour mutualiser un peu plus le personnel », explique Anne Gervais. « Il veut développer la mobilité des soignants. Mais jusqu’où ? », s’interroge Jean-François Mussard, secrétaire général de la CFDT et infirmier. Le décalage entre la direction de l’AP-HP et la réalité quotidienne des personnels hospitaliers n’a jamais été aussi grand.

    #équarrissage

  • « Protection sociale » dans la Constitution : vers une Sécurité sociale affaiblie - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/150718/protection-sociale-dans-la-constitution-vers-une-securite-sociale-affaibli

    Le 4 juillet, donc, le député LREM Olivier Véran fait adopter un amendement au projet de loi sur la réforme constitutionnelle qui supprime la mention « sécurité sociale » au profit de « protection sociale » dans sept articles de la Constitution où il est question de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS). L’information passe un peu inaperçue, avant de provoquer un tollé dans les rangs de l’opposition de gauche.

    L’ex-élu PS justifie son ajout : il s’agit de permettre de financer la dépendance dans le cadre de la LFSS. Et rien d’autre. Selon lui, le texte ne porte aucune volonté d’atteinte à l’existence de la Sécu. L’exposé des motifs, d’ailleurs, soutient son argument, tout en l’élargissant : « À l’horizon 2019, cette adaptation du cadre constitutionnel est une condition indispensable à l’identification de la protection sociale d’un risque de dépendance, conformément au souhait du président de la République, ainsi qu’à la création d’un système universel de retraite. »

    ...

    Fondamentalement, l’évolution sémantique et technique du nouvel amendement ne modifie pas la donne de départ. Qu’y voient encore les parlementaires opposés à cette modification de la Constitution ? « Faire référence à la protection sociale dans la Constitution, c’est acter le passage d’un système financé par les cotisations sociales à un passage à l’impôt, s’emporte le député communiste Sébastien Jumel. C’est un bouleversement de notre système de solidarité. »

    Cette extension, avec ou sans changement de nom, ouvre la porte – à terme – à une modification profonde du fonctionnement de la protection sociale à la française. D’abord parce que cette création « externe » d’un nouveau pilier permet d’envisager une extension à d’autres branches de la protection sociale qui ne sont pas incluses dans la Sécurité sociale : les retraites complémentaires ou encore l’assurance-chômage. À chaque fois, la justification sera la même : le financement décroissant par la cotisation et le financement croissant par l’impôt.

    Concernant les retraites complémentaires, dites Agirc-Arrco, actuellement gérées par les partenaires sociaux, le doute n’est pas permis. L’amendement d’Olivier Véran persiste à inclure dans la « protection sociale » le futur « système universel de retraites » qui devrait fusionner régime général et régime complémentaire. L’amendement constitutionnel va permettre et faciliter cette fusion dans le budget, dépouillant au passage les syndicats et patronat de leurs prérogatives en matière de gestion.
    Autre non-dit : le cas de l’assurance-chômage. Dans son discours devant le Congrès de Versailles le 9 juillet, Emmanuel Macron a pourtant été on ne peut plus clair : « La solidarité nationale est de plus en plus financée par l’impôt, ce que vous avez voté en matière d’assurance-chômage a ainsi supprimé toute cotisation salariale remplacée par la CSG, mais il faut bien expliquer l’ensemble de cette réforme, ne pas voir que la CSG qui augmente d’un côté, en oubliant que ce sont toutes les cotisations sociales salariales qui ont baissé de l’autre. » L’assurance-chômage ne rentrera pas à terme dans le budget lié à la protection sociale et sortira des mains des partenaires sociaux, qui la géraient comme un amortisseur en dehors des contraintes budgétaires de l’État.Si le PLFSS est désormais élargi à ces domaines hors Sécurité sociale, il suffira de vider progressivement par une loi organique la Sécurité sociale de son contenu pour le transférer vers la partie « externe » du texte budgétaire. Cette évolution n’est certes pas certaine, et n’est pas assumée par la majorité. Mais elle sera désormais permise par le texte constitutionnel et s’appuie sur des choix des gouvernements précédents et de ce gouvernement.

    En 2017, les exonérations de cotisations représentaient 30 milliards d’euros, soit plus de 10 % des recettes de la Sécurité sociale. Depuis, le gouvernement a supprimé les cotisations salariales maladie et s’apprête à réduire drastiquement, en 2019, les cotisations patronales pour les salaires compris entre le Smic et 1,5 fois le Smic. L’assurance-chômage verra ses cotisations salariales entièrement supprimées en octobre 2018 et remplacées par la CSG, un impôt national au taux fixé par le gouvernement.

    Progressivement, donc, le financement par l’État gagne du terrain au détriment du financement par les cotisations. Logiquement, le PLFSS a de moins en moins d’autonomie. Il s’intègre de plus en plus dans le cadre d’une politique budgétaire plus large. La particularité du financement social tend donc progressivement à disparaître et c’est bien ce que l’amendement d’Olivier Véran grave dans le marbre de la loi fondamentale.

    ...

    Comme le révélait Le Canard enchaîné dans son édition du 4 juillet, la réforme des retraites en prend la direction. L’hebdomadaire satirique écrit, évoquant les négociations en cours : « Ce qui se déroule en coulisse ne va pas forcément rassurer les syndicats et les organisations patronales adeptes d’une partition rigoureuse entre le social et l’État. Ainsi, le haut fonctionnaire Christian Charpy planche-t-il en secret sur l’intégration de la loi de financement de la Sécurité sociale dans la loi de finances de l’État. En clair : la Sécu deviendrait une ligne budgétaire. »

    ...

    Avec des conséquences dramatiques pour la protection sociale dans son ensemble. En cas de conjoncture basse, le gouvernement pourra faire évoluer directement le système social pour rétablir les équilibres. Ne disposant plus de ressources ni de capacité d’endettement propres, le système social deviendra ainsi un possible moyen d’ajustement afin de préserver les équilibres, de ne pas augmenter la dette publique et, surtout, de préserver les subventions et cadeaux fiscaux à certaines catégories comme les entreprises au nom de l’emploi.

    Pour compenser ces ajustements, l’État pourrait, dans ce cadre, intégrer au financement de la protection sociale des mesures d’incitation fiscale à un financement privé qui serait financé par un redimensionnement de la protection sociale, accélérant ainsi la privatisation du système. On irait alors vers une individualisation croissante de la protection sociale, comme le souhaite le gouvernement, et vers la réduction de la solidarité nationale à un simple « filet de protection » pour les plus fragiles. Là encore, on n’y est pas. Mais la déconstruction juridique du cadre de la Sécurité sociale issue du programme du Conseil national de la Résistance ouvre cette possibilité. L’amendement d’Olivier Véran devrait être discuté en séance le lundi 16 juillet.

    • Le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert a plaidé qu’il fallait un texte « qui marche sur ses deux jambes » et souligné « le rôle de régulateur du CSA » qui peut « travailler sur les contenus », « sans que nous ayons besoin d’inscrire des choses par trop contraignantes dans la loi ».

      Si le CSA peut régulé pourquoi ne le fait il pas déjà ?

      Les labos feront des bénéfices pharmamineux avec tous ces insulo-dépendant·es, sans compter le business des assurances puisque que la liquidation de la sécurité social est sur la route de ces marcheur·euses au talons de fer.
      #cynisme #thanatocratie #diabète

    • Il manque une info interessante sur ouest-france
      cette loi refusé n’était pas seulement sur la pub, mais comportait une partie sur les information présentes sur l’étiquette

      L’Assemblée nationale s’est refusée, dimanche 27 mai, au terme d’un débat animé, à inscrire dans la loi l’interdiction des publicités pour des produits alimentaires trop gras, trop sucrés ou trop salés à destination des enfants, ainsi qu’à rendre obligatoire l’étiquetage Nutri-Score.
      Des amendements défendus notamment par Olivier Véran (LRM, ex-PS) et d’autres « marcheurs », ainsi que des MoDem et LFI, pour rendre obligatoire la mention du Nutri-Score (étiquetage avec un code couleur) sur tous les supports publicitaires pour les denrées alimentaires ont subi le même sort, par 45 voix contre 18. « Quand on vous dit : “mange ces céréales et le Tigre est en toi”, ce qu’on oublie de vous dire (…) c’est qu’il y a aussi 50 grammes de sucres ajoutés et 30 grammes de graisse saturée », a notamment observé M. Véran, médecin, notant qu’il ne s’agit pas d’interdire mais de « donner une juste information ».

      Mais le ministre a notamment invoqué le « risque » européen que cela ferait peser sur l’expérimentation en cours concernant cet étiquetage, « une belle démarche » mais basée sur le volontariat.

      Le rapporteur, Jean-Baptiste Moreau (LRM), a aussi invoqué « l’impossibilité juridique » de rendre le Nutri-Score obligatoire, disant craindre « un sort funeste » pour l’ensemble du dispositif par « effet boomerang ». Martine Leguille-Balloy (LRM), avocate, qui a dit « travailler pour Fleury-Michon », a appelé à ne « pas agacer des gens qui peut-être demain vont mettre [la mesure] au niveau européen ».

      En savoir plus sur https://www.lemonde.fr/sante/article/2018/05/27/l-assemblee-nationale-rejette-l-interdiction-des-publicites-pour-aliments-tr

      A part ca je compend pas ce que dit Martine Leguille-Balloy. Quant on est députée on peut travaillé encore pour Fleury-michon ?
      http://www2.assemblee-nationale.fr/deputes/fiche/OMC_PA722008

      –----

      Yves Gonnord, ancien patron de Fleury Michon (3 900 salariés), a retiré son soutien à Wilfrid Montassier pour l’apporter à Martine Leguille-Balloy.

      https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/les-herbiers-85500/legislatives-vendee-le-bocage-de-centre-droit-seduit-par-macron-5058169

    • En ce moment, je fais mes exercices devant Sauvons le capitalisme, un doc sur Netflix au sujet du livre de l’ancien secrétaire au travail de Clinton, Robert Reich. Ce matin, il racontait précisément son dégout quand, en 1971, alors en poste dans une administration de protection des consommateurs, il s’était retrouvé avec tous les pas encore lobbies agroindustriels sur le dos pour avoir demandé une loi visant l’interdiction des pubs d’aliments pour enfants… Personne n’en avait rien à foutre de santé publique, tout le monde voulait juste augmenter les profits.
      Le résultat, on le connait.

      1971… l’année de ma naissance…

      Bref, ces gorets savent pertinemment ce qu’ils font, ils connaissent les conséquences de leur cupidité.
      Et ils s’en foutent.

  • Olivier Véran & l’hôpital qui bout d’austérité

    On a l’impression que les pires choses arrivent inéluctablement. Que c’est le sens de l’histoire. Depuis une vingtaine d’années, par exemple, le système de santé français se dégrade petit à petit, entraînant des conditions de travail de plus en plus dures pour les soignants et « en même temps » des prises en charge de moindre qualité pour les soignés.
    Cette évolution n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, personne ne se présentera aux élections en disant « je veux flinguer l’hôpital public » ou « je veux que les vieux meurent dans leur caca dans des Ehpad en sous-effectifs ». Et pourtant cette évolution gouverne.
    Cette lente dégradation est la conséquence de choix politiques et économiques. Ces choix, ils sont faits par des humains, des vrais. Bien souvent, il n’y a pas de grands leaders, personne à désigner pour dire « c’est sa faute », mais plein de bons soldats qui chacun « font leur part ». Ils votent des baisses de budget, ils appellent sans cesse à des « réorganisations » ou « modernisations » guidées par la seule quête de la rentabilité, ils ignorent les contestations, ou les écoutent avec « bienveillance » sans rien remettre en cause. En Isère, on a un cas d’école avec Olivier Véran, le député macroniste de la première circonscription de l’Isère. Le bébé-Fioraso est également neurologue à l’hôpital de Grenoble, désormais dénommé Chuga (CHU-Grenoble Alpes). Alors l’hôpital il connaît bien, mais jusqu’à ce qu’une grave crise éclate cet automne à celui de Grenoble, il accompagnait avec zèle baisse du budget et libéralisation.

    Lire la suite sur https://www.lepostillon.org/Olivier-Veran-l-hopital-qui-bout-d-austerite.html

    #OlivierVéran #BalancetonCHU #souffranceàl'hopital #enmarche

  • Vendre des médicaments à l’unité pour faire des économies : une fausse bonne idée
    https://www.crashdebug.fr/actualites-france/13504-vendre-des-medicaments-a-l-unite-pour-faire-des-economies-une-fauss

    L’idée, qui figure dans les programmes de Benoît Hamon, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, se heurte à une contrainte de réalité.

    Seuls la moitié des antibiotiques seraient concernés seraient concernés par la vente à l’unité.

    Faux. L’idée, qui figure aussi dans les programmes de Benoît Hamon, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, est partie du constat que les Français gaspillent chaque année pour 7 milliards d’euros de médicaments, selon l’inspection générale des Affaires sociales. "Réaliser 10 % d’économies par ce biais permettrait déjà de récupérer une somme non négligeable", estime Olivier Véran, le conseiller santé d’Emmanuel Macron. 700 millions d’économies faciles à réaliser ? Rien ne le prouve. Les médicaments susceptibles d’être vendus à l’unité ne représentent (...)

    #En_vedette #Actualités_françaises

  • décrypter l’amendement “anti-anorexiques” n°1052 de la Loi sur la Santé Publique | Politiques des affects
    http://affects.hypotheses.org/414

    Le troisième, celui concernant les sites dits “pro-ana”, pose un problème juridique, social et médical différent des deux premiers et bien plus sérieux : il concerne moins l’industrie du divertissement que la parole et les sociabilités mêmes des personnes souffrant de TCA. Or, comme le plaide l’équipe Anamia depuis des années, pour qu’un débat serein sur le “pro-ana” ait lieu, il faut avant tout que le climat autour de ces sites ne soit plus dominé, comme il l’est aujourd’hui, par des postures émotionnelles et paniques visant simplement à la disparition du “symptôme”, en l’occurrence les sites eux-mêmes, plutôt qu’à la disparition des souffrances. Malgré cela, dans l’état actuel de la prise en compte des TCA dans le débat public, il est manifeste que ce n’est pas encore le cas et l’amendement n°1052 n’apaise en rien la panique désignant ces blogs comme un problème puisqu’il vise à son tour, en essayant de n’en avoir jamais l’air, à désigner les blogueuses parlant de leurs TCA comme des criminelles agissant à l’encontre d’autres blogueuses.

    Ce qui rend possible cette réduction sémantique d’un problème médical complexe à un problème de productions d’images et de discours ainsi qu’à leur circulation c’est l’hypothèse, qui a vu son essor dans les années 40 aux USA, qui dit que les médias auraient un effet direct sur ceux et celles qui les utilisent, hypothèse que formule implicitement l’amendement (et sans laquelle rien de ce qui y est écrit n’aurait de sens). C’est une idée qui vient tout droit du XIXème s. et s’est constituée en évidence et en sens commun au fur et à mesure du XXe s. Cette théorie des effets directs des médias, dans une version plus explicitement hygiéniste et moraliste, a déjà fait l’objet de campagnes historiques ciblant tour à tour la lecture des romans par les femmes et/ou les classes populaires (le problème du bovarisme, etc.), les cartes postales pornographiques du début du XXe autant que les sites porno d’internet (et le risque que les adolescents, les colonisés ou les prolétaires tombent dessus par hasard et s’en émeuvent), les bandes dessinées (et leur potentiel de révolte contre la culture petite-bourgeoise des 30 Glorieuses), les jeux vidéos (pour la violence qu’ils déclencheraient chez les adolescents et la perte du sens des réalité, etc)((je ne rajoute pas de liens ici, la littérature scientifique pour chacun de ces exemples est abondante, et les autres postes de ce blog permettent de s’y familiariser largement)). La théorie des effets directs des médias sur les esprits, les psychismes et/ou les corps est particulièrement intéressante en ce qu’elle consiste toujours à invoquer des raisons hygiénistes, sanitaires ou médicales pour justifier l’injonction à réguler l’accès à des médias pour des populations spécifiques, le plus souvent, jeunes et/ou féminines, et/ou non-blanches, et/ou populaires.

    La théorie des effets directs des médias constitue le plus souvent un argumentaire réactionnaire face à des formes médiatiques émergentes qui disparaît avec le passage à la génération suivante (il suffit de constater aujourd’hui que Elvis Presley n’est plus considéré comme le moyen de dévoyer les jeunes femmes, ou que les bandes dessinées ne sont aucunement considérées comme permettant des soulèvements révolutionnaires).

    Abordons maintenant les deux derniers gros paragraphes. La logique qui les anime consiste à revendiquer et légitimer la création d’un nouveau délit visant des personnes qui mettent en danger la vie d’autrui. Le texte part du principe que sur les sites dits “pro-ana” on trouve des techniques pour se purger. Que toutes les personnes fragiles et souffrantes qui naviguent sur ces sites vont les utiliser pour mettre en danger leur vie. Donc qu’il faut sanctionner les personnes qui tiennent et alimentent les sites. Du point de vue de la construction narrative du danger, ce paragraphe se tient, il présente des blessures, des moyens de se blesser, des criminel.le.s, et des victimes, et ce, bien que l’on ait vu que du point de vue de l’assise scientifique de ce récit c’est une catastrophe. Du point de vue de la création juridique du délit, ces paragraphes échouent, et de façon assez paradoxale (mais néanmoins flagrante) : les éléments scientifiques essentiels que l’amendement dissimule, notamment le fait que l’usage des blogs ne génère pas plus de souffrance qu’il n’apporte de soutiens divers et variés, et le fait que les blogs puissent être un lieu de rupture avec l’isolement et un moyen pour les personnes qui y échangent de se soutenir les unes les autres, sont énoncés non pas comme des propriétés positives des blogs, mais comme des points négatifs qui empêchent de punir légalement les auteur.e.s/lectrices des blogs. Rebondissement pour le moins délirant ou bien maladresse (retour du refoulé ?) de la part de la personne qui a rédigé l’amendement (fautes d’accords et syntaxe hasardeuse mises à part), rien ne permet de statuer rigoureusement…

    Cette dernière opération sémantique se charge d’éclairer le statut légal d’une punition des personnes rendues “logiquement” (#LOL) criminelles par les paragraphes précédents. L’amendement fait le constat qu’en l’état actuel du code pénal, les auteur.e.s des sites dits “pro-ana” ne sont pas punissables par la loi. Il stipule la nécessité de créer un nouveau délit car, pour le moment, ces sites ne sont considérés par la loi ni comme mettant en danger la vie d’autrui, ni comme les abandonnant à leur triste sort, bien au contraire. En effet l’amendement révèle que le code pénal n’est pas construit pour parer l’impact qu’il suppose des sites dit “pro-ana” :
    – ils ne relèvent pas de la mise en danger d’autrui car un blog ne remplit en aucun cas les conditions « d’immédiateté » du risque de blessure corporelle, et non pas sur le déclenchement de symptômes fonctionnant sur un épuisement et une usure du corps.
    – ils ne relèvent, par ailleurs, pas non plus d’un délaissement, car dans ce cas, Il faut qualifier « l’abandon » volontaire de la victime à sa condition. le problème noté par l’amendement en dernière instance est celui qui devrait figurer en fait au début de son argumentation : “les sites pro-ana sont bien loin d’abandonner une personne, puisqu’elles (SIC) accompagnent (SIC) dans l’anorexie” !

    Dans une interview au magazine VICE news, le rapporteur du projet de loi, O. Véran, a affirmé qu’il n’était pas question de mettre en prison des personnes malades alors que le seul effet de la rhétorique piteuse de l’amendement n°1052 consiste à criminaliser les personnes exprimant et discutant leurs propres troubles dans des blogs :

    La question est cependant de savoir si ces blogs relèvent de l’apologie de l’anorexie ou du simple témoignage de victime de troubles du comportement alimentaires (TCA). Pour Olivier Véran, cette distinction est une nécessité mais ses modalités doivent « être fixées par décret ». Il insiste sur la nécessité de « ne pas mettre d’anorexiques en prison ».

    Concrètement, alors, qui compte-t-il mettre en prison ? À quoi sert cet amendement dont le texte même rend impossible la punition de qui que ce soit tout en criminalisant les personnes qu’il annonce vouloir défendre ? Est-ce que quelqu’un a véritablement imaginé, visualisé, observé, une bloggueuse non atteinte de TCA passant ses journées à animer des forums et des blogs pour inciter d’autres personnes à se faire vomir ou bien a compter leurs calories de façon obsessionnelle ? Est-ce que quelqu’un au gouvernement et à l’Assemblée nationale a véritablement pris une matinée pour lire les rapports scientifiques qui expliquent (comme l’étude de Riley et Williams par exemple) comment ces sites sont des lieux contradictoires, traversés par des tensions, et accueillent à la fois les pires travers des personnes qui les fréquentent, de leur jeunesse autant que de leurs symptômes, et constitue tout autant un garde-fou pour certaines, un lieu d’écoute, de soutien et d’expression ?

  • Les députés s’attaquent aux mannequins trop maigres - Le Monde
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/03/16/les-deputes-s-attaquent-aux-mannequins-trop-maigres_4594536_3224.html

    Les mannequins trop maigres seront-ils bientôt interdits de podiums et bannis des magazines ? C’est ce que souhaite le rapporteur (PS, Isère) du projet de loi sur la santé, Olivier Véran, qui a déposé deux amendements destinés à combattre la course à la minceur extrême chez les jeunes filles en particulier. La ministre de la santé, Marisol Touraine, a d’ores et déjà annoncé son soutien à cette initiative. Les amendements ont donc de bonnes chances d’être adoptés lors du débat en commission des affaires sociales, qui a lieu du mardi 17 au jeudi 19 mars. La ministre ne s’est cependant pas prononcée sur le détail des dispositions, qui sont donc susceptibles d’évoluer.

    « Il faut donner un coup d’arrêt à l’idée que pour être belle une femme doit quasiment disparaître », explique M. Véran. Première proposition : interdire aux agences de mannequinat de recourir à des jeunes femmes dont l’indice de masse corporelle (IMC) est inférieur à 18 (par exemple 55 kg pour 1,75 m), ce qui signale un état de dénutrition.

    « L’Espagne ou l’Italie, qui ont un rôle important dans la mode, l’ont fait », précise M. Véran. La sanction pourrait aller jusqu’à six mois de prison et 75 000 euros d’amende. Mais qui empêchera les candidates de se faire établir des certificats médicaux de complaisance ? « Comme toute loi, celle-ci pourrait être contournée, cela ne doit pas empêcher de légiférer », répond le député, lui-même médecin.

    #mode #presse_féminine #poids

  • Solvadi, le médicament qui coûte 2,50 euros à produire et que le labo veut vendre 650 euros - Le Nouvel Observateur
    http://tempsreel.nouvelobs.com/sante/20140708.OBS3032/solvadi-le-medicament-qui-coute-2-50-euros-a-produire-et-que-le

    Facturer plus de 650 euros un antiviral contre l’hépatite C alors qu’il ne coûte que 2,50 euros à produire ? C’est le souhait du labo américain Gilead, que des députés veulent combattre.

    Cinq députés de la majorité ont écrit à Michel Joli, président du laboratoire pharmaceutique américain Gilead, pour qu’il baisse le prix de son nouveau médicament contre l’hépatite C, le Solvadi, révèle « Le Parisien », lundi 7 juillet.

    L’initiative des députés PS Gérard Bapt, Catherine Lemorton (présidente de la commission des affaires sociales à l’Assemblée), Olivier Véran, Bernadette Laclais et Jean-Louis Touraine, est inédite. Le prix du médicament, bénéficiant pour l’instant que d’une « autorisation temporaire d’usage », aussi......

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    56.000 euros par patient, 4,8 milliards pour la Sécu ?

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    #Sécurité_Sociale
    #Assurance_maladie
    #laboratoire
    #Médicament
    #Solvadi